I made decisions to prove I was different But you follow me like a ghost, Now I'm a little bit lit and I'm pleading the fifth As I'm making a toast.
« Je sais. » Se confierait-il à elle pour autant ? Elle n’en avait aucune idée. Mais le plus important aux yeux de Sawyer restait le fait qu’il en soit conscient. Elle n’insista donc pas davantage et hocha simplement la tête, accompagnant son mouvement d’un sourire pour une fois réconfortant et non à la limite du sadisme dont elle aimait faire preuve aujourd’hui avec lui sur le terrain. « Mais, tant que tu as une batte dans les mains, je reste prudent sur ce que je te dis. » Elle porta sa main droite à sa poitrine, mimant à la perfection (à peu près) une innocente sous le choc d’accusations infondées et d’attentions qu’on lui prêtait. « Je vois pas ce que tu veux dire. La batte était justement censée te convaincre de parler plus facilement, pas te faire réfléchir à deux fois avant d’aligner des mots. Enfin sauf s’il s’agit d’insultes à mon encontre évidemment. » Bon, dans tous les cas il est vrai que la batte servait donc de menace. Mais qui est-ce que ça étonnait ? Certainement pas Kieran. Et en vérité, il n’avait même pas besoin qu’elle le menace de quoi que ce soit quand il était le premier à se blesser tout seul comme un grand. « On va devoir revoir la définition de douceur, Tom. » Comment ça ? Elle n’était qu’amour et douceur, elle ne voyait absolument pas ce qu’il y avait à redéfinir là-dedans. Eliot aurait d’ailleurs pu témoigner de tout cela s’il avait été présent : quand ils s’étaient quittés, elle l’avait laissé partir sans une égratignure quand tout ce dont elle rêvait était en réalité de le transformer en punching ball humain. Si ça n’était pas la définition même de la douceur, alors elle ne savait pas ce qu’il lui fallait. Son ex fiancé aurait à son tour pu tenter le look bad boy improvisé après ça. Mais Kieran ? Oh elle n’avait aucun doute sur le fait qu’il portait très bien les bleus et autres coupures (avec sa chance légendaire, il valait mieux qu’il en soit ainsi d’ailleurs et qu’il assume d’afficher et de porter fièrement les conséquences des désastreuses aventures qu’il lui arrivait au quotidien), mais de là à dire que c’était un atout séduction ? « Ivy trouvait ça ‘’pas mal’’ après Race of Australia. » La mention de l’émission la fit grimacer bien avant que son cerveau n’ait eu le temps de percuter sur l’information qu’il venait de lui délivrer. Evidemment que Sawyer avait suivi les péripéties de son frère, mais bien souvent avec les mains devant les yeux, n’osant soulever qu’un doigt pour oser jeter un regard à l’écran de TV en priant à chaque instant pour ne pas recevoir d’appel de la part de la production pour lui annoncer qu’il avait fini par se blesser sévèrement et être admis à l’hôpital, ou pire. Elle avait pu constater à cette occasion que son imagination était absolument phénoménale et très productive quand il s’agissait d’imaginer les pires des scénarios catastrophes. « Ivy trouvait ça pas mal ? » Ça y est, l’information principale était enfin montée jusqu’à son cerveau. Elle l’observa de longues secondes, bien tentée de creuser davantage cette piste. « J’imagine qu’il en faut pour tout le monde… » Elle haussa les épaules, un sourire en coin au visage. Elle n’allait pas lui faire passer un interrogatoire à ce sujet. Pas cette fois-ci. Elle savait qu’il se confierait s’il en ressentait le besoin et qu’il ne servait à rien de le pousser dans ses retranchements pour le faire avouer quoi que ce soit. Est-ce qu’elle mourrait d’envie de poser davantage de questions au sujet d’Ivy et de ce qu’elle avait pu lui glisser d’autre après son aventure dans Race of Australia ? Oui. Est-ce qu’elle faisait présentement preuve de retenue mais finirait irrémédiablement par lui poser la question à un moment ou à un autre (de préférence à un moment absolument pas opportun, et dans une conversation qui n’avait aucun rapport avec sa question) ? Probable aussi. « Et c’est que le début. » Avait-il vraiment envie de se sentir autant en confiance après sa chute durant l’échauffement et les quelques balles qu’il s’était déjà prises ? Elle n’était pas certaine que ce soit une bonne idée mais elle n’en dit rien pour autant, le laissant savourer sa victoire bien méritée. Elle était vraiment fière de lui, preuve en étant le large sourire qui étirait ses lèvres. « Ok, je demande à voir. » Rabat joie ? Presque pas. Elle était honnêtement curieuse de voir ce qui allait suivre et de découvrir si son frère serait capable de retenter cet exploit. Pour l’heure, son sourire avait laissé place à un rire franc en entendant l’anecdote que Kieran avait été contraint de lui raconter. Elle ferait moins la maligne d’ici quelques minutes mais pour l’instant elle profitait bien volontiers de ce moment, veillant à retenir chacun des détails qu’il lui confiait des fois qu’elle puisse les ressortir dans un futur plus ou moins proche. Elle faisait déjà du chantage à la batte, alors qu’est-ce qu’un petit chantage de plus à coup d’anecdotes honteuses ? « Y a vraiment qu’à toi nianianian. » Elle joignit son index à son pouce pour lui faire signe que son imitation était au moins aussi ressemblante que mature. « Oui, bien sûr. » Elle l’observa en affichant une expression dubitative. C’était trop simple. Pourquoi accepterait-il de lui donner le numéro d’Elias sans aucune contrepartie ? Et son ton n’était même pas ironique. Il y avait un problème quelque part dans toute cette histoire. Il savait pourtant qu’il devait craindre des représailles s’il osait ne serait-ce que songer à la piéger d’une quelconque manière que ce soit, non ? Sawyer avait rangé cette information dans un coin de son esprit en se promettant de penser à mener davantage l’enquête sur ses doutes s’il lui confiait véritablement le fameux numéro demandé. Mais c’était surtout à présent à son tour de faire face à un Kieran hilare face à l’histoire qu’elle venait de lui raconter. Au moins elle n’avait pas le numéro de téléphone de son bourreau à lui communiquer…puisqu’il l’avait déjà. « Rappelle-moi de passer au poste un de ces jours, j’ai envie de le voir de mes yeux. » Oui c’est ça, compte dessus et bois de l’eau. Elle regrettait déjà d’avoir choisi cette anecdote parmi toutes celles qu’elle aurait pu lui raconter à la place. « Oui bien sûr. J’espère que ça te dérangera pas de faire un court séjour derrière les barreaux par la même occasion ? Genre dans la cellule de dégrisement. Pas besoin de te faire faire le tour du propriétaire, tu connais déjà bien. » Non elle n’hésiterait pas à abuser des avantages que lui conférait son métier. Oui elle venait par ailleurs de préparer le terrain pour la suite de l’histoire. « Oh. » Elle avait l’impression de pouvoir voir les souvenirs se rappeler à lui au fur et à mesure. Un vrai plaisir à observer. Est-ce que c’était de la gêne qu’elle pouvait lire dans ses yeux ? « Si ça se trouve, elle m’utilise depuis des mois pour s’approcher de toi et elle y est enfin parvenue. » Elle fronça légèrement les sourcils avant de se mettre à hocher la tête une nouvelle fois. « Mh. Option parfaitement crédible. Bien plus que d’être ton ami, c’est clair. » C’était gratuit. Ou alors c’était de l’anticipation pour ce qui allait suivre. « Elle a enfin réussi à approcher sa mommy. » Une grimace déforma les traits de son visage en l’entendant. « Alors je trouverais ça super drôle si ça sonnait pas aussi creepy dans ta bouche. Je propose qu’on se mette d’accord tout de suite pour que tu ne prononces plus jamais ce mot en parlant de moi, ok ? » Pas certaine que le côté creepy de la chose empêche vraiment Kieran de continuer de se moquer d’elle. « Hé ! Y’A TRICHE ! » Le grand sourire qu’elle affichait était là pour revendiquer le fait qu’il y avait effectivement triche et qu’elle l’assumait pleinement. Elle reposa à nouveau son bras sur le lance-balles en attendant qu’il daigne parler et en l’observant jouer le frère outré et blessé pour retarder l’échéance. Etait-elle censée avoir pitié de lui ? C’était mal la connaître. « Tu te souviens de cette fille dont je t’ai parlé ? Eve ? » Bref hochement de tête pour répondre par l’affirmative, partagée entre la curiosité et l’inquiétude de ce qui allait suivre. En voilà une autre qu’elle n’appréciait pas particulièrement, sans même la connaître. Bien sûr elle ne détrônerait jamais Autumn du trône de la haine que Sawyer lui avait confectionné, mais elle était sentait qu’elle avait le potentiel de se hisser assez haut sur le podium malgré tout. Seulement, encore une fois, il ne s’agissait pas là de ses histoires de cœur à elle et elle n’avait aucun droit d’émettre un avis quelconque sur cette personne si elle avait de l’importance aux yeux de son frère. « On devait avoir notre premier vrai rencard, celui qui allait... je sais pas, marquer le début de quelque chose, tu vois ? » Celui qui allait faire que Sawyer rêverait à nouveau d’avoir sa batte dans les parages pour éliminer les éléments perturbateurs de la vie de son frère ? « J’ai attendu comme un con pendant plus de deux heures devant son appart’, elle m’a jamais ouvert. » « Quelle garce. » Ça lui avait échappé. Pas très fort, mais probablement suffisamment pour que Kieran l’entende malgré tout. Elle n’avait pas envie de le couper dans son histoire, mais son tempérament comme son côté protecteur avait parlé plus vite que son cerveau et le filtre dont elle aurait dû faire preuve en pareille situation. « On devait aller à l’inauguration de sa fresque. J’étais plus sur la liste des invités. » Mais c’était quoi son problème ? Et pourquoi est-ce que Kieran semblait irrémédiablement attirer et être attiré par les cas les plus problématiques ? Autre question : était-elle vraiment bien placée de son côté pour se poser cette question ? L’église, la charité, tout ça… « T’as jamais eu le fin mot de l’histoire ? » Elle devait se faire violence pour ne pas lui poser bien davantage de questions. Elle essayait de se rappeler qu’il ne s’agissait pas de ses affaires, ça n’était pas son combat (bien qu’il le deviendrait si son frère le lui demandait. Mais c’était peu probable). Toutefois cette question-là, elle n’avait pas pu la retenir, bien consciente qu’il était difficile de passer à autre chose tant qu’on n’avait pas eu une explication claire et une conversation honnête sur la fin de quelque chose. C’était ce qui lui avait manqué avec Eliot. Etait-ce pour ça qu’elle avait l’impression que toute cette histoire n’était pas vraiment finie malgré le temps qui s’écoulait ? Cette conversation honnête avec son ex, elle aurait dû l’avoir il y a bien longtemps. Et maintenant elle n’en avait simplement plus envie. Même si cela signifiait qu’elle aurait toujours cette impression d’entre-deux désagréable. En revanche elle ne souhaitait vraiment pas qu’il en soit de même pour Kieran. « Ça fait de moi un monstre si j’ai envie d’imaginer sa tête à la place des balles ? » Elle secoua la tête en guise de réponse avant de lancer la balle suivante pour répondre à son signal. Et si Sawyer vint arrêter une nouvelle fois la balle dans son