every shipwrecked soul
Lucia Whitemore & @Swann McGrath

Les vacances sont terminées, et avec elle, toute possibilité de vivre dans le déni de ce qu’il s’est passé, ce qu’il est arrivé à Swann. Ce que Swann s’est fait. C’était facile à Springbrook, c’était facile en haut des tours de Gold Coast, c’était facile pendant toutes ces fin de journées à la plage, c’était facile tant que ma main pouvait trouver la sienne en une fraction de seconde. C’était facile de ne plus avoir peur tant qu’il était à côté de moi, tant que je pouvais le garder sous surveillance. J’ignore si mon petit ami a réalisé que, pendant deux semaines entières, je ne l’ai pas quitté des yeux. J’ignore s’il a réalisé qu’à chaque fois que nous avions une course à faire, à chaque fois qu’il a fallu aller promener le chiot, j’ai insisté pour qu’il m’accompagne.


J’ignore s’il a réalisé que j’étais terrorisée.

Hier soir, je me suis lovée contre lui devant un film, l’âme en peine et le cœur gros. Je ne peux prendre plus de vacances, Swann m’en empêcherait et je ne veux pas faire ça à Evelyn qui me fait confiance et qui a besoin de moi à l’agence. Je ne peux justifier qu'à cause d’un accident il me soit impossible de quitter le chevet du blond. J’ai négocié avec moi toute la semaine dernière et, hier soir et ce matin, je me sens comme une lycéenne, le ventre noué à l’idée de retourner sur les bancs de l’école. Tous les burgers commandés, tous les baisers et toutes les caresses du monde ne pourront rien y changer, dès que je ferme les yeux et que je m’imagine quitter l’appartement, je le vois étendu par terre dans la salle de bain de notre appartement et je me vois arriver trop tard, cette fois ci. La plupart de mes nuits sont hantées par des cauchemars du genre et, puisque Swann tente de faire semblant que rien n’est arrivé, je n’ai pas eu la force de lui en parler. C’est moi, le problème vient de moi, je me le répète encore et toujours, je me répète aussi qu’il a promis et que je dois lui faire confiance. Sauf qu’il n’est pas question de confiance. Aller temporairement habiter dans l’appartement au-dessus du DBD n’a pas changé grand-chose : j’ai peur de fermer les yeux, peur de rêver et, surtout, peur de le laisser seul plus d’une minute ou deux. Alors toute une journée…

Quand mon réveil sonne, je me réveille en nage de m’être, cette nuit encore, débattue avec des images plus terrifiantes les unes que les autres. Swann remue, Swann qui n’a pas besoin de se lever et, en glissant contre son oreille qu’il peut se rendormir, je dépose un baiser dans son cou et un autre contre son front. Aussi loin que mes souvenirs remontent, jamais il ne m’a fallu autant de temps pour me préparer que ce matin là et, pourtant, à 08:15, je n’ai plus d’autre choix que de partir. Vérifiant une dernière fois que Swann dort toujours - c’est le cas, et le chien est venu se lover à ses pieds - je glisse mon sac sur mon épaule et je me dirige vers la porte d’entrée. Mes doigts se posent sur la poignée et je me dit que c’est facile finalement, qu’il ne va rien se passer que que nous serons tous les deux contents de nous retrouver ce soir.

Sauf que je n’y arrive pas.

Sauf que les battements de mon cœur s’accélèrent et que je respire mal, d’un coup. Je halète avec peine et ma poitrine me semble comprimée par un poid, mes jambes se dérobent sous celui de mon corps, et ma vue se trouble. Elle se trouble et, sans que je ne l’ai pressenti, je fond en larmes, en sanglots, et tout mon corps tremble d’être à nouveau et sans répit assailli par les images du soir où j’ai trouvé Swann inconscient dans la salle de bain. Les doigts toujours accrochés à la poignée, je me laisse glisser au sol, où je tente sans succès de reprendre ma respiration. Mes doigts qui s’accrochent, mes doigts qui cherchent un point d’ancrage, mes doigts qui, finalement, se referment autour de ceux de mon petit ami, que j’ai certainement réveillé à cause du vacarme. « Je peux pas. » Je le cherche du regard et, à l’aide de mon avant bras, j’essaye d’essuyer mes yeux et je ruine certainement mon maquillage. « Je peux pas. Je peux pas m’en aller. » Et si je voudrais pouvoir lui expliquer et mettre des mots sur ce qui se passe dans ma tête, c’est loin d’être le moment puisque je suis tout sauf rationnelle : j’en suis convaincue, si je passe la porte, je ne le verrais plus jamais et la pensée m’est intolérable, elle me cloue au sol.

Le réveil avait quelque chose d’étrange. Swann est naïf mais pas stupide, il avait bien senti que rien ne se passait normalement et cela allait bien plus loin que le simple fait qu’ils habitent désormais chez le frère de l’anglais et qu’elle reprenne le travail après qu’il ait eu un “accident” et qu’elle ait dû rester à ses côtés. Ne voyant pas les choses ainsi, il a simplement profité de ces quelques jours à ses côtés comme s’il s’agissait de nouvelles vacances. A la seule différence que celles-ci n’incluaient aucune séance de surf, pour la première fois depuis son arrivée en Australie. Non, il y avait autre chose aujourd’hui, et Swann n’aimait pas ça. S’il est tout de même au fond du lit sans bouger, il n’a pas su se rendormir et a continué à entendre les différents bruits des étapes du réveil et de la préparation de sa petite amie. Il se répétait qu’il se faisait des illusions et qu’il ne gagnait rien à somnoler ainsi, mais il se répétait aussi que s’il avait tort alors il pourrait laisser sa journée commencer un peu plus tôt que prévu. Il n’a jamais été de ceux qui aimaient se prélasser, de toute façon: la vie est déjà bien trop courte et ne parlons même pas des journées qui ne font que vingt quatre heures.

Il allait céder de nouveau aux bras de Morphée, pourtant, malgré toute son envie de sortir du lit pour serrer Lucia une dernière fois dans ses bras avant qu’elle ne reparte travailler. La vérité, c’est qu’il s’est sans doute habitué bien trop rapidement à l’avoir constamment à ses côtés. Swann est trop habitué à la voir heureuse et souriante, aussi. Lucia l’éternelle petite boule d’énergie qui trouve pourtant toujours le moyen de sa canaliser, Lucia l’éternelle gourmande (elle a mangé son petit-déjeuner?), Lucia l’éternelle rêveuse. Lucia qui semble buter contre la table; ou peut être la chaise. La porte, en réalité. Il croit en premier temps à un mauvais rêve mais se rend compte qu’il n’y a rien d’onirique lorsque seuls les sanglots de sa petite-amie se font entendre dans l’appartement. Ce dont il se souvient ensuite, c’est de déjà s’être retrouvé agenouillé face à sa petite-amie, ses doigts trouvant le moyen de se glisser entre les siens pour qu’elle ne se fasse pas d’entailles contre sa propre paume. Sa main libre, elle, caresse doucement ses cheveux, comme si cela allait pouvoir l’aider à se calmer du mal qui la tiraille - et qui reste encore inconnu à Swann. « Je peux pas. » La blonde pleure sans discontinuer sans qu’il n’arrive jamais à assez rapidement sécher les larmes sous ses yeux ni s’assurer que les marques noires de son mascara ne tâchent pas son joli visage. Ses mots lui semblent étrangers, il ne les comprend pas, et ce n’est pourtant pas faute d’essayer de trouver une explication à cela. Son coeur bat sûrement aussi vite que celui de sa petite-amie dont il est incapable de comprendre l’état et, surtout, d’y trouver un remède. « Je peux pas. Je peux pas m’en aller. » Si elle était son neveu, il aurait cru à un harcèlement scolaire. Force est de constater qu’elle n’a rien de semblable avec Noah et qu’elle aime bien trop son travail pour que ce dernier ne puisse être la raison d’un quelconque malheur, surtout pas un aussi violent et soudain que celui-ci. Une raison s’envole, mais aucun n’apparait à la place. Swann ne comprend pas et ne cesse de s’en vouloir plus encore en même temps qu’une voix dans son esprit lui répète qu’il est la raison de cela, sans pour autant le comprendre totalement.

Pressé par l’instant, il cherche avant toutes choses à la calmer avant de savoir quel mal la tiraille autant. Sa main glisse finalement jusque dans sa nuque pour venir la serrer contre lui et la protéger du reste du monde, à défaut de savoir quoi exactement. “Tout va bien. Je te promets que tout va bien.” Il murmure contre son oreille d’un ton assuré: il l’est. Ils prendront le temps qu’il faut pour qu’elle le comprenne puisqu’après tout, ils ont toute une vie devant eux. “On prend notre temps, d’accord? Tu ne t’en vas pas.” Elle part toujours avec un peu d’avancer pour son travail, de toute façon, et même si elle venait à être en retard ou ne pas venir du tout, l’anglais est certain que Evelyn Pearson serait assez conciliante pour le lui pardonner. Tout ce dont il a envie, c’est de comprendre pour ainsi mieux aider Lucia à effectivement aller bien (mieux), au delà de simplement le lui promettre et paraître convaincant avec ses yeux brillants et inquiets. “Et moi non plus.” Il souffle à peine pour tenter de se délester d'un peu de poids sur le coeur. "Parle moi, s'il te plaît." Il demande alors qu'il en est ironiquement lui-même incapable depuis des semaines.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

Tout était supposé bien se passer. En changeant d’appartement, l’idée était de mettre les mauvais souvenirs à la porte mais force est de constater qu’un coup de baguette magique est impossible et que j’ai simplement fait l’autruche. Rester auprès de lui, ne pas le lâcher des yeux, ça a donné le change à mon coeur mais ce n’est qu’un cache misère : nous n’avons jamais reparlé de l’accident et j’ai eu le temps de me poser dans ma tête toutes les questions du monde. Pourquoi ? S’est-il senti partir ? Pourquoi ne m'a-t-il pas appelée à l’aide, ce soir-là ou bien avant, quand il sentait que tout allait mal ? Pourquoi avoir affiché un sourire de façade sur son doux visage alors qu’avec moi, il n’a pas besoin de se cacher, pas besoin de prétendre que tout va bien et de mentir. Pense-t-il que je l’aimerais moins, s’il ne donne pas l’impression d’être parfait ? Que je ne pouvais pas comprendre tout ce qu’il se passait dans sa tête et le trouble qui l’agitait ? La dernière question, c’est la pire de toute et je le sais, c’est la plus injuste : pourquoi n’ai-je pas été assez pour le retenir ? Pour qu’il renonce et qu’il ne fasse pas ça ? Cela ne lui a donc pas traversé l’esprit, qu’il n’avait pas envie de me quitter ? Que tout allait mal, mais pas nous et qu’ensemble nous traverserions la tempête de sa vie ?

