| tell me there are things that you regret (craker #8) |
| | (#)Mer 02 Juin 2021, 16:06 | |
| T’étais partie avec pas grand-chose. Deux sacs remplis des premiers vêtements qui t'étaient tombés sous la main. Tu n’avais pas eu envie d’étirer le moment plus que nécessaire. Pas envie de jouer une scène qui n’allait en rien changer le dénouement de l’histoire. T’avais craché la vérité avec bien peu de délicatesse, sachant au fond que la nouvelle n’avait rien de surprenant malgré les traits blessés qu’avaient affiché Lachlan au fur et à mesure que les mots quittaient tes lèvres. Tu n’étais pas entrée dans les détails, t’avais esquivé les questions, incapable de lui donner ce qu’il méritait pourtant. Et puis tu avais laissé la bague sur la table de la cuisine, dans un geste qui se voulait final en symbolique mais qui ne valait pas grand-chose au fond tant tout était encore à faire. Il y avait des discussions à avoir et pas juste avec Lachlan. Tu n’osais même pas penser à la réaction de tes parents quand la nouvelle allait tomber. Pas non plus envie de penser à ce que ton frère ou ta sœur pourraient bien penser de cette situation. Tu avais essayé à plusieurs reprises de parler à Rory, sans jamais réussir à obtenir la moindre réaction de sa part. Tout était allé beaucoup trop vite lors de la soirée du gala même si ce n’était qu’un juste retour des choses, que de voir tes mensonges éclater au grand jour. Tu revois encore trop facilement le dégoût et la déception habités les traits de ton cadet, t’entends encore l’amusement dans la voix de Wyatt alors que tu te retrouvais confronté à cinq ans de comédie soudainement achevée. C’est qu’elle rejoue encore et encore dans ta tête, cette scène. Ça n’avait duré que quelques minutes, mais ça avait suffit pour finir de détruire les fondations de ton univers déjà bien chancelantes. Une poignée de minutes à peine pour que les apparences tombent, une poignée de minutes pour que tu te retrouves une bonne fois pour toute collée contre le mur, à devoir faire face aux conséquences de tes actions, aux conséquences de tes choix. Une poignée de minutes seulement et voilà que plus rien ne faisait de sens, ou peut-être que tout commençait à en faire et que tu ne savais pas comment gérer. Tu ne saurais dire, l’esprit encore perdu entre vérités et mensonges.
C’est qu’elle est lourde, cette nouvelle solitude. C’est qu’elles prennent de la place, toutes ses pensées que tu ne peux plus réprimer. C’est qu’elle est particulièrement fade, cette chambre d’hôtel que tu t’es prise à défaut de savoir où te tourner. Le premier prénom qui t’est venu à l’esprit est celui de Wyatt, comme c’est toujours le cas depuis bien trop longtemps déjà. Tu n’as pas pu te résoudre à te rendre chez lui toutefois, incapable de déterminer ce que ce dernier baiser échangé voulait vraiment dire, ses mots résonnant encore loud and clear dans ta tête. Il avait demandé que tu t’éloignes, il voulait que tu restes loin alors c’est ce que tu faisais, quand bien même tu mourrais d’envie de lui dire que tu avais tout dit à Lachlan, finalement. Que tu avais fait un choix et que ce n’était pas celui qu’il s’imaginait, pas même celui que tu croyais réellement prendre un jour, même si clairement, l’idée avait fait son chemin dans ton esprit depuis la St-Valentin pour mener jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui, huit avril. Trente-six ans et sans aucun doute l’anniversaire le plus déprimant de toute ta vie. T’as pensé à aller cogner chez Talia sans t’annoncer, puis tu t’es ravisée. Tu sais qu’elle aurait compris, la Choudhry. Tu sais qu’elle aurait accepté de partager le poids de tes regrets sans poser de questions d’abord, te laissant le temps de te faire à cette nouvelle réalité. Mais ça non plus, tu n’avais pas su t’y résoudre. T’avais laissé les heures filer, ignorant chacun des messages qui te souhaitaient un joyeux anniversaire, mais les lisant tous, dans la simple éventualité qu’il y penserait, lui aussi. Un signe quelconque qu’en cette journée, malgré tout ce qui avait été dit, tout ce qui avait été fait, il pensait quand même à toi. T’es bien incapable de te concentrer sur quoique ce soit toutefois, bien incapable d’écrire, incapable de lire aussi, la télévision de ta chambre d’hôtel un bruit de fond auquel tu n’accordes pas la moindre importance. La noirceur t’indique que la journée touche à sa fin et il y a ton estomac qui te rappelle que t’as presque rien avalé de la journée. Tu te dis que tu devrais sans doute aller te chercher quelque chose avant que les épiceries ne ferment, et c’est alors que tu t’apprêtes à mettre ton téléphone dans la poche arrière de ton jean que tu remarques le dernier message reçu. L’autre.
Il a pensé à toi.
Ton coeur se serre à la lecture du message. Un simple souhait d’anniversaire, rien d’extravagant, loin d’être une déclaration qui veuille dire beaucoup et pourtant. Juste là repose la preuve une fois de plus que malgré tout ce que vous pouvez dire, tout ce que vous pouvez faire, ce n’est jamais complètement terminé. Tu attrapes un des sacs encore plein de ton linge, ramasse tes quelques effets personnels que tu as laissé ici et là dans la chambre et puis tu sors en trombe de l’hôtel. Il est tard, bien trop tard pour se rendre impulsivement chez qui que ce soit, mais ça ne t’arrête pas cette fois. Il est tard et bientôt, ce ne sera plus ton anniversaire. Il est tard et il reste moins d’une heure pour que ton vœu puisse se réaliser. Celui de le voir et de vouloir croire qu’il ne te fermera pas la porte au nez. La ville défile sous tes yeux, la fatigue et la lourdeur de cette journée soudainement remplacée par un mélange de crainte et d’espoir. Ils sont familiers les pas qui te mènent jusqu’à sa porte. Il tambourine à toute vitesse, ton palpitant alors que tu te retrouves là comme une conne, à hésiter à franchir la dernière étape. Tu échappes un long soupir et puis tu cognes une fois, et puis une autre et elles semblent éternelles, les secondes qui avancent jusqu’au moment où Wyatt ouvre enfin la porte. « Je suis désolée, je sais qu’il est tard... » Les mots filent de tes lèvres à une vitesse folle, en complète contradiction avec le temps qui semble soudainement si lent. « Je voulais savoir si tu me le demanderais encore. » De te suivre. Comme tu me l’as dit, ce soir-là. Elles sont inexistantes désormais tes façades, complètement disparues alors que tu tiens ton sac dans ta main droite, ta main gauche désormais dénudée de toute alliance. « De partir. Avec toi. » Tu précises, juste au cas. Demande-le. S’il-te-plaît. « Je dirais oui. » que tu rajoutes, comme si ce n’était pas l’évidence même de ta présence ici. |
| | | | (#)Dim 06 Juin 2021, 22:48 | |
| Mes yeux fatiguent à fixer l’écran d’ordinateur depuis des heures, à l’affût des moindres commentaires qu’Ariane a pu laisser sur le fichier. C’est qu’elle a utilisé toutes les couleurs les plus dégueulasses et flashy disponibles pour notifier les fautes, souligner les incohérences ou clairement me dire que c’est de la merde. C’est qu’elle ne mâche pas ses mots à me faire rager à la moindre virgule ou au petit mot de trop. Elle pousse le vice à me faire travailler sur ordinateur alors que je déteste cela. Il n’y a rien de satisfaisant à taper sur des touches constamment, à pouvoir corriger instantanément sans laisser la moindre trace de ratures. L’espace disponible réduit donne l’impossibilité de laisser voguer l’imagination au pouvoir d’un doodle sur la marge, de quelques insultes envers un quelconque personnage pour la forme. L’échappatoire est réduite à néant, laissant uniquement la place à toutes les fenêtres électroniques parsemer de remarques désobligeantes toutes signées Ariane Parker et lui permettant de suivre en temps réel ma progression. Croyez-moi, je cherche encore à déconnecter ce foutu truc pour qu’elle cesse d’aboyer dans mes messages. Pis c’est qu’il me paraît fade mon texte coucher ainsi sur un écran trop brillant qui m’oblige à avouer la dernière faiblesse de mon temps : devoir porter des lunettes. Il paraît que c’est normal à mon âge. Foutaise ! Je m’entête à ne pas les utiliser régulièrement comme conseiller, les oubliant la plupart du temps au fin fond d’un tiroir. Ce soir, il faut avouer, la moindre ligne se présente flou sous mes yeux et je me dois d’avancer m’étant déjà bien trop stupidement laissé distraire par la date du jour.
Les formulations et tournures de phrases semblent se mélanger encore et toujours sans m’en retirer grande satisfaction. Tout sonne correct, mais pas grandiose. Il manque la touche en plus, le style qui m’est propre. Alors on efface et on recommence. Une gorgée de bière pour une phrase pas trop mal. Le deal est bancal, mais ce sera bien suffisant pour ce soir. Les frasques de Jules m’entraîne ailleurs, oubliant l’extérieur, ce stupide message et tout le reste. Je ne souffle qu’en synchronisation parfaite avec mon personnage, lui donnant la force nécessaire pour prendre son envol. Il est temps que cela sorte des carnets, du huis clos de cet appartement. L’échange devient fluide porté par l’effervescence de quelques modifications qui sonne juste, de quelques remarques acides, mais pertinentes. Tout prend forme sous la plume, tout sonne comme les derniers détails, la mise en beauté ultime avant l’exposition générale.
La correction du chapitre prend une fin brutale a coup de poing balancé contre la porte d’entrée. Un soupire m’échappe alors que je jette un œil à l’heure avancée. Probablement la vieille voisine qui vient encore se plaindre de bruits incessants qui ne semblent vivre qu’au sein de son esprit dérangé. « Faudrait songer à se faire soigner, Madame Wasilewski. » Ce n’est pas ma vieille voisine polonaise qui se tient de l’autre côté du panneau en bois. C’est pire encore. « Qu’est-ce que tu veux… » Ce n’était qu’un stupide message. Trois mots lancés dans le vent. Cela ne voulait rien dire, si ce n’est une politesse imposée par des années partagées.
En rien ce n’était un appel à sa présence. Jamais.
« Je suis désolée, je sais qu’il est tard... Je voulais savoir si tu me le demanderais encore. » Mon regard d’abord captivé par la valise entre ses doigts vient chercher le sien dans une incompréhension moindre. « Te demander de partir ? Avec plaisir. » Je jure que j’allais fermer la porte, que je n’allais pas me soucier de son air fatigué, des cernes sous ses yeux ou de son regard suppliant. Je n’ai eu de cesse de lui répéter que tout était terminé, que le jeu avait assez duré, que l’on ne pouvait tout simplement plus prétendre à l’éternité. J’allais fermer la porte, c’est vrai. « De partir. Avec toi. » En rien je n’avais demandé, à peine suggéré en réalité. Il faut croire qu’elle avait su en tirer ses propres conclusions. « Je dirais oui. » Un ricanement m’échappe. L’offre a expiré. Je devrais m’en tenir à cela. Fin de l’histoire, rideau.
Mais il y a les cernes, le manque de son sourire narquois et cette putain de valise.
« Et tu voudrais aller où au juste ? »
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| | | | (#)Lun 07 Juin 2021, 01:45 | |
| Tu les entends, les pas derrière la porte. Il y a sa voix qui s’élève, la mention de celle que tu devines être sa voisine et tu te demandes bien comment il va réagir de te voir là. Tu ne t’attends pas à grand-chose après tout. Les derniers regards échangés lors du gala parlaient d’eux-mêmes, le baiser n’aurait jamais dû avoir lieu, et surtout, il n’aurait jamais dû avoir lieu là-bas, en public. Jamais que tu n’avais été si imprudente avec lui, au point de te faire prendre la main dans le sac comme une débutante alors que tu avais su garder le secret pendant cinq ans. Pourtant, tu savais tout aussi bien que sans ça, tu ne serais pas là aujourd’hui, valise en main à supplier pour une dernière chance. C’est sans doute stupide de croire qu’il serait prêt à t’en accorder une de plus alors que tu ne le mérites pas, mais t’es là quand même. Quand la porte s’ouvre et que son visage tombe, c’est ton coeur qui se tord dans ta poitrine. Ça fait toujours aussi mal, peu importe le temps qui file. « Qu’est-ce que tu veux... » Tu déglutis, secoue la tête. Tu ne sais pas trop ce que tu veux, mais tu sais ce que tu ne veux pas. Tu ne veux pas qu’il ferme la porte. Tu ne veux pas qu’il te dise de partir sans te donner la chance de lui dire ce que t’es venue lui dire. Tu ne veux pas de cette fin de merde entre vous. Alors tu te lances, tu prends le seul risque qu’il te reste à prendre. Tu évoques cette nuit qui avait tout changé. Ce point tournant ou tu t’étais trompée de direction. Tu veux revenir sur tes pas. Faire un choix différent. C’est ça que tu veux. Mais elle semble soudainement loin l’époque ou tu pouvais dicter tes envies et savoir que Wyatt s’y plierait d’une façon ou d’une autre. Il l’a dit et répété après tout : il ne veut plus jouer. Mais t’es pas là pour ça, pour une fois.
