perfect storm
Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

"Salut, je viens à ton evjf je veux savoir si t'es pas une folle"

Ironiquement, c’est de sa santé mentale à elle que j’ai douté en recevant ce message. Le numéro était inconnu et, surtout, l’initiative prise par je ne sais qui de m’organiser un enterrement de vie de jeune fille l’était tout autant. Est-ce le genre de chose que l’on fait, dans le cadre d’un mariage arrangé ? Qui en était à l’origine ? Certainement pas Shiloh, elle se doute forcément que ce genre de chose ne colle pas forcément à ma vision d’une bonne soirée et, surtout, nous n’aurions été que deux, peut-être trois si Rhonda avait daigné nous honorer de sa présence.

Et voilà que je me retrouve avec un message d’inconnue souhaitant me rencontrer avant mon EVJF. L’invitation provenant forcément du côté Williams de la barrière, j’ai une vague idée de qui en est à l’origine. La rousse incendiaire - quelque chose me dit que nous finirons par nous apprécier, elle et moi - est tout à fait du genre à organiser ce genre de surprise, du peu que je sais d’elle. Et ce, même dans les circonstances particulières qui entourent ma future union avec Damon.

Quelques messages plus tard, un rendez-vous était fixé avec la dénommée Charlie le soir même, au Queen’s Ball. Quelques recherches sur internet m’ayant appris que l'événement était en lien avec le mois de fierté, je m’étais décidée pour une tenue de rigueur et un maquillage coloré et festif. Quelles étaient les intentions de la mystérieuse Charlie ? Me tester ? Était-elle une amie de Damon ? D’Ariane ? Comptait-elle tenter de me convaincre de faire machine arrière, pour le bien du jeune-homme autant que pour le mien ? Était-elle au courant que tout ça n’était qu’un arrangement ou bien lui avait-on servi l’histoire du coup de foudre ? C’est avec autant de questions en tête que je pousse la porte de l’immense salle de réception transformée pour l’occasion, ainsi qu’une nervosité palpable. Mes pas me guident vers le bar puisque c’est là qu’elle a dit qu’elle m’attendrait et, en apercevant au loin une blonde d’une vingtaine d'années, je me dirige dans sa direction. « Charlie ? » La demoiselle tourne la tête et, moi, je poursuis. « Megan. Je sais pas si t’avais vu une photo de moi ou pas. » Si un de mes amis m’annonçait épouser une illustre inconnue, j’aurais fouillé ses réseaux sociaux de fond en comble, peut-être l’a-t-elle fait aussi. « J’étais même pas au courant. Pour l’enterrement de vie de jeune fille. Ariane ? » La situation est si étrange que, même moi qui suis pourtant habituellement pleine d’assurance, je ne sais comment me comporter en présence de l’amie - ? - de mon promis.

Un enterrement de vie de jeune fille est toujours une bonne idée. Même quand vous ne connaissez absolument pas la mariée, pas même son prénom, et encore moins son apparence. Si beaucoup auraient pu être impressionnés ou même étonnés par la proposition soudaine, cela n’a absolument pas été le cas de la jeune femme qui, au contraire, a purement et simplement sauté de joie. Charlie a l’impression que sa vie s’assagit bien plus que de raison et elle sait que ce n’est pas une pente qu’elle pourra suivre bien longtemps, raison pour laquelle elle n’a pas hésité une seule seconde à accepter la proposition et mener sa propre enquête sur l’inconnue - surtout si elle épouse Démon en ayant l’air de sortir de nulle part.

Quelque sms échangés, un franc parler incomparable et une rigoureuse recherche sur les réseaux sociaux plus tard, Charlie était capable de dresser le portrait de la future madame Williams. Déjà, elle imagine que c’est bien plus elle plutôt que lui qui a demandé l’autre en mariage. N’en démente son prénom, la blonde n’imagine pas un seul instant le garçonnet s’aventurer dans un mariage, surtout pas à son âge, et encore moins en étant fidèle. Note à elle même : ne pas préciser ce dernier détail. Elle préfère donc se concentrer sur le moment présent, profitant ainsi de l’ambiance festive, du bal, des costumes en tout genre et des vêtements et maquillages variés, en adéquation avec le sien et plus encore avec celui de Megan qu’elle reconnaît la seconde suivant son apostrophe. « Charlie ? » Ladite Charlie sourit déjà de toutes ses dents, heureuse qu’elle soit effectivement venue.

« Megan. Je sais pas si t’avais vu une photo de moi ou pas. »
“Bien sûr. Tu es toujours aussi jolie en vrai.”

Parce que les photos se retouchent trop facilement, tout le monde connaît la chanson. Megan, elle, n’a pas besoin de choses comme ça, le démontrent sans aucun mal ses grands yeux bleus et ses cheveux blonds. Démon a décidément un type, il faut croire, et cette simple idée suffit à l’amuser. “Ravie de te rencontrer.” Elle finit enfin par statuer, souriante, avant de lui proposer sa main pour qu’elle la serre. Vieilles habitudes qu’elle a du mal à perdre, surtout parce qu’elle ne fait aucun effort pour que ce soit le cas. « J’étais même pas au courant. Pour l’enterrement de vie de jeune fille. Ariane ? » Oh. Peut-être qu’Ariane avait précisé que c’était une surprise ? Mince, elle aurait peut-être dû expliquer ses explications jusqu’au bout, cela lui aurait évité de finir sur un bûcher. “Fais semblant d’être étonnée quand elle te l’annoncera, ma tête irait très mal au bout d’un pique.” Parce que c’est l’endroit où Ariane irait la place si elle venait à apprendre qu’elle avait vendu la mèche aussi rapidement, sous le coup d’aucune pression que ce soit en ce monde. Mine de rien, la jeune femme tient plutôt à la vie, elle trouve le concept intéressant. “Mais promis, elle devrait pas être si terrifiante que ça en belle-mère.” Tout est dans le “devrait” parce qu’en réalité, Charlie n’a aucune assurance à ce sujet et elle se contente d’essayer de se sortir des problèmes dans lesquelles elle s’est elle-même catapultée. “J’ai trouvé ça bizarre qu’elle l’organise elle-même, d’ailleurs. Elle a menacé de mort tes amies pour qu’ils lui laissent la place ?” Finit-elle par demander en rigolant, ne perdant ainsi pas une seule seconde avant de rentrer dans le vif du sujet et lui demander davantage de détails. Des questions du genre, elle en a des centaines à avancer au mêe rythme que la musique ambiante.

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Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

Le fard à paupière argenté et les paillettes bleues que j’ai mises aux coins de mes yeux servent à me donner l’air sûre de moi, conquérantes et mystérieuse quand, au fond je me sens comme un insecte tombé dans une piscine qui se débat pour réussir à garder la tête hors de l’eau. C’est exactement ce que je fais dans le fond, sauf que je donne le change comme j’ai appris à le faire depuis des années. Charlie elle est resplendissante. Grande, longiligne et un sourire jusqu’aux oreilles, elle semble parfaitement à son aise dans cet univers. Comment connaît-elle Damon ? Suis-je censée le savoir ? La connaître ? Fait-elle partie de ses meilleurs amis, ceux dont il m’aurait forcément parlé si notre histoire était autre chose qu’une mascarade et le fait que je ne sache rien d’elle semblera-t-il suspect à la blonde ? Je me pose tout un tas de question et si je m’inquiète de donner de mauvaises réponses, c’est au regard de l’épée de Damoclès que Saül Williams maintient au dessus de ma tête, pas par bienveillance envers son fils. « Bien sûr. Tu es toujours aussi jolie en vrai. » - « Merci, t’es superbe aussi. Damon ne m’avait pas dit à quel point d’ailleurs. » Damon ne m’a rien dit du tout puisque nous sommes loin de vivre la formidable histoire d’amour que nous tentons de vendre. Peut-être qu’il y aurait une pointe d’amertume ou de jalousie si c’était le cas, mais il n’en est rien et je lui adresse un sourire éclatant pour accompagner ce compliment sincère.

« Ravie de te rencontrer. » - « Moi aussi, tout autant. » La sincérité est un peu moins au rendez-vous, mais uniquement parce que je n’attends rien de cet échange pour la simple et bonne raison que je n’avais jamais entendu parler d’elle avant qu’elle ne m’envoie de message. Je l’ai cependant trouvée culottée et amusante, autant de bons points en la faveur de la jeume femme. « Fais semblant d’être étonnée quand elle te l’annoncera, ma tête irait très mal au bout d’un pique. » Le rire qui s’échappe de mes lèvres n’a rien de forcé puisque quelques minutes à peine m’ont suffi à me faire une bonne idée de la personnalité de la rousse. Mordante, piquante, dangereuse à ses heures perdues. « Ça dépend, tu me donnes quoi en échange ? » Le ton de l’humour laisse place à un hochement de tête plus sérieux. « Ne t’en fais pas. Je m’entraînerai à avoir l’air surprise devant le miroir. » J’ajoute une grimace avant de rajouter d’un air désespéré. « Dis moi qu’elle n’a rien prévu de trop bizarre. » Je ne sais déjà pas à quoi m’attendre avec les Williams, mais c’est encore pire avec la femme de Saül. « Mais promis, elle devrait pas être si terrifiante que ça en belle-mère. » Étrangement, elle me semble tout sauf terrifiante, la rousse. Plus surprenant encore, elle a même quelque chose de rassurant, un franc parlé qui m’est bien plus familier que l’amour des convenances du reste de la famille. « J’ai trouvé ça bizarre qu’elle l’organise elle-même, d’ailleurs. Elle a menacé de mort tes amies pour qu’ils lui laissent la place ? » Oh, la voilà la première question piège. Charlie est curieuse, et je ne peux pas le lui reprocher : je le serais aussi si un ami m’annonçait s’être fiancé à une illustre inconnue. « Faudra leur demander. Mais ma colocataire traverse des moments pas faciles, je suppose que ça doit la soulager. » J’ai surtout précisé à la blonde que je ne voulais pas de ça. Raté. Je me sens comme un imposteur à présent. « Allez, je suis prête pour le test de passage. Tu peux me poser toutes les questions que tu veux. » J’esquisse un sourire amusé avant de rajouter. « C’est pour ça qu’on est là non ? Je comprends, il m’a dit que vous étiez proches. » Il ne m’a rien dit du tout mais quitte à mentir, autant le faire à fond.