Recommencera-t-il ?

Il a promis que non, mais j’ai été aveugle la première fois et lui m’a dit qu’il n’avait rien prémédité et qu’il avait agi en écoutant une pulsion. A partir de là, comment être certaine que ce genre d’idée noire ne lui traversera pas à nouveau l’esprit ? J’ai peur, parce qu’il refuse de se faire aider : la seule fois ou j’ai tenté d’amener l’idée qu’il aille voir un professionnel, il a fait semblant de ne pas comprendre que je parlais d'un psychologue et je n’ai pas osé insisté. Au contraire, il prétend que tout va bien, qu’il s’agissait d’une erreur, et moi j’en tire juste l’impression qu’à ses yeux, il s’est ouvert les veines comme on décide de boire un verre de trop. Il n’a pas conscience de la gravité de son geste et de celle de son état, et ça m’inquiète plus que tout le reste, cette impression qu’il est dans le déni par rapport à tout ce qu’il s’est passé.

Et ce matin, tout ça m’a paralysée et m’a propulsé un an en arrière, à l’époque ou, sans déclencheur apparent, je pouvais être saisie d’une crise de panique. J’en reconnais les symptômes et alors que je m’accroche à la poignée de la porte d’entrée, je tente de me calmer seule. Je tente de respirer lentement, mais je halète. Je tente de faire la liste de toutes les raisons pour lesquelles je suis en sécurité, mais ce n’est plus pour moi que j’ai peur désormais. Je sombre, j’aurais sombré complètement sans les doigts de Swann autour de mon poignet, sans sa main dans mes cheveux alors que de grosses gouttes roulent sur mes joues. Il écoute, il tente de comprendre, il fronce les sourcils et, finalement, sa main glisse dans ma nuque et il m’attire contre lui. « Tout va bien. Je te promets que tout va bien. » Non tout ne va pas bien. Il va le refaire, la panique trouble mon jugement et, sur l’heure, je suis persuadée qu’il va le refaire. « Non. Le refais pas. Le refais pas s’il te plait. » Mes paroles n’ont ni queue ni tête, mais je lâche la poignée pour m’agripper à lui de toutes mes forces. J’enroule mes bras autour de ses épaules et je cache mon visage dans sa nuque : je n’ose pas le lâcher, je n’ai pas envie qu’il parte pour de bon. « On prend notre temps, d’accord? Tu ne t’en vas pas. » Je ne m’en vais pas. Je répète la phrase dans mon esprit mais je respire toujours aussi mal. « Et moi non plus. » « Pars pas. » Ne pars pas, s’il te plait. Les phrases qui s’échappent de mes lèvres n’ont pas vraiment de sens et je suis bien incapable d’adopter un schéma de pensées cohérent. « Parle moi, s'il te plaît. » Non, pour l’instant je crois que je préfère le serrer encore un peu plus fort contre moi, pour être certaine qu’il ne partira pas. Je n’ose pas le lâcher, je n’ose pas parler quand, pendant ces derniers jours, cela aurait pu nous aider de le faire. Que j’ose confier mes peurs et poser mes questions. Qu’il affronte son acte et qu’il accepte que c’est grave et qu’il a besoin d’aide. Qu’on a besoin d’aide. J’ai l’impression d'étouffer tant je respire mal, et je parviens juste à articuler. « Dans mon sac… Dans mon sac il y a des médicaments. » Dans mon sac il y a des anxiolitiques, mais qui traînent là depuis plus d’un an puisque j’ai arrêté de consulter ma psychiatre sans avis médical et qui sont certainement périmés. Il faudrait qu’il se lève pour vérifier, je n’y avais pas pensé et je le réalise maintenant, incapable de le lâcher. « J’ai peur. » Entre deux sanglots étouffés dans sa nuque, je finis par me confesser. « Je veux pas… Je peux pas te perdre. » Et je vais le perdre si je passe la porte, en cet instant, mes pensées sont irrationnelles et j’en suis convaincue.

« Non. Le refais pas. Le refais pas s’il te plait. » Est ce qu’elle parle de ses mains autour de sa nuque? Est ce qu’elle parle de celle dans ses cheveux, du geste qu’il fait pour l’attirer contre elle? Çà ne peut pas être ses paroles, non, parce qu’il n’a encore rien dit qui puisse être mal interprété et qu’il ne fait que tenter de la rassurer. Il se souvient de l’histoire de son ex petit-ami, il se dit que dans des instants difficiles elle a besoin d’espace, il se dit que c’est surtout la seule chose qu’il arrive à trouver pour qu’elle lui demande de ne pas le refaire. Il se dit surtout qu’il y a un problème évident qu’il est le seul à ne pas voir. Lorsqu’elle vient à se blottir d'elle-même contre lui, l’anglais n’y comprend plus rien, ses yeux perdus dans le vide alors qu’il reprend tout de même assez d’assurance pour la serrer dans ses bras. Il peut au moins faire ça pour elle ; ils régleront leurs problèmes quand le pire sera passé. « Pars pas. » La détresse de la jeune femme le prend de court et l’emeut bien plus qu’il ne l’avait attendu. Désormais, il la serre presque aussi fort qu’elle le fait, son nez blotti contre ses cheveux, à l’endroit exact où elle a déposé son parfum. A défaut de savoir quoi faire, il lui demande de lui en dire plus pour savoir exactement quel mal il doit traiter et, par conséquent, comment est-ce qu’il doit le faire. Le bien-être de Lucia est ce qui lui importe le plus en ce monde et il s’imagine déjà se plier en quatre pour qu’elle aille bien ou, à défaut, mieux. Laisser les larmes couler contre son si beau visage n’est pas envisageable.

Les mots de la jeune femme reviennent par saccades, entremêlés de deux sanglots qu’il se prouve être incapable d’arrêter. « Dans mon sac… Dans mon sac il y a des médicaments. » Il tente aussitôt de se relever pour les lui attraper mais les mains de Lucia se resserrent encore. Swann ne cherche pas à lutter, préférant écouter ses gestes bien plus que ses mots et raison pour laquelle il tente de la faire se redresser avec lui pour qu’ils y aillent ensemble. Si elle juge avoir besoin de ses médicaments, c’est qu’elle est vraiment au plus mal et qu’il n’y a pas de temps à perdre. Il la fera s’asseoir aussitôt. « J’ai peur. » Il referme ses yeux et pose son visage près du sien, un peu plus désolé à chaque nouvelle confession de la jeune femme alors qu’il se sent toujours un peu plus coupable de son mal être. Il commence à comprendre qu’il y joue d’ailleurs une part bien plus importante qu’il ne l’avait pensé. « Je veux pas… Je peux pas te perdre. » - “Je suis là. Regarde, je suis là. Je reste avec toi, c’est promis.” Au sens propre comme au figuré. Pour marquer ses paroles, il fait glisser ses doigts sur son visage pour en dégager quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles. Il dépose un baiser contre sa tempe après avoir tenté de sécher ses joues gorgées de larmes. “Je vais juste prendre tes médicaments.” Il prévient le moindre de ses actes pour ne pas la surprendre ni l’effrayer plus que de raison. Alors, si Swann se détache d’elle, ce n’est effectivement que pour tendre le bras et attraper son sac à main tombé au sol non loin d’eux. Il en sort rapidement ses médicaments et les lui donne sans chercher à vérifier la posologie, lui faisant bien plus confiance à elle qu’aux instructions pour savoir ce dont elle a besoin. “Tu as besoin de quelque chose d’autre? De l’eau?” Est ce qu’elle a besoin d’eux pour prendre ses médicaments ? Il ne le sait même pas, il ne se souvient pas l’avoir vue en prendre depuis bien trop longtemps. En attendant de savoir comment appréhender la suite, il tente de lui faire comprendre qu’elle n’a pas à avoir peur en redoublant d’efforts et de délicatesse pour lui assurer qu’il compte effectivement rester à ses côtés pendant longtemps encore. Ses doigts caressent sa peau et sèchent ses larmes en même temps qu’ils remettent en place sa chevelure blonde pour lui éviter de se retrouver au milieu de son mascara éparpillé partout sauf sur ses cils. “On restera aussi longtemps que nécessaire.” Peu importe l’heure qu’il est, son travail attendra, il y met un point d’honneur.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

La pression de sa main contre mes cheveux faiblit, comme s’il hésitait à s’éloigner et moi, j’ai besoin de tout le contraire. J’ai besoin de le sentir contre moi alors, presque paniquée, je lâche la poignée de porte pour l’enlacer, pour me raccrocher à lui. Me lâche pas. C’est ça que je demande. C’est pour ça que je supplie. Il raffermit son étreinte et je me sens un peu mieux. Le visage dans son cou, je peux sentir le parfum de sa peau et je me sens un peu mieux. Tout contre lui, je sens son cœur qui bat dans sa poitrine et je me sens un peu mieux. Ce matin en me réveillant, j’ai eu du mal à chasser les cauchemars, voilà tout. J’ai eu du mal à faire la différence entre ces images horribles que mon esprit malade d’inquiétude a inventées et la réalité. La réalité, c’est qu’il est là, qu’il va mieux, qu’il est contre moi et qu’il respire. Je focalise mon attention sur toutes ces choses, je tente de ralentir le rythme des battements de mon cœur en les répétant dans ma tête autant de fois qu’il faut pour que ça rentre.