« Te demander de partir? Avec plaisir. »
Tu hoches la tête, tu l’as bien mérité après tout. Tu t’imagines déjà que la porte va se fermer sous tes yeux qui se remplissent d’eau malgré toi, mais il n’en est rien. Tu profites donc des quelques secondes qu’il s’ose encore à t’offrir pour spécifier ta requête qui est bien le contraire de celle qu’il vient d’émettre. Il ricane, ça aussi, ça fait mal. Ton regard croise le sien, tu analyses chaque détail qui s’offre à toi de peur que ce soit bel et bien la dernière fois que tu puisses poser les yeux sur lui. Elle n’est pas nouvelle cette peur après tout, mais elle est toujours de plus en plus forte après chaque rencontre, comme si tes tentatives de t’accrocher un peu plus ne faisaient que briser un peu plus les restants d’un vous abîmés depuis trop longtemps déjà. Tu remarques les lunettes, celles qu’il ne porte presque jamais, ça te ferait presque sourire. Il y a ses cheveux en bataille, comme d’habitude. Un simple t-shirt noir, un pantalon jogging, des pieds nus. Derrière tu remarques son ordinateur ouvert, les bières qui se sont empilés juste à côté. Il était en train d’écrire. Ça, ça étire une mince ligne sur tes lèvres avant que ton regard ne retrouve le sien. C’est fou, toutes les choses que tu sais de lui juste à le regarder une minute à peine. Tu veux pas perdre ça. Tu peux pas perdre ça. « Et tu voudrais aller où au juste? » C’est pas oui, mais c’est pas non, non plus. T’avais même pas remarqué que tu retenais ton souffle jusqu’à sa réponse. Tu recommences à respirer et puis que tu secoues légèrement la tête, hausse les épaules sachant que tu n’as pas de réponse toute faite à lui offrir. « Je sais pas. N’importe où. Loin d’ici. » Ailleurs. Quelque part où vous ne vous êtes pas faits mal dans le passé. Quelque part de nouveau. Juste vous deux. Tu viens maladroitement essuyer une larme qui a coulé le long de ta joue, tu t’étais promise que tu pleurerais pas, que t’accepterais sa décision, quelle qu’elle soit. C’est que tu n’es plus très douée, pour jouer les femmes fortes. « Je lui ai tout dit, Wyatt. » Aussi bien qu’il le sache maintenant. Tu n’as plus la prétention de croire que ça va tout changer, mais tu préfères encore qu’il l’apprenne ici de ta bouche plutôt que la nouvelle se rende à lui d’une manière ou d’une autre. « Je suis partie. C’est fini. » Y’a plus de mariage, plus de fiançailles. Plus de Lachlan, plus de mensonges, plus de double-vie. Il n’y a que toi et ta valise, tes sentiments qui n’ont pas changé et l’envie de faire mieux, pour une fois. « Je suis désolée. » Pour quoi? Pour absolument tout. |
| | | | (#)Lun 07 Juin 2021, 09:03 | |
| Dès l’instant où elle était à nouveau partie se mêler au reste des convives, sourire aux lèvres, en plein contrôle de son image parfaite et lisse, j’avais compris. Rosalie ne fera plus jamais partie de ma vie. Trop perdue dans cette illusion qu’elle avait su construire pour sa personnalité, elle ne serait plus jamais la femme que j’avais bien pu connaître. Il ne restait que son désir de plein contrôle, son image de femme forte marié au prochain clown du dessein politique de la ville. Elle était morte en chemin la Rosie qui avait appris à lâcher prise, celle qui jurait parfois, qui mettait les pieds sur la table en buvant une bière, se moquant bien du lendemain. J’avais su lui dire au revoir, là-bas. Les jours passants, l’idée est restée, elle a germé. Tout semblait terminé, je pouvais l’accepter. Enfin.
Mais il a fallu qu’elle frappe à ma porte…
Tout semble se remettre en question à la seconde où son regard cherche le mien. Mes doigts s’énervent sur le panneau de bois, près à le faire claquer à tout instant. Elle n’a aucun droit d’être là quand les règles avaient été établies, quand tout avait conclu à une fin. Pourtant, c’est bel et bien sur mon palier qu’elle semble vouloir trouver refuge. « Je sais pas. N’importe où. Loin d’ici. » Elle veut s’en aller. La future mariée souhaite cavaler avec son amant. Serait-on pris au piège dans le pire scénario de séries B ? Qui vendrait une daube pareille ? Le mec se fait bananer depuis des années et quand il lui refuse tout sans négocier voilà que la belle souhaite prendre la tangente ? Je devrais en rire, aux éclats. Je devrais me moquer, probablement l’insulter, chercher à lui faire mal. Rien ne vient pourtant, si ce n’est le silence qui paraît s’éterniser dans ce couloir mal éclairé.
Ce que je lui avais tout donné, tout expose, sans détour et sans artifices. Elle avait préféré ignorer pour mieux retourner à sa vie dorée. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi venir jusqu’ici avec un air triste et une valise ? La comédie ne pouvait plus durer, elle avait bien trop abusé des ficelles pour que cela prenne encore. « Je lui ai tout dit, Wyatt. » Voilà pourquoi. Juste quelques mots et des certitudes qui volent en éclats. Mon regard accroche le sien, cherchant ce foutu tressaillement dans son œil, ultime preuve d’un mensonge tisser derrière les soupirs. Il n’y a pas de tressautement, juste quelques larmes qui se battent pour gagner le chemin jusqu’à sa peau claire. « Arrête de te foutre de ma gueule Rosie, rentre chez toi. » Je ne vais pas le croire. Pas comme ça, pas en un claquement de doigt. C’est son anniversaire aujourd’hui, ils ont probablement passé la journée à se coller l’un à l’autre, il lui a préparé un repas romantique comme elle les aime tant et maintenant elle cherche à s’envoyer en l’air parce qu’il ne sait la satisfaire. Elle ne gagnera pas comme ça. « Je suis partie. C’est fini. » La larme coule et mon regard se pose sur la valise. Elle est pleine rien qu’à en juger par son bras qui ne cesse de s’affaisser. L’alliance a disparu de son annulaire, ne laissant qu’une fine trace blanche. Tout semble flancher dans son regard et dans ses soupirs. Alors, elle aurait fini par tout lui avouer. Je retiens un énième ricanement alors que nos prunelles se croisent à nouveau. « Je m’en fous. » Littéralement. Je m’en tape. Je ne veux pas savoir. Qu’importe, ce sont ses histoires.
Les mots sont bien insuffisants quand la conversation semble se dérouler juste là, dans le silence. Elle a dit au revoir au mariage, à l’estime de ses parents. « Je suis désolée. » Est-ce qu’elle pense réellement que cela va changer quoi que ce soit ? Quelques larmes et des excuses un brin maladroites ? Ce n’est que pour elle-même qu’elle est désolée quand tout son illusion vient de lui éclater au visage. Son frère l’a prise la main dans le sac, il ne lui laissait plus le choix. Rien de tout cela n’était calculé, mais prise au piège, elle pensait pouvoir faire marche arrière. « Ça ne prend plus avec moi. » Il y a quelques années, quelques mois encore, je serais tombé dans le panneau. J'aurais probablement espéré que cela signifie quelque chose de nouveau. Désormais tout sonne différent quand il était grand temps d’admettre que plus rien ne serait jamais comme avant.
Et pourtant…
La conclusion avait sonné fade au milieu de tous ces pingouins déguisés pour la charité. Rien ne lui semblait définitif si elle avait osé atterrir ici. Elle m’offre sur un plateau doré, l’occasion de réellement lui prouver que tout avait une fin prédéterminée de notre côté. En cinq années, jamais je ne l’avais vu aussi fragile, sur le point de céder, à bout de souffle d’avoir trop essayer. Elle ne cache plus rien à venir me supplier de lui accorder un brin d’intérêt. Il est temps que les rôles s’inversent. A moi de prendre le contrôle de la situation comme elle a tant su le faire toutes ses années. Je serais sans pitié. Une dernière fois avant de ne plus jamais rien lui concéder. « Quelques jours. » J’offre en m’écartant pour lui laisser la place d’entrer dans l’appartement. Quelques jours, pour clore le chapitre. Une bonne fois pour toute, sous mes conditions. « Cela ne change absolument rien. » Il est grand temps que la conclusion s’amène autrement que chuchoter entre quatre murs, autrement que précipitée par la colère et les ressentiments. Je lance une dernière et ultime partie. « Je décide d’où on va et comment. » Elle n’aura aucun contrôle sur la situation. « On part demain matin. »
Et sans un mot de plus je retourne à mon ordinateur. Qu’elle se démerde, je suis déjà bien aimable de lui offrir un toit pour la nuit.
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| | | | (#)Lun 07 Juin 2021, 14:05 | |
| Combien de fois encore alliez-vous avoir la même conversation? Celle remplie de silences et de mots durs? Celle ou tu demandes encore un peu de temps à un Wyatt qui n’a plus rien à t’offrir? Quand allais-tu comprendre qu’il ne plaisantait pas quand il disait ne plus vouloir te voir? Tu les entends les mots. Tu les comprends aussi, en partie du moins, mais ça ne semble jamais suffisant pour t’empêcher de revenir sans cesse. Comme si chacune des finalités qui s’étaient présentées à vous ne faisaient pas l’affaire. Comme si c’était impossible d’accepter que votre histoire, aussi douloureuse pouvait-elle être, se termine sur quelque chose d’aussi amer et ordinaire qu’un baiser volé au détour d’un couloir. Tu t’accroches à chaque bribe d’attention, comme s’il s’agissait là d’une invitation même si tu le vois bien sur les traits du Parker qu’il ne s’attendait pas à te voir débarquer suite à un simple message texte envoyé probablement entre deux révisions. Tu es là et tu attends, tu espères, naïvement sans doute alors que tu échappes la seule vérité qu’il te reste. Vos regards s’entrechoquent, il cherche sans aucun doute la moindre trace de mensonge dans ton visage, mais tu le sais qu’il ne trouvera rien parce que tu ne mens pas, pour une fois. Tu l’as laissé derrière, cette Rosalie qu’il déteste tant. Tu ne sais pas encore de quoi est fait celle qui se trouve devant lui ce soir, mais c’est un début. Des morceaux brisés de celle qui était, des envies de celle qui pourrait être et la fragilité de savoir qu’il pourrait tout détruire en un claquement de doigt si c’est ce qu’il souhaite vraiment, Wyatt. « Arrête de te foutre de ma gueule Rosie, rentre chez toi. » Tu voudrais lui crier que tu n’as plus de chez toi, mais tu n’en fais rien. Tu te contentes plutôt de secouer la tête et d’échapper un long soupir. « Je dors à l’hôtel. » En attendant quoi? Tu ne sais pas trop. En attendant d’annoncer officiellement la nouvelle au monde entier, mais surtout à tes parents. En attendant de décider ce que vous faites de la maison, si Lachlan décide de la garder ou non. En attendant de te trouver quelque chose à toi. Ça n’a pas d’importance dans le moment tant tu continues de croire que d’une seconde à l’autre, la porte va se fermer sous tes yeux. Mais les secondes filent et le suspense semble interminable. Ses mots crient va t’en, mais la porte reste ouverte et tu n’oses pas bouger. « Je m’en fous. » Tu pinces les lèvres. « Okay. » Alors c’est tout? Il ferme la porte et tu t’en vas? Tant pis pour les larmes qui coulent désormais sur tes joues, tant pis pour ton coeur qui se brise, tant pis pour ce qui aurait pu être sauvé avant, c’est trop tard maintenant. Vraiment?
Qu’est-ce qu’il attend pour la fermer, la putain de porte? Qu’est-ce qu’il attend pour te faire comprendre une bonne fois pour toute que tu ne gagneras pas? Qu’est-ce qu’il attend? Tu grappilles chaque instant de plus qu’il t’offre, volontairement ou pas. Dis ces choses que tu as si longtemps retenu. Il est bien maladroit ce désolé, mais pas moins sincère. Insuffisant toutefois quand il hoche de la tête, continue de te regarder de cet air vide, le visage fermé, sans aucune émotion. « Ça ne prend plus avec moi. » « Je sais. » Ça ne t’empêche pas de le penser. Ça ne t’empêche pas de lui offrir. Ça ne t’empêche pas de savoir qu’il les mérite, ces mots, et bien plus encore. Et si l’histoire doit se terminer ainsi, sur ses paroles, tu sais qu’au moins à la toute fin, t’auras finalement eu le courage de dire ce que tu penses et de laisser derrière les artifices, celles qui t’ont si souvent poussé à l’opposé de ce que tu voulais vraiment. « Quelques jours. » Revirement de situation. Ton cœur s’emballe alors que tu lèves le regard à nouveau, trouve ses yeux et y cherche ce que ça veut dire. Il n’a pas changé d’idée, tu l’entends dans sa voix. C’est autre chose. « Cela ne change absolument rien. » C’est l’occasion d’écrire une nouvelle fin. Et si ce n’est pas ce que tu voulais en venant ici, si ce n’est pas ce que tu espérais au bout de tout ça, c’est quelque chose. C’est du temps de plus, avec lui. Qu’importe s’il te faut lui dire adieu au bout de ces quelques jours. Qu’importe si tu en ressors brisée davantage. C’est toi cette fois qui est prête à te contenter des miettes qu’il veut bien t’offrir encore. Il se tasse légèrement et tu pénètres dans l’appartement. Tu ne peux t’empêcher d’échapper un soupir de soulagement quand la porte se referme derrière toi. « Je décide d’où on va et comment. » Tu hoches la tête, tu n’es pas en position d’argumenter. « Comme tu veux. » T’as seulement besoin de sortir de Brisbane. D’oublier ce qui t’attends quand il te faudra une fois de plus retourner à ta réalité. Elle va être bien différente au bout de cette dernière pause avec lui, ta réalité. Mais au moins, elle sera vraie. « On part demain matin. » Un autre hochement de la tête.