« Merci, t’es superbe aussi. Damon ne m’avait pas dit à quel point d’ailleurs. » Puisqu’elle en parle, Charlie serait bien curieuse de savoir ce que Damon lui a dit d’elle puisqu’il a sans aucun doute omis le passage où leur première rencontre s’est terminée entre les draps de son appartement à Spring Hill. Ce n’est sûrement pas le genre de portrait qu’on dresse d’une amie face à sa fiancée, n’est-ce pas ? “Il ne m’avait rien dit sur toi non plus, si ça peut te rassurer.” Ça devrait, non ? C’est sûrement parce qu’il craignait qu’elle lui vole sa fiancée, ça, Charlie l’a bien compris. Elle ne s’attarde sur rien d’autre et surtout pas la question de la vraisemblance de toute la situation.

Une des priorités de Charlie reste pourtant de s’assurer du silence de Megan à propos du spoil lié à son enterrement de vie de jeune fille. Après tout, ce ne devrait pas être de sa faute si personne ne prévient personne pour un jour si important dans la vie d’une future mariée. Si les choses avec Léo n’avaient pas été aussi précipitées, elle aurait demandé à ce qu’on prépare le sien en grandes pompes. « Ça dépend, tu me donnes quoi en échange ? » Elle a de l’audace, c’est intéressant. Charlie sait déjà qui portera la culotte dans leur mariage, malgré le surnom que son mari insiste à porter tel un prénom. Il n’a rien d’un démon, le petit ange tombé du ciel, mais il n’en est pas moins attendrissant et intéressant pour autant. « Ne t’en fais pas. Je m’entraînerai à avoir l’air surprise devant le miroir. » Parfait. Cette réponse laisse Charlie souriante, quand bien même elle ne risquait pas réellement la foudre de la colère d’Ariane. Elles sont liées par bien trop de points différents pour que la rousse prenne réellement le risque de tout faire tomber et ainsi ne plus avoir le droit de voir son filleul. « Dis moi qu’elle n’a rien prévu de trop bizarre. » Elle répond d’abord par un sourire sincère, lequel n’a sans doute rien de rassurant. “Quelques strip tease sans doute mais rien de bien méchant. Je crois que c’est surtout une excuse pour qu’elle s’amuse, elle doit s’ennuyer à être mariée à un vieux.” Ce n’est sûrement pas des mot appropriés pour parler de son beau-père mais il faut dire ce qui est : il n’est plus de toute première jeunesse, et ça fait déjà un bout de temps que c’est le cas. Au moins, cette fois les mots peuvent remonter jusqu’aux oreilles de l’intéressé sans que cela ne soit d’aucune importance pour Charlie.

« Faudra leur demander. Mais ma colocataire traverse des moments pas faciles, je suppose que ça doit la soulager. » Oh. Charlie affiche une mine désolée et Megan est désormais assurée qu’elle ne remettra pas le sujet sur le tapis avant bien longtemps, certaine d’avoir dit des mots qu’elle aurait dû garder pour elle. “Désolée.” C’est une habitude pour la jeune mariée, elle s’en formalise de moins en moins mais n’a de cesse de vouloir le bien d’autrui, surtout la future femme de Damon qu’elle ne voudrait pas laisser s’enfuir. Il est bien chanceux de l’avoir trouvée, le garçon. « Allez, je suis prête pour le test de passage. Tu peux me poser toutes les questions que tu veux. » Elle est franche et n’a pas peur d’oser, ce sont autant de bons points pour la jeune femme. Plus la discussion avance et plus Charlie a hâte de les emmener tous les quatre dans des rendez-vous organisés auxquels elle sera sans doute la seule à vouloir assister, quand Damon et Léo seront occupés à noter les serveurs et compter le nombre de dalles au plafond. « C’est pour ça qu’on est là non ? Je comprends, il m’a dit que vous étiez proches. » Il a du se garder de préciser à quel point ils avaient pu l’être mais peu importe, c’est un détail qu’elle saura faire ressortir un jour où elle sera énervée. “Pourquoi est-ce qu’il a gardé ton existence pour toi pendant tout ce temps ? Vous vous êtes connus à New York ou quelque chose comme ça ? Il s’est bien gardés de nous dire qu’il avait une petite amie.” Elle est un trésor qu’il avait décidé de garder pour lui, le petit blagueur. Sacré Williams. La connaissance de son existence n’aurait certainement pas empêchée Charlie de coucher avec lui mais elle serait tombée de moins haut en apprenant son mariage à venir, lequel semble sorti de nulle part. “J’ai demandé mon meilleur ami en mariage sur un coup de tête, ceci dit, je peux comprendre que ça arrive à d’autres.” C’était aussi pour dégager sa grognasse d’ex-femme mais elle est un détail de l’histoire qui ne vaut pas la peine d’être porté à sa connaissance.

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Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

« Il ne m’avait rien dit sur toi non plus, si ça peut te rassurer. » J’esquisse un mince sourire et un hochement de tête compréhensif. La version que nous avons prévu de vendre au reste du monde explique pourquoi il n’a parlé de moi, de nous, à personne, alors je ne suis pas déstabilisée. « On voulait jouer aux petits cachotiers. Faut pas lui en vouloir pour ça. » Elle n’a pas l’air de mordre, Charlie. Si je suis ravie que Damon  - mon fiancé - et moi ayons pris le temps d’accorder nos violons sur les détails de notre relation, c’est parce que cela m’aidera à être à l’aise et à faire bonne figure sans craindre de contredire une information qu’il aurait déjà donnée à chacune des question de la blonde. « Mais j’avais hâte de rencontrer tous ses proches. » D’une main et en quittant la jeune femme des yeux que quelques secondes, je hêle le barman alors qu’il termine de servir d’autres clients. « Et hâte qu’il rencontre les miens. Il était temps qu’on officialise notre relation. » Je ne saurais dire sur laquelle de nous deux s’attarde plus longtemps le jeune barman alors qu’il prend ma commande - j’insiste pour payer la prochaine consommation de la blonde - mais il finit par s’éloigner et je me reconcentre sur la demoiselle, l’interrogeant au passage sur l’événement qui nous a conduites ici, à savoir mon enterrement de vie de jeune fille. Seigneur.  

« Quelques strip tease sans doute mais rien de bien méchant. Je crois que c’est surtout une excuse pour qu’elle s’amuse, elle doit s’ennuyer à être mariée à un vieux. » - « Je connais encore mal ses parents. Mais après l’avoir rencontré lui, elle a presque l’air adorable, Ariane. » Je laisse échapper un rire gêné que je n’ai pas réellement besoin de feindre. Si j’ai ce qu’il faut pour tenir à tête au patriarche Williams, il n’en reste pas moins vrai qu’il me fait froid dans le dos. « Désolée. » - « C’est rien, t’en fais pas. » Je m’excuse mentalement auprès de Shiloh, dont j’utilise l’histoire personnelle au service de mon mensonge. Mais ce que l’on ignore ne peut pas nous blesser, non ? Et malgré tout, je reste une amie fidèle et je n’ai pas l’intention de m’épancher sur ces moments pas faciles qu’elle traverse.

Elle brûle de curiosité Charlie, ça se voit dans ses yeux et ça transpire de tous ces pores. Mais elle n’a pas l’air du genre de fille qui tenterait de me piéger pour autant et, lorsque le barman dépose devant nous nos deux consommations, je suis détendue et me permets même de lui tendre la première perche. Si je veux qu’elle pense que je n’ai rien à cacher, autant me jeter à l’eau. « Pourquoi est-ce qu’il a gardé ton existence pour lui pendant tout ce temps ? Vous vous êtes connus à New York ou quelque chose comme ça ? Il s’est bien gardé de nous dire qu’il avait une petite amie. » La longueur de la tirade me laisse penser qu’elle ressasse ces questions depuis qu’elle a appris mon existence à moi, la petite amie. Je n’ai pas le temps de répondre à une question qu’elle a déjà enchaîné avec une autre. « J’ai demandé mon meilleur ami en mariage sur un coup de tête, ceci dit, je peux comprendre que ça arrive à d’autres. » - « Ton meilleur ami ? Tu as demandé ? » Je porte la paille de mon cocktail à mes lèvres avant de la pointer du doigt. « Ça c’est une histoire que j’ai envie d’entendre. J’aurais aimé être aussi audacieuse que toi, mais c’est lui qui a fait sa demande. » Il est énorme d'ailleurs, je caillou que je porte à mon annulaire gauche. J’esquisse un sourire, pince et mord le coin de ma lèvre comme la jeune fille follement amoureuse que je suis supposée être. « New-York ? J’ai l’air d’une Américaine ? » Je grimace avant d’éclater de rire. « Non, rien de tout ça, on s’est rencontré ici, à Brisbane, juste après le nouvel an. » Les questions restent basiques, nous avons assez répété pour que je réponde sans chercher mes mots. « Shiloh, c’est ma colocataire, n’allait pas très bien et je voulais pas lui jeter mon bonheur au visage. Pour Damon c’est avec sa famille que c’était compliqué à l’époque et… Je sais pas, on avait envie de garder ça juste pour nous. » Je pose ma joue sur mon épaule, comme pour cacher d’éventuelles rougeurs alors que je me livre sur une histoire que nous n’avons pas vécue. « Tu dois te dire qu’on est fous de déjà se marier, non ? »

Megan semble avoir la réponse toute trouvée expliquant qu’il n’a jamais été question de son existence. « On voulait jouer aux petits cachotiers. Faut pas lui en vouloir pour ça. » Alors elle ne leur en veut pas, c’est aussi simple que cela. Pour avoir longtemps aimé jouer à la petite cachotière, elle serait bien mal placée pour faire une telle chose, même si en réalité ce ne serait pas la première fois qu’elle condamnerait des actes qu’elle a elle-même réalisés. Aussi cliché cela puisse-t-il être, si elle peut rendre Damon heureux alors Charlie ne fera rien pour la chasser. Elle et belle et bien qu’il le soit aussi, il est surtout un gamin un peu stupide, il ne faut pas chercher bien loin pour savoir lequel des deux gagne au change. En plus, Megan est polie, elle. Ce n’est en réalité une qualité que Charlie vante en temps normal, seulement quand cela l’arrange ; comme en cet instant alors qu’elle explique avoir hâte de rencontrer les proches de Damon. Si elle souhaite rencontrer Léo, il faudra lui expliquer que cette-fois il ne pourra pas se cacher dans les toilettes : cela risque d’être compliqué.

