| if you're meant to come back (craker #4) |
| | (#)Dim 6 Juin 2021 - 22:42 | |
| « Tu peux me toucher, tu sais? » C’est que je manque de faire lâcher la bouilloire sur le sol alors que le rire de Rosalie empli la pièce. Un léger malaise s’installe. Ce n’était que quelques mots prononcés dans un étourdissement, rien de concret. Pourtant, ils marquent au fer rouge, une volonté qu’elle ne souhaite plus réellement dissimuler. Je peux la toucher, je le savais, on l’a bien trop fait. À jouer aux plus malins tels des adolescents qui pensaient leurs actes sans conséquences. Un couple brisé et un bébé plus tard, qu’est-ce qu’il reste des erreurs qui ne devaient être qu’éphémères, que le résultat d’une fois ratée ? Elle rit et je pense à tout ce que j’ai bien pu faire de travers. « J’veux dire, si tu veux sentir le bébé. On est pas des ados, c’est pas parce que tu mets ta main sur mon ventre que ça veut dire que... » Que l’on va déraper ? C’est pas ce que l’on a fait de manière si peu innocente il y a des mois de cela ? Ce qui ne devait être que l’erreur d’une soirée, c’est transformer en bien trop de tentative avortée de ne pas paraître désespérer. Chaque retrouvaille sonnait meilleure que la suivante alors qu’une autre vie m’attendait en dehors de notre bulle. « Qu’on va encore fauter ? » Est-ce que l’on va le faire à nouveau ? Ce ne serait plus réellement fauté désormais, non ? Je secoue la tête préférant ne pas laisser la culpabilité venir s’immiscer dans chacunes de mes failles. « J’veux pas que tu passes à côté de quoi que ce soit avec lui parce que nous on est dans un entre-deux. » Les mots sont choisis avec attention quand il ne s’agit plus d’un entre-deux, mais bien plus d’un bordel monstre dont ne sais plus réellement se défaire. « C’est rien. » Toujours minimiser, toujours prétendre que ce n’est rien, alors que tout sera différent de la première fois. Est-ce qu’elle sait au moins à quel point je suis terrorisé à l’idée d’agir tel mon paternel, à favoriser le petit dernier qui n’avait rien demander à personne et à qui il fallait tout pardonner pour mieux laver ses péchés ? Est-ce qu’elle ressent le malaise qui semble s’installer un peu plus chaque seconde dans cette cuisine devenue bien trop petite ?
Cela n’a plus réellement d’importance lorsque l’on s’échappe vers le salon, lorsqu’elle dégaine l’un de mes carnets comme la parfaite distraction. « Grace me dit que t’écris beaucoup dernièrement. » Elle aime pas tant cela la gamine, parce qu’à me perdre dans mes mots, j’oublie parfois d’entendre les siens. À trop vouloir ancrer mon attention ailleurs, dans la fantaisie et les aventures rocambolesques, j’oublie le monde qui tourne encore autour de moi. Elle aime pas tant, mais elle s’assoit toujours dans mon bureau, elle observe les carnets, la vieille machine à écrire, elle pose des questions qui font toujours bien trop sens. « Elle m’a demandé pour lire ton dernier roman, je lui ai dit pas avant qu’elle ait au moins treize ans. Elle était pas fan de ma réponse. » Un rire m’échappe alors que je secoue la tête. « T’inquiètes qu’elle m’a demandé avant et que j’ai déjà dit non. » Elle est curieuse notre fille, elle aimerait comprendre ce que l’on fait, elle aimerait décortiquer les mots que ses parents ne cessent de coucher sur le papier. « Elle a le temps de s’attaquer à tout ça. » Quand elle sera en âge de comprendre, d’analyser et de détacher la réalité de la fiction.
