Tu es enfin sorti de ton lit parce que ton ventre crie famine. T’as pas mangé la veille donc ça n’aide en rien. Levi est encore en train de dormir et c’était bien de le voir si beau, calme et apaisé qui te retenait dans le lit. Peut être bien que tu attendais de le voir se réveiller pour que tu te lances dans un faux mouvement pour quitter la couette chaude. Ses bras qui te retiennent sur le matelas est une des choses que tu préfères au monde entier. Mais il est rentré tard hier et tu vois bien qu’il a besoin de plus de sommeil que toi monsieur j’ai le cancer. Tu peux pas lui en vouloir. Au contraire, ça te plaît de voir qu’il sait recharger ses batteries. C’est donc sans bruit que tu sors du lit et que tu enfiles un t-shirt et un bas de jogging. L’appartement est silencieux, Johnny et Agnes ne sont pas là. Tu allumes la télé pour avoir un bruit de fond. Pas fort, bien évidemment, parce que Levi dort. Tu vas prendre ton ordinateur pour chercher quelques trucs en même temps que tu mangeras ton premier bol de céréales.

Une main sur ton trackpad, l’autre sur ta cuillère, t’es en train de regarder comment il faut que tu t’y prennes pour aller vous marier à la mairie. T’as même pas fait attention quelle chaine est allumée. La dernière qui était enclenché. « … it has now been confirmed that Dan Buckley one of the Formula One greatest has been pronounced dead… » Y’a les mots qui sont sorti de l’écran, ces mots là que tu n’écoutais pas mais que tu as quand même entendu. Ils sont arrivés dans ta tête dans le désordre et tes yeux quittent l’écran de ton ordinateur pour essayer de mettre de l’ordre dans ces mots totalement incroyable que tu viens d’entendre. La confirmation est inscrite en bandeau en bas de l’écran : BREAKING NEWS: DAN BUCKLEY DEAD IN A CAR CRASH. Tu n’entends plus rien. Ton esprit est sonné. C’est une vraie chaîne que tu regardes ? C’est une farce ? Comment ça pourrait être une farce Asher, c’est les informations qui passent à l’écran. Tu vois les images mais tu n’entends plus rien, ça n’imprime pas. Ton cerveau est sûrement occupé à envoyer le sang aux organes les plus important pour ne pas que tu claques sous le choc. L’ouïe c’est secondaire. Les images de la voiture accidenté en bas d’un ravin. C’est bien celle de ton frère. Les images d’archives de ses victoires passées. C’est bien ton frère à l’écran. Il ne vaut mieux pas que tu tentes de te lever de ta chaise haute Asher parce que tes jambes ne répondent pas. Aucun de tes membres d’ailleurs car ta main est tombé et ton bol ainsi que son contenu qui viennent de basculer par terre. La porcelaine se brisant sur le carrelage mais tu ne l’entends pas. Tes yeux collés à l’écran qui passe en boucle la même information avec des images différentes d’archives et du lieu de l’accident.


@Levi Lionhart

Épris dans une frénésie artistique, tu ne comptes absolument plus les faramineuses heures que tu consacres à produire tes chansons. Quelques unes sont réservées pour ton prochain album, tandis que tu en as écrites de multiples pour d'autres artistes et que tu accumules aussi les collaborations. Tu t'es jeté à corps perdu dans ce travail, mouvé de la même passion qui t'habitait précédemment pour tes projets de navigation. Désormais, ce n'est plus les vagues qui te bercent mais bien les octaves et les paroles qui retentissent dans ta boîte crânienne.

Cadence est par ailleurs bien délaissée. Tu mets un point d'honneur à te rendre sur son pont au moins une fois par semaine, mais réellement, tu as éhontément élu domicile chez Asher. Tu chéris ces réveils auprès de ton fiancé, ces moments que tu te plais religieusement à faire perdurer en retenant ton amant sur le matelas par tes caresses et tes baisers. Tu cherches constamment sa chaleur lorsque Morphée n'est pas plus forte que ton cancer la nuit et c'est contre son corps que tu retrouves indéniable réconfort.

Ce matin, toutefois, le lit a été déserté, et c'est un bris de verre et sol mineur qui incitent tes paupières à se rétracter. Tu tends l'oreille en te frottant les yeux, incertain si ce bruit provenait de ton rêve ou de la réalité. Tu perçois, en bruit sourd peu distinct, des personnes discuter sur un ton grave et tu augures qu'il s'agit de la télé, n'ayant peu la coutume de recevoir des invités à cette heure du jour. Tu rejettes la couverture et te positionnes à la verticale avant de quitter la chambre à coucher, une main passant dans tes cheveux en bataille. Tes pupilles se posent spontanément sur la silhouette d'Asher figée sur place, statue livide, le bol en ultime victime, des céréales gorgés de lait mollement aplatis au sol. Tu déglutis difficilement, l'alerte se lisant aisément dans tes yeux bien que tu étudies de prime abord la situation. Tu suis le regard azuré du blond, dont les éclats se sont volatilisés, pour se poser sur l'écran de télévision dont les sinistres annonces te parviennent déjà depuis quelques secondes.

En lisant le nom Buckley sur l'écran, en repositionnant dans ta mémoire Dan qui avait des manies et gestuelles similaires à Asher que tu as rencontré lors de la pride, tu confirmes tes soupçons qu'ils soient apparentés. Assez proches de surcroît pour déstabiliser ainsi Asher, qui n'a toujours pas esquissé le moindre geste, comme frappé par la foudre. Doucement, tu réduis la distance entre vous et précautionneusement, tu l'attires contre toi, dans une étreinte, tes doigts venant délicatement s'immiscer dans ses cheveux, son cou noué contre ta paume, sa tête lourde que tu retiens. Tu ne sais pas quoi dire, tous les mots semblent surfaits, superficiels, dérisoires. Tu ne connaissais même pas leur relation, jamais Asher ne t'a parlé de sa famille, tu n'as fait qu'ériger des tableaux abstraits, colorés de ta déduction. Mais son état te transperce sans merci et tu veux qu'il sache que quoi qu'il arrive, il pourra toujours compter sur toi. Tu seras toujours là pour lui, pour le soutenir dans toutes les épreuves possibles et imaginables inscrits dans son histoire. Tu l'aimeras toujours plus qu'hier et moins que demain.