Les verres sont commandés et le serveur complimenté sans que cela n’aille à l’encontre des bijoux sur les annulaires des deux jeunes femmes. « Je connais encore mal ses parents. Mais après l’avoir rencontré lui, elle a presque l’air adorable, Ariane. » - “J’en pense la même chose, je comprends pas pourquoi elle a l’air de terroriser autant de personnes.” Parce qu’elle n’est pas effrayante, Ariane, elle est simplement cool. Elle vit chaque chose comme si elle allait mourir demain, c’est un trait de cractère qui plaît beaucoup à la blonde et elle est heureuse que ce soit partagé avec la seconde. Je laisse échapper un rire gêné que je n’ai pas réellement besoin de feindre. Si j’ai ce qu’il faut pour tenir à tête au patriarche Williams, il n’en reste pas moins vrai qu’il me fait froid dans le dos. “Je sais pas grand chose sur son père, par contre. Au moins ce n’est pas lui que tu épouses.” Ce qui signifie qu’elle ne devra faire avec sa présence qu’à de rares repas de familles ou événements liés, sans doute rien de bien méchant ni même de compliqué. Au moins elle n’a pas ce genre de problème avec les parents de Léo, ni lui avec les siens.

Aux questions de Charlie s’ensuivent des anecdotes personnelles qu’elle distille à Megan comme si elles se connaissaient depuis toujours. « Ton meilleur ami ? Tu as demandé ? » Les lèvres autour de la paille de son cocktail, elle ne prend pas même le temps d’avaler sa gorgée qu’elle est déjà en train de hocher de la tête. “Si j’avais attendu après lui, j’aurais fini célibataire.” Parce qu’ils sont directement passés de ‘amis’ à ‘mariés’, n’ayant pas bien compris l’évolution supposée de chaque couple. Tant pis. Maintenant, elle serait prête à lui faire vivre un enfer si jamais il venait à vouloir lui demander de signer des papiers de divorce. “Je me suis toujours dit qu’il en aurait été de même pour Damon.” ‘Toujours’ étant relatif à en juger par le temps depuis lequel ils se connaissant, mais elle sait que Megan aura tout de même compris le fond de sa pensée. A défaut, cela ne l’empêche pas de déjà prendre une gorgée supplémentaire. Elle est presque étonnée d’entendre que le jeune fiancé a fait sa demande lui-même. “Il y est arrivé sans bégayer ? Il l’a fait sur la patinoire du Rockfeller center, au moins ? Oh non, me dis pas qu’il l’a fait à l’arrière d’un bus touristique ou dans un de leurs fast food.” Il aurait été capable d’oublier vouloir la demander en mariage pour finalement s’en souvenir dans la chambre de leur hôtel, après une journée à avoir arpenté la ville, les pieds en compote et l’envie de dormir prédominant toutes les autres. “Mince, oublie le Rockfeller si t’es pas New Yorkaise.” Elle ne la pensait pas Américaine non plus, à vrai dire, mais la voyait plutôt comme une étudiante voulant apprendre dans une ville prestigieuse. Elle est trop belle pour venir de ce pays-là, cela va de soi. Avouons-le, Charlie donnait aussi bien plus de crédit à une rencontre à l’autre bout du monde, surtout dans une ville aussi romantique que New York. "Mais je veux toujours savoir comment il s'est débrouillé."

Les explications de Megan sont claires, elles arrivent une à une sans difficulté et Charlie se concentre pour les retenir, elles autant que les prénoms allant avec les rôles associés. Elle a l’air d’être éperdument amoureuse du blond, au point de faire sourire Charlie à son tour alors qu’elle a toujours rêvé d’une histoire de la même trempe. Finalement, elle a sans doute marié le moins romantique homme de cette Terre mais cela ne l’empêche pas de l’aimer sincèrement. « Tu dois te dire qu’on est fous de déjà se marier, non ? » Faisant la moue, elle lui signifie ainsi que c'est loin d'être la première pensée qui lui a traversé l'esprit. "Non. Je pense que vous êtes courageux de le faire aussi jeune." Cela signifie vivre toute leur vie auprès d'une seule et unique personne, chose dont elle aurait douté être capable quelques années plus tôt - quand bien même elles n'ont pas beaucoup d'années d'écart. "Vous allez vivre ensemble, ça veut dire ? Je comprends mieux pourquoi Damon a toujours refusé d'être notre colocataire, alors." Puisqu'il était amoureux, cela l'excuse de tout.

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Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

Si Damon semblait craindre que la rousse me fasse subir un réel interrogatoire, pour l’instant je la trouve sympathique, curieuse sans être indiscrète, et prête à me croire sans chercher les failles dans mon histoire. Pourquoi le ferait-elle après tout ? C’est d’un mariage qu’il s’agit, un peu rapide certes, mais on en annonce tous les jours. Mon fiancé était peut-être un peu trop paranoïaque, à croire que ses proches chercheraient à tout prix la petite bête. « J’en pense la même chose, je comprends pas pourquoi elle a l’air de terroriser autant de personnes. » - « Je crois que j’arrive à l'imaginer. » Ariane n’a pas sa langue dans sa poche : elle dit les choses quand elle les pense et quand elle les pense avec mordant et une certaine dose de cynisme. A mes yeux, ce sont des qualités, mais pour les bien pensants, il s’agit certainement d’une chose à laquelle ils ne sont pas habitués. « Tu la connais comment ? » Curieuse de nature, je me demande si j’ai encore raté quelque chose, un lien entre Charlie et les Williams qui m’aurait échappé. De toute façon, j’ai vite compris qu’avec cette famille il fallait s’habituer à aller de surprise en surprise. « Je sais pas grand chose sur son père, par contre. Au moins ce n’est pas lui que tu épouses. » Je manque de m’étouffer avec la gorgée de cocktail que je suis en train d’avaler et, après une toux teintée d’hilarité, j’arrive finalement à articuler une réponse. « Dieu soit loué, non c’est pas lui. » Si je fréquente un homme plus âgé, Saül lui l’est vraiment plus et surtout il me fait bien trop froid dans le dos pour que la simple évocation de cette idée ne me semble pas saugrenue.

Elle est agréable Charlie. Un peu à la façon d’Ariane, elle ne me donne pas l’impression d’être de trop dans la pièce et semble s’intéresser sincèrement à moi et à mon histoire avec le jeune homme. Ses questions ne sont pas forcées, son intérêt n’est pas simulé et son contact me fait du bien. Si je suis reine des faux semblant, je n’en reste pas moins sensible à l’environnement qui m’entoure et ces derniers temps, l’ambiance a été trop lourde pour que la blonde ne représente pas un vent de fraîcheur. « Si j’avais attendu après lui, j’aurais fini célibataire. » - « Mais vous sortiez déjà ensemble ? Ou pas du tout ? » Elle sait ce qu’elle veut, et ça aussi c’est un bon point pour elle. Décidément, mon futur époux semble aimer s’entourer de femmes de caractère et je me fais la réflexion que, dans un autre contexte, il m’aurait certainement sincèrement appréciée. « Je me suis toujours dit qu’il en aurait été de même pour Damon. » - « Qu’il finirait célibataire ou qu’il oserait jamais poser le genou à terre ? » Comprendre comment il est perçu par ses proches, c’est le cerner lui et avoir des réponses qu’il ne m’aurait certainement pas fournies. « Il y est arrivé sans bégayer ? Il l’a fait sur la patinoire du Rockfeller center, au moins ? Oh non, me dis pas qu’il l’a fait à l’arrière d’un bus touristique ou dans un de leurs fast food. » Mes lèvres s’étirent un peu plus encore - c’est de rigueur, je suis supposée ressentir de la tendresse et de la nostalgie en repensant à ce moment si particulier, non ? « Il a presque pas bégayé, mais non c’était pas... » -« Mince, oublie le Rockfeller si t’es pas New Yorkaise. » Les questions s'enchaînent sans que je n’ai le temps de répondre, l'enthousiasme de la blonde est palpable, communicatif et, dans un sens, il m’aide à jouer la comédie. « Mais je veux toujours savoir comment il s'est débrouillé. » Évidemment qu’elle le veut. « Il a débarqué chez moi un vendredi midi en me disant de faire ma valise et de prendre mon passeport. » Elle va l’aimer, l’histoire dont nous avons convenu. « Il a fait des pieds et des mains pour que je puisse pas lire la destination du vol dans l’aéroport, je l’ai découvert une fois dans l’avion. On allait à Bali et... » Et j’esquisse un sourire timide, je détourne les yeux quelques secondes avant de les replanter dans les iris bleus de la blonde. « Il a fait sa demande là-bas. Quand on était juste tous les deux. » Romantique mais pas trop, l’histoire de compte de fée façon vingt et unième siècle.

« Non. Je pense que vous êtes courageux de le faire aussi jeune. » Et je n’en attendais pas moins d’une jeune femme - elle semble à peine plus vieille que moi - qui elle même demandé sa main à son meilleur ami. « On sait que c’est tôt. Mais c’est la première fois que je rencontre quelqu’un et que j’ai la certitude si rapidement que je veux passer ma vie avec lui… Et je sais que c’est pareil pour Damon. » Je m’exprime avec pudeur, une pudeur qui nous protégera certainement de recevoir plus de questions. « C’est chouette si tu comprends. » Et puisque je suis supposée être ravie que Damon soit entouré de personnes aussi bienveillantes, je lui adresse un sourire sincère et un regard de connivence. « Vous allez vivre ensemble, ça veut dire ? Je comprends mieux pourquoi Damon a toujours refusé d'être notre colocataire, alors. » - « On cherche, on est un peu compliqués mais le plus tôt sera le mieux. » Sur le ton de la confidence, j’ajoute l’évidence. « Je suis pas particulièrement fan de sa colocataire actuelle. » Je ne sais rien d’elle à vrai dire, mais je suppose qu’il existe peu de futures mariées qui tolèreraient que leur fiancé vive sous le même toit qu’une autre femme.