Oui mais, qui sait ce qu’il se passera si je passe la porte ?

Je n’ai pas envie de prendre le risque de le faire si je prends le risque de le perdre et, dans ma tête, tout se mélange à nouveau. Mon cœur s’accélère et Swann le comprend peut-être puisqu’il m’interpelle. « Je suis là. Regarde, je suis là. Je reste avec toi, c’est promis. » Il ramène mes cheveux en arrière, embrasse ma tempe - je ferme doucement les yeux - et caresse mes joues pour tenter de chasser les larmes mais, surtout, il tente de se redresser et je ne fais pas le lien avec la question que je lui ai posée tout à l’heure. « Je vais juste prendre tes médicaments. » Il va juste prendre mes médicaments. C’est promis, il ne part pas et, alors qu’il dégage un de ses bras pour tenter de s’étendre jusqu’à la table - elle est trop loin pour qu’il y arrive sans se décoller de moi et j’attrape son autre main des deux miennes pour la serrer, pour qu’il ne me lâche pas. Il dépose la boîte d'anxiolytiques à côté de moi et je ne le lâche que d’une main pour retourner le carton entre mes doigts, à la recherche d’une date. Ils sont périmés. Ils sont périmés mais j’ai deux parents pharmaciens qui m’ont toujours dit que cela ne peut pas faire de mal, pas quand c’est de si peu, alors sans réfléchir je détache un des comprimés de la plaquette. « Tu as besoin de quelque chose d’autre? De l’eau ? » Je secoue la tête doucement en glissant le médicament sur ma langue avant de l’avaler à l’aide de ma propre salive. Si, j’ai besoin de quelque chose, en fait.

« Toi. »
« On restera aussi longtemps que nécessaire. »

On restera aussi longtemps que nécessaire. Je vais être en retard au travail, là voilà la pensée qui me traverse l’esprit mais je la chasse pour me concentrer sur une détente qui tarde à venir. Je laisse ses doigts caresser mes cheveux ou mes joues, je laisse mes larmes couler aussi longtemps que nécessaire et, si les effets tardent, sa simple présence me rassure. Doucement, je m’approche du mur pour y coller mon dos et il me suit : c’est parfait puisque je me laisse aller contre lui. Je ferme les yeux et, sans avoir conscience du monde qui m’entoure, je m’allonge et dépose ma joue contre ses genoux le temps qu’il faut à mon traitement pour m’aider à retrouver un peu de sérénité, suffisamment pour fonctionner correctement en tout cas. Quand elle vient, je reste là quelques minutes supplémentaires, bercée par ses doigts qui caressent mes cheveux, bercée par le rythme de sa respiration et rassurée par le contact de ma joue sur sa peau. « Je suis désolée. Je savais que ça arriverait. » Ma respiration est un peu plus naturelle, mais ma voix semble parvenir d’outre tombe : je me reconnecte à la réalité doucement, difficilement. « Je voulais pas t’en parler parce que je voulais pas t’embêter avec ça. » Et je ne voulais pas lui faire peur ou lui sembler étouffante, surtout. « Je savais que j’aurais du mal… » Honteuse, j’ajoute. « J’arrive pas à me dire que je vais te quitter des yeux. » Je me mord la lèvre et ma gorge se noue. « J’ai si peur qu’il t’arrive encore quelque chose. » Et qu’il se fasse encore une fois du mal à lui même.
 

« Tu as besoin de quelque chose d’autre? De l’eau ? »
« Toi. »

Lui aussi a besoin d’elle. Il ne le statut pas encore en tous mots, mais ce n’est pas pour autant que ce n’est pas aussi vrai. Swann a peur pour elle, il craint bien des choses à son sujet et ce qu’elle est en train de vivre s’ajoute désormais à la liste. Jamais il n’en viendra à penser qu’elle a un problème ou qu’elle est faible, loin de là. Il sait simplement qu’elle est en proie à un mal qu’il est bien difficile de contrôler, en témoigne son besoin de prendre des médicaments. L’anglais tente de se remémorer ses années de médecine pour savoir ce qu’elle est exactement en train de s’administrer mais ses souvenirs sont flous et trop éloignés. Peu importe. Il a confiance en elle. Sa petite amie est la jeune femme la plus raisonnée qu’il connaisse, elle respectera la posologie en toutes conditions. Ses doigts se referment autour de la plaquette de médicaments lorsqu’elle en a avalé un et, rapidement, il voit passer la date de péremption bien antérieure à celle du jour. Sans commentaire supplémentaire, Swann remet cette discussion à plus tard, préférant rassurer sa petite amie plutôt que de lui poser des questions inutiles.

Ils glissent contre le mur et s’y reposent, Swann se contorsionne pour qu’elle puisse se reposer contre lui comme il lui plaira au mieux. La tête de Lucia posée sur ses genoux, il s’occupe de démêler ses mèches une à une le temps que ses médicaments fassent effet et que la crise puisse être conjuguée au passé. « Je suis désolée. Je savais que ça arriverait. » Lorsqu’il entend à nouveau le son de sa voix, il se sent déjà mieux à son tour, comme libéré d’un poids pesant contre son cœur. Les problèmes de Lucia sont les siens et il en est de même pour ses émotions, même s’il a encore du mal à en connaître la source exacte. “Tu ne le contrôles pas. T’excuse pas.” Swann tente de la corriger le plus délicatement possible et ainsi lui faire comprendre que, des deux, elle est celle qui s’en veut le plus. Il rejette ses excuses, ne leur trouvant aucune raison valable d’exister. S’il est désolé pour une chose, c’est bien le fait d’enfin commencer à comprendre qu’il est la raison de l’existence de cette nouvelle crise. « Je voulais pas t’en parler parce que je voulais pas t’embêter avec ça. » Plutôt que de souffler, il préfère déposer un baiser supplémentaire contre ses cheveux, aussi délicatement que possible. “Tu m’embêtes jamais. C’est important pour moi aussi.” Il ne sait pas avec précision ce dont il est question mais peu importe la raison, il souhaite lui faire comprendre qu’elle peut tout lui dire, n’importe quand. L’anglais n’est pas du genre à juger autrui mais avec sa petite-amie c’est encore moins le cas.

Lorsque Lucia commence à expliquer davantage la raison de son mal être, Swann anticipe déjà le sujet et prend donc une plus large inspiration, silencieuse. « Je savais que j’aurais du mal… J’arrive pas à me dire que je vais te quitter des yeux. » Ils sont le genre de couple à rester collés l’un à l’autre, c’est un fait, mais ce qu’il se passe aujourd’hui n’a rien à voir avec leurs possibles excès de romantisme. Avant, ils n’avaient jamais eu aucun mal à se quitter pour une simple journée de travail. Avant. « J’ai si peur qu’il t’arrive encore quelque chose. » Ses yeux se ferment et il l’embrasse à nouveau, comprenant enfin la raison qui la met dans tous ses états. Il est autant le remède que le mal, en cet instant. “Je travaille là-dessus. Je sais que j’en parle pas, mais je fais beaucoup d’efforts.” En plus de ne pas en parler, il ne laisse aucun indice sur son sillage. Elle ne peut pas deviner ce qu’il ne la laisse même pas entrapercevoir, c’est un fait. En la tenant éloigné, il pensait la protéger de ses propres démons mais force est de constater que seul le contraire s’est finalement passé. “C’était… C’était trop soudain. C’était trop. J’ai pas su gérer.” L’aveu est ô combien difficile à formuler pour lui, surtout après avoir passé une vie entière à justement faire croire à tout le monde qu’il peut gérer, qu’il sait gérer, qu’il va gérer (gérer quoi, d’ailleurs, puisque tout va toujours parfaitement bien dans sa vie?). “Je me suis raccroché à mon frère et mes sœurs pendant quatre ans. J’ai eu l’impression de leur avoir menti et fait perdre leur temps.” Elle a été la première à savoir qu’il n’était finalement pas un McGrath mais aujourd’hui il précise les faits en lui expliquant la pensée douloureuse qui en découle. Le syndrome de l’imposteur le hante et prononcer le McGrath à la suite de son prénom lui brûle la gorge. Il ne les estime pas moins pour autant, c’est sa propre personne qu’il ne comprend plus. “Avec mon renvoi de l’équipe, ça a été difficile à vivre.” Avec l’histoire de Lawrence, aussi, mais il ne veut pas qu’elle puisse se sentir coupable en en parlant. “Je voulais qu’on soit heureux. Je pensais pouvoir gérer. J’ai essayé pendant un temps.” Il s’est passé de longs jours depuis son retour de Londres, tous plus douloureux les uns que les autres à ses yeux. “Tu m’as aidé sans le savoir. Je t’ai rien dit de mes problèmes mais t’as toujours été parfaite.” S’il te plaît ne t’en veux pas pour moi.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Tu ne le contrôles pas. T’excuse pas. » Je suis désolée pour plein de choses, et il ne peut comprendre la portée de mes excuses. Evidemment qu’il ne peut pas. Il ne peut pas savoir que si je m’en veut, c’est surtout de ne rien avoir vu venir, de ne rien avoir su faire pour empêcher qu’il passe à l’acte. Si je m’en veux, c’est d’avoir été aveugle, idiote, et d’avoir cru que tout s’arrangerait comme dans un conte de fée. La vie n’est pas un putain de conte de fée petite idiote, quand est-ce que tu vas enfin le comprendre ? Je m’y accroche, je m’y accroche à vingt six ans, et la tentative de suicide de Swann m’a clairement désarçonnée de ma licorne aîlée. « Tu m’embêtes jamais. C’est important pour moi aussi. » Je ferme les yeux de toutes mes forces et je laisse couler mes larmes.