Tu sursautes en sentant le contact de Levi. Ton coeur qui bat à tout rompre mais ton esprit qui a du mal à saisir ce qui est en train de se passer. Tu le laisses faire car cette étreinte est agréable. Ce qui est moins agréable c’est le sentiment qu’il y a véritablement un truc grave qui s’est produit pour qu’il agisse de la sorte. Tu vois la news à l’écran mais t’as du mal à y croire. Tes sourcils qui sont maintenant froncés, tu réalises que tu as la jambe mouillée du lait qui est tombé en même temps que le bol. « Fuck. » Tu vois les morceaux brisés au sol et tu te détaches de Levi en faisant attention de ne pas marcher dans les dégâts. T’as pas envie de t’ouvrir le pied, car oui, tu es pieds nus.

Tu vas prendre ce qu’il faut pour nettoyer le tout. Le rouleau d’essuie tout dans les mains tu t’accroupis pour éponger et récupérer les morceaux. Ton cerveau qui s’est remis en route depuis que le corps de Levi s’est collé à toi, ça veut aussi dire que tu es dans la capacité d’entendre ce qui sort de la télé même si tu ne la regardes plus. « … back in January last year his younger sister Penelope Buckley died in the car he was driving… » Tu fermes fort les yeux comme si ça allait t’aider à ne pas entendre ce qui est dit. « Please turn it off. » Ca t’es totalement insupportable. La mention de ta petite soeur c’est ce qui commence à doucement te faire réaliser l’ampleur de ce qu’ils disent depuis tout à l’heure. Tes yeux restent fermés, ton corps immobile  jusqu’à ce que le son de la télé ne soit plus. Tu termines de nettoyer le sol. Tu vas jusqu’à la poubelle pour y jeter le petit tas de papier qui enveloppe les débris ramassés. Tu restes debout à regarder le fond de la poubelle duquel tu gardes le couvercle ouvert, ton pied sur la pédale. T’es ailleurs.

Son corps sursaute contre le tien mais Asher ne se distance pas, il te laisse le lover dans ce cocon d'attentions et de soutien que tu lui dédies incommensurablement en caressant doucement ses cheveux blonds et en effleurant la peau de son avant-bras de tes doigts fins. Quelques minutes plus tard, le blond s'extrait de sa torpeur, sourcils froncés, la fatalité crachée en boucle par la voix grave du journaliste. Ton regard suit le musicien qui se déplace dans la cuisine et s'enquiert de nettoyer son dégât, tandis que tu considères que les priorités sont toujours bien étranges dans ces circonstances déroutantes.

Tu entreprends d'approcher la poubelle du Buckley pour lui faciliter la tâche et alors que tu poses le contenant à proximité, sa voix surpasse celle du journaliste : « Please turn it off. » Tu t'approches de la machine pour l'éteindre - non sans difficultés. Tu reposes la télécommande sur le meuble et reviens près du trentenaire qui est désormais en profonde contemplation de la poubelle, les débris à l'intérieur de celle-ci. Tu inspires profondément. Tu augures que si tu demandes à Asher s'il souhaite en parler, il te répondra probablement par la négative. Tu sais également que la nouvelle s'immisce lentement, pernicieusement, dans son organisme et qu'il lui faudra tout un processus pour l'entendre réellement et, tu l'espérais vivement, l'accepter plus tard pour que son deuil soit complété. Tu lui prends la main pour le séparer de la poubelle et l'invites à s'asseoir sur le canapé, le salon plongé désormais dans un silence parfait. « Is he your brother? » Tu questionnes finalement, doucement, faisant fi de l'emploi du passé pour ne pas être trop brutal, craignant de le faire tressaillir de nouveau en le rappelant à la réalité par ton interrogation. Mais tu as besoin de comprendre et de savoir, pour pouvoir être là pour lui, du mieux que tu pouvais.

Levi éteint les informations de l’enfer. Le silence se refait. Tu te remets à ta tâches qui t’occupes car tu as encore beaucoup de mal à croire à tout ça. Mais la piqûre de l’entente du prénom de ta soeur ainsi que de la nouvelle de sa mort. Nothing new. Peut être, mais tous les jours tu voudrais oublier qu’elle est belle et bien décédée. Ca a beau faire deux ans, ça n’est toujours pas réel. Tu l’oublies régulièrement que tu ne peux plus aller la voir ailleurs qu’au cimetière où tu ne te rends jamais.

C’est une nouvelle fois le contact de Levi sur ta personne qui te sort de ta léthargie. Il t’entraine jusqu’au canapé et tu le suis sans réfléchir car ton cerveau ne sait plus faire ça de toute façon. « Is he your brother? » Tes yeux sont sur l’écran, même si ce dernier est éteint. Ton esprit revoit les images, les annonces en bandeau. Tu hoches la tête avant de prendre une grande inspiration et ton regard qui se tourne vers l’autre côté de la pièce. Tu regardes par la fenêtre dehors essayant tant bien que mal de te faire à la nouvelle qui est totalement incroyable.

« Did he kill himself ? » Parce que t’as pas relevé l’information de ce que tu as entendu, tu as bien vite fait blocage du mieux que tu pouvais suite aux mots déchirants que tu as perçu beaucoup trop clairement. « Do they know? Do they say ? Was it an accident or not ? Where is the remote ? » Mais tu te lèves pour aller prendre ton ordinateur plutôt que la télécommande car tu auras bien meilleur accès aux informations qui t’intéressent plutôt que leur ramassis de potins en ressassant le passé dans leurs mini reportage pour remplir le temps, meubler. Mais une fois que t’es devant ton ordinateur, debout face au comptoir tu freezes une nouvelle fois avant même d’avoir cliqué pour ouvrir une nouvelle page et aller aux informations.