Certaines questions sont plus faciles que d’autres à répondre. La dernière en date de Megan, en tout cas, laisse un sourire certain sur le visage d’une Charlie amusée. « Tu la connais comment ? » Par où commencer ? C’est une histoire en plusieurs chapitres qu’elle se doit de résumer en quelques mots, enlevant ainsi volontairement tous les détails croustillants qui la caractérisaient. C’est dommage, pourtant, parce qu’il y avait bien des choses à dire. “Elle était la meilleure amie de mon ex petit-ami. Mais je suis convaincue qu’il en pinçait pour elle, de toute façon.” En fait, elle était en couple avec le meilleur ami de son ex petit-ami (lequel il aurait sans doute voulu embrasser s’il en avait eu la possibilité, cela ne change pas). Tout se conjugue au passé, les deux femmes ayant perdu contact avec les hommes cités, sans que ce soit réellement pour les attrister moindrement. Charlie hausse les épaules ; ce n’est pas très intéressant, au final.

Parler de Léo, par contre, sera éternellement un sujet intéressant. Il y a beaucoup de choses à dire sur lui et elle pourrait continuer pendant des heures sans jamais s’en lasser - mais en sachant pourtant que cela ennuierait sans aucun doute Megan. « Mais vous sortiez déjà ensemble ? Ou pas du tout ? » Si on ne connaissait pas Charlie, on pourrait dire que le sourire qu’elle affiche est gêné. Rien de moins vrai là-dedans. “Pas du tout. Il était marié à une fille qu’il a rencontrée dans l’émission ‘Mariés au premier regard’. Tu y crois, toi ? Il s’est marié à une parfaite inconnue, il est stupide.” Et Charlie lui a donc gentiment demandé à ce qu’on lui montre la porte. Rien de plus logique là-dedans, non ? Elle se serait davantage étendue sur le sujet si elles passaient une soirée entre amies, mais celle-ci a un thème plutôt particulier : savoir qui est cette Megan sortie de nulle part, et si elle est vraiment la bonne personne pour passer sa vie auprès d’un Damon bien trop tendre pour ce monde. « Qu’il finirait célibataire ou qu’il oserait jamais poser le genou à terre ? » - “Les deux ? Mais je pensais surtout qu’il n’oserait jamais prendre la moindre décision lui-même. Pas d’aussi importantes.” Il peut décider de quelle boisson prendre au bar (il en a enfin l’âge) mais pour ce qu’il en est du reste, force est d’avouer qu’elle l’imagine encore bien souvent perdu entre les jupons de sa mère, à demander l’avis de ses parents avant de prendre la moindre décision. D’ailleurs. “Il a demandé à ton père avant de faire sa demande ? Pour ça, par contre, je l’imagine vraiment vieux jeu.” A défaut de se moquer, pour une fois, elle trouve cette idée bien touchante. S’il l’a réellement fait, en tout cas. Il aurait été attendrissant, à se dandiner devant le paternel et beau père.

Après moultes et moultes questions (et réponses) de la part de la blonde, Megan semble enfin trouver le temps de raconter la façon dont il lui a fait sa demande. En face, elle peut observer une Charlie aux étoiles dans les yeux, sous le charme de leur histoire d’amour naissante et déjà digne des plus grands. “Je me demande où il a eu cette idée, mais tu as beaucoup de chance qu’il soit tombé amoureux de toi.” Elle n’est pas en train de dire qu’elle l’envie ou quoi que ce soit dans le genre, non. Charlie ne fait que stipuler une fois de plus ce qu’elle pense, sans appliquer la moindre censure à ses paroles. Ils sont jeunes et ils ont plein d’aventures à vivre, comment ne pas les trouver chanceux ? Si elle comprend pourquoi Megan a pu tomber amoureuse de Damon, elle commence aussi à se rendre compte des raisons qui ont mené à l’inverse. “Vous avez pu profiter de Bali ?” C’est une destination de rêve, après tout. Léo aussi avait eu la chance de faire un voyage après sa stupide émission, même si elle a fait au mieux pour parfaitement oublier la destination qu’il a visité avec sa pimbêche. “Et la lune de miel, alors, vous savez déjà où vous irez ?” Ce sera quelque chose de la stature de Bali, au moins, alors elle a hâte d’entendre la réponse et leurs idées pour cet événement si spécial.

Les paroles de la blonde ne font que lui confirmer leur amour une fois de plus, tout autant que leur envie de construire une vie à deux (ou plus ?). Elle est d’une simplicité rafraîchissante, heureusement qu’il n’a pas choisi l’une des ces filles de la haute qui sa la pète. « On cherche, on est un peu compliqués mais le plus tôt sera le mieux. » Un appartement, donc. Elle espère qu’ils trouveront rapidement, ils doivent avoir hâte de vivre ensemble une fois pour toutes. Ça change la vie. « Je suis pas particulièrement fan de sa colocataire actuelle. » - “J’étais pas fan de la colocataire / femme de Léo quand il en avait une non plus alors je te comprends.” Certes, celle de Damon n’est que sa colocataire mais tout de même. Une femme qui tourne auprès de son mari est toujours une femme de trop, peu importe son titre. “Tu la connais ? Tu penses qu’elle serait du genre à chercher des excuses pour qu’il reste vivre avec elle ?” Est-ce qu’elle est du genre moule accrochée à son rocher ? Si oui, alors Megan peut trouver une alliée en Charlie, laquelle l’aidera à la détester avec joie. “Elle comprendra bien qu’elle n’a pas sa place entre vous quand vous aurez cinq ou six enfants, j’imagine.” Il est italien et pour eux la famille est sacrée, alors elle imagine qu’il a su choisir une personne qui partage ses idéaux.

perfect storm
Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

« Elle était la meilleure amie de mon ex petit-ami. Mais je suis convaincue qu’il en pinçait pour elle, de toute façon. » Sans qu’aucun prénom ne me soit communiqué, cette histoire est d’autant plus compliquée à comprendre et à retenir. Le plus aberrant dans tout ça finalement, c’est d’imaginer Ariane avec des amis, tout simplement. Jusque là, elle m’a plutôt donné l’impression d’être un loup solitaire qui, par hasard ou grâce au destin, s’est entiché de la pire personne qu’il existe sur la planète. Cela dit, il faut bien une femme comme elle pour réussir à supporter le patriarche Williams au quotidien.

L’histoire n’a pas l’air de passionner Charlie et, surtout, l’histoire parle d’un ex donc je ne me risque pas à poser plus de questions. Je ne suis pas du genre à faire attention aux sentiments d’autrui pour veiller à ne vexer personne, mais je doute que mettre l’inspectrice en rogne soit la meilleur manière de survivre à l’interrogatoire qu’elle prépare certainement. « Pas du tout. Il était marié à une fille qu’il a rencontrée dans l’émission ‘Mariés au premier regard’. Tu y crois, toi ? Il s’est marié à une parfaite inconnue, il est stupide. » - « Tu plaisantes ? J’ai regardé cette émission du début à la fin. » Pas tant parce que je suis une grande romantique, mais parce que je m’intéresse à l’actualité people pour les besoins de mon métier. « C’était lequel ? » La fille, je m’en fiche. Je cherche à savoir quelle impression m’avait fait l’époux de mon interlocutrice. « Le concept est aberrant. Je me suis toujours demandé qui étaient ceux qui prenaient le risque d’épouser un parfait inconnu comme ça, à la télé. » Maintenant je sais : Léo. Et si on enlève les caméras, Damon et moi également, quelle douce ironie.

« Les deux ? Mais je pensais surtout qu’il n’oserait jamais prendre la moindre décision lui-même. Pas d’aussi importantes. » Discuter avec l’une de ses amies me permet au moins d’avoir un aperçu de la façon dont mon futur époux se comporte lorsqu’il est lui, lorsqu’il est naturel, bien plus qu’avec les siens ou avec sa famille. Pourquoi pense-t-elle ça ? Parce qu’il est jeune ? Parce qu’il est insouciant et pas vraiment du genre à s’engager. « Et bien surprise, me voilà. » Et puisque n’importe quelle histoire même farfelue passe mieux avec un sourire, je lui en offre un splendide. « Il a demandé à ton père avant de faire sa demande ? Pour ça, par contre, je l’imagine vraiment vieux jeu. » Je n’ai pas besoin de simuler le choc. Je n’arrive qu’à le dissimuler qu’à moitié puisque mon sourire se transforme en une grimace certainement peu convaincante. « Je suis certaine aussi qu’il l’aurait fait. Si ça avait été possible. » Mon paternel n’ayant jamais fait partie du tableau, sa question touche un point sensible. Elle ne pouvait pas savoir Charlie, et je vois déjà dans ses grands yeux qu’elle s’en veut d’avoir posé ce genre de question. « C’est pas grave tu sais. Et c’était une demande magnifique. Je me fiche d’avoir personne à qui tenir le bras pour remonter l’allée tant que lui m’attend au bout. » Je m’exprime avec pudeur avant de noyer ma gêne - elle est sincère - dans quelques gorgées de mon cocktail. « Je me demande où il a eu cette idée, mais tu as beaucoup de chance qu’il soit tombé amoureux de toi. » Doucement, je me fais violence pour rentrer à nouveau dans mon personnage. J’esquisse un sourire tendre, et je hoche la tête doucement avant d’ajouter que « J’ai beaucoup de chance, oui. » Charlie ne dit pas ça parce que ce sont des choses qui se font. En sondant son regard, je réalise qu’elle pense ce qu’elle dit, qu’elle en est même convaincue et, au fond, ça me rassure. Si quelqu’un comme elle trouve que mon fiancé est quelqu’un de formidable, c’est de bonne augure non ? Cela confirme mes intuitions concernant le garçon, celles qui le dépeignent comme quelqu’un de fondamentalement différent de son père, après tout. Que nous le voulions ou pas, il deviendra ma famille, moi qui en ai toujours voulu une, alors c’est rassurant de me dire que peut-être qu’à ce moment-là je le découvrirai sous le même angle que celui que Charlie côtoie. « Vous avez pu profiter de Bali ? » - « On a passé trois jours géniaux. » D’un ton plus bas, comme si je lui faisais une confidence j’ajoute. « Même si je t’avoue qu’on a pas trop quitté la chambre d’hôtel, après sa demande. » Mon sourire amusé en dit long sur les activités auxquelles nous nous sommes soi-disant adonnés là bas. « Et la lune de miel, alors, vous savez déjà où vous irez ? » - « Pas du tout. Je crois qu’il veut me faire la surprise. » Et, surtout, ça a jusqu’ici été la dernière de nos préoccupations.