C’est lui qui doit guérir. C’est lui qui doit aller mieux. C’est lui qui a le droit de pleurer, d’aller mal et de faire des crises de panique. Ce n’est pas moi. Ce n’est pas à propos de moi et je n’ai pas le droit de prétendre le contraire en prenant toute la place, pourtant, je le fais. Et de ça, aussi, je me sens coupable. Je devrais être forte. Je devrais être le roc de Swann dans toute cette tempête, pas une brindille que le vent balaye trop facilement. N’est-ce pas ce qu’Ariane disait, il y a un an ? Que c’est ce que j’étais et qu’il n’avait pas besoin de ça ? Je m’en veux de lui avouer la raison de ma crise. Je ne veux pas lui donner l’impression que c’est à cause de lui, il en vient trop facilement à cette conclusion tout seul et en toute circonstances. « Je travaille là-dessus. Je sais que j’en parle pas, mais je fais beaucoup d’efforts. » Il embrasse une fois de plus mes cheveux et, doucement, je me redresse. Je m’assieds en tailleur et, avec une douceur infinie, j’attrape ses mains dans les miennes. Ce n’est pas ta faute. Je déglutis. « Tu me dois pas d’explications… » Mais j’en ai besoin. « J’ai juste l’impression que pour toi, c’est rien. Ce n’est pas grave, ça n’existe pas. Et ça me terrorise. » Parce que si ce n’est rien, qu’est ce qui l'empêchera de recommencer ?

« C’était… C’était trop soudain. C’était trop. J’ai pas su gérer. » Il se livre et, si je suis dans un premier temps soulagée - nous ne pouvions pas ignorer bien plus longtemps l’énorme éléphant dans la pièce, mon cœur se serre. J’ai mal pour lui et avec lui. Lorsque mes proches vont mal, j’agis comme une éponge, comme si je pouvais les aider, comme si je pouvais absorber une partie de leur peine et de leur mal-être. « Je me suis raccroché à mon frère et mes sœurs pendant quatre ans. J’ai eu l’impression de leur avoir menti et fait perdre leur temps. Avec mon renvoi de l’équipe, ça a été difficile à vivre. » Mes doigts serrent les siens un peu plus fort, et une nouvelle larme roule sur ma joue. « Je suis désolée. » Je me mords la lèvre. Le mensonge de sa mère n’est pas de ma faute, mais Lawrence, c’est ma responsabilité. Ce sont mes fantômes qui sont venus le hanter. « Si tu savais comme je suis désolée pour ça. » Je ne lâche même pas sa main pour essuyer le torrent de larmes qui roule sur ma joue. « Je voulais qu’on soit heureux. Je pensais pouvoir gérer. J’ai essayé pendant un temps. » « Mais t’étais pas heureux. » Pourquoi tu n’étais pas heureux avec moi ? Pas assez heureux pour retenir son bras, pas assez heureux pour ne pas faire ça. « Tu m’as aidé sans le savoir. Je t’ai rien dit de mes problèmes mais t’as toujours été parfaite. » Je secoue la tête. « J’aurais dû le voir. » Et de ne rien avoir vu, je m’en veux bien plus que pour Lawrence. « On vit ensemble. J’aurais dû le voir. J’aurais dû comprendre que tu n’allais pas bien à ce point. » Je baisse les yeux. « C’est de ça que j’ai le plus peur. De rien voir venir. » Une seconde fois.

Ses mains dans les siennes, il la laisse en faire ce dont elle a envie avec le mince espoir que cela puisse l’aider à se rassurer. « Tu me dois pas d’explications… » Si. C’est justement là que se trouve le nœud du problème, celui sur lequel Swann a fermé les yeux durant de longues semaines après avoir décidé que des explications n’étaient pas utiles. Il a eu tort sur toute la ligne et ne le réalise qu’en cet instant, face aux confessions de sa petite amie qui n’arrive pas à agir comme si tout allait bien. Elle est douée dans ce rôle là, elle aussi, mais il ne peut que comprendre sa réaction. Si Lucia était celle qui s’était fait du mal, il aurait été lui aussi incapable d’agir avec autant d’insouciance inventée. « J’ai juste l’impression que pour toi, c’est rien. Ce n’est pas grave, ça n’existe pas. Et ça me terrorise. » Lui répondre que ce n’est pas qu’une impression n’arrangerait pas ce qu’elle ressent. Swann cherche les bons mots à lui dire, il gagne du temps, fait au mieux. Et enfin, il se rend compte qu’il n’est pas doué pour parler de lui et qu’il préférera toujours le rôle de celui qui écoute, peu importe le contexte. L’anglais ne sait pas quoi dire face à Lucia et reste muet quelques secondes supplémentaires encore, quand bien même il sait que c’est le pire à faire. “Pour moi ce n’est pas important parce que je suis le seul que ça a directement touché.” Au sens propre, il est le seul à avoir souffert. Au sens figuré, il sent encore les larmes de son frère et de Rory contre ses habits presque autant qu’il voit celles de Lucia couler jusque devant lui alors qu’il sait ses mots aussi tranchants que des lames. “C’est à moi que j’en veux. Pas à vous. Surtout pas à toi.” Il ne veut justement pas qu’ils se sentent coupables, tous. Ni sa famille, ni ses amis, ni sa petite-amie. Ils sont ceux qui le tirent vers le haut, pas le contraire, et ils ne devraient jamais l’oublier alors Swann continue de le leur répéter aussi souvent que nécessaire.


L’anglais évoque les raisons de son geste comme s’il énumérait une liste de course, agissant avec autant de détachement de possible pour ne pas se faire prendre dans la tempête une fois de plus. « Si tu savais comme je suis désolée pour ça. » - “C’est lui le problème, pas toi.” Le pire dans tout ça, c’est que Swann est certain que Lawrence n’a aucun remord, lui, et qu’il se sent encore moins désolé de ce qu’il s’est passé. S’il y a bien une chose que le blond ne regrette pas non plus, c’est d’avoir usé ses poings contre son visage, quand bien même c’est un geste qui n’est pas dans ses habitudes. « Mais t’étais pas heureux. » C’est pas ce que je voulais dire, mais c’est bien ce qu’il a fait. Il n’était pas assez heureux pour en oublier tout le reste. Il n’était pas aussi heureux que ce qu’il montrait et racontait au premier venu. Il devait mentir au quotidien et faire un peu plus d’efforts à chaque instant. Elle n’a jamais été le problème, pourtant, il était le seul à exiger trop de sa personne tout en sachant qu’il ne tiendrait pas le rythme sur le long terme. Pour une fois, il aurait préféré avoir tort et, surtout, ne pas inquiéter Lucia à son sujet. « J’aurais dû le voir. » Il souffle et ajoute un sourire triste sur ses lèvres. Ses mains resserrent doucement celles de sa petite amie dont le flot de larmes a repris de plus belle. “Si tu l’avais vu, je l’aurais pas supporté.” Parce que c’est la seule chose qu’il a réussi, dans toute cette histoire: ne pas l’inquiéter. Jusqu’au point de rupture, en tout cas. Cette technique a eu son coût, elle a été douloureuse, mais il lui a au moins évité des tourments supplémentaires pour un temps. « On vit ensemble. J’aurais dû le voir. J’aurais dû comprendre que tu n’allais pas bien à ce point. » - “Non. Tu le comprends maintenant parce que tu en sais un peu plus, mais tu n’aurais pas pu deviner.” Swann a pris grand soin de justement ne rien lui dire de son passé et de son état d’esprit. Il a éludé tout ce qui ne donnait pas de belles histoires, il n’a raconté que ce qui l’intéressait et était assez joyeux. Il a tout fait pour qu’elle ne se doute jamais de rien, parce que c’était exactement ce qu’il cherchait. Ce n’était pas pour la tenir à l’écart, simplement pour la protéger. « C’est de ça que j’ai le plus peur. De rien voir venir. » Impossible pour lui de lui assurer que cela n’arrivera jamais à nouveau. Il voudrait en être capable mais aurait trop peur que ces mots deviennent à terme un mensonge: il ne supporterait pas de faire une telle chose. “J'ai jamais laissé personne entrer dans mon esprit." Ce n'est pas le moment de préciser "sauf Rory", pas vrai? "Mais je veux essayer. J'essaye, parce que j'ai peur que l'histoire se répète moi aussi." Quand bien même sa peur n'est pas la même et se résume à Lucia se mettant dans de tels états à cause de lui. "On va avancer ensemble, ok? Je vais aller voir ce psy et je promets de te parler s'il y a quoi que ce soit." Il juge encore l'intervention d'un psychologue inutile mais si cela peut aider Lucia à se rassurer alors il le fera. "Je supporterais pas que tu te sentes mal à cause de moi." Encore une fois.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Pour moi ce n’est pas important parce que je suis le seul que ça a directement touché. » Le seul que ça a directement touché ? Pense-t-il que le trouver étendu par terre et baignant dans son sang ce n’était rien ? Que je n’ai pas été, plus que touchée, mais secouée, bouleversée et anéantie par la peur de le perdre ? Je sais qu’il est maladroit mais mon coeur se serre. Bien sûr qu’il n’est pas le seul : j’ai fait partie des dommages collatéraux mais il n’y a pas que moi : il y a Matt, Ginny, Jill et toutes les autres personnes qui tiennent à lui. « C’est à moi que j’en veux. Pas à vous. Surtout pas à toi. » « T’as pas besoin de t’en vouloir. Je veux pas que tu t’en veuilles. Je veux seulement être certaine que tu vas aller mieux. » Personne n’a besoin de se flageller dans toute cette histoire et certainement pas lui. Il a beau répéter que je n’y suis pour rien et que je n’ai commis aucun crime, je verrai toujours les choses autrement. Je suis comme ça : lorsque j’aime, je me sens investie de la mission de protéger mes proches. Je me sens investie de la mission d’être un rempart entre mes proches et la barbarie du quotidien, entre eux et l’injustice de ce monde. Ce qu’il est arrivé à Swann, c’est l’illustration de comment j’ai failli, pas lui, jamais lui. Personne n’était en droit d’attendre qu’il gère ça tout seul. « Tu dis à tout le monde que tu ne veux pas qu’ils s’en veuillent... » A moi, à sa famille. « Alors tu sais quoi, t’as pas intérêt à t’en vouloir non plus. » C’est un pacte finalement.