Si comme sa fille, Rosalie, c’est toujours amuser à fouiner dans mes carnets, les choses ont changé. Je ne suis plus autant à l’aise de lui laisser un tel accès à la moindre de mes pensées. Sans violence, je retire le calepin d’entre ses mains pour mieux le cacher entre les coussins du sofa. Elle n’a pas besoin de connaître mes doutes, de lire entre les failles et les cicatrices. « Je suis pas d’accord. J’ai toujours trouvé ton esprit fascinant. » Un fin sourire se dessine sur mes lèvres alors que je hausse les épaules. « C’est plus aussi évident de t’en laisser l’accès. » Je lui dois au moins une part de vérité dans toute cette folie qui ne cesse de nous entourer. « Je mets un droit de véto sur Louis par contre. » « Eh mais pourquoi ? » Elle sait combien de liste, j’avais pu faire pour Grace, les pour et les contres, avec les explications, les significations. Il en est de même pour notre fils quand bien même je me dois de la faire seul.
Ce n’est pas ce qui compte le plus, quand on se retrouve, rien que tous les deux dans ce canapé. Le silence de la maison qui pèse un peu partout autour de nous et sa tête qui vient se poser contre mon épaule. Mon regard qui ne lâche plus son ventre arrondi et sa voix qui brise le secret de l’instant. « Tu veux en parler maintenant ou tu préfères faire semblant de rien encore un peu? » « Elle est partie ce matin. » C’est bien tout ce que je peux dire pour l’instant. Sophia est partie ce matin et pourtant, Rosalie est déjà là, dans sa maison, à prendre sa place à mes côtés. Est-ce que c’est dingue de trouver cela autant précipiter que juste malgré tout ? J’ai presque le cœur qui tiraille et l’estomac qui se contracte. « Juste… Pas de suite. » Pas maintenant, je n’en aurais pas la force, ni le courage. Je ne suis pas fier de mes actions, pas spécialement heureux d’avoir trompé la femme avec qui j’avais la sensation de vivre une histoire simple. « Si Grace te demande, on lui a simplement dit que l’on était plus amoureux. » Il avait fallu en parler à ma fille, il avait fallu trouver des mots pour qu’elle comprenne dans son histoire de petite fille pourquoi son père avait amener une femme dans sa vie pour mieux l’enlever trois ans plus tard. « Et Soph’ lui a promis qu’elles pourraient se voir si elle le voulait. » Parce que ma compagne, c’était attaché à la gamine, parce qu’on avait su trouver un équilibre tous ensemble et je refuse que Rosalie interfère là-dedans. « C’est tout ce que je peux te dire pour le moment Rosie. » Le reste, je n’ai pas encore su le gérer, pas alors que l’absence de Sophia n’a pas eu le temps de laisser son empreinte de partout. « Elle va me manquer. » Malgré tout, je ne pourrais pas mentir là-dessus. |
| | | | (#)Lun 7 Juin 2021 - 12:46 | |
| Tu trébuches sur tes mots, il y a un rire nerveux qui file de tes lèvres et qui remplit la cuisine qui semble se refermer sur vous avec chaque seconde qui passe. Comment est-ce que vous en êtes arrivés là? À dire des mots maladroitement, à vouloir dire quelque chose sans jamais l’expliciter clairement? Comment est-ce que t’en es venue à être la maîtresse, la fille d’à côté auprès d’un Wyatt qui avait finalement retrouvé un certain équilibre après votre divorce? T’as jamais voulu de ce rôle-là et pourtant les fautes se sont accumulées sans que tu ne cherches jamais à les arrêter. C’est que tu les aurais presque provoquer quand après chaque faux-pas, tu peinais à t’effacer de nouveau de son quotidien, là ou tu avais une place mais plus celle que tu voulais vraiment. Les coups que tu te prends dans la vessie te rappellent que c’est plus grand que juste lui et toi et ça te donne le tournis. « Qu’on va encore fauter? » Un autre rire nerveux, de ceux qui sont inappropriés au milieu de la conversation mais que tu es bien incapable de retenir. Tu t’en veux et puis tu lui en veux un peu aussi. Tu te demandes à quel moment vous avez emprunté cette route compliquée, à quel moment c’est redevenu plus que de la simple civilité entre vous deux, pour Grace. Quel rire a été celui de trop, quel regard a été trop longuement appuyé, quel baiser est passé à côté de ta joue pour se finir sur tes lèvres? Qu’importe que tu te tortures avec des questions dont les réponses sont pourtant sans importances, les faits restent les mêmes. Tu refuses que votre garçon paye pour vos erreurs. Tu ne supporterais pas d’être la raison pour laquelle le lien entre lui et Wyatt est moins fort, moins important que son lien avec Grace. « C’est rien. » Tu secoues doucement la tête. « C’est pas rien » que tu souffles, avant de lâcher un soupir. C’est trop tôt, trop vite et ça te fait paniquer parce que le temps n’arrête pas. Parce que ta grossesse progresse et que bientôt, vous allez être quatre. Que bientôt, toutes les conversations hypothétiques sur comment ça va se passer ne seront plus que des hypothèses et il vous faudra éventuellement statuer sur vous deux. Mais pas ce soir Rosalie. C’est la journée à Grace, tu te souviens?