« J’étais pas fan de la colocataire / femme de Léo quand il en avait une non plus alors je te comprends. Tu la connais ? Tu penses qu’elle serait du genre à chercher des excuses pour qu’il reste vivre avec elle ? » La colocataire de Damon n’est psa sa femme, mais n’importe quelle femme normalement constituait jalouserait, à mon sens, une autre femme vivant sous le même toit que son fiancé. Alors, puisque Charlie attrape avec ses deux mains la perche que je lui tends, j’en profite pour renchérir. « Non je l’ai jamais rencontrée. Jusque là, elle ignorait mon existence, comme toi. » Mes talents d’actrice me sauvent une fois de plus, puisque je jurerais qu’on lit la colère sur mon visage. « Elle lui fait du rentre dedans depuis qu’ils vivent ensemble. Du genre, je me balade sous ton nez en sous-vêtements dans l’appartement. Elle est qu’à moitié subtile dans ses allusions et, même si j’ai entièrement confiance en lui, tu peux pas imaginer comme ça me tend... » Là, tout de suite, je mens, j’improvise, je donne à Charlie ce qu’elle veut pour nourrir sa curiosité et tant pis pour cette inconnue qui est peut-être bien sous tous rapports. « J’ai hâte qu’elle sorte de ma vie. » Oups, désolée colocataire de Damon. « Elle comprendra bien qu’elle n’a pas sa place entre vous quand vous aurez cinq ou six enfants, j’imagine.” » Je manque de m’étouffer avec mon cocktail et, finalement, j’éclate de rire. « Cinq ou six ? Tu vas vite en besogne. C’est lui qui t’as dit de me parler de ça ? » J’esquisse un sourire amusé, signe que ce n’est qu’une boutade et que je ne soupçonne pas réellement le jeune homme de m’avoir piégée sur ce genre de sujet. « J’espère en avoir une de famille. Et tout ce que je peux te promettre c’est qu’on le cachera pas aussi longtemps que mon existence. » Les enfants. Avant Charlie, je ne m’étais pas posé la question. Épouser Damon, est-ce renoncer à ça aussi ? Comment le vivrais-je, le cas échéant ? Je chasse ces questions au profit d’un second verre que je commande, pour elle et pour moi en annonçant que c’est ma tournée, cette fois.

« Tu plaisantes ? J’ai regardé cette émission du début à la fin. C’était lequel ? » Elle pourrait lui répondre que c’était le plus mignon des mariés que cela ne l’aiderait pas à grand-chose ; tout est subjectif. Aux yeux de la blonde, pourtant, il n’y avait pas le moindre doute à ce sujet, et cela continue de ne pas être le cas. “Celui qui ne savait pas quoi faire de ses boucles. Léo.” (elle a déjà dit son prénom ? mince, ce n’est pas grave, elle ne perd rien à le lui rappeler) Léo qui a marié une pimbêche, Léo qui a fait mumuse avec des fichues tortues et des cascades d’eau claire et blablabla, là n’est pas le sujet. Megan a vu la même émission qu’elle, de toute façon, elle n’a pas besoin qu’on lui raconte à nouveau toute l’histoire.

Le sourire éclatant de Megan vire rapidement au désastre lorsque Charlie fait mention de son patriarche et elle n’a même pas besoin d’entendre la réponse pour se rendre compte de toutes les raisons pour lesquelles elle aurait dû aborder ce sujet avec davantage de tact et de délicatesse. Il n’est plus de ce monde, bien sûr. Pour peu, elle se taperait le front à l’image d’un stupide Dobby. Un jour, promis, elle apprendra à réfléchir avant de parler. Son excuse se lit dans la moue qu’elle lui rend et dès lors que Megan rattrape toute l’atmosphère avec quelques mots rapides, l’inspectrice la suit aussitôt dans sa manœuvre. “Je t’accompagnerai à l’autel, moi, si c’est que ça.” Elle n’a aucune légitimité ni même aucun lien avec Megan mais elle ne voudrait pas la voir traverser l’allée seule. Si elle peut aider à sa façon, alors elle le fera. Et si cela peut lui donner l’idée de trouver un être qui lui est cher (autre que Damon, petite tricheuse !) pour marcher avec elle et tenter d’éviter de le faire sur sa belle robe blanche, alors elle sera heureuse d’avoir pu aider aussi. La blonde montre pour la première fois la facette bien plus émotive et à fleur de peau de sa personnalité. Ses relations familiales sont ce qu’elles sont mais elle sait la chance qu’elle a de pouvoir au moins compter sur le bras de son père le jour de son mariage - si elle s’était mariée comme tout le monde, ça aurait été le cas.

Noyant le poisson dans l’eau et passant ainsi du coq à l’âne (quitte à utiliser des expressions animales, allons-y), la blonde en vient finalement à la questionner sur Bali. Elle a sûrement envie de voyager grâce à ses mots et d’au moins évoquer un sujet qui ne risque pas d’être épineux. Normalement. Pari réussi lorsqu’elle confesse que les quelques jours passés là-bas ne peuvent être associés qu’à de bons souvenirs et autres expériences. Charlie manque même de recracher tout son cocktail lorsqu’elle va jusqu’à lui dire qu’ils n’ont finalement eu que peu l’occasion de sortir de leur hôtel - après tout, il n’y a pas de temps à perdre pour avoir les cinq à six enfants prédits par l’Oracle Ivywreath. La confession est faite sans la moindre gêne, comme si elles se connaissaient depuis toujours et c’est ainsi la preuve ultime qu’elle a passé le test haut la main et ce sans le moindre problème. En retour, la jeune mariée lui offre un clin d'œil certain, lui assurant par la même occasion qu’elles auront tout le loisir du monde de partager leur vie intime plus tard. Leurs maris détesteront cette idée et elle les imagine déjà rougir, ce qui est sans aucun doute le plus amusant dans toute cette histoire.

Passant d’un sujet à un autre, il devient finalement tout naturel que les deux nouvelles amies liguent leur langue de vipère contre une tierce personne désignée comme le coupable idéal. La bouche de Charlie se fend d’un ‘O’ sincèrement étonné lorsqu’elle en vient à apprendre que la colocataire de Damon semble vouloir passer à l’étape supérieure avec lui. Elle se garde bien de dire que quelques mois plus tôt c’est bien elle qui faisait du rentre-dedans à son époux, et ce sans la moindre délicatesse - et qu’elle est arrivée à ses fins, qui plus est. Elle l’apprendra en temps voulu, sûrement. “Ils sont juste amis, tu penses ? Ou … elle a déjà été plus pour lui ?” Si elle voudrait lui dire qu’il est un garçon et que par conséquent il est aveugle face à bien des choses, elle sait par expérience que Damon est plutôt réceptif à une fille en sous-vêtement se pavanant devant lui, surtout si elle n’a pas de mal à lui faire des allusions. « J’ai hâte qu’elle sorte de ma vie. » Cela semble être une conclusion honnête, elle hoche donc de la tête pour approuver ces paroles et profite de l’instant pour appeler un nouveau serveur. Tout donne soif, dans ces histoires. Megan a bien plus de choses à raconter et partager qu’elle n’aurait pu l’espérer. « Cinq ou six ? Tu vas vite en besogne. C’est lui qui t’as dit de me parler de ça ? » Le sourire des deux blondes grandit en miroir alors que la plus âgée des deux se penche à peine plus sur la table, comme si elle voulait soudainement devenir moindrement impressionnante lors d’un interrogatoire. Bien sûr, l’effet n’y est absolument pas et elle se sait par avance totalement risible. “Alors il en veut bien lui aussi, j’ai raison ?” La soirée est prévue pour obtenir des informations au sujet de la future mariée mais personne n’a dit qu’elle ne pouvait pas en profiter pour faire de même avec le marié. « J’espère en avoir une de famille. Et tout ce que je peux te promettre c’est qu’on le cachera pas aussi longtemps que mon existence. » C’est un sujet que Charlie a commencé à maîtriser bien plus tôt que prévu, raison pour laquelle son sourire se veut ému pour des dizaines de raisons différentes. Elle leur souhaite de vivre de belles aventures avant d’avoir des enfants, tout comme elle leur souhaite d’en avoir autant qu’ils veulent, tous en bonne santé. Quoi qu’il advienne, elle sait aussi qu’ils seront heureux avec des parents tels qu’eux, entre la douceur de Damon et l’énergie de Megan. Si elle apprend encore à les connaître tous les deux, ils dégagent de très bonnes ondes qui ne peuvent être remises en question. “J’aime bien cette promesse, même s’il y a fort à parier qu’il sera plus compliqué de cacher ton ventre que ça ne l’a été pour toi.” Nier l’existence d’une petite amie n’a rien de compliqué ; celle d’une grossesse, là, c’est d’un tout autre niveau. Les mots de la jeune femme sont encore prononcés sur le ton de l’humour mais elle n’en pense pas moins. “Je pense qu’il risque de t’en parler plus sérieusement quand il aura son propre travail, et qu’il ne sera plus stagiaire. Le cliché du père qui subvient aux besoins de sa famille, tout ça, mama mia, carbonara, bella ciao, buongiorno.” Tout ça pour dire que ce sont des clichés autant que des envies qui coulent sûrement dans ses veines d’italien - c’est pour ça, le mamma mia et tout ce qui s’en est suivi - et qu’il a beau être un gamin aux yeux de Charlie, elle ne doute pas un seul instant qu’il soit capable de voir plus loin que le bout de son nez. “Il m’a dit que tu étais photographe ? Ça te plaît sincèrement ? Tu es à ton compte ?” Est ce qu’elle est libre, alors ?