Tu devines qu'Asher s'est positionné sur pilote automatique, happé par le choc de la sinistre et fatale nouvelle véhiculée par les médias. Après que les dégâts créés par le bris de son bol de céréales aient disparus dans la poubelle, tu le guides jusqu'au canapé où tu le fais asseoir, craignant que ses jambes possiblement branlantes ne soutiennent plus le poids de son corps livide et transi par cette bouleversante réalité. Tu poses doucement ta main contre la sienne et lui demandes confirmation sur la nature du lien de parenté qu'il partage avec Dan Buckley.

Il hoche la tête, ses yeux céruléens rivés sur l'écran noir de la télévision éteinte. Sa tête tourne lentement vers la fenêtre et tu l'examines silencieusement, ne pouvant que t'imaginer les sensations qui s'immiscent sournoisement en lui. Tu as aussi perdu un frère, et quand bien même tu ignorais la proximité qu'Asher avait avec le sien, tu mesures à quel point cette perte peut être incommensurable.

« Did he kill himself ? » L'australien brise le silence et tu reportes ton attention sur son portrait. « Do they know? Do they say ? Was it an accident or not ? Where is the remote ? » Il se lève pour aller rejoindre son ordinateur sur le comptoir de la cuisine. Tu le suis, le cœur serré d'être témoin de sa frénésie. Ton regard passe du laptop à ton fiancé et tu exprimes calmement : « My darling, it would be better to call his emergency contact. They would give you the accurate information. » Tu ne fais partie du monde des célébrités que depuis deux ans, mais tu sais à quel point les informations peuvent être inventées et déformées sur les différentes plateformes. Des mensonges circuleront inévitablement, des idioties exposées comme véridiques alors qu'elles ne sortent que de l'imaginaire saugrenue d'un individu souhaitant récolter de l'argent sur le dossier d'un décès.

Tu enregistres pour ta part les éléments pour dresser le tableau de la famille de ton amant. Ses parents sont-ils toujours en vie ? De combien de membres se compose sa fratrie ? Quelle relation Asher entretient-il avec les autres Buckley ? Tu augures qu'il n'était pas si proche de Dan puisqu'il apprend sa disparition par la télévision et non par un proche ni par la gendarmerie. Asher est-il totalement esseulé ? Était-il banni de la vie de son frère, comme tu es rayé de l'histoire de tes parents ? Les frères étaient-ils en froid ? Dan était manifestement une star sportive, vivait-il sans amis, sans famille ? Avait-il un téléphone qui ne refermait que des contacts professionnels, tant que les autorités n'ont jamais su qui appeler avant que les journalistes ne s'emprennent du drame ? Tu as du mal à y croire. Il y a forcément eu quelqu'un de proche de contacté pour reconnaître son corps, confirmer au coroner qu'il s'agissait bien de Dan qui avait perdu la vie. Les autorités n'ont pas pu se baser seulement sur des pages de magazines. On n'est pas sensé apprendre le décès d'un proche par la télévision, mais bien par les personnes qui ont fait partie de notre quotidien, quitte à être réveillé en pleine nuit par le téléphone. Cette situation te révolte, tu aurais aimé qu'Asher soit prévenu comme il se le devait et non pas comme un vulgaire téléspectateur.

« My darling, it would be better to call his emergency contact. They would give you the accurate information. » Le My darling de Levi qui sonne comme une douce étreinte qu’il n’est pas en train de te faire. Sonne comme le retour à la réalité une nouvelle fois. Tu ne sais pas si Dan avait quelqu’un de spécifique assigné en contact d’urgence mais il y a une chose que tu as oublié ce matin. Ton téléphone. Il est encore en 'ne pas déranger' sur ta table de nuit, dans la chambre. Tu déglutis avant d’aller jusqu’à la chambre pour le prendre et quand tu éclaires l’écran tu y vois inscrit une dizaine d’appels manqués. Certains du mobile de ta mère, d’autres de ton père. Tu t’assois sur le bord de ton lit, réalisant que tu es leur dernier enfant en vie. L’ironie veut que tu es celui qui a toujours été l’enfant souffrant de dépression chronique et qui a souvent joué avec la mort sans aucune pression… Tu comprends pas. Tu comprends rien… Pourquoi c’est toi qui reste ? C’est Penny qui devrait être là, c’est elle la plus jeune avec plein d’avenir. Mais la vie en a décidé autrement.

Tu prends une grande inspiration alors que tu téléphones à ta mère. Elle décroche rapidement…« I saw on the news… » Que tu lui dis en introduction. Elle est à l’hôpital avec ton père. Elle a du mal à parler quand il s’agit de donner plus de détails et c’est la voix de ton père qui est dans le combiné ensuite. Tu frissonnes car t’es jamais tranquille quand il te parle. Trop de phrases qu’il a dit dans sa vie qui sont encore fraîches dans ton esprit comme si c’était hier. La plupart qui n’étaient même pas adressées à toi. La voix de ton père est comme un fil de barbelés contre ta peau. Ca peut faire très mal si tu ne fais pas attention. Du fait que c’est lui qui te donne les faits. Les véritables faits quant à la mort de ton frère, tu n’as pas de réaction particulière. Ton corps bien trop occupé à gérer d’être en conversation avec lui. « Yeah… I’ll be there. » Tu raccroches, ta main avec ton téléphone qui tombent sur le lit et tu as le regard perdu. Il s’est suicidé, c’est ce que les premières inspections concluent et tu n’es pas surpris. Tu n’arrives pas à comprendre comment tu te retrouves à être le seul vivant de votre fratrie. Pourquoi c’est pas tes parents qui sont morts prématurément ? C’est ça qui t’arrangerait toi… Pas eux. Même pas Dan. Il a beau être égoïste, odieux et une tête de mule, tu ne voulais pas sa mort pour autant… Il n’a pas su vivre avec son fardeau sur les épaules. Tu aurais certainement fait la même chose que lui à sa place. Tu le comprends… Mais tu lui en veux de te laisser seul avec vos parents. Il a toujours été l’intermédiaire et c’est aussi pour ça que ça fait bientôt deux ans que tu n’as pas vu tes parents. La dernière fois étant à l’enterrement de Penny…

Malgré le puissant état de choc qui le saisit cruellement, Asher assimile les paroles que tu lui formules et s'oriente vers la chambre à coucher où tu devines que son téléphone doit reposer. Ceci soulèverait toutes tes interrogations sur le moyen par lequel il a apprit la tragédie qui vient de l'amputer d'un membre de sa fratrie. Tu le suis timidement jusqu'à l'encadrement de la porte, incertain de la proximité à adopter. Tu optes pour lui laisser de l'espace, constates son portrait emprunter des teintes de plus en plus livides à mesure des secondes de conversation téléphonique. Tu ne quittes pas ton amant du regard, comme si tu le soutenais de la sorte, que tu l'accompagnais, que tu le préservais à ta façon. Lorsque tu perçois ses muscles excessivement crispés et ses doigts trembloter, tu réduis finalement la distance que tu avais installée et viens t'installer précautionneusement sur le matelas à côté de lui. Tu saisis sobrement sa main libre, gage de ton soutien inébranlable, de ta présence infaillible dans toutes les épreuves qui figurent sur son chemin. Pour le meilleur et pour le pire.