Tenter la distraction par l’un des carnets de Wyatt est sans doute une fausse bonne idée alors que tu fouilles là ou tu n’as pu ta place. Quand une fois encore, tu es forcée de te souvenir que tu ne peux plus te permettre les mêmes transgressions, les mêmes curiosités qu’avant. Qu’il y a une ligne à ne pas franchir et que tu joues sans cesse avec les limites. Parler de Grace devient donc la solution facile. Ce sujet qui est safe, celui sur lequel vous avez toujours eu cette aisance à vous accorder, encore plus maintenant que vous êtes séparés que lorsque vous étiez encore ensemble. Grace et sa passion pour les mots, Grace et sa curiosité, Grace et son envie de grandir trop vite par moments alors que tu voudrais pouvoir arrêter le temps pour qu’elle reste ta petite fille à jamais. « T’inquiètes qu’elle me l’a demandé avant et que j’ai déjà dit non. » Elle est maligne la gamine et assez futée pour savoir comment se jouer de ses parents divorcés. Encore heureux que Wyatt et toi étiez d’accord sur à peu près tout lorsqu’il s’agissait de votre fille. « Elle a le temps de s’attaquer à tout ça. » En temps et lieu. Plus tard. Quand son monde de petite fille sera un peu moins innocent, quand elle pourra comprendre les choses de grands. Sensiblement au même moment ou elle comprendra ce qui a bien pu se passer entre son père et sa mère pour expliquer l’existence de son petit frère. « Tu crois qu’elle va être traumatisée ou impressionnée quand elle aura enfin le droit de lire nos romans? » que tu lui demandes, amusée. Tu souffles légèrement alors que Wyatt te prend le carnet des mains et vient le faire disparaître, t’empêchant ainsi de fouiller plus longuement dans ses parties de son esprit auxquelles tu n’as plus droit. « C’est plus aussi évident de t’en laisser l’accès. » C’est un sourire triste, nostalgique même qui vient se placer sur tes lèvres. « C’est pas facile de me retenir. » que tu avoues tout aussi naturellement. Parce que tu veux savoir, maintenant plus que jamais à quoi il pense, ce qu’il veut, ce qu’il s’imagine. Mais plus tu poses les questions, moins claires sont les réponses. « Eh mais pourquoi? » « Parce que j’vais pas donner naissance à un homme de 50 ans. » que tu réponds amusée, profitant de cette pause que vous savez tous les deux temporaires pour éviter de parler des vraies choses.