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Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

« Celui qui ne savait pas quoi faire de ses boucles. Léo. » J’analyse, je me repasse les images de la saison et je crois même parvenir à mettre un visage sur ce prénom, un visage sur le mari de Charlie qui n’avait jusque-là que ce statut-là. Le mari de Charlie est donc une immense asperge qui ne savait quoi faire de ces mains quand une petite brune s’est avancée vers lui - si ma mémoire ne me fait pas défaut - et en relevant mes yeux vers Charlie, je me fais la réflexion que ce n’est peut-être pas le meilleur sujet de conversation, le mariage de l’homme qu’elle aime à une autre. « Je crois que je me souviens de lui. » Il dégageait quelque chose de doux, quelque chose qui va bien avec la demoiselle que je découvre un peu. « De toute façon cette émission c’est un ramassis de conneries. Personne s’attend à ce que les histoires durent. » Sauf les gens comme Shiloh. Ma colocataire  a mis toute son âme dans la saison de cette année, persuadée d’avoir sous les yeux des images de couples parfaits et de gens fait l’un pour l’autre sans l’avoir jamais soupçonné. Moi, je ne regarde que pour me tenir au courant, mais ce serait bien compliqué à expliquer à quelqu’un qui ignore ce que je fais réellement dans la vie.

S’il y a bien quelque chose qui n’est absolument pas calculé dans tout ça, c’est ma réaction lorsqu'il est question de mon père. Mon père, supposé mener la vie dure à mon fiancé pour s’assurer qu’il soit assez bien pour sa petite fille, mon père, supposé ravaler des larmes d’émotions au moment de me mener à l’autel, mon père ou, plutôt, cet éternel absent. Depuis que j’ai atteint l’âge adulte, j’ai déjà tenté de faire des recherches, mais elles n’ont rien donné alors je me convaincs que je m’en fiche. Sauf que la perspective de n’avoir strictement personne à asseoir du côté de la mariée le jour de la cérémonie me fait froid dans le dos, maintenant que le sujet est abordé. Qui viendra, à part Shiloh et une ou deux autres connaissances ? Qui me conduira à mon futur époux comme la tradition le veut ? Je préfère mourir que d’attraper le bras de mon futur beau père pour l’occasion. « Je t’accompagnerai à l’autel, moi, si c’est que ça. » Sa remarque et sa douceur m’aident à recomposer mon sourire et, par souci d’avoir vexé la blonde, je refoule ces pensées noires au second plan. Ce mariage n’est qu’une mascarade de toute façon, pourquoi devrais-je me soucier d’être seule pour ce jour-là ? « Tu pouvais pas savoir tu sais. » J’ignore ce qu’elle croit avoir compris, mais tant que ça m’offre la certitude qu’elle ne reviendra pas sur le sujet famille, ça me convient.

« Ils sont juste amis, tu penses ? Ou … elle a déjà été plus pour lui ? » Un sujet épineux en entraînant un autre, nous voilà à parler de la mystérieuse colocataire de mon promis. Épineux, le sujet ne l’est qu’en apparence puisque j’invente ma jalousie de toute pièce, cette fois. « Je… Je sais pas. Tout est allé si vite qu’on a pas réellement abordé le sujet des exs lui et moi. C’est certainement pour ça que je suis pas à l’aise à l’idée de le laisser vivre avec cette fille. » Je mets toute l’amertume du monde dans ces deux derniers mots pour mieux vendre mon histoire. Avoir une ennemie en commun, ça a toujours rapproché non ? « Je sais qu’il était plutôt volage avant moi. On a été honnêtes l’un avec l’autre concernant ça. » Je ne veux pas qu’elle s’imagine dès notre premier échange que notre couple est bancal. « Mais j’ai pas besoin d’une liste de noms. J’ai assez confiance en lui pour savoir qu’il fera rien de déplacé. » Comme c’est beau.

« Alors il en veut bien lui aussi, j’ai raison ? » Elle ne lâche rien la blonde. Damon avait raison de me prévenir, de m’assurer qu’elle tenterait de me tirer les vers de nez et de fouiner. Pour l’instant, c’est assez innocent et je ris comme si elle m’avait eue, prise la main dans le sac. « Oui, il en veut aussi. » A vrai dire je n’en sais rien : le sujet ne risque pas d’être venu sur le tapis entre nous mais de toute façon, je suis à peu près certaine que c’est la version que le patriarche attend de moi. « J’aime bien cette promesse, même s’il y a fort à parier qu’il sera plus compliqué de cacher ton ventre que ça ne l’a été pour toi. » - « Oui, je prends pas trop de risques. » J’ai l’impression de parler de quelqu’un d’autre que de moi, d’un autre couple que celui que je forme avec le jeune homme et, contre tout attente, entrer dans la peau d’un autre personnage rend tout ça bien plus facile. « Je pense qu’il risque de t’en parler plus sérieusement quand il aura son propre travail, et qu’il ne sera plus stagiaire. Le cliché du père qui subvient aux besoins de sa famille, tout ça, mama mia, carbonara, bella ciao, buongiorno. » Elle est drôle Charlie. Je me laisse aller à un rire sincère et cette fois-ci c’est à mon tour de manquer de recracher un peu de mon cocktail. « Oui. On sait que pour l’instant on a tout fait trop vite. Pour ça, on prendra le temps qu’il faut. » Autrement dit, ne t’attends pas à voir mon ventre arrondi avant la fin de l’année. « Et je te promets d’ailleurs que c’est pas pour ça qu’on se marie. Je ne suis pas enceinte. » Je doute qu’elle l’ait vraiment cru, il ne s’agit que d’un trait d’esprit que j’accompagne d’un nouveau rire.

« Il m’a dit que tu étais photographe ? Ça te plaît sincèrement ? Tu es à ton compte ? » - « Il m’a dit que tu étais inspectrice de Police. Mais jusque là, je me sens pas vraiment cuisinée. » L’interrogatoire est léger, l’inspection facile à passer. « Oui, je suis photographe de presse. » Jusque là, pas de mensonges. « Je bosse à mon compte sur des shootings, principalement pour des magazines de mode, mais ça m’arrive de faire de l’aménagement d’intérieur, ou des photos de jardin pour la presse spécialisée. » J’ai tant de fois répété cette histoire que j’y croirais presque. « Ça me permet de bosser de ma passion, même si je préfèrerais être une vraie photographe tu vois, une artiste. »

« De toute façon cette émission c’est un ramassis de conneries. Personne s’attend à ce que les histoires durent. » Leur histoire allait fêter leur premier anniversaire, Charlie s’est donc assurée que cela ne serait jamais le cas. Son avis n’a aucun mal à rejoindre celui de sa comparse blonde, pour d’évidentes raisons. Au moins, Damon n’aurait jamais l’idée de marier une inconnue, lui - prends notes, Léo.

Soucieuse de rapidement enterrer (mauvais choix d’expression, sans doute) le sujet autour du paternel de Megan, la jeune femme se laisse séduire par une discussion piquante autour de la colocataire de leur connaissance commune. Aucune des deux ne la connaît mais cela n’empêche en rien les jeunes femmes de se trouver une certaine animosité à son encontre. A défaut que les questions soient personnelles, elles se tournent donc vers cette tierce personne dont les oreilles doivent siffler. « Je… Je sais pas. Tout est allé si vite qu’on a pas réellement abordé le sujet des exs lui et moi. C’est certainement pour ça que je suis pas à l’aise à l’idée de le laisser vivre avec cette fille. » Le fait qu’ils n’aient pas décidé de mettre la lumière sur leur passé sentimental étonne quelque peu Charlie mais peut-être que les autres personnes ne sont pas comme elle, à ajouter soigneusement chaque prénom d’ex petite amie (ou petit ami) dans son Death Note personnel. Megan n’a pas l’air du genre à accepter que son fiancé soit ami avec ses ex, mais elle n’a pas non plus l’air aussi tranchée que peut l’être la jeune policière. Elle dégage une aura bien plus douce qu’elle ne l’aurait cru, en réalité. “Je lui connais aucune ex. Soit il est vraiment très discret, soit elle n’a jamais su franchir la moindre étape.” Soit Damon est vraiment un garçon qui ne sait pas prendre la moindre décision, ce qui est aussi une possibilité acceptable mais qu’elle préfère encore ne pas avancer face à Megan. Elle s’est bien assez moquée du blond pour ce soir, son image ne mérite pas d’être ternie. « Je sais qu’il était plutôt volage avant moi. On a été honnêtes l’un avec l’autre concernant ça. » Charlie hoche la tête, soulagée qu’ils aient au moins eu cette conversation là. Ainsi, le nom des personnes avec qui il a été volage ne devrait pas avoir beaucoup d’importance, désormais, et elle n’a pas l’impression de lui mentir si elle ne lui précise pas les conditions exactes de leur rencontre. « Mais j’ai pas besoin d’une liste de noms. J’ai assez confiance en lui pour savoir qu’il fera rien de déplacé. » Et enfin, elle lui sourit doucement. Ce n’est pas une réaction préméditée pour en venir à un quelconque but, loin de là. “Tu as raison. Quand il était célibataire c’était une chose, mais aujourd’hui je l’imagine mal regarder qui que ce soit d’autre que toi.” Quand bien même elle n’a jamais connu Damon en couple, c’est une pensée qu’elle a instinctivement à son égard. Si le garçon sait s’amuser, il a aussi des principes profondément ancrés en lui, que le mariage ne fait que conforter encore un peu plus.

Le sujet des enfants est abordé avec un peu plus de recul, d’humour aussi. Charlie tente de ne pas lui mettre la pression (trop tard ?) et encore moins d’utiliser son histoire comme exemple ou contre-exemple, peu importe. Ils auront de beaux bébés, quand ils jugeront le moment opportun pour en avoir. Que ce soit demain ou dans plusieurs années, ce n’est pas un fait que la blonde est apte à juger, elle n’en a pas même envie. Chaque parole de Megan est bue avec soin, sa parole ne pouvant être remise en doute. « Et je te promets d’ailleurs que c’est pas pour ça qu’on se marie. Je ne suis pas enceinte. » Son rire est sincère, une fois de plus. Si elle n’avait jamais pensé à cette possibilité, voilà qu’elle en vient à faussement douter des paroles de la photographe, jouant de ses sourcils pour le lui montrer. Quand elle disait ‘demain’ pour la date de naissance du bébé, ce n’était qu’une façon de parler voyons.

