Une soirée, simple, où je sais qu’il est facile d’écouler le stock de drogue que j’ai sur moi pour la semaine. Le burning man. Tout le monde s’amuse, il y a des jeunes un peu partout et je sais que je ne vais pas être obligé de rester longtemps ici, mais l’ambiance me paraît sympa. Et je sens qu’Ariane ne me laissera pas m’enfuir aussi facilement que je le voudrais. Je n’ai personne à rejoindre, alors autant trouver quelqu’un sur place pour m’occuper et éviter de penser à Chloe qui n’est pas là et qui ne donne aucune nouvelle. Je n’ai pas encore craqué, parce que je tiens parole en général, mais je ne suis pas sûr qu’elle ait les mêmes préoccupations que moi. Elle doit bien s’amuser, et je saurais lui reprocher quand elle pointera à nouveau son nez dans les parages.

J’enchaîne les ventes, je n’ai presque plus de sachets et je sais que c’est une très bonne soirée pour moi. Lou se calmera enfin peut-être un peu, ou pas, et au final je m’en fiche. Je vends comme je veux et à l’allure que je décide. C’était le deal, elle n’est ma patronne seulement parce que je dois aller récupérer la drogue auprès d’elle, mais jamais je n’ai dit que j’allais la suivre les yeux fermés, et dire oui à tous ses ordres. Elle sait que je ne suis pas comme ça, et ce n’est pas près de changer. C’était à prendre ou à laisser, et à une époque, ça ne l’avait pas dérangé. Peut-être qu’elle change la dealeuse, peut-être que tout ça c’est trop pour elle. Mais je ne me préoccupe pas d’elle ce soir. Je regarde Ariane qui s’éloigne en menaçant une jeune femme de lui rouler dessus si elle continue de la pousser en dansant. Elle sait se débrouiller la Parker.


@Clyde Wakefield

Le burning man de Brisbane apparaissait très certainement moins extravagant que son analogue américain, mais cela n’avait pas empêché Clyde de vouloir se joindre aux festivités qui marquaient pour lui son arrivée en ville tout juste un an auparavant. A l’époque, les motivations l’ayant poussé lui et Halsey à s’installer à l’autre bout du pays après tant d’années à Perth étaient motivées par l’appât du gain, mais ils avaient finalement pris suffisamment leurs marques pour qu’aucun d’eux ne songe désormais réellement à repartir. S’il y avait bien une chose qu’ils avaient apprise cette année, il s’agissait de profiter des quelques moments de libre qu’ils s’accordaient, plutôt que de ne songer qu’au travail quoi qu’il en soit. Quelques années auparavant, l’idée qu’ils puissent réellement se satisfaire de passer du temps ensemble sans qu’il ne s’agisse de près ou de loin de monter leur prochain plan aurait semblé bien trop éloigné de leurs préoccupations, ou même quelque chose à laquelle ils ne se seraient pas laissé aller. Cependant, leur complicité avait été ébranlée tout autant qu’elle s’était renforcé depuis leur arrivée à Brisbane, et c’était donc avec un sourire amusé que Clyde avait laissé ses doigts courir lentement sur les épaules de la brune avant qu’elle ne s’éloigne pour rejoindre il ne savait qui, tandis que lui profitait encore des festivités avant de retourner s’enfermer dans ses dossiers.