« Yeah… I’ll be there. » Il annonce avant de mettre terme à l'échange téléphonique. Tu l'observes silencieusement quelques instants, souhaitant lui laisser le temps d'encaisser les propos qu'il a pu entendre et qui ont sans doute dû le heurter. Tu ne veux pas le secouer, le précipiter. Tu veux l'épauler, amortir un peu sa chute. Lorsque Asher se mouve davantage, tu formules : « Do you want me to drive you somewhere? I promise I'll drive carefully, » tu ajoutes avec une touche légère, conscient que ta conduite déplaît à Asher et que tu n'en as que faire, n'obéissant généralement que très finement au code de la route. Mais vu les circonstances, tu seras un excellent conducteur. « I can drive you anywhere. I can go with you anywhere as well if you want me to. I can also wait for you somewhere, wherever you want. Whatever you need. » Tu couves sa main des deux tiennes. Tu peux avoir le rôle qui aidera au mieux le Buckley : le conducteur invisible, le simple ami aux yeux des parents. Asher n'a qu'à t'indiquer ce dont il a besoin, tu t'y plieras.

Levi qui revient faire le contact avec toi alors que la voix tant redoutée de ton père est de l’autre côté du combiné. Tu serres sa main. Sa présence, ses attentions qui t’aident vraiment à reconnecter avec la réalité. Tu aurais encore le nez devant la télé, ton bol au sol s’il n’était pas là. Tu promets à tes parents que tu vas les rejoindre. La perspective d’être seul face à eux te terrifie mais la vérité c’est ta réalisation petit à petit que ce sera comme ça à tout jamais à présent. « Do you want me to drive you somewhere? I promise I'll drive carefully, » L’idée de mourir en voiture avec Levi te parait pas si mauvaise là.  « I can drive you anywhere. I can go with you anywhere as well if you want me to. I can also wait for you somewhere, wherever you want. Whatever you need. » Il tient ta main dans les deux siennes et c’est avec ses gestes, ses mots, son amour, tout, que tu réalises, que tu ne seras pas seul face à tes parents.

Tes yeux qui se posent sur ceux de ton futur époux. Tu vas doucement entrelacer tes doigts aux siens. Tu prends une grande inspiration. Tu es tellement secoués de plein de pensées, d’émotions… T’es encore tout à fait sous le choc mais y’a une nouvelle réalisation qui te prend doucement aux tripes. Celle ci même qui te donne l’impression d’une force supérieure qui est en train de se former. Tu ne seras jamais seul, tu as Levi. « Are you ready to meet my parents? » Car toi tu l’es. Tu ne sais pas de quelle manière tu le présenteras, mais tu sais que tu ne veux pas le cacher. Tu as besoin de lui. Peut être qu’après aujourd’hui tes parents n’auront plus aucun enfant au final. S’ils ne t’acceptent pas. S’ils ne l’acceptent pas, Levi. Tu ne sais pas si tu auras les couilles de formuler un truc assez clair pour qu’ils comprennent le lien entre Levi et toi. Tu ne sais pas si tu auras besoin de son contact physiquement. Tu ne sais rien. Tu verras. Mais… tu n’as pas peur et c’est une étrange sensation. Ils n’ont plus le choix sur lequel de leur enfant a droit à leur bonnes grâces. Il n’y a plus que toi. Et tu es un package deal avec Levi. Tu ne sauras pas les affronter seul. Tu vas les affronter en plus en leur mettant sous le nez certainement la plus grande crainte de ton père. « I can drive us… » Tu crois que tu peux. Tu te sens capable. La vérité est peut être toute autre, mais si Levi est à tes côtés, tu te sens capable de bien des choses. Il te fait reconnecter avec la réalité. Tu ne te rends pas compte que tu n’as pas donné les détails supplémentaires à Levi. T’y penses pas. Ta tête est bien remplie. Tu soupires et tu laisses ton corps s’allonger sur le lit. Une main qui se passe dans tes cheveux alors que l'autre est dans celle de Levi que tu ne comptes pas lâcher. Tu veux le sentir proche. Tu es déjà en train de te faire des scénarios dans ta tête de Levi qui rencontre tes parents. Car c’est lui et toi contre tes géniteurs. Deux contre deux quand vous auriez pu être trois contre deux. Sans savoir dans quel camp Dan se serait trouvé… Theirs. C’est ce qui te fait peur. C’est aussi ce que tu ne sauras jamais. C’est deux contre deux à présent.

Tu entends Asher annoncer à ses parents qu'il se rendra quelque part et spontanément, tu lui proposes de le conduire et l'accompagner, dans la mesure qu'il juge le plus opportun. Tu refuses qu'Asher soit seul pour traverser cette douloureuse épreuve, tu désires l'épauler aussi bien que possible et tu es à l'affût de la moindre de ses nécessités pour y répondre soigneusement. Tu couves sa main libre des tiennes, gage de ton inébranlable dévotion et lui accordes tout le temps requis pour qu'il saisisse peu à peu l'évolution de cette dramatique situation.

