☽ 20 avril 2021. Ce n’était que la vérité qui sortait sans filtres. L’alcool, elle pouvait le sentir passer entre ses veines, lui remonter jusqu’au cerveau pour l’envahir de toutes ces émotions simultanément. Et elle se déversa sur lui, lui disant tout ce qu’elle avait sur le cœur. Lorsqu’il était parti, elle l’avait vécu ça comme un énième abandon. Son frère jumeau l’avait abandonné, son père l’avait abandonné, sa mère et sa sœur l’avaient abandonné en l’envoyant dans ce centre de redressement, Lawrence l’avait abandonné quand il l’avait quitté au même moment, tout le monde l’avait abandonné, même Aiden, elle qui croyait qu’il serait le seul à jamais rester. L’interne avait pu douloureusement constater que lui aussi pouvait lui échapper, que lui aussi pouvait oser l’abandonner – elle qui avait de sérieux problèmes concernant l’abandon, l’homme de sa vie n’avait fait qu’alimenter cette peur qui l’habitait continuellement. Elle frappait donc de toutes ses forces pour lui montrer à quel point il lui avait fait dû mal. Elle le détestait pour lui avoir prouvé que personne n’était digne de confiance, encore moins l’être aimé. Il encaissait sans rien dire, et elle continuait à sangloter alors que ses coups étaient de moins en moins forts. « Je sais, je sais … » Sentant un de ses bras autour d’elle, elle tapait encore alors qu’il continuait à s’excuser : « Je suis désolé, Joy. Je ne voulais pas, je ne savais pas … J’aurais vraiment aimé avoir été capable de parler, d’expliquer, … Tu n’as gâché aucun de mes rêves, jamais. Tu as toujours été, tu es mon rêve. Je suis désolé. » Ses yeux étaient embués par toutes ses larmes, elle tenta de le fixer, de le regarder dans les yeux alors qu’elle le voyait lui aussi perdre tous ses moyens. Il voulait la rassurer, lui faire comprendre qu’il était là, qu’il était prêt à l’attendre, comme s’ils allaient un jour pouvoir réparer tout ce qu’ils avaient conjointement détruits. Mais elle le détestait, sa haine était si forte alors que ses larmes coulaient encore sur ses joues. Elle le regardait, reniflant, une petite voix lui disait qu’elle était ridicule mais le démon du poison qui coulait encore dans ses veines l’encourageait à vider son sac. Complètement… alors qu’elle se retrouvait entre ses jambes, les mains se laissant tomber sur les cuisses de l’homme, elle baissait la tête, elle n’avait plus de force. « Tu ne sais rien Aiden. Tu ne sais absolument rien. » dit-elle finalement pour lui répondre, sa voix était toujours aussi tremblante, mais beaucoup moins véhémente, alors qu’elle arrivait à contrôler petit à petit ses sanglots. « Tu ne sais pas tout ce que j’ai traversé depuis que t’es parti. » Elle en avait mis du temps pour se reconstruire, et maintenant qu’il était revenu elle constatait tristement qu’elle n’avait pas vraiment réussi à le faire. « Je ne te le pardonnerai jamais. » C’était dit, c’était franc. Elle aurait toujours cette rancœur envers lui, et même si la haine était le premier sentiment qui l’habitait quand elle pensait à lui, lorsqu’elle leva le regard pour croiser le sien, ses deux émeraudes embuées elles aussi par les larmes, elle avait envie de l’aimer.