Un instant et un seul, il lui sembla apercevoir une chevelure bien plus reconnaissable, sur laquelle il mit un prénom juste avant qu’elle ne s’éloigne à son tour de son champ de vision en lâchant quelques mots à un homme qu’il n’avait jamais vu. Clyde n’avait que peu vu Ariane cette année, palliant ainsi à leurs débuts qui s’étaient fait retentissants avant qu’elle ne se fasse passer la bague au doigt par Crésus et que le journaliste se retrouve malgré lui coincé dans les draps d’Halsey qu’il ne voulait pourtant plus quitter. En revanche, il n’avait jamais eu vent de cet inconnu qu’il n’eut pas besoin d’observer très longtemps pour comprendre qu’il faisait aisément passer quelques paquets bien remplis à des passants qui ne s’approchaient pas de lui par hasard, loin de là. La chose la plus sage aurait été de se détourner, et dieu seul savait à quel point Ariane était capable de s’occuper d’elle toute seule, mais il fut tenté de vouloir la saluer - n’effectuant, en théorie, qu’un détour vers celui dont les bouclettes paraissaient trop impeccables pour être vrai. Feignant de le bousculer par erreur à cause de la foule, il leva légèrement les mains en signe d’excuse. “Désolé, j’voulais juste rattraper quelqu’un.” Sa tête fit un quart de tour vers la direction qu’Ariane avait emprunté. “Elle était avec vous, la rousse qui vient de partir? Elle va revenir?” Rien de tel que de passer pour le dernier des maladroits ou des stalkers pour voir de quel bois était fait ce type. Par curiosité, évidemment.

Je ne m’intéresse pas vraiment au feu, bien trop occupé à chercher quelles personnes seraient les mieux placées pour acheter ce que j’ai dans mes poches. Je fais attention à ce qui se passe autour de moi, je suis prudent lorsque je vends. Je ne peux pas faire la même erreur qu’avec Victoire et me faire choper par les flics. Les dernières retombées ont été bien trop compliquées à mon sens, et je ne voudrais pas vivre ça une nouvelle fois. Surtout depuis que mes relations avec Lou sont bien plus compliquées. Je ne sais pas ce qu’il en est, et je ne sais pas où je vais.

Ariane s’éloigne, Ariane râle et je la regarde faire un moment. Je ne sais pas combien de personnes elle compte tuer ce soir mais je veux bien tenir les comptes. C’est dans mon coffre que l’on va devoir transporter les corps à la fin de la soirée. Elle m’a aidé à vendre quelques pilules, comme au bon vieux temps. Mais il se trouve que je suis devenu un bien meilleur vendeur qu’elle avec les années. “Désolé, j’voulais juste rattraper quelqu’un.” On me bouscule, comme si on ne m’avait pas vu et je lance un regard noir au fautif. “Ouais vas voir ailleurs.” Je le regarde de haut en bas et j’étais prêt à retourner à mes affaires, à faire comme s’il n’avait jamais existé. “Elle était avec vous, la rousse qui vient de partir? Elle va revenir?” C’est donc Ariane qui l’intéresse. “Tu l’intéresses pas gamin.” Je ne sais pas quel âge il a, mais je sais que c’est typiquement le genre de remarques qui énerve profondément les mecs en manque de confiance, et peut-être que ça en est un. “Qu’est ce que ça peut te faire, t’es un genre de harceleur ?” Ca aussi c’est une possibilité, un possibilité qui me permettrait de le frapper le plus fort possible au visage.

“Ouais vas voir ailleurs.” Charmant et poli, un concentré d’Ariane qu’elle devait sûrement aimer retrouver dans ses types - pas vraiment étonnant mais un peu dérangeant, puisque Clyde osait espérer qu’il ne rentrait pas dans cette catégorie. Ou seulement dans ses mauvais jours, éventuellement. Le regard porté par l’inconnu l’avait scanné en une seconde, suffisamment pour que le journaliste le trouve passablement agaçant, mais pas pour que ce type ne garde ses yeux sur lui plus d’une seconde avant de dévier son attention. Un peu trop curieux pour son propre bien parfois, Clyde ne put s’empêcher de traîner une seconde supplémentaire à ses côtés, juste assez pour s’informer sur Ariane - qui avait sûrement déjà disparu à l’autre bout de la rue et qu’il ne retrouverait que si elle le voulait bien. “Tu l’intéresses pas gamin.” Toujours aussi charmant. “A mon âge je prends ça comme un compliment” que Clyde railla en retour en détaillant enfin de face celui qui se dressait devant lui et à qui il n’aurait pourtant pas donné beaucoup d’années en plus.