« C’est lui le problème, pas toi. »
« Mais t’aurais jamais croisé sa route si t’avais pas croisé la mienne. »

Et si pour rien au monde je ne voudrais revenir là dessus, sur notre rencontre et notre histoire, je ne peux pas m’empêcher de me sentir coupable. J’ai tout compliqué, il y a l’identité de son père, il y a le mensonge de sa mère, mais perdre son emploi à cause de moi est venu compliquer une situation qui n’avait pas besoin de ça. Sans cette goutte d’eau, serait-il passé à l’acte ? Et lui, regrette-t-il que les choses soient si compliquées à cause de moi ?

« Si tu l’avais vu, je l’aurais pas supporté. » Je fronce les sourcils et je serre un peu plus fort sa main dans la mienne. On a l’air de deux parfaits idiots, assis à même le sol de l’appartement comme si c’était l’endroit pour parler de ce genre de sujet. Mais nous avons tous les deux gardé beaucoup trop de choses, en tout cas moi je l’ai fait et je n’ai pas envie de continuer. Je ne veux plus avoir peur de quitter l’appartement et de revenir trop tard, cette fois-ci. Je ne veux plus me demander pourquoi il n’était pas assez heureux juste avec moi pour réussir à s’accrocher à la vie, aussi tordue soit-elle. « Je t’aurais jamais jugé. Je te jugerais jamais si tu me dis que tu vas mal. » Ne le sait-il pas ? Je serais capable de trouver des circonstances atténuantes au pire des criminels. Je suis capable de voir le bon en chacun et surtout, je ne jugerais jamais personne parce qu’il est en détresse. Et pas Swann, surtout pas Swann. « Non. Tu le comprends maintenant parce que tu en sais un peu plus, mais tu n’aurais pas pu deviner. » Je me mords la lèvre et je tente d’utiliser ses paroles pour me libérer de ma culpabilité. « Je savais que tu allais mal. J’ai juste été idiote, j’ai fait l’autruche comme si ramener des pâtisseries pouvait t’aider à aller mieux. » Si j’avais été plus courageuse, si j’avais été moins idiote, si j’avais osé parler, si, si ,si, je ne peux m’empêcher de me dire que j’aurais pu faire quelque chose. « J'ai jamais laissé personne entrer dans mon esprit. Mais je veux essayer. J'essaye, parce que j'ai peur que l'histoire se répète moi aussi. » Je hoche la tête doucement. « Je suis là. Je serais toujours là » Et il pourra toujours me parler. J’essuie une larme qui roule sur ma joue (c’est inutile vu qu’elle est trempée) et doucement, je caresse la sienne du bout de mes doigts. Je le souhaite de tout mon coeur, qu’il s’ouvre à moi. « On va avancer ensemble, ok? Je vais aller voir ce psy et je promets de te parler s'il y a quoi que ce soit. » Qu’il parle de consulter me rassure, quelle que soit ma propre expérience avec les professionnels de l’esprit. Hannah dit qu’il devrait aller voir quelqu’un et je sais qu’elle a raison. Je sais que je ne suis pas en mesure de l’aider, pas totalement, pas alors que moi aussi j’aurais besoin d’aide pour comprendre ce qu’il a fait. « Je supporterais pas que tu te sentes mal à cause de moi. » « Je me sentirais jamais mal avec toi. » Avec lui, je ne peux qu’être heureuse, non ? « Je comprends juste pas... » Je me mords la lèvre, consciente que ce que je vais dire peut sonner comme un reproche et qu’il n’a pas besoin de ça. « Je comprends juste pas pourquoi j’ai pas été assez. » Assez pour qu’il arrête. Assez pour qu’il se batte. Assez pour qu’il s’accroche à moi pour retrouver l’envie de vivre. Et si j’en ai marre de me débattre avec ce sentiment, si une part de moi est soulagée de l’avoir dit, l’autre a terriblement honte et je baisse les yeux.

« Tu dis à tout le monde que tu ne veux pas qu’ils s’en veuillent... » Il a un rire nerveux suivi d’un sourire qui l’est tout autant. Demander à ses proches de ne pas s’en vouloir fait presque partie de son quotidien mais il pensait naïvement pouvoir passer inaperçu dans son éternelle envie de bien faire. « Alors tu sais quoi, t’as pas intérêt à t’en vouloir non plus. » Et comme tous ceux à qui il demande de ne pas s’en vouloir, il ne va pas écouter les ordres et autres conseils. Il aura beau tenter de le faire autant que possible et promettre à Lucia qu’il fera des efforts, il sait qu’il n’en sera pas capable. Pour l’heure, en tout cas, il n’est pas encore prêt. Il essaye de minimiser son implication mais Swann ne peut pas tirer un trait sur trente années de vie simplement parce qu’il en a soudainement envie.

« Mais t’aurais jamais croisé sa route si t’avais pas croisé la mienne. » - Et je ne m’en serais pas sorti si tu n’avais pas croisé ma route.”

Les mots sont crus d’une vérité qu’il n’avait jusque là jamais partagé avec elle. Sa simple présence à ses côtés lui a offert beaucoup et il ne sait pas où il en serait si elle n’avait pas été là durant tout ce temps et tout particulièrement ce soir là, quand tout a dérapé. Combien de temps aurait-il fallu avant que quelqu’un n’entre dans son appartement, si ce n’était pas sa petite-amie avec laquelle il vit? Il sait que sans Lucia près de lui, il aurait craqué bien avant, sans doute pour le pire. Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas le pouvoir de guérir complètement tous ses maux qu’elle n’est pas une présence bénéfique à ses côtés non plus. L’épisode de Lawrence n’est qu’un pavé dans la mare, l’anglais n’ayant jamais pensé à lui vouloir un seul instant. « Je t’aurais jamais jugé. Je te jugerais jamais si tu me dis que tu vas mal. » Elle non; lui oui. Il veut pouvoir se regarder dans le miroir tout en paraissant aller bien. Il y a toujours bien pire dans la vie et il se dit qu’il n’a pas le droit de se sentir aussi mal pour si peu, pas alors que des millions de personnes vivent pire à chaque instant. Lui se contente d’être éternellement à fleur de peau, cela ne vaut pas la peine d’être partagé, à ses yeux. Ses problèmes ne devraient regarder que lui alors qu’il souhaite simplement être heureux auprès de la jolie blonde et partager des instants qui le sont tout autant avec elle. “Je sais.” D’une voix douce, il reprend et la rassure alors qu’il chasse du bout des doigts les larmes sur ses joues rougies par les nombreuses frictions. « Je savais que tu allais mal. J’ai juste été idiote, j’ai fait l’autruche comme si ramener des pâtisseries pouvait t’aider à aller mieux. » - “Ne sous estime pas l’impact de la nourriture dans ma vie.” C’était bien plus que des pâtisseries à ses yeux. C’était une présence quotidienne et aimante, c’était une Lucia qui redoublait d’attention, c’étaient autant d’instants passés à ses côtés sans jamais se soucier du reste du monde. S’il préfère encore rigoler doucement pour dédramatiser la scène, il n’en pense pas moins. Par “nourriture”, comprenez “toi”.

Elle en vient enfin, à la question qu’il redoutait tant parce qu’il reste incapable de trouver une réponse adéquat après toutes ces années. « Je comprends juste pas pourquoi j’ai pas été assez. » Je comprends pas non plus. Il ne feint pas ses sentiments pour elle tout comme il ne ment pas à propos de la joie qu’il ressent dès qu’il aperçoit sa silhouette quelque part. Elle le rend heureux, c’est un fait, mais parfois ses démons et insécurités reprennent le dessus sans qu’il ne comprenne le chemin qu’ils ont emprunté pour en arriver là. “L’un n’empêche pas l’autre. Parfois tu peux aimer quelqu’un plus que tout au monde sans que ça puisse régler tous les problèmes.” Il ne sait pas comment amener la chose parce qu’elle lui demande de poser un diagnostic qu’il ne connaît pas. Donner un simple avis objectif est difficile pour lui, parce qu’il n’a justement jamais été capable d’être juste avec lui-même. “Personne n’aurait pu s’en sortir mieux que toi.” Il peut au moins l’assurer de ça, peu importe à quel point les yeux d’Ariane pourraient rouler en direction du ciel. “T’as jamais su pour cet aspect de moi mais t’as toujours été forte, t’as jamais abandonné.” Il continue de sécher ses larmes, voulant à son tour faire au mieux pour sa petite-amie. “T’as été parfaite.” Il dépose un baiser contre son front, plus assuré que jamais. Personne n’aurait pu l’empêcher de le faire.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Et je ne m’en serais pas sorti si tu n’avais pas croisé ma route. » Les mots sont pesés et viennent tout seuls. Ils me touchent certainement plus que ne doit s’en douter mon petit ami, c’est une certitude. J’ignore s’il parle simplement de ce qui est évident : je l’ai trouvé et j’ai appelé les secours, l’empêchant de se vider de son sang sur le carrelage, ou s’il sous-entend également que, sans moi, il aurait jeté l’éponge avant, plus tôt, que sans moi il n’aurait pas du tout cherché à se battre. Mon cœur bat un peu plus fort alors que je garde mes yeux accrochés aux siens et mes doigts fermement accrochés à ceux du blond.

Moi non plus, je ne m’en serais pas sortie si tu n’avais pas croisé ma route.

Pas au sens premier du terme bien sûr, je me voile peut-être la face mais je n’imagine pas Lawrence capable de me tuer, même si je sais à présent que finalement j’ai eu de la chance : il aurait pu me rouer de coups. Il a frappé Shiloh et, sans Swann, cela ne fait aucun doute qu’il aurait levé la main sur moi aussi. Pourtant, je ne parle pas de ça. Je parle de comment, en étant doux, en étant patient et en étant aimant, il a été le mur porteur de ma reconstruction. Comment il m’a aidée à tourner la page, à cesser de croire tout ce que mon ex avait fait rentrer dans ma tête à coup de pioche. Oui, je suis digne d’être aimée. Non, je ne suis pas une moins que rien. Oui, je mérite que l’on s’intéresse à moi et à ce que j’ai à dire. Il m’a reconstruite et au fond, j’ai envie de croire que j’ai eu cet effet là sur lui également. « Je sais. » Il sait. Il sait que je ne juge pas, que je l’aime trop pour ça et surtout, que je vois le meilleur en chacun et dans chaque comportement. Qualifiez moi de naïve, je préfère dire que je suis optimiste et que je suis fermement persuadée qu’il existe une chance de rédemption pour tout le monde. Je ne crois pas en la méchanceté, je ne crois qu’en la bêtise et, à mes yeux, chaque erreur peut-être pardonnée. Lui n’a même pas fait d’erreur : il a eu besoin d’aide et n’a pas su la trouver, ou pas assez. « Ne sous estime pas l’impact de la nourriture dans ma vie. » Un sourire étire mes lèvres et, s’il est timide, il est la preuve que les médicaments commencent à m’aider à repousser les cauchemars un peu plus loin. Ils sont toujours là et ils crient toujours leurs horreurs, mais un peu moins fort et j’arrive à nouveau à entendre le reste et à m’y accrocher. « J’aurais juste voulu faire plus. »

J’aurais voulu être plus également. J’aurais voulu représenter une chance de salut pour lui, une lueur au bout du tunnel, quelqu’un à qui s’accrocher pour garder en tête que les choses finiraient par s’arranger. J’ai du mal à le formuler : je ne veux pas que cela sonne comme un reproche et, surtout, je ne veux pas sous-entendre que je le trouve égoïste. Je ne dit pas ”comment as-tu pu me faire ça ?” mais ”pourquoi tu l’a fait si tu es bien avec moi” et c’est différent, c’est différent dans la volonté qui se cache derrière en tout cas. Moi, j’ai besoin de comprendre pourquoi notre amour n’a pas retenu sa main. Pourquoi il ne lui a pas soufflé à l’oreille de poser ces ciseaux. « L’un n’empêche pas l’autre. Parfois tu peux aimer quelqu’un plus que tout au monde sans que ça puisse régler tous les problèmes. » Je bois ses paroles parce que j’ai besoin d’une réponse. Généralise-t-il ou admet-il m’aimer plus que tout au monde ? Je connais ses sentiments et je connais les miens mais, dans ma tête, tout se mélange. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas et les larmes continuent de couler sur mes joues, même s’il les essuie, même s’il les embrasse de temps à autre. « Personne n’aurait pu s’en sortir mieux que toi. » Je déglutis et la confession est douce amère pour moi. Prétendre que je ne me suis pas demandée s’il n’avait pas plus besoin de son ex que de moi serait mentir. Nous avons croisé Rory au mariage de Charlie moins de quarante huit heure avec qu’il n’attente à sa vie, et je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’une part de lui pleurait toujours le brun, malgré moi, malgré ses sentiments. « T’as jamais su pour cet aspect de moi mais t’as toujours été forte, t’as jamais abandonné. » Pourtant j’ai vu les marques sur ses poignets. Mais elles étaient vieilles, visiblement anciennes et je n’ai pas voulu aborder le sujet s’il n’avait pas envie de le faire. J’aurais dû demander de l’aide. « Je peux pas abandonner. Je veux pas abandonner, je t’aime de tout mon coeur. » Je lâche à mon tour une de ses mains pour essuyer ma joue. « Rien de ce qu’il s’est passé ces dernières semaines a changé ça. Rien changera ça. » Jamais. Je l’aimerais toujours, j’en suis persuadée, et je n’ai pas envie d’entendre des mots d’adultes, ceux qui disent que l’amour n’est pas forcément éternel. Le nôtre l’est, un point c’est tout. « T’as été parfaite. » Il embrasse mon front et je me love contre lui. Je respire dans son cou et j’hésite à poser ma question. Il est facile de faire l’autruche tant que je ne l’ai pas fait, de me convaincre qu’il ne pense qu’à moi. « C’est de le revoir deux jours avant qui a amplifié ton mal être ? » Rory, évidemment que je parle de Rory. « C’est parce qu’il te manque que tu as... » Que tu as touché le fond ? « Que c’est devenu trop ? » Plus qu’il ne pouvait le supporter ?

« J’aurais juste voulu faire plus. » Il aimerait pouvoir croire que si elle avait effectivement 'fait plus', ça aurait suffit. Il aimerait pouvoir croire que quelqu'un aurait pu arrêter son geste avant même qu'il n'existe. Plus la discussion avance et plus il en vient à douter, pourtant. Ce n'est pas faute de le vouloir, il le jure. Il se rend simplement compte que l'idée avait été implantée dans son esprit il y a quelques temps déjà et qu'elle était incapable de mourir par elle-même. Lucia aurait pu retarder l'inévitable si elle avait compris les signes avant coureurs mais elle ne peut pas faire de miracle. Jamais Swann ne lui en voudra, jamais il ne lui tiendra rigueur de quoi que ce soit. Elle a été là du début à la fin et l'a soutenu et épaulé quand il en avait besoin; il ne l'oubliera jamais et espère qu'il n'aura pas à lui rendre la pareille dans un contexte similaire. "C'est toujours ce qu'on souhaite." Il préfère donc généraliser et prendre du recul sur leur exemple et surtout le sien. Il l'embrasse une fois de plus contre sa peau, se voulant rassurant. Il se moque bien qu'elle aille finalement au travail, tant qu'elle se porte mieux c'est tout ce qui lui importe. Une chose est certaine: il ne la laissera pas filer dans cette état, pas sans la certitude qu'elle se porte bien. "Ne te mets pas trop de pression, je vais mieux maintenant." Il n'est pas dans un état d'esprit optimal, c'est certain, mais il peut affirmer aller bien mieux ces derniers jours, grâce à elle. Passer autant de temps en sa compagnie lui a été bénéfique et il espère sincèrement qu'elle arrivera à s'en rendre compte et oubliera pour un temps tous les 'mais' de la situation.

Les doutes persistent, pourtant, immuables. Swann, lui, ne peut que comprendre son état d'esprit et, à son tour, il ne la jugera jamais pour une telle chose, surtout pas alors qu'il se trouve être le seul coupable de cette situation. L'anglais a l'impression que le flot de larmes se tarit petit à petit et c'est ce qu'il peut lui souhaiter de mieux dans l'immédiat. « Je peux pas abandonner. Je veux pas abandonner, je t’aime de tout mon coeur. Rien de ce qu’il s’est passé ces dernières semaines a changé ça. Rien changera ça. » Elle est en larmes; il en vient à sourire doucement. Le moment n'est pas approprié, le contexte encore moins, mais elle lui fait des déclarations venant du plus profond de son coeur et il sait les accepter comme elles viennent: brutes mais ô combien réelles. Bien des choses sont encore difficiles entre eux et il sait qu'il lui doit bien des explications à son propos et celui de son histoire, mais cela n'entachera pas la certitude de leur amour réciproque. Elle fait des efforts pour lui, il en fait pour elle. Elle n'abandonnera pas, il ne le fera jamais non plus. Certaines choses vont dans les deux sens, quand bien même les blessures sont propres à chacun d'eux. "Je t'aime aussi. On abandonne rien, c'est promis." Surtout pas leur combat, encore moins eux-mêmes.