« Tu ne sais rien Aiden. Tu ne sais absolument rien. » Il serra les dents pour ne pas hurler sa douleur. Au lieu de cela, il regardait les dégâts qu’il avait causés sur ce visage d’ordinaire radieux. Il était responsable de ses tourments. Lui. Et lui seul. « Tu ne sais pas tout ce que j’ai traversé depuis que t’es parti. » Non, il ne le savait pas car il avait disparu. Il avait fui. Il avait fui car il n’était pas bon pour elle. Nocif, néfaste. Il était perdu. Il était un boulet qu’elle se traînait derrière elle. Il était la raison de son malheur. Alors, il était parti quand elle avait fermé la porte derrière elle. Il l’avait abandonné, pensant agir pour le mieux … commettant le pire. Il aurait néanmoins voulu être là. Pour la protéger. Pour l’aider. Pour la secourir. Pour répondre aux promesses qu’il lui avait faites jadis. La protéger, oui. C’était son rôle. C’était son devoir. Il avait merdé sur toute la ligne. « Je ne te le pardonnerai jamais. » Il eut le sentiment de se liquéfier. Littéralement. Les lèvres pincées, il essayait de contenir ce sanglot coincé au fond de sa gorge. Il n’avait pas le droit de pleurer. Il était responsable de tout cela. Il devait assumer. Il ignora alors les larmes qui venaient se glisser au coin de ses yeux. Il ignora la traitresse qui coula le long de ses joues. Il l’ignorait en espérant que Joy ferait de même car non, il ne devait pas pleurer. Il n’en avait pas le droit. Son regard s’ancra dans le sien quand elle releva la tête. Joy. Il acquiesça d’un signe de tête silencieux. Elle ne lui pardonnerait jamais. Les excuses ne sont de toute manière que des mots. Il le disait et répétait souvent. On ne peut pas réparer le mal qui est fait. Le mal est fait. Maintenant, c’était à lui de lui prouver qu’il y avait encore quelque chose à la fin de ce tunnel. Hope. De l’espoir. Car il ne le perdrait pas. Plus jamais. Il crèvera même avec cet espoir. « Bien que tu ne me pardonneras jamais, je ne cesserais pas de m’excuser, Joy. De m’excuser et d’être là --- parce qu’il n’y a que près de toi que la vie a un sens. » Il posa les mains sur ses joues rosies par les larmes et il lui répéta alors : « Je n’arrêterais pas de m’excuser Joy ; de t’avoir fait autant de mal, de ne pas être parvenu à nous sortir de là, de t’avoir laissé et d’avoir mis autant de temps. Je n’arrêterais pas. » Et de ses pouces, il vint essuyer les quelques larmes – dernières combattantes de ces sanglots. Il parlait de cette voix posée et apaisante. Il parlait le cœur ouvert, quitte à se le faire piétiner.
☽ 20 avril 2021. Joy s’était faufilée entre ses jambes pour venir le frapper, et cette proximité ne l’embêtait plus autant qu’auparavant, étonnamment. Elle en avait profité pour le frapper de toutes ses forces alors qu’elle avait éclaté en sanglots. Des sanglots incontrôlables, très certainement animés par l’alcool, mais au fond qui lui faisait aussi du bien à extérioriser. Pourtant, la jeune femme regretterait probablement dès le lendemain de s’être livrée de la sorte à l’homme qui possédait encore beaucoup trop d’emprise sur elle. Il ne disait rien alors qu’elle l’accusait de tous ses maux, c’était bien trop égoïste de la part de Joy de le rendre responsable de tous ses malheurs quand on savait la vie qu’elle avait menée. La brune se rendit compte seulement après quelques secondes que lui aussi avait les larmes aux yeux, lui aussi était blessé par toute cette histoire mais elle ne voulait pas le voir ça. Elle ne voulait pas voir que lui aussi était triste et blessé. Leurs regards se croisèrent, Joy avait l’impression de tanguer mais pourtant elle était bel et bien statique face à lui : « Bien que tu ne me pardonneras jamais, je ne cesserais pas de m’excuser, Joy. De m’excuser et d’être là --- parce qu’il n’y a que près de toi que la vie a un sens. » La bouche entrouverte, sèche, elle retenait un sanglot encore une fois parce que tout ce qu’il lui disait lui faisait dû mal. Elle vit alors les mains du chirurgien se lever pour se loger sur ses joues humides, elle le laissa étrangement faire, retrouvant le contact de sa peau. : « Je n’arrêterais pas de m’excuser Joy ; de t’avoir fait autant de mal, de ne pas être parvenu à nous sortir de là, de t’avoir laissé et d’avoir mis autant de temps. Je n’arrêterais pas. » Il vint essuyer ses larmes d’un coup de pouce, son regard ancré dans le sien elle avait l’impression qu’on lui broyait le cœur. Elle se pinça les lèvres réprimant encore une fois tous ces sentiments qu’elle n’avait pas envie de ressentir envers lui. L’amour d’une femme détruite n’était pas un amour sain. Aiden devait aller de l’avant, il devait l’oublier et elle aussi. Mais pourtant, dans une seconde d’inattention alors qu’elle sentait sa tête tourner, elle n’était pas bien, elle avait trop bu… Et bien, ses yeux n’avaient pas une seule seconde quittée les siens, elle regardait finalement ses lèvres venant combler la distance entre eux… Elle vint alors déposer ses mains sur ses joues elles-aussi humides par les larmes, elle vint lui offrir un baiser au goût amer, une envie soudaine qu’elle ressentit en sentant son regard sur elle, comme à chaque fois qu’il la regardait. Un baiser qu’elle allait aussitôt regretter, mais un baiser qui la vit chavirer, son estomac se retourna, sa gorge se serra en retrouvant les lèvres d’un être aimé, aimé si fort qu’elle en avait été détruite.