« Are you ready to meet my parents? » Il t'interroge finalement, ses doigts s'étant entremêlés aux tiens. Tu ne crains pas les parents Buckley. En réalité, tu ne les estimes même pas. Tu n'as qu'une abstraite vision d'eux et beaucoup de suppositions sur leur compte et quand bien même tu sais qu'ils détiennent un pouvoir indéniable sur ton amant, il n'en demeure qu'ils n'en ont aucun sur toi. Cependant, tu es armé de la volonté de protéger Asher contre le moindre tort qu'ils pourraient lui causer. S'ils n'ont peut-être jamais su aimer ou accepter Asher tel qu'il est, tu sais le faire largement assez pour tous. « I am, » tu assures, avant de porter sa main à tes lèvres que tu embrasses tendrement. Tu ignores quel rôle tu occuperas devant ses géniteurs, mais tu es entièrement prêt à les rencontrer, pour être aux côtés d'Asher dans ce moment si cela est son vœu et que ta présence lui fera du bien. « I can drive us… » Il indique et tu en es beaucoup moins sûr. Asher est beaucoup trop happé par ses pensées et soumis à un état de choc pour pouvoir se concentrer sur la route selon toi. « You know what? Let's not be burdened with a car. I'll call an uber. » Ta manière subtile de faire un compromis, puis au moins vous n'aurez pas à vous soucier de parking ou de rentrer avec la voiture. Vous n'aurez qu'à utiliser l'application et quelqu'un se chargera du transport pour vous.

Asher s'allonge sur le lit sans rompre le contact de vos mains. Tu prends place à côté de lui, te collant à son flanc. Tu surélèves légèrement ta tête en la posant contre ta main, bras accoudé, puis déposes un baiser sur sa joue avant de porter la main qui tient encore la sienne sur son ventre. « I know there must be a lot of new unknown ahead of you, but be sure that I will be there for you. »

« I am, » Me too. Que tu penses aussitôt. C’est un étrange feeling vraiment. Tu ne comprends pas comment un tel drame que la mort de ton frère t’ait libéré à ce point là. Jamais tu n’aurais pensé présenter Levi à tes parents un jour. Tout a changé dans ta tête. La perspective n’est plus la même. Ton futur époux qui embrasse ta main et tu la lui serres un peu plus. Levi veut te conduire, tu veux conduire aussi… « You know what? Let's not be burdened with a car. I'll call an uber. » Tu hoches la tête, l’alternative qui est bonne à ton avis. Pas besoin de réfléchir.

Il s’allonge à côté de toi et tu tournes la tête pour le regarder, appréciant beaucoup qu’il t’imite. Il t’embrasse aussi. « I know there must be a lot of new unknown ahead of you, but be sure that I will be there for you. » Tu sais vraiment pas comment tu peux avoir une personne si parfaite pour toi à tes côtés de manière inconditionnelle. Let me remain the unknown… Mais visiblement aujourd’hui est un jour où tu vas lâcher prise enfin. Tu prends une grande inspiration suite à cette réalisation. Tu regardes de nouveau Levi et tu redresses ton corps juste assez pour te maintenir sur le bras. Tu vas glisser ta main sur sa nuque pour le rapprocher de ton visage et tu vas l’embrasser. Thank you. T’es en train de chambouler ses futurs journées et tu sais pas ce que tu ferais sans lui…

****

Y’a quelques journalistes qui sont bloqués dans la salle d’attente et t’es en train de passer les portes du services de réanimation avec Levi après avoir donné ton identité. Ton nom de famille c’est ton laisser passer. Tu prends grand soin d’ignorer totalement les journalistes pour être sûr qu’ils ne t’accordent aucune attention. Tu n’avais pas pensé qu’il y aurait ce genre de personnes dans le coin… Que tu es naïf Asher. Mais tu es bien content de n’avoir vu personne bouger spécialement, tous le nez dans leurs téléphones. Tu espères que personne n’a noté la présence de Levi. Dans le couloir qui mène à l’emplacement de ton frère, tu reconnais la forme de tes parents. Ton père a également le nez dans son téléphone. Ta mère est assise sur une des chaises, le regard dans le vide. Ton coeur qui bat de plus en plus vite à mesure que tu t’approches d’eux. La réalité de la situation qui commence à appuyer tes épaules autant que tes angoisses d’être en présence de ton père. Ta mère qui te voit et qui se lève pour venir te prendre dans ses bras aussitôt, fondant en larmes. Il n’y a plus que toi. Elle le sait. Tu ressembles énormément à ton frère physiquement, tu ne sais pas si ce sera une bonne chose ou non. Tu sais pas trop comment réagir mais tu réponds à son étreinte forcée. Ta chemise qui s’humidifie de ses larmes. Tes yeux qui se ferment brièvement…

« Can I see him? »
« Who are you? »

Ton père qui a remarqué la présence de Levi et ce ton qui te donne l’impression qu’il est un indésirable. Qu’il est de trop mais non. Il ne l’est pas. Ton coeur qui bat à tout rompre, le frisson qui te parcours tout le corps n’est pas agréable du tout. He’s my partner. Mais les mots ne sortent pas. Ta mère qui s’accroche à toi et qui semble perdre l’équilibre, tu vas doucement l’aider à se rasseoir. Ton coeur qui bat à tout rompre.« He’s with me. » Tu as du mal à sortir tout les mots, tu as aussi beaucoup de mal à affronter le regard de ton père même si tu le fais. T’as l’impression que ton corps entier crépite sous l’angoisse que tu ressens d’être face à lui avec Levi. Tu en oublies de dire son prénom pour le présenter. Tout ton organisme est concentré à tenir tête à ton père. Tu ne peux pas tout faire. Surtout que tu es sur le point de voir le corps inanimé de ton frère. Le tout saupoudré de la détresse totale de ta mère juste là… This is fine (no).

Un drôle de sentiment t'étreint alors que tu t'allonges auprès d'Asher, appuyant ton menton contre ta paume, ton coude contre le matelas. La scène est similaire à d'innombrables autres, où vous vous retrouvez ainsi l'un contre l'autre dans son lit, comme vous étiez même ce matin avant qu'Asher ne se lève et apprenne la nouvelle de la tragédie survenue la veille. Ca te paraît si saugrenu, comme rien n'a changé à la surface mais que tout est bouleversé en profondeur pour Asher.