gant, elle constata surtout qu’il était avant tout parvenu à la frapper correctement une seconde fois. A croire qu’il était vraiment bon quand on ne le prenait pas de court. Elle arrêta toutefois la machine pour se diriger cette fois vers lui. Arrivée à sa hauteur, elle lui envoya un léger coup de poing dans l’épaule (à l’endroit où la balle précédente l’avait frappé, évidemment) en guise de félicitations, puis elle le prit dans ses bras sans lui demander son avis. « Non. Ça fait de toi quelqu’un de profondément humain. » Qui avait le droit de se sentir blessé et énervé par la situation dans laquelle Eve l’avait placé. Ses sentiments étaient parfaitement légitimes. Elle vint desserrer assez rapidement son étreinte, consciente qu’il n’était pas venu là pour recevoir des câlins de sa sœur. Et elle n’avait surtout pas envie qu’il attribue ce geste à une quelconque pitié, car ça n’était pas de ça dont il s’agissait. Elle n’était pas censée lui faire une quelconque révélation d’envergure étant donné qu’elle était parvenue à rattraper sa balle, mais c’est pourtant ce qu’elle s’apprêtait à faire en venant s’asseoir par terre et en l’invitant à en faire de même. « Quand Eliot et moi on s’est séparés… » Son regard était tourné vers le sol alors que les images de leur dispute lui revenaient en mémoire. « …c’était vraiment pas beau à voir. On a dit énormément de choses qu’on a chacun regretté par la suite. » Enfin elle l’imaginait tout du moins. Peut-être qu’en réalité Eliot ne regrettait toujours pas les mots qu’il avait prononcés ce soir-là, elle n’en savait strictement rien puisqu’ils n’en avaient plus jamais reparlé. « Chaque mot avait pour seul et unique but de blesser l’autre. Mais au jour d’aujourd’hui je suis toujours pas capable de te donner une explication claire sur la raison pour laquelle on s’est séparés. » Oh leur impossibilité à concevoir un enfant était probablement la raison principale, elle n’en doutait pas. Mais ils n’avaient jamais eu de conversations honnêtes à ce sujet. Ils avaient purement et simplement laissé leur relation se dégrader jusqu’à la rupture. « Peut-être que j’ai pas essayé assez fort de régler nos problèmes. Ou peut-être que c’était juste voué à l’échec de toutes manières et que j’ai bien fait de finir par baisser les bras. » Elle n’en savait rien. Et elle n’en saurait probablement jamais rien. Mais cela ne l’empêchait pas de se poser encore régulièrement ces questions Qu’est-ce qu’il aurait pu advenir d’eux si elle avait agi autrement ? Aurait-elle pu changer le cours des choses ? Son regard se détacha du sol pour venir se poser dans celui de son frère, sérieuse, presque solennelle. « Mon discours est complètement décousu, excuse-moi. Mais ce que j’essaye de te dire c’est que t’as parfaitement le droit d’être en colère. Ou triste. Ou perdu. Mais garde pas tout enfoui, garde pas ça pour toi, et te laisse pas ronger par cette histoire. » En somme : Ne fais pas les mêmes erreurs que moi.
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Kieran Halstead
les cicatrices de la mémoire
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
S’il est vrai que Kieran se confie peu, Sawyer peut se targuer d’être, le plus souvent, la destinataire de ses états d’âme. Peut-être est-ce une condamnation, dans un sens, en vue de ce qu’il partage et, surtout, de son manque de légitimité à le faire. Il sait qu’il peut se confier à elle, autant qu’il sait qu’il s’agit d’un comportement profondément humain, pour autant le dessinateur n’arrive toujours pas à considérer que ses émotions et sentiments puissent nécessiter d’être partagés, ou méritent de l’être pour son propre bien. Il a passé tellement de temps à les réprimer, que les évoquer et leur autoriser à franchir la barrière que sont ses lèvres relèvent d’un effort qu’il n’arrive que rarement à faire. Mais lorsque c’est le cas, Sawyer est toujours l’oreille qu’il recherche et dont il a besoin. Elle n’est pas toujours de bons conseils, pas plus qu’elle ne sait trouver les bons mots - mais elle est sa sœur et rien que pour cela, elle sera toujours, sans exception, la personne la plus à même de l’écouter et celle en laquelle il a suffisamment confiance pour se confier. « Je vois pas ce que tu veux dire. La batte était justement censée te convaincre de parler plus facilement, pas te faire réfléchir à deux fois avant d’aligner des mots. Enfin sauf s’il s’agit d’insultes à mon encontre évidemment. » Ses lèvres s’étirent en un sourire et pour seule réponse, le jeune homme affiche dans un premier temps un air exagérément innocent. « Nan, c’est que dans ma tête, ça. » Comme s’il s’empêchait, dans d’autres circonstances, de se montrer vulgaire à son égard. Ils sont frères et sœurs, quoi qu’en dise le sang, et pour cette raison, les insultes sont devenues des surnoms communs et loin d’être surprenants. Ce qui l’est, c’est qu’elle puisse croire que c’est un traitement réservé qu’à l’oral alors que ses pensées, elles, suivent aussi ce mouvement ; mais que Sawyer se rassure, ce sont des insultes à portée affectueuse, alors ça efface tout, n’est-ce pas ? Et au pire, elle en mériterait bien une ou deux de vive voix, ne serait-ce que pour se venger de l’évident manque de douceur dont elle fait preuve, qui va finalement de pair avec un Kieran qui arrive toujours à avoir la gueule de travers, la faute à une maladresse accentuée depuis sa naissance. Pas que ce soit un mal, on s’entend, car s’il ne se trouve aucune qualité physique, d’autres le font pour lui et Ivy semblait apprécier l’allure mauvais garçon faisant suite à certaines de ses mésaventures. « Ivy trouvait ça pas mal ? » Croisant le regard de sa sœur dans l’attente de précision, il capte néanmoins son regard entendu et son sourire amusé alors qu’elle ajoute : « J’imagine qu’il en faut pour tout le monde… » Oui, probablement, mais Ivy ne fait plus partie de ce « tout le monde » depuis qu’elle a décidé de lui claquer la porte au nez. Et si Kieran prétend que ça ne l’atteint pas, je suis bien conscient qu’il vit mal cette distance imposée entre eux, surtout après leur dernière conversation. Il s’était confié à elle, et il l’avait vite regretté alors qu’elle était sortie de sa vie du jour au lendemain. « Oui. Elle me l’a dit juste avant de paniquer et limiter les contacts quand je lui ai dit qu’elle me plaisait. » Il précise en haussant les épaules, d’un air détaché qui ne dupe personne et surtout par moi. Néanmoins, il veut clore le sujet, ayant bien remarqué l’intérêt de sa sœur et la connaissant suffisamment pour savoir qu’elle serait capable de creuser la question. S’il ne parle pas beaucoup de sa vie amoureuse (principalement parce qu’elle est, le plus souvent, déserte), il sait que Sawyer ne portait pas particulièrement Autumn dans son cœur (à raison) et qu’en ce sens, elle serait bien capable de forcer le destin pour qu’il lui trouve une remplaçante au plus vite et se décide enfin à l’oublier. Un bon plan, si tu veux mon avis, Kieran, auquel je participe avec plaisir. Ah, tu me demandes pas mon avis ? C’est pas comme si ça m’arrêtait en temps normal, hm.
Et pour une fois, il oublie très vite ses préoccupations, Kieran, aidé par sa maladresse habituelle autant que par un succès surprenant. À aucun moment il n’aurait imaginé réussir (bien qu’il soit encore loin d’être un joueur professionnel, qu’on se le dise) à frapper une balle. Et même s’il n’a peut-être pas réussi à le faire comme il l’aurait voulu, avec la force et l’habilité qu’il espérait, c’est suffisant pour qu’il se mette déjà à parader. Ce n’est que le début, justement, peut-être qu’il devrait calmer ses ardeurs. « Ok, je demande à voir. » Ce que Sawyer tente de faire, sans vraiment qu’il ne l’écoute, bien trop heureux – ce n’est pas souvent qu’il se satisfait de ses succès, Kieran, alors je le laisse en profiter. Là où il est bien moins doué, c’est dans l’imitation, quand bien même sa sœur semble lui assurer du contraire après qu’il se soit lancé dans le récit d’une anecdote dont elle s’est évidemment moquée (je ne juge pas, j’aurais fait pareil). Qu’elle prenne son ticket, ceci dit, car Elias était le premier à s’en amuser et peut-être que ça leur fera un sujet de conversation quand il aura donné le numéro de son ami à sa sœur (hors de question, malgré ce qu’il assure). L’anecdote de Sawyer le fait mourir de rire, autant que la perspective de s’en servir des années durant contre celle-ci – c’est de bonne guerre, roh. « Oui bien sûr. J’espère que ça te dérangera pas de faire un court séjour derrière les barreaux par la même occasion ? Genre dans la cellule de dégrisement. Pas besoin de te faire faire le tour du propriétaire, tu connais déjà bien. » Et dans cette joute verbale, il ne compte pas lui laisser l’avantage (un fait suffisamment rare pour être souligné, une ultime preuve de l’aisance acquise aux côtés de Sawyer avec les années). « Justement, c’est la routine. Ça me dérange pas. » Il rétorque en haussant les épaules, continuant sur le même ton amusé : « Et puis j’ai envie de voir si vous avez gardé mes œuvres au mur. Tu sais, le décompte avant ma sortie, peint avec mon sang. » Il exagère ? Peut-être un peu trop, mais c’est justement ce qui me plaît, alors qu’il laisse sa spontanéité prendre le dessus et abandonne sa réserve dès qu’il est avec sa sœur. Ça me fait plaisir de le voir ainsi, Kieran et j’aimerais qu’il soit capable d’en faire un état naturel. Et même lorsque son rire diminue en prenant connaissance de l’identité de la fameuse adoratrice de Sawyer, son cœur reste à la joie et à l’amusement – bien que ce soit quand même bizarre de se dire que Jessalyn puisse avec un crush sur Sawyer, mais soit. « Mh. Option parfaitement crédible. Bien plus que d’être ton ami, c’est clair. » Il secoue vivement cette hypothèse pour la confirmer, alors que dans le fond, il est bien moins second degré que sa sœur. Ça ne l’étonnerait même pas. Et ce n’est pas contre Jessalyn ; c’est contre lui-même. Il est persuadé qu’il n’a aucun intérêt et même les plaisanteries les plus faciles l’atteignent en ce sens, lorsqu’il remet toujours sa légitimité et ses qualités en question, convaincus qu’elles n’existent pas et que ses rares amis finiront toujours par le laisser derrière, au mieux, ou à se servir de lui, au pire. Jessalyn n’a pas l’air de faire partie de cette catégorie et pourtant, il accepte de l’y ranger. Tu ne vois toujours pas ce qui cloche dans ta façon de penser, Kieran ? « Alors je trouverais ça super drôle si ça sonnait pas aussi creepy dans ta bouche. Je propose qu’on se mette d’accord tout de suite pour que tu ne prononces plus jamais ce mot en parlant de moi, ok ? » Sortant son téléphone de sa poche dans un élan de provocation, il range rapidement celui-ci dans sa poche après avoir pianoté un instant dessus. « Trop tard, j’ai déjà changé ton contact. » C’était répugnant, bizarre et sordide, oui, c’est exactement pour ça qu’il nargue sa sœur, même si dans les faits, il ne l’appellera jamais ainsi (sauf pour vraiment la faire chier). Elle est Tom à ses yeux depuis tellement d’années qu’elle ne peut pas prendre une autre identité.
