Tout est allé trop vite sans que je n’aie bien le temps de tout assimiler pleinement. J’étais en train de faire l’idiot avec Arthur et la seconde d’après Thomas débarque avec sa morale et sa maniaquerie. Il aurait pu rester calmement au salon, mais il a fallu qu’il se lève pour venir tout faire exploser. Tout me semble être une agression dès lors qu’il s’adresse à moi et comme toujours les propos vont trop vite et trop loin. On s’adore, mais dès que l’on n’est plus sur la même longueur d’ondes, tout part toujours dans des extrêmes incontrôlables. En quelques secondes, on se retrouve tous les deux dans la cuisine et voilà que le militaire me fait comprendre le fond de sa pensée. Je ne me suis jamais permis de critiquer sa manière de faire avec les enfants, mais sur ce coup-là, il aurait tout de même pu se retenir. « C’était un brin excessif. » Je n’irais pas plus loin, je n’ai même pas envie de discuter avec lui quand il est comme ça. Il a mal au dos, quelque chose ne va pas avec cet idiot d’Allan et clairement, je crois que les enfants ont été un peu trop forme aujourd’hui.

Déterminé à ne pas me faire remarquer plus que de raison, je commence à ranger la cuisine. Mais lorsque Clara nous interrompt, je laisse tout tomber. Le petit Arthur est en larmes dans le salon et elle semble bien moins rassurer. Je laisse Thomas rejoindre son fils alors que Clara vient se coller à mes jambes. Je finis par la prendre dans mes bras pour aller voir ce qui se passe dans le salon. Arthur demande à voir son père et c’est un vent glacial qui semble s’abattre sur le reste des habitants de cette maison. Il a le visage tout rougi et se cache derrière son doudou le petit bonhomme qui semble bien trop perdu. Thomas lui promet de l’emmener voir son père et dans mes bras Clara commence à se tendre. « Je veux pas que Arthur parte pour toujours. » Un instant, le regard fixé sur la scène qui se déroule dans le salon, je ne réalise pas ce que viens de dire la petite fille. « Hein ? » Puis son regard, empli de larmes, croise le mien. « Oh non ma puce, Arthur, il va pas partir. » Je parle assez fort pour que Thomas m’entende. Comment on a pu passer de deux enfants souriant à des larmes en quelques minutes seulement ? Elle réclame à descendre Clara et dès que je la pose sur le sol, elle court vers son père et son frère. « Je… Je vais peut-être vous laisser. » Parce que je n’ai pas vraiment ma place dans ce tableau-là, après tout.

Peut-être suis-je excessif, peut-être ais-je exagéré. Ou peut-être est-ce Cian qui n'a pas réussi à tenir sa langue ? Peut-être est-ce lui qui s'est montré trop intrusive concernant la façon dont j'élève mes enfants ? Nous avons sans aucun doute une part de responsabilités communes, mais pour le coup je n'ai absolument aucune envie de m'excuser d'avoir été excessif aux yeux de mon meilleur ami. Heureusement -ou malheureusement?- les pleurs d'Arthur m'interdisent de dire quoique ce soit d'autre et je vais directement voir mon petit garçon. En lui demandant ce qui se passe, j'apprends que tout ce qu'il veut c'est de voir son autre père. J'essaie réellement de ne pas réagir négativement, mais c'est réellement compliqué. Toutefois, je lui fait la promesse presque solennelle d'appeler Myrddin dès que je peux -soit quand j'aurais le courage de le faire- et de lui annoncer qu'il manque à son fils.

Sauf qu'un malheur ne venant jamais seul, voilà que Clara panique à l'idée que son frère pourrait partir pour toujours. Je me redresse au moment où ma fille accourt pour venir se jeter dans les bras d'Arthur comme si par ce geste elle voulait le garder pour toujours auprès d'elle. Je lui caresse simplement le dos, cherchant les mots adéquats pour essayer de la rassurer, mais la prise de parole de Cian me sort de mes pensées. Le soldat ne semble soudainement plus du tout à l'aise et décide qu'il est grand temps pour lui de nous laisser seul. Il a déjà presque atteint la porte lorsque je me relève de ma chaise  «Cian ! Attend  » lançais-je alors qu'il est déjà entrain de mettre sa veste

 «désolé » dis-je simplement. Un désolé général et non spécifique, qui concerne autant le fait qu'il ait du venir en urgence pour m'aider, que le fait que j'ai l'ai engueulé ou encore le fait qu'il ait dût assister à toute cette scène.  «Et surtout merci » de t'être occupé de moi, d'avoir redonner le sourire à Arthur pendant quelques minutes et d'avoir eu le courage de me remettre à ma place. Je m'approche de lui, entour un instant ses épaules de mes bras et l'attire contre moi dans une accolade fraternelle et amicale avant de le relâcher  « je te tiens au courant si ça va pas mieux» reprenais-je en me reculant  «Mais si tu pouvais éviter de dire la vérité à Sullivan hein ... » reprenais-je en grimaçant, n'assumant qu'à moitié comment j'ai réussi à me blesser  « Bonne soirée» reprenais-je lorsqu'il ouvre la porte. Je l'observe se diriger vers sa voiture et lui fait encore un signe de la main avant de retourner auprès de mes enfants, me préparant psychologiquement à avoir une longue et intense conversation avec tous les deux.