* * *

Tu as appelé un uber après avoir reçu confirmation que le lieu de rendez-vous était le centre hospitalier. Le véhicule n'a pas tardé à se stopper à la hauteur de l'immeuble résidentiel et durant le trajet, tu as discrètement entremêlé tes doigts à ceux d'Asher, espérant lui communiquer la force issue de ton amour par ce vecteur. Tu te poses encore multiples interrogations sur le frère de ton amant et notamment le lien qui unissait les deux frères. Etaient-ils proches ? Etaient-ils amis ? Se considéraient-ils plus comme des connaissances qui partageaient un lien du sang et avaient grandi ensemble, mais dont la relation n'avait été approfondie en raison d'un manque d'affinités ? Etaient-ils en froid ? La voiture freine devant les portes de l'établissement de santé et tu emboîtes le pas du Buckley vers le service où se trouve Dan, le guidant de par ton expérience de l'hôpital.

Un amas de carrés, voilà comme tu perçois cette bâtisse. Des cubes de différentes couleurs pour différencier les secteurs, mais que des carrés à en faire tourner en rond tout en perdant la tête. Tu remarques des journalistes dans la salle d'attente et ne peux t'empêcher d'émettre un grognement exaspéré, tel un chien défendant son territoire. Tu espères que ces sangsues ne captureront pas des clichés de vous deux, tu te passerais bien que le secret d'Asher soit mis à mal en plus de la perte cruelle et brutale d'un membre de sa famille. Vous vous rapprochez d'un couple que tu devines facilement être les parents de ton fiancé.

Sa mère s'effondre derechef dans les bras de son fils et tu sens ton cœur se serrer douloureusement alors que tu demeures à proximité sans t'imposer. Son père a levé les yeux de son téléphone et les observe longuement, mâchoire tendue, portrait tiré, comme s'il essayait de résoudre une équation à plusieurs inconnus. Et toi, tu déglutis. Tu vois à quel point la mère Buckley est accablée par la nouvelle et constates l'amour inconditionnel qu'elle porte envers ses enfants, qui en fait blanchir ses jointures dans le dos d'Asher. Son père est plus réservé mais demeure assez heurté pour être présent.
Les parents Buckley n'ont rien à voir avec les parents Lionhart. Et tu en es soulagé. Même s'ils ont fait du mal à l'homme que tu aimes, tu sais désormais qu'ils sont humains et non pas de purs démons comme tes géniteurs. La disparition de Dan les atteint, ils sont normaux. Le décès de ton cadet n'avait été qu'une libération pour tes parents, comme s'ils se débarrassaient enfin d'un parasite et s'en réjouissaient.

Tu espérais que puisque la mort de Dan recevra sans nul doute le traitement qu'elle mérite, Asher bénéficiera d'un processus de deuil plus sain que le tien. Tu avais prodigieusement pété les plombes quand Gideon est décédé, tant que tu te faisais peur toi-même. Comment pouvais-tu perdre la seule personne de ta famille que tu considérais comme ta famille et supporter que ceux qui restent ne soient aucunement touchés par la fin de sa vie ? Comment pouvais-tu rester sain d'esprit parmi des personnes qui te refusaient purement d'être qui tu étais au fond de toi et te dévalorisaient comme punissaient sans cesse pour cette raison ? Comment pouvais-tu ne pas perdre la tête au sein d'un foyer où tu n'avais jamais eu ta place et au sein duquel tu avais perdu ton unique allié, ton ultime raison de vivre de l'époque ?

« Can I see him? » demande Asher et tu soupires doucement, réalisant à quel point tu étais toi-même tendu. « Who are you? » Le père t'inclut dans son équation et ton regard passe du brun à sa progéniture qui aide sa mère à se rasseoir sur le siège métallique. Le souvenir de ta rencontre avec Dan te saisit spontanément et ironiquement, tu as envie de demander au père s'il a la télé, comme Dan te l'avait rétorqué. Ca pourrait faire un bon hommage, non ? « He’s with me. » Asher te ramène à la réalité. « My name's Levi, » tu informes, question qu'il sache au moins quelque chose sur toi qui pourrait l'aider à t'adresser personnellement la parole sans difficulté, si le besoin se présentait. Les sanglots de la mère Buckley résonnent en saccades, tu as l'impression que cette pauvre femme milite pour retenir son chagrin et à ce rythme-là, tu redoutes réellement qu'elle finisse par la détruire. Sa détresse t'émeut : sa peine te transperce froidement mais l'affection sincère qu'elle entretient t'insuffle un ardent espoir.

« My name's Levi, » La voix de ton amant qui résonne. Une information importante que tu es ravi qu’il ait donné de lui même. Il est là. Il est là. Il est avec toi et c’est pas toutes les mauvaises vibes de ton père envers lui qui vont changer ça. Tu n’es pas surpris, peut être même que tu te les inventes mais non. Tu le sens. Ton intuition ne te trompe jamais et ok tu détestes ton père autant que tu le crains, mais tu vois comme il voit Levi comme un intrus au milieu de votre famille. Mais non. Il est la famille aussi mais tu es incapable de dire les mots bien que tu les penses plus fort que tout. « Where is he? » Que tu reprends car c’est pour ça que tu es venu. Pour voir le corps inanimé de ton frère avant qu’il ne soit débranché du respirateur. Ton père qui indique la porte qui se trouve derrière eux, sur le même mur que celui où ta mère est assise contre. Tu tournes les yeux vers Levi. « I’m ok. I’m going. » Sous entendu, tu y vas seul. Ta main qui se pose sur son bras un bref instant. This. Quand tu te rends compte de ton geste. Tu sens comme une décharge en toi, mais comme si ça t’insufflait de la force. Pas comme si tu allais t’étaler au sol avec une crise de panique à la clé. Tu serres doucement son bras et quand tu te détournes de Levi pour aller jusqu’à la porte, tu as l’impression que le mouvement dure une éternité, au ralenti. Ton regard qui se pose sur celui de ton père qui a les yeux sur toi. He is with me. Que tu lui dis comme un défi au travers de ton regard.