Face à elle, il se sentait finalement entier. Entier. Humain. Homme. Face à elle, il était à sa place. Le monde tournait de nouveau. La vie reprenait son court. Face à elle, il avait le sentiment que l’univers n’était pas qu’un enfoiré. Les mains posées sur ses joues, il se noyait et se nourrissait de son regard. Joy. Un tumulte de sentiments. Comment pouvait-il se noyer et pourtant s’y nourrir ? C’était leur alchimie. Se faire mal et s’aimer. S’aimer si fort à s’en briser les os, l’âme, le cœur et l’esprit. Le temps s’arrêtait soudainement. La ruelle sombre et pittoresque devenait un endroit particulier. Leur bulle. Il n’y avait plus de bar. Plus de ruelle. Plus de mec bourré qui chahute Joy. Il n’y avait qu’elle. Il n’y avait que lui. Il n’y avait qu’eux. S’ouvrant à l’être aimé, il prenait tous les risques …. Convaincu de les prendre ces risques. Le silence de Joy avait un je-ne-sais-quoi d’apaisant. Il la fixait, ne sachant pas à quoi s’attendre, se moquant éperdument de ce qui se passerait tant que c’était avec elle. Il plissa les yeux comme pour essayer de deviner les émotions, les pensées qui se bousculaient dans son esprit légèrement alcoolisé. Il aurait tout donné pour y entrer, s’y glisser et connaître ces pensées. Mais quand il sentit ses doigts se poser sur ses joues, son cœur cessa de battre. Il manqua un voire deux battements. Ce contact soudain, imprévu, surprenant, il était en train de mettre sa vie sans-dessus dessous. Il renouait avec un passé chéri. Il renouait avec un passé idéalisé, emmerdant royalement le présent et le futur. Les lèvres de la jeune femme s’approchèrent des siennes et il la laissa faire, incapable de réagir autrement que de l’attirer à lui pour partager ce baiser marqué par leurs larmes salées. Ce tendre baiser salé tout droit sorti de nulle part, il y répondit avec la plus grande prudence comme si elle était en sucre, comme s’il avait peur de la briser. Il en perdit presque son souffle mais finit par détacher ses lèvres des siennes, collant son front au sien. Silencieux, il avait les paupières closes. Silencieux, il était incapable de la lâcher. Il ne voulait pas, il ne pouvait pas la lâcher. Mais, il savait qu’elle avait bu … et il ne voulait pas, il ne pouvait pas. Pas comme ça.
Il releva la tête pour placer une mèche de ses cheveux derrière son oreille, caressant du bout des doigts sa joue. Il vint alors l’enlacer avec la plus grande des tendresses, posant son menton sur le haut de son crâne, il murmura : « Tu veux qu’on t’appelle un taxi ou tu veux rester ici quelques minutes ? Gentleman, elle savait qu’il n’était pas fait de ce bois-là. Il n’abuserait pas de cet instant de faiblesse. Il n’abuserait pas de cette soirée. Un gentleman, elle avait souvent ri cette éthique et cette morale tout droit sorti des archives et pourtant, c’était cette même morale qui le poussait à la respecter, à ne pas réitérer ce baiser qui lui brûlait encore les lèvres.