Lucia semble pourtant avoir d'autres questions, lesquelles il n'avait pas vu arriver et qu'il n'avait pas été capable d'anticiper. « C’est de le revoir deux jours avant qui a amplifié ton mal être ? » Une seconde et une autre s'écoule avant qu'il ne comprenne réellement ce dont elle parle et, surtout, de qui. Il fronce à peine les sourcils avant d'adoucir aussitôt son expression lorsqu'il comprend la source de certains de ses doutes. « C’est parce qu’il te manque que tu as... » Oh, Lucia. Elle voit Rory comme son Talon d'Achille alors que s'il devait représenter quelque chose, ce serait bien plus le Styx lui-même, dont l'eau rend invulnérable. « Que c’est devenu trop ? » Il n'est en rien quelque chose de mauvais pour lui, ce n'est pas non plus l'influence qu'il a sur Swann. Tout sauf ça. Il peut comprendre que Lucia n'ait pas toutes les cartes en main, raison pour laquelle il répond avec douceur. "Non." La réponse simple d'abord, pour ne laisser aucune place au doute. "Au contraire." Une explication juste ensuite. Elle est floue mais il promet de s'expliquer rapidement. "Il me manque, c'est vrai, mais j'ai été heureux de te le présenter rapidement." Il pose cartes sur table, Swann. Il n'a rien à cacher à sa petite-amie et espère qu'elle le comprendra, dans tous les sens du terme. S'il se doute bien que les deux ne seront jamais réellement amis, voire même amis tout court, il espère simplement qu'ils pourront s'accepter l'un l'autre sans animosité parce qu'il souhaite tous deux les avoir dans sa vie. "Ce n'est pas de sa faute. Il ne l'a pas su avant longtemps." Mais ça, elle le sait. Le blond lui a dit le jour où il a revu Rory après ce soir là, il lui a expliqué ce qu'ils se sont dits. Il n'y avait rien de plus à dire à ce sujet, ce qui est sûrement encore le cas en cet instant. "Tu peux prendre un jour de plus si tu veux, je suis certain qu'Evelyn comprendrait." S'il le faut, il pourrait expliquer lui même à sa patronne les raisons exactes du congé demandé par sa petite-amie, si cela peut lui éviter d'aller travailler encore tremblante et apeurée. Si elle souhaite le contraire il ne la retiendra pas, ayant bien assez de confiance en sa personne pour la croire si jamais elle dit être prête à retourner à l'agence. "Tu sais quoi? Je peux t'amener. On passera prendre à manger rapidement." Une excuse comme une autre pour y aller avec elle et la rassurer quelques minutes supplémentaires.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« C'est toujours ce qu'on souhaite. » Lui comme moi, nous sommes deux âmes qui aimons nous rendre utiles et aider notre prochain. Nous avons l’un comme l’autre fait de l’abnégation notre mode de vie privilégié au point que ça en devienne parfois risible de nous observer nous faire des politesses et veiller sur l’autre bien plus que sur nous même. Mais là il n’est pas question de l’aider à réviser pour un test, d’aller courir avec lui pour le motiver ou de simplement l’écouter parler de quelque chose qui ne va pas. S’il a envoyé des appels à l’aide, je les ai manqués. Je suis rassurée dans un sens de savoir qu’il ne voulait pas que son mal être se sache : je crois que je vivrais mal le fait d’être passée à côté d’un signal d’alerte qu’il m’aurait dédié, je me serais sentie indigne de lui et comme une horrible personne. « Ne te mets pas trop de pression, je vais mieux maintenant. » Mes doigts s’accrochent aux siens. J’ai envie d’y croire et je lui fais confiance : je suis certaine de ces choses là. La chose qui me pousse à me méfier, c’est cette foutue abnégation. Je ne veux pas qu’il me dise ça pour me rassurer. Je veux qu’il le dise parce qu’il y croit, parce que c’est vrai. « Tu le sais hein, que tu peux me parler ? » En couple, si je ne suis pas jalouse ni particulièrement possessive, je ne peux toutefois concevoir de ne pas être la personne à laquelle il se confie le plus. C’est avec moi qu’il est censé tout partager, et c’est à lui que je dois apprendre à tout dire sans avoir peur d’être jugée ou prise en pitié. « Je t'aime aussi. On abandonne rien, c'est promis. » Je ne veux pas abandonner, mais je ne me fais plus assez confiance pour être la seule à juger de comment il va. « Tu iras voir quelqu’un, c’est promis ? » Un professionnel. Quelqu’un qui saura l’aider et que j’imagine déjà comme la solution à tous nos problèmes. Quelqu’un qui ne sera pas autant démuni que moi face à son geste.

Quelqu’un qui pourra se focaliser sur sa guérison, parce qu’il ne sera pas omnibulé par le pourquoi. Je sais que toutes les raisons qu’il a citées sont suffisantes pour qu’il se soit senti mal, pour que ça ait été trop et jamais je ne le trouverai faible de ne rien avoir su contrôler. J’ai simplement peur qu’il ne me dise pas tout. Qu’il taise les effets de bord d’une peine de coeur, une que j’impute à sa rupture avec son ex dont le spectre me terrifie toujours. Quatre ans de relation, ce n’est pas rien. Quatre ans de relation, j’imagine que ça lui alloue une place dans son cœur que je n’occupe pas encore et ça me terrifie. « Non. Au contraire. » J’ignore à laquelle de mes questions il répond mais je me tais, suspendue à ses lèvres. « Il me manque, c'est vrai, mais j'ai été heureux de te le présenter rapidement. » Il lui manque. C’est idiot mais c’est tout ce que je retiens de sa phrase, et je baisse les yeux au sol, sans lâcher ses mains pour autant. Il lui manque, et je ne sais pas comment le gérer. Lawrence ne me manque pas, Lawrence ne m’a jamais manqué à partir de l’instant où j’ai commencé à fréquenter Swann et si je ne suis pas de celles qui chantent à qui veut l’entendre qu’on ne devient pas ami avec ses ex, je n’aime pas savoir qu’il occupe une telle place dans la vie de mon petit ami. « Ce n'est pas de sa faute. Il ne l'a pas su avant longtemps. » Il est venu ici et je le sais. Il est venu ici et j’imagine qu’à lui Swann à réussi à s’ouvrir quand, à moi, il prétendait que tout allait bien. J’ai bêtement hoché à la tête quand il m’a annoncé que Rory était passé et j’ai ravalé mes sanglots pour qu’il ne le voit pas. Je ne jalouse pas le lien qu’ils partagent : je considère simplement qu’aujourd’hui, c’est avec moi qu’il devrait le partager. C’est à moi qu’il devrait s’ouvrir. C’est avec moi qu’il aurait dû réussir à parler de tout ça en premier lieu et il n’a pas compris : je n’ai pas pensé une seule seconde que son acte puisse être la faute de Rory. J’ai peur qu’il soit la faute de Lucia parce qu’il préfèrerait être aux côtés de l'acteur. C’est facile, de tirer ce genre de conclusion, quand je sens mon petit ami toujours plus enclin à partager ses peines avec le bruns qu’avec moi. Ce n’est pas juste. Ce n’est pas lui qui l’a trouvé. Ce n’est pas lui qui l’a tenu contre lui en attendant les secours et ce n’est pas lui non plus qui l’a veillé toute la nuit sans prendre le temps de changer ses vêtements.

Ce n’est pas juste, mais je ne dis rien. Parce que je ne suis pas comme ça. Parce que j’ai peur d’entendre des réponses qui me feraient plus de mal que de bien. Parce que je préfère ravaler mes peines et me persuader que ce n’est pas grave, qu’elles finiront par disparaître d’elles même. Je n’arrive qu’à formuler un « Je comprends. » qui manque de conviction. Je ne lâche qu’une de ses mains pour enlacer mes genoux et je garde l’autre au chaud dans la sienne. Je ne comprends pas. Mais je peux y arriver, c’est promis. Ce que je ne veux pas faire en revanche, c’est aller manger avec lui et son amie, et je prie pour que Swann ne le propose pas : je ne suis pas prête. Ce n’est pas grave qu’il continue à fréquenter son ex et à apprécier le fait de passer du temps avec lui. Ce qui me peine, c’est cette sensation qu’il soit plus proche de lui que nous ne le serons jamais, et je n’arrive pas à m’en défaire. « Tu peux prendre un jour de plus si tu veux, je suis certain qu'Evelyn comprendrait. » Doucement, j’essuie mes joues de ma main de libre en hochant la tête. « Tu sais quoi? Je peux t'amener. On passera prendre à manger rapidement. » « Je vais l’appeler. Je vais voir ce qu’elle me dit. » Je ne suis pas en état de travailler, de toute façon. Autrefois, j’arrivais à jongler entre mes angoisses, les anxiolytiques et le travail mais là, j’ai juste envie de m’allonger par terre et de me rouler en boule. « Elle comprendra je pense. » Mes doigts caressent doucement la paume de sa main, et je relève les yeux dans sa direction en réalisant qu’ils sont braqués sur le sol depuis tout ce temps. « Ça va aller. Ça ira mieux. » Comme lui, j’ai certainement juste besoin d’un peu de temps. « Je veux pas que tu t’inquiètes pour moi. »

« Tu le sais hein, que tu peux me parler ? »
“Je le sais.”
« Tu iras voir quelqu’un, c’est promis ? »
“Promis juré.”