Puis tu entres dans la chambre où repose le corps de ton frère. Son enveloppe. Son âme n’est plus. Tu l’as bien compris. A ce moment là ça semble comme un refuge pour t’éloigner de ton père. La dernière fois où ton frère te sauve de lui… et c’est bien cette pensée qui te brise le coeur le plus profondément. Ca y est… Ça devient bien réel. Il est là. Il est inanimé bien que son corps soit encore chaud. Tu vas d’ailleurs poser une main sur son bras, ne te rendant pas compte de tous les dégâts de son accident vu que son corps est bien recouvert. Quelques marques sur son visage mais ça aurait pu être pire vu l’état de la voiture que tu as vu aux informations. « You’re still handsome you must be content… » Que tu lui dis bien que tu saches pertinemment que tu n’auras aucune réponse. Les larmes dans tes yeux de te rendre compte over and over again, que ceci est véritablement la dernière fois qu’il te sauve des griffes de ton père. Mais y’a Levi… La seule pensée qui te fait du bien. Tu n’es pas seul. Tu te demandes bien quel spectacle se joue dans le couloir. Tu sais aussi que Levi est un grand garçon et qu’il n’aura aucun problème face à ton père. Ce dernier qui jette des coup d’oeil à ton amant entre deux verif sur son téléphone portable. Un homme occupé Warren Buckley. Un businessman. Un mari aussi. Il va chercher un verre d’eau pour sa femme qui est au bout du rouleau. Lui arrive mieux à gérer ses émotions, encore plus maintenant en présence de Levi.

Tu ressors de la pièce après une dizaine de minute. C’est long et tu ne t’en es même pas rendu compte. La notion de temps qui a changé dans ta tête. C’est la dernière fois que tu vois ton frère avec un coeur qui bat et le corps chaud. Tu vois ton père du coin de l’oeil qui s’est assis aux côtés de ta mère, mais ton regard est focalisé sur Levi qui est toujours là et thank God he is. Tu vas naturellement te glisser dans ses bras car c’est tout ce dont tu as besoin même si tu sens la peau de ton dos te brûler de deviner les yeux de ton père sur toi dans cette position ci avec un parfait inconnu pour lui qui est ton plus grand soutien. Tu reprends à te dire que tu pourrais très bien avoir ce même comportement avec Johnny… Toi et tes parallèles car tu as peur de comment tu es perçu… Sauf que cette fois ci tu espères bien que ton père comprend la nature de votre relation sans que tu aies à le dire car tu n’y arriveras pas.

Le silence dans le couloir te glace les sangs. Même ton père n’a pas une remarque déplacé. Ou peut être qu’il est trop choqué par ce qu’il a sous ses yeux. Tu ne sais pas mais tu te détends un peu dans les bras de Levi avant de te détacher et de briser le silence toi.

« When are they gonna… unplug him? »
« We were waiting for you to see him and they will harvest his organs. Could be anytime now. »

Tu hoches la tête alors que tu as du mal à réaliser que tous les mots que vous dites là sont la réalité actuelle de ton frère. T'avais pas saisi que les organes étaient encore à récupérer. C’est triste que vous soyez déjà habitué à ce scénario. D'abord Penny, maintenant Dan. Est-ce que ça veut dire que dans 2 ans ce sera ton tour ? T’es dans tes songes. T’as glissé ton bras autour de Levi naturellement. Ton père qui regarde ton amant de haut en bas en train de déceler s’il voit un indice éventuel de son homosexualité s’il s’avère que c’est bien ce qui est en train de se tramer devant lui. Tu défais doucement ton bras du dos de Levi avant de reprendre la parole.

« Nobody else is gonna come? »
« Not here. »

Le choix de tes parents apparemment. Et puis quelqu’un du personnel médical qui arrive jusqu’à vous demandant si vous êtes prêt, t’as envie de lui foutre sa question à la gueule. Comme si vous pouviez être prêt à ce genre de chose. Est-ce qu’ils vous ont fait venir le stagiaire or whatever l’appellation pour le corps médical. Tu tournes la tête vers Levi alors que ton père et ta mère son en train d’aller à l’intérieur de la chambre. Quand ils ne sont plus dans le couloir tu prends la parole. « I’d like you to be with me but I’ll be ok if you don’t feel like it. » Tu vas doucement prendre sa main. Tu es conscient que ce n’est pas rien, et une partie de toi se dit que ton frère a encore son coeur qui bat dans cette pièce, tu ne seras pas encore totalement seul face à ton père. Tu prends soin de toi.

Tu te présentes sobrement à l'attention du père d'Asher. L'atmosphère est si lourde, oppressante par l'innommable détresse qui émane de la mère endeuillée, le choc que tu t'imagines percuter de manière aussi pernicieuse que lancinante ton amant, l'agressive glace que représente son père qui menace à tes yeux de se fissurer fatalement à tout moment. Tu évites soigneusement quelconque contact visuel avec le couple, portant ton entière attention sur ton fiancé, ton ultime priorité.

« Where is he? » questionne Asher et tu contemples dans quelle mesure le musicien sait s'exprimer lorsqu'il est question de passer au travers les épreuves, sans s'éterniser sur la même mine. Droit au but. Le paternel démontre la porte menant à une chambre, son regard azuré se loge au creux de tes pupilles. « I’m ok. I’m going. » Son bras se pose contre le tien, sa poigne se referme contre ta chaire. Tu acquiesces avec un sourire encourageant et tapotes tendrement son dos, dans un geste que tu ne souhaites pas révélateur de la nature de votre relation par respect pour son secret, mais vecteur de toute l'affection que tu éprouves à son égard et du soutien incommensurable que tu lui voues. Le garçon se retourne et tu t'appuies contre le mur, les mains derrière ton dos, prouvant par ta position que tu ne comptes pas bouger de ce même endroit et qu'il peut prendre tout le temps qu'il lui sera nécessaire avec son frère. Asher s'avance lentement jusqu'à la pièce où repose son frère, croise les yeux de son paternel, puis disparaît derrière la porte.