☽ 20 avril 2021. Joy était présentement dans une bulle, comme dans un univers alternatif dans laquelle elle n’était que spectatrice, et non actrice de ses gestes. La brune l’écoutait parler, s’excuser encore et encore, avec cette voix tremblante qui le rendait d’autant plus humain, elle qui l’avait longtemps démonisé dans ses souvenirs. L’interne était en train de se fondre comme un chamallow au-dessus du feu, elle arrivait à peine à respirer correctement, sentant son palpitant décollée de sa poitrine. Elle fit quelque chose qu’elle n’aurait pas dû, elle leva la tête pour croiser son regard, ses yeux remplis de larmes témoignant de la souffrance qu’il ressentait aussi. Elle fut touchée en plein cœur, retournant un peu plus d’une année en arrière lorsqu’ils se détruisaient à petit feu. Et comme si elle n’avait jamais perdu ce rôle, comme si elle n’avait jamais perdu ce droit, comme si elle n’avait jamais perdu ce réflexe, Joy prit le visage du chirurgien entre ses mains pour venir l’embrasser, combler cet espace entre eux pour déposer ses lèvres sur les sienne. Leur souffle respectif s’entremêla, elle prit une grande inspiration en venant sentir cette chaleur contre elle, les yeux fermés elle sentait le goût de leur larme, le goût de leur douleur. Ils s’étaient détruits, et pourtant dans cette bulle ils s’aimaient, le temps de quelques secondes. Joy avait l’esprit embué, elle viendrait sûrement regretter ce baiser d’ici quelques heures lorsqu’elle aurait les idées claires. Pour le moment, ses mains restèrent sur ses joues rendues rugueuses par sa barbe de trois jours. Joy avait toujours les yeux fermés, les souvenirs d’un Aiden amoureux, d’un Aiden apaisé, vinrent l’envelopper, elle se sentait à son tour apaisée le temps de quelques secondes… Jusqu’à ce que ce baiser se termine. Le temps s’était arrêté et une vague d’émotions vint l’envahir, sans pour autant être capable de dire quoique ce soit, elle sentit Aiden reposer son front contre le sien, remettant ses cheveux derrière son oreille. Le chirurgien vint la plaquer contre lui, et sans forces, elle se laissa faire, venant se blottir dans ses bras comme si elle ne l’avait jamais frappé de toutes ses forces encore quelques minutes plus tôt… « Tu veux qu’on t’appelle un taxi ou tu veux rester ici quelques minutes ? » Ses mots vinrent briser sa bulle, la bulle dans laquelle Joy s’était blottie pour y croire, le temps d’un instant. Elle ouvrit les yeux, sa tête contre son torse, elle eut un éclair de lucidité, mais qu’est ce que t’es en train de faire pauvre débile ? Statique, elle ne bougeait plus, laissant un silence s’installer entre eux avant de brusquement se reculer d’un pas, ses mains sur les genoux d’Aiden, son regard vint se plonger dans le sien. « Je n’aurais jamais dû faire ça, je suis désolée. » finit-elle par balbutier venant essuyer ses joues d’un revers de main, elle était en train de réaliser ce qui était en train de se passer, et elle eut encore tout un tas d’émotions qui l’envahirent, son souffle se fit court, elle perdait le rythme de sa respiration, elle se recula encore d’un pas pour rompre cette proximité…
Pouf. Le moment hors du temps venait de disparaître. La ruelle redevenait le décor de cette discussion, de cet instant. Il posa son regard sur elle et il comprit qu’elle était en train de prendre conscience qu’elle venait de le laisser un peu trop près. Elle avait baissé la garde. Ils avaient baissé la garde. Il se pinça les lèvres alors qu’elle se détachait de son étreinte pour reculer d’un premier pas. « Je n’aurais jamais dû faire ça, je suis désolée. » Les épaules du chirurgien s’abaissèrent. Elle regrettait d’ores et déjà ce baiser qui pour lui avait le goût du miracle, du bonheur. Elle recula d’un nouveau pas et semblait soudainement prise d’un nouveau vent de panique. Alors, il se redressa aussitôt. « Hey, tout va bien. » qu’il lança tout en faisant un pas dans sa direction, cherchant sa main pour la rassurer … se rendant compte par la même occasion qu’il était la raison de cette crise de panique. Alors, il leva les mains pour lui montrer qu’il ne ferait rien, qu’il ne voulait pas la blesser, lui faire du mal, quoique ce soit. Il parlait de cette voix sage et douce. Un murmure. Une caresse. Ces mots étaient du velours. « On va t’appeler un taxi pour que tu puisses rentrer chez toi, ok ? » qu’il lui dit tout en posant son regard sur elle, levant un sourcil à la recherche d’un acquiescement. « Il y a eu suffisamment de rebondissements pour ce soir. On t’appelle un taxi pour que tu puisses rentrer chez toi, retrouver Hope. OK ? » Il arqua un sourcil, un sourire qui se voulait rassurant et réconfortant. Prudemment, il posa sa main sur son épaule. « Hé, Joy, tout va bien. Regarde-moi. » Il lui souffla ces mots en s’approchant d’elle, posant sa main sous son menton pour qu’elle le regarde. « On l’appelle ce taxi ? » Essayer de la garder accroché à cette réalité. Essayer de chasser les démons, les souvenirs, les pensées néfastes, il essaie de la protéger du mieux qu’il peut alors qu’il est la raison meme de son tourment.