“Qu’est ce que ça peut te faire, t’es un genre de harceleur?” “Faudrait demander à Ariane.” Une fois le prénom sorti, sa prétendue couverture d’inconnu maladroit était grillée, mais le type semblait suffisamment peu commode pour que Clyde ne veuille tout de même rien risquer alors qu’il aurait simplement salué Ariane si seulement sa curiosité ne l’avait pas attiré de l’autre côté. “Je savais pas qu’elle était du genre à aimer la cam.” La cam qui avait roulé entre ses doigts, celle qu'il avait vu dès lors qu'il avait commencé à vraiment regarder. Son ton était resté neutre, et pourtant, il jugeait intérieurement cette consommation de drogue qui n’avait jamais été quelque chose à laquelle il s’était laissé aller. Plus jeune, il avait suffisamment vu sa mère perdre le contrôle sans pouvoir le décider, pour ne pas volontairement abandonner ses facultés à cause d’un joint coupé à de la merde. “Aux dernières nouvelles son truc c’était le fric.” Et le mariage avec Crésus, et le gosse, non?

“A mon âge je prends ça comme un compliment” Il ne s’énerve pas, dommage, la soirée aurait pu devenir encore un peu plus intéressante s’il avait décidé d’hausser le ton. Je ne renchéris pas, espérant silencieusement qu’il s’éloigne et qu’il parte se perdre dans la rues de Brisbane pour la retrouver alors qu’elle ne veut pas que qui que ce soit la rattrape. “Faudrait demander à Ariane.” Donc il la connait, pourquoi moi je ne le connais pas. Un nouveau regard vers lui, mais il ne me dit rien, ne me rappelle personne que j’aurais pu croiser au bras de la rousse ces derniers mois ou dernières années. Ca m’étonne, et ça fait qu’il a le droit à un peu plus de mon attention désormais. “Donc tu la connais ?” Je fronce les sourcils, je ne pense pas qu’il soit du genre à étaler sa vie mais qui ne tente rien n’a rien pas vrai ?

“Je savais pas qu’elle était du genre à aimer la cam.” “Oh tu la connais pas si bien que ça alors.” Ariane a toujours été branché alcool et drogue quand elle en avait l’occasion. Sûrement en partie à cause de moi, qui n’ai pas eu la meilleure des influences sur elle pendant ces 15 dernières années. Mais je ne pense pas que sans moi la gamine aurait fini dans les ordres, elle aurait même pu finir bien pire que ça si je n’avais pas été dans les parages. “Aux dernières nouvelles son truc c’était le fric.” Je ne peux m’empêcher de sourire un peu. C’est donc certainement une connaissance récente. Donc, dans sa nouvelle vie, Ariane aime l’argent et n’aime plus la drogue, c’est bon à savoir. J’aimerais qu’elle revienne pour que je puisse lui dire qu’elle passe pour la pire des profiteuse aux yeux du monde entier. “Tu aimes ni la cam ni l’argent toi ?”

“Donc tu la connais?” Non, j’ai un don pour deviner les prénoms de sombres inconnus, tu t’appellerais pas Jeff? qu’il pourrait presque répondre si seulement l’autre ne semblait pas être du genre presque un peu dangereux, à qui il ne comptait pas chercher des noises pour aucune raison vraiment valable. User de ses poings était une chose qui lui avait passé avec les années et ne servirait plus vraiment l’image qu’il renvoyait désormais - à part sur un ring et face une Ariane qui l’insultait plus qu’elle ne le frappait, ce qui ne faisait qu’ajouter à l’adrénaline de l’instant. Puisque la question apparaissait bien plus rhétorique qu’autre chose, Clyde arqua légèrement les sourcils sans même prendre la peine de répondre, prétendant une seconde qu’il n’avait pas peur de ce type, ce qui était tout à la fois absolument vrai et totalement faux. Il ne comptait pas s’écraser à cause de deux regards noirs et de trois qualificatifs péjoratifs, mais il avait suffisamment de jugeote pour ne pas trop appuyer là où il ne fallait pas. “Oh tu la connais pas si bien que ça alors.” “Est-ce que c’est vraiment une bonne idée de bien la connaître?” Tout un débat que cette question.