Tu es le seul qui n'esquisses pas le moindre mouvement durant toute la durée de l'absence de ton fiancé. Ses parents se sont mouvés, sa mère a poursuivi ses terribles sanglots, son père lui a servi un verre d'eau. Des agents hospitaliers sont venus à leur rencontre, ont échangé quelques mots avec eux, un rendez-vous semble avoir été fixé de ta compréhension. Sa mère s'est mouchée, a soupiré, a essuyé ses larmes vainement car des jumelles germaient au bord de ses yeux incessamment. Lorsque la porte menant à la chambre de Dan s'ouvre de nouveau, tu t'animes enfin puis le serres naturellement contre ton corps, comme si vous n'étiez que tous les deux en ce lieu. Ton cœur martèle contre ta poitrine, saisissant plus que jamais la chance que tu avais de l'avoir à tes côtés, de l'avoir retrouvé. Tu caresses doucement son dos tout en gardant en tête que vous n'êtes pas seuls, bien que tu te sens indéniablement épanoui dans cette bulle que vous formez spontanément dès que vous vous étreignez. Tu espères sincèrement que tu apaises un petit peu ses maux, en l'aimant si fort.

Asher se distance puis brise de nouveau le silence du groupuscule atypique que vous constituez : « When are they gonna… unplug him? » Tu déglutis, admiratif de la franchise dont fait éhontément preuve ton amour. « We were waiting for you to see him and they will harvest his organs. Could be anytime now. » Probablement tient-il ce trait de son père. Asher glisse son bras dans ton dos et son père te scrute aux rayons X sans vergogne, bien que tu ne t'en démontes absolument pas. Il se redresse puis reprend : « Nobody else is gonna come? » « Not here. » Tu inspires profondément, discrètement. Tu es intrigué par ses parents qui ont l'air de composer de sacrés personnages. C'est peut-être malsain, mais tu as envie d'en savoir plus sur eux, pour étudier les vecteurs de l'impact qu'ils ont eu sur l'homme que tu aimes. Tu t'imagines que ça te permettrait de mieux comprendre certains mécanismes de ton fiancé, que ça te rapprocherait peut-être encore plus de lui, te donnerait de nouveaux outils pour l'aider à forger son bien-être.

Le médecin revient auprès des parents Buckley, manifestement avide de prélever les organes du sportif. Le couple disparaît dans la chambre de Dan pour formuler ce que tu imagines de nouveaux adieux. Ton regard se pose amoureusement sur Asher. « I’d like you to be with me but I’ll be ok if you don’t feel like it. » « I can be with you. » Tu profites du fait que personne ne se trouve à l'horizon pour entremêler doucement tes doigts au sien et serrer sa paume contre la tienne. « I'm with you. » Tu assures. Pour le meilleur et pour le pire. Il peut compter sur toi pour tout ce dont tu as le pouvoir de lui offrir, et cela va loin compte tenu que tes capacités sont proportionnelles aux sentiments que tu lui dédies.

« I can be with you. » Vos mains jointes, tu apprécies le contact. C’es vous deux contre eux deux. Tu repasses les mots de Levi dans ta tête. Il est ok pour venir. Tu as déjà fait tes au revoir à ton frère, mais son départ est imminent et une partie de toi veut le voir jusqu’à la dernière minute. Avoir son soutient une dernière fois ? Tu sais pas. Mais malgré qu’il ait été une tête de con ces dernières années, tu as du mal à lui en vouloir vu la tragédie et la culpabilité sur ses épaules. Beaucoup de mixed feelings. « I'm with you. » Mais ceux que tu as pour Levi ne sont que positif et tu vas te remettre dans ses bras un moment avant les derniers instants auprès de ton frère. Tu commences doucement mais sûrement à réaliser que tu es bel et bien le dernier de ta fratrie en vie. Tu ne comprendras jamais comment vous en êtes arrivés là. Comment tu te retrouves seul avec eux. Heureusement que tu es indépendant depuis bien des années maintenant. Ton coeur qui martèle dans ta poitrine car tu veux garder ta main dans celle de Levi. Tu te détaches, le regarde un instant. Les yeux plein d’incertitudes quant à l’attitude à adopter. Pourquoi il faut qu’en plus tu aies autant de poids sur tes épaules. La mort de ton frère n’est pas une épreuve suffisante nan. Toi il te faut plus encore. « Let’s get in… » Que tu murmures en détachant ta main de celle de Levi.

Ta mère qui est à moitié sur le lit, couvant son premier fils au milieu de ses sanglots. Ton père qui essaie de rester digne mais tu vois les larmes dans ses yeux. La scène que ta mère offre déchire le coeur. C’est plus ça que la situation tragique qui t’émeut toi aussi. Elle était déjà une épave à la mort de Penny… Tu te demandes si ta mère va pouvoir se relever de cette nouvelle épreuve. Ton père à sa main dans son dos à elle. Les larmes dans tes yeux qui montent. Tes parents sont d’un côté du lit toi et Levi de l’autre. Ton frère qui véritablement fait preuve de ses derniers instants à être le tampon entre vos géniteurs et toi. « He shouldn’t be here. » Ton père qui vient de remarquer la présence de Levi et qui dit ces mots à son propos. Tu fronces les sourcils.

« I want him here. »
« This is a private matter. I don’t feel confortable with a perfect stranger in this room. »
« I don’t feel confortable with you in this room. »

Que tu lances en levant le ton. Tes nerfs qui montent que ton père ose faire une scène maintenant là. « I want him gone. » Qu’il ajoute en se fichant totalement des mots que tu viens de dire.

« If he goes, I go with him. »
« Whatever you feel like. »
« NO! You’re staying Asher you’re staying please… »

Ta mère qui tend la main vers toi. Ta mère qui sait trop bien que tu serais parti aussitôt car ça ne serait pas la première fois. Loin de là. « This is our last moment all together please… Stop fighting… » Ca fait bien longtemps que vous n’êtes plus tous ensemble. Depuis la mort de Penny et bien avant ça même. Ton père qui ruine toujours tout car te voilà en colère pour passer tes derniers instants avec ton frère. Tu vas te rapprocher de ta mère qui est un vrai mess… Tu passes une main sur son bras pendant un moment. I'm staying. Ta mère qui va poser sa main sur la tienne. Tu apprécies qu'elle ait mis un terme à votre querelle. Son geste qui t'aide à calmer tes ardeurs éventuelles. Tu prends bien soin de ne pas regarder ton père.