Collaboration. Voilà un mot qui avait ponctué plus d’une fois ma carrière de danseur, que ce soit lorsque j’étais Etoile au Ballet de l’Opéra de Paris ou Principal dancer à l’Australian Ballet. Si on peut penser primaire à des collaborations inter-compagnies, je m’étais également retrouvé au sein de projets pour des institutions privées ou des fondations. Les projets liés à la danse étaient à mon sens toujours une façon de progresser mais également de pouvoir faire découvrir mon monde à un public néophyte. Partager sa passion, voilà une chose qui m’a toujours fait vibrer ; cela était compréhensible : quand on aime quelque chose, on a envie de le montrer, de le transmettre.
D’ailleurs me voilà en train de quitter la rue des spectacles – greey street – après mon cours de danse avec la compagnie pour me rendre dans un tout autre endroit de Redcliff : la zone industrielle désaffectée. Pourquoi avais-je rendez-vous là-bas ? Eh bien, un label de musique m’avait contacté sur Instagram afin de savoir si j’étais ouvert aux collaborations artistiques, notamment dans l’idée de tourner un clip en tant que danseur pour le prochain single d’un groupe dénommé Hurtwave. Bien entendu, j’avais fait quelques recherches à ce sujet – déjà d’une part parce que j’aimais connaître les artistes avec lesquels je pouvais collaborer et appréhender également les possibles traquenards et en même temps parce que j’étais toujours intéressé par le travail de chacun de façon générale. J’avais écouté plusieurs chansons de ce duo sur Spotify et même le style metal du groupe était assez inédit pour moi, j’ai fini par accrocher. Après tout, j’étais à Brisbane pour de nouvelles aventures et je n’étais pas quelqu’un de frileux en matière d’expérience.
C’est donc avec mon sac en bandoulière, vêtu d’un bas de jogging et d’un sweat gris que je me dirigeais vers l’usine désaffectée, bâtiment dominant l’endroit. Dans l’idée de la production, il était intéressant de proposer un cadre assez dépouillé et très urbain, faisant écho à la chanson qui allait prochainement sortir. Ce fut avec quinze minutes d’avance que je me présentais alors à ce qui semblait être l’entrée de la scène. En effet, plusieurs personnes étaient en train de s’affairer pour préparer l’installation nécessaire à la prise de son mais également à la prise vidéo. Je m’approchais alors d’une personne qui arborait un t-shirt où était marqué Staff afin de me présenter.
« Bonjour, je suis Abel Greetham. Je suis le danseur qui a été contacté pour le clip du prochain single de Hurtwave. » indiquais-je alors à la jeune femme, qui me détailla pendant quelques secondes du regard, comme si elle tentait de déceler quelque chose… Avant de soudainement reprendre un air bien moins concentré pour m’indiquer d’un geste de la main de rejoindre alors ce qui semblait être l’endroit où je pourrais me préparer, avant de partir pour s’agiter vers un groupe de techniciens de prise de son. Restant un instant coi, je me décidais finalement à rejoindre l’endroit indiqué où je fus réceptionné par une jeune femme bien plus chaleureuse. « Boooooonjour ! Vous êtes Abel, c’est bien cela ? Quel plaisir de vous voir en vrai ! Je suis Délia, la costumière ! Suivez-moi, je vais vous montrer la tenue choisie par la production ! » s’exclama-t-elle alors en m’embarquant sans atteindre. Lâchant mon sac, je me retrouvais alors parmi plusieurs portants où étaient accrochés une foule de tenues. La production semblait avoir les moyens… C’est alors que Délia vint me présenter ma tenue qui se constituait d’un pantalon gris, à l’apparence cuir, une paire de tennis blanches et une veste en cuir. « Je vais avertir la personne chargée de la production que vous êtes là ! Je vous laisse vous changer afin de voir ce que cela donne sur vous ? » Je ne pus qu’acquiescer alors que je me retrouvais seul parmi toutes les tenues, la mienne entre les mains. Je me décidais finalement à me dévêtir, pour sortir quelques secondes plus tard, habillé en circonstance, m’étant finalement bien rendu compte qu’il n’était pas prévu que je porte quelque chose sous la veste en cuir, qui était grande ouverte sur mon torse. Bon, je n’étais pas très pudique à ce niveau-là, mais là toute mon attention était dirigée vers le fait de chercher Délia qui avait tout bonnement disparu.
Tournage du clip pour Just hold your breath. Premier clip vidéo que vous faites avec Hurtwave et une chose est certaine, ça ne t’avait pas manqué. Dès qu’il s’agit de devoir jouer la comédie, d’être filmé, c’est pas du tout ton créneau. Jamais à l’aise quand t’es sous les projecteurs, ce qui est un gros problème quand on est le chanteur d’un groupe. Tu prends sur toi tout le temps et c’est devenu plus simple avec les années mais là, comme ça fait près de cinq ans que tu ne t’es pas retrouvé dans cette configuration, c’est presque un retour à la case départ. Presque. Parce qu’en même temps, t’as ce sentiment que tu avances dans la bonne direction avec ce nouveau groupe. Votre label vous soutiens comme jamais et vous avez pas mal de fonds à disposition. Ca a tout à voir avec le succès de votre ancien groupe à Johnny et toi. Ils mettent pas mal d’espoirs en vous et c’est pas pour leur faire plaisir à eux que tu te donnes à fond, c’est pour avancer un peu plus sur le chemin qui va de nouveau te faire monter sur les planches de Wembley Arena en tête d’affiche. Un des plus grands moments de ta vie.
Un truc que votre label apprécie, c’est combien tu n’es pas contraignant. T’as pas du tout la fibre artistique visuelle et tu laisses toujours les autres gérer les idées pour les clips. On t’a dit de venir ici à une heure précise, tu ne sais pas encore ce qu’il va en retourner, tu sais juste que tu vas devoir faire du playback sur une de tes chansons. Tu fais chier personne, on te fait pas non plus chier. Ca c’est un des avantages très important de bosser avec la même équipe depuis une dizaine d’année. Ils te connaissent et savent que tu n’es pas du genre à des fioritures niveau fringues. T’es toujours en chemises ou en polo, très rare de te voir en t-shirt. Ton petit look de jeune premier qui est une de tes caractéristiques principales qui fait beaucoup parler au milieu de la presse rock. Pas de tatouages et toujours avec un col. Rare. T’es comme personne Asher, c’est parce que tu essaies toujours de bien présenter comme ta famille te l’a toujours inculqué. Les fringues qu’ils t’ont mis à disposition sont vraiment à ton goût et t’es déjà en train de te demander si tu vas pouvoir ramener certaines des chemises chez toi. Tu gardes ton jeans et tes chaussures car t’es à l’aise dedans et ils n’ont pas mieux à disposition. Tu as enfilé une chemise bleu marine et te voilà en train de te diriger vers le coin où il y a de l’alcool. Un prends une bière, faisant gaffe à ne pas te tâcher car cette chemise est réellement magnifique, tu te trouves beau là dedans. Un bouton ouvert au niveau du col. C’est à ce moment là que Johnny te retrouve. Tu sais pas s’il a eu des fringues spécialement pour l’occasion mais c’est une bonne chose, au moins il sera lui même aussi à la caméra.