Ta tête contre son épaule, tu sais que tu ne devrais pas prendre tes aises de cette façon, mais tu n’as plus envie de bouger. Il y a son odeur juste là et t’as envie de t’en imprégner alors que la conversation tangue vers un sujet trop sensible, trop glissant. Tu parles de vous et il répond avec elle. « Elle est partie ce matin. » Tu vas trop vite, tu brûles des étapes, tu ne lui laisses pas le temps et ça va mal finir si tu pousses trop loin. Tu restes immobile toutefois, il y a seulement ta main droite qui vient machinalement caresser ton ventre arrondi, là ou les coups de pieds s’accumulent. « Juste… Pas de suite. » Tu hoches la tête sans jamais la relever, préférant ne pas croiser son regard. « Si Grace te demande, on lui a simplement dit que l’on était plus amoureux. » Et c’est vrai? Tu retiens la question parce qu’il a dit pas de suite. Tu retiens la question parce que ça ne te regarde pas, pas vraiment. « Elle a posé des questions Grace? » Ça tu demandes, pour te préparer, ou du moins, c’est ce que tu te fais croire pour calmer ta culpabilité qui monte déjà. Peut-être que tu aurais dû le laisser appeler un taxi finalement. Peut-être que tu aurais dû rentrer chez toi avant d’oser aborder le sujet. Peut-être que la journée aurait pu rester belle, simple et facile mais voilà que tu t’étais mise les pieds dans les plats et tu ne savais pas comment t’en sortir sans faire plein de vacarme. « Et Soph’ lui a promis qu’elles pourraient se voir si elle le voulait. » « Grace devait être soulagée. » De savoir qu’elle ne disparaîtrait pas totalement même si elle n’habitait plus avec son père. Parce que tu sais que Grace aimait Sophia, tout comme Sophia s’était attachée à Grace. Tu ne voulais pas être mêlée à cette partie de la vie de Grace tout comme tu n’avais jamais cherché à t’immiscer dans le couple de Wyatt, bien que ce soit quand même ce qui est arrivé. « C’est tout ce que je peux te dire pour le moment Rosie. » Un autre hochement de la tête, les yeux fixés sur tes doigts qui dansent sur ton ventre, n’importe ou mais pas sur lui. « Je comprends. C’est assez. » Pas le moins du monde, mais ce soir tu sauras t’en contenter. « Elle va me manquer. » Ça fait mal de l’entendre même si tu sais qu’il essaye simplement d’être aussi honnête que possible avec toi. Tu oses enfin lever les yeux vers lui, vos corps toujours trop près l’un de l’autre. « Je sais. Je suis désolée. » Tu l’as déjà dit, mais tu le répètes encore parce que c’est vrai que tu l’es parce que t’as jamais cru que ça se passerait comme ça. Pour elle, pour lui, pour toi aussi. Pas comme ça que tu t’imaginais avoir un autre enfant un jour alors que tu avais fait une croix sur cette idée après que vous ayez signé les papiers du divorce, incapable de t’imaginer un jour fonder une famille avec un autre. « Peu importe la suite... » Tu prends une légère pause, toujours à la recherche des bons mots, de ceux qui ne seront pas trop, qui ne feront pas mal, qui sauront peut-être même apaiser, ne serait-ce qu’un peu. « Je sais qu’on va toujours faire de notre mieux pour Grace. Et pour lui. » Tes doigts continuent de papillonner sur ton ventre. « Et tu pourras prendre toute la place que tu veux. » Dans leurs vies à eux. Et dans la mienne aussi. |
| | | | (#)Mar 15 Juin 2021 - 22:50 | |
| Entre nous, l'ambiance oscille entre humour bienveillant et cette gêne inexpliquée qui résume, depuis bien trop longtemps, le moindre de nos échanges. Un peu comme si l'on ne savait plus vraiment sur quel pied danser quand il était devenu évident que notre relation avait chamboulé le schéma naturel de deux parents divorcés. Les années avaient eu raison de notre couple et l'on pensait avoir tout vécu. Si les échanges sont trop souvent restés courtois pour le bien-être de notre fille, à un moment donné quelque chose à glisser. Je ne saurais mettre le doigt sur l'instant qui a tout déclenché, tout était arrivé à petite foulée, entre la pensée que Rosalie pouvait parfois - trop - me manquer et cette nuit où l'on a fini par se retrouver. L'acte n'avait rien eu de prémédité, c'était simplement arriver, comme retomber dans une habitude familière, de celle dont on ne veut jamais réellement se séparer. Tout était bon et familier, on s'était laissé happer. Sans se douter qu'un petit garçon allait naître de quelques folies que l'on pensait passagère, sans penser que mon couple allait imploser. Puis soudainement, tout paraît bien plus difficile à assumer, quand je suis celui qui a tout envoyer valser. Alors on s'apprivoise sur la pointe des pieds, on ose à peine s'approcher et tout sonne presque trop l'étranger.