Ils ont beaucoup parlé d’eux mais bien moins d’elle, finalement, et Charlie s’en rend compte au moment de la questionner davantage sur sa vie professionnelle. « Il m’a dit que tu étais inspectrice de Police. Mais jusque là, je me sens pas vraiment cuisinée. » Son sourire est moins accentué, désormais. Plus professionnel, sans doute. “Je n’ai pas de motif sérieux pour te faire subir un interrogatoire en règles.” Il n’est plus question de blaguer et, le temps d’un instant, elle plonge ses yeux dans les siens sans afficher une éternelle sympathie sur son visage. Elles sont des amies du même camp tant que rien ne vient prouver le contraire, mais Charlie n’hésiterait pas un seul instant à choisir le parti de Damon à la moindre adversité. « Oui, je suis photographe de presse. » Ca a l’air d’être quelque chose de sérieux. « Je bosse à mon compte sur des shootings, principalement pour des magazines de mode, mais ça m’arrive de faire de l’aménagement d’intérieur, ou des photos de jardin pour la presse spécialisée. » - “C’était plus glamour de juste dire ‘photographe de presse’.” Son sourire revient doucement, elle n’est en rien dans l’attaque. Au contraire, elle la remercie de se prendre au jeu et d’avoir donné les détails de son métier et quotidien. “T’as toujours voulu faire ça ?” Elle a la tête de quelqu’un qui rêve de plus, et qui mérite sans doute plus aussi. Tout est subjectif, de toute façon. « Ça me permet de bosser de ma passion, même si je préférerais être une vraie photographe tu vois, une artiste. » Voilà donc. Elle l’aurait imaginée photographe-reporter ou quelque chose dans la même veine, mais le monde de l’art en lui-même est totalement inconnu à Charlie, qui en vient donc à être plus curieuse encore. “Léo passe son temps à vouloir dessiner Damon. Si tu me dis que tu veux le prendre en photo, je crois qu’il va devenir fou.” Elle reprend avec un sourire amusé. Pour sa part, elle n’a aucun talent particulier ni même aucune envie artistique : mais ce n’est pas pour autant qu’elle laisse le Williams tranquille d’une quelconque façon. “Tu ne te lances pas totalement parce que tu as peur de ton talent ? Ou autre chose ? C’est quoi que tu voudrais photographie, si rien d’autre n’était à prendre en compte ?” Charlie, conseillère d’orientation.

perfect storm
Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

La demoiselle qui vit avec Damon a certainement les oreilles qui sifflent à l’heure actuelle mais je ne me sens pas coupable, pas le moins du monde de l’utiliser de la sorte pour appuyer mon histoire et entériner ainsi une complicité avec la blonde que j’ai en face de moi. La femme qui vit avec Damon n’a pas éprouvé le besoin de me rencontrer depuis que le monde entier - si si, c’est l’impression que ça donne - est au courant de notre histoire et de notre mariage prochain, alors je ne dois pas être si loin de la vérité, non ? Si elle n'était pas un tantinet frustrée par mon existence, n’aurait-elle pas agi comme la demoiselle en face de moi et proposé une rencontre d'elle-même ? « Je lui connais aucune ex. Soit il est vraiment très discret, soit elle n’a jamais su franchir la moindre étape. » - « De toute façon je suis là maintenant. Elle devait être plutôt déçue d’apprendre la nouvelle. » J’échange un regard de connivence avec la jolie jeune femme, avant de la rassurer sur l’eNtiErE cONfiAnCE que j’ai en mon fiancé. Je n’ai pas envie qu’elle nous imagine comme un couple déjà au bord de la rupture à cause de ma jalousie que je n’ai qu’à peine besoin de de surjouer : j’ai un tempérament possessif, alors j’imagine sans mal comment je me sentiment si nos sentiments étaient réels. « Tu as raison. Quand il était célibataire c’était une chose, mais aujourd’hui je l’imagine mal regarder qui que ce soit d’autre que toi. » Une preuve de plus qu’aux yeux de la demoiselle, Damon est quelqu’un de bien. A défaut de pouvoir le constater moi même au quotidien - je le sais toutefois, mais il ne me le montre guère - je suis ravie de pouvoir apprendre à le connaître au travers des yeux de son amie. Elle est bavarde, elle au moins. Elle ne se referme pas dès qu’un sujet devient trop personnel.

« Je n’ai pas de motif sérieux pour te faire subir un interrogatoire en règle. » Et si moi je plaisantais, je sens que Charlie est autrement plus sérieuse. Son sourire s’efface l’espace d’une seconde et ses yeux semblent me dire ”si tu fais du mal à mon ami d’une façon ou d’une autre, là tu auras à faire à moi”. Reçu. Enregistré. Je hoche la tête, un sourire plus timide sur les lèvres et, de toute façon, la blonde retrouve rapidement sa bonhomie naturelle. Je n’ai aucunement l’intention de blesser Damon, mais comment réagirait-elle si elle connaissait toute la vérité ? « J’ai pas l’intention de t’en donner un. De motif sérieux je veux dire. » Ma voix est douce et le ton est clair : j’ai compris le message.

« C’était plus glamour de juste dire ‘photographe de presse’. » - « Je sais. C’est pour ça qu’avec la plupart des gens, je m’en tiens à ça. » C’est là l’entière vérité. Photographe de presse, c’est ce que je suis, simplement pas de la façon dont elle l’imagine. « Mais je me suis dit que l’inspectrice Charlie me poserait la question de toute façon. Et puis, tu sais, c’était ça ou les photos de classe et d’identité, alors j’estime que j’ai de la chance. » Je lui adresse un clin d’oeil amusé, à peu près certaine que l’interrogatoire n’est pas terminé, mais que cette fois-ci c’est bel et bien parce qu’elle s’intéresse sincèrement. « T’as toujours voulu faire ça ? » Je secoue la tête de droite à gauche, avant de poser mon verre sur le bar pour me livrer un peu plus : je n’ai aucun problème à parler de mon parcours universitaire raté. « En sortant du lycée, j’ai fait une première année de licence de journalisme. Mais j’avais besoin de bosser tout de suite et, de toute façon, je tenais pas en place sur les bancs de l’université. » Elle sera déçue si elle m’imaginait en fille super cool qui a fait un master super cool au nom exotique. « Alors je me suis lancée. Je fais de la photo depuis toute petite, et c’est ça qui me plaisait. Montrer plutôt que raconter. » Imaginait-elle que Damon terminerait avec une fille comme moi ? Sait-il qu’au fond, lui aussi a une âme d’artiste ? « Léo passe son temps à vouloir dessiner Damon. Si tu me dis que tu veux le prendre en photo, je crois qu’il va devenir fou. » - « Je le rends déjà fou avec ça. » Il ferait un bon modèle, mon futur fiancé, et je le pense sincèrement. Son visage dégage une aura de douceur qui contraste avec ce qu’il me montre la majorité de temps. « Damon peins aussi. Faut croire que même s’il est coincé dans un costume toute la journée, c’est avec les artistes comme nous qu’il s’entend le mieux. » Je lui adresse un sourire, avant de l’observer avec un sourire en coin. « Mais y’a pas que lui que je rends fou. T’as l’air absolument et parfaitement photogénique. T’as déjà fait de la photo Charlie ? » Je lui adresse un clin d’oeil, avant de me saisir de mon cocktail pour le siroter sans la quitter des yeux. « Tu ne te lances pas totalement parce que tu as peur de ton talent ? Ou autre chose ? C’est quoi que tu voudrais photographier, si rien d’autre n’était à prendre en compte ? » Je réfléchis un instant à la réponse à sa question : elle ne me vient pas naturellement, c’est de moi et mes aspirations qu’il s’agit, pas de ce que j’ai répété avec le blond. « J’adore les photos volées de la vie de tous les jours. L’extase sur le visage d’un gamin qui achète une glace. Les rides aux coins des yeux des personnes âgées qui rient ensemble autour d’une partie d’échec, la fatigue sur le visage de ceux qui sortent du boulot pour prendre le métro et revivre exactement la même journée le lendemain matin. Le visage et ses expressions, c’est ça que je préfère capturer. » Et les mères qui prennent leur enfant dans les bras au parc, les pères qui les tiennent par la main en les couvant d’un regard protecteur. Mais avouer ça, c’est devoir lui expliquer pourquoi ces scènes si banales me renversent, et c’est un sujet bien trop intime pour aujourd’hui. « Et j’ai du talent. » Je plisse le nez sans me défaire de mon sourire. Je n’ai pas peur de sembler prétentieuse, je préfère le terme sûre de soi. « Mais pour percer, il faut aussi de la chance. Et avant de rencontrer Damon, on peut pas vraiment dire que c’était mon domaine de prédilection. » Je grimace, avant de me reconcentrer sur elle. « Mais j’accepterai pas qu’on parle uniquement de moi ! Dis-moi, comment une fille comme toi se retrouve à travailler comme stagiaire dans la police ? »

Megan est bavarde et ça lui plaît. Elle n’est pas comme Léo qui a du mal à poser des mots sur ses sentiments dès lors qu’ils n’appartiennent pas au domaine de la faim ou de la soif ou du ‘tu m’emmerdes Charlie’. Cela ne l’a pas empêché de l’épouser malgré ses défauts, mais force est de constater qu’elle est heureuse d’avoir à faire à une nouvelle personne pleine d’énergie dans son entourage. Au fur et à mesure de ses explications, elle n’a aucun mal à comprendre la raison pour laquelle Megan est devenue photographe de presse, quand bien même son quotidien ne ressemble finalement en rien à ce que le nom de sa profession l’aurait laissé présager. N’y connaissant rien à ce milieu, la parole de la plus jeune fait foi et Charlie ne pense même pas à remettre en doute ses paroles à aucun moment. Elle a raison, après tout : cela sera toujours bien mieux que de faire des photos de classe. Qui plus est, Megan n’a aucune raison de lui mentir et elle pense le lui avoir bien fait comprendre, quelques secondes plus tôt à peine. « En sortant du lycée, j’ai fait une première année de licence de journalisme. Mais j’avais besoin de bosser tout de suite et, de toute façon, je tenais pas en place sur les bancs de l’université. » C’est un sentiment qu’elle ne peut que comprendre, ayant elle-même bien du mal à rester en place. Avec le recul, c’est un recul qu’elle soit effectivement arrivée à bout de ses années d’études et même de sa formation pour entrer dans la police. Sans doute qu’avec un peu de force de caractère, on peut arriver à bien des choses, Megan en est elle aussi la preuve. Son choix de vie a porté ses fruits, elle a tout l’air d’être épanouie aujourd’hui. « Alors je me suis lancée. Je fais de la photo depuis toute petite, et c’est ça qui me plaisait. Montrer plutôt que raconter. » Le sourire en coin de Charlie a tout de fier, quand bien même elle ne connaît sa comparse que depuis très peu de temps - et qu’elle la connaît très peu, aussi. Elle parle avec une certaine passion et semble aujourd’hui faire quelque chose qui lui plaît, c’est donc tout ce qui importe pour l’utopiste qu’elle représente. “Tu me montreras ? Ton travail. Ça me rend curieuse.” Et particulièrement intéressée, aussi. Elle se doute bien de la force que peuvent avoir les images mais elle est sûrement un brin trop académicienne pour penser qu’elles peuvent surpasser celle des mots.