« T’as été voir le scénario du clip? » Tu avales la gorgée de ta bière en faisant non de la tête. « Je dois avoir peur ? » Parce que tu sens que y’a un truc là dessous. « Je sais pas. Non je pense pas. Tant que tu te mets pas à bander sur le danseur que je viens de croiser. » Tu fronces les sourcils. Pas encore habitué à ce que Johnny sache et fasse des vannes si facilement sur ce sujet qui est encore un gros problème pour toi. Tu vas lui mettre un coup de poing dans le bras pour qu’il ferme sa gueule même si au fond tu sais qu’il n’y a personne autour, tu sais aussi que y’a qu’en banalisant ce genre de plaisanteries que ça arrêtera de te faire froncer les sourcils pour te faire rire. Car tu sais que Johnny plaisante. Il aurait fait la même si c’était une meuf bien foutu sauf que tu es gay Asher. Shut the fuck up. Nope. « Je vais devoir faire des trucs avec le danseur ? » Johnny qui explose de rire.« Des trucs ? T’as quoi en tête ? » Il t’agace le connard. Tu grimaces à cause de ton choix de mots. Il n’a droit qu’à un nouveau coup de poing dans son bras.
« Pas ça hummffff. » Il est en train de te tuer et toi tu ne sais pas dire les mots qui vont sur ce que tu veux dire. Tu vois le regard de Johnny qui se fixe derrière toi et tu tournes la tête pour voir un gars en veste en cuire, torse nu. Tu es vraiment très heureux de n’avoir pas été mis au courant de leur idée pour le clip car tu n’as aucunement envie que les gens pensent que c’est ton idée. T’es juste là pour chanter, point barre. Mais t’as aussi besoin d’un peu plus d’alcool dans le sang pour pouvoir blâmer d’éventuelles joues roses là dessus.
Comme t’es loin d’être un gars qui prend les devants pour aller parler aux gens qu’il connait pas, tu restes là à boire ta bière et c’est Délia qui arrive tout enthousiaste vers toi pour faire les présentations avec Abel. Tu hoches la tête en regardant ce grand gaillard devant toi. Entre Johnny et lui t’es vraiment minus et t’es aussi bien muet. Lui donnant juste un « Bonjour. Asher. » Même si Délia vient de donner ton prénom et le sien. Abel. Tu ne sais pas quoi dire et comme vous allez bosser ensemble tu as l’impression de devoir faire bonne impression car ça serait con que ça parte en couille. Tu évites de trop regarder son torse mais vu sa taille, c’est limite ce qui est le plus dans ton champ de vision. « Hmmm. J’espère qu’ils comptent pas sur moi pour danser ou quoi. » Que tu lui dis en te grattant le front assez nerveusement à cette idée. Ils te connaissent bien et tu penses pas que ça aille dans ce sens là mais comme t’es un petit con, t’as toujours pas été voir le réalisateur pour voir de quoi il en retournait. Tu leur fais confiance. Ca devrait bien se passer. Comme par le passé.
Mon regard erre sur le plateau de tournage à la recherche de Délia qui m’a laissé en plan, si je puis dire. Enfin, elle n’allait pas non plus attendre dehors que je finisse de me vêtir en circonstance. Cependant, j’étais quand même quelque peu perdu si on peut dire parmi toute cette agitation et effervescence qui régnait autour de moi. Pourtant, je devrais avoir l’habitude en tant que danseur, en tant que membre d’une compagnie… l’ambiance était presque équivalente à ce qu’il pouvait se passer lorsque le rideau était encore baissé. Cependant la différence résidait dans le fait que je n’étais pas en terrain connu, c’était même tout l’inverse. Je me décidais quand même à m’aventurer un peu afin de voir si je recroisais la costumière. Je profitais aussi de cet instant pour me familiariser avec cet endroit qui allait le cadre du prochain clip de Hurtwave mais également ma scène de danse pour l’occasion. Cet endroit avait un côté particulièrement inspirant, très instragrammable pouvait-on dire. D’ailleurs, d’après ce que j’avais compris sur le planning que le contact au sein du label m’avait envoyé, le tournage allait se dérouler jusqu’à la nuit tombée, enfin de profiter de la luminosité changeante. Cela ne me dérangeait guère dans la mesure où j’avais l’habitude de veiller jusqu’à tard lors des représentations ou même des répétitions.
Cependant quelque chose m’avait aussi un peu troublé dans une certaine mesure vis-à-vis de cette demande de collaboration : on ne m’avait donné aucune véritable indication sur ma chorégraphie. Lorsque j’avais évoqué cela avec le contact au sein du label, celui-ci avait répondu que cela se verrait directement le jour de la prise de vue, ce qui était assez singulier. Peut-être qu’on souhaitait quelque chose de très improvisé ?
Néanmoins je fus bien rapidement tiré dans mes pensées par Délia qui était en train de m’interpeller, zigzagant entre les personnes présentes sur sa route pour arriver encore plus rapidement à ma hauteur. « Oui ? » demandais-je alors en m’approchant aussi, bien moins rapidement qu’elle, d’ailleurs elle s’arrêta devant moi, légèrement essoufflée mais souriante, comme si elle avait trouvé ce qu’elle cherchait depuis tout à l’heure. « Il faut que je vous présente quelqu’un ! » et là voilà repartie de plus belle, m’entrainant parmi tout ce monde, que je tentais d’éviter tant bien que mal afin de la suivre. Il faut dire que ma taille me permettait de la repérer aisément, mais à défaut, elle ne me permettait pas non plus de me faufiler aussi facilement, aussi souple et agile que je pouvais être. Cette course se termina face alors à deux hommes qui était en train de discuter, Délia s’empressa bien rapidement de me présenter aux deux membres du groupe Hurtwave. Tout prenait sens en fin de compte, l’empressement de la costumière n’était que le reflet de sa volonté de finalement me faire découvrir les deux personnes pour qui j’allais danser. Je vins alors adresser un sourire aux deux membres du groupe. « Abel, comme vient de le dire avec Délia. » déclarais-je alors en regardant plus attentivement celui qui venait de me donner son identité d’une façon relativement simple.
Cependant, si au début je cherchais à capter son attention de mon regard, ce dernier semblait davantage concentré sur ce qu’il avait en face de ses propres yeux : à savoir mes pectoraux qui étaient sans doute présentée de façon trop indécente dans cette tenue. Enfin, c’était ce que la critique dirait. Toutefois, sa réflexion me fit sourire alors que je penchais légèrement la tête sur le côté. « En matière de danse, je peux te donner quelques conseils s’ils ont prévu quelque chose dans ce style. » indiquais-je alors d’une voix amusée.