Now what?
Il se recule avant même que tu n’aies le temps de penser à briser la distance entre vous et alors qu’il reprend place devant son ordinateur, tu te demandes ce que tu fais là. L’appartement au complet est un reminder de cette nuit de la St-Valentin, la dernière que tu as passé ici et tu ne peux qu’échapper un soupir alors que tu laisses tomber ta valise sur le sol et prends place sur le canapé. Tu ne sais pas quoi faire de ton corps, tu ne sais pas quoi dire pour remplir le silence. Pas certaine qu’il veuille que tu le remplisses d’ailleurs, le silence, alors que le bruit de ses doigts sur les touches du clavier est le seul qui résonne dans tout l’appartement. T’as besoin de quelque chose pour remplir les heures jusqu’au lendemain matin, t’en peux déjà plus du silence qui pèse beaucoup trop lourd. Avant, t’aurais agi comme si être ici était le truc le plus naturel possible. T’aurais pris ta douche, ou alors tu aurais cherché de quoi bouffer dans les gardes-manger toujours trop vide de Wyatt. Tu ne te serais pas posée mille et une questions à savoir si tu as ne serait-ce que le droit de respirer ici. « Est-ce qu’il y a des règles à respecter? » La question sort de nulle part, t’en es bien consciente, mais c’est la première chose qui t’est venue en tête. « Genre, je dois rester à deux mètres de toi en tout temps ou je sais pas. » Autant que les règles du jeu soient claires pour tout le monde dès le départ, non? Tu tournes ton visage dans sa direction, mais son regard est toujours planté sur l’écran devant lui. |
| | | | (#)Lun 07 Juin 2021, 19:08 | |
| C'est que le geste était simple, donner à tous. Fermer la porte, faire claquer le panneau en bois, ébranler les fondations. Mettre un stop sans détour, annoncer la couleur une bonne fois pour toute. Un geste simple laisser en suspens par quelques regards bien trop longs et quelques confessions. Ce n'est plus le silence qui semble peser sur nos têtes, mais plutôt cet étrange aveu qu'elle prononce à demi-mots comme un secret à peine avouable. Elle éparpille sur le palier ses fiançailles brisées comme dernière excuse quant à sa visite improvisée se fichant bien de tous les mots que j'avais bien pu prononcer. A mes yeux, le gala avait signé la véritable fin quand elle avait été bien incapable d'assumer quoique ce soit face à son frère. Cette soirée n'avait été que le résumé des cinq dernières années, dans son monde, je n'étais qu'un pantin qu'elle n'avait eu de cesse de manipuler à sa guise. Me voilà pourtant à laisser traîner les secondes, à lui offrir l'occasion de rester, de s'expliquer, comme pour jouer les prolongations d'une finalité qui n'avait laissé que la trace amère d'une conclusion bâclée. Comme si tous les éléments ne s'étaient pas alignés en adéquation et que, peut-être, il était encore acceptable de vouloir rejouer la scène. La finalité n'en sera que toujours la même, qu'importe les changements, il faudra y mettre un terme. « Je dors à l’hôtel. » Qu'importe le changement, il faudra y mettre un terme.
Qu'est-ce que ça change des fiançailles rompues sur un coup de tête ? Dans trois jours, elle regrettera son geste, quand l'image de graal sera trop écaillée, quand les interrogations et les chuchotements se feront trop intense, elle aura reculé. C'est qu'il doit l'attendre les bras croisés l'autre, à se demander comment il a bien pu fauter et quelle bague de merde il va bien devoir lui acheter pour la rattraper. C'est qu'il doit savoir désormais, que c'est chez un autre qu'elle accourt avec son air brisé et ses larmes surjouées. Le con doit vouloir tout rattraper à grand coup de romantisme et message langoureux du mec transi qui aurait trop peur de voir s'envoler l'image du couple parfait. Elle aurait presque le beau rôle à se donner Rosalie, de celle qui jure avoir tout tenté, mais qui cherche encore à revenir au mauvais endroit avec tous les mauvais prétextes et la mauvaise foi. Rien ne changera quand elle avait tout saboté au fil des années, quand elle a si longtemps insisté pour me rappeler que je n'étais personne pour elle. Rien qu'un sale petit secret à conserver loin du regard des autres. Les mots c'étaient perdus, les silences avaient perduré, les promesses avaient tourné. Trop longtemps j'ai su lui pardonner, faire table rase du passé pour profiter encore un peu d'une folie que je pensais maîtrisée. A trop tirer sur la corde tout c'était perdu, tout avait fini par se mélanger entre la raison, les sentiments et la rancœur. Ne reste désormais qu'une pure envie de se venger de toute la douleur silencieuse accumulée, rendre les coups sans se détourner, rien qu'une dernière fois. Son monde s'est écroulé ? Ce n'était que le début tant elle persiste à ne rien vouloir croire des promesses que j'avais su prononcer. Je ne reviendrais pas en arrière, ce serait trop lui donner, trop abandonner. Par cent fois et en démultiplier, j'ai tenté de l'alarmer, à trop vouloir jouer les aveuglé, elle allait perdre pied. Elle pense, encore, pouvoir se rattraper avec une alliance en moins et quelques larmes bien orchestrées ? C'est qu'il nous reste désormais plus que la fin à jouer, de celle qui se mérite, qui illustre tout ce qui n'a jamais fonctionné, tout ce qui nous a perdu au fil des années. C'est tout ce qu'il me reste à jouer désormais, une conclusion qui en vaille la peine, la fin de l'histoire.
Acte final, scène une. Que tout soit grandiose, il n'y aura pas de rappel.
« Est-ce qu’il y a des règles à respecter ? » Je pourrais en rire, de son malaise évident, de cette gêne qu'elle semble ressentir quand elle a toujours su s'imposer, mais c'est un grognement qui s'échappe d'entre mes lèvres quand je voudrais qu'elle se taise. Je dois en terminer avec ce chapitre maintenant qu'il a été décidé que l'on jouerait à la dernière aventure. Elle s'embête avec le futile Rosalie alors que je l'entends s'agiter sur le canapé, incapable de se poser, bien consciente de tout ce qui ne semble plus coller. « Genre, je dois rester à deux mètres de toi en tout temps ou je sais pas. » Qu'elle reste loin, qu'elle s'en aille, mais surtout qu'elle se taise. « T'as le choix entre le canapé ou la chambre d'Ariane. » C'est que ça lui donnerait presque une marche à suivre, une idée générale de tout ce qui ne changera plus. Hors de question de céder aussi facilement quand bien même son regard semble s'ancrer sur mon dos à vouloir percer tous les secrets et les aveux à demi-mots.
Les minutes s'égrènent dans un silence simplement rompu par ses soupirs et mes doigts qui courent encore sur le clavier. Derrière moi, je la sens qui s'impatiente, qui s'interroge, qui rumine et fulmine de tant d'ignorance. « Arrête. » Je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir qu'elle est en train de tirer sur ses doigts, que ses sourcils se froncent laissant ressortir cette légère cicatrice sur son front. Il me faudra encore une phrase et quelques mots à conclure avant de fermer l'ordinateur pour me tourner vers elle et croiser son regard. « Une seule règle. » Celle que j’ai si souvent chercher à lui faire entendre. « Pas de mensonges. » Aucun faux semblant, pas de discours déguisé, pas d’entre soi bien accorder. Juste la vérité, une toute dernière fois, le temps de l’escapade.
Je retourne à mon écrit sans argumenter, travaille encore les formulations, rage sur les corrections. Mais la concentration c’est fait la malle depuis qu’elle est arrivée. Un dernier mail adressé à ma sœur et mes lunettes qui vole sur la table. L’ordinateur s’éteint, les carnets se ferment, prêt à disparaître loin du regard trop curieux de la brune. « On décolle tôt demain. » Destination ? Inconnue. |
| | | | (#)Mar 08 Juin 2021, 01:31 | |
| La porte se referme derrière toi, mais le soulagement n’est qu’éphémère quand tu comprends que tu ne contrôles rien de plus à l’intérieur que tu ne le fais à l’extérieur. Quand tu comprends que rien n’a changé, que tout est bel et bien terminé. Que les larmes et les excuses n’ont plus aucun impact, qu’importe que ce soit sincère ou non. Que la fin est juste là, à vos pieds et qu’il vous pousse dedans à deux mains, Wyatt. T’aimerais croire que c’est la seule issue, qu’il n’y a plus d’autres fins possibles, que vous avez brisé toutes les autres possibilités, mais t’es incapable de t’y résoudre. Mais cette partie du jeu, ce n’est pas toi qui la contrôle. Alors tu prends chacun des commentaires et tu acquiesces, tu fermes ta gueule et tu espères en ressortir en un seul morceau. « T’as le choix entre le canapé ou la chambre d’Ariane. » Tu ne peux t’empêcher d’échapper un ricanement, ton regard ne lâchant pas le derrière de sa tête, lui qui refuse encore et toujours de te regarder. « Alors on joue la fin en sens contraire de ce qu’on a toujours été? » Tu dis les choses telles qu’elles sont. À quoi bon se faire croire autrement quand tout te rappelle que les instants sont comptés? Ce n’est pas la première fois et pourtant, tu jurerais que celle-là, c’est la bonne. Celle qui va finalement durer dans le temps. Celle qui va te coller à la peau des mois, des années durant tant tu le sais qu’il te sera impossible de complètement te désintoxiquer de lui. À trop jouer, t’as tout perdu Rosalie. Ça sonne comme un reproche, ça en est un sans vraiment l’être. C’est une constatation. C’est une demande de précision même. C’est une attente qui fait mal quand il refuse toujours de se tourner vers toi, quand l’écran d’ordinateur capte toute son attention et que tu perds patience.
Tu soupires, trop fort sans doute pour quelqu’un qui devrait se contenter de ce qui est donné sans en demander plus de peur que le peu de temps qu’il ose encore t’accorder te soit arraché sans avertissement. Mais tu sais pas te contenter, t’as jamais appris comment. Il le sait Wyatt, il le sent quand tu ne cesses de tourner ton regard dans sa direction. « Arrête. » Tu te retournes, mais ça ne dure pas. La télé est fermée, mais même si elle était ouverte, t’aurais pas eu la concentration pour regarder ce qui y joue. Ton regard fuit encore dans sa direction, c’est impossible de te retenir. Le bruit des touches qui claquent t’agresse, c’est toi qui voudrais lui crier d’arrêter, de se retourner, de te regarder, mais tu te contiens assez pour simplement le regarder. Elles sont éternelles, les minutes qui filent avant qu’il n’ose enfin tourner son regard en ta direction, avant qu’il n’ose enfin répondre à ta question. « Une seule règle. » Tes yeux trouvent rapidement les siens. Tu hoches la tête. Tu attends, encore. « Pas de mensonges. » Dans un monde idéal, t’aurais pu acquiescer sans avoir à y réfléchir. Dans un monde parfait, tu ne lui aurais jamais rien caché dès le départ. Mais c’est qu’ils te viennent trop facilement, les mensonges alors que la vérité elle, reste coincée dans le fond de ta gorge plus souvent qu’autrement. Tu hoches quand même la tête, accepte la règle, même si tu ne peux t’empêcher de te dire que certaines vérités sont mieux cachées. « Demande ce que tu veux. » que tu répliques, comme un gage de bonne foi. « J’ai plus rien à cacher. » Si tu le dis à voix haute, ça va bien finir par être vrai, non?
Il se retourne une fois de plus vers l’ordinateur et tu ouvres ton sac, à la recherche de quelque chose de plus confortable à te mettre pour dormir. Si tu ressens la fatigue dans chaque parcelle de ton corps, ton esprit est complètement à vif alors que tu ne cesses de lever la tête pour regarder dans sa direction. L’écran se ferme enfin, les cahiers aussi et automatiquement, tu te lèves du divan sans toutefois t’approcher. « On décolle tôt demain. » Tu voudrais lui demander où vous allez, t’es même pas certaine qu’il le sait lui-même, mais tu ne dis rien. Tu te contentes plutôt de rester là à le regarder, à vouloir imprimer chaque trait de son être dans ton esprit, juste au cas. « J’vais dormir dans la chambre d’Ariane. » que tu annonces finalement après quelques secondes, une minute peut-être. Tu ramasses le linge que tu as sorti de ton sac et puis fait le chemin jusqu’à la chambre inoccupée de la rousse. T’as jamais vraiment mis les pieds dans la chambre d’Ariane, jamais eu à le faire par le passé quand toutes tes nuits ici finissaient dans son lit à lui. Ça se voit que la chambre est inhabitée depuis un moment, la poussière s’accumule sur le bureau, le lit impeccablement fait suggère qu’on n’a pas dormi dedans depuis longtemps déjà et c’est machinalement que tu laisses tomber ton jean sur le sol pour l’échanger contre un short, fais de même de ta chemise que tu troques contre un débardeur. T’as pas envie de dormir ici, mais tu viens quand même te glisser sous les draps, attentive au moindre bruit que peut faire Wyatt de son côté de l’appartement. Tu n’entends pas grand-chose toutefois, si ce n’est que le bruit de ta respiration qui est trop lourde, les battements de ton coeur qui sont trop rapides alors que t’es là, couchée, à espérer une suite différente à celle qui se joue sous tes yeux.