Et il pourrait presque l’appeler ainsi dès à présent, alors qu’elle n’hésite pas à faire usage de triche pour reprendre l’avantage. Dommage qu’il n’ait pas suffisamment de caractère pour s’y opposer vigoureusement, même si sa gueulante est déjà un sacré effort de la part du dessinateur. Outré par l’attitude de sa sœur, oui, mais aussi déstabilisé par la perspective d’avoir à respecter sa part du contrat, qu’il espérait repousser en enchaînant les succès. Il aurait dû se douter qu’il n’arriverait pas à faire durer sa lancée sur la durée. Prenant une grande inspiration, il commence par raviver la mémoire de sa sœur. Bien que secret, Kieran n’a l’a pas particulièrement été aux oreilles de Sawyer, qui est bien la seule à avoir le droit à ses quelques confidences sur sa vie sentimentale. Et qu’elle se prépare, car je sens que Kieran, malgré sa réserve, ne saura se contenir bien longtemps. Parce que tu gardes ta colère depuis si longtemps et ce n’est pas seulement à cause de son départ, pas vrai ? C’est toutes les moqueries qu’elle t’a fait subir, cette manière de jouer avec ton cœur, encore et encore, jusqu’à l’épuiser. Et alors qu’il tente de résumer la situation, la réaction de sa sœur ne manque pas de lui provoquer un sourire discret, mais sincère. « Quelle garce. » Il s’interdit de penser de tels mots, mais, de vous à moi... il les pense. Bien sûr qu’il les pense et Sawyer vient de les verbaliser pour lui. « T’as jamais eu le fin mot de l’histoire ? » Reprenant son sérieux, il se pince la lèvre avant de répondre. « Si, en quelque sorte. » Il débute, un peu hésitant, mal à l’aise. « Elle m’a appelé en visio depuis l’étranger, pour se cacher derrière des excuses et une opportunité professionnelle offerte par son patron. » Oh, c’est bien la première fois que je t’entends avoir un discours aussi sévère à l’égard d’Eve, Kieran et j’en suis plutôt fier. Après tout, elle ne s’est pas gênée de jouer avec toi, de te manipuler et de te rejeter mille fautes qui n’étaient pas les tiennes, tu peux bien avoir un ou deux mot plus haut que l’autre, n’est-ce pas ? Le poing serré et la voix sèche, il poursuit, alors que les traits de son visage se durcissent. « C’est le même patron qui, à moi, m’a offert un plan de lui torse nu derrière elle quand on discutait. J’imaginais que c’est vraiment une opportunité dont elle devait se saisir. » Il ajoute, la mâchoire serrée alors qu’il fait preuve d’une colère qu’il a dissimulé pendant longtemps. « Dans tous les sens du terme. » C’est qu’il fait de l’humour, ou presque, en plus ! Peut-être ai-je été trop dur à l’égard d’Eve, et que je me dois de la féliciter ; en voilà un nouvel homme, alors que Kieran ne cache plus sa rancœur. « Elle s’est foutue de ma gueule tout ce temps et comme un con, j’ai continué de courir dès qu’elle m’appelait. » Il ajoute, désormais incapable de garder ses mots et sa hargne pour lui, s’éloignant du cadre strict de sa passivité dont il ne sort jamais. « Je la déteste. » Je la déteste pour tout ce qu’elle m’a fait, pour tout ce qu’elle me fait encore. Je la déteste de m’avoir fait croire que je ne méritais pas mieux – et je me déteste de continuer à en être persuadé. Et lorsqu’il avoue, mal à l’aise, que la violence de ses mots n’ont d’égard que la violence physique à laquelle il culpabilise de penser, la réponse de sa sœur a le don d’atténuer (légèrement) son ressenti. « Non. Ça fait de toi quelqu’un de profondément humain. » Resserrant ses bras autour de sa sœur un instant, l’emprisonnant par nécessité de pouvoir compter sur elle durant ces instants de tourmente, c’est à contrecœur qu’il la libère, alors que s’il s’écoutait, il se serait effondré au beau milieu de cette étreinte. Imitant Sawyer, il s’installe en tailleur sur le sol, demeurant silencieux alors que sa tête se baisse pour observer ses doigts qui jouent avec l’herbe, en arrachant quelques brindilles pour diminuer son anxiété. « Quand Eliot et moi on s’est séparés… » Relevant la tête pour prêter attention à sa sœur au regard fuyant, ses mains continuent de jouer avec l’herbe. « …c’était vraiment pas beau à voir. On a dit énormément de choses qu’on a chacun regretté par la suite. » Et des choses horribles, comme il en avait eu conscience au fil des conversations avec sa sœur, sans pour autant savoir l’ampleur des propos tenus. « Chaque mot avait pour seul et unique but de blesser l’autre. Mais au jour d’aujourd’hui je suis toujours pas capable de te donner une explication claire sur la raison pour laquelle on s’est séparés. » Est-ce qu’elle essaie de lui dire qu’il doit pardonner à Eve ? Que ses mots et ses actions ne sont pas représentatifs de ses sentiments ? Elle m’a habitué à mieux, Sawyer. Raison pour laquelle je souligne à Kieran de rester silencieux pour entendre le fond de sa pensée. « Peut-être que j’ai pas essayé assez fort de régler nos problèmes. Ou peut-être que c’était juste voué à l’échec de toutes manières et que j’ai bien fait de finir par baisser les bras. » « Il faut être deux pour essayer. » Il se permet de l’interrompre pour mettre l’accent sur une vérité qu’elle doit entendre. Bien sûr, il ne sait pas tout ce qu’il s’est passé entre sa sœur et Eliot ; pour autant, qu’elle considère qu’elle n’a pas essayé assez fort de régler leurs problèmes lui cause un pincement au cœur – parce qu’elle n’aurait pas dû être la seule à fournir cet effort. « Mon discours est complètement décousu, excuse-moi. Mais ce que j’essaye de te dire c’est que t’as parfaitement le droit d’être en colère. Ou triste. Ou perdu. Mais garde pas tout enfoui, garde pas ça pour toi, et te laisse pas ronger par cette histoire. » « Alors pourquoi tu te laisses encore ronger par ton histoire avec Eliot ? » Il demande rapidement, avant de réaliser la franchise de sa question et reprendre la parole : « Je dis pas ça méchamment, tu sais bien. Juste... tu sais que je suis là pour toi, aussi, n’est-ce pas ? Et que tu peux me parler. » C’est sa façon (bien maladroite) de souligner, à son tour, qu’il est là pour elle. Même si la rupture est a priori consommée, même si cela fait un certain temps, peu importe. Elle pourrait l’appeler au milieu de la nuit après être tombée sur un vieux t-shirt d’Eliot, qu’il se précipiterait pour la réconforter. Il serait toujours là pour elle, peu importe les circonstances. « Tu crois que c’est possible de pardonner ? » Il finit par demander après un instant d’hésitation, baissant à nouveau la tête tandis que ses doigts continuent de se perdre dans l’herbe. Ravalant sa fierté autant que ses émotions, il tente de reprendre le contrôle sur sa voix. « Elle a fait plein de trucs, tu sais. Elle revenait vers moi quand ça n’allait plus avec son mec du moment. Elle m’a même dit que je l’avais fait replonger dans l’anorexie, elle a menacé de se faire du mal, elle a dit que mes sentiments n’étaient pas sincères. » C’est ce que Sawyer voulait, n’est-ce pas ? Qu’il ne se laisse pas ronger par cette histoire, qu’il ne garde pas tout pour lui. Et bien qu’il ne dévoile pas à sa sœur tout ce que je sais, de mon côté, c’est déjà un bon résumé de la situation. « Et j’ai toujours tout accepté. » J’ai toujours été suffisamment con pour le faire, en tout cas. Ce n’est pas ma voix, c’est la sienne, preuve en est qu’il commence à comprendre, Kieran, à quel point il a été un pion dans le jeu tordu de la blonde. « Mais... quand je lui ai parlé pour la dernière fois, elle m’a dit que... » Il pince les lèvres, s’acharne un peu plus quand les brindilles qui n’ont rien demandé et qui s’accumulent à ses pieds, alors qu’il les arrache avec fureur. Les mots sont coincés dans sa gorge nouée. « Elle m’a dit que j’étais incapable d’aimer. Et que j’étais impossible à aimer. » Il admet finalement, se mordant la lèvre pour s’empêcher de libérer un flot d’émotions qui devient de plus en plus difficile à contenir. Certains diront qu’il est trop sensible, la vérité est que les mots de la jeune femme l’ont atteint comme jamais aucun autre auparavant. Je sais à quel point il ne demande que ça, d’être aimé. Il ne demande même pas que ce soit vraiment réciproque, ni même sincère et encore moins sain. Il veut juste avoir l’impression de l’être, peu importe si cela s’exprime d’une manière douloureuse, humiliante et destructrice : c’est tout ce qu’il a toujours connu, de toute manière. « Elle a raison. » Il concède finalement, contre ma volonté. Il en est persuadé, Kieran, même si j’essaie de lui intégrer l’idée contraire en tête. Mais s’il était possible de l’aimer, est-ce qu’il serait aussi seul aujourd’hui ? Sans famille biologique, sans meilleurs amis, sans quelqu’un avec qui partager son quotidien ? Toutes les preuves semblent s’accumuler pour lui mettre cette idée en tête. « Est-ce que tu peux pardonner tout ce qu’Eliot a dit ? Est-ce que tu arrives à vivre avec ? » Les horreurs qu’ils se sont échangées au moment de leur rupture, dont il n’a jamais eu les détails, mais qu’il a supposées terribles et déplacées. Est-ce que Sawyer arrive à s’en faire une raison ? Et comment ?