Vraiment c’est plus fort que toi de regarder son torse mais tu te dis que c’est rien. Ça aurait une femme aussi dénudé devant toi, t’aurais fait la même. D’ailleurs tu détournes les yeux vers Johnny qui lui a l’air beaucoup moins perturbé que toi et ça te fait chier. Hmmm. Tu bois une grande gorgée de ta bière afin de t’occuper à faire quelque chose au lieu de simplement être là à être nerveux par tout ce qu’il se passe dans ce studio. Respire Asher. Tu peux pas t’empêcher d’être toujours tendu quand y’a des obligations avec le groupe. Tu sais que ça en vaut la peine de subir tout ça car il faut avoir du contenu pour toucher un public plus large et gravir doucement les échelons. Ces échelons qui ont l’air d’être deux fois plus long à franchir maintenant que tu foules tout ça avec ce nouveau groupe. Mais la connexion avec les gens qui s’identifient à tes chansons lors des concerts vaut tout l’or du monde. Tu veux ça de nouveau dans ta vie et tu sais qu’il faut bosser dur et prendre sur toi. Comme maintenant. « En matière de danse, je peux te donner quelques conseils s’ils ont prévu quelque chose dans ce style. » Heureusement tu viens d’avaler ta gorgée parce que clairement il vaut mieux pas qu’il compte la dessus. Tu fais « non » de la tête avec un sourire amusé qui est surtout dû à ta nervosité. « Non. Je danse pas. Jamais. » « Tu danses quand t’as trop bu. Tu veux une autre bière ? Je crois j’ai vu du whisky là bas. » Johnny qui met son grain de sel et l’entendre à côté dire de la merde te rassure. Il est là, c’est la personne que tu connais le mieux dans toute cette assemblé. Ton ami, ton band mate, ton coloc. Le seul qui est dans la confidence d’une énorme partie de ta vie. Il l’a tellement bien pris tu t’es senti bien con d’avoir eu peur depuis tout ce temps, mais il reste un cas à part car il ne connait pas grand monde de ton entourage proche de Brisbane. Tu sais que ton secret est bien gardé avec lui. Tu sais aussi que tu n’es plus un menteur quand tu lui parles et tu te sens plus légitime comme ami, enfin. « Si y’a du whisky vraiment, je prends. » Cette conversation stupide aura au moins eu le dont de te relaxer. Et puis Abel est appelé ailleurs, sûrement qu’il est celui qui a le plus de boulot sur le plateau. « Le boulot commence. » Et puis tu es également appelé. « Yup. » Pour toi aussi. Tu termines ta bière cul sec, plus parce que t’as besoin de courage liquide que parce que tu veux avoir l’air présentable sans alcool dans les mains. On te dit enfin les tenants et aboutissants du clip vidéo. Tu hoches la tête, tu ne comptes pas les faire changer de direction, c’est leur boulot et tu veux surtout que ça se termine au plus vite. Abel prend place dans le décor et tu commences à entendre ta voix sur la chanson qu’ils ont mis en fond. Hmmm. C’est intéressant comme idée de clip. C’est la première fois que vous en faites un comme ça. Tu te demandes qui a eu cette magnifique (non) idée.
Quelques plans avec toi dans le champ, ainsi que Abel en pleine chorégraphie sont nécessaire et tu t’exécutes, faisant ce qu’ils te demandent sans rechigner mais ça se sent que tu n’es pas à l’aise. Tu te frottes les yeux à un moment entre deux prises, tu soupires doucement. « Tranquille. Tu vas y arriver. » Johnny qui est super positif car il sait que l’inverse c’est le pire pour toi. Tu peux partir au quart de tour éventuellement. Là il vaut mieux éviter. « Une pause de dix minutes. » Que tu entends et tu fais demi tour directement pour aller au plus vite vers le whisky que tu as effectivement trouvé entre temps. Tu palpes ta poche à la recherche de ton téléphone mais il n’est pas là. Hmmm. Tu commences à tourner la tête dans différentes directions alors que tu es en pleine réflexion. Où est-ce que tu l’as foutu ? C'est quoi le plus important là Asher ? Le whisky ou ton téléphone? Sacré dilemme.
La réponse ne se fait pas attendre. Une réponse simple et directe qui a le don de me faire sourire sans doute plus que de raison. D’ailleurs l’homme qui est à ses côtés ne peut s’empêcher de commenter et d’apporter davantage de précision sur cette affaire. Ils ont l’air d’être liés, cela ne faisait aucun doute. Est-ce que mon esprit allait faire un raccourci trop facile ? Non. A dire vrai, cela était inhérent où les deux artistes en face de moi étaient les deux têtes de Hurtwave. Néanmoins, je n’ai pas le temps de m’attarder davantage pour discuter car une personne vient à ma rencontrer pour me demander de venir sur le plateau auprès du producteur en charge de la direction artistique du clip. Leur faisant un signe de tête, je les laisse alors pour suivre l’assistante qui me présenta alors à un homme d’une quarantaine d’années qui vint alors m’adresser un sourire avant de me tendre une feuille où se trouvait l’intitulé pour Mr. Abel Greetham. C’était le résumé des scènes et des prises de vue qui allaient être faites tout le long de la journée. Cependant, aucun élément n’était clairement énoncé concernant la chorégraphie. « Excusez-moi, mais j’ai le champ libre en matière de danse. » demandais-je, peu certain de la direction que prenait ce tournage. Le producteur s’arrêta alors dans sa lecture, relevant son regard vers moi en baissant légèrement ses lunettes. « Abel. Vous permettez que je vous appelle Abel ? Faites votre travail, je fais le mien. Proposez quelque chose qui vous conviendra et cela ira. » déclara-t-il alors qu’il se tournait pour discuter avec l’assistante à propos de tout autre chose. Bon, et bien cela allait être particulier quand même.
Quittant alors le producteur, je me penchais sur la feuille où se trouvait également le titre de la chanson. C’est vrai que le contact du label me l’avait envoyé en avance afin que je l’écoute et que je réfléchisse à ce que j’allais faire dessus. Prenant mon téléphone et mes écouteurs, je la lançais alors sans attendre afin de m’en imprégner. La musique m’avait tout de suite parlé à dire vrai et c’était d’ailleurs aussi pour cela que j’avais accepté cette collaboration. L’assistante vint me faire signe de venir afin de prendre place dans le décor. J’ôte mes écouteurs et dépose mon téléphone sans prendre garde au fait que je l’ai laissé à côté d’un autre qui y ressemble en tout point.
Dès les premières notes du playback, je commence alors à marcher, passant ma main dans les cheveux alors que je me dirigeais vers un mur où se trouvait une grande ouverture, sans doute l’emplacement d’une fenêtre. Dès que la voix d’Asher se fait entendre, je m’élance alors vers celle-ci comme si j’allais sauter, me retenant finalement avec mes deux bras, reculant alors doucement mon dos à la façon d’une vague et m’appuyer alors contre le bâti. Doucement je me balance au rythme de la musique. Je prends alors une profonde inspiration dès que les mots du titre se font entendre avant de m’élancer alors vers le milieu de la salle désaffectée dans un saut de l’ange réceptionné en roulade et poursuivre ma chorégraphie. J’avais toujours aimé les improvisations… cela permettait de laisser libre cours à son imagination, ne plus réfléchir, juste danser, juste apprécier cette sensation grisante sur une musique qui était parlante pour l’âme. J’étais dans ma bulle, dans mon monde, ne prenant pas vraiment le temps de savoir si cela convenait ou plaisait. Jusqu’à ce que la fin du playback m’indique la fin de la première captation. Une pause est annoncée. Je soupire alors tout en me redressant de ma position, réajustant la veste en cuir pour me diriger en direction de l’endroit où j’avais laissé mon téléphone.