Pourtant, il aurait aisément avoué qu’il ne connaissait pas si bien Ariane, ne l’ayant rencontré que l’année passée et ayant perdu sa trace alors qu’elle faisait son chemin à travers le monde et les engagements alors que lui n’avait pas quitté Brisbane et transpirait toujours de peur de s’imaginer un jour avec un gosse dans les bras. “Tu aimes ni la cam ni l’argent toi?” “J’ai la tête de quelqu’un qui aime pas le fric?” Difficile d’imaginer pour lui quelqu’un qui n’aimerait bien avoir de l’argent, peu importe la finalité de son utilisation - en revanche, il estimait que tout être censé savait se tenir à distance de toute sorte de drogue. “Ça par contre…” Ses yeux se dirigèrent vers la veste du brun dans laquelle s’accumulaient sûrement les paquets bien tassés. “Tu la fumes au moins, ou c’est juste pour ceux qui savent pas mieux faire?” Non pas qu’il demande à goûter, mais il aurait encore moins de respect pour le type s’il dealait volontairement de la merde - si tant est qu’il en ait déjà un minimum pour celui dont il ne savait pas bien ce qu’il lui inspirait réellement. Quant à Ariane, elle ne l’étonnait pas vraiment dans ses choix de fréquentations, finalement - après tout, elle était bien trop proche d’Halsey pour que cela démontre une quelconque forme de sainteté.

“Est-ce que c’est vraiment une bonne idée de bien la connaître?” Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire à cet instant. Est ce que c’est une aubaine de la connaître par coeur ? Je n’en suis pas certain, et pourtant, c’est mon cas. “Un point pour toi.” Je hausse les épaules, peut-être qu’il n’est pas aussi idiot que j’aurais pu l’imaginer finalement. Je fronce le nez, et je continue d’observer les personnes qui m’entourent, je ne voudrais pas louper une vente à cause d’un type qui me bouscule parce qu’il connait apparemment Ariane. Je ne le connais pas, donc pourquoi c’est avec moi qu’il vient discuter ?

“J’ai la tête de quelqu’un qui aime pas le fric?” Non effectivement. “T’as un peu la tête d’un profiteur c’est vrai.” Je hausse les épaules, il a la tête d’un type louche qu’on ne doit pas approcher quand on est quelqu’un d’un peu trop innocent. Par chance, je ne suis pas innocent, donc je ne m’empêcherai pas de m’approcher un peu trop de lui s’il en venait à décider qu’il préférait utiliser les menaces ou les poings. Je ne sais pas ce qu’il cherche, et je ne pense même pas avoir vraiment envie de savoir. “Ça par contre…” Un coup d’oeil vers ma veste, il a vu, mais je ne compte pas balancer ce que j’ai sur moi parce qu’un type a décidé de jouer au fouineur. “Tu la fumes au moins, ou c’est juste pour ceux qui savent pas mieux faire?” Je me tourne complètement vers lui, je serre les dents, il a apparemment décidé de me faire chier. “T’es intéressé c’est ça ?” Je capte son regard et je ne compte pas le lâcher. “Tu veux vendre ou acheter ? Vas droit au but j’ai mieux à faire de mes soirées si c’est pour ça que t’es venu vers moi.”

“Un point pour toi.” L’autre a beau faire le dur, il ne paraît pourtant pas totalement dénué de bon sens et relève un peu le niveau des préjugés que le journaliste peut avoir sur beaucoup de dealers. Dans son esprit à lui, ce genre de type connecte difficilement trois neurones dès lors que quelqu’un vient les emmerder, et sa réaction laisse à penser qu’il est un peu plus réfléchi - après tout, ce serait à attendre de la part de la rousse qui ne doit pas non plus traîner avec n’importe qui. “T’as un peu la tête d’un profiteur c’est vrai.” Clyde laisse un instant un sourire s’esquisser sur ses lèvres à son tour, juste avant de lâcher un petit rire tout aussi amusé que mauvais. Il ne croit pas si bien dire, celui-là, mais il ne saura pourtant jamais à quel point il peut avoir raison. “Toi aussi t’as la tête de l’emploi.” A lui de décider s’il s’agit d’un compliment ou d’une critique, après tout. S’il était un blondinet à lunettes d’1m60, sans doute que Clyde aurait été un peu moins rapide à saisir ses mouvements et se douter que quelque chose avait lieu dans ses gestes qui semblent pourtant anodins aux yeux du reste de la foule.