Heureusement, Grace devient le sujet de la facilité, là où l'on peut s'évader en toute sécurité. On oublie l'instant gênant de la cuisine, je lui ôte l'esprit du carnet qu'elle avait trouvé. Parler de Grace est simple, c'est complètement inné. Qu'importe ce qui pourra bien se passer notre fille sera toujours la priorité, et même lorsque tout semblait s'effriter entre nous, on avait su tenir pour elle. La petite demoiselle devenue grande qui cherche à savoir, à constamment pouvoir comprendre. Celle qui pose déjà beaucoup de questions et qui bientôt comprendra que son schéma familial n'a rien de simple. Celle qui, en attendant, rêve de pouvoir accéder au monde créé par ses parents. Elle veut voir les couvertures, déchiffrer les mots quand tout ce que l'on couche sur le papier n'est clairement pas adapté à une enfant de son âge. « Tu crois qu’elle va être traumatisée ou impressionnée quand elle aura enfin le droit de lire nos romans? » Un rire m'échappe alors que je tente d'imaginer la réaction que cela pourrait bien amener. « Elle aura jamais la délicatesse de prétendre aimer pour ne pas nous vexer. » Je retiens un rire. « On a probablement créé la pire des critiques. » Du haut de ses huit ans, elle a le verbe déjà bien trop acerbe, j'ai peur de ce que cela pourra bien donner quand elle en aura dix de plus. « Tant qu'on lui transmet l'amour des livres. » Le reste n'a pas tant d'importance. Elle choisira bien ce qu'elle voudra dans sa vie. Comme probablement le prénom de son petit frère si on continue à ne pas s'entendre ainsi avec leur mère. Elle a vu ma liste et elle se moque ouvertement. « Parce que j’vais pas donner naissance à un homme de 50 ans. » - « C'est mon deuxième prénom, j'te ferais dire. » Je ne vais pas démordre de mon envie de prénom français, elle le sait, le monde entier le sait. C'est peut-être bien pour ce genre de complicité que l'on avait tant eu besoin de se retrouver.
L'atmosphère se veut bien plus intimiste dès l'instant où le calme règne sur la maison et que sa tête trouve le chemin de mon épaule. Ce serait simple de l'enlacer, de prétendre que rien n'avait jamais changé, mais dans un coin de ma tête le fantôme de Sophia s'imprègne dans les moindres recoins de la maison. Rosalie cherche des réponses que je ne saurais lui donner sur l'instant quand j'ai laissé partir quelqu'un qui m'était cher le matin même. Rien n'est simple quand jamais je n'avais intentionnellement cherché à fauter. C'est que je m'étais fait prendre à mon propre jeu et aujourd'hui, il est encore difficile de l'assumer pleinement. Chaque jour, je m'efforce de ne pas voir la naissance de notre fils comme l'ultime preuve de mon adultère. C'est un travail à plein temps qui me bouffe mon énergie et le désir même d'avoir - enfin - une discussion censée avec la principale intéressée. Il avait fallu parler à Sophia et cela avait été déjà bien trop compliqué, elle qui avait su trouver sa place dans ma vie sans jamais déranger le passé. Je me hais de l'avoir trahi ainsi, qu'importe le reste, qu'importe l'amour que je porte à mes enfants, il reste ce sentiment d'avoir mal fait autant auprès d'elle, qu'auprès de Rosalie. « Elle a posé des questions Grace? » Je hoche la tête sans qu'elle puisse me voir. Elle n'avait pas tant compris la petite fille, pourquoi l'on avait décidé de se séparer, pourquoi Sophia allait partir. « Beaucoup. On a tenté de lui expliquer le plus simplement possible. » Elle n'a pas besoin de connaître les détails, pas maintenant. Il avait fallu lui expliquer par des mots d'enfants que son père ne savait pas se gérer. « Grace devait être soulagée. » - « Elles