Mais impossible de le déverrouiller malgré mon doigt posé sur le capteur digital. Fronçant les sourcils, je réitère alors l’opération, toujours rien. Je décide alors d’entreprendre de taper mon code mais le résultat n’est pas plus satisfaisant. Je lâche un soupire alors que je me dirige vers mes affaires afin de récupérer une cigarette tentant d’élucider le problème de mon téléphone. C’est alors qu’un message apparaît. Levi. Je ne connaissais pas de Levi. Je crois que je venais sciemment de me tromper de téléphone. La boulette. Allumant ma cigarette, je décide de retourner alors à l’endroit où je l’avais laissé précédemment… Mais une nouvelle vibration me rappelle alors à l’ordre concernant ledit téléphone. Il fallait vraiment que je retrouve le propriétaire de ce téléphone. Cependant, mon regard ne peut s’empêcher de voir quand même les messages qui venaient d’être envoyés. Des messages qui étaient peu équivoques d’ailleurs. Si cela me fit sourire, j’étais quand même déterminé à retrouver le propriétaire du téléphone mais comment faire ? Je me décide alors de me diriger vers le lieu de pause… et c’est là que je vois Asher avec son verre de Whisky. Je me décide de me rendre auprès de lui. Peut-être qu’il aurait une idée. Après tout, il connaissait sans doute plus de monde que moi ici.
« Dis Asher. Est-ce que tu sais si quelqu’un n’a pas égaré son téléphone ? Car j’ai pensé prendre le mien sauf que non… » lui dis-je en levant ledit téléphone comme preuve.
T’es pas mal impressionné par la performance de Abel que tu essaies de ne regarder que d’un oeil mais… C’est bien trop beau comme prestation pour détourner le regard. C’est de l’art. Clairement. T’as jamais été intéressé par la danse. Danser toi même ou regarder les autres et t’es automatiquement en train de te dire que tu aimerais bien voir Levi danser. Tu aimerais bien danser avec lui. Nan. Tu veux juste être collé contre lui et si c’est pour danser, là tu serais ok. Y’a pas de réflexion à avoir là dessus. Tant qu’il est avec toi, t’es ok pour faire tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi. Tu te souviens que son show à Mr Levi se fait dans moins d’une semaine. Tu vas avoir le loisir de le mater bouger plus ou moins son corps en même temps qu’il chante. Ça n’aura rien à voir avec de vraies danses, car toi aussi tu bouges en rythme quand tu chantes, mais on peut pas appeler ça de la danse. Tu es carrément en train de te perdre dans tes pensées. Tu préférais quand tu ignorais que ton téléphone était porté disparu. T’es en train de regarder partout où t’as pu le laisser. En même temps tu essaies de localiser le whisky mais du coup t’es moins focalisé sur ton téléphone. Surtout que c’est le whisky que tu trouves en premier. P r i o r i t i e s.
« Dis Asher. » Abel? Tu reconnais sa voix et te retourne vers lui. « Est-ce que tu sais si quelqu’un n’a pas égaré son téléphone ? Car j’ai pensé prendre le mien sauf que non… » Tu ouvres de super grand yeux en l’entendant. Tu t’attendais à tout sauf à ça. Il tend le téléphone et c’est le même model que le tiens.« Oh ouais, je le cherchais. C’est le mien. » Tu éclaires l’écran pour voir si tu as des notifications et… c’est le cas. De Levi. Shit. Parce que tu te dis que Abel a pu éventuellement voir les notifs. Parce que les mots de Levi laissent peu de transparence sur la nature de votre relation. D’ailleurs tu te maudis d’avoir les joues qui s’empourprent un peu. Juste un peu. You wish Asher. Tu te décides à terminer ton whisky cul sec histoire de bien blâmer l’alcool pour ‘ton état’. Comme les messages datent d’il y a une heure tu réponds brièvement à l’homme que tu aimes que tu lui répondras plus tard parce que t’es occupé. Tu n’as pas envie de le laisser sur ‘vu’, même si Levi ne s’en serait même pas rendu compte. Il y comprend tellement rien en technologie c’est super cute d’ailleurs. Tellement cute qu’en y pensant en même temps que tu réponds, un petit sourire bien trop tendre se forme sur tes lèvres. Tu te reprends quand tu reverouilles ton tel et que tu réalises que Abel est toujours à côté de toi. T’étais parti loin Asher. Dans ta bulle avec Levi même s’il n’est pas là. Il a ce pouvoir. « Tu veux boire quelque chose ? » Que tu proposes alors que tu prends la bouteille de whisky dans tes mains pour te servir un autre verre. T’en as besoin pour finir cette journée. T'en as besoin pour enfouir très loin l'information qu'il a peut être vu les messages. Tu préfères faire comme si c'était pas le cas. Le déni c'est bien.
Danser. Un verbe pour une action. Il y avait milles et une façon de danser. J’avais trouvé la mienne en embrassant cette voie qui était devenue pas simplement une passion, mais une véritable façon de vivre. Et je ne pense pas me tromper quand je dis que la danse est toute ma vie. Même sans m’en rendre compte par moment, je me laissais aller à quelques mouvements, quelques pas, une inspiration plus marquée, un regard plus soutenu parce que la musique envahissait mon âme tout entière. Elle me faisait vibrer, frissonner. C’était grisant. Alors quand j’avais compris que la seule chose qu’on attendait de moi pour le tournage était que je danse, j’avais fait ce que je savais faire le mieux : m’exprimer à ma façon. La voix grave qui avait retenti dans les haut-parleurs, une voix éthérée, une voix presque plaintive mais grave et profonde à la fois. Un savant mélange de textures auditives qui avait éveillé en moi bien trop de choses pour les décrire en quelques mots. Et j’avais tenté de les retranscrire au travers de mon art, au travers de mon corps. Aussi technique pouvait être la danse, elle avait aussi cette faculté de vouloir exprimer aussi quelque chose. Il fallait de l’émotion. Qu’importe les défauts qui pouvaient se voir, qu’importe les faux-pas, il fallait que cela soit spontané à l’image de cette chanson. Et si des doutes avaient envahi mon esprit au début, ils avaient disparu pour laisser place à une sorte d’allégresse tangible, à un sentiment de bien-être mêlé à cette mélancolie qu’on retrouvait dans la mélodie et dans les mots de Asher. D’ailleurs, je ne m’attendais pas entendre pareille chanson pour un groupe affilié au métal. Mais est-ce que Hurtwave devait appartenir à une catégorie ? je ne crois pas.