“T’es intéressé c’est ça?” Le regard du brun ne lâche pas celui de son interlocuteur, et ses yeux semblent eux-mêmes répondre à cette question dont la réponse est pourtant déjà probablement connue. “Tu veux vendre ou acheter? Vas droit au but j’ai mieux à faire de mes soirées si c’est pour ça que t’es venu vers moi.” “T’es rapide à avouer, heureusement que j’suis pas flic.” Pas flic mais journaliste, ce qui n’est sûrement pas mieux aux yeux de l’autre - mais il n’a pas besoin de le savoir, après tout. “Sérieusement, elle va revenir ou elle est partie?” Il ne s’est approché que pour Ariane à la base, même si sa course a légèrement été déviée - et loin de lui l’idée de s’éterniser trop longtemps où il n’est clairement pas désiré.

“Toi aussi t’as la tête de l’emploi.” Une tête de profiteur ou de dealeur, les deux pourraient aller j’imagine. Je suis un peu des deux et je ne le cache pas vraiment. Il doit être fin connaisseur puisqu’il connaissait déjà mes occupations sans même qu’on ait parlé une seule seconde. Je n’ai pas l’impression de le connaitre et ça m’étonne beaucoup, surtout quand j’ai l’impression qu’il est une personne assez proche d’Ariane. J’ai souvent eu l’habitude d’avoir les mêmes fréquentations qu’elle, et j’ai du mal à me rendre compte que ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.

Je n’ai pas vraiment de temps à perdre, et je ne sais toujours pas ce qu’il fait à traîner dans mes pattes. Si c’est Ariane qu’il veut voir, il n’a qu’à essayer de la suivre. Je ne suis pas sa babysitter, et elle ne m’a pas donné une liste des endroits qu’elle compte fréquenter tout au long de la soirée. “T’es rapide à avouer, heureusement que j’suis pas flic.” “T’as pas une tête de flic.” Il a plutôt la tête d’un de ceux qui veut les éviter presque autant que moi. Je ne sais pas ce qu’il fait dans la vie, et je ne suis pas certain que ça m’intéresse, mais il n’a apparemment pas décidé de me laisser tranquille. “Et puis si t’avais été flic je me serais fait une joie de te mettre la gueule en morceaux.” “Sérieusement, elle va revenir ou elle est partie?” “Je suis pas son père.” Je fronce les sourcils, il a vraiment l’air intéressé le brun. “Qu’est ce que tu lui veux ?” Je commence à m’intéresser moi aussi finalement. Je n’ai pas vraiment mieux à faire que de me concentrer un peu sur la vie et les intentions de l’homme qui se tient encore en face de moi. “T’es venu la voir ?”

“T’as pas une tête de flic.” Oui et non, qu’il a envie de dire, bien conscient qu’il fait propre sur lui mais peut-être pas assez ou paradoxalement un peu trop pour vraiment se fondre dans la masse comme le ferait un flic qui espère passer inaperçu. Pourtant, il se rappelle encore de la gamine apeurée qui s’est laissée avoir et a failli se liquéfier sur place à la vue de son flingue, ce qu’il a presque regretté en sachant pertinemment qu’il n’avait jamais réellement prévu de l’utiliser et espère que ça en restera ainsi pour le reste des temps. Les flics, il les fuit en réalité comme la peste et le jour où l’un d’eux se pointera de manière inopinée à son domicile, il saura que le début de la fin est en route et qu’il aura plus de raisons de s’inquiéter que de prendre la chose pour une visite de courtoisie. “Et puis si t’avais été flic je me serais fait une joie de te mettre la gueule en morceaux.” “Bon à savoir.” Pas que ça change réellement quelque chose, mais cela accentue encore un peu plus l’idée que Clyde se fait du personnage. “Y a d’autres jobs sur liste noire?” Sait-on jamais.