Tu ne pourrais dire combien de temps tu attends. 10 minutes, 30 minutes, plus peut-être, t’en as pas la moindre idée mais tu ne trouves pas sommeil. Tu finis par te lever et c’est à tâtons que tu sors de la chambre d’Ariane pour finalement te rendre dans celle de Wyatt. Sa respiration est lourde, s’il n’est pas endormi, c’est tout comme. Tu te glisses dans son lit, même si tu ne devrais pas, même s’il t’a indirectement demandé de ne pas le faire. Tu te blottis contre lui, consciente qu’il pourrait te repousser d’une seconde à l’autre. C’est que tu n’as pas encore compris que c’est lui qui décide. « Juste une dernière fois. Ici. » Ici, chez lui. Dans son lit. Votre lieu. Tu sais qu’il n’y aura plus de prochaine fois quand vous serez de retour de tu-ne-sais-ou et t’as pas envie que ta dernière nuit ici soit dans un lit que tu ne connais pas alors que tu pourrais être juste là, à côté de lui. T’as même pas besoin qu’il te prenne dans ses bras, t’as juste besoin de le sentir tout près. « S’il-te-plaît. »
Ne supplie pas trop fort Rosalie. Il pourrait y prendre goût. |
| | | | (#)Mar 08 Juin 2021, 11:39 | |
| Par tous les moyens, je tente de prétendre qu’en rien sa présence ne viendra chambouler mon activité. C’est que j’ai un chapitre à terminer de corriger, une deadline que je m’étais fixé. Qu’importe si son regard semble me brûler la chair à vif, qu’importe si je peux sentir son parfum qui lentement imprègne tout l’appartement. Lui offrir des prolongations ne signifiait en rien lui accorder plus de temps ou d’importance. Les règles ont changé, c’est que je mène la danse désormais, à dire où et quand. Comme si elle pouvait réellement se contenter d’autant de détachement la Craine. « Alors on joue la fin en sens contraire de ce qu’on a toujours été? » Si elle a su ricaner en premier, je l’imite à la perfection d’un soufflement de nez et une paire d’yeux qui pourraient décoller à rouler de la sorte. « Personne ne te retient. » Même pas moi. C’est qu’elle ne semble pas réellement le comprendre, comme si elle ne voulait absolument pas l’entendre. Elle joue le rôle de la gamine effrontée, celle à qui on a toujours fini par tout céder. Je suis bien responsable de son comportement quand j’ai si souvent laissé couler, quand j’ai toujours accepté ses crasses et son humeur changeante. L’inverse lui semble improbable. Les disputes ont toujours été monnaie courante, mais jamais je n’avais tenu aussi longtemps la distance. A trop avoir joué entre le chaud et le froid, elle ne semblait guère convaincue du moindre de mes propos. Qu’elle teste autant qu’elle le souhaite, qu’elle tape des pieds, qu’elle se roule par terre. J’ai dit stop et je ne reviendrais plus en arrière. Pendant trop longtemps j’ai accepté sans broncher, laissant les miettes s’éparpiller de tous les côtés, incapable de savoir comment prendre mes distances. Elle pensait avoir acquis pour toujours ma présence à ses côtés, c’est bel et bien là qu’elle s’est vautrée. « Au mieux, tu joues le sursis sur trois jours. » C’est bien tout ce que je pourrais lui accorder, quelque chose d’un peu plus civilisé que quelques mots voler dans un couloir mal éclairé. « Rien de plus. » Tout ce que j’avais à lui donner était expiré depuis bien des années. Elle avait tout eu sans jamais réellement en prendre conscience, sans jamais chercher à le chérir. Il ne lui reste plus qu’à ramasser les pots cassés pour tenter de rendre le tout un peu moins amer.
Ne pas lui donner d’attention réside dans une pure stratégie d’évitement, le temps pour moi de prétendre écrire tout en réfléchissant à ce que pourrait bien donner ce dernier round. Je n’ai jamais pensé à tout ce qu’il n’a jamais été dit, tout ce qui avait bien pu nous amener à une telle déchéance, au bord de l’échec. Les mensonges, la jalousie et toutes ces petites choses que l’on avait su collectionner au fil du temps sans jamais les apprivoiser. Pourquoi oser se parler quand il est bien plus simple de se détruire à petit feu. Il ne me reste plus qu’une dernière demande, comme une ultime faveur à lui adresser, celle de ne jouer que la carte de l’honnêteté. Quelques jours de pure vérité comme pour tenter maladroitement de panser les cicatrices encore si vives des années passées. « Demande ce que tu veux. J’ai plus rien à cacher. » Une fois encore, elle se trompe quand elle ramène cela à ma personne. Un ricanement m’échappe à mesure que ma tête se balance d’un côté à l’autre dans une incrédulité non feinte. « C’est là où tu plantes. » Mon regard croise le sien, plus franc que jamais. « J’ai plus rien à te demander. » Trop souvent j’ai tenté de comprendre, de savoir, de lui donner une chance puis une autre. Par trop de fois, je lui ai laissé le bénéfice du doute. Désormais, je n’attends plus rien, ne souhaite plus jamais poser de questions qui s’apparenterait à un nouveau mensonge. C’est à elle de juger ce qu’elle serait encore capable de m’accorder de son propre chef. Le minuteur à pris une vitesse folle quand la sonnerie de fin a été précipiter de quelques mois. Tic tac. Il ne lui reste que peu de temps pour tout tenter encore une fois, pour ramener un semblant de vérité dans ce tissu de secrets et de mensonges.
« J’vais dormir dans la chambre d’Ariane. » Un hochement de tête, un pauvre signe de la main et je disparaît dans ma propre chambre. Il est inutile de faire perdurer le moment, de jouer bêtement avec un feu encore ardant. Demain on prendra la route, une dernière fois, peut-être pour tirer un trait propre sur une histoire vieille comme le monde. Mais on verra demain, quand le jour nouveau se lèvera. Pour le moment, il s’agit d’avancer par habitude. Un tour dans la salle de bain, quelques vagues d’eau froide jetées à même le visage. Mon reflet qui renvoie l’image d’un homme fatigué, à bout de souffle d’avoir trop essayer. C’est probablement l’ultime connerie de lui accorder encore ce droit de la prolongation. C’est stupide et c’est fragile. C’est marcher sur un fil tendu dans le vide. Mais c’est tout ce qu’il nous reste pour croire que malgré tout, on pourrait mettre un terme à tout cela de manière intelligente. Ou il s’agit de l’ultime cri de vengeance, celui qui frappera sans prévenir et laissera des traces pour l’avenir. Je ne sais pas vraiment.
Je ne dors pas vraiment lorsque les draps se soulèvent de l’autre côté du lit, lorsque son corps s’invite contre le mien. Ce sont tous mes muscles qui se tendent alors qu’elle cherche sa place contre mon flanc, alors que son visage se retrouve si proche du mien. A quoi elle joue ? « Juste une dernière fois. Ici. » Ici, chez moi. Dans ce lit qui a si souvent accueilli nos nuits agitées, ses infidélités et mon incrédulité. Ce lit où ont été susurrés autant de mots doux que de paroles brisées. « S’il-te-plaît. » Est-ce que je sonnais aussi pathétique lorsque je lui en réclamait encore un peu plus ? Lorsque parfois je suppliais qu’elle reste, qu’elle s’attarde entre les draps. Ma mâchoire se serre alors que sa main vient frôler la mienne dans la pénombre. La danse de quelques doigts qui se cherchent, qui s’apprivoisent sans jamais comprendre ce qui se passe. L’électricité dans l’air aurait poussé à la faute ultime, c’est bien toujours comme cela que tout se déroulait. Une joute verbale contre quelques roulades entre les draps. C’est mon corps qui avance contre le sien, mon nez qui vient presque frôler le sien. Douce tentation d’une faute trop longtemps assumée sans hésitation. Mais pas ce soir. Il ne reste que deux cœurs qui s’agitent en symphonie avant que le charme ne se brise, avant que la rancœur et les douleurs inavouées reprennent la barre. « Règle numéro deux : pas de caprice. » que je murmure lentement. Doux souvenir de sa propre qualification de mes envies et mes sentiments. Elle avait voulu atténuer, elle avait voulu jouer. Il fallait qu’elle en paie le prix désormais. « C’est la dernière partie, ne gâche pas tout. » L’ultime, la dernière, celle qui pourrait éventuellement apaiser les maux. Celle où j’aimerais la retrouver, elle. Juste Rosalie. Celle que j’ai connue il y a des années de cela, celle dont j’ai pu tomber amoureux innocemment. Les règles n’imposent que cela, pas de faux semblant, plus de rôle à jouer si ce n’est le nôtre, le véritable. Je n’attends plus rien d’elle si ce n’est la vérité, celle qui fait mal, qui remet les plans à zéro. Sa dernière chance, elle l’avait laissé brûler en refusant la main tendue de cette soirée de Saint-Valentin. Une dernière fois, j’avais voulu tout lui donner, ne reste désormais que le sentiment d’avoir été traité comme un moins que rien, le boy-toy sympa dont on cherche à ne pas s’encombrer trop longtemps. Sans un murmure de plus, je viens lui tourner le dos, m'éloigner au possible de sa cuisse qui s’attarde contre la mienne et tenter de trouver le sommeil.
Il est jamais venu ce connard, peut-être quelques minutes à l’aube du jour et encore. |
| | | | (#)Mar 08 Juin 2021, 22:34 | |
| « Personne ne te retient. »
Un coup de couteau aurait sans aucun doute fait aussi mal, bien que tu fasses de ton mieux pour ne rien laisser paraître sur ton visage. Tu pousses toujours un peu trop loin Rosie et après tu te demandes comment ça se fait que tu te retrouves avec rien du tout. Il ne plaisante plus, il a beau avoir entamé une ultime partie, il a changé toutes les règles, il a repris le contrôle, tu te démerdes avec ce qu’il t’offre et si t’es pas contente, tu prends la porte. Tu te le dis, tu te le répètes, tu devrais le comprendre, l’assimiler aussi mais t’y arrives pas. Pas envie de partir mais pas envie de te contenter de rien non plus. C’est nouveau, c’est désagréable, c’est le retour de l’ascenseur dans ta gueule à pleine vitesse et pire encore. Et puis tu te demandes si c’est comme ça qu’il se sentait, quand tu allais et venais à ta guise. Quand tu prenais tout de lui seulement pour mieux repartir dans ta vraie vie auprès de Lachlan. Elle fait mal la réalisation quand pour une fois, tu n’as d’autre choix que de t’arrêter et d’y réfléchir. Cette fois-ci, c’est lui qui va partir alors que tu aimerais tant le retenir. Il ne part pas pour une autre, pas tout de suite du moins, mais elle viendra sans doute un jour, celle qui viendra prendre ta place près de lui. Place que tu prenais et laissais à ta guise, sans jamais réaliser qu’un jour, elle ne serait plus tienne. « Au mieux, tu joues le sursis sur trois jours. Rien de plus. » Tu hoches la tête, te mord la langue pour éviter un commentaire de plus, la remarque de trop qui te ferait perdre ce dit sursis. « Message reçu. » que tu réponds aussi platement que possible avant d’échapper un long soupir alors que déjà, son regard a quitté le tien. Tu t’accroches au temps donné, au peu qu’il reste, mais qu’il ne s’étonne pas que tu ne puisses pas rester complètement insensible comme il l’est.