Cependant je reviens vite à mes esprits quand je me rends compte que le téléphone que j’ai entre les mains a beau être similaire au mien, ce n’est pas le mien. Et les messages adressés ne m’étaient clairement pas destinés mais ne laissaient guère place au doute concernant la nature de la relation entre ce Levi et le propriétaire de ce téléphone. D’ailleurs, cela me tira quelques sourires. Rien de moqueur, juste que je trouvais cela… sincère. Mais je me devais de retrouver mon propre téléphone et sans doute que la personne qui avait pris le mien par mégarde était le fameux propriétaire. Je décidais de chercher une tête familière, jusqu’à finalement devenir la silhouette de Asher. Cela tombait à pic. Il semble alors étonné de voir que j’ai dans ma main son téléphone. Qui ne le serait pas ? « Ah super alors ! Je n’ai pas eu à faire le tour de toutes les personnes présentes pour savoir à qui il était ! » déclarais-je alors avec un sourire en coin, ma voix vibrant légèrement, signe d’un rire contenu, signe de ma bonne humeur. Toutefois, je notais avec quelle rapidité, le chanteur venait de s’emparer son téléphone pour le déverrouiller sans attendre pour le consulter. Est-ce pour ce fameux Levi ? Il y avait des chances. Mon sourire se fit alors plus visible encore. Le voyant finir son verre et bien trop absorbé par l’écran, j’allais me décider à retourner sur mes pas afin de me mettre la main sur mon propre téléphone, mais le regard clair du chanteur me fit m’arrêter dans mon mouvement, tout comme sa question. « Pourquoi pas ? Je te suis sur ta boisson. » déclarais-je alors en ramenant ma cigarette à mes lèvres afin de tirer une nouvelle bouffée, considérant soudainement comme retrouver mon cellulaire comme secondaire étrangement. Il faut dire que le contraste était assez… voyant : il semblait exister une véritable dichotomie entre l’homme qui était sur le plateau, le chanteur qui faisait ce que le label désirait et l’homme qui était accroché à son téléphone. Cette pensée était étrangement douce ; qui ne pourrait pas trouver cela touchant d’une certaine façon ? Prenant un verre afin de le présenter au blond afin qu’il puisse me servir, je ne peux m’empêcher alors de mettre les pieds dans le plat. « Cela fait longtemps ? »
« Ah super alors ! Je n’ai pas eu à faire le tour de toutes les personnes présentes pour savoir à qui il était ! » Et toi t’as l’impression que t’as une chance de fou qu’il soit venu te voir toi en premier à propos de ce téléphone. Malheureusement toi tu n’as pas le sien mais ce n’est pas non plus ton problème. L’important c’est que tu as remis la main sur le tiens et que tu oublies, tu enterres, toutes les pensées lié à Abel et les messages qu’il a forcément lu. Non. « Pourquoi pas ? Je te suis sur ta boisson. » Okay. Alors tu avais d’abord espéré qu’il refuse car il est ici en tant que professionnel mais toi aussi Asher. Tu ne comptes pas lui faire la moral, mais tu le juges doucement dans tête. T’espères qu’il va pas rendre sa prestation moins bien à cause de ce verre que tu es en train de lui servir. En plus tu mets une belle dose. Une dose à toi. L’habitude. D’ailleurs tu te mets une double dose car t’as vraiment besoin.
« Cela fait longtemps ? » Ca fait longtemps ? Tu ne sais pas de quoi il parle. Tu tournes la tête vers lui, l’air interrogatif sauf que, t’as rien besoin de dire. Il n’a rien besoin de répondre. T’as l’impression de comprendre de quoi il parle. Comme si tu arrivais à lire le fond de sa pensée tout comme il peut sûrement lire le fond de ton âme là maintenant. Il a lu les messages. Tu te figes. Tu déglutis difficilement. Non. Un frisson parcours ton échine. Non. Tout mais pas ça. T’es tiraillé. Est-ce que tu vas partir pour essayer d’oublier ce qu’il vient de se passer, refusant de lui répondre? Ce serait la possibilité qu’il en parle car il a l’air d’avoir la parole facile le Abel par rapport à toi. Est-ce que tu prends sur toi alors que t’as l’impression que y’a beaucoup trop de monde qui sait. T’es pas encore à l’aise avec ça. Du tout. Encore moins alors que le gars devant toi est un type que tu as rencontré il y a quelques heures auparavant seulement. Ton coeur bat si vite. T’es pas bien là. « C’est privé. » Tu déglutis difficilement avant de partir de ton côté - prenant la bouteille avec toi - en te maudissant de ne pas avoir mute la conversation de Levi ou enlever les notifications sur ton écran. Fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck fuck. C’est en train de te glisser entre les doigts. Le contrôle sur l’information. C’était pas prévu comme ça du tout.
Mon interlocuteur semble plus réservé que moi, peut-être même plus introverti. En effet, si mon regard, mon visage sont si expressifs, ses traits semblent plus fermés, plus distants aussi. A dire vrai, je pourrais même me dire demander sur quel pied danser avec lui – sans mauvais jeu de mots. Pourtant, ce n’était pas la première fois que je rencontrais un artiste qui semblait presque fuir les contacts sociaux. Est-ce que je le jugeais ? Non, cela était plus une idée, un simple avis qui se formait dans mon esprit à son sujet. S’il y avait bien une chose que je m’efforçais de faire, c’était de ne pas tomber dans cette facilité, de ne pas juger un livre à sa couverture. C’était aussi pour cela que j’avais une sorte de contact facile, comme si au travers d’une attitude avenante, une présence qui se voulait bienveillante, les choses pouvaient passer plus facilement.
Rendant le téléphone à Asher, je réponds positivement à sa question. A dire vrai, ce n’était pas la première fois que je pouvais consommer de l’alcool sur un plateau de tournage. Mais si mon idée au début fut de refuser dans l’idée d’être professionnelle au possible, je préférais réagir autrement, me laissant porter par le moment, par l’action. La dose servie était d’ailleurs conséquente mais je savais pertinemment que je n’allais pas finir mon verre d’une traite ; la session venait à peine de commencer. Posant ma question, comme une façon d’engager davantage la conversation, je viens ensuite porter le verre à mes lèvres, buvant une mince gorgée afin d’avoir le goût dans la bouche. Le liquide ambré vint rapidement provoquer en moi un frissonnement, une sensation agréable et grisante. Mon regard était portant toujours porté sur Asher, attendant une réponse de sa part. Enfin s’il le souhaitait, rien ne l’obligeait à exposer auprès de moi sa vie privée, surtout dans pareille contexte. Cependant, j’avais ce don particulier de parfois faire preuve d’une grande maladresse en matière de sujets abordés, me rendant compte bien trop tard que cela était déstabilisant. Là où je ne voyais pas le mal, certains le voyaient de façon claire.
Mais ce qui fut sans doute le plus troublant, c’était de voir ce regard interrogatif se teinter alors différemment. Mes sourcils se froncèrent alors, mon expression se faisant interrogative à mon tour, alors que mon regard scrutait ses traits comme si j’étais à la recherche de quelque chose. Cependant, je sens comme si l’atmosphère autour de nous venait de s’alourdir brutalement. L’agitation qui régnait autour de nous venait de passer au second plan. Mon visage si souriant était devenu presque fermé, ne comprenant pas vraiment au début la raison de pareille réaction. Mais cela fut sans doute encore pire face à sa réponse, alors qu’il tournait les talons sans attendre, sans m’adresser un regard. Est-ce que j’avais touché un point sensible ? Apparemment. Je restais alors là, immobile ; j’étais dans un état de flottement évident alors que j’avais toujours mon verre entre les doigts. Ce fut finalement l’arrivée de Délia qui me tira de mes pensées, m’indiquant que quelqu’un avait trouvé un téléphone et s’il était à moi. Je repris alors un semblant de contenance, mon visage se tournant vers elle avec un sourire. « C’est possible… je peux être tête en l’air par moment. Est-ce que tu peux le garder avec toi ? J’ai quelque chose à faire. » indiquais-je avec un sourire. Celle-ci me répondit de façon affirmative avant de s’en retourner, toujours aussi enjouée. Buvant une gorgée de mon verre, je me décidais alors de retrouver Asher. Cela était bien trop étrange pour ne pas attiser ma curiosité et je n’aimais pas rester dans le flou.