☽ 20 avril 2021. La bulle avait éclaté, le moment d’égarement n’en était plus un. Doucement elle prenait conscience de ce qu’elle venait de faire, elle secoua la tête, évitant son regard avant de lever la tête et de s’excuser. Elle n’était clairement plus maîtresse d’elle-même pour avoir agi ainsi. Était-ce son subconscient qui avait pris la relève pour la faire réagir ainsi ? Elle était complètement perdue, elle s’éloigna de lui un peu plus, elle sentait bien que cette proximité la rendait faible. Elle s’éloigna donc commençant à paniquer, le souffle court, ses yeux s’agitaient dans tous les sens, une vague de frissons la parcourut alors qu’il se redressa aussitôt pour s’approcher d’elle : « Hey, tout va bien. » Non, non, non, rien n’allait. Comment pouvait-il dire ça ? Joy secoua la tête négativement, perdant la notion du temps et de l’espace, le souffle de plus en plus court, elle sentait son palpitant tambouriné dans son cœur, incapable de faire quoique ce soit alors qu’il venait de lui prendre sa main. « On va t’appeler un taxi pour que tu puisses rentrer chez toi, ok ? » Elle leva la tête pour venir le regarder, la bouche entrouverte elle cherchait à reprendre le contrôle de son corps mais elle n’y arrivait pas, les sourcils froncés, le regard fuyant, elle déglutit n’étant pas capable de lui répondre. « Il y a eu suffisamment de rebondissements pour ce soir. On t’appelle un taxi pour que tu puisses rentrer chez toi, retrouver Hope. OK ? » Hope. Oui, Hope. Il fallait qu’elle rentre, il fallait qu’elle le quitte avant de faire une erreur de trop. Elle était allée beaucoup trop loin. Sa main se posa sur son épaule et Joy releva donc le regard vers lui : « Hé, Joy, tout va bien. Regarde-moi. » Ses yeux se bloquèrent dans les siens. « On l’appelle ce taxi ? » Elle se pinça les lèvres, les yeux froncés, le regard triste, elle pouvait sentir qu’elle pouvait repartir en sanglots à tout moment, la gorge serrée elle hocha doucement la tête. Elle le détestait aussi fort qu’elle aimait cet homme dressé devant elle qui pourrait déplacer la Lune pour elle. Mais elle ne voulait pas y faire face, c’était bien trop douloureux. Il fallait qu’elle avance sans lui, c’était certain maintenant. « Il faut que tu m’oublies Aiden. » souffla-t-elle parce qu’elle en n’était incapable donc il fallait qu’il le fasse lui. Elle se dégagea de son emprise, alors qu’elle prit son téléphone dans sa poche arrière, tentant de chercher l’application « Uber » au plus vite, mais elle n’y voyait rien, son état second l’empêchait de faire quoique ce soit, alors elle soupira, se mordant la lèvre retenant encore de partir en sanglots.