I made decisions to prove I was different But you follow me like a ghost, Now I'm a little bit lit and I'm pleading the fifth As I'm making a toast.
« Nan, c’est que dans ma tête, ça. » Elle hocha la tête en affichant une expression plus que dubitative. Juste dans ta tête. Oui bien sûr. Un parfait inconnu ayant pu les observer durant environ cinq minutes n’aurait pas été dupe et aurait compris à la dynamique qui existait entre eux deux que les mots de Kieran étaient peu crédibles. « Oui. Elle me l’a dit juste avant de paniquer et limiter les contacts quand je lui ai dit qu’elle me plaisait. » Ouch. Elle ne l’avait pas vu venir celle-là, preuve en était le silence qui avait suivi cette confession et l’air incrédule qu’on pouvait à présent lire sur son visage. Sawyer ne connaissait probablement pas la moitié des histoires qui unissaient son frère à la jeune femme, toutefois elle s’était toujours contentée de les considérer comme très proches. Elle n’avait pour une fois pas décidé de mener une enquête approfondie sur Ivy (une fois n’était pas coutume) pour déterminer si Kieran faisait bien de l’accepter dans son cercle proche, mais l’entendre parler d’elle lui avait suffi à considérer qu’elle devait avoir sa place dans sa vie compte tenu de l’importance qu’elle semblait avoir à ses yeux. Et la policière ne s’était vraisemblablement pas trompée sur la place qu’il lui accordait. En revanche, avait-elle fait fausse route quant au fait qu’elle méritait de faire partie de sa vie ? Et qui est-ce que Kieran pensait pouvoir berner avec son air faussement détaché ? S’il ne tenait pas à entrer davantage dans les détails, elle n’insisterait pas. Toutefois elle ne put se résoudre à garder complètement le silence sur le sujet : « Il lui faut peut-être un peu de temps ou… » Ou quoi ? Elle ne la connaissait pas suffisamment pour se faire un avis sur sa personne. Mais est-ce que cela avait déjà empêché Sawyer de dire ce qu’elle pensait sans prendre de pincettes ? Pas vraiment. « …ou bien c’est qu’elle ne méritait potentiellement pas autant de considération. » Tranchant, net, sans appel. Après ce qui lui était arrivé avec Eliot, Sawyer n’avait plus vraiment l’intention d’accorder trop d’importance aux personnes qui ne le méritaient pas. Elle ne voulait plus perdre son temps. Tout comme elle ne souhaitait pas plus que Kieran perdre le sien.
Pas certaine d’avoir bien choisi son anecdote et de lui avoir ainsi accordé un tel levier pour se moquer d’elle à la moindre occasion, Sawyer tentait tant bien que mal de faire ravaler à son frère son sourire satisfait. En vain. « Et puis j’ai envie de voir si vous avez gardé mes œuvres au mur. Tu sais, le décompte avant ma sortie, peint avec mon sang. » « Avec ton sang ? Tu veux dire avec ton vomi plutôt non ? Le peu qui n’a pas fini sur mes chaussures en tout cas. » La cerise sur le gâteau après qu’elle ait été réveillée en pleine nuit pour venir le récupérer au poste. Elle avait tenté un dernier argument -somme toute très vrai- pour le dissuader d’utiliser le fameux surnom dont Jessalyn l’avait affublée. « Trop tard, j’ai déjà changé ton contact. » Elle secoua la tête en soupirant ouvertement. « Très bien, partons sur une relation fraternelle très malsaine et franchement malaisante, allons-y Agnes. » Elle grinçait déjà des dents par avance à l’imaginer l’interpeller de la sorte. Mais il savait mieux que personne qu’elle ne manquerait pas de se venger s’il osait agir de la sorte. Il ne faisait aucun doute qu’il regretterait avec nostalgie toutes les douces balles et les très légers bleus qui ressortiraient de leur journée baseball une fois qu’elle aurait fini par trouver une vengeance à la hauteur de l’affront. Son cerveau était d’ores et déjà en train de se pencher sur la question. Mais la vengeance sanglante allait devoir patienter. Pour l’heure, la conversation avait fini par prendre un tournant beaucoup plus sérieux après le dernier coup manqué de Kieran (elle passerait sous silence le fait qu’elle ne s’était pas montrée très fair play en n’attendant pas qu’il soit prêt pour lui envoyer la balle). Après la parenthèse Ivy, Sawyer découvrait à présent une histoire sentimentale bien plus lourde encore. « Elle m’a appelé en visio depuis l’étranger, pour se cacher derrière des excuses et une opportunité professionnelle offerte par son patron. » Ses sourcils se froncèrent légèrement. « Difficile de faire plus lâche que ça. » Peut-être avait-elle effectivement dû saisir cette opportunité professionnelle. Mais rien ne justifiait de partir de la sorte sans prendre le temps de s’expliquer de vive voix avec lui au préalable. Quelle genre de personne agissait de la sorte ? « C’est le même patron qui, à moi, m’a offert un plan de lui torse nu derrière elle quand on discutait. J’imaginais que c’est vraiment une opportunité dont elle devait se saisir. » Ha oui. Ce genre de personne donc. Sawyer s’était pincé les lèvres pour éviter que sa mâchoire ne menace de se déboîter complètement sous le coup de l’incrédulité qui l’envahissait. Prendre un billet d’avion de dernière minute et un bagage cabine pour sa batte de baseball était-il une option envisageable pour lui dire ce qu’elle pensait de sa façon de faire et du peu de respect dont elle semblait faire preuve ? L’idée lui traversa l’esprit une fraction de seconde avant qu’elle ne se reconcentre sur son frère. Lui n’était pas à l’étranger mais bel et bien en face d’elle à souffrir d’une histoire qu’il n’avait même pas eu l’occasion de clore véritablement. Elle regrettait de l’avoir traitée de garce à présent. D’autres mots bien plus forts lui venaient à l’esprit à présent. « Elle s’est foutue de ma gueule tout ce temps et comme un con, j’ai continué de courir dès qu’elle m’appelait. » « C’est elle qui s’est mal comportée. Toi t’es juste empathique et prêt à aider les autres et c’est pas quelque chose que tu peux te reprocher. C’est pas quelque chose que quiconque peut te reprocher. » Evidemment que ça lui jouerait des tours. « Tu peux pas changer ton caractère et devenir un parfait connard sous prétexte que les autres font déjà partie de cette catégorie. » En revanche, peut-être pourrait-il apprendre à dire non un peu plus souvent, ne serait-ce que pour se préserver lui-même et conserver un espace vital qu’elle savait particulièrement important pour des gens qui avaient tendance à se poser trop de questions, sur tout, tout le temps. Mais c’était un autre problème. Pour un autre jour. « Je la déteste. » « Pour ce que ça vaut, moi aussi. » Ça ne l’aiderait probablement pas à aller mieux, mais ça n’en était pas moins sincère. Eve avait bien fait de quitter le payer, sinon il y avait fort à parier que Sawyer se serait permise de dépasser les limites en se pointant chez elle, Liam Neeson’s style dans Taken. I will look for you, I will find you, and I will kill you. A peine dramatique. Mais il y avait des aspects de la vie de Sawyer auxquels il ne fallait pas toucher sous peine de violentes représailles, et Kieran en faisait partie. L’heure n’était plus aux plaisanteries et au jeu. Sawyer s’était rapproché de lui pour le prendre dans ses bras et s’ouvrir à son tour sur son expérience personnelle. Différente de la sienne, mais tout aussi douloureuse. Elle était persuadée au fond d’elle d’avoir mal géré sa rupture avec Eliot, que ce soit pendant ou après. Elle pensait encore régulièrement à lui, laissant un savant mélange de douce nostalgie et de profonde amertume s’installer au fond d’elle. Elle aurait voulu pouvoir tourner la page de leur relation mais des mois plus tard elle avait l’impression d’être encore bloquée dans leur histoire, sans pouvoir avancer, sans pouvoir continuer sa route seule. Elle qui était une forte tête, toujours prête à revendiquer son indépendance, elle se détestait de se retrouver à présent dans cette position. Qu’avait-elle loupé ? « Alors pourquoi tu te laisses encore ronger par ton histoire avec Eliot ? » Son visage se tourna rapidement vers celui de son frère, surprise -mais pas blessée- par ses propos quelque peu abruptes. « Je dis pas ça méchamment, tu sais bien. Juste... tu sais que je suis là pour toi, aussi, n’est-ce pas ? Et que tu peux me parler. » Un sourire à la fois attendri et triste vint étirer le coin de ses lèvres. « Je le sais. » Mais elle restait refermée sur elle-même malgré tout. Elle savait que ça n’était pas la solution, pourtant elle ne parvenait pas à exprimer à voix haute ce qu’elle ressentait. « Je crois à tort que ne pas en parler du tout me permettra de passer à autre chose plus rapidement. » Le déni, cette douce torpeur dans laquelle il était si facile de se réfugier. « Et je veux juste pas que tu fasses la même erreur. » Elle n’avait pas envie de se laisser ronger par son histoire avec Eliot qui aurait dû appartenir au passé depuis bien longtemps. Mais elle ne faisait pourtant rien pour qu’il en soit ainsi. Elle se sentait émotionnellement incapable de passer à autre chose. Elle avait besoin que quelqu’un lui donne les instructions, la marche à suivre pour aller de l’avant. Parce qu’elle ne les avait résolument pas en sa possession et elle ne pouvait que parler par expérience à son frère de ce qu’il ne fallait pas faire. « Tu crois que c’est possible de pardonner ? » Un très léger rire étouffé s’échappa de ses lèvres alors que son regard quitta le visage de son frère pour se fixer de manière absente sur l’horizon. Avait-il oublié qu’il s’adressait à la personne la plus rancunière de la terre ? Sawyer avait pardonné bien des choses, mais la vie lui avait appris à s’endurcir, la faisant devenir du même coup pleine de désillusions. Elle ne voulait pas être cette personne fataliste, mais elle refusait se laisser entre à nouveau dans sa vie des gens qui l’avaient trahie par le passé. « Elle a fait plein de trucs, tu sais. Elle revenait vers