Tu vas t’isoler dans une pièce. Tu crois que c’est la loge mais t’es même pas sûr parce que tu ne regardes pas grand chose, l’important c’est que tu sois seul. Et que tu te calmes. C’est clairement PAS LE MOMENT de faire une crise de panique Asher. La pause est sensé n’être que d’une dizaine de minute. Tu vas devoir retourner sous la caméra. Vraiment ça va pas du tout là. « Réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit réfléchit… » Et donc tu réfléchis. Tu iras parler à ce type. Tu iras lui dire… Tu iras lui dire quoi ? Tu sais pas. Mais te focaliser sur l’éventualité de rendre tout ça right te rassure. A ce moment là. Tu as presque l’impression que c’est pas si grave. Tu mets les choses en perspective. Il te connait pas. Il connait encore moins ta famille. Tu es son boss à l’heure actuelle. C’est pour toi le clip. Tu peux avoir l’ascendant d’une façon ou d’une autre s’il faut en venir à ça. « Putain de merde… » Tu détestes jusqu’où tu vas dans ta réflexion parce que la vérité c’est que tu veux juste ne plus jamais avoir à en parler de ce moment qui te met mal. Et puis tu penses à Levi. Tu penses à Levi dans ta salle de bain en train de vider ses tripes dans la cuvette de tes toilettes. Tu prends de grandes inspirations. Tu mets les choses bien en perspective. Levi est malade. Physiquement. Levi a des vrais problèmes. Les tiens le sont tout autant Asher. Shut up. Parce que tu veux minimiser ta situation. Ton problème. Qui n’en est pas un en fait. Il dira rien le Abel. Il connait personne. Il te connait même pas toi. Tu restes un peu plus longtemps encore dans ta cachette. Tu te moques de mettre en retard le tournage. T’es sûr qu’ils peuvent faire des plans sans toi. Tu bois une gorgée de whisky. Ca va t’aider aussi même si là ça va. T’es un peu mieux. « Okay… » Tu parles à toi même oui. Tu prends une grande inspiration et tu ouvres la porte de cette pièce pour retourner sur le plateau. Tu soupires doucement. Tu te masses les paupières. T’as laissé la bouteille de whisky derrière toi dans la pseudo loge. Tu masses tes yeux un moment et quand tu regardes de nouveau devant toi y’a Abel à l’autre bout du couloir. Tain… Tu sais que tu allais le revoir mais pas déjà. Pas ici. Il te cherchait ou quoi ? Vu son regard, ça en a tout l’air. Tu essaies de réfléchir à ce que tu avais en tête un peu plus tôt mais le mutisme reste ton meilleur ami tout le temps quand t’es pas à l’aise… Peut être qu’il va laisser couler. Ou pas. La bonne nouvelle c’est qu’il n’y a personne dans ce couloir. Tu ne voudrais pas en plus des témoins. Tu ne donnes pas un spectacle. Loin de là.
Retrouver Asher, c’était comme retrouver une aiguille dans une botte de foin. L’endroit était investi par un ensemble de personnes qui ne cessait d’aller et venir à leurs préoccupations, bien que le temps de la pause soit encore d’actualité. Il restait tant à faire et pourtant mes pensées étaient tournées vers le chanteur et sa réaction face à ma question qui était pourtant la plus innocente possible, un moyen de briser la glace. Pourtant, cela semblait avoir provoqué tout l’inverse de ce que je souhaitais, rendant la situation plus que tendue en fin de compte. Je me mets à chercher la tête blonde du parolier du groupe, tentant d’identifier sa silhouette parmi tout ce monde mais pour l’instant, aucun signe de lui. Mon regard est pourtant attentif, alerte, balayant l’environnement qui m’entoure. Je ne pouvais m’empêcher de me questionner sur la raison de tout ceci. Est-ce que cette relation était naissante ? Est-ce que les choses étaient compliquées ? Beaucoup de questions mais peu de réponses. Pourtant quelque chose en moi résonnait quand même, me poussant à le retrouver afin de désamorcer une possible bombe à retardement.
Et c’est finalement au détour d’un couloir que j’entrevois sa silhouette, mon regard cobalt accrochant le sien. Il m’avait repéré. Il ne cherche pas à s’enfuir de nouveau, mais semblant quand même prêt à détaler si nécessaire. Je me décide alors de remonter vers lui, ma démarche se fait presque précipitée, si bien que je renvoie une attitude tendue, peut-être moins avenante que précédemment. Mais l’idée était surtout d’éviter qu’il ne me file entre les doigts. Cela ne se voyait peut-être pas, mais j’étais d’un naturel buté par moment. Mais alors que j’arrive à sa hauteur, j’entends la voix de l’assistante de production m’interpeller, me demandant de venir sur le plateau afin de discuter de quelques ajustements. Je suspends alors ma course, me retournant alors vers elle avant de lancer un regard vers le blond. Mes sourcils encore froncés, je décide finalement de rebrousser chemin. Le travail avant toute chose, j’étais là pour cela.
Sans attendre, je fais demi-tour pour regagner la scène, maudissant presque ma capacité à pouvoir rendre les choses toujours plus compliquées. Je croise alors Délia qui me tend mon téléphone, tout en penchant légèrement la tête d’une façon interrogative, comme si elle sentait un léger changement chez moi. Je lui adresse alors un sourire, tout en secouant la tête, signe que tout allait bien et je rejoins le producteur qui était en conversation avec celui qui était sans doute chargé de la prise de vue. « Ah Abel ! J’ai vu les rushs et on peut dire que vous savez faire votre travail. Nous aimerions que vous poursuiviez votre chorégraphie dans la partie nord du bâtiment, là où une partie de la façade s’est écroulée. Est-ce que cela vous convient ? » Le producteur me désigne d’ailleurs la direction de la nouvelle scène, où j’entrevois déjà l’ambiance. J’acquiesce alors d’un signe de tête. « Est-ce que je peux prendre mon téléphone et mes écouteurs pour cette séquence ? Même si l’installation porte bien le playback, j’ai besoin d’être dans une ambiance plus immersive. » Le producteur me dévisage quelques secondes avant d’acquiescer finalement alors qu’un caméraman arrive. Il n’était pas nécessaire de déplacer tout le plateau technique.
Je me mets alors en route vers l’endroit, m’enfermant dans ma bulle de nouveau. Etrangement, cette histoire m’a aussi renfrogné d’une certaine façon ; est-ce que j’avais mal pris sa réaction ? Certainement mais cela était aussi le revers de l’histoire quand on se mêle de ce qui ne nous regarde pas. Mais est-ce que j’allais en rester là pour autant ? Non, je n’étais pas du genre à baisser les bras mais après tout, est-ce que c’était nécessaire aussi ?