Un hochement de tête qu’il interpréta comme un oui. Il plongea la main dans la poche de son jean quand soudain elle lui répéta cette phrase qui autrefois lui avait arraché le cœur : « Il faut que tu m’oublies Aiden. » Il soupira. Un soupir qu’il n’était pas parvenu à retenir. Il la laissa alors s’échapper pour s’empresser de chercher un numéro dans son téléphone. Sa main se posa alors sur les siennes et silencieux, il saisit son téléphone pour l’effectuer à sa place. « Laisse-moi faire, je te l’appelle ce taxi. » souffla-t-il sans vouloir répondre au fait qu’elle voulait qu’il l’oublie. Comment pouvait-il ? Il avait cru pouvoir y parvenir mais au lieu de cela, il s’était encore plus tourmenté. Il s’était autodétruit. S’il l’oubliait, il s’oublierait lui-même car elle faisait partie de lui. Il tapota alors sur son téléphone et en quelques minutes, il lui avait booké un taxi qui ne tarderait pas à venir la chercher pour l’amener chez elle, loin de tout, loin du chaos, loin de lui … hélas. Il lui tendit alors son téléphone du bout des doigts, posant son regard sur elle. « Il ne va pas tarder à arriver. » commenta-t-il sans dire quoique ce soit de plus. Il cala ses mains dans ses poches comme pour s’empêcher de la toucher elle, de la prendre dans ses bras, de la rassurer, de la protéger. « Je ne veux pas t’oublier, Joy. » Il avait été contraint et obligé de le lui dire. Il ne voulait pas mentir. Il ne pouvait pas mentir. Et il fallait qu’elle sache. « Je ne peux pas --- tu pourras me le répéter un milliard de fois, c’est juste impossible. » Il haussa les épaules. « Viens, on devrait attendre le taxi devant … pour ne pas le louper. » qu’il ajouta alors pour ne pas s’attarder sur cette thématique et il désigna d’un signe de tête la fin de cette ruelle qui les ferait débarquer dans la réalité – la rue principale, la devanture du bar.
☽ 20 avril 2021. Elle en avait rêvé de cet univers parallèle dans lequel ils étaient heureux, tous les deux d’accords sur la vie qu’ils voulaient mener ensemble, contre tous. Elle en avait rêvé de cette parenthèse en se demandant ce qu’aurait été leur vie si elle n’avait pas perdu cet enfant. Mais elle en était rendue là aujourd’hui, il était parti, il avait été absent pendant quatorze longs mois, la laissant dépérir toute seule sans jamais s’inquiéter pour elle. C’était l’impression qu’il avait laissée derrière lui en partant de la sorte. Il fallait qu’elle parte, elle ne pouvait plus rester à ses côtés, c’était bien trop difficile pour elle. « Laisse-moi faire, je te l’appelle ce taxi. » Il lui fit comprendre de ranger son téléphone, et elle s’exécuta en soupirant. L’interne n’avait plus la force de combattre, elle repensait à ce baiser partagé, cette bulle, elle avait presque envie d’y retourner mais elle savait pertinemment que c’était une mauvaise idée, que c’était l’alcool qui lui donnait des idées pareilles, que ce n’était pas bon. Il devait l’oublier pour qu’elle puisse en faire de même, tout avait été si simple quand il n’était pas là… « Il ne va pas tarder à arriver. » Elle le regarda un instant avant de croiser ses bras sous sa poitrine, en hochant la tête. « Je ne veux pas t’oublier, Joy. » Elle tourna la tête pour le regarder, ces quelques mots lui transperçaient la poitrine. C’était si dur. « Je ne peux pas --- tu pourras me le répéter un milliard de fois, c’est juste impossible. » Pourtant, il l’avait vu flirter avec cette nana à l’anniversaire, ou encore avec la sœur d’Emily. Elle n’était pas folle. Elle resta sur place un instant en le fixant, toujours les bras croisés. « Pourtant je te vois flirter avec ces femmes, Aiden. Je ne suis pas aveugle. » dit-elle finalement en soupirant. Non, elle n’était pas idiote. Tout cela voulait dire que oui, Joy continuait à l’observer, du coin de l’œil à l’hôpital, ou encore à cet anniversaire. Joy était humaine, elle l’avait aimé son Aiden, et il ne l’était plus maintenant, pourtant c’était encore si douloureux de le voir parler à d’autres femmes avec son sourire qu’elle avait longtemps alimenté… « Viens, on devrait attendre le taxi devant … pour ne pas le louper. » Elle haussa les épaules avant de se mettre à marcher vers la fin de cette ruelle sombre dans laquelle une bulle s’était créée quelques secondes, des secondes où elle s’était permise de l’aimer.