moi quand ça n’allait plus avec son mec du moment. Elle m’a même dit que je l’avais fait replonger dans l’anorexie, elle a menacé de se faire du mal, elle a dit que mes sentiments n’étaient pas sincères. » Ses sourcils se froncèrent et sa gorge se noua en écoutant son frère. Elle n’avait toujours aucune idée de l’ampleur des épreuves qu’il avait du endurer aux côtés d’Autumn, et elle se rendait compte aujourd’hui que la toxicité de ses relations ne s’était pas arrêtée avec elle. « Personne a le droit de faire peser une telle culpabilité sur tes épaules Kieran. Elle était assez grande pour assumer les conséquences de ses actes toute seule et je suis à la fois dégoûtée et désolée que tu te sois retrouvé à payer les pots cassés d’une personne qui ne te méritait pas et qui était apparemment incapable de s’auto-gérer et de faire preuve du plus élémentaire des savoir être. » Etait-elle seulement capable de faire preuve d’une once d’humanité ? Sawyer avait de sérieux doutes. « Mais... quand je lui ai parlé pour la dernière fois, elle m’a dit que... » Elle n’allait pas aimer la suite, elle le savait déjà. Si parler d’Eliot l’avait transportée dans une sorte d’apathie, entendre l’histoire de son frère était en train de réveiller petit à petit une colère ravageuse. « Elle m’a dit que j’étais incapable d’aimer. Et que j’étais impossible à aimer. » Le billet d’avion pour aller lui rendre une petite visite était à nouveau sur la table. Son poing droit venant se refermer, les ongles de Sawyer était à présent en train de sérieusement s’attaquer à la paume de sa main. Elle avait envie d’hurler. Quelle personne saine d’esprit était capable de se permettre une telle réflexion à quelqu’un qui avait d’une manière ou d’une autre compté à ses yeux à un moment donné ? Et comment osait-elle se la permettre à l’intention de son frère quand on connaissait la sensibilité qui le caractérisait ? « Elle a raison. » « Putain Kieran arrête. » Elle avait retourné brusquement son visage vers lui en affichant une expression grave. Sa réaction avait été brusque et sans appel. Elle avait toujours pris soin de peser ses mots avec lui, mais là il en était hors de question. « C’est des conneries. » S’il avait besoin qu’elle le secoue pour le réaliser, alors elle n’allait pas s’en priver. Si la mesure et la douceur n’y faisaient rien, il était temps de changer de tactique. « Arrête de te dévaloriser sans arrêt. Arrête d’exister pour les autres. Arrête d’écouter ce que des personnes dénuées d’humanité et de sentiments pensent de toi. Eve est l’exemple même de la personne qui, en plus de faire ricocher ses problèmes sur les gens qui l’entourent, se permet de les rendre responsables de toutes ses merdes parce qu’elle est trop lâche pour arrêter de se voiler la face et réaliser que la seule responsable dans l’histoire c’est elle. Y a qu’elle qui peut résoudre les ennuis qu’elle s’est elle-même créés. Y a qu’elle qui peut travailler sur elle-même pour arrêter d’être une sombre conne. Tout comme y a que toi qui peux choisir de ne pas te laisser envahir et toucher par des propos qui n’ont strictement aucun fondement. » Elle marqua une pause, appuyant un peu plus son regard dans le sien, s’assurant qu’il prêtait bien attention à chacun des mots qu’elle prononçait, qu’il les assimilait, qu’il les acceptait. « Bien sûr que tu mérites d’être aimé. Bien sûr qu’on est plusieurs à t’aimer. Bien sûr que tu finiras par trouver celle qui sauras t’aimer comme tu le mérites et comme tu sauras lui rendre. Et je serai là pour te le répéter à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pour faire rentrer cette information dans ta tête. Jusqu’à ce que t’en sois persuadé autant que je le suis moi-même. » Etait-elle assez claire ou devait-elle continuer d’hausser le ton pour se faire entendre et comprendre ? Personne n’avait le droit de le faire se sentir aussi malheureux. Il allait devoir travailler sur lui pour passer outre les propos de la jeune femme et les mettre très loin derrière lui. Eve, son indécision et ses incohérences appartenaient au passé. Kieran devait se concentrer sur le présent et le futur. Tout comme Sawyer. « Est-ce que tu peux pardonner tout ce qu’Eliot a dit ? Est-ce que tu arrives à vivre avec ? » Sa tête effectua un mouvement discret de la gauche vers la droite, son langage non verbal s’exprimant avant même qu’elle n’ait eu le temps d’assimiler la question qu’il venait de lui poser. Progressivement, les traits de son visage se détendirent quelque peu et sa colère fut remplacée par une profonde désillusion. « Franchement ? La vérité ? » Parce qu’il était facile de prodiguer des conseils, mais il était beaucoup plus compliqué de se les appliquer. Elle soupira avant de reprendre : « Pour répondre à ta question de tout à l’heure : oui je pense qu’il est possible de pardonner. Mais je pense aussi que ça dépend des situations. Alors non, je pardonnerai probablement jamais à Eliot les propos qu’il a tenus. Et non, je n’arrive pour l’instant toujours pas à vivre avec. C’est pour ça que je refuse que tu te retrouves dans la même situation que moi. » Sa voix était plus calme à nouveau, laissant sa tristesse transparaitre. Son émotion était palpable. « Je finirai par trouver un moyen de tourner la page et d’arrêter de vivre avec cette rancœur…mais pour l’instant j’y suis pas encore. » Et elle avait l’impression de ne rien faire pour y parvenir, pourtant ça n’était pas l’envie qui lui manquait. « Malgré les bons moments et les belles années qu’on a aussi vécus, parfois j’aimerais pouvoir l’effacer définitivement de ma vie pour avancer et arrêter de me sentir mal. Mais c’est pas la solution. Eliot fait partie de mon histoire maintenant, quoi que j’en dise. » Et elle ne serait pas celle qu’elle était aujourd’hui si elle ne l’avait pas connu. C’était ça les propos clichés qu’on tenait habituellement, non ?
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Kieran Halstead
les cicatrices de la mémoire
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
Lorsqu’il laisse échapper son ressentiment à l’égard d’Ivy, il en vient presque à regretter les balles qui rebondissaient encore sur son abdomen quelques instants plus tôt. Ce n’est pas qu’il est maso (quoi qu’il soit légitime de se poser la question quand on connait ses antécédents sentimentaux), mais la douleur est presque moins insupportable lorsqu’elle est seulement physique. Car les hématomes qui marqueront sa peau d’ici le lendemain finiront bien par s’atténuer pour finalement disparaître ; tandis que les morceaux de sa fierté éparpillée et de son cœur décimé seront bien plus difficiles à retrouver et à consolider ensemble – si tant est que ce soit possible. Ivy n’était pas supposée appartenir à cette catégorie-là, aux prénoms qu’il est proscrit de prononcer car ils ravivent de douloureux souvenirs. Aux côtés de la jeune femme, il a appris à s’en créer de nouveaux, bien plus beaux que tous ceux qu’il avait emmagasinés au cours des mois précédents. Il avait retrouvé un certain plaisir à vivre, à profiter, à sourire, à rayer les numéros sur la liste de ses envies, poussé par une Ivy toujours bienveillante à son égard. Jusqu’à ce qu’il détruise tout, jusqu’à ce qu’il lui avoue que l’attraction qu’il pouvait ressentir pour elle n’était plus uniquement physique. C’est son point de vue, du moins, alors qu’à mes yeux, il ne devrait pas se sentir aussi honteux d’avoir été sincère avec elle. Bien sûr, la finalité n’est pas celle qu’il espérait – encore moins aussi rapidement après la fuite d’Eve – mais il a le mérite d’avoir avoué ses sentiments, Kieran, là où d’ordinaire il se serait contenté de continuer à les vivre à sens unique. Peut-être qu’il aurait dû se taire, en réalité, puisque c’est bien de ça dont il s’agit, d’une situation qu’il ne connaît que trop bien pour la vivre (presque) à chaque fois qu’il développe de l’affection pour une fille ; c’est à sens unique. Autumn est la seule qui a partagé ses sentiments – et on a bien vu comment ça s’est terminé. Alors peut-être qu’il devrait simplement arrêter. Arrêter d’espérer, arrêter de ressentir, aussi, dans un sens, ça lui faciliterait bien des choses. Mais ce ne serait pas bon pour lui, contrairement à ce qu’il a l’air de penser ; et ce n’est pas ce que je veux pour lui. Et je sais que je ne devrais pas lui imposer mes envies, mais dans le fond... les miennes sont un peu les siennes, n’est-ce pas ? « Il lui faut peut-être un peu de temps ou… » Elle en a eu du temps. Des jours, puis des semaines et finalement des mois – je lui interdis de répéter l’erreur Eve deux fois, à mettre ainsi sur pause sa vie durant un an à espérer qu’elle se décide à le voir. « …ou bien c’est qu’elle ne méritait potentiellement pas autant de considération. » Il pince les lèvres, mal à l’aise. Sawyer n’a pas tort, mais il ne veut pas écouter (quelle surprise). Ni elle, ni moi, alors qu’il se sent coupable d’en vouloir à la jeune femme. Rien ne l’oblige à l’aimer, il ne peut pas lui en vouloir de ne pas partager ses sentiments. Et ce n’est pas le cas, Kieran. Ce n’est pas la nature du problème ; celui-ci est la manière dont elle a soudainement décidé de sortir de ta vie sans même essayer de prétendre que vous pouviez rester amis. Parce qu’il aurait pu faire semblant, le brun, habitué depuis son adolescence à des crushs non partagés, il aurait appris à ravaler ses yeux admiratifs et son sourire béat, il le sait, mais Ivy ne lui a pas donné l’occasion de le lui prouver. Au constat de sa sœur, il se contente de hausser les épaules. Elle méritait autant de considération, tout comme Autumn, tout comme Eve avant elle. Ce qu’il n’arrive pas à comprendre, dans l’équation, c’est que lui aussi mérite une certaine considération et plutôt que de la chercher de la part des autres, il devrait apprendre à se l’offrir lui-même.
