Y’a Melissa, une amie à toi qui a acheté un local pour ouvrir son premier salon de tatouage. Elle va se délocaliser à Brisbane alors qu’elle bossait à Melbourne jusque là. Elle est bien plus débrouillarde que beaucoup et elle t’a dit qu’elle allait commencer les quelques travaux qu’elle veut faire avant d’ouvrir. Y’en a quand même pas mal et elle a même employé un type pour l’aider afin que le temps soit rentabilisé. Tu lui avais promis de venir faire un tour de temps en temps dans le coin car elle connait qu’une petite poignée de personne ici. Tu veux qu’elle se sente bien de voir des visages familier - juste un pour le coup là - et que ça lui mette un peu de soleil dans ses journées stressantes d’installations en ville.
Quand t’arrives elle te fait un grand sourire et elle est justement en train de parler avec le gars qui est en train de prendre des mesures sous ses directives. Elle te fait signe qu’elle finit et vient te voir.« Pas de soucis prends ton temps. » Car tu l’as le temps. T’as prévu de passer quelques heures avec elle, quitte à mettre la main à la patte si besoin. T’as fait une bonne partie de travaux aussi quand tu as retapé ta maison. T’étais avec des professionnels mais t’as été utile. T’as appris des trucs, t’as économisé de l’argent et gagné du temps. Tu regardes un peu autour, tu fais gaffe où tu mets les pieds car y’a du matos. Tu vas dehors, attendre devant, histoire d’être sûr de rien dérangé car le type continue de prendre ses mesures. Ton téléphone dans ta main, tu vas voir tes emails pour changer. « J’ai un coup de fil là je devrais pas en avoir pour plus de vingt minutes, je suis désolé. Tu peux repasser demain si tu préfères. » Elle stresse, tu fais non de la tête, un sourire sur ton visage.« Vingt minutes, je vais en profiter pour passer quelques coups de fil pour le boulot. » Que tu lui dis pour qu’elle soit rassurée. Ton temps sera mis à profit.
Elle retourne à l’intérieur et quand tu relèves la tête tu vois Caleb. C’est pas la première fois que tu le vois dans la rue et t’as cru comprendre qu’il bossait dans ce resto juste là. T’as pas eu l’occasion d’aller le déranger. Ca fait quelques années maintenant que vos chemins se sont séparés. Vous aviez conversé à l’hôpital alors que tu venais voir Rosa qui était encore dans le coma. Tu ne te souviens plus grand chose à son propos mais son visage t’a marqué. Tu entres dans le restaurant alors qu’aucun clients ne s’y trouve vu l’heure de l’après midi. « Hey… Caleb ? Jordan. » Que tu dis en posant ta main sur ta poitrine, au cas où il penserait que tu lances juste des prénoms comme ça au hasard. Nope. C’est ton prénom à toi. « Je voulais juste passer vite fait je suis dans le coin j’attends une pote et bref… Je sais même pas si tu te souviens de moi. » Ca te fait sourire, ça t’amuse. S’il ne se souvient pas, ça sera gênant mais… Y’a pas de témoins donc pas de problèmes.
Tous les matins je me réveille avec ce même sentiment de bien-être. Avec ce sentiment que peut-être que cette fois, tout va bien se passer. Peut-être que la vie a décidé de me sourire et de me laisser un peu de répit et c’est d’ailleurs les cris de Lena qui me réveillent ce matin. Elles ont bientôt un an mais elles sont déjà tellement différentes. Il y a Lena qui semble déjà avoir un tempérament de feu, elle a fait ses premiers pas il y a peu et je sais qu’il va falloir la garder à l’œil. Elle risque de courir partout et de toucher à tout alors qu’au contraire Lucy est beaucoup plus calme. Elle est posée, elle aime la tranquillité. Une année, ça passe vite mais c’est suffisant pour que je me sente l’homme le plus heureux du monde. Clairement. Elles me comblent de bonheur chaque jour et quand je prends les mains de Lena pour la faire marcher avec moi, elle rigole, elle met un pied devant l’autre en serrant mes mains et finit par râler en me faisant comprendre qu’elle préfère que je la lâche. Ce que je fais : elle fait deux pas, elle tombe, elle se relève, elle m’appelle quelque fois pour que je l’aide à se relever. Elle sait le faire toute seule mais j’ai toujours un peu de mal à lui dire non alors je cède à chaque fois. Ce matin je ne travaille pas, alors je m’installe avec Alex qui travaille sur un article, je m’occupe de quelques formalités administratives pour l’Interlude tout en gardant Lucy sur mes genoux. Elle est souriante, elle essaie de me parler mais à part papa, maman et quelques autres mots simples, c’est surtout dans un langage imaginaire qu’elle me parle. Pourtant ce n’est pas faute d’essayer. J’essaie de l’aider, je lui fais répéter tout un tas de mots par jour mais elle finit toujours par répéter papa en boucle ce que je trouve toujours terriblement adorable.