avaient une jolie relation toutes les deux, on voulait pas que ce soit brutal pour Grace. » Si Sophia refuse de me parler, je sais qu'elle viendra aux nouvelles de ma fille, je n'en doute pas une seconde même. Il est difficile à avaler ce "on" qui n'est plus. J'ai conscience que c'était la meilleure décision à prendre, mais en rien, je ne souhaite cacher le fait que notre relation va me manquer. Les choses étaient différentes avec Sophia et je l'avais sincèrement aimé. Juste pas assez. Juste pas comme elle. « Je sais. Je suis désolée. » Qu'importe cela fait partie du passé désormais. C'est que j'ai juste besoin de temps, encore un peu, pour faire de l'ordre dans tout cela. Pour faire sens à tout ce qui nous arrive. « Peu importe la suite... Je sais qu’on va toujours faire de notre mieux pour Grace. Et pour lui. » C'est une certitude que l'on partage, alors que nos regards se croisent et que j'esquisse un léger sourire. « Et tu pourras prendre toute la place que tu veux. » Dans leurs vies ou dans la sienne. Tout paraît idéal à vivre sous le même toit à nouveau, à ne pas faire de différence entre la naissance de Grace et celle de notre garçon. Sur le papier, tout paraît simple, à l'intérieur, c'est un tumulte assourdissant qui me hurle de cesser de m'approcher d'elle autant que le désir me crie de l'embrasser enfin...
Le monde s'était arrêté de tourner, mais la bulle explose quand une petite voix se fait entendre de l'autre côté du canapé. « J'peux venir avec vous encore un peu ? » Grace se tient vers la porte du salon, doudou à la main et cheveux déjà tout ébouriffés. Sans même consulter Rosalie, mon corps s'éloigne du sien pour laisser toute la place à notre fille. Elle ne se fait pas prier l’héritière, un bisou sur la joue de maman, un bisou pour le petit frère et voilà qu’elle vient s’étaler sur mon torse. « Juste un cinq minutes. » - « Dix minutes et je vais dans mon lit. » A quoi bon négocier quand elle a gagné d’avance la brunette, quand j'embrasse son front et viens caresser son dos. Demain, c’est le week-end, on peut bien faire exception, après tout, c’est encore son anniversaire. Un instant, elle gigote, puis trouve la position qui lui plaît histoire d’avoir assez de place pour venir coller sa main sur le ventre rebondi de sa mère. « Il vient quand mon petit frère, t’avait dit pas longtemps maman, mais là ça fait franchement trop longtemps. » Je me mords la lèvre pour retenir un éclat de rire face à son côté franc. Elle me sent bouger et relève la tête vers moi, l’air trop sévère. « T’as pas préparé de chambre du bébé toi papa. Il va dormir où ? Pas dans ma chambre, hein ! » - « Eh tu pourrais partager. » Elle fait la moue Grace et je ne sais trop quoi lui répondre. Je n’ai rien préparé pour mon fils parce que jusque ce matin encore, je partageais cette maison avec une femme qui ne serait pas sa mère. Et pour être honnête, même avec son départ, je n’avais pas prévu quoi que ce soit. « S’il reste toujours que chez maman, moi je reste avec eux aussi. » Et sa franchise, je me la prends en pleine gueule. |
| | | | (#)Sam 19 Juin 2021 - 16:20 | |