Ce qui est certain, c’est que de la considération, il en a bien peu pour sa sœur lorsqu’il découvre le surnom dont leur amie commune l’a affublée, surnom qui va évidemment être utilisé contre son aînée – aussi perturbant que ça puisse être... ce qui ôte toute crédibilité au désir de vengeance d’un Kieran qui n’osera probablement jamais mettre en pratique le plan qu’il présente à cet instant. « Avec ton sang ? Tu veux dire avec ton vomi plutôt non ? Le peu qui n’a pas fini sur mes chaussures en tout cas. » À ce retour de bâton, il grimace légèrement, peu enclin à vouloir se souvenir de cette soirée-là. Oh, ce n’est pas que la compagnie de Jessalyn n’avait pas été agréable – elle l’avait été, elle avait même rendu la finalité bien moins angoissante qu’il n’aurait pu le croire si on lui avait dit qu’il finirait au poste. Non, c’est tout le contexte autour de cette ivresse et la date supposée de ce mariage avorté. La façon de faire avait été discutable, c’est certain, mais je ne peux pas en vouloir à Kieran d’avoir craqué ce jour-là. Pour les chaussures de Sawyer, par contre, j’étais aussi désolé que lui, malaise qui est nettement diminué aujourd’hui en prenant en compte le sadisme dont elle a fait preuve depuis leur arrivée sur le terrain. « Elles étaient déjà moches avant ça, de toute façon. » Non, elles ne l’étaient pas – il ne s’en souvient pas, en réalité – mais en bon petit frère agaçant, il se doit de lui offrir une réponse de haut niveau. Et attendre un nouveau coup, probablement, qui ne sera pas l’œuvre d’une balle, cette fois-ci. « Très bien, partons sur une relation fraternelle très malsaine et franchement malaisante, allons-y Agnes. » Un rire franc s’échappe d’entre ses lèvres, alors que de l’index, il vient dessiner dans l’air une auréole au-dessous de sa tête. Quelle ingrate de s’en prendre ainsi à un ange pareil, hm.
Celle qui ne mérite pas ce statut est Eve, désormais à des milliers de kilomètres du trentenaire. J’ai souvent rêvé qu’elle disparaisse (de manière plus ou moins orthodoxe) et maintenant que c’est enfin le cas, je ne rêve que de son retour. Pas parce qu’elle manque à Kieran comme ce fut trop souvent le cas durant ses périodes d’absence, oh non, seulement parce qu’il a fallu qu’il attende ce qui semble être son départ définitif pour enfin réaliser les blessures qu’elle a pu lui causer et toutes les vérité qu’il a besoin de lui partager. Des vérités qui ne franchissent la barrière de ses lèvres qu’auprès de sa sœur, maintenant que la principale concernée semble décidée à enfin sortir de sa vie. J’ai attendu ce moment pendant des mois ; et je n’arrive même pas à m’en réjouir car même disparue, la jeune femme continue à exercer un certain pouvoir sur le brun. « Difficile de faire plus lâche que ça. » Vous voyez, c’est exactement pour cela que je l’aime bien, la Harding. Parce qu’elle résume les choses en quelques mots ; et qu’au-delà de ça, toute son attitude crie une insulte qu’il ne serait pas très mature d’adresser à la blonde, mais Kieran n’en pense pas moins. Enfin, pendant une demi-seconde, parce qu’il s’agit de Kieran et que très vite, il s’en veut de ressentir des sentiments aussi négatifs et virulents à l’égard d’autrui. Parce qu’il y a toujours deux versions d’une même histoire, parce que dans celle d’Eve il est probablement le méchant, que ce n’est pas juste de sa part de lui donner le mauvais rôle alors que les fautes sont partagées, blablabla, te fatigue pas Kieran, Eve n’est plus là et elle ne pourra pas te lire, pas t’entendre, pas te comprendre (elle n’a jamais su, de toute évidence). Son départ fait mal, mais est presque un soulagement ; tout autant que la découverte de la vraie nature de sa relation avec son patron. Parce qu’il peut enfin s’autoriser à se libérer des chaînes qu’il s’est lui-même mises aux poignets, celles-là même qu’il a resserrées sous prétexte que toutes les cases étaient cochées : quelques passions communes, une certaine habitude de se côtoyer, un intérêt réciproque, puis des sentiments qu’il croyait sincères. Les étapes semblaient être dans l’ordre, et puisqu’Eve pouvait l’envisager comme un compagnon (enfin, après avoir joué à la girouette pendant une année), il n’avait pas de raison de refuser. Ni la manière dont elle forçait leur proximité physique malgré son malaise perceptible, ni les accusations qu’elle portait sur lui pour mieux le réduire à sa soumission, ni la relation qu’elle continuait d’entretenir avec Ezechiel sans lui en parler, rien de tout ça n’était suffisant pour le convaincre de ne pas s’infliger ça alors qu’il n’était pas prêt. Parce qu’elle s’intéressait à lui. D’une manière tordue, blessante et terriblement destructrice, elle s’intéressait à lui, et bien qu’elle ne le voyait pas, elle posait les yeux sur lui ; c’est tout ce qu’il a toujours désiré, alors peu importe si ce seul avantage s’accompagne de beaucoup de désavantages : ils ne font pas le poids. Il pensait qu’ils ne faisaient pas le poids ; mais je suis là pour lui prouver du contraire, pour accentuer le fait que, petit à petit, ce malaise est devenu de plus en plus lourd, au point où il a perdu pied, Kieran. Et je suis désolé qu’il l’ait réalisé de manière aussi violente, mais c’était des étapes nécessaires pour qu’enfin, il considère Eve à sa juste valeur et non pas à celle qu’il a voulu lui donner par désespoir. « C’est elle qui s’est mal comportée. Toi t’es juste empathique et prêt à aider les autres et c’est pas quelque chose que tu peux te reprocher. C’est pas quelque chose que quiconque peut te reprocher. Tu peux pas changer ton caractère et devenir un parfait connard sous prétexte que les autres font déjà partie de cette catégorie. » Sawyer a raison. Sawyer a toujours raison – à défaut de m’écouter, il pourrait au moins l’écouter elle. « J’ai l’impression que ça simplifierait les choses, parfois. » Il reconnaît, avec un sourire pincé pour alléger le poids de sa confession. « Je veux dire, c’est pas que je rêve d’être un parfait connard, mais... d’être plus détaché, d’être plus dur, d’être moins stupide, plus... » Plus courageux. Moins sensible. Plus autoritaire. Moins coincé. Il pourrait continuer la liste éternellement ; dans le fond, il voudrait être un parfait connard, ça l’arrangerait bien. Et ça marcherait sûrement plus auprès des autres. Auprès des femmes, auprès desquelles il gagnerait peut-être une certaine crédibilité ; auprès des autres, dans l’espoir d’atteindre un certain respect de leur part. « C’est juste que... ça l’air de marcher, pour d’autres. » Les connards réussissent. Archie réussit. Clyde aussi. Sans oublier Louisa, Ichabod, May et tant d’autres ; avoir un caractère détestable semble être symbole de réussite ; il est donc voué à l’échec. Même Eve réussit – elle qui mérite d’être rangée dans cette catégorie. « Pour ce que ça vaut, moi aussi. » Son sourire se veut un peu plus sincère alors que son regard croise celui de sa sœur pour lui adresser un remerciement silencieux, pour l’aider à se sentir moins seul face à ce déferlement de colère, de haine même, qu’il ressent pour la première fois à un tel niveau, des sentiments qu’il ne sait pas comment gérer et que, dans le fond, il n’est même pas sûr de vouloir apprendre à maîtriser. L’étreinte que lui offre sa sœur a le don de calmer son rythme cardiaque durant quelques instants, une accalmie bienvenue et malheureusement trop courte alors qu’encore une fois, il parle trop vite, Kieran, au risque de blesser Sawyer face à la brutalité de ses paroles, qu’il corrige rapidement. Sawyer se laisse encore consumer par sa rupture avec Eliot, c’est un fait qu’il n’a pas besoin d’accentuer. Le soutien qu’il peut lui offrir, dont elle ne semble pas profiter assez à son goût, par contre, est un élément sur lequel il peut se permettre d’insister. « Je le sais. » Elle sait ; mais ça ne suffit pas aux yeux d’un Kieran qui a l’impression de prendre sans jamais donner en retour. C’est un sentiment général, encore plus véridique quand il s’applique à sa sœur. Elle est toujours là pour lui, comme aujourd’hui alors qu’elle écoute ses états d’âme sans broncher depuis plusieurs minutes, comme elle l’a été ce jour-là, quand il a débarqué chez elle après deux ans d’absence, comme elle l’était déjà lors de leur adolescence quand elle était la seule personne sur laquelle il avait l’impression de réellement pouvoir compter. Mais est-ce qu’elle peut compter sur lui, elle ? Il n’a pas l’impression. Parce qu’il se voit encore comme ce lâche qui a quitté la ville et diminué les contacts avec son entourage jusqu’à ce qu’ils en deviennent inexistants et que s’il ne se pardonne pas ce comportement, il se flagelle encore plus de se savoir capable de ça. Capable d’abandonner les autres derrière lui, capable d’abandonner Sawyer. Alors oui, Kieran n’a pas l’impression d’être à la hauteur de sa sœur et à défaut de pouvoir lui forcer la main quant à quelques confessions, il ne peut que se répéter quant au fait d’être là pour elle. « Je crois à tort que ne pas en parler du tout me permettra de passer à autre chose plus rapidement. » Un sourire triste s’affiche sur les lèvres du dessinateur qui ne comprend que trop bien ce dont elle parle. « Et je veux juste pas que tu fasses la même erreur. » « J’ai pas attendu de t’avoir comme modèle pour enchaîner les erreurs. » Façon maladroite de lui dire que même si son écoute et ses conseils sont précieux et appréciés, il fera des erreurs, encore et toujours et qu’elle n’aura jamais aucune responsabilité dans celles-ci. Parce que c’est ainsi qu’il est fait, parce qu’il fonce vers le mauvais chemin quand tous les signaux indiquent le plus facile à prendre ; et que Sawyer ne pourra pas changer cela, quand bien même elle a ouvert la voie. « Mais s’il y a une chose que je commence à comprendre, c’est qu’il y a pas de solution miracle pour passer à autre chose. » Regardez-le, qui donne des conseils qu’il n’applique même pas à lui-même. Néanmoins, je me dois de féliciter ce constat ; parce qu’on a mis du temps à y arriver, n’est-ce pas Kieran ? À comprendre que le déni n’était pas la solution adéquate, parce qu’il n’en existe tout simplement pas. « Et que c’est pas pour rien qu’on dit que parfois que les choses ont besoin de sortir. J’ai envie de croire que si j’en parle un peu à toi, un peu à mon psy, un peu à d’autres... c’est pas grand-chose à la fois, mais mis bout à bout, il y a peut-être une chance, une petite chance pour que tout finisse par sortir plutôt que de continuer à prendre toute la place dans ma tête, que ça disparaisse et que je reste pas coincé avec tout ça, tu vois ? » Qu’une parole par-ci, une autre par-là, peuvent rendre les choses concrètes ; ça a besoin de sortir, oui, mais il a envie de croire que le sens figuré peut rejoindre le sens littéral. Que de telles confessions allégeront son cœur autant que son esprit, au lieu de les emprisonner dans celui-ci jusqu’à ce qu’elles se multiplient par milliers et en deviennent si nombreuses qu’il sera impossible de toutes les évacuer. Le point de non-retour, qu’il frôle de plus en plus, et le vase a besoin d’être vidé, car quand il débordera, il sera trop tard. « Ça me fait du bien de t’en parler. Merci. » Son sourire se veut bienveillant, son regard appuyé. Ce n’est pas que Kieran veut parler de lui, c’est qu’il veut lui signifier que son écoute lui fait du bien ; que sa stratégie, sans être jugée comme mauvaise, n’est peut-être pas adéquate. Que la sienne n’est pas beaucoup mieux, expliquée de manière aussi bancale, mais que si elle veut s’y essayer, il l’épaulera. Et qu’elle pourrait même y trouver son compte, peut-être. Il lui a fallu du temps pour en venir au fait, et il y a encore beaucoup de choses dont il ne parle pas, Kieran, sur lesquels je pourrais m’énerver. Autumn, ses parents, son boulot, le retour de certains fantômes du passé, le poids de certaines mauvaises décisions ; mais Eve est déjà un bon début, autant féliciter celui-ci plutôt que de songer à des chapitres qui ne sont pas encore entamés et dont il veut de toute façon partager l’écriture avec sa sœur.