Il demande la vérité et tu veux la lui donner, même si tu as peur de ce qu’elle cache vraiment. C’est qu’il y a longtemps que tu peines à faire la différence du vrai et du faux, de ce que tu veux vraiment comparativement à ce qui t’as été imposé. Elles se sont entremêlées dans ta tête, toutes les histoires. T’as tellement longtemps voulu lui faire croire que t’étais heureuse auprès de Lachlan, même quand c’est auprès de lui que tu revenais sans cesse. T’as voulu y croire longtemps, toi aussi. Parce qu’au moins, ça voulait dire que tu ne restais pas dans une relation seulement pour faire plaisir à tes parents. Ça voulait dire que tu n’étais pas prisonnière d’une vie que tu n’avais pas choisie. Mais tu sais, maintenant. Tu sais que c’était que de la foutaise. Tu sais que quelque part en chemin, tu t’es perdue entre les attentes et le besoin de répondre aux apparences parfaites des Craine. Tu t’es perdue en chemin et si tu pouvais parfois te retrouver auprès de Wyatt, ne serait-ce qu’un peu à ses côtés, ça ne venait pas sans conséquence, ça ne venait pas sans qu’il en paie le gros prix, lui aussi. « C’est là où tu te plantes. » Tu fronces les sourcils, ton regard toujours prisonnier du sien. « J’ai plus rien à te demander. » C’est qu’il est pire que jamais, votre timing, quand pour la première fois depuis plus de cinq ans, t’as finalement tout à lui donner. Toi qui as toujours refusé de te rendre aussi vulnérable auprès de lui comme tu l’étais quand vous étiez encore ensemble, neuf ans plus tôt, il est bien trop tard pour toi de lui offrir ton coeur alors que tu n’as cessé de jouer avec le sien. Si ton premier réflexe serait de blâmer Wyatt, signe de ton éternel détachement d’une culpabilité quelconque, tu sais que la faute repose sur tes épaules et tes épaules seulement. C’est qu’elle n’est pas facile à accepter, cette vérité-là. T’as les yeux qui chauffent encore, de ces larmes qui sont devenues pratiquement une constante dernièrement tant tu peines à les retenir, toi qui n’a pourtant jamais été une très grande sentimentale. « Tu penses que je suis pas capable de prendre ma part de blâme. » Vérité numéro un. Tu l’étales juste là, dans cette distance de sûreté qui existe entre vous deux. C’est maladroit comme formulation, c’est qu’il a toujours été plus aisée pour toi de crier tu, tu, tu que de devoir parler de toi et de toi seulement. « C’est faux. Je sais que je t’ai fait mal. » Plus d’une fois. Encore et encore. Pas juste pour la publication. Pas juste quand tu l’as laissé partir sans essayer de le retenir. Tu peux pas revenir en arrière et effacer. Tu voudrais pouvoir lui dire que si tu pouvais, tu le ferais, mais ce serait pas juste. Ni pour lui, ni pour toi, quand tu sais que les mots ne changeront en rien l’épilogue de cette histoire-là.
Partir en silence et prétendre pouvoir dormir toute seule dans la pièce d’à côté est la seule suite possible de cette nuit d’anniversaire qui n’avait rien de ce que tu aurais pu t’imaginer il y a quelques semaines à peine. Tu tournes entre les draps, d’un côté comme de l’autre sans jamais pouvoir cesser toutes les pensées qui défilent dans ta tête. Il est si près et pourtant bien trop loin quand de tout cet échange, tu as l’impression qu’il ne t’échappe qu’un peu plus. C’est désespéré que tu tentes une autre approche. Quand la chaleur de ta peau part à la recherche de la chaleur de sa peau. Quand ton souffle dans son cou supplie pour un moment de plus. Quand ta main cherche sa place dans la sienne, que tes doigts effleurent timidement dans un besoin que tu ne tentes même plus de réprimer. Tu le sens qui s’approche doucement, son visage qui se tourne vers le tien, son souffle que tu peux sentir sur tes lèvres à défaut de pouvoir bien le voir. « Règle numéro deux : pas de caprice. » Tu fermes les yeux alors que les mots résonnent de partout, font mal exactement comme il le voulait Wyatt, un autre coup que tu as lancé la première qu’il n’hésite pas à te renvoyer en puissance double. C’est une torture, de le sentir juste là et de savoir pourtant qu’il te repousse, qu’il te rejette encore et encore. Alors c’est comme ça que tu t’es senti Wyatt? Tu ne poses pas la question toutefois alors que sa voix s’élève à nouveau dans la pénombre. « C’est la dernière partie, ne gâche pas tout. » « Wyatt, s’il-te-plaît. » Suppliante plus que jamais, c’est inutile quand déjà il se tourne, quand déjà il impose la distance entre vous et aussi vite que tu t’es immiscée entre les draps, tu en ressors, faisant le chemin inverse jusqu’à la chambre d’Ariane. Tu ne te couches pas toutefois, reste assise sur le bord du lit, des heures durant, à attendre que le soleil se lève enfin. Te demandant encore et encore pourquoi tu t’imposes tout ça quand tout semble faire de plus en plus mal.
C’est que tu préfères encore avoir mal avec lui que sans lui.
C’est seulement quand tu l’as entendu faire du bruit dans sa chambre que tu as osé bouger à nouveau. T’as pris une douche vite fait pendant qu’il ramassait ses affaires et puis t’as pris place du côté passager de sa voiture, même si t’aurais de loin préféré que vous preniez la tienne. L’odeur de cigarette ne manque pas de te lever le coeur et tu ne tentes même pas de camoufler la grimace qui vient habiter ton visage alors que tu baisses la vitre de ton côté. Tout s’est fait dans un silence presque complet alors qu’à l’arrière de la voiture repose vos valises respectives. Il a l’air aussi fatigué que toi et tu te demandes s’il a su trouver sommeil. Tu ne poses pas la question toutefois, préfères ne pas avoir à repenser à ce bref échange dans son lit quelques heures plus tôt à peine. « Où on va? » que tu demandes finalement après plusieurs dizaines de kilomètres parcourus, quand Brisbane disparaît et que le reste du monde semble à votre portée pour vos derniers moments. |
| | | | (#)Mer 09 Juin 2021, 19:08 | |
| « Tu penses que je suis pas capable de prendre ma part de blâme. » Touché. Coulé. C’est que je serais aussi transparent que cela ou que Rosalie prendrait enfin conscience de tout ce qu’elle avait décemment ignoré ces dernières années ? Tout me laisse pensif quand j’imagine que les quelques mots prononcés n’ont que la volonté de me faire tourner de son côté. Elle a capté toute mon attention la brune à balancer une demi vérité à peine cachée. Il n’y a rien de surprenant dans l’aveux, je pourrais presque en rire. N’en résulte qu’un long soupir, las des constats établis depuis trop longtemps. « Ne fais pas l’étonner, ça pourrait brouiller ton teint déjà ridé. » Une fois encore, elle va complètement passer à côté de ce que j’ai voulu lui soutirer. Je n’ai pas besoin qu’elle établisse une liste des faits que l’on connaît déjà et qui sont bien trop installés. Pour une fois, je voudrais qu’elle me parle, réellement, qu’elle cesse de se cacher derrière ses faux semblants et se rôle qu’elle s’efforçait de conserver. Tout est parti en fumée, qu’est-ce qui peut bien la retenir désormais ? « C’est faux. Je sais que je t’ai fait mal. » Oh Rosalie. Cette fois, je ne peux retenir l’éclat de rire, il vient du cœur, autant que le regard noir qui l’accompagne. « Tu ne sais rien du tout. » Elle ferait mieux de ne pas se lancer sur ce sujet, le ton employé en laisse tous les indices. Quand elle a toujours pensé qu’à sa petite personne, elle ne pouvait pas savoir, pas envisager tout ce que j’ai bien pu ressentir. Elle était la première heureuse de la situation, dans le confort d’un homme de chaque côté sans jamais bien se soucier de tous les éclats qu’elle pouvait parsemer. « Ça t’emmerde juste que ta conscience te rattrape. » Va falloir qu’elle deal seule avec tout ça. Je prendrais responsabilité de rien, qu’importe le regard qu’elle pourra me lancer, qu’importe si elle supplie. De toute manière, il est l’heure d’aller se coucher.
J’aurais probablement dû me douter que rien ne se déroulerait avec autant de facilité. Elle n’est pas du genre à écouter la logique Rosalie quand bien souvent elle préfère foncer dans le mur sans se soucier des répercussions. En rien, elle ne se doute de la torture qu’elle inflige à se glisser ainsi sous mes draps, à se rapprocher trop vite et trop fort. La limite que j’avais imposée entre nous explose en mille morceaux alors que ma volonté et ma raison se livrent une guerre sans fondement. J’ai envie qu’elle reste tout autant que mon corps réagit avec violence à sa présence bien trop intime. Rien de bon ne pourrait découler d’un énième faux pas, d’un écart supplémentaire. Tout est torture que refuser le moindre rapprochement, mais ce sont les règles imposées. Pas de baiser, pas de gestes tendres. Simplement une dernière chance de jouer cela correctement, de s’affranchir des blessures du passé. « Wyatt, s’il-te-plaît. » Ses mots viennent s’échouer contre ma nuque alors que résolue à tenir mes engagements, je lui tourne le dos. Tu gagnera pas comme ça Rosalie. Mes yeux se ferment avec force, à m’en faire mal à la tête, tandis que j’essaye d’occulter sa présence à mes côtés. Je ne céderai plus, je me le suis promis. Malgré les larmes dans sa voix et son corps qui se réchauffe encore contre le mien. Malgré toutes les pensées qui courent à mille à l’heure dans un coin de ma tête. Malgré l’envie de retrouver son corps, rien qu’une dernière fois. Il était déjà trop tard pour tout ça.
*** Bien sûr que je note sa foutu grimace de fille coincée quand elle monte dans ma voiture. C’est que le carrosse est bien trop cabossé, qu’il empeste la fumée. Voilà que ça vient chatouiller les narines de la bourgeoise. Pourquoi est-ce que je m’emmerde à l’emmener quelque part alors qu’à chaque seconde qui passe tout m’exaspère un peu plus chez elle ? Peut-être parce que t’es pas prêt à dire au revoir pauvre con. La pensée s’évade aussi rapidement qu’elle s’énonce. Un tour de clé et la voiture démarre, qu’importe la direction, tout nous dicte qu’il est grand temps d’aller chercher de l’air ailleurs. Avant de quitter la ville pour un temps, je me gare devant le café de Matt. Il est seul au comptoir, il exécute la commande sans poser de questions alors que Rosalie attend sur le siège passager. Quelques minutes plus tard, je viens lui tendre sa commande exacte de café, même après des années je m’en souviens encore. Un scone à la framboise se cache au fond du sac, elle en fera bien ce qu’elle voudra. Ce n’est qu’un stupide café.
Un feu rouge et j’impose la playlist. Un peu de jazz en fond sonore, juste assez pour accompagner la caféine et excuser le regard fatigué de s’être dissimulé derrière une paire de solaire. Au fur et à mesure, au son de la trompette, Brisbane ne devient plus qu’une vague illusion dans le rétroviseur. « Où on va ? » La question à cent balles, celle que j’ai bien été incapable de résoudre depuis hier soir. Il faut croire que sa question tombe à pique quand nous voilà arrêtés à une intersection. Tous les chemins s’offrent à nous sans grande indication. « A toi de choisir. » Mon téléphone s’éloigne de sa main. On ne va pas utiliser de cartes. « Gauche ou droite ? » Pour la première fois depuis le réveil, mon regard vient croiser le sien. Aucune voiture ne patiente derrière nous, j’ai tout le temps du monde pour l’entendre lâcher prise, pour prendre une décision sans conséquence. Qu’importe si la gauche nous mène vers l’Océan ou nous enfonce dans les terres. Elle m’a demandé un échappatoire, à elle d’en saisir toutes les opportunités. « Arrête de réfléchir, gauche ou droite ? » Personne ne nous observe, personne ne sait rien de notre échappée. Qu’elle décide de vivre un peu pour une fois, qu’elle lâche prise. Tu veux aller où Rosalie ?
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| | | | (#)Ven 11 Juin 2021, 08:32 | |
| Tu ne sais pas ce que tu espères, ce que tu attends encore à lui faire face. À dire des choses qui sont vraies, mais qui ne changent plus rien. Tu cherches une réaction, désespérée pour un peu d’attention, bonne ou mauvaise, mais tu ne peux que lâcher un soupir lorsqu’il ouvre finalement la bouche, quand le regard qu’il te lance enfin te lacère de partout. « Ne fais pas l’étonner, ça pourrait brouiller ton teint déjà ridé. » C’est le genre d’insultes que sa sœur s’amuse à te lancer depuis des années, le genre de remarques qui te glissent sur la peau sans jamais faire mal tellement c’est dérisoire et à des années lumières de ce qui se passe vraiment, de ce qui devrait être dit plutôt. Tu ne comprends pas ce qu’il veut, ce qu’il attend de toi et ça te rend folle. Alors tu essayes, tu offres des mots, des excuses qui n’en sont pas vraiment. Ce n’est pas suffisant, ce ne le sera jamais quand pour la première fois depuis trop longtemps, tu es forcée de constater l’état de votre relation, ou plutôt le peu qu’il en reste. Quand tout a éclaté des centaines de fois déjà et que les miettes s’étalent à vos pieds, qu’il ne reste plus rien à ramasser, plus rien à réparer. Que le jeu n’en vaut plus la chandelle, ou du moins, c’est ce qu’il dit, cri même Wyatt, répète depuis un moment déjà bien que tu peines encore à le comprendre, à vouloir l’entendre. Il rit, quand tu dis savoir que tu lui as fait mal et sa réaction te surprend sans vraiment le faire, à l’image douce-amère des dégâts qui vous entourent. « Tu ne sais rien du tout. » Tu secoues la tête, bien que tu maintiens son regard cette fois. C’est froid, c’est distant, c’est à l’image des dernières semaines et tu assimiles enfin que cette partie du jeu n’aura en rien le goût traditionnel de vos échanges. Il veut la vérité, mais pas comme ça. Et t’es pas certaine de savoir comment lui donner ce qu’il cherche vraiment. « Ça t’emmerde juste que ta conscience te rattrape. » Tu pinces les lèvres et puis tu finis par baisser les yeux. « Si c’est ce que tu crois... » C’est la fin de la conversation avant même qu’elle n’ait commencé. Parce que c’est trop pour ce soir quand déjà, il impose ses règles de partout. Alors tu disparais dans la chambre d’Ariane, là où tu es bien incapable de rester pourtant, avant qu’il ne te fasse comprendre à nouveau qu’il n’a plus rien à te donner. Que c’est tout. Que c’est fini. Que les jours à venir ne sont que du temps emprunté pour lequel tu ne peux rien quémander. Qu’il décide, qu’il a le contrôle et qu’il ne veut pas de toi, juste là à côté de lui. Tu t’imaginerais presque que c’est facile pour lui, sans jamais réaliser ce qu’il essaye pourtant de te faire comprendre : que tu ne vois rien, Rosalie.