Tu aurais envie de retourner en arrière et ne pas perdre ton téléphone si facilement. C’est quelque chose qui t’es déjà arrivé par le passé mais à ce moment là tu n’avais pas des SMS kinky de ton boyfriend qui pourraient s’afficher sur ton écran à la vue de qui l’a dans les mains. Tu es prudent sur tellement de choses, mais tu es aussi faible pour tous ses contacts à lui. Chaque fois que c’est son nom qui s’affiche sur ton écran c’est un sourire incontrôlable sur ton visage. Tellement que tu as envie de te gifler aussitôt que tu t’en rends compte. C’est toujours étrange tous ces changements physique que Levi provoque en toi. Etre heureux en tout points dans une relation n’est pas habituel pour toi. Pas normal même. Tu as longtemps voulu saboter le plus possible ce qu’il se passait entre vous mais ça c’était avant. Avant de te rendre compte que Levi peut te glisser entre les mains si son cancer gagne la bataille. Tu veux même pas y penser. Tu veux profiter de lui autant que possible. Tellement que tu t’es enfin décidé à t’ouvrir sur ton homosexualité auprès de ton coloc. Tu as offert la possibilité à Levi de venir chez toi quand il le souhaite. Lui qui vit sur un bateau qui n’est pas la chose la plus confortable à ton avis. Surtout son mini lit à côté du tiens. Tu veux que son bien. Tu le veux aussi dans tes bras pour le plus de nuit possible sans avoir mal partout le lendemain car son matelas et son lit simple rendent les choses moins aisés. Et depuis tu t’ouvres de plus en plus à ton entourage. Pas trop quand même. Rien que d’avouer que tu es en couple, sans plus de détails, c’est un premier pas immense pour toi. Car cette fois quand tu le dis, ça se voit dans tes yeux que c’est sincère. Pas grand monde t’a connu en couple dans ta vie. C’était pas ta tasse de thé. A juste titre.
Abel s’approche de toi avec un air… étrange sur le visage. Tu ne sais pas à quoi t’attendre et tu essaies tant bien que mal d’ôter l’option ‘lui mettre une droite’ du haut de ta liste. Autant tu n’hésites pas quand tu es derrière ton bar à ton autre boulot, autant là il s’agit de ta carrière musical et tout les gens du labels sont là. Tu veux pas ruiner ça. Ce contexte, Levi, sa maladie, cet inconnu, tout ça t’a aidé à maîtriser l’éventuelle crise de panique qui pointait le bout de son nez. Une partie de toi est assez fier mais là, t’es plutôt inquiet parce que tu ne sais pas ce que tu vas dire à ce gars. Si t’en dis trop alors qu’il bluffait? Tu n’auras rien gagné. Mais t’es sauvé par le gong. Le boulot reprend et même si tu as l’impression que le moment n’est que repoussé, tu sens une partie de ce poids s’en aller de tes épaules. Pour le moment.
Tu retournes sur le plateau, tu es en retard, mais lui aussi. Tu remarques qu’il prend la direction de la sortie. Tu fronces les sourcils. Il est déjà viré ? Mais tu n’as rien dit pourtant. « Où il va ? »« Ils vont enregistrer des plans dehors. » Johnny qui te répond le nez dans son propre téléphone. Tu prends une grande inspiration, essayant encore de faire encore plus de calme dans ton esprit. Ce n’est jamais une chose aisée. « Tout va bien ? » Qu’il te demande en levant la tête de son écran. « Hmmm. » L’absence de réponse en est aussi une.
Vous terminez les plans pour vous ici, dans le studio. Tu as presque l’impression que tu ne reverras pas l’ombre de Abel et ça te fait du bien. Tu te répètes qu’il n’a aucune utilité à propager ce qu’il a pu voir sur ton téléphone. T’es pas si connu que ça hein Asher ? On a sold out Wembley Arena. Ouais bon ok. T'es connu dans le milieu de la scène musicale. T'es loin d'être Brad Pitt hein. Mais ok. Le déni, allons dans la direction du déni. Tu n’as pas le contrôle sur ce gars. Tu sais que tu ne peux rien faire sans te dévoiler plus. Tu ne veux pas lui offrir ça.
L’équipe du tournage se retrouve dans un bar non loin du lieu du shoot et c’est tout naturellement que tu as suivi. « Juste un verre. » Ton ami qui a une copine à retrouver, toi t’as ton ivresse qui t’appelle. Dans un cadre qui n’est pas celui du travail, tu peux aller un peu plus loin. En plus, le label paie le transport pour cette journée. Tu pourras rentrer chez toi en taxi. T’as pas l’impression que Abel soit venu mais il aura suffit que cette pensée t’effleure une nano seconde pour le voir franchir la porte du bar. Fuck. Ou pas Asher. Vous êtes dans un endroit neutre cette fois. Si jamais ça part en couille, c’est beaucoup mieux. Hmmm. Tu ne sais pas quoi penser mais tu es sûr qu’il va venir te parler. Johnny qui prend sa bière et file discuter avec un collaborateur que vous ne voyez pas souvent avec qui vous vous entendez bien. Toi tu restes au bar, c’est pas une bonne idée Asher. C’est un accès bien trop facile à ta personne. Mais peut être que tu veux voir ce qu’il a à dire le monsieur muscle. Peut être qu’il va dire des choses qui sont à des milliers de kilomètres de ce que tu avais en tête. Peut être qu’il parlait d’autre chose et t’as compris à côté. Ce serait beau ça. J’y crois pas. Tu l’as vu dans ses yeux.
Je ne m’en rendais pas toujours compte mais lorsque mes traits de mon visage se muaient en une expression sérieuse et déterminée, avançant alors de toute ma hauteur, je pouvais dégager quelque chose de bien antithétique par rapport à la personne que j’étais. Mais j’étais décidé à tirer cela au clair, à vouloir comprendre pourquoi Asher avait presque pris ses jambes à son cou lorsque je lui avais posé une question qui était – après réflexion – la plus banale possible. En effet, les SMS qu’il avait reçu en disait long sur la relation qui existait entre le chanteur et l’expéditeur. Peut-être que cela en offusquerait plus d’un pourtant j’étais bien à mille lieux de pareilles réflexions. Ce serait l’hôpital qui se fout de la charité et puis ce n’était pas non plus dans mon caractère. Cependant, l’interpellation de l’assistante de production m’arrête alors dans ma progression, me faisant tourner finalement les talons, devant remettre cela à plus tard, si plus tard, il y avait. Cependant mon esprit finit par être occupé par la raison de ma présence entre ses murs : le tournage du clip. Après m’être entretenu avec le producteur sur quelques envies de ma part, je quitte le plateau principal pour aller poursuivre les prises de vue sur le toit. De nouveau dans ma bulle, dans cette ambiance immersive, je me laisse aller de nouveau à l’improvisation, profitant de la sensation de la brise sur ma peau, du soleil déclinant doucement à l’horizon. Les occasions de pouvoir danser à l’extérieur étaient rares et je tenais en profiter au maximum.