Et le chapitre concernant Eve est peut-être le plus conséquent de ceux qui concernent son retour à Brisbane – parce que la jeune femme ne s’est pas contentée de lui briser le cœur, elle a surtout joué avec celui-ci au point de l’épuiser. Si Kieran résume les choses en quelques mots, je sais pourtant qu’il pourrait développer pendant des heures, principalement parce que le comportement de la blonde a influencé le sien et concrétisé toujours un peu plus un schéma de pensées duquel j’essaie de le sortir. Et si je persiste à penser qu’Eve ne mérite pas son pardon, lui l’accorder serait la prise de conscience que son attitude était destructrice. « Personne a le droit de faire peser une telle culpabilité sur tes épaules Kieran. Elle était assez grande pour assumer les conséquences de ses actes toute seule et je suis à la fois dégoûtée et désolée que tu te sois retrouvé à payer les pots cassés d’une personne qui ne te méritait pas et qui était apparemment incapable de s’auto-gérer et de faire preuve du plus élémentaire des savoir être. » Et il y a cette voix. Il y a cette voix dans sa tête qui continue de lui murmurer qu’il est entièrement responsable des blessures de la blonde ; qu’il ne peut pas lui en vouloir d’avoir fait porter la culpabilité sur lui alors qu’elle était totalement justifiée. Parce que ce n’était pas la première personne qu’il rendait malheureuse, parce qu’il y en a eu d’autres avant elle, celles-là même qu’il était supposé aimer inconditionnellement ; ses parents, sa fiancée, Eve. Sawyer, aussi, alors que son départ reste un sujet qu’ils n’ont pratiquement jamais abordé ; des justifications et des explications que Kieran n’a jamais su lui donner. Pourtant, il sait. Il n’a pas besoin qu’elle le dise pour savoir qu’il est aussi à l’origine d’une certaine détresse chez sa sœur qu’il essaie aujourd’hui de réparer – probablement trop tard, d’ailleurs. Et cette seule pensée ne fait que confirmer qu’il ne voit aucune vérité dans les paroles de Sawyer. Parce qu’Eve avait raison. Parce qu’il ne sait pas comment s’y prendre avec les autres, parce qu’il finit toujours par tout détruire, de la relation qu’il a pu construire avec les gens, à eux-mêmes. Il ne fait pas de distinction dans les dégâts qu’il cause, il maximise ceux-ci, alors qu’il ne rêve que de leur apporter un bonheur qu’à défaut de trouver lui-même, il voudrait au moins donner aux autres. « Putain Kieran arrête. » le ton dur autant que l’expression grave de Sawyer provoquent un malaise chez le jeune homme qui baisse la tête, comme un gamin pris sur le fait. « C’est des conneries. » Vraiment ? « Arrête de te dévaloriser sans arrêt. Arrête d’exister pour les autres. Arrête d’écouter ce que des personnes dénuées d’humanité et de sentiments pensent de toi. Eve est l’exemple même de la personne qui, en plus de faire ricocher ses problèmes sur les gens qui l’entourent, se permet de les rendre responsables de toutes ses merdes parce qu’elle est trop lâche pour arrêter de se voiler la face et réaliser que la seule responsable dans l’histoire c’est elle. Y a qu’elle qui peut résoudre les ennuis qu’elle s’est elle-même créés. Y a qu’elle qui peut travailler sur elle-même pour arrêter d’être une sombre conne. Tout comme y a que toi qui peux choisir de ne pas te laisser envahir et toucher par des propos qui n’ont strictement aucun fondement. » Relevant les yeux avec hésitation pour ne pas se montrer irrespectueux, Kieran reste muet. Elle a raison, pourtant, Sawyer. Elle a raison, elle lui le hurle dans ses paroles tranchantes autant que je ne le fais moi dans son propre esprit, faisant résonner des mots qui ont bien plus de sens que tous ceux qu’il peut avoir à son égard. Sawyer a raison, de A à Z, mais si des mots pouvaient changer la perception de lui-même qu’il a acquise en trente ans, ça se saurait. « Bien sûr que tu mérites d’être aimé. Bien sûr qu’on est plusieurs à t’aimer. Bien sûr que tu finiras par trouver celle qui sauras t’aimer comme tu le mérites et comme tu sauras lui rendre. Et je serai là pour te le répéter à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pour faire rentrer cette information dans ta tête. Jusqu’à ce que t’en sois persuadé autant que je le suis moi-même. » Un fin sourire s’affiche sur ses lèvres face à la détermination de la jeune femme, plus que par rapport à sa croyance en ces propos. « J’essaie. J’essaie vraiment, tu sais. » Qu’il reprend, toujours mal à l’aise d’être ainsi pointé du doigt, même s’il a conscience que sa sœur a raison. « De ne plus me dévaloriser ni d’exister pour les autres. » Il précise, marquant un bref silence le temps de faire de l’ordre dans ses idées. « C’est juste qu’à chaque fois que j’arrive à faire un pas en avant, il se passe un truc, et je recule de dix. » Et il essaie d’avancer, promis. Il essaie, il s’épuise parfois, même s’il doit donner l’impression de se complaire dans son insécurité. Il aimerait que les choses évoluent, soient aussi simples qu’elles ne sont présentées par Sawyer, parce qu’il n’est pas stupide, Kieran et il sait à quel point son manque d’assurance est difficile à supporter au quotidien pour son entourage, peut-être même plus que pour lui. « J’ai grandi là-dedans et je sais que c’est pas une excuse, mais parfois j’ai l’impression de pas savoir faire autrement. » Ce n’est pas une excuse parce qu’il a trente ans passé maintenant, Kieran, qu’il devrait être parvenu à se reprendre en main et à laisser derrière lui les traumatismes du passé, mais encore une fois, c’est bien plus facile à dire qu’à mettre en application. Il a l’impression de ne pas savoir comment faire, ni qui il est, en dehors de ses insécurités et de sa constante dévalorisation. Et ce n’est finalement plus vraiment le sujet alors qu’il veut surtout savoir s’il sera capable de pardonner à Eve un jour, s’il arrivera à vivre avec le poids de ses propos. Comment est-ce qu’elle a fait, sa sœur, quand elle traversait la même situation avec Eliot ? « Franchement ? La vérité ? » Oui, la vérité, aussi douloureuse qu’elle puisse être. « Pour répondre à ta question de tout à l’heure : oui je pense qu’il est possible de pardonner. Mais je pense aussi que ça dépend des situations. Alors non, je pardonnerai probablement jamais à Eliot les propos qu’il a tenus. Et non, je n’arrive pour l’instant toujours pas à vivre avec. C’est pour ça que je refuse que tu te retrouves dans la même situation que moi. » L’émotion dans la voix de sa sœur lui brise le cœur et il glisse sa main dans la sienne pour lui prouver, une fois encore, qu’il est là pour elle. Elle peut craquer, si elle le souhaite, elle peut déverser toute sa colère sur Eliot, elle peut rester silencieuse ; il fera comme elle le veut. « Je finirai par trouver un moyen de tourner la page et d’arrêter de vivre avec cette rancœur…mais pour l’instant j’y suis pas encore. » Et cette réponse n’est pas aussi douloureuse qu’il l’aurait cru, alors qu’il comprend une chose dans tout cela : il a le droit d’en vouloir à Eve. Et ça a mis un moment avant d’être accepté, n’est-ce pas, Kieran ? Il a le droit de la détester pour ce qu’elle a fait, il a le droit de lui en vouloir, il a le droit d’avoir un ressenti qui lui est propre, il a le droit de ne pas vouloir lui pardonner, ni même d’envisager le faire. « Malgré les bons moments et les belles années qu’on a aussi vécus, parfois j’aimerais pouvoir l’effacer définitivement de ma vie pour avancer et arrêter de me sentir mal. Mais c’est pas la solution. Eliot fait partie de mon histoire maintenant, quoi que j’en dise. » Et Eve fera toujours partie de la sienne. Et il réalise, avec stupeur, que les bons moments vécus avec la blonde ne se compte que sur les doigts d’une main. Quand il pense à elle, il pense à toute la douleur qui a accompagné son entrée dans sa vie. Et même lorsqu’ils se fréquentaient, ce n’était déjà pas un bonheur indescriptible qu’il ressenti à ses côtés : il a seulement voulu s’en convaincre pour mieux oublier sa détresse. « J’imagine qu’il y a des leçons à en tirer, ou une autre bullshit du genre. » Il souligne avec un léger rire. Les grandes leçons de vie, de philosophie, peu importe, tous les bons psys diront des conneries du genre pour donner une justification autant qu’un but à ce qu’ils traversent. « Tu sais que ce que tu m’as dit sur elle... ça vaut aussi pour lui, n’est-ce pas ? » Il l’interroge doucement, avant de reprendre. « Qu’il a fait ricocher ses problèmes sur toi et qu’il t’a rendu responsable ? » La situation est différente et même sans avoir obtenu tous les détails de la rupture de sa sœur, c’est du moins l’impression qu’il a. « Et que... c’est un sombre connard. » Lui aussi, et même s’il s’agit de mots qu’il n’aurait jamais adressé à qui que ce soit d’ordinaire, cette fois-ci il se permet ce jugement qui, il l’espère, n’agacera pas sa sœur plus que nécessaire. « Et que tu mérites mieux que lui. » Beaucoup mieux que lui. « Je t’aime, Tom. » Ils sont plus habitués à l’exprimer par des piques et des tapes amicales, mais à cet instant, Kieran a besoin de l’exprimer de la façon la plus pure, la plu innocente, la plus reconnaissante, surtout, alors que Sawyer a eu des mots auxquels il peine à croire et qui, pourtant, l’ont quelque peu apaisé.