* * * L’odeur de café vient se mélanger à l’odeur de cigarette qui ne s’atténue pas malgré les quelques minutes passées dans la voiture de Wyatt. Il tend l’un des verres en carton dans ta direction et tu vas même jusqu’à lui offrir un léger sourire, ainsi qu’un « Merci » soufflé, à peine audible alors qu’il redémarre la voiture, le regard vissé sur la route. Tu attends une minute ou deux avant de regarder ce qui se trouve dans le sac qui repose désormais à tes pieds et quand tu y découvres un scone, tu n’hésites pas à en prendre une bouchée. Dans une autre vie, dans un autre moment, tu offrirais une bouchée à Wyatt. Tu ipoufferais sûrement de rire alors que t’essayerais de lui en mettre un morceau dans la bouche pour qu’il garde ses mains sur le volant, tu ferais peut-être exprès de lui en donner un trop gros morceau juste pour l’entendre râler avec la bouche pleine, comme des gamins qui savent pas se tenir. Dans une autre vie, dans un autre moment, ça aurait pu être beau, ça aurait pu être simple. Ce roadtrip n’aurait pas été une fin de quoique ce soit, ça aurait seulement été la suite. Une infirme partie d’une histoire qui ne fait pas mal à en crever. Mais ce n’est pas cette histoire et ce n’est pas ce moment, alors tu finis le scone sans jamais tourner la tête vers Wyatt. Il choisit la musique et tu laisses ta tête tomber contre ton siège.
Tes yeux sont lourds, la fatigue de la nuit blanche se fait ressentir, mais plus vous vous éloignez de la ville, plus tu te demandes où il a l’intention de vous emmener. « À toi de choisir. » Tu fronces les sourcils, te redresse légèrement sur ton siège alors qu’il s’arrête à une intersection, son regard trouvant le tien. « Gauche ou droite? » « Quoi? » Ton regard est de plus en plus perplexe alors que tu mets quelques secondes à comprendre qu’il n’a pas de plan, Wyatt. Qu’il conduit sans aucune destination en tête et voilà que repose désormais dans tes mains le premier choix qui pourrait vous mener tu-ne-sais-où. « T’as pas décidé d’un endroit? » T’as assumé. Peut-être que t’aurais pas dû. Clairement, t’aurais pas dû. « Arrête de réfléchir, gauche ou droite. » Tu secoues la tête. T’es vraiment pas la meilleure pour arrêter de réfléchir, pour agir de manière spontanée comme ça non plus. Pas la meilleure pour céder le contrôle et ne pas avoir de plan. Il sait tout ça Wyatt, mais il s’en fiche quand il insiste, quand il attend patiemment à l’intersection que tu fasses un choix aléatoire. « Droite. » que tu finis par souffler incertaine, pas particulièrement fan de ce lâcher prise mais pas dans une position d’imposer quoique ce soit non plus.
Ils s’accumulent, les choix aléatoires. Gauche ou droite étant les seuls mots que le Parker daignait bien t’offrir dans ce roadtrip silencieux et particulièrement lourd. Tu ne comprends toujours pas ce que vous êtes censés faire, ce que vous êtes censés dire alors que tu n’oses plus ouvrir la bouche par peur de ne pas savoir dire la bonne chose. Et sans doute qu’il est là, le problème. Cette peur stupide alors que tu n’as jamais eu l’habitude de te censurer devant lui, jamais ressenti le besoin de le faire non plus. C’est con sans doute alors qu’il n’attend que ça maintenant, que tu parles, que tu dises les choses telles qu’elles sont. Tu somnoles entre deux décisions, te crée des dizaines de conversations possibles dans ta tête sans jamais rien dire à voix haute et puis tu paniques légèrement quand chacune de tes décisions aléatoires semblent vous enfoncer un peu plus profond dans les communautés rurales du Queensland. Là où les magasins et les hôtels se font de plus en plus rares, où les champs et les routes peu entretenues s’accumulent, là où toute possibilité de confort quelconque disparaît à vue d’oeil. « Tourne là. » Tu pointes alors que les champs ont laissé place à un énorme parc national, la vue des montagnes déjà un peu plus intéressante que tout ce que vous avez pu croiser dans les dernières heures. « J’ai besoin de me dégourdir les jambes. » Parce que t’en peux plus d’être assise ici dans un silence inconfortable à te demander inlassablement si c’était vraiment une bonne idée, tout ça. « J’ai jamais voulu ça. » que tu avoues alors que ton regard vient trouver le sien, la voiture soudainement immobile. Jamais voulu de cette version brisée de vous deux, de cette histoire parsemée d’erreurs et de mauvais choix. T’as la main sur la portière, prête à mettre de la distance entre vous si c’est nécessaire, s’il se moque encore de ta tentative maladroite de créer une conversation, soudainement persuadée que peu importe ce que tu dis, ce ne sera jamais assez bien, jamais assez tout simplement. |
| | | | (#)Ven 11 Juin 2021, 11:51 | |
| Il ne reste plus que le silence et le poids des décisions pour accompagner la dose de caféine. Seule la voix de Louis Armstrong, accompagné par un saxophone, s’impose dans l’habitacle alors que la ville s’éloigne et les kilomètres s’additionnent. Je prends quelques tournants sans jamais réfléchir, reproduisant inconsciemment le chemin qui mène vers chez Ariane, avant de prendre la direction opposée. C’est la ville que l’on cherche à fuir, par tous les moyens, qu’importe la destination finale. Alors Brisbane s’enfuit par le rétroviseur, alors que le calme nous emporte vers un autre horizon. C’est que cela en devient presque étrange que Rosalie soit aussi calme, que son regard soit plongé dans le fond de sa tasse de café. Les minutes défilent sans qu’aucun mot ne soit échangé, rien que des soupirs et un long train de pensées. Une gorgée de café, un regard jeté sur le côté et les kilomètres qui défilent au rythme des panneaux qui disparaissent petit à petit du paysage, ne laissant plus que le choix au hasard. « Quoi ? » Je retiens à rire à voir ses sourcils se froncer tandis que son regard semble mener une danse endiablée entre la route qui s’offre à nous et chaque trait de mon visage. « Choisis. » Je m’impatiente, elle s’interroge encore bien trop. « T’as pas décidé d’un endroit ? » Même avec toute la volonté du monde ce n’est pas comme si elle m’avait laissé le temps de décider de quoique ce soit à débarquer à pas d’heure chez les gens. Rien n’est décidé que ce soit pour la direction à prendre comme pour le reste. Tout semble flotter dans un terrible suspense qui l'ennuie et la rend nerveuse. « Tu veux pas juste choisir, te taire et on verra après ? » Tout ce que je demande c’est un peu de folie, des décisions prises dans l’instant, sans se soucier de quoique ce soit d’autre que le feeling qui lui prend là-maintenant. Elle soupire, je pourrais insister mille fois encore. « Droite. » « Tu vois c’était pas difficile. » Et immédiatement, le volant braque sur la droite.
Gauche ou droite ? Parfois tout droit encore un peu. Parfois deux fois à gauche, puis trois fois à droite. La civilisation s'éloigne pour ne laisser place qu’à des routes perdues au milieu de nulle part. Le désert à l’extérieur et le silence à l’intérieur. Les mots que l’on s’échange peuvent se compter sur les doigts d’une main alors que Rosalie somnole et que je remets en question, à chaque seconde, ma décision. Quelle idée stupide de lui accorder quelques jours quand elle semble résolue à s’enfermer dans le silence. Ce ne sont que quelques mots à peine murmurés et son regard qui ne cesse de vaguer dans le vide. Pas de mouvements, pas de reproches quant à la destination, pas de demande de pause. Rien. L’inaction la plus totale. De temps à autre mon regard attrape son profil quand passe une chanson qu’elle déteste, quand j’allume une cigarette sans ouvrir la fenêtre. Toujours rien. Le silence et son esprit à des kilomètres de là. Est-ce qu’elle regrette déjà ? Est-ce qu’elle pense à lui ? Si la sensation semble perdurer depuis des mois, la criante vérité me frappe de plein fouet : je ne sais plus rien de la personne à mes côtés. Rosalie la parfaite n'aurait jamais pris la décision de s’en aller ainsi sans prévenir personne, de rompre son engagement sur un coup de tête. Quelque chose est différent sans que je ne puisse réellement mettre le doigt dessus. Il en devient inconfortable ce silence quand j’ai envie de freiner d’un coup sec pour lui hurler de dire quelque chose, de réagir, de m’imposer avec pertes et fracas toute la rancœur qui semble transparaître par chacun de ses gestes. Putain Rosalie, qu’est-ce que tu fous-là ?!
J’étais sur le point de céder, de m’emporter, incapable de supporter ce traitement silencieux une seconde de plus, quand elle se redresse. « Tourne là. » Au loin, l’entrée d’un parc national. Rien de plus aux alentours. « J’ai besoin de me dégourdir les jambes. » Je me contente de hocher la tête tout en prenant la direction indiquer. Au mieux, elle ira faire un tour pendant que je fumerai clopes sur clopes assis sur le capot. Au pire ? L’un de nous ne fera pas le chemin retour. On passe par un vieux guichet d’où émerge le visage buriné par le temps d’un fermier du coin. D’un simple geste las, il nous indique le parking et rien d’autre. Rien. C’est visiblement le thème du jour. Rien et mes nerfs qui en prennent un coup. Je n’aime pas le rien. J’aime pas tout ça. Idée à la con Parker.
Une énième cigarette rejoint mes lèvres tandis que je cherche mon briquet, sans jamais remarquer le regard de la brune. Sans jamais réaliser qu’elle n’a pas encore bouger. « J’ai jamais voulu ça. » Elle n’a pas parlé fort et pourtant ses mots résonnent dans toute la voiture, ricochent contre le tableau bord et t'explose en pleine gueule. Ils ébranlent et vont creuser trop profond. Ils alimentent le feu qui somnole depuis des heures désormais. Elle n’a jamais voulu ça. Partir avec moi sur un coup de tête ? Ce n’était pas que cela et on le savait tous les deux. D’un geste je rabat mes lunettes sur le haut de mon crâne pour mieux croiser son regard. On enlève les barrières, il semblerait, juste là, au milieu de nulle part. Avec personne pour témoin. « T’as jamais voulu quoi ? » Je pourrais lui laisser le temps de répondre, lui laisser le temps de formuler, mais il faut croire que certaines choses ont été retenues bien trop longtemps. « Ruiner ma carrière pour ton petit confort personnel ? Accepter sa demande ? M’avoir comme amant pendant tout ce temps ? Devenir le pire cliché de la société ? Rompre avec lui ? » Chaque mot est souligné par une colère qui était bien trop dormante. « T’as jamais voulu quoi Rosalie ?! » Elle m’avait promis la vérité… |
| | | | (#)Sam 12 Juin 2021, 11:49 | |
| « Choisis. » « Tu veux pas juste choisir, te taire et on verra après? » « Droite. » « Tu vois c’était pas difficile. »
Tu le regardes toujours aussi perplexe parce que maintenant plus que jamais, t’es pas certaine de comprendre ce qui se passe dans sa tête. Certes, rien de tout ça n’était prévu. T’avais pas mis à ton agenda de rompre tes fiançailles, tout comme tu n’avais pas avisé Wyatt de tes intentions quand tu t’étais retrouvée sur son palier moins de douze heures plus tôt. Rien de tout ça ne faisait de sens et voilà que tu tiques sur le plus petit des détails. Qu’est-ce que ça changeait au fond, votre destination? Peu importe dans quelle ville ou même dans quel état vous pouvez bien vous retrouver à la fin de ce roadtrip, tu savais trop bien que cela n’aurait aucune incidence sur ce qui se passerait ensuite. Pour vous deux. Il avait été clair sur ce point après tout. Ce voyage ne changeait rien. Et plus les kilomètres vous séparaient de Brisbane, plus tu te demandais pourquoi tu t'infliges ça, pourquoi vous vous infligiez ça si la fin demeurait la même. Il veut la mérite et tu le sais qu’il l’a mérite, mais il y a cette boule dans le fond de ton ventre qui te rappelle à quel point elle peut être douloureuse la vérité et t’as peur de l’état dont vous allez laisser les choses une fois que tout allait être dit, une fois qu’il n’y aurait plus de retour en arrière. C’est pour ça que tu laisses les heures défiler en silence. Pour ça que tu ne grimaces pas devant les dizaines de clopes fumées par Wyatt qui ne prend même pas la peine d’ouvrir la fenêtre. Pour ça que tu ne dis rien quand la musique n’est pas à ton goût, c’est à peine si tu sembles en mesure d’enregistrer les notes qui prennent toute la place dans le véhicule. C’est plus simple de te concentrer sur ta respiration, sur les battements de ton coeur qui augmentent chaque fois que tu tournes le regard vers lui. C’est plus facile de te faire des dizaines, des centaines de conversations dans ta tête plutôt que de te risquer à entendre ce qu’il a vraiment à dire.