« Pourtant je te vois flirter avec ces femmes, Aiden. Je ne suis pas aveugle. » dit-elle finalement en soupirant, les bras croisés. Cette révélation le fit presque sursauter. Flirter. Est-ce qu’il avait réellement flirté avec des femmes ? Il fronça les sourcils en se demandant de qui elle faisait allusion. Aucune idée. Il essayait de se construire une vie, une normalité mais de là à dire qu’il flirtait. Il passa une main dans sa nuque en se demandant toujours à qui elle faisait allusion quand elle passa devant lui pour se mettre en direction de la rue principale. Et par pur réflexe, il saisit son poignet pour l’interrompre dans sa course folle. Il l’obligea alors à s’arrêter pour ancrer son regard dans le sien. « Tu ne me vois flirter avec personne, Joy. Il va falloir que tu te mettes à l’idée que tu es et resteras la seule. Tu sais que je pars du principe qu’on ne peut aimer qu’une personne, du moins aimer comme je t’ai aimé. Tu es celle que j’ai choisi d’aimer. Il n’y a et n’aura jamais personne qui puisse se mettre en concurrence avec notre histoire. » Il lâcha son poignet sans pour autant la perdre du regard pour répéter : « Personne. » Sa thérapeute lui avait pourtant dit qu’il devait sortir, s’aérer l’esprit, essayer de voir du monde, ne pas se laisser ensevelir par les sentiments provoqués par les souvenirs. Elle le lui avait conseillé. Il essayait mais à chaque fois qu’il la croisait, qu’il entendait sa voix, qu’il voyait son sourire, il s’emmurait dans leurs souvenirs. Il prit alors la direction de la rue principale, les mains dans les poches. Hors de question de la laisser seule en pleine rue. Hors de question de ne pas la voir monter dans un taxi. Il fallait s’assurer qu’elle rentre en entier … quoique apparemment vu les sanglots perdus dans cette ruelle, elle y avait laissé quelques morceaux.
☽ 20 avril 2021. Joy n’était pas folle, il voyait bien à quel point il se faisait un plaisir de parler avec ces femmes. Il était séduisant, tout le monde pouvait le voir, pas besoin d’aller chez l’opticien. L’interne se braqua, les bras croisés elle le confronta, comme s’il devait se justifier de quoique ce soit alors qu’il avait tous les droits. Elle soupira avant de passer devant lui, il était temps qu’elle rentre avant que la situation ne dérape encore une fois. Elle se sentit arrêtée nette, une main venait d’attraper son poignet sa main. « Tu ne me vois flirter avec personne, Joy. Il va falloir que tu te mettes à l’idée que tu es et resteras la seule. Tu sais que je pars du principe qu’on ne peut aimer qu’une personne, du moins aimer comme je t’ai aimé. Tu es celle que j’ai choisi d’aimer. Il n’y a et n’aura jamais personne qui puisse se mettre en concurrence avec notre histoire. » Tout ce temps elle avait ravalé sa salive difficilement, la bouche entrouverte elle l’avait fixé alors que chaque mot était en train de lui retourner l’estomac. « Personne. » Comme signe de ponctuation, il finit par la relâcher. Cinq ans. Ils étaient restés cinq ans ensemble, bien sûr que personne ne pourrait rivaliser avec une telle histoire, même elle, le pensait même si elle voulait se convaincre qu’elle pouvait être heureuse avec un autre homme. Il la quitta des yeux pour reprendre son chemin elle le regarda s’éloigner de quelques pas, finissant par secouer la tête pour reprendre ses esprits. Elle le suivit, quelques pas derrière. Ils arrivèrent alors à la lumière, aux bruits comme s’ils venaient de quitter un monde pour en trouver un autre. Elle sentait qu’elle devait avoir une sale tête, la lumière lui faisait mal aux yeux et révélée aussi son visage rougi par les sanglots. Elle avait les bras croisés, positionnée à côté de lui. Elle ne savait même plus quoi dire, on pouvait dire qu’il lui avait cloué le bec. Elle n’aimait pas ne pas avoir le dernier mot, ni avoir tort d’ailleurs. Elle regarda ailleurs pour ne pas avoir à l’affronter du regard. « Combien de temps ? » finit-elle par demander, osant tourner la tête pour le regarder alors que la lumière lui faisait mal aux yeux, faisant référence au taxi.