Kieran oscillait entre problèmes sentimentaux et blagues vaseuses, laissant sa sœur dubitative quant à son état d’esprit actuel. Torturé ? Triste ? Prêt à plaisanter ? Tout à la fois ? Elle avait la désagréable impression qu’il tentait de faire bonne figure et de minimiser à la fois ce qui se passait dans sa vie mais aussi la façon dont il le vivait. Et si elle avait toujours été et serait toujours là pour lui, il était bien difficile de l’aider à résoudre des problèmes qu’il ne semblait pas avoir clairement identifié et reconnu lui-même. Malgré tout, il lui en avait dit suffisamment pour lui permettre de se faire une opinion sans appel au sujet d’Eve. Et si elle devait reconnaitre qu’elle n’y allait pas avec le dos de la cuillère, surtout quand il s’agissait des fréquentations de son frère, elle ne pouvait guère que s’agacer du trop plein d’empathie dont il faisait preuve envers ces mêmes personnes. Il y avait des limites à ce que la tolérance pouvait supporter et Eve semblait les avoir franchies à plusieurs reprises, les avoir piétinées sans ménagement avant de partir sans un regard en arrière. Alors pourquoi Kieran semblait se sentir coupable après tout ça quand il n’avait strictement rien à se reprocher si ce n’était un flagrant excès de zèle ? Sawyer n’était pas énervée contre lui. Elle le connaissait par cœur et avait l’habitude de le voir réagir comme ça. La flagellation non méritée, ça le connaissait. Mais elle était encore une fois agacée par son comportement et agacée par sa propre incapacité à lui fournir des réponses convaincantes, des arguments qui le feraient enfin changer d’avis sur lui. Elle aurait aimé lui offrir la possibilité de le voir comme elle le voyait lui : quelqu’un de profondément sincère, sensible, une personne de confiance possédant toutefois la capacité de sortir des réparties bien senties quand cela s’avérait nécessaire. Il avait une force qu’il ne soupçonnait même pas et un caractère bien caché qu’elle aurait voulu qu’il fasse ressurgir plus souvent. « J’ai l’impression que ça simplifierait les choses, parfois. Je veux dire, c’est pas que je rêve d’être un parfait connard, mais... d’être plus détaché, d’être plus dur, d’être moins stupide, plus... » Elle fronça les sourcils avant de lever son bras gauche pour envoyer sa main taper gentiment à l’arrière du crâne de son frère. « T’es pas stupide. » Elle aurait bien émis quelques exceptions à cette vérité, comme par exemple dans certaines situations où il se permettait de lui faire des remarques volontairement déplacées et/ou au choix insultantes. Mais ça n’était pas le moment de plaisanter si elle voulait que ses mots conservent leur poids. « C’est juste que... ça l’air de marcher, pour d’autres. » Un léger rire étouffé lui échappa. « En apparence oui. Mais ça fonctionne pour de parfaits connards, dans un monde de parfaits connards, entourés de parfaits connards, interagissant uniquement avec des parfaits connards, et qui agiront toute leur vie comme les parfaits connards qu’ils sont. J’imagine que ça leur convient comme situation…mais t’es certain de vouloir vivre ce genre de vie ? Moi ça me tente pas du tout personnellement. » Avait-elle suffisamment répété le mot "parfaits connards" ou bien devait-elle en rajouter encore une petite couche ? « Pour rien au monde j’aurais envie de me comporter comme eux pour gagner en assurance par la force. La confiance en soi se construit petit à petit, et le respect des autres se mérite et se gagne. Eux, ils l’imposent. » Et si se comporter en parfaite connasse lui aurait peut-être permis de briser le cœur d’Eliot avant qu’il ne le fasse le premier, tout comme cela lui aurait permis de tourner la page plus rapidement, elle n’aurait quand même échangé sa situation pour rien au monde. C’était cliché de penser comme ça, mais malgré toute la peine qu’elle ressentait en repensant à leur histoire, son ex fiancé faisait bel et bien partie de son passé et elle était ce qu’elle était aujourd’hui en partie à cause de lui (i.e. triste et malheureuse comme les pierres donc. Chouette.) « J’ai pas attendu de t’avoir comme modèle pour enchaîner les erreurs. » Un sourire désabusé s’afficha au coin de ses lèvres. Il avait raison. Il ferait ses propres erreurs. Elle aurait beau vouloir tout faire pour l’en empêcher, elle ne régissait pas sa vie. Elle ne pourrait pas éternellement le protéger. « Mais s’il y a une chose que je commence à comprendre, c’est qu’il y a pas de solution miracle pour passer à autre chose. » Elle tourna son visage vers lui et posa son regard dans le sien, curieuse mais surtout intriguée par le discours qu’il était en train de tenir. Etait-il en train d’inverser la tendance et de devenir le grand-frère prêt à prodiguer des conseils ? « Et que c’est pas pour rien qu’on dit que parfois que les choses ont besoin de sortir. J’ai envie de croire que si j’en parle un peu à toi, un peu à mon psy, un peu à d’autres... c’est pas grand-chose à la fois, mais mis bout à bout, il y a peut-être une chance, une petite chance pour que tout finisse par sortir plutôt que de continuer à prendre toute la place dans ma tête, que ça disparaisse et que je reste pas coincé avec tout ça, tu vois ? » Son visage eut un léger mouvement de recul. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il fasse preuve de propos aussi honnêtes et somme toute parfaitement logiques. « Baby steps… » N’était-ce pas ce qu’elle lui avait dit quand il était réapparu sur le pas de sa porte, aussi désemparé et démuni qu’elle ? « Ça me fait du bien de t’en parler. Merci. » Son sourire se fit plus tendre, son regard plus doux. « Je suis contente de te l’entendre dire. Et compte sur moi pour arrêter de tout garder pour moi et pour te parler davantage de ce qui me tracasse. » Elle avait saisi le message. A toujours vouloir se prendre pour la grande sœur protectrice et indestructible, elle en oubliait que Kieran pouvait lui aussi être une oreille attentive. Il n’était pas en sucre. Il pouvait encaisser ce qu’elle avait à partager. Il pouvait lui aussi l’aider à aller mieux. C’était bien comme ça qu’une famille fonctionnait après tout, non ? Elle lui était reconnaissante de le lui avoir rappelé. « Mais compte aussi sur moi pour abattre sans pitié toute blonde, toute brune, toute rousse ou tout parfait connard de manière générale qui s’en prendra à toi à l’avenir. On les empêchera de te faire reculer de dix pas. Et les pas en avant on les fera ensemble. » C’était vrai aussi pour elle. Si Sawyer était parfaitement capable de régler seule leur compte aux personnes susceptibles de la faire reculer, elle aurait bien besoin de son frère pour continuer à avancer. Ils finiraient peut-être par aller quelque part à eux deux. Et puis elle s’était épanchée sur ses sentiments et sa rancœur envers Eliot. Oh elle n’allait pas pleurer. Elle n’avait plus de larmes à lui accorder car elle les avait déjà versées durant de longues heures après leur rupture. Mais elle ne restait pas moi affectée par la situation encore aujourd’hui, et cela s’entendait dans le timbre de sa voix, dans ses hésitations, dans les légers tremblements qui faisaient des apparitions non désirées entre deux souvenirs douloureux. « J’imagine qu’il y a des leçons à en tirer, ou une autre bullshit du genre. » Son rire vint se joindre à celui de son frère. Ils étaient beaux les deux bras cassés, les deux cœurs brisés assis au milieu d’un terrain de baseball à se donner des conseils qu’ils ne parvenaient pas à appliquer eux-mêmes. « Très certainement. Mais j’imagine que ni toi ni moi n’avons jamais été trop du genre à tirer des leçons de quoique ce soit ? » Pourquoi agir de la sorte alors qu’il était possible de vivre éternellement dans le déni ? Beaucoup plus original et plus palpitant. Rancœur infinie garantie. « Tu sais que ce que tu m’as dit sur elle... ça vaut aussi pour lui, n’est-ce pas ? » Quelle partie ? Toute celle où elle l’avait ostensiblement insultée ? Ce qu’elle réitèrerait d’ailleurs si nécessaire. Elle ne regrettait en rien ses propos. « Qu’il a fait ricocher ses problèmes sur toi et qu’il t’a rendu responsable ? » Ah, cette partie. Elle resta silencieuse de longues secondes, se repassant en boucle dans sa tête leur dernière dispute et les mots qu’il avait eu à son égard. Puis doucement, presque imperceptiblement, elle avait fini par hocher la tête. « T’as raison… » et ça lui faisait mal de l’admettre. Elle n’en était pas encore complètement convaincue. Elle ne savait pas si Eliot avait à l’époque eu d’autres problèmes que ceux qu’ils vivaient ensemble dont il ne lui aurait pas fait part. Mais ce qui était certain c’est qu’il était résolument parvenu à la faire se sentir coupable de leurs maux. Et elle lui en voulait encore terriblement pour ça. Parce qu’elle aurait été prête à porter une partie de cette responsabilité, mais pas seule. « Et que... c’est un sombre connard. » Un rire franc lui échappa cette fois. « C’est le moment où tu m’avoues que tu l’as jamais aimé du coup ? » Elle s’était souvent posé la question. Elle sentait bien que Kieran et Eliot tentaient davantage de se tolérer que de s’apprécier…mais de là à dire que son frère le détestait ? Qu’en était-il vraiment ? Et aurait-elle seulement pu faire sa vie avec quelqu’un qu’il n’aimait pas ? Probablement pas. Mais la question ne se posait de toutes façons plus, alors à quoi bon se torturer inutilement avec ce genre de questions existentielles. « Et que tu mérites mieux que lui. » Elle serra sa main dans la sienne, incapable de répondre à ça. La sincérité des propos de son frère ce jour-là lui donnait bien plus envie de pleurer que n’importe quel ancien souvenir vécu avec son ex. Et à défaut d’être toujours en mesure de se confier sur ce qui la tracassait, elle savait en revanche avec certitude qu’elle se relèverait toujours tant qu’elle aurait son frère à ses côtés. « Je t’aime, Tom. » Elle lâcha sa main pour venir glisser son bras autour de ses épaules et l’attirer à nouveau contre elle. « Moi aussi je t’aime Agnes. » Elle resserra encore un peu plus son étreinte, peu encline à lui rendre sa liberté trop rapidement. « Mon petit-frère loin d’être stupide et qui a tous les droits de se pâmer de ne pas être un parfait connard. » C’était un résumé approximatif de leur discussion. Et si cela pouvait sonner comme une boutade, c’était surtout sa façon à elle de lui dire qu’elle était fière de qui il était, quoi qu’il en dise.