C’est plus simple jusqu’au moment où ce ne l’est plus. Jusqu’au moment où tout devient étouffant, insupportable, invivable.
Le parc national qui se dresse devant vous est l’échappatoire parfait quand déjà Wyatt t’accorde cette pause sans dire quoique ce soit. Vous voilà au milieu du stationnement complètement vide et il n’y a plus d’échappatoire. Plus de route ou perdre ton regard pour prétendre que tout ne semble pas complètement irréel tant la situation peine à faire du sens dans ta tête. Il n’y a plus que vous deux, sa putain de cigarette à ses lèvres et toutes les vérités qui ne demandent qu’à être crier une bonne fois pour toute. « T’as jamais voulu quoi? » Ton souffle se coupe d’un coup alors que ses yeux se posent sur toi pour vrai cette fois-ci. Pas de regard de côté, pas seulement pour une seconde ou deux entre deux intersections. Ils brûlent, ses yeux sur ton visage alors que déjà, le ton de sa voix annonce tout ce qui a trop longtemps été ignoré, que ce soit ici dans les dernières heures ou ailleurs dans les dernières années. Toute cette colère et cette incompréhension qui brûlent tout sur leur passage. « Ruiner ma carrière pour ton petit confort personnel? Accepter sa demande? M’avoir comme amant pendant tout ce temps? Devenir le pire cliché de la société? Rompre avec lui? » Chaque question comme une attaque alors que tu prends les coups sans sourciller, démêlant le vrai du faux dans les différentes affirmations de Wyatt qui mélange lui et Lachlan sans jamais comprendre qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Tes doigts se crispent contre la poignée de porte que tu ne lâches pas, éternellement tentée de fuir même si tu t’étais promise de ne pas le faire cette fois, même si tu t’étais promise de lui donner cette vérité qu’il a si souvent cherché. « T’as jamais voulu quoi Rosalie?! » « Devenir cette Rosalie que tu détestes. » que tu répliques trop sèchement, trop amèrement alors que tes yeux se ferment violemment, ton coeur s’emballant déjà trop rapidement contre ta poitrine. De l’air, t’as besoin d’air. D’espace. De ne pas sentir cette odeur de cigarette qui te lève le coeur depuis des heures.
Tu sors de la voiture, ferme la portière derrière toi alors que tu t’efforces de prendre de longues respirations. Il est là, le moment. Et tu as beau être sorti de la voiture, avoir imposé de l’espace entre vous deux, tu sais que tu n’as plus de porte de sortie. Tu achètes les secondes, les minutes avant de tout dire, mais la vérité c’est que tu n’as plus d’autres choix. Il sort de la voiture à son tour et tu mets quelques secondes avant d’oser relever les yeux vers lui. Avant d’oser reprendre la parole. T’as le regard qui fuit quand tu lèves finalement la tête, croisant son visage une seconde et puis se perdant sur les montagnes derrière la seconde d’après. Pourquoi est-ce que c’est si difficile d’être honnête? Parce qu’on t’a jamais appris comment Rosalie. « J’ai jamais voulu être celle qui ruine ta carrière,ni celle qui prend un amant pendant cinq ans. Encore moins devenir celle qui dit oui à un autre alors que j’étais toujours amoureuse de toi. » T’as demandé la vérité Wyatt, tu vas l’avoir. Gros mots inclus. Ceux qui font peur, ceux qui font mal. Ceux que vous avez gardé si longtemps cachés. Tu parles à l’imparfait même si le présent aurait été de mise. Parce que tu l’aimes encore, et tu peines à imaginer le jour ou ce ne sera plus le cas. Mais ça ne change plus rien maintenant, pas vrai? « Je regrette pas nous. Je regrette le comment. Je regrette de ne pas avoir cru qu’on aurait pu se donner une vraie chance. Je regrette d’avoir laissé les pires parties de moi prendre le dessus. » Celles qui jalousent, celles qui envient. Celles qui t’ont toujours dicté de faire selon la volonté de tes parents. De toujours être la meilleure. D’être la plus belle, la plus arrogante, la plus grande réussite dans les environs. Celles qui t’ont convaincu à la longue que tu serais bien mieux au bras de Lachlan que tu ne le serais jamais dans les bras de Wyatt. Que de foutaises, que de conneries. C’est beaucoup de mots, toujours trop de mots, mais il y a cette vérité, celle qui ramène à sa carrière, celle qui a vraiment poussé vers la chute qui pend juste là, au bord de tes lèvres. Celle que tu n’aurais jamais cru lui offrir un jour, celle que tu lui dois quand même. « Je t’ai pas tout dit, la dernière fois. Sur ce qui s’est vraiment passé avec l’opportunité de publication. » Quand t’as ruiné sa carrière, comme il te le rappelait encore juste quelques instants plus tôt. « J’ai menti quand j’ai dit que j’étais devenue invivable parce que je voulais que tu me laisses avant que je te joue dans le dos. C’est pas ça qui s’est passé. » Tu secoues doucement la tête, le regard vissé sur le sol. Tu n’oses plus bouger, c’est à peine si tu oses encore respirer alors que tout ton être te fait mal. T’as les yeux humides, les jambes molles et puis tu laisses finalement filer les mots dans l’espace trop grand de ce parc national vide de toute présence sauf de la vôtre. « J’étais enceinte Wyatt. Et j’ai fait une fausse-couche quand j’étais chez mes parents. Je savais plus ce que je faisais. C’est ça qui s’est passé. » |
| | | | (#)Sam 12 Juin 2021, 18:40 | |
| Des heures durant ce n’est que le silence qui nous a tenu compagnie. Lourd, empli de reproches et de non-dits, il était presque devenu un troisième occupant de la voiture. Ce silence qui nous définit, celui qui nous poursuit dès l’instant où tout semble perdu d’avance. Il est sournois à s’insinuer dans la moindre faille, dans la seule idée de venir alimenter une colère sourde. Il est le pire ennemi des pensées, le meilleur des alliés quand les mots semblent ne plus être en mesure de faire sens. Mais il finit toujours par se briser à un moment… Dans des mots qui englobent trop, qui n'avancent rien et qui perturbent. Elle brise le silence avec une généralité qui vient me titiller. De celle qui provoque une réaction instantanée, empli d’une colère que le silence s'était chargé de réveiller et qui se déverse sans compter. Une question, puis deux et déjà elle se dirige vers la fuite quand ses doigts ne cessent de s’activer autour de la poignée de la portière. C’est mon regard qui se concentre sur son visage sans jamais oublier l’image d’arrière-plan. C’est tout un défi que je lui lance, une dernière fois. Ose Rosalie. Ose t’enfuir et je ferais demi-tour sans toi. Mon cœur fait rage dans ma poitrine alors que les derniers mots s’essoufflent, alors que j’attends une réponse, une réaction. N’importe quoi. « Devenir cette Rosalie que tu détestes. » A l’écouter, elle n’est jamais responsable de quoi que ce soit Rosalie. Ce sont toujours les autres les coupables même quand c’est elle qui prend les décisions. « C’est toi qui en as fait le choix. » Elle seule et personne d’autre. C’est elle qui a choisi de me doubler, elle qui m’a poussé à partir, elle qui a profité de son succès, elle qui a dit oui. Elle. Uniquement elle.
C’est elle, encore, qui choisit de sortir de la voiture alors que la conversation ne faisait que démarrer. Du Rosalie tout craché, à lancer une discussion pour ne jamais la terminer. Dans son esprit, je serais celui qui n’a pas voulu lui laisser une chance, je serais le fautif, celui qui a rétorqué encore une fois. La dualité se fait là. Rosalie est dehors, je suis encore derrière le volant, les clés toujours sur le contact. Tout ce qu’il me reste à faire c’est démarrer, enclencher la marche arrière et partir. L’abandonner sur cet emplacement de stationnement avec ses regrets et tout ce que je ne souhaite plus garder. Un instant, mes doigts viennent effleurer les clés alors que mon regard se perd sur sa silhouette, elle qui semble vaciller contre le vent. Mon cœur bat contre mes tempes emprisonnées dans ce tourbillon qui se fait violence. Partir serait lui laisser la victoire. Partir serait abandonner le fil de vérité qu’elle venait de placer entre mes mains. Partir serait lâche…
Alors me voilà à l’extérieur, appuyer contre la carrosserie sans que mon regard ne lâche jamais Rosalie. Je n’insisterais pas, c’est que tout doit venir d’elle. Elle me doit bien cela. Une dernière fois. « J’ai jamais voulu être celle qui ruine ta carrière, ni celle qui prend un amant pendant cinq ans. Encore moins devenir celle qui dit oui à un autre alors que j’étais toujours amoureuse de toi. » Les mots heurtent de plein fouet sans jamais être nouveauté. Ce discours, je pourrais jurer l’avoir déjà entendu cent fois, mille même. Il devient dénué de ce sens quand depuis le départ elle est celle qui a pris les décisions, celle qui a choisi ce chemin la tête haute. Qu’importe les sentiments, c’est bien vers lui qu’elle retournait. Elle lui a dit oui. Fin de l’histoire. Le reste ne m’atteint plus quand ce sont ses choix qui nous ont menés là. « Je regrette pas nous. Je regrette le comment. Je regrette de ne pas avoir cru qu’on aurait pu se donner une vraie chance. Je regrette d’avoir laissé les pires parties de moi prendre le dessus. » C’est un moulin qui s’en vient et répète inlassablement les mêmes mots. Ce n’est que la tournure qui change pour laisser un peu de nouveauté sans jamais apporter quoique ce soit qui pourrait apaisé. Ses regrets ne sont que des phrases préconstruites dans l’idée de rassurer son ego. « Tu n’as jamais rien fait pour changer tout ça. » Jamais. La preuve en est je n’ai eu le droit qu’au statut de l’amant, rien de plus. Qu’importe les sentiments qu’elle ne cesse d’évoquer, qu’importe ce qu’elle avance comme regrets. Rosalie se contente des regrets comme de l’excuse parfaite. Elle ne pouvait avoir tout ce qu’elle désirait avec Lachlan qu’elle a été chercher la partie manquante ailleurs. Probablement que le tort est partagé lorsque je réalise une chose au milieu de tout ça. « Je regrette de ne pas avoir su te dire non avant. » Peut-être qu’il était temps d’assumer à mon tour et d’énoncer cette vérité-là.
« Je t’ai pas tout dit, la dernière fois. Sur ce qui s’est vraiment passé avec l’opportunité de publication. » On en revient toujours à ce point. L’instant où tout a vrillé sans que je ne comprenne le pourquoi du comment. Du jour au lendemain, elle m’a tourné le dos. Un claquement de doigt ce que l’on avait réussi à construire avait volé en éclats. Je m’étais pris tous les bouts de verre sans jamais être capable de ramasser les morceaux. Elle avait été trop loin. C’est de là qu’est née la Rosalie purement opportuniste. Celle que je déteste. « J’ai menti quand j’ai dit que j’étais devenue invivable parce que je voulais que tu me laisses avant que je te joue dans le dos. C’est pas ça qui s’est passé. » Mes sourcils se froncent alors que je me redresse pour lui faire face. Quelque chose se trame quand son souffle semble devenir erratique, son regard papillonne de partout sauf sur ma personne. D’un pas je m’approche, envieux de connaître le fin mot de cette histoire. J’avais tout envisagé ces dernières années, le moindre scénario, dans les moindres détails. Absolument tout, sauf ce qu’elle allait m’annoncer. « J’étais enceinte Wyatt. » Mon palpitant s’accélère sans comprendre ce qui s'ensuit. « Et j’ai fait une fausse-couche quand j’étais chez mes parents. Je savais plus ce que je faisais. C’est ça qui s’est passé. » La claque est monumentale, laisse une marque au fer rouge sur ma joue, m’écrase la poitrine à m’en couper le souffle. Déstabilisée, je recule de quelques pas, cherche mon appui sur le capot de la voiture. Ce n’est qu’un rêve, une réalité alternative, mon esprit d’auteur qui me joue des tours. Pas vrai ? C’est comme une panique inexplicable qui monte alors que je cherche mon air, alors que tout me renvoie à cette période de nos vies. Cette semaine entière qu’elle avait passée chez ses parents sous n’importe quel prétexte, son comportement qui avait tant changé à son retour. Tout s’additionne sans jamais faire sens, sans jamais amener le déclic. Elle savait déjà pour la publication, c’est ce qu’elle m’avait dit. Elle cherchait juste à ce que je la quitte. Cela ne pouvait pas être autrement. Ce n’était que cette vérité qui devait s’ancrer, pas celle d’une grossesse inachevée, pas celle d’un enfant dont elle ne m’a jamais parlé. Mon regard cherche le sien sans jamais pouvoir croiser ses prunelles tant elle s’évertue à fixer le macadam. « T’as pas fait ça… » Tout me paraissait inconcevable. C’est le château de carte qui s’ébranle, la tour de Pise qui s’effondre. C’est pire que la publication, pire que les fiançailles encore. C’est mon cœur qui se serre et ma tête qui tourne alors que ses mots se répètent sans cesse. Elle était enceinte et elle ne m’a jamais rien dit. Jamais.