“Je suis pas son père.” Et il n’est surtout pas commode mais le détail ne mérite sûrement pas d’être relevé. “T’es qui alors?” La question mérite d’être posée par contre - mais peut-être pas de donner lieu à une réponse, que Clyde se surprend pourtant à espérer curieusement. Elle est mariée, maman (autant de mots difficiles à accoler à son prénom mais soit), alors qui est ce type qui pour l’instant ne ressemble qu’à son dealer tout particulièrement proche? Certainement pas le cancéreux dont l’existence est passée une fois ou deux dans la bouche d’Halsey et qui lui a valu une coupe de champagne en pleine face durant les heures de gloire d’Ariane qui n’a ensuite rien trouvé de mieux que laisser Clyde sur le champ de bataille à ramasser les pots cassés. “Qu’est ce que tu lui veux? T’es venu la voir?” “Non j’étais avec quelqu’un.” Quelqu’un. Utile de préciser qu’il s’agit d’une amie d’Ariane? Peut-être, peut-être pas, mais la seconde option est bien vite privilégiée pour l’instant. “Je l’ai juste aperçue de loin avant qu'elle se tire, ça fait un moment que j’ai pas de nouvelles. Paraît que ça fait ça quand on a un gosse.” Il n’a pas de nouvelles mais en sait tout de même un minimum, surtout quand il s’agit de surprises pareilles.

“Bon à savoir.” “T’es pas du genre à te battre ?” C’est étonnant, j’aurais pu parier le contraire en le voyant. Il a l’air d’être le genre de type à se mettre en plein milieu des embrouilles. Mais peut-être que mon radar à sales types n’est plus aussi efficace qu’à l’époque. Il ne me donnera pas de détails, je le sais, mais ça ne m’empêche pas de poser des questions. “Y a d’autres jobs sur liste noire?” Je fronce les sourcils, j’y réfléchis vraiment. Je me demande s’il y a des personnes que je pourrais frapper sur le champ. “Paparazzi, et peut-être les journalistes un peu trop chiants.” J’ai à faire à eux régulièrement depuis que je perce dans la musique, et je déteste pas mal d’entre eux.

“T’es qui alors?” Les questions fusent, on se méfie autant l’un que l’autre. “Un vieil ami.” C’est le plus simple, et ce qui nous caractérise le mieux ces derniers temps. Nous sommes de vieux amis, et elle reste la personne qui me connait le mieux sur cette planète. “Non j’étais avec quelqu’un.” “Elle est plus avec toi ?” J’ai été abandonné par Ariane, il a été abandonné par sa compagne. Peut-être qu’il vient seulement chercher un peu de réconfort auprès de moi. Ce qu’il ne sait pas, c’est que je ne suis pas vraiment intéressé par la proposition si c’est ce qu’il veut. “Je l’ai juste aperçue de loin avant qu'elle se tire, ça fait un moment que j’ai pas de nouvelles. Paraît que ça fait ça quand on a un gosse.” Je souris et j’allume une cigarette en lui en proposant une. Je lui tends le paquet, à lui de choisir s’il en veut bien ou pas. C’est mon élan de gentillesse de la soirée, j’espère pour lui qu’il compte en profiter. “Quelle idée de faire des enfants.” Je fronce le nez. “Elle arrive encore à profiter un peu de la vie.” Heureusement, sinon elle se serait sûrement déjà suicidée depuis un moment.

“T’es pas du genre à te battre?” Tout dépend de la perception de la chose, mais dans son univers idéal, se faire éclater la tête par un inconnu dans la rue ne relève pas forcément des attentes de Clyde en termes de bonne journée. “Ça dépend, cogner sur Ariane qui sait que cracher sur ses gants de boxe ça compte?” Sûrement la seule chose en commun qu’ils ont vraiment, la rousse - et quelle chose. Clyde se demande si lui aussi a eu le droit à quelques uppercuts bien placés qui ont toujours paru bien trop violents pour émaner d’une personne en apparence si frêle mais qui cache parfaitement bien son jeu de rageuse. “Paparazzi, et peut-être les journalistes un peu trop chiants.” En fait, Clyde espère surtout que l’autre boxe et s’est déjà suffisamment défoulé dernièrement pour que sa réaction à cette phrase qui se limite à un hochement de tête ne lui donne pas envie de s’aventurer un peu trop loin sur la catégorie dans laquelle il se place, lui. Car aux dernières nouvelles, il a parfois tendance à correspondre un peu trop à la dernière, lorsqu’il le veut.