Droit comme un « i », il se tenait sur le trottoir aux côtés de Joy. Il n’avait ajouté aucun mot. Il était silencieux. Les mains plongées dans les poches de son jean, il fixait dans le vide à la recherche d’un taxi qui n’arrivait pas. Se mordillant l’intérieur de la joue pour ne pas lui crier son amour, il préféra poste son regard sur sa moto. Ouais, dès qu’elle grimpera dans le taxi, il quittera les lieux pour rejoindre son appartement. Loin de tous. Loin du regard de ces collègues qui l’avaient vu partir en vrille pour une ex, du moins c’est ce qu’ils pensaient. Qu’elle était qu’une ex. « Combien de temps ? » finit-elle par demander, osant tourner la tête pour le regarder. Il tourna la tête de la même manière et baissa le regard sur ce visage fatigué par les émotions qui lui avaient un mauvais goût de montagne russe. « Il va pas tarder. Je crois qu’il y avait écrit cinq minutes, un truc du genre. T’as froid ? Tu veux ma veste ? » qu’il lui demande alors comme le roi des gentleman, soulevant les pans de sa veste en jean, sourcil levé. Sa main se plongea dans la poche intérieure de cette dernière pour en sortir un paquet de cigarette dont une qu’il cala entre ses lèvres. En sentant son regard sur lui, il commenta : « Un nouveau vice. » Et il alluma cette cigarette plus pour se calmer, lui et ses pensées que pour autre chose. Il était médecin. Il connaissait les méfaits de ce poison mais Aiden ne pouvait pas chasser tous les démons de sa vie en quelques mois. Non, il n’était qu’un homme contre les autres. Les phares du taxi eurent l’effet d’un soulagement alors qu’il désigna d’un signe de tête le taxi qui venait de se garer devant eux. « Ton carrosse est arrivé. » qu’il lui dit en s’avançant vers ce dernier pour ouvrir la portière, la laissant se glisser dans la gueule du loup. Et avant qu’elle ne referme la porte : « Bonne nuit, Joy. Oh et n’oublie pas de boire pas mal d’eau. » Un sourire complice voire malicieux alors que la portière se refermait. Il recula d’un pas, tira une latte sur le bâton incandescent avant de se diriger vers sa moto. La soirée était terminée. Il était lessivé. Il était mort de fatigue.
☽ 20 avril 2021. Tout le corps de la brune était raide, tendu alors qu’elle était tout proche de Aiden. Après ce moment d’égarement dans la ruelle, l’interne n’avait plus les idées en place. Aiden avait été si franc envers elle, elle ne s’était pas attendue à une telle réponse. Elle n’avait même plus osé parler, restant figé un instant face à lui avant qu’il ne déguerpisse pour rejoindre la rue principale. Après un moment de silence, la jeune femme se permit de le briser pour lui demander combien de temps elle devait encore attendre. Son regard croisa à nouveau le sien, et elle sentait que ses traits tirés suite à ses larmes, et au trop plein d’émotions qu’elle avait ressenti suite à sa maladresse… « Il va pas tarder. Je crois qu’il y avait écrit cinq minutes, un truc du genre. T’as froid ? Tu veux ma veste ? » Elle secoua la tête. « Non merci. » dit-elle simplement en le regardant prendre un paquet de cigarettes. Elle fronça les sourcils, surprise. « Un nouveau vice. » Elle hocha la tête sans commentaire. L’interne était assez perturbée par tout ce qu’il venait de se passer, ce baiser, ces confidences, ces sanglots. Elle était complètement paumée. « Ton carrosse est arrivé. » Elle tourna la tête pour voir le taxi se garer devant eux, elle eut un soupir de soulagement alors qu’elle était partagée entre l’envie de partir loin de lui et le déchirement de le quitter. Ce n’était plus possible de ressentir toutes ces émotions, Joy devait aller de l’avant, et vite… avant de se brûler à nouveau les ailes. « Bonne nuit, Joy. Oh et n’oublie pas de boire pas mal d’eau. » Elle était montée dans la voiture, et elle n’avait même pas réussi à lui sourire, non elle n’en avait pas la force. « Bonne nuit. » conclut-elle en claquant la portière. Elle salua le chauffeur, avant d’accord un dernier regard sur un Aiden qui s’éloignait, sa clope au bec. Elle était lessivée par cette soirée, qui n’aurait probablement dû arriver… Elle était loin de s'imaginer que d'ici quelques jours elle apprendrait que le Dr Iaro avait eu son premier date avec une nana des services juridiques... Lui brisant le coeur, une nouvelle fois.
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