| L’équilibre est précaire entre vous depuis plusieurs mois, pire que jamais maintenant que le temps file à toute vitesse et que bientôt trois deviendra quatre sans que vous n’ayez jamais prévu pour ce chamboulement de votre unité familiale. T’as parfois l’impression que vous êtes revenus quelques années en arrière, pas assez longtemps après votre divorce (à tes yeux du moins) quand Sophia est rentrée dans la vie de Wyatt. Des mois durant, Grace semblait être le seul sujet de conversation que vous pouviez approché sans que ça ne remue de vieilles blessures ou que ça ne vire en silence complet, incapable de se dire les vraies choses. Vous voilà de nouveau à cet endroit ou Grace est le seul sujet sécuritaire entre vous, la seule constante de votre relation, même si vous parvenez encore à retrouver les touches d’humour qui vous ressemble bien plus que cette distance sécuritaire que vous vous êtes trop longtemps imposée. « Elle aura jamais la délicatesse de prétendre aimer pour ne pas nous vexer. » Ça, c’est certain. Grace, si elle manque parfois de tact, n’est qu’honnêteté sur deux pattes, peu importe qui ça peut bien froisser. Tu ne peux d’ailleurs que redouter ses années d’adolescence tant tu sais qu’elle risque de s’attirer des ennuis à force de toujours dire tout ce qu’elle pense à voix haute. « On a probablement créé la pire des critiques. » Tu pouffes de rire un peu plus. « Elle passe trop de temps avec ta sœur. » que tu suggères comme explication de rechange quand bien même Grace n’est que le produit pure de vos deux caractères opposés mais ô combien similaires dans leur force et tempérament. Et si on pause le moment ici, à cette image de vous deux, sourire aux lèvres et conversation aussi simple que superficielle, tu peux encore te faire croire que tout va encore bien dans le meilleur des monde. Qu’un couple de divorcés qui s’accorde pour le bien-être de leur grande fille déjà bien trop indépendante à leur goût. Que de vieilles connaissances qui ont laissé les sentiments derrière et qui ont refait leur vie chacun de leur côté.
Mais le moment continue de te filer entre les doigts et vous n’êtes pas qu’un couple de divorcés. Le moment n’est pas simple et ce n’est pas le meilleur des monde. Les sentiments ne sont pas derrière, ils sont partout, entre chaque parcelle qui sépare ton visage de celui de Wyatt. Ils sont là ou il y a ta tête contre son épaule et ton corps qui se blottit trop naturellement contre le sien. Ils sont ambigus et compliqués, passé et présent qui se mélangent et qui foutent le plus gros des bordel qui soit. C’est encore une fois Grace qui sauve la discussion, qui permet un échappatoire des questions qui demeurent sans réponse, parce que le timing n’est pas le bon, parce que tout va trop vite, parce que tu peines à être patiente comme tu devrais l’être pourtant. « Beaucoup. On a tenté de lui expliquer le plus simplement possible. » Tu hoches doucement la tête. Tu ne doutes pas que tu vas en entendre parler quand elle va revenir chez toi. Tu pourrais lui demander plus de précisions, mais tu sens une fois de plus que pour ce soir, il vaut mieux laisser le tout à ça, se contenter de l’essentiel et attendre que le temps fasse son œuvre, que le fantôme de Sophia soit un peu moins partout. « Elles avaient une jolie relation toutes les deux, on voulait pas que ce soit brutal pour Grace. » Un autre hochement de la tête, un autre silence qui s’étire un peu trop longtemps alors qu’il y a tant de choses que tu aimerais encore dire, mais tu prends sur toi parce que les dégâts sont assez gros et la dernière chose dont tu as envie, c’est rendre la situation encore plus difficile qu’elle ne l’est déjà pour un Wyatt qui se sent coupable, tu le vois bien. Quand ton regard vient trouver le sien, que tu laisses filer les seules certitudes que tu as encore dans tout ça, tu ne peux empêcher ton coeur de s’accélérer comme il le fait toujours avec lui, quand tu te perds dans ces yeux, dans ce fin sourire qui vient temporairement habiter ses lèvres. Ses lèvres que tu ne quittes plus des yeux et tu pourrais presque jurer qu’il y a son visage qui se rapproche.