“Un vieil ami.” C’est marrant, c’est exactement ce qu’ils disent dans les films quand c’est à peu près tout sauf ça. “Elle est plus avec toi?” Il nie d’un signe de tête, alors qu’il sait exactement où est Halsey à cet instant précis même s’il n’a pas les capacités de deviner la plaque d’immatriculation du taxi qu’elle a sans aucun doute pris car ses pieds ne sauraient se satisfaire d’une marche un peu trop longue. “Quelle idée de faire des enfants.” “J’aurais pas pensé qu’on ait autant de points communs.” Il sourit et ça en dit long sur son accord quant à la question des enfants, même si les points communs s’arrêtent à ça. Et à Ariane - qu’il s’agisse là d’une bonne ou d’une mauvaise chose. “Elle arrive encore à profiter un peu de la vie.” Même si elle devrait sans doute se calmer avant de tomber littéralement de fatigue mais Clyde ne sera pas celui qui se risquera à faire la morale à Ariane. “Faut s’inquiéter qu’elle soit en train de martyriser quelqu’un ou elle est dans un bon jour?” Bon jour, mauvais jour, est-ce qu’il y a vraiment une différence? “Que j’sois pas le prochain quand elle captera que je marche sur son territoire.” Elle a même pas besoin de ça pour râler, pourtant.

“Ça dépend, cogner sur Ariane qui sait que cracher sur ses gants de boxe ça compte?” “Se battre avec Ariane c’est toujours un bon entraînement.” Et je sais très bien de quoi je suis en train de parler. Ariane est petite et frêle, mais elle a été élevé dans la rue, et comme moi, elle a appris à s’exprimer avec ses poings. C’est une face d’elle qui m’a toujours plu, on a fini amoché plusieurs fois après quelques bagarres qui allaient un peu trop loin, mais ce ne sont que de vieux souvenirs que je garderai toujours en tête mais qu’on n’abordera plus ensemble, c’est du passé, et on a fait une croix sur le passé depuis Paris.

Il connait Ariane depuis peu, seulement quelques mois j’imagine. Il sait qu’elle est mariée et qu’elle a un enfant, mais je ne suis pas sûre qu’il en sache beaucoup plus au sujet de la rousse. “J’aurais pas pensé qu’on ait autant de points communs.” Je souris, légèrement. Il n’est pas d’aussi mauvaise compagnie que j’aurais pu l’imaginer finalement, et c’est bon à savoir. “Comme quoi on peut avoir de bonnes surprises.” Je continue de me méfier, je ne fais jamais confiance aux inconnus, surtout ceux qui restent secrets sur certains points de leur vie. “Faut s’inquiéter qu’elle soit en train de martyriser quelqu’un ou elle est dans un bon jour?” “Pourquoi s’inquiéter ? Si on cherche pas on est pas témoin de ce qu’elle fait.” Elle pourrait être dans un bon jour et tuer quatre ou cinq personnes sans sourciller la Parker. Et, ce soir, je n’ai pas vraiment envie d’aller l’aider à cacher des corps. “Que j’sois pas le prochain quand elle captera que je marche sur son territoire.” “Quel territoire ?” Si elle en a vraiment un je veux bien aller marcher dessus juste pour la faire chier. “Elle finira bien par revenir un jour. Peut-être même vivante qui sait ?”