Nos regards se croisent et tout semble aller trop vite, trop fort. Si à l’intérieur tout se brise et vole en éclats. C’est la colère et la rage qui viennent se mélanger à l’incompréhension et prennent le dessus. Un million de questions qui ne franchissent pas la barrière de mes lèvres. Des pulsations qui s'enflamment alors que tout mon corps me hurle de cesser la lutte. « Je préférais encore la version où tu me crachais dessus. » Celle qui ne prenait en compte que son égoïsme pour la profession. La version où elle n’avait pensé qu’à elle pour gravir les échelons en me laissant au fond du trou. « T’étais qu’une conne mais au moins ça te donnait un peu de valeur. » Au moins, il n’y avait pas de secret. Pas de cet ampleur-là. Pas de celui qui remet tout en question et qui tape au plus profond. Comme toujours, c’est la violence des mots qui l’emportent. Si en règle générale, le masque ne faillit jamais, dur et impassible, aujourd’hui tout semble s’en aller de travers. Les failles immenses ne me laissent plus le temps de dresser les barricades. C’est un monde qui s’écroule et je ne sais comment tout retenir en même temps. Tout s’ébranle pour mieux laisser à nues, les émotions, les pensées et tout ce qui vacille. Mes mains ne cessent de trembler, mes doigts dérivent et se ratent à chaque tentative d’allumer ce foutu briquet. Je me brûle la peau, je fais tomber l’objet et finis par shooter dedans. Je souffle comme un bœuf sans même avoir bougé de place, tout bouillonne à l’intérieur alors que ses mots se répètent encore et encore. « Comment t’as pu me cacher tout ça ? » La voix craque et rend vulnérable, mais sous la colère se déguise une tristesse que je ne saurais qualifier. Des émotions difficiles à identifier. De celles qui m'emprisonnent dans un tourbillon de questionnement. Comment ? Pourquoi ? Pendant toutes ses années elle aurait pourtant eu un million d’opportunités. Alors… « Pourquoi ? »
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| | | | (#)Dim 13 Juin 2021, 04:26 | |
| « C’est toi qui en as fait le choix. » Déjà tu secoues la tête parce que tu savais. Tu savais que ce ne serait pas suffisant, tu savais que ce ne serait pas assez bien, tu savais que sans le dire en tant de mots, Wyatt te reprocherai la facilité de ta réponse alors que tu n’as rien de plus à lui offrir qu’un amont de regrets. Il cherche une raison, une explication là où il n’y a rien de plus que ta propre volonté, tes propres choix. Tu as joué trop gros, tu as longtemps trop risqué et tout était venu t’éclater à la gueule. Game over. Mais ce n’est rien qu’il ne sait pas, rien qu’il n’a pas déjà entendu alors que tu t’efforces quand même à être aussi transparente possible. Il veut t’entendre prendre le blâme et tu penses sincèrement que c’est ce que tu es en train de faire, sans pourtant jamais dire les mots. C’est qu’ils restent coincés là, dans le fond de ta gorge, bien plus facile de parler de regrets et de te distancer de ce qui fait mal. Et de te distancer de lui tout simplement alors que la portière s’ouvre et claque derrière toi, que le vent de cette fin de journée te frappe le visage, t’offre la pause dont tu as besoin sans que tu n’oses jamais te retourner vers Wyatt. T’as plus à dire, tu le sais que tu dois faire l’effort, tu sais que tu lui dois plus, que tu lui dois mieux, mais l’hésitation est encore si grande quand fuir est depuis toujours ton principal et premier mécanisme de défense. Quand fuir est plus simple que de faire face. Quand fuir fait moins mal sur le coup, bien que tu sais trop bien que tout fini par te rattraper et que la douleur n’en est pas moins grande.
Sa portière claque à son tour et son regard ne te lâche pas, mais t’es incapable de le soutenir. Incapable de supporter tout ce que tu lis dans le fond de ses yeux alors que tu fais de ton mieux et que ce n’est jamais assez. Tu n’es pas assez désespérée pour te mettre à pleurer, ni pour le supplier de t’entendre, de te comprendre alors que toi-même tu as arrêté de chercher une motivation quelconque derrière tes actions. Tu voulais tout et plus encore, tu le sais et il le sait aussi. Ça ne veut pas dire pour autant que tu ne regrettes pas et que tu ne t’en veux pas pour le mal que tu as fait. Mais énoncer les faits ne change rien, ne vient même pas apaiser la douleur tant elle est grande, tant elle perdure dans le temps. C’est d’éternellement tourner autour du pot sans jamais l’ouvrir tant ce qui y est caché va tout secouer et faire mal à t’en faire perdre le souffle. C’est de savoir pourtant que ton secret ne peut plus être gardé plus longtemps quand tu lui as promis la vérité et que tu comptes bien t’y tenir. Même si tu fais dans le long préambule. Même si tu repousses encore et encore pour te faire croire que tu contrôles encore quoique ce soit, même si tout se joue sur ses règles à lui. « Tu n’as jamais rien fait pour changer tout ça. » Toi non plus. Jamais qu’il n’avait dit quoique ce soit avant qu’il ne soit trop tard. Jamais qu’il n’avait tenté de te faire comprendre qu’il voulait mieux, qu’il voulait plus quand des années durant, vos échanges ont prouvé par cent fois qu’il était plus facile de se détester pour mieux se retrouver sous les draps. T’oublies tous les weekends Rosalie. Ceux qui étaient doux, ceux qui étaient faciles. Ceux à se lire des extraits de vos romans préférés et à critiquer le monde et son ensemble, à s’aimer correctement sans jamais le dire à voix haute. « On a toujours été meilleurs pour s’haïr que pour s’aimer. » Tes yeux trouvent les siens pendant quelques secondes alors que tu souffles les mots sur un ton las, mais qui n’emmène pas au reproche. C’est un simple fait, une vérité comme une autre, de celles qui sont encore facile à admettre alors que le pire est encore à venir. « Je regrette de ne pas avoir su te dire non avant. » « T’aurais dû. » La réponse est instantanée, elle vient même te surprendre. « Peut-être que si tu m’avais secoué avant, on en serait pas là. » Peut-être que si tu avais compris avant comment tu te sentais vraiment, comment lui se sentait vraiment, vous n’en seriez pas là, à écrire la fin. Peut-être que vous auriez pu écrire une suite qui fait moins mal, une suite ou vous auriez pu vous retrouver pour de vrai. Avant les fiançailles, avant les erreurs des derniers mois, avant que tout ne vous rattrape une fois de trop. « Mais c’est pas de ta faute. » Oh tiens, un changement de direction. Prendre le blâme, assumer, à voix haute pour une fois. « J’voulais pas que tu me dises non. Et j’aurais dû pouvoir me rendre compte de mes sentiments sans que t’aies besoin de faire tout le travail pour moi. Je le sais ça. » Tu te pinces les lèvres, échappe un long soupir. « Je suis désolée. » Le dire cent fois ne changera rien, mais est-ce qu’il le voit au moins, que tu es sincère quand les mots filent une fois de plus?
Mais quelle est la valeur d’un désolé quand tu es sur le point de lâcher la plus grosse bombe qui soit? Quel mot est-ce que tu peux bien utiliser pour contrer l’effet de cette boîte de Pandore que tu t’apprêtes à ouvrir? Tu avances et puis tu recules, les mots sont juste là mais tu peines à les dire. Tout tourne autour de vous alors que tu te refuses à lever le regard vers Wyatt. T’es propulsée dix ans en arrière, à la pire journée de ta vie sans aucun doute. Tu revois le regard inquiet de Rory sur toi, le sang qui coule entre tes cuisses pour finir sur le plancher. Tu te souviens de la douleur qui avait suivi, celle qui était venue après la réalisation, quand il était déjà trop tard. Tu veux pas retourner là, et tu t’y forces pourtant. Dix ans trop tard. Dix ans et des millions de moments échangés avec lui sans qu’il ne sache, sans qu’il ne comprenne. Le pire secret qui soit, la plus grande de tes culpabilités. Les larmes coulent sur tes joues quand les mots viennent finalement vivre entre vous deux et tu les vois, ses pas qui reculent, qui hésitent. Sa respiration qui se fait plus lourde, qui résonne trop fort dans ta tête, se mêlant au tambourin de ton palpitant qui pourrait éclater d’une seconde à l’autre tellement il bat trop vite, trop fort. « T’as pas fait ça… » Tes lèvres tremblent et tu retiens un sanglot, incapable de trouver les mots pour t’excuser, incapable de trouver les mots pour calmer le tourbillon qui l’envahit, le même qui te fait mal à l’instant. Tu lèves les yeux après ce qui semble être une éternité et ton regard trouve le sien de la pire des façons tant tout ce que tu lis sur son visage vient te détruire d’un coup à l’intérieur. « Je préférais encore la version où tu me crachais dessus. » Elle était plus simple cette version, elle faisait moins mal. Elle ne remettait pas en question les dix dernières années. « T’étais qu’une conne mais au moins ça te donnait un peu de valeur. » Les mots font mal, ils frappent de partout parce que c’est ce qu’il sait faire de mieux Wyatt, mais tu encaisses les coups. Tu encaisses parce que c’est de ta faute. Juste de ta faute. « Je suis tellement désolée. » Ajouter un tellement ne change rien, tu le sais ça Rosalie?
Il souffle encore plus fort, ses doigts s’acharnent sur son briquet et tu suis chaque action du regard à défaut de savoir quoi dire, de savoir quoi faire. Tu voudrais disparaître, lui donner le temps de gérer avec ce que tu viens de lui dire sans analyser la moindre de ses réactions, mais vous êtes au milieu de nul part et il n’y a pas de porte de secours. Il n’y a que vous deux et ta fausse-couche qui prend toute la place. Le briquet tombe à ses pieds et bientôt il se retrouve à revoler quelque part, à quelques mètres de là d’un simple coup de pied qui témoigne de toute la rage et de toute la détresse que Wyatt semble ressentir dans l’instant. Tu sursautes légèrement alors que ta respiration est toute aussi haletante que la sienne, des dizaines de sanglots maladroitement retenus dans le fond de ta gorge alors que les larmes coulent sur tes joues sans que tu ne puisses les retenir. « Comment t’as pu me cacher tout ça? » Sa voix craque et tu te détestes encore plus de lui faire mal comme ça. Tu te détestes d’avoir attendu si longtemps avant de lui dire. Tu te détestes de ne pas savoir prendre les bonnes décisions dans les bons moments. Tu te détestes de ne pas avoir su le préserver de ton chaos. « J’ai jamais pensé que je garderais le secret aussi longtemps, tout est allé tellement vite à l’époque et je... » Ta voix tremble, tes mains viennent cacher ton visage, tes doigts tremblent et tu as soudainement froid, malgré le soleil qui brille encore haut dans le ciel en cette fin de journée, comme si de rien était. C’est que la terre tourne encore même si vos univers ne font plus de sens. « Pourquoi? » Tu secoues la tête continuellement. Parce que tu ne sais pas pourquoi. T’as pas de bonne raison derrière laquelle te cacher, pas de bonne excuse. Que des regrets, toujours plus de regrets. « Je sais pas. » que tu finis par souffler au bout de quelques secondes, une minute peut-être. Tu t’approches de lui, t’as envie de prendre ses mains, t’as besoin de sentir sa peau sur la tienne, de calmer le tremblement de ses mains, des tiennes aussi. Mais tu te retiens, incertaine de sa réaction si tu osais t’imposer plus que de raison à ce moment précis. « J’avais tellement mal après que j’ai tout détruit. J’ai foutu le feu à trois ans de nous deux comme ça, sans jamais comprendre ce que j’étais en train de faire. » Tu passes tes doigts sur tes tempes, tente de faire le ménage de tes idées, de toutes ces vieilles émotions qui te martèlent. « Et puis t’es parti pour Londres et c’était plus facile de te détester que de faire face à la vérité. » Que d’assumer ce que t’avais fait. Que de comprendre pourquoi tu l’avais fait. « Quand t’es revenu, il y avait Lachlan, et nous deux on… on était pas supposés se retrouver. » Tu renifles doucement, viens essuyer les larmes qui continuent de s’étaler sans arrêt sur tes joues. « Je l’ai jamais dit à personne, je pouvais pas retourner là… c’était plus facile de faire comme si c’était jamais arrivé. » Jusqu’à aujourd’hui. T’es pas certaine que de lui dire était la chose à faire. Tu ne te sens pas plus légère, tu ne te sens pas mieux maintenant qu'il le sait. Tout semble pire, tout semble plus douloureux encore. C’est la pire des finalités quand il ne reste absolument plus rien de vous aux travers des débris de tes erreurs. |
| | | | | | | | tell me there are things that you regret (craker #8) |
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