Aborder le sujet de Rory sera toujours difficile et l’Anglais commence à réellement s’en rendre compte. S’il a longtemps pensé qu’elle avait seulement besoin de temps pour faire la part des choses, il comprend aujourd’hui que ce n’est absolument pas le cas. Elle avait besoin de temps, c’est vrai, mais ce n’est pas pour autant qu’elle allait réussir à l’apprécier ensuite. Impossible pour lui de lui en vouloir: même s’il passe son temps à fermer les yeux sur la situation, Swann comprend quels sentiments peuvent habiter sa petite-amie. Si la situation avait été inversée, il sait aussi qu’il serait incapable de pleinement réagir avec joie et tout le reste. C’est compliqué. « Je comprends. » Ils se promettent une vérité sans filtre sur certains sujets mais ne peuvent s’empêcher de garder une certaine distance de sécurité avec d’autres. C’est sûrement normal. Il n’y connaît pas grand chose en relations amoureuses, et la seule comparaison qu’il pourrait utiliser ne lui plaira pas - en retour, il n’aimerait pas être comparé d’une quelconque façon à Lawrence. Au moins elle comprend et il la croit, parce qu’il a vraiment envie que les choses s’améliorent plutôt que n’importe quelle autre option.

L’Anglais tente alors de désamorcer la bombe à sa façon, changeant de sujet pour s’appliquer au bien-être de la jolie blonde. Ce n’est pas une esquive: il tient réellement à ce qu’elle se sente bien (mieux) et qu’elle ne se rende pas au travail si elle ne s’en sent pas capable. Elle fait un travail extraordinaire chaque autre jour de l’année, cela ne remettra pas sa place en question. « Je vais l’appeler. Je vais voir ce qu’elle me dit. » Hochant de la positive, il agit selon elle et garde sa main restant contre la sienne. Ses doigts sont froids, ils ne devraient pas l’être. Il se focalise sur le besoin tout sauf urgent et tout sauf vital de les lui réchauffer, faisant glisser ses doigts contre les siens alors qu’elle s’occupe de sécher ses dernières larmes. Il esquisse un sourire, même: c’est compliqué mais ça va mieux. Si elle n’avait pas touché à ses médicaments depuis autant de temps, c’est que les choses allaient véritablement bien. Cela le rassure bien plus qu’elle ne le comprendra jamais, parce que c’est grâce à cet indice-là qu’il comprend qu’il n’est pas forcément une mauvaise influence pour elle; qu’il ne se contente pas de gâcher tous ses jours de congés en plus de son si fin maquillage. « Elle comprendra je pense. » Sans pour autant connaître sa patronne, il a su en déduire qu’elle était juste. De ce fait, il approuve les paroles de sa petite amie avec vigueur et sans aucune once de doute. « Ça va aller. Ça ira mieux. Je veux pas que tu t’inquiètes pour moi. » - “Je m’inquiète de tous les milkshake que tu vas vouloir tester dès que tu seras debout, c’est tout.” Parce qu’elle a besoin de reprendre des forces, parce qu’ils ont besoin de - encore - prendre l’air, parce que cette fois-ci l’humour ne lui sert pas de fuite mais est bien un moyen pour arriver à ses fins et gagner un sourire de sa part. “Tu sais, je suis jamais assuré de rien quand il s’agit de moi ou de mes émotions.” A nouveau, il replace une mèche derrière son oreille et à nouveau, il laisse ses doigts courir sur son bras pour la rassurer. Ses yeux, eux, observent doucement les siens. “Mais j’ai jamais douté de mon amour pour toi.” Ses rêves d’avenir se font auprès d’elle, il ne s’en cache pas. Il dépose longuement ses lèvres contre son front pour lui prouver que tout ira bien. L’instant d’après, il se relève et tend une main en sa direction pour l’aider à en faire de même; et il insistera la seconde suivante pour qu’elle s'asseye tout de même sur une chaise et prenne le plus grand verre d’eau de tout l’appartement.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Promis juré. »

Il ira voir quelqu’un et, immédiatement en entendant ces mots, ma respiration se ralentit et mes épaules se décontractent. Elles retombent en arrière et, c’est promis, je respire un peu mieux. Ma foi en la psychothérapie est loin d’être illimitée - elle ne fonctionne pas sur moi ou en tout cas j’en suis persuadée, je n’ai pas aimé l’approche de la psychiatre qui me suivait - mais j’ai également conscience d’être dépassée par ce qui se joue dans l’esprit de Swann. J’ai cru un temps que ma douceur et mes attentions suffiraient, mais je suis tombée de quinze étage et j’ai violemment heurté le sol en le trouvant par terre dans la salle de bain, le carrelage maculé de son sang. Je ne suffit pas, et peut-être que ce n’est pas grave, mais je veux m’assurer que cela ne se reproduise pas. Je ne peux pas le croire sur parole sur ce point, pas parce que je n’ai pas confiance mais parce que le prix à payer est trop élevé si toutefois je me trompais.

Et si j’ai mal au coeur, c’est parce que si c’est de Rory qu’il a besoin pour traverser cette période difficile, si c’est de lui plus que de moi, je ne m’y opposerais pas parce que je le préfère en vie avec lui que malheureux et en proie à des pensées suicidaires avec moi. J’ai mal au cœur rien que d’y penser et, si Swann tente de me rassurer avec des paroles maladroites, il ne comprend pas l’étendue de mes angoisses. Comment le pourrait-il quand je suis incapable de les formuler clairement ? Et pourquoi est-ce que je n’y parviens pas ? Suis-je égoïste au point de faire l’autruche parce que c’est moins difficile pour moi ? Il lui manque et il était content de me le présenter. Ce n’est pas sa faute et il l’a su en venant à l’appartement, notre appartement. Les données se mélangent dans mon esprit et je ne parviens plus à les analyser correctement. Je cherche des interprétations alors que je sais mon petit ami dénué de toute malice, mais je n’y peux rien, c’est plus fort que moi. J’ai toujours eu peur de le perdre, toujours eu peur de ne pas avoir ce qu’il faut pour le retenir, de ne pas être assez intéressante, intelligente ou séduisante, et force est de constater que depuis que je sais qu’il est sorti pendant quatre ans avec une célébrité, mes peurs se sont accrues. Même s’il m’aime. Même si je le crois lorsqu’il me le dit. Même si j’aimerais penser qu’il peut se contenter de quelqu’un comme moi. J’ai passé trop de temps à douter de mes qualités, et trop de temps à être rabaissée aussi pour avoir confiance en moi et être parfaitement sereine dans mon couple, quand bien même j’ai cru que c’était le cas. C’est possible, et je m’accroche à cette idée. C’est possible, et j’ai simplement besoin de temps. Le temps m’a aidée à trier le bon grain de l’ivraie, le temps m’a aidée à remettre en question les convictions que mon ex a martelées et implantées dans mon esprit, le temps m’aidera à comprendre que j’ai de quoi être aimée. Que j’ai ce qu’il faut pour plaire et pour garder quelqu’un comme Swann, qui est parfait à mes yeux. « Je m’inquiète de tous les milkshake que tu vas vouloir tester dès que tu seras debout, c’est tout. » Il plaisante et ça marche : j’esquisse un sourire et je m’accroche un peu plus fort à ses bras. « Je te battrai jamais au concours de burger, tu me battras jamais sur les Milkshake, faut savoir accepter ses forces et ses faiblesses. » Merci, merci d’être là, d’être bien vivant et de rester à mes côtés, aussi détraquée que je puisse être. « Tu sais, je suis jamais assuré de rien quand il s’agit de moi ou de mes émotions. » Ses doigts glissent sur ma joue et derrière mon oreille. Ses doigts glissent sur mes doigts et, au contact de sa peau sur la mienne, je m’apaise un peu plus encore et je retiens ma respiration, accrochée à ses lèvres. « Mais j’ai jamais douté de mon amour pour toi. » Ma gorge se noue, mais c’est bel et bien d’émotion cette fois-ci. Ma gorge se noue et, lorsqu’il se redresse et tend un bras dans ma direction, je l’attrape de mes deux mains pour me redresser. J’ai l’impression d’avoir des jambes de coton qui ne me portent plus. J’ai l’impression de faire peser tout le poids de mon corps sur lui, alors que c’est moi qui suis censée le porter et le soutenir pour l’aider à traverser tout ça. « Mon maquillage est fichu. Je dois être horrible à regarder. » J’ai pleuré toute la larmes de mon corps et je l’ai fait sans retenue : je n’ai pas versé dignement quelques larmes, mon visage était déformé par la peine et j’aurais aimé qu’il ne vois pas ça. « J’aurais voulu que t’assiste pas à ça. Je croyais que c’était derrière moi. » Les crises de panique et les anxiolytiques. Je voudrais qu’il me voit belle, forte et assurée. « Et c’est grâce à toi. Que je vais mieux. » Je ne parle pas de ça, parce que j’ai peur de l’image que cela donne de moi. « Parce que je t’aime et j’en ai jamais douté non plus. Et parce que t’es bon pour moi. » Et si la déclaration n’a pas la force que j’aurais voulu qu’elle ait, ça compte plus que tout au monde à mes yeux, d’avoir trouvé quelqu’un de bon, quelqu’un de bien. « Je veux être pour toi ce que tu es pour moi. » Je m’assied sur une chaise et, doucement, je récupère sa main dans la mienne. Il me dira tout, c’est promis. Et je deviendrai son médicament, c’est promis aussi.