Jusqu’à ce qu’une voix trop familière te fasse légèrement sursauter et que le moment se dissipe aussi vite qu’il ne s’est créé. « J’peux venir avec vous encore un peu? » Tu t’apprêtes à lui dire non quand tu sens le corps de Wyatt se décaler légèrement du tien et tu en comprends qu’il n’a pas l’intention de la renvoyer directement dans son lit. Tu hoches donc légèrement la tête, te rappelant que c’est sa fête après tout et qu’une fois n’est pas coutume et voilà qu’elle vient prendre place entre vous d’abord. Ses lèvres trouvent ta joue et puis viennent se poser sur ton ventre avant qu’elle ne se blottisse dans les bras de son père. « Juste un cinq minutes. » « Dix minutes et je vais dans mon lit. » Tu secoues doucement la tête, retient un rire alors que ton regard croise celui d’une Grace souriante et clairement satisfaite de s’être achetée encore un peu de temps debout. La main de ta fille vient trouver ton ventre qu’elle flatte doucement. « Il vient quand mon petit frère, t’avais dit pas longtemps maman, mais là ça fait franchement trop longtemps. » Wyatt se retient de rire et tu dois faire pareille, te pinçant les lèvres. « Dans trois mois Grace. Après l’anniversaire de tatie Wendy. » « Mais c’est trop long! » qu’elle réplique déjà alors qu’elle enfouie son visage dans le cou de son père et tu ne peux retenir un rire plus longtemps. Tu échanges un regard complice avec Wyatt alors que Grace relève la tête, bien trop sérieuse alors qu’elle fait des gros yeux à son père. « T’as pas préparé de chambre du bébé toi papa. Il va dormir ou? Pas dans ma chambre, hein! » « Eh tu pourrais partager. » Elle boude déjà Grace alors qu’elle touche sans même le savoir une corde sensible. C’est que rien dans cette maison n’indique que bientôt, un autre enfant allait arrivé alors que chez toi, la salle de jeu de Grace a été réaménagé en chambre de bébé, là ou prend maintenance place un berceau et une table à langer que Grace veut déjà se voir remplir de couches et de lingettes humides. « S’il reste toujours que chez maman, moi je reste avec eux aussi. » Oh Grace. Tes yeux cherchent tout de suite le regard d’un Wyatt qui se revoit contraint de penser à quelque chose que vous aviez pourtant décidé de mettre de côté quelques instants plus tôt à peine. « Tu t’ennuierais beaucoup trop de papa si tu venais plus le voir, et lui aussi. » Pour toute réponse, Grace se blottit un peu plus contre son père alors que tu cherches une bonne réponse à offrir à la gamine qui va bien vite renchérir si tu ne lui offres pas une explication quelconque. « Et puis papa va passer souvent à la maison pour vous voir, ton petit frère et toi. T’inquiète pas pour ça ma grande, d’accord? » T’as pas envie de lui mentir et comme vous avez décidé de rien jusqu’à maintenant, c’est le mieux que tu puisses lui offrir. Ça semble suffisant pour une Grace qui se frotte déjà les yeux. « Maman va rentrer, on va se voir demain nous d’accord? » Tu tentes maladroitement de te lever du canapé, tâche difficile avec ton ventre qui prend trop d’espace à ton goût, et Grace relève la tête. « Attends que je sois endormie avant de partir. » Une demande de plus de la part d’une Grace qui t’offre son regard plaideur et voilà qu’elle bouge du torse de son père pour venir passer ses petits bras autour de ton cou. « Tu peux venir t’allonger avec moi un peu? » Et si Grace te paraissait si grande il y a quelques heures à peine, c’est ces moments-là qui te rappellent qu’elle n’est encore qu’une enfant. Quand de ses petites demandes, elle te fait comprendre qu’elle a encore besoin de toi, de vous. Tu échanges un regard avec Wyatt et puis tu attrapes Grace, réussit à la lever par tu-ne-sais-quel-miracle parce qu’elle est rendue trop grande pour être transportée et que ton ventre est dans le chemin, mais voilà que vous trouvez le chemin de son lit bien trop petit pour vous deux, mais elle se colle Grace et t’aurais pas envie d’être ailleurs que juste là. Et si tu t’endors juste là, collée contre ta fille, sa main contre ton ventre à chercher les coups de son petit frère, tu peux prétendre un peu plus longtemps que ce portrait de famille est bien moins dysfonctionnel qu’il ne l’est réellement. |
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