Quand il est question de Damon, elle est toujours douce et bienveillante. Cela ne peut que vouloir dire qu’elle l’aime profondément, sincèrement. “Je connais pas ses autres amis mais t’as sûrement raison.” Elle n’avait jamais pris de recul sur les choses mais puisqu’il s’est entiché d’une artiste comme femme, l’analyse de Megan fait soudainement du sens : Damon se sent bien plus à l’aise au milieu d’artistes et créateurs. Charlie n’ayant rien de tout cela, elle peut au moins se consoler en se disant qu’elle fait office de parfait caméléon au milieu de la foule, ne pouvant que s’extasier toujours un peu plus de leur talent à chacun. « Mais y’a pas que lui que je rends fou. T’as l’air absolument et parfaitement photogénique. T’as déjà fait de la photo Charlie ? » Et soudainement, le regard de Megan ne semble plus vouloir se détacher du sien. La question la laisse souriante, étonnée aussi. Une fois de plus, elle se rend là où l’inspectrice ne l’attendait pas. “Simplement quand ça m’amuse.” Ou quand ça peut agacer Léo, ce qui revient souvent au même. C’est Victor qui la prenait en photos, avant, mais si Megan a besoin de modèle, alors elle se prêterait sûrement au jeu. Si elle ne fera jamais de la photographie son gagne-pain, elle ne peut pas nier que ça lui fait plaisir de poser devant l’objectif de temps à autres, surtout si c’est devant celui d’une Megan qui ne doute pas un seul instant de son talent. Sa nouvelle amie n’en doute pas non plus, même sans avoir eu la moindre preuve de ce dernier. “Je pourrais dire la même chose de toi, tu sais. S’il ne le fait pas déjà, Damon te demandera de poser pour ses peintures.” Et Léo pour ses dessins, mais il n’a sans doute pas trop intérêt à s’intéresser aux traits d’autres femmes, peu importe à quel point Charlie les apprécie. Face à la liste de ce que Megan aime photographie, la blonde comprend qu’elle ne lui demandera certainement jamais de prendre la pose, ce qui n’est en rien pour la vexer. Elle trouve aussi que les scènes du quotidien sont bien plus parlantes que n’importe quelle scène préparée, travaillée, modifiée. Être pris sur le vif, il n’y a que ça de vrai, que ça qui en vaille la  peine aussi. “Dans ce cas là, ton travail m’intéresse encore plus.” Ses portraits doivent être saisissants, à la façon dont elle en parle. « Mais pour percer, il faut aussi de la chance. Et avant de rencontrer Damon, on peut pas vraiment dire que c’était mon domaine de prédilection. » La chance a commencé à pointer le bout de son nez, Charlie ne doute pas un seul instant que sa vie continuera en ce sens. “Ca viendra. Une chose à la fois.” Sa vie personnelle a décollé avant la sentimentale, cela n’a rien d’un problème.

La question à propos de son orientation est un incontournable, elle affiche donc un sourire poli. “Le besoin de prouver que même une fille comme moi peut travailler dans la police.” Ce n’est pas un reproche à l’encontre des paroles de Megan, au contraire, elles étaient sûrement légitimes. Son sourire s’agrandit autour de la paille qu’elle sirote. “Et aussi parce que j’aime mon métier.” Tout simplement. Elle n’a pas de longs discours à avancer. Le sujet reviendra lors de prochains repas, à n’en pas douter, elle se doit de lui garder un peu de surprise pour les années à venir. “Ça te dit qu’on se voit tous les quatre ? Damon, toi, Léo, moi. Ça serait sympa.” Léo fera des allusions que Damon reprendra et des coups de pied se perdront sous la table, mais ça ne peut qu’être sympathique et une bonne soirée en perspective. “Il pose moins de questions que moi, c’est promis.” Il en posera moins simplement parce que Charlie lui aura fait un compte rendu avant ça, pas parce qu’il n’est pas curieux.

perfect storm
Megan Monroe & @Charlie Ivywreath

« Tu me montreras ? Ton travail. Ça me rend curieuse. » Mon travail, peu de chance qu’elle puisse y jeter un œil ou, en tout cas, peu de chance qu’elle le fasse en sachant que c’est à moi qu’elle le doit. Lit-elle la presse à scandale, qu’elle soit en format papier ou numérique ? Si elle le fait, il y a des chances qu’elle connaisse déjà ma patte sans s’en être jamais rendu compte. Toutefois, je hoche la tête et choisis de monter à moitié en touche. « Je te montrerai surtout mes ”vraies” photos. Celles que je prends pour moi, et peut-être un jour pour le reste du monde. » Si toutefois je perçais dans le milieu. Ce book là, il existe quand bien même je ne le montre pratiquement à personne, habitée par une peur inavouée d’être déçue par les retours que j’obtiendrais. Je me fiche que mes photos choc dédiées à la presse plaisent ou fassent chou blanc : elles ne sont que mon gagne pain. En revanche, je vivrais mal une désillusion, la confirmation que je ne suis bonne qu’à bosser pour la presse à scandale.

« Je connais pas ses autres amis mais t’as sûrement raison. » - « C’est vrai ? » Je fronce les sourcils, puisque j’avais compris qu’ils étaient plutôt proches en écoutant aussi bien mon fiancé que la blonde. « Il me l’a pas dit d’ailleurs, comment vous vous êtes rencontrés tous les deux ? » A travers cette question, c’est l’univers du jeune homme que je tente de découvrir et de comprendre, déçue que la jeune femme ne puisse pas en faire l’étalage complet.

« Simplement quand ça m’amuse. » - « T’as un visage super expressif. Je suis persuadée que ça doit faire de sublimes photos. » Et je ne dis pas ça pour la charmer ou m’attirer ses faveurs, qu’elle plaide ma cause auprès de l’entourage de mon promis mais bel et bien parce que je le pense. Elle a des yeux particuliers la blonde, et une forme de visage singulière qui lui donne une aura folle. « Et si un jour l’idée de poser pour moi t’amuse, je te promets que tu perdras pas ton temps. » Tournant ma paille entre mes doigts, je lui adresse un clin d'œil  mais n'insiste pas : loin de moi l’idée de lui mettre une quelconque pression. « Je pourrais dire la même chose de toi, tu sais. S’il ne le fait pas déjà, Damon te demandera de poser pour ses peintures. » Je doute que le jeune homme éprouve l’envie que je devienne son modèle : il a déjà du mal à rester dans la même pièce que moi plus de quelques minutes. Je l’aime pourtant, cette idée abstraite qu’un artiste puisse vouloir faire de moi sa muse. Elle est romantique de surcroît, nul doute qu’elle plaira à mon interlocutrice. « On a pas encore eu l’occasion, mais je t’avoue que j’en meurs d’envie. » J’esquisse un sourire timide et gêné de rigueur, comme si une part de moi espérait que ma nouvelle amie en touche un mot à mon compagnon quand je n’ai pourtant pas besoin qu’elle interfère dans notre relation.

Si chacun de mes mots pouvait être soupçonné d’être calculé, tout droit sorti d’un discours préparé à l’avance, lorsqu’elle m’interroge sur ma passion, celle qui appartient à la vraie moi, l’échange donne lieu à quelque chose de beaucoup plus sincère. Réellement passionnée par le type d’oeuvre dont je lui parle, mes yeux brillent presque d’avoir l’occasion de partager ça avec quelqu’un, quelqu’un qui s’y intéresse pour de vrai. « Dans ce cas là, ton travail m’intéresse encore plus. » - « Je te montrerais ça avec plaisir si tu me promets de pas être trop dure. » Ce qui passera certainement pour de la fausse modestie est une preuve de cette angoisse inavouée que, malgré tout le cœur que j’y mets, mes photos lui semblent quelconque. « Ça viendra. Une chose à la fois. » Doucement et un sourire sur les lèvres, je hoche la tête, ne trouvant rien à redire à cette conclusion. Mon mariage avec le neveu d’un peintre attirerait peut-être quelques regards pour mes œuvres si toutefois je trouvais le courage de les publier quelque part, ailleurs que sur les réseaux sociaux qui en dégradent la qualité.

« Le besoin de prouver que même une fille comme moi peut travailler dans la police. » Je comprends et je le respecte : je me suis aussi inscrite à l’université pour prouver qu’une fille comme moi n’était pas forcément idiote et vouée à rater sa vie. La solution choisie n’était pas la bonne, mais la motivation était la même. « Et aussi parce que j’aime mon métier. » - « Tu as toujours voulu faire ça ? » Mon petit doigt me dit que non. « Ça te dit qu’on se voit tous les quatre ? Damon, toi, Léo, moi. Ça serait sympa. Il pose moins de questions que moi, c’est promis. » Je n’ai aucune bonne raison de refuser : Charlie est un nouveau visage rassurant dans la vie de Damon et elle m’est réellement sympathique. Nous venons de passer un bon moment, un très agréable moment même et au delà du fait que j’ai réellement envie de passer plus de temps en sa compagnie, il serait suspect de refuser sa proposition. « Bien sûr, j’ai hâte de rencontrer ton mari. » Damon se réjouira peut-être moins d’une nouvelle rencontre à laquelle se et me préparer. Mais n’est-ce pas ce qui nous attend pour le restant de nos jours ? « Tes questions ne me dérangent pas. Et je suis certaine que Damon insistera pour vous emmener tous les deux au restaurant. »