“Se battre avec Ariane c’est toujours un bon entraînement.” Tout d’un coup le souvenir le heurte, soudain et imprévu, si bien qu’il ne sait quoi en faire et relève légèrement la tête pour voir le regard de l’autre alors qu’il prononce ces mots. Clyde se souvient de son aller-retour à l’hôpital avec Ariane, des haricots verts surgelés sur son poignet mais surtout de ses sifflements aigus pour lui rappeler qu’il était un pur connard de lui avoir cassé ce qu’un autre s’était chargé de faire l’année passée. Un autre lui a pété le poignet et sans doute davantage à en juger par la tête qu’elle avait tiré à l’époque, ce qu’il n’avait alors pas osé relever alors mais lui revient soudainement désormais. Il n’a jamais cru bon de fouiller dans le passé affectif de la rousse pour la simple et bonne raison qu’il sait qu’il remuerait la merde, mais la question file maintenant, comme pour se convaincre qu’il n’imagine pas le pire par instinct. “Tu boxes où?” Si club il y a, et si boxe il y a vraiment aussi.

“Comme quoi on peut avoir de bonnes surprises.” “Dire que j’vais devoir la remercier.” Ou pas vraiment puisqu’elle serait encore plus insupportable ensuite avec ses grands airs de je-sais-tout et fais pas chier même je sais que j’ai tord. “Pourquoi s’inquiéter? Si on cherche pas on est pas témoin de ce qu’elle fait.” Clyde hocha les épaules et lâche un rire rauque tout à la fois - après tout, la manière de penser de ce type ne lui déplait pas, même s’il n’est pour son propre bien pas si rapide à juger quelqu’un par sa couverture seulement. Parce qu’une couverture, ça peut cacher bien davantage et pire encore, et il le sait. “Quel territoire?” “Ses vieux amis.” Il insiste sur les mots, les fait rouler sur sa langue, puisqu’on appelle ainsi ceux qui n’ont pas de réelle définition. “J’ai déjà marché dessus et je sais pas si je veux renouveler.” Ou Ariane a marché sur ses plate-bandes avec Halsey, difficile de savoir vraiment dans quel sens la limite a été franchie mais cela ne change pas grand-chose au fait que tout est désormais prétexte à implosion quand le trio infernal se retrouve. Surtout lorsque les filles se liguent contre lui, à cause d'un principe de solidarité féminine à la con. “Elle finira bien par revenir un jour. Peut-être même vivante qui sait?” Il sourit et il espère bien, mais ses lèvres se déforment bien vite lorsqu’il voit une nuée de braises et de cendres souffler en leur direction à cause du vent qui se lève peu à peu.

“Tu boxes où?” Je n’aime pas vraiment le ton, ni le regard qu’il jette vers moi. Il a l’air de vouloir s’assurer de quelque chose ou de simplement chercher quelques informations. Je ne suis pas du genre à livrer ma vie en quelques secondes, et il a l’air de faire des conclusions bien trop hâtives. “Un peu partout, quand j’ai le temps.” Je n’ai pas de club ni d’endroit où je dépose officiellement mes bagages. Je peux faire de la boxe partout et tout le temps, et j’aime ça. J’aime tout autant m’entraîner dans des salles clandestines que dans de vrais cours de boxe, et je ne pense pas que je vais lui donner chacune des adresses dans lesquelles il peut m’arriver de me rendre.

La conversation tourne majoritairement autour d’Ariane. C’est le premier point commun qu’on se trouve mais finalement peut-être pas le seul. J’ai bien fait de ne pas lui casser la gueule tout de suite, il sait apparemment tenir une conversation. Même si pour le moment il n’a craché le morceau sur aucun aspect de ma vie alors que moi je l’ai fait. “Ses vieux amis.” Je ne retiens pas le sourire qui se glisse au coin de mes lèvres. “Je suis grand, elle a pas à me gérer.” Il ne sait pas qui je suis pour elle, et je me demande quelle pourrait être sa réaction s’il savait tout ce qu’on a vécu et tout ce qu’on s’est fait subir pendant des années. “J’ai déjà marché dessus et je sais pas si je veux renouveler.” “Ca dépend sur quels vieux amis tu comptes tomber.” Je hausse les épaules, je ne les connais pas tous, je sais seulement qu’Ariane a très peu de bonnes fréquentations.

Le vent souffle de plus en plus fort et je ne vois pas les braises qui arrivent vers nous.

Déééééééés: