Il n’a pas envie de rentrer à la maison. Le problème dans une séparation au bout de seize ans, c’est que l’on vit forcément avec l’autre et qu’un moyen de repli est presque impossible. Jacob à des dizaines de maisons à sa disposition mais il ne peut pas se résoudre à aller ailleurs, Olivia n’aime pas la charité : résultat, ils se retrouvent tous les soirs. Résultat : il la voit tous les soirs. Résultat : son cœur se déchire tous les soirs. Il a déjà dormi au bureau plus d’une fois, il a déjà roulé toute la nuit pour rentrer uniquement le lendemain matin, en la sachant déjà partie au travail. Il a déjà trouvé des excuses, esquivé de la croiser. Mais il ne peut pas le faire tous les soirs, pour sa réputation et pour sa santé mentale. Sauf que ce soir, il n’a vraiment pas envie de rentrer. Ce soir, il n’a pas non plus envie d’aller au bar : il se rend compte qu’il y va un peu trop, ces temps-ci, mais il n’arrive pas à s’en empêcher. À vrai dire, ce soir, il a simplement besoin du réconfort et des blagues d’un ami. Et quand il pense à ami, après Marius se loge forcément Jordan. C’est vrai que leur amitié est originale, c’est aussi vrai que c’est à cause du voyage avec lui qu’il a compris que rien n’allait dans son couple, mais ces détails ne le diminuent pas dans ses pensées. Il reste un très bon copain, chez lequel il a envie d’aller. Le tatoué ne l’a encore jamais invité chez lui et pourtant, Jacob connaît son adresse : c’est ça d’être l’agent immobilier de quelqu’un avant de lier une affinité avec. Même s’il n’a pas le droit de le faire – pour des raisons évidentes – le blond fouille dans l’historique des maisons vendues et louées et ne tarde pas à y retrouver Jordan. Il sort son téléphone et entre l’adresse dedans, qui se reliera automatiquement au GPS de sa voiture. La décision a été prise rapidement, il le regrettera peut-être et pourtant, il y va : il découche, ce soir, se laisse une soirée de répit, loin de l’échec que constitue son mariage. Le blond quitte l’agence avant la plupart de ses employés, il n’est que dix-sept heures après tout ; ça a du bon d’être le patron, c’est ce que dirait l’homme chez lequel il se rend. Il roule jusqu’à sa destination, les pensées vides, et se gare au plus proche du domicile de son ami. Après avoir repéré le bon numéro et vérifié le nom sur la boîte aux lettres, il s’approche de la porte d’entrée et appuie sur la sonnette. Le temps de quelques secondes, il se demande ce qu’il fait là, pour qui il se prend de débarquer sans prévenir. S’il faut, Jordan a des invités et a autre chose à faire que de le consoler. Le jeune homme ouvre la porte au bout de quelques réflexions envoyées de Jacob à lui-même : celui-ci a les cheveux dans tous les sens, ce qui fait sourire l’agent. Tu sors du lit ? Il voit la cicatrice qu’il a entre les deux yeux et préfère ne rien demander dans l’immédiat, craignant immédiatement le pire : s’il s’agit d’une agression, il se verrait obligé d’appeler Olivia, ce qui n’est vraisemblablement pas le but de cette visite. Tu aurais une petite place pour moi, ce soir ? Il va droit au but, comme toujours.

@Jordan Fisher

Petite nuit blanche des familles, comme souvent quand tu bosses avec des artistes dans ton studio. Y’a clairement pas d’heure de bureau qui soit quand on est là pour créer de l’art. Quand y’a l’inspiration c’est dur de s’arrêter. Personne ne veut. Vous aviez commencé à 17h pour terminer à 11h ce matin. Tu as dormi cinq heures à tout casser et ça fait plus d’une heure que t’es en train de comater dans ton lit. Tu vas dans tes fichiers via ton iPhone cloud et tu réécoutes les morceaux que vous avez fait cette nuit. T’es clairement encore en train de buzz parce que c’est juste du génie à ton humble avis. C’est toujours tellement magique quand t’es en studio avec des gens avec qui tu vibes fort. Tu n’avais jamais bossé avec eux avant hier et tu n’aurais pas pu rêver mieux. Ils ont été correctement recommandé à ta personne via des artistes avec qui t’as bossé par le passé et ils ne se sont pas trompés.

Quelqu’un sonne chez toi et tu fronces les sourcils comme premier réflexe. « Quoi? » Et tu te souviens que tu t’es un peu ouvert le front y’a peu de temps. La douleur se faisant ressentir, mais t’es vite habitué. En premier tu te demandes si t’as oublié que t’allais avoir de la visite aujourd’hui. Du travail? Des amis ? Quelqu’un ? Tu vas ouvrir ton calendrier sur ton téléphone et tu ne vois rien pour la date d’aujourd’hui. D’ailleurs la date d’aujourd’hui laquelle est-t-elle exactement parce que t’es encore un peu décalé. Du coup tu te résous à te lever histoire au moins de regarder par la caméra de qui il s’agit. Tu enfiles un hoodie qui traine parce que t’aimes pas rester torse nu devant des gens. Tu portes un short et t’as aucune idée de la gueule que t’as là, tu t’en fiches royalement. Jake. Tu fronces de nouveau les sourcils parce que c’est clairement pas un truc habituel. Et tu as re-mal la tête pendant un bref instant. Et tu descends au rez de chaussé parce que clairement si y’a quelqu’un qui fait parti des gens que tu peux recevoir à n’importe quel heure du jour ou de la nuit, c’est Jacob.

Tu sors du lit ?
« J'étais réveillé t'inquiètes.. »

Tu hoches la tête te souvenant de ne pas froncer les sourcils cette fois alors que la lumière du jour t’éboulis. Tu recules rapidement pour être à l’ombre de chez toi.  Tu aurais une petite place pour moi, ce soir ? Tu hoches de nouveau la tête. « Ouais. Entre. » Tu sens que ça pue pour qu’il veuille rester chez toi ce soir. Tu fermes la porte derrière lui et monte à l’étage où se trouve ton espace de vie. Le bas étant uniquement composé de ton studio et ton garage desquels vous pouvez voir seulement les portes de là où vous vous trouvez dans ce hall d’entrée. « Faut changer les draps de la chambre d’amis. Y’a eu du passage dernièrement. » C’est pas crade, c’est juste des gens qui ont dormi dedans, mais une partie de toi aime que les lits soient frais pour les nouveaux invités. T’es tous les jours un peu plus fier d’avoir fait cette chambre d’amis vu combien elle est usé très régulièrement. « Je te filerai les draps. » Parce que t’es décalqué là, t’as pas la motive. Et vous arrivez dans ton salon qui est composé d’une immense collection de vinyl et cds. La cuisine étant ouverte sur le salon, une baie vitrée également donnant sur ton immense terrasse. « Fais comme chez toi. » Un grand canapé d’angle se trouvant dans la pièce ainsi qu’une table composé de six chaises. L’endroit est vraiment spacieux. Y’a un vinyl sur ta table basse que tu n’as pas encore rangé. C'est le dernier album de Halsey Manic. « Tu veux un café ? Un truc? » Que tu dis alors que te diriges vers la cuisine car tu as soif.

Jacob est un homme très arrangeant qui essaie de ne jamais déranger les autres, sauf quand il n’a réellement pas le choix. Quand il doit faire passer en priorité ses affaires, par exemple : sa société passe avant le reste, ça a toujours été le cas – sauf concernant Olivia. Et pourtant, en cette fin d’après-midi, il n’a pensé qu’à lui-même et à son souhait d’aller partout, hormis chez lui. Il a évalué tous les éléments et c’est Jordan qui a fini par monopoliser son esprit. Il aurait pu lui envoyer un message, rien que cela ; lui demande s’il était occupé, et si ce n’était pas le cas, s’il était d’accord pour le recevoir. Un message, signe de respect, de politesse, d’attention aussi. Il n’en a rien fait et s’est pointé chez lui, les mains vides qui plus est, avec une demande bien spécifique. Le blond lui ouvre, l’air absolument pas réveillé, une cicatrice entre les deux yeux. Il pourrait le renvoyer d’où il vient, râler de ne pas avoir été prévenu et lui dire que ça ne se fait pas. Mais il s’agit de Jordan, et les deux hommes sont bien trop amis pour ne pas pouvoir compter sur l’un et sur l’autre. Si les rôles avaient été inversés, Jacob aurait également ouvert sa porte au tatoué. J’étais réveillé t’inquiètes… Le blond se retient de lui dire que ça ne se voit absolument pas et lui demande s’il peut passer la nuit chez lui. Ouais. Entre. Jordan ne pose pas la moindre question, ça fait du bien à Jacob. Il a l’impression de devoir des comptes au monde entier, depuis sa séparation : tout le monde lui dit que quelque chose cloche dans son comportement, qu’il a l’air malheureux, qu’il peut en parler s’il le veut. Sauf qu’il ne le veut jamais, mais tout le monde sait que cette phrase veut dire « raconte, ou je vais me vexer ». Et puisque Jacob est très arrangeant, une fois de plus, il raconte sans le vouloir. Exprimer sa séparation, c’est comme la revivre inlassablement – comment s’éloigner mentalement d’Olivia s’il est obligé d’en parler constamment, de la voir régulièrement ? Il ne sait pas. Il espère au fond de lui-même qu’il n’y a rien de définitif dans cette décision, mais rien n’est certain pour l’heure. Le mot divorce n’a pas été prononcé, il n’a pas l’intention de le faire, mais il préfère rester sur ses gardes. Si tout peut changer du jour au lendemain après seize ans, il préfère ne plus se reposer sur quoi que ce soit. Faut changer les draps de la chambre d’amis. Y’a eu du passage dernièrement. Apparemment, Jacob n’est pas le seul à rendre visite au tatoué. Je te filerai les draps. Il hoche son visage de haut en bas. Je te remercie. De l’accueillir, de lui donner un lit, des draps, de l’attention. Pour tout, en fait. Il le suit jusqu’au salon. Fais comme chez toi. Tu veux un café ? Un truc ? Il hausse ses épaules et va s’asseoir sur le canapé. Il regarde un peu autour de lui, puis repose son regard sur Jordan. J’ai envie de rire, de passer une bonne soirée. Et Jordan est le compagnon parfait pour ça, la jeune incarnée, celui qui le fait le plus rire de tous ses amis. On se commande une pizza ? Il demande, avant de détourner le regard. Pour te la faire courte, Olivia et moi sommes séparés, mais on vit toujours ensemble. Il soupire longuement en laissant sa tête tomber en arrière, reçue par le moelleux du coussin. Du coup, je veux la fuir un peu ce soir. La maison ou Olivia elle-même, il ne sait pas trop.

Je te remercie. Aussi poli qu’un enfant de choeur celui là. Comme toi quand on te rend le moindre service parce que t’as toujours pas l’habitude qu’on te vienne en aide. Tu préfères te démerder tout seul tout le temps et tu sais qu’il est pareil. Tu sais que ça doit lui coûter d’être là et de te demander de passer la nuit.

L’estomac vide depuis bien trop longtemps mais tu te contentes de chercher de quoi boire car t’as pas envie de manger. Tu commences à sortir ce qu’il faut pour te faire un chocolat au lait alors que tu vois de ta vue périphérique que Jacon s’installe dans ton canapé. Good. Tu veux vraiment qu’il fasse comme chez lui. T’attends de voir ce qu’il veut suite à ta proposition. J’ai envie de rire, de passer une bonne soirée. Ah. Pas ce que tu pensais quand t’as proposé un café mais c’est carrément plus dans tes cordes ça.« Je peux ça. » Faut juste que tu te réveilles bien avant et vu sa présence et le chocolat au lait qui va bientôt être dans ton organisme, tu sens que tu vas avoir un beau regain d’énergie très vite. On se commande une pizza ? « Yes. » Tu hoches la tête alors que tu vas le rejoindre sur le canapé avec ton mug dont l’inscription I love tits peut être lu. Pour te la faire courte, Olivia et moi sommes séparés, mais on vit toujours ensemble. « Oh fuck. » Tu t’attendais pas à un truc d’une telle envergure. Juste une dispute ou il a oublié ses clés et il a honte d’appeler quelqu’un parce que sa femme n’est pas chez lui. Ou justement sa femme a besoin de la place pour une soirée. Tout mais pas ça.

Du coup, je veux la fuir un peu ce soir.
« Tu m’étonnes… Merde. »

Tu sors pas l’habituel désolé parce que c’est pas ta faute et tu comprends vraiment pas pourquoi les gens disent ça bien trop souvent. « Grace est en voyage pour quelques semaines, tu peux rester ici en attendant. La chambre est dispo. »  Que tu proposes de la manière la plus naturelle qu’il soit parce que, ben c’est normal. C’est Jacob et il est vraiment dans la merde là. Tu veux même pas imaginer la situation, son état émotionnel. « J'te file un double des clés. » Tu lui fais une confiance aveugle. Il risque juste de te rendre ta maison et ta chambre d’amis plus propre que quand il est arrivé.

Il savait qu’en venant ici, il ne risquait pas de se heurter à un mur de questions. D’autres le font sans s’en rendre compte, ont besoin qu’on leur explique tout de A à Z pour se sentir suffisamment impliqués et agir en conséquences. Avec le jour funèbre que Jordan et Jacob partagent, les deux hommes n’ont plus besoin d’en arriver là : tout ce que l’autre pense, l’autre l’a déjà imaginé également, et tout ce que l’autre vit, l’autre est là pour l’aider à le surmonter. C’est comme ça depuis qu’ils entretiennent cette amitié spéciale et ça ne changer pas de sitôt, Jacob l’espère du plus profond de son cœur. Si tout semble se détériorer autour de lui, il y a au moins ce lien-là qui reste intact, intouché, invincible : il ne pensait réellement pas qu’il deviendrait l’un des plus importants à ses yeux, mais la preuve en est : il est rassuré, maintenant qu’il est assis sur son canapé, rassuré, maintenant que le blond est là pour lui. Je peux ça. Il peut le faire rire et Jacob n’en doute pas, c’est naturel chez lui : il a pourtant un caractère qui détonne énormément avec celui de l’agent immobilier. Les opposés s’attirent, c’est le cas dans cette relation, ils sont complémentaires. Jacob apporte le sérieux nécessaire, Jordan l’humour dont ils raffolent tant. Et à deux, ils forment de loin le meilleur des duos. Le blond a faim, il n’est pas de ceux qui se privent lors d’une rupture. Certains cassent les codes et n’avalent plus rien, perdent du poids, deviennent une personne différente. Lui, il a un appétit habituel – c’est sa soif qu’il a du mal à étancher, mais ce n’est qu’un détail, selon lui. Yes. Le blond sort son téléphone et tape « pizza » dans google pour avoir les résultats des pizzerias les plus proches. Ils vont se faire livrer, de sûr, mais il compte bien viser celle qui a cinq étoiles. On est perfectionniste jusqu’au bout, ou on ne l’est pas. Jordan vient s’asseoir à côté de lui et le blond esquisse un léger sourire en voyant ce qu’il y a marqué sur sa tasse. Oh fuck. Ouais, il sait, ça craint : personne ne l’imaginait capable de se séparer de sa femme. Personne, ni lui, ni Olivia. Ils sont les premiers bouleversés, la preuve en est ce soir, avec ce besoin d’éloignement – pour se retrouver lui-même. Tu m’étonnes… Merde. Il hausse ses épaules, sans ajouter la phrase qui va avec ce geste : c’est la vie. Il a été heureux durant tellement d’années qu’il n’est même pas capable de se plaindre. Il n’ira pas jusqu’à dire qu’il le mérite à avoir tant profité, mais presque. Grace est en voyages pour quelques semaines, tu peux rester ici en attendant. La chambre est dispo. J’te file un double des clés. Il secoue doucement son visage. T’es gentil. Il l’est, et même un peu trop, aux yeux de Jacob. Je vais rester ici ce soir mais après, je vais rentrer chez moi. Même si on est séparés, on vit encore ensemble. Et elle est flic. Je pense que deux nuits loin de la maison et ma tête sera placardée partout en ville. Il abuse, il le sait, mais il n’a pas l’intention d’abandonner Olivia. Leur mariage est en péril, leur couple inexistant, mais il réside entre eux un lien qu’il n’a pas le droit de briser. Tu prends quoi comme pizza ? Il demande finalement, il a trouvé une pizzeria dans le coin qui lui semble pas mal. Montagnarde, moi. Je pense qu’il n’y a pas de saison pour du bon fromage. Et puis, c’est réconfortant. Il a tous les arguments du monde pour justifier son choix, oui.

T’es gentil. Pas avec tout le monde mais ouais, pour Jacob tu ferais réellement beaucoup. Je vais rester ici ce soir mais après, je vais rentrer chez moi. Même si on est séparés, on vit encore ensemble. Et elle est flic. Je pense que deux nuits loin de la maison et ma tête sera placardée partout en ville. Hmm. Tu savais que Olivia était flic mais son travail ne vient pas souvent sur le tapis quand vous êtes ensemble. Cette simple évocation te fait remonter en arrière de quelques semaines quand tu es tombé sur cette meuf flic à la fête foraine. T’as eu des idées très impures à son propos. Tu as toujours eu un fantasme sur les pompiers mais tout porte à croire qu’une meuf flic ça fait aussi son effet. T’es du coup encore plus triste pour Jake, y’a vraiment rien de joyeux dans cette nouvelle. Tu sais combien ils s’aiment, s’aimaient ? Quelque chose te dit qu’ils s’aimeront toute leur vie quoi qu’il en soit. Tu essaies de te mettre à sa place, imaginant Rosa toujours parmi les vivants mais qui ne serait plus tienne. Plutôt mourir. Va vraiment falloir que tu sortes ton plus beau game pour le faire sourire car même toi t’as envie de te rouler en boule là. Tu prends quoi comme pizza ? Le nez dans ton mug tu bois quelques gorgées. Montagnarde, moi. Je pense qu’il n’y a pas de saison pour du bon fromage. Et puis, c’est réconfortant.

« Mets en deux. Je connais pas. » Si Jacob aime, ce sera forcément bon et t’as aussi envie de ce réconfort là. T’aurais envie de lui demander s’il a déjà fait des trucs avec des menottes ou un flingue avec sa femme mais clairement c’est pas approprié. Tu verras ça dans quelques années quand il arrivera à en rire, s’il y arrive. Oui. Parce que tu as confiance en Jacob pour se remettre sur ses pieds. Tu essaies surtout de penser au mieux car tu sais pertinemment que ça va être tout sauf facile maintenant qu’il se retrouve totalement seul. « On se prend des glaces aussi ? Y’a un shop qui livre des trucs de dingue avec des parfums délicieux. Je sais déjà ce que je vais prendre. Sundea noisette pistache avec nappage chocolat je salive déjà d’y penser. » Ca c’est du giga petit déj, entre la pizza et la glace. Tu te lèves deux secondes pour aller récupérer ton téléphone que tu avais laissé sur le plan de travail de la cuisine. Tu reviens, déjà sur Ubereats pour commander le dessert de ton côté. Tu sais que tu vas avoir assez bouffé pour 24 heures avec tout ça. Tu passes ton téléphone pour qu’il fasse son choix et tu te détournes pour aller mettre de la musique. Tu te postes devant tes CDs et Vinyl pour t’inspirer sur ce qu’il serait le mieux à mettre pour changer les idées de Jacob. Ce dernier va avoir le bonheur de voir une notification apparaître en haut de ton téléphone.

Birdie point météo : températures hautes à venir      

Et toi t’es en train de te rendre compte que t’as vraiment beaucoup trop d’albums de la déprime. Tout est soit en rapport avec l’amour soit avec la dépression, y’a rien qui va pour l’humeur que tu veux mettre. Tu te décides sur le premier album de Lady Gaga The Fame.. Tu mets le disque dans ton lecteur et les premières notes de Just dance se font entendre. Aussitôt un sourire se forme sur tes lèvres parce que tu aimes beaucoup trop cet album. Ca fait longtemps que tu ne l’avais pas écouté. Tu te sens réveillé tout d’un coup et il va falloir que tu donnes beaucoup de ta personne pour pas chanter à tue tête (et danser aussi). Tu retournes sur le canapé aux côtés de Jacob. « On va se faire un festin. I love this record baby but I can’t see straight anymore…! » Vraiment intenable.

Ça ne fait que quelques minutes qu’il est là et déjà, il se sent plus écouté qu’avec n’importe qui d’autre : Jordan sait le mettre à l’aise, sait lui montrer qu’il a toute son importance et qu’il est là pour lui. Rapidement, le sujet dérive sur le plat qu’ils vont commander. Jacob n’est pas là pour parler des circonstances de sa rupture et de l’effet que ça lui fait : il n’a pas envie de dévoiler au monde entier que sa femme voyait d’autres hommes, ni de dire qu’il a l’impression d’être mort à l’intérieur. Et même s’il s’agit que de Jordan et non du reste de l’univers, il préfère éviter de s’enfoncer dans ces pensées-là. Se perdre dans les menus des pizzerias pour dégoter la meilleure et commander sa favorite lui semble être une meilleure façon de commencer la soirée – la fin d’après-midi, plutôt – avec son ami. Il lui fait l’éloge de la montagnarde, celle qu’il mange sans faim dès qu’ils se font une soirée comme ça avec Olivia. Dès qu’ils se faisaient une soirée comme ça. Mets en deux. Je connais pas. Il appuie sur le bouton de son téléphone et valide la commande dans la foulée, qui lui indique que les pizzas arriveront dans une trentaine de minutes. C’est avec de la crème, des lardons et des pommes de terre. Bien gras, bien gourmand, bien réconfortant. Il pourrait présenter cette pizza avec la même passion qu’un bien immobilier, qu’on se le dise. On se prend des glaces aussi ? Y’a un shop qui livre des trucs de dingue avec des parfums délicieux. Je sais déjà ce que je vais prendre. Sundae noisette pistache avec nappage chocolat je salive déjà d’y penser. La description du dessert attire Jacob qui finira sûrement pas prendre comme Jordan : il a toujours du mal à choisir quand il faut commander, quand c’est ailleurs qu’au restaurant – là-bas, il regarde les assiettes des autres et écoute l’avis du serveur. Sur une application, se référer aux photos ne l’inspire pas. Alors quand on lui donne un avis, il le prend et n’en change que rarement. Il se lève du canapé et va chercher son téléphone pour passer la commande de son côté, ils vont tous les deux payer une part de ce repas improvisé. Le tatoué lui tend le téléphone et Jacob commence à faire défiler le menu, et comme il l’avait envisagé, son regard ne percute sur rien en particulier. Si ce n’est sur cette notification qui apparaît sur le haut de l’écran et qui lui décroche forcément un léger sourire. Le blond ne dit rien tout de suite et rajoute une glace comme la sienne à la commande avant de valider et de reposer le téléphone à côté de lui. On va se faire un festin. I love this record baby but I can’t see straight anymore… ! Jordan a l’air de bonne humeur et forcément, ça déteint sur l’autre blond. Mieux vaut ça que l’inverse, c’est ce que recherchait le plus âgé des deux en lui rendant visite : qu’il lui redonne le sourire, qu’il l’aide à passer une agréable soirée. Dis-moi, la glace, c’est vraiment par envie d’une gourmandise ou pour te refroidir face aux messages de… Birdie, c’est ça ? Il n’est plus sûr du prénom. Un sourire taquin se dessine sur ses lèvres alors qu’il pose ses yeux sur lui. Je veux tout savoir. Même s’il n’est peut-être pas en couple avec elle, il trouve ça intéressant de se plonger dans l’univers amoureux de Jordan – ça le fera sortir du sien, enfin, d’oublier que plus rien ne va et que plus rien n’ira.

C’est avec de la crème, des lardons et des pommes de terre. Bien gras, bien gourmand, bien réconfortant. Okay. Alors tu ne t’attendais pas à ça. Une pizza avec de la crème des patates et des lardons? Tu te sens déjà au sol parce que tu vas être rempli comme jamais. Mais maintenant que tu t’es investit dans cette pizza pour le suivre, tu vas être obligé de la manger. Heureusement y’a le disque de Gaga qui tourne et qui te fait bien vite oublier la pizza alors que tu ne peux pas t’empêcher de chanter. Installé à côté de Jacob tu récupères ton téléphone pour voir dans combien de temps vos glaces vont arriver. Dis-moi, la glace, c’est vraiment par envie d’une gourmandise ou pour te refroidir face aux messages de… Birdie, c’est ça ? Tu changes aussitôt l’app de ton écran pour aller voir tes messages. Un sourire très amusé sur tes lèvres alors que tu t’attends au pire. Je veux tout savoir. Tu lis les mots de Birdie et ton sourire est encore plus grand - si c’est possible.

« T’as de la chance elle est restée sage là. » Comme si Jacob était du genre à être choqué pour ce genre de truc. La vérité c’est que tu n’en as aucune idée puisque vous ne parlez pas de ces choses là d’habitude. « Y’a pas grand chose à savoir. On s’amuse bien. Beaucoup. Beaucoup trop. » Le visage illuminé que tu portes montre bien que tes mots sont bien faibles à côté de la réalité des choses. Tu n’oses quand même pas dire des mots plus précis à Jacob. Tu le regardes, amusé. « C’est donc ça la gêne de parler de cul avec son paternel ? » Que tu dis de manière la plus naturelle qu’il soit. C’est pas un secret que tu trouves en Jacob une figure parentale mais tu ne sais pas si tu lui as dit de manière aussi claire que ça. « Est-ce que c’est le moment où je te fais mon coming out aussi? Je sais pas comment ça marche ces trucs. » Mais t’es assez bête pour continuer tes conneries et en mettre une couche de plus. « Non mais je sais pas quoi te dire en vrai. Tu veux savoir quoi ? Promis je dis toute la vérité rien que la vérité. » Que tu essaies de dédramatiser doucement mais sûrement. Cela dit t’es quand même pas totalement chill à t’imaginer lui parler de tes pratiques sexuelles avec Birdie ou avec quiconque.

Le blond a l’air de se décomposer face à la composition de la pizza, justement. Lui qui est réveillé depuis peu de temps va avoir un petit-déjeuner bien consistant, qu’il n’oubliera certainement pas de sitôt. Entre ça et la glace, le blond va sûrement rouler dans tout son appartement jusqu’à s’en remettre. Il est pas bien épais, Jordan, pourtant il consomme : les deux hommes ont déjà mangé plus d’une fois ensemble et ça impressionne le plus âgé de le voir manger tant sans prendre un gramme. Beaucoup d’hommes – et de femmes – doivent l’envier pour son métabolisme. À vrai dire, Jacob ne parle pas de ça puisqu’un sujet plus intéressant encore semble s’être imposé à lui : la nature de la relation entre le tatoué et une certaine Birdie. Il reprend son téléphone et lit le message à son tour et, comme un gosse, se met à sourire grandement. T’as de la chance elle est restée sage là. Y’a pas grand-chose à savoir. On s’amuse bien. Beaucoup. Beaucoup trop. Il y en a au moins un des deux qui profite, ça fait sourire Jacob. Il préfère prendre la bonne humeur de Jordan et s’inspirer de la relation qu’il mène avec elle plutôt que de lui refiler sa tristesse et l’envie de ne plus rien avoir, en rapport avec son mariage avec Olivia. C’est donc ça la gêne de parler de cul avec son paternel ? Cette phrase fait hausser un sourcil à Jacob, qui reste suspendu aux lèvres du plus jeune. Ils n’ont jamais eu besoin de le mentionner à haute voix pour comprendre ce lien qui les unie, qui ne peut être brisé : ils sont comme un père et son fils, malgré qu’ils n’aient que 11 ans d’écart. C’est spirituel et plus fort qu’eux, peu importe si ça dépasse l’entendement. Est-ce que c’est le moment où je te fais mon coming out aussi ? Je sais pas comment ça marche ces trucs. Le blond se replace un peu sur le canapé pour bien faire face à Jordan, assez intrigué par le discours qu’il mène. Il l’a toujours vu avec des femmes : il l’a rencontré quand il perdait la sienne, surtout. Et ensuite, la question ne s’est jamais réellement posée pour lui. Non mais je sais pas quoi te dire en vrai. Tu veux savoir quoi ? Promis je dis toute la vérité rien que la vérité. Ça, ça fait rire le blond. C’est mon père qui était juge, pas moi, tu as le droit de me parler sans que ce soit sous serment. Il lui assure, avant de hausser ses épaules. Je ne sais pas trop quoi dire ou demander, à vrai dire. Je ne m’attendais pas à cet aveu-là, par contre. Son coming out, comme il a dit. Tu fréquentes des femmes autant que des hommes ? Il pose la question clairement. Et pour que ça ne paraisse pas louche, il s’empresse d’ajouter quelque chose. Ce n’est que de la curiosité, je te rassure, je suis content pour toi. Pour lui, chacun fait ce qu’il veut. Lui, il est hétéro et l’assume, pourquoi d’autres ne pourraient pas assumer de la même manière que lui, seulement sous prétexte que ce n’est pas la même chose ? Ça lui semble incompréhensible. Et puis, même Olivia n’est pas hétéro, elle est plus du genre à tomber amoureuse d’une âme que d’un corps, alors oui, juger serait vraiment absurde. Tu es en couple avec elle ? Ou c’est juste passager ? Vous vous connaissez d’où ? Tout ça, quoi. Il se doute que le blond ne va pas lui raconter une grande histoire d’amour mais son histoire peut largement l’aider à décrocher de la sienne le temps d’une soirée, et c’est tout ce dont il a besoin.

C’est mon père qui était juge, pas moi, tu as le droit de me parler sans que ce soit sous serment. Ca te fait marrer qu’il rebondisse de cette façon là. Le truc c’est que tu ne mens jamais quoi qu’il arrive. Jamais. Tu préfères rester silencieux que de te lancer dans une spirale infernale de mensonges que tu ne sauras pas gérer car tu as aussi une mémoire de merde. Tu as déjà vécu un mensonge parti en couille et c’est allé au delà que tout ce que tu aurais pu penser. Plus jamais ça. Je ne sais pas trop quoi dire ou demander, à vrai dire. Je ne m’attendais pas à cet aveu-là, par contre. Ca te fait bizarre parce que c’est réellement le premier coming out de manière si officielle que tu fais de ta vie. Autant le sujet arrive toujours d’une façon ou d’une autre avec les gens et tu en as rien à foutre de leurs réactions parce que c’est qui tu es et ils vont tous se faire foutre s’ils sont pas content, autant t’as quand même l’impression de cocher une case dans la liste des choses normales. T’as tellement voulu être normal toute ta vie que même si tu assumes à 300% être différent de beaucoup, ça te fait du bien de voir que tu passes ce palier de la vie. Le coming out à ton paternel, ou en tout cas, ce qui s’en rapproche le plus. Tu fréquentes des femmes autant que des hommes ? Il a des questions et il les pose. Ca te fait plaisir d’ailleurs qu’il ose. Votre relation est si seine. Tu donnerais tout pour qu’il soit réellement ton père. Tu ne serais certainement pas la personne que tu es maintenant. Tu serais meilleur. Ce n’est que de la curiosité, je te rassure, je suis content pour toi. Ce commentaire te fait sourire. Tu jettes un coup d’oeil à ton écran pour voir où on est ta commande de glaces alors que tu lui réponds en même temps.

« C’est différent… J’ai l’impression qu’avec les mecs c’est surtout physique et les meufs y’a des sentiments en plus au milieu mais… Enfin ça a été comme ça jusqu’à maintenant en tout cas. » Tu es en couple avec elle ? Ou c’est juste passager ? Vous vous connaissez d’où ? Tout ça, quoi. Tu lâches un léger rire. « Nan nan on est pas en couple. Elle est complètement fucked up je veux même pas y penser mais y’a plus que juste du sexe ouais. J’ai pas de mots pour nous définir. On s’apprécie beaucoup. » Ca te fait rire de t’en rendre compte. De plus tu n’as réellement été en couple qu’avec Rosa maintenant que t’y penses. « On s’est rencontré à une soirée déguisé l’année dernière. Nos potes sont devenus potes. On s’est revu quelques fois du coup et récemment elle m’a chauffé plus que d’habitude et on est passé au level au dessus. » Tu ris de nouveau comme tu racontes ça.  « Mais on est clairement pas ensemble. Ca m’arrange bien parce que j’ai la flemme d’aller sur Tinder et les trucs comme ça. » Tu penses à un truc. « D’ailleurs elle vient de se marier mais n’a pas l’air de prévoir qu’on arrête de se voir donc… Elle me dit pas grand chose sur elle mais ça a l’air compliqué. » Tu parles beaucoup Jordan dis donc. « Enfin je m’en fou, elle m’a dit que son mari viendra pas me casser la gueule, ça me suffit. » Tu fais pas chier les gens avec des questions sur leur vie. Ils sont bien libre de faire ce qu’ils veulent. « Je sais pas si je saurai être en couple avec quelqu’un d’autre que Rosa. ‘Fin y’a personne qui lui arrivera à la cheville. Je pense pas avoir envie de faire des compromis avec quelqu’un d’autre un jour. Enfin… On verra. » Tu aimerais bien son avis sur la question à Jacon mais tu n’oses pas le lui demander directement. Est-ce qu’il a connu quelqu’un avant Olivia ? Est-ce qu’il a aimé plusieurs femmes ? Ca sonne comme des sujets assez sensible à l’heure actuelle pour lui. Ou pas ?

Jacob n’est là que depuis quelques minutes et déjà, ils sont lancés sur un sujet que ni lui, ni Jordan n’a envie de lâcher : parce que c’est intéressant, parce que ça les aide tous les deux à penser à quelque chose. Le plus âgé des deux oublie l’échec de son mariage pour se concentrer sur les histoires de son ami, tandis que l’autre raconte ce qu’il vit actuellement, ce qui semble le rendre assez heureux. C’est suffisant, c’est convaincant, c’est plaisant. Et l’agent immobilier ne se fait pas prier pour poser quelques questions indiscrètes, ils font fuir tous les tabous, entre eux, et ça lui plaît énormément. C’est différent… J’ai l’impression qu’avec les mecs c’est surtout physique et les meufs y’a les sentiments en plus au milieu mais… Enfin ça a été comme ça jusqu’à maintenant en tout cas. Il arrive à comprendre où veut en venir Jordan. Il se dit que peut-être, c’est différent pour établir des sentiments envers un homme, au travers de ce que ceux-ci peuvent ressentir, de la manière dont les émotions sont interprétées. Il a déjà été touché par des hommes, amicalement parlant, mais n’a jamais été pris aux tripes comme avec une femme – même seulement amicalement parlant, du coup, pour appuyer l’exemple. Pour Birdie, il lui pose quelques questions basiques, ce qu’ils sont entre autres. Nan nan on est pas en couple. Elle est complètement fucked up je veux même pas y penser mais y’a plus que du sexe ouais. J’ai pas de mots pour nous définir. On s’apprécie beaucoup. Il n’a jamais eu de relation comme celle-ci, juste pour le physique. Il faut dire qu’il a connu Olivia quand il était assez jeune et qu’avant elle, il n’a jamais cherché à se caser : sa carrière passait avant tout le reste, le fait de rendre fier son père également. On s’est rencontré à une soirée déguisé l’année dernière. Nos potes sont devenus potes. On s’est revu quelques fois du coup et récemment elle m’a chauffé plus que d’habitude et on est passé au level au dessus. Non, vraiment, il n’a jamais vécu ça. Mais on est clairement pas ensemble. Ça m’arrange bien parce que j’ai la flemme d’aller sur Tinder et les trucs comme ça. Il sait ce qu’est tinder grâce aux publicités, il n’est pas si vieux jeu que ça, mais il n’a jamais ouvert une de ces applications. Seize ans de relation, ça force le respect et l’inconnu au travers des nouvelles manières de se rencontrer. D’ailleurs elle vient de se marier mais n’a pas l’air de prévoir qu’on arrête de se voir donc… Elle me dit pas grand-chose sur elle mais ça a l’air compliqué. Il fronce les sourcils à ces mots, est-ce qu’il a bien entendu ? Enfin je m’en fou, elle m’a dit que son mari viendra pas me casser la gueule, ça me suffit. Il le laisse poursuivre même si cette information lui reste au travers de la gorge. Est-ce que Olivia a dit ça aux hommes qu’elle a fréquenté le temps d’une nuit, elle aussi ? Que son mari n’irait pas leur casser la gueule ? Son mari n’était pas au courant, évidemment qu’il n’y est pas allé : celui de Birdie l’est-il ? Je sais pas si je saurai être en couple avec quelqu’un d’autre que Rosa. ‘Fin y’a personne qui lui arrivera à la cheville. Je pense pas avoir envie de faire des compromis avec quelqu’un d’autre un jour. Enfin… On verra. Ce que vit Jordan doit être compliqué, Jacob a du mal à faire le parallèle entre sa vie et la sienne : car Olivia est vivante, car leur séparation est un choix, car ils pourraient se réconcilier demain comme jamais. Hé ben… Il dit, dans un léger sourire, en jetant un coup d’œil à son téléphone pour voir dans combien de temps les pizzas arrivent : il suit l’exemple de l’autre blond qui regarde toutes les deux secondes, ses glaces doivent valoir le coup. Je… Je vais être obligé de rebondir sur quelque chose, avant. Il admet, d’un ton légèrement endurci que lorsqu’il a posé ses premières questions, mais il n’y peut rien. Est-ce que tu es sûr que son mari sait pour toi ? À entendre le récit de Jordan, ce n’est peut-être pas le cas. Parce que, personnellement, je ne savais pas. Il souffle légèrement avant de détourner le regard. Que Olivia me trompait, je ne le savais pas. L’admettre à voix haute est difficile, très difficile. Il serre les dents puis repose ses yeux sur lui. J’imagine que si elle t’a dit ça, c’est qu’il doit savoir et qu’ils ont une relation libre. Mais tu devrais t’en assurer avant de peut-être rendre un autre homme malheureux, il n’a rien demandé, lui. Lui, il n’oserait pas toucher à la femme d’un autre, même si c’est le temps d’une nuit et que ça ne l’engage à rien personnellement. Il n’est personne pour briser un couple, tout comme les personnes ayant pu profiter Olivia n’avaient pas le droit de le faire. Elle n’est pas la seule fautive, dans l’histoire, il en est bien conscient. Et sinon… Je ne m’imagine pas refaire ma vie avec une autre personne qu’Olivia, moi non plus. La confiance en soi se construit avec la confiance que l’on a en l’autre, du moins, pour ma part. Elle savait de moi ce que j’ignorais moi-même et notre complicité n’avait aucun égal. Il hausse ses épaules. Je pense que quand on trouve la personne avec qui on doit passer le restant de ses jours, on le sait facilement. Moi c’était Olivia, toi c’était sûrement Rosa, mais tu as raison de t’amuser comme tu le fais. Et qui sait, peut-être que tu prouveras à tout le monde que l’on peut se reconstruire, tu rencontreras une personne différente. Il a encore de longues années devant lui. Jacob a passé près de la moitié de sa vie avec Olivia, c’est déjà plus dur à imaginer de son côté que de celui de Jordan, surtout que pour lui il y a la possibilité que ça reprenne un jour, alors que pour son cadet non, puisque la mort a fait de son mieux pour les séparer. Tu sais, si tu as besoin d’un conseil, une question, quelque chose, je veux bien jouer au vieux sage. Il hausse ses épaules, il est là pour l’écouter et l’aiguiller. Paternel, il a dit, non ? C’est mon rôle. Il ne peut que l’appuyer, que le répéter : il vient  de lui offrir cette chance, et il accepte de la prendre.

Hé ben… Tu as vraiment beaucoup parlé Jordan et il t’a écouté religieusement comme tu apprécies que quelqu’un le fasse. Je… Je vais être obligé de rebondir sur quelque chose, avant. Oh oh. Tu sais pas pourquoi mais tu sens que y’a un truc très - trop? - sérieux là dessous. Est-ce que tu es sûr que son mari sait pour toi ? Ah. Ca. Parce que, personnellement, je ne savais pas. Hein ? Il connait le mari de Birdie?  Que Olivia me trompait, je ne le savais pas. Oh fuck. Tu comprends, tu réalises doucement où il se trouve à l’heure actuelle et le parallèle avec ta situation vis à vis du mari de Birdie. J’imagine que si elle t’a dit ça, c’est qu’il doit savoir et qu’ils ont une relation libre. Mais tu devrais t’en assurer avant de peut-être rendre un autre homme malheureux, il n’a rien demandé, lui. Tu hoches la tête et comme t’as pas de cerveau tu retournes scroller tes messages parce que vous aviez parlé de son mari. Mais non, rien sur l’éventualité d’une union libre entre elle et lui. Et sinon… Je ne m’imagine pas refaire ma vie avec une autre personne qu’Olivia, moi non plus. La confiance en soi se construit avec la confiance que l’on a en l’autre, du moins, pour ma part. Elle savait de moi ce que j’ignorais moi-même et notre complicité n’avait aucun égal. Tu comprends exactement ce qu’il veut dire par là. Tu peux dire les mêmes mots vis à vis de Rosa. I miss her… Je pense que quand on trouve la personne avec qui on doit passer le restant de ses jours, on le sait facilement. Moi c’était Olivia, toi c’était sûrement Rosa, mais tu as raison de t’amuser comme tu le fais. Et qui sait, peut-être que tu prouveras à tout le monde que l’on peut se reconstruire, tu rencontreras une personne différente. Tu hoches la tête alors que tu vas instinctivement toucher ton alliance. Tu n’arrives pas à t’enlever de la tête que tu auras l’impression de la trahir s’il advenait que tu remettes en couple un jour. Tu ne réfléchis pas plus à ce propos. A quoi bon se torturer l’esprit quand il n’y a de toute façon aucun prétendant au titre de ton coeur. Tu sais, si tu as besoin d’un conseil, une question, quelque chose, je veux bien jouer au vieux sage. Tu relèves la tête vers lui alors que tu ne t’étais pas rendu compte l’avoir baissé. C’est mon rôle. Un sourire se forme sur tes lèvres de l’entendre te dire ça. C’est mon rôle. Qu’il te dit. Ca te fume comme des gens comme lui tiennent un milliard de fois plus à toi que ton propre père.

« Merci. » Et tu rebondis sur ce qu’il t’a dit juste avant. « Je lui en parlerai. A Birdie. » Après qu’elle t’ait monté dessus la prochaine fois que tu la verras. Tu comprends que trop bien le ças de conscience de Jacon et tu verras la suite avec l’info recueillie de la principale concernée. Tu sais absolument pas dans quel état tu serais si Rosa t’avait trompé. Tu veux pas l’imaginer. Ca sonne à l’interphone et tu vas ouvrir en récupérant les Pizza. Tu remontes à l’étage, au salon. « Tu veux boire quelque chose avec ça ? De l’alcool ? » Que tu proposes naturellement. « On pourrait se faire un jeu à boire. » Tu ajoutes en posant les cartons sur la table basse. Ça te tient à coeur de le faire rire et lui changer les idées. « Genre j’ai jamais. » Et tu commences alors que tu es encore en mouvement dans ton salon, te dirigeant vers la cuisine pour sortir deux verres. Dans tout les cas il va avoir envie de boire, même si c’est de l’eau. « J’ai jamais été viré d'un cours à l'école. » Tu tends la tête pour regarder Jacon alors que tu viens d’ouvrir le frigo. Tu veux pas louper la tête qu’il va faire à cette simple affirmation.

Leur conversation est presque un échange de monologues. Jordan lui raconte son aventure avec Birdie, ses doutes concernant ses futures relations, celles qu’il partage avec les hommes. Bizarrement, le blond a l’impression d’en apprendre plus sur son ami en dix minutes qu’en presque trois ans d’amitié. Le schéma de leur relation est assez particulier et explique qu’ils ne savent pas tout ce qu’il y a à savoir, l’un sur l’autre : de client et agent immobilier à partenaires dans le deuil, ils n’ont rien fait conventionnellement. Évidemment, ils ont su se confier quelques petits trucs l’un sur l’autre. Ces anniversaires dans les bars et restaurants ont été suffisants pour délier les langues et leur permettre de se comprendre un peu plus, l’un pour capter en plein vol la relation qu’il partageait avec sa femme, l’autre pour comprendre ce que c’est que d’être père. Jacob comprendre au travers de ces révélations qu’il y a encore tout un univers qu’il ne connaît pas sur le tatoué, et qu’inversement, l’autre doit avoir un milliard de questions à lui poser. Et ça ne lui gênerait pas, au plus âgé, de jouer à ce jeu-là pour apprendre à le découvrir davantage. Il le considère comme un ami, un vrai, un qu’il ne veut plus jamais lâcher – un fils spirituel, aussi, oui. Merci. Il le remercie pour ses mots ou pour lui avoir dit que c’est son rôle ? L’agent immobilier ne le sait pas mais ça lui va droit au cœur. Je lui en parlerai. À Birdie. Il hoche doucement sa tête de haut en bas. J’en suis content. Il dit, simplement. Il est également très content que Jordan ne se risque pas à mentionner les infidélités d’Olivia, il doit avoir compris que le sujet est encore très délicat et que Jacob lui-même ne sait pas quoi en penser. Leur rupture est fraîche : la découverte de celles-ci également, voilà pourquoi il ne vaut mieux pas lui en parler. Il pourrait dire des choses regrettables, il pourrait agir instinctivement, juste pour se protéger, parce que celle qui était supposée le faire est celle qui le blesse, présentement. L’instant est levé le temps que Jordan aille récupérer les pizzas, elles ont été payées via l’application, il ne reste plus qu’à ouvrir la porte et les recueillir. Tu veux boire quelque chose avec ça ? De l’alcool ? L’alcool est devenu le nouvel ami de Jacob. Pour le moment, il arrive à doser, mais il a l’impression de flancher petit à petit. Comme s’il voyait la scène de loin : lui, en train de tomber, avec rien autour à quoi se raccrocher pour pouvoir se rattraper. L’impact est inévitable, il espère juste le repousser le plus loin possible. On pourrait se faire un jeu à boire. Mais Jordan a les arguments pour empêcher la raison de Jacob de s’exprimer : les vices sont plus importants. Oh. Ouais, pourquoi pas. Genre j’ai jamais. Jacob ouvre une boîte pour voir si les pizzas ont été coupées. On sait qu’une bonne pizzeria est une bonne pizzeria quand ils prennent le temps de les couper même sans qu’on leur demande. C’est donc une bonne pizzeria. Oui, il y tient à sa logique, qu’on ne le contredise pas. Jordan s’en va dans la cuisine et commence son drôle de jeu : Jacob y a déjà joué quand il était jeune adulte et qu’il traînait avec Auden, mais ça n’a duré que quelques soirs avant qu’il se reprenne. J’ai jamais été viré d’un cours à l’école. Il fronce les sourcils, plus certain des règles, d’un coup. Attends, t’es supposé dire quelque chose que t’as jamais fait et je bois si je l’ai fait, c’est ça ? Il demande, pour être sûr. Parce que… t’as jamais été viré d’un cours ? Ça lui semble tellement improbable, il imagine Jordan en véritable boucan plutôt qu’en enfant sage et ordonné. Moi, je ne bois pas. J’avais un père trop strict pour prendre le risque de me faire virer, du début de ma scolarité à la fin de mes études. Il a tellement été au bout de son idée qu’il est devenu patron, comme ça, personne n’a jamais pu le virer de nulle part.