Quelques heures plus tard, le producteur sembla être satisfait après un dernier visionnage des séquences me concernant. La nuit avait déjà laissé place au jour, quelques étoiles venant déjà s’illuminer alors dans le ciel d’un bleu profond. Malgré les pauses qui m’avaient été accordées où je profitais pour m’hydrater ou fumer une cigarette, j’avais décidé de rester de mon côté pour réfléchir un peu à toute cette histoire. Les questions étaient restées sans réponse et quelque part, est-ce vraiment nécessaire que je me mette en quête de celles-ci face à la froideur dont j’avais été la cible ? Cela devrait plutôt m’indiquer de rester de mon côté et en rester ici. C’était l’idée principale. Et d’ailleurs tout cela sortait doucement de mon esprit. Rejoignant alors Délia qui m’attendait près des grands coffres où étaient rangés la plupart des vêtements, celle-ci me demanda si tout s’était bien passé. « Parfaitement ! Je dois dire que cela me change des scènes en intérieur donc j’ai profité un maximum. » déclarais-je alors tout en retirant la veste en cuir pour la lui tendre, avant d’en faire de même avec le pantalon et les chaussures afin de ne pas la retarder dans son rangement. Je n’étais pas quelqu’un de pudique par nature et puis il fallait faire vite. Tout le monde était fatigué et cela se comprenait. Me rhabillant alors dans une tenue moins sportive que lors de mon arrivée, j’avais enfilé un t-shirt blanc avec un jean bleu délavé avant d’enfiler un sweat par-dessus. Cependant alors que j’allais prendre la direction de la sortie, Délia m’indiqua que toute l’équipe se réunissait dans un bar, non loin de là, afin de terminer la journée. Hésitant au début, elle finit par me lancer un petit regard qui me fit alors céder. Après tout, cela n’engageait à rien et puis cela me permettrait de discuter un peu avant de rentrer.
Ce furent quelques minutes plus tard que je franchis la porte du bar. J’avais un peu tardé, ayant profité du trajet pour fumer encore une cigarette et appeler Logan pour savoir comment s’était passé sa journée. Lorsque j’entrais, je balayais la salle du regard afin de retrouver des têtes familières, c’est alors que je croisais le regard de Asher qui se trouvait seul au bar. Je me décidais alors de prendre la direction de celui-ci pour commander une bière au barman qui était venu à ma rencontre. Cependant, me retrouver à côté du chanteur avait quand même de quoi raviver quelques questions. Est-ce que je devais de nouveau le questionner ou le laisser tranquille ? Je n’en savais rien. Néanmoins, il semblait avoir pris tout cela très à cœur et mal, trouvant sans doute intrusif ma façon de faire, ce que je pouvais comprendre. Je me décidais finalement à tourner ma tête vers lui, mon regard se baissant alors légèrement afin de pouvoir chercher son regard. « Si je t’ai mis mal à l’aise tout à l’heure, ce n’était pas mon intention. » Très directe comme approche, mais au moins cela aurait le mérite d’être clair.
Il est là, à côté de toi. Tu restes silencieux te disant que peut être il va repartir après avoir pris sa bière. Bon choix. Parce que tu as entendu sa commande et tu es déjà en train de réfléchir à ce que tu vas boire après avoir terminé le verre entre tes mains. Tu bois ce dernier bien plus rapidement que prévu d’ailleurs. Tu devrais te lever et aller ailleurs Asher mais tu ne bouges pas du bar. « Si je t’ai mis mal à l’aise tout à l’heure, ce n’était pas mon intention. » Et les mots qu’il dit à ta destination qui te calme plus que tu n’aurais cru. Tu entends le ton sincère de ses mots. Tu tournes les yeux vers lui, t’es encore dans l’interrogation. Tu sais pas pourquoi il a voulu mettre son nez comme ça dans ta vie privée. Est-ce que c’était un sujet si banal pour lui ? C’est ça ? Ca l’est pas encore avec Johnny que tu connais bien. Tu n’as vraiment pas su gérer le moment et sa question. Tu déglutis difficilement. Tu ne sais pas ce que tu vas lui répondre à Abel. Si tu lui réponds. Tes mots sont toujours une partie de toi que tu donnes au compte goutte. « Juste… » Tu secoues la tête, tu sais même pas ce que tu veux dire. « C’est compliqué. » Tu soupires assez fort. T’as plutôt besoin de grandes inspirations pour te remettre de la suite dans les idées. Tu répètes les mots que tu viens de lui donner et t’es content de toi parce que tu ne dévoiles rien. Tout dépend ce que lui a compris. Vous parlez bien sûr de la même chose mais sans le dire véritablement. Peut être qu’il n’y a qu’un gros quiproquo et que tu n’as rien à craindre mais… Quelque chose te dit qu’il sait très bien. Il a su lire au fond de ton âme et c’est un truc qui te fait flipper tous les jours. Oublie pas qu’il y a eu les messages Asher. Ca ne se voit pas sur ton visage non plus. Il a eu un sacré coup de pouce avec ces informations là. Hmmm. Tu reprends à boire ton verre, détournant de nouveau les yeux de Abel qui est si grand à côté de toi. « Garde ça pour toi. » Phrase importante. La plus importante de toutes.
Dire que l’ambiance était lourde, c’était peu dire en vérité. En effet, j’avais encore bien en tête l’attitude de celui-ci, sa réflexion aussi face à ma question. Peut-être que plus jeune, cela m’aurait pesé davantage, m’amenant à me produire différemment pour le tournage mais le professionnel était rapidement revenu, laissant tout cela de côté. Cependant, maintenant que la journée de prises était finie, que je me retrouvais dans ce bar, à côté de lui, je ne pouvais m’empêcher d’y penser. Et d’ailleurs, je finis par mettre les pieds dans le plat en m’excusant. Je vois alors que son regard se tourne finalement vers moi, le mien décide de l’accrocher sans attendre afin de happer toute son attention et qu’il ne lui vienne pas l’idée de fuir de nouveau. Mais dans une certaine mesure, s’il réitérait, est-ce que je pourrais y faire quelque chose ? J’entends alors un mot de sa part, un simple mot qui reste en suspension. Je me tourne alors un peu plus vers lui, levant les sourcils tout en penchant la tête comme pour l’inviter à poursuivre. C’est alors que la suite tombe. Quelque chose de très évasif en fin de compte, mais je devrais sans doute me contenter de cela. Je le vois alors se détourner de nouveau, comme s’il fuyait mon regard, comme s’il cherchait à ne pas voir ma réaction à ce sujet ou à voir les prémisses de celle-ci. Et là. Nouvelle phrase. Quelque chose de bref. Mais qui semblait être important pour lui. J’entends le serveur revenir, je me détourne pour faire face à celui-ci qui me tend ma bière alors que je lui donne un billet pour régler ma commande tout en lui indiquant de garder la monnaie. Je reviens bien vite à mon observation, fixant toujours le chanteur. « J’espère que cela va s’arranger alors. » Une phrase qui pouvait être banale ou alors bateau, comme pour meubler la conversation, comme pour rajouter quelque chose sans vraiment y penser. Mais encore une fois, on pouvait sentir dans ma voix, cette saisissante sincérité.
Je n’avais pas eu l’enfance la plus compliquée qui puisse exister en y repensant. Peut-être pas non plus la plus facile non plus. Mais l’aseptisation des relations m’avait conduit à me développer dans le sens totalement opposé. Parmi tous les Greetham, je devais sans doute être le plus expressif, le plus abordable et même sans doute plus que la normale. Tout simplement parce que j’étais plus empathique, plus attentif sans doute au bien-être d’autrui dans une idée de bienveillance que ma grand-mère m’avait toujours inculquée. Buvant une gorgée de ma bière, prenant finalement place à côté du chanteur, je secoue finalement la tête par rapport à ses derniers mots, ayant encore du mal à les saisir, à moins que... « Je n’ai pas à raconter ta vie à qui que ce soit. Je pense qu’il n’y a que toi pour savoir vraiment la raconter comme il faut. » finis-je par indiquer alors que mon regard glissait légèrement en biais pour le regarder, un sourire en coin sur les lèvres alors que je posais ma bière sur le comptoir.
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