J’en suis content. Tu sens que ça le tient à coeur et tu ne lui en reparleras certainement pas si jamais Birdie te réponds par la négative. Au fond de toi t’es sûr que y’a un arrangement bizarre entre elle et son mari. Jamais tu l’aurais imaginé être marié en premier lieux. Ca ne lui ressemble pas du tout mais encore une fois, tu ne la connais certainement bien moins que tu ne le crois. Non. Tu aimes bien croire que t’as un bon instinct en ce qui la concerne et que tu la devines toujours correctement.

Oh. Ouais, pourquoi pas. Tu kiffes qu’il soit opé. Tu l’imagines trop comme le gars qui était super populaire à l’époque du lycée ou de la fac. Tu te demandes s’il était bg quand il était jeune aussi. Les pizza sont là et il s’extasie en les observant. On sait qu’une bonne pizzeria est une bonne pizzeria quand ils prennent le temps de les couper même sans qu’on leur demande. C’est donc une bonne pizzeria. Ça te fait vraiment BEAUCOUP sourire. Tu ris même alors que tu l’entends depuis la cuisine. Tu sens l’amour qu’il porte à ces pizza. Tu te demandes si c’est son repas préféré, mais tu commences par une question vis à vis de sa jeunesse. Sa scolarité. Tu t’installes à côté de lui alors que tu poses deux verres vides sur la table. Attends, t’es supposé dire quelque chose que t’as jamais fait et je bois si je l’ai fait, c’est ça ? Tu hoches la tête alors que tu retournes dans la cuisine pour prendre les bouteilles.

« C’est bien ça. »
Parce que… t’as jamais été viré d’un cours ?

Tu savais tellement qu’il allait tiquer sur ta phrase. Moi, je ne bois pas. J’avais un père trop strict pour prendre le risque de me faire virer, du début de ma scolarité à la fin de mes études. Tu poses les trois bouteilles que t’as pris, avec une de jus de fruit que tu as calé sous ton bras pour mixer le tout si besoin. T’aimes bien en apprendre sur lui et son père. Ca te fascine toujours de voir les relations de ton entourage avec leurs parents. « J’étais le plus discret de la Terre en cours. J’étais souvent seul. Mes vrais amis étaient à Byron Bay. » Jusqu’à Lola mais cette amitié là n’a pas duré. Et puis y’a eu Rosa qui n’était pas dans ta classe du coup tu pouvais pas faire le con avec elle. Tu jettes un coup d’oeil aux pizza, tu te dis que c’est super lourd à première vue. I’m gonna die. « Tu relances pas alors hmmm. J’ai jamais fait de sport en club. Ou en salle de sport. J’ai jamais payé pour faire du sport. » Tu te serres un verre avec pas beaucoup d’alcool car tu fais encore attention à ta consommation même si Janvier est loin à présent. Tu jettes un coup d’oeil à ton app. Les glaces qui sont bientôt là.

C’est bien ça. Jordan lui confirme les règles du jeu et Jacob peine à y croire. À vrai dire, ce sont sûrement les tatouages qui ont cet effet-là sur le plus âgé des deux, parce que Jordan a beau être rempli de bêtises à faire, il n’est pas méchant. Il l’imagine être taquin avec ses professeurs sans dériver vers de l’insolence. Il se fait tout un tas d’idées avant qu’il lui dise la vérité, le genre d’étudiant qu’il était quand il était encore à l’école. J’étais le plus discret de la Terre en cours. J’étais souvent seul. Mes vrais amis étaient à Byron Bay. La solitude, ça peut tuer à cet âge-là. Jacob sait de quoi il parle, il a souvent été seul parce qu’il se souciait trop de ses études. Il était dans le groupe des plus populaire seulement parce qu’il avait des moyens financiers, on l’invitait aux fêtes pour les mêmes raisons. Mais de lui-même, pour l’intérêt qu’il portait en étant le garçon qu’il était, on ne s’intéressait pas à lui. Il s’est longuement senti seul avant d’ouvrir sa société, avant de rencontrer le diable sur son épaule, avant de se lâcher un peu. Avant de rencontrer Olivia. Après elle, il ne s’est plus jamais senti seul. Il baisse légèrement le visage à cette idée-là, ce n’est pas le moment de sombrer dans sa tristesse, il le sait bien. Il s’efforce à relever les yeux vers Jordan qui ramène toutes les bouteilles, apparemment c’est à sa guise, il doit se servir lui-même. Je t’imaginais différemment, c’est marrant. Il le regarde longuement, les sourcils légèrement froncés, comme s’il essayait de le décrypter. En fait, tu as décidé de consacrer ton âge adulte à rattraper les bêtises non-faites de quand t’étais gamin, c’est ça ? Ça ne peut qu'être ça, pour justifier les chocolats chauds et toutes les autres conneries qu’ils ont pu faire à New York. Tu relances pas alors hmmm. Il n’était pas suffisamment sûr de la règle pour oser en lancer un à son tour, la prochaine sera la sienne. J’ai jamais fait de sport en club. Ou en salle de sport. J’ai jamais payé pour faire du sport. Le blond sourit en attrapant une bouteille. Tu triches, entre la taille de tes bras et des miens, c’était certain que moi, oui. Il retient un léger rire en se servant le fond d’un verre, autant commencer doucement : il le boit d’une traite, grimace légèrement et le repose sur la table basse. J’aimais bien le sport à l’école, je n'ai pas réellement continué dans quoi que ce soit quand j’ai ouvert mon entreprise mais… j’ai repris la boxe il y a un peu moins de trois ans. Il y a un peu moins de trois ans, oui, ça coïncide avec la date du décès de June. C’était mon défouloir, je ne regrette pas d’avoir payé pour ça. Il secoue son visage. C’était une bonne idée. Il reprend la bouteille et se sert le fond d’un autre verre, il a une idée, il est sûr de laisser Jordan bouche bée. Je ne me suis jamais rendu compte… ça marche dans cette formulation, hein ? Oui, bon, je ne me suis jamais rendu compte que l’un de mes amis était en réalité mon frère. Il hausse ses épaules et boit le fond qu’il vient de se servir. Mince alors. Il ne lâche pas Jordan du regard, pour ne rien louper de sa réaction. Ça le fait rire maintenant qu’il a digéré – plus ou moins – la nouvelle, mais ça ne l’a pas du tout fait rire le jour-même et les semaines d’après. Il attrape un bout d’essuie-tout posé sur la table basse pour que celui-ci lui serve de support, puis attrape une part de pizza dans laquelle il croque avec appétit. J’adooore les montagnardes. Qu’il dit, la bouche pleine, d’un ton réjoui. Ce que l’on peut dire, c’est que Jordan a su lui redonner le sourire en quelques minutes seulement : objectif accompli, même si la soirée ne fait que de commencer.