L’heure du midi arrive et je m’occupe de Lena alors qu’Alex s’occupe de Lucy. Je la laisse manger seule bien qu’elle en mette presque autant à côté que dans sa bouche, mais c’est quelque chose qui semble l’amuser puisqu’elle en rigole beaucoup, Lena. Et bien sûr que Lucy imite sa sœur et si avoir des jumelles n’a jamais été de tout repos c’est d’autant plus vrai maintenant qu’elles commencent toutes les deux à bouger et aimer nous montrer qu’elles peuvent – ou veulent – être un peu plus indépendantes. L’heure de la sieste arrive et pendant que mes filles dorment j’en profite pour nous préparer à manger à Alex et moi. Un repas rapide en tête à tête avec ma future femme, c’est simple, c’est quelque chose qu’on essaie de faire le plus souvent possible mais on dit souvent que ce sont les choses les plus simples qui sont les meilleures, non ? Là c’est le cas. Clairement. Mais si je ne travaillais pas pour le service de midi ce n’était malheureusement pas le cas pour celui de ce soir alors c’est vers quinze heures que j’embrasse mes filles et ma fiancée pour partir au travail.
La salle est vide, et c’est tout à fait normal puisqu’il est quinze heures et quart. Ceux qui travaillaient à midi sont en train de finir et presque tous sur le point de partir et comme à mon habitude je suis le premier arrivé. Mais avant qu’il soit l’heure de commencer à préparer le service de ce soir j’ai deux trois choses à faire. « Hey… Caleb ? Jordan. » Cette voix ne m’est pas inconnue et ce prénom non plus, je fronce légèrement les sourcils et je me retourne pour lui faire face. Jordan. Oui bien sûr, Jordan, comment l’oublier ? Je l’ai rencontré un an après la mort de Victoria à l’hôpital alors que j’allais voir mon psychiatre et lui, sa femme. Il me faut quelques secondes pour réagir, mais il faut dire que je ne m’attendais pas à tomber sur lui. « Je voulais juste passer vite fait je suis dans le coin j’attends une pote et bref… Je sais même pas si tu te souviens de moi. » Je lâche un petit rire et m’approche un peu de lui pour tendre ma main vers lui. « Si si bien sûr je me souviens. » Comment oublier en même temps ? On en s’est pas beaucoup parlés et on est encore moins restés en contact mais je pense qu’il s’agit du genre de rencontre qu’on oublie pas. Je passe ensuite une main dans mes cheveux. « Ça fait longtemps. » Environ trois ans oui. « Comment tu vas ? » Une question qui parait terriblement anodine mais qui, pour nous n’en est pas réellement une. Quand on s’est connus on passait tous les deux une période très compliquée et si moi aujourd’hui je vais mieux, j’espère qu’il en est de même pour Jordan.
« Si si bien sûr je me souviens. » Tu l’entends mais t’es surtout focalisé sur cette main qu’il te tend. T’as toujours quelques rapides secondes de réflexions est-ce que tu te fais violence ou est-ce que tu lui mets un vent plus ou moins gentiment ? Allé. Tu lui serres la main mais c’est bien parce que tu ne te souviens plus exactement de votre rencontre passé. Tu te souviens de lui et du sentiment qu’il t’a laissé. Quelqu’un de bien. Ce qui est assez pour que tu te décrispes à l’idée de simplement lui serrer la main.
« Ça fait longtemps. » « Assez ouais. »
Trop longtemps. Ton cerveau est très sélectif et quand bien même tu peux oublier des trucs du matin, quand il s’agit de trucs de y’a plusieurs années, les chances sont encore bien plus mince. S’il t’avait chanté une chanson par contre là t’es sûr que tu t’en serais rappeler parfaitement bizarrement. « Comment tu vas ? » Tu hoches la tête car après une brève réflexion, ça va parfaitement bien dans ta vie en ce moment à ta plus grande surprise d’ailleurs. Tu restes étonné alors que aç fait quand même deux années que ça roule plutôt très bien pour toi Jordan. Là t’as juste le coeur et le corps comblés en plus du reste niveau boulot et famille qui vont bien. C’est assez incroyable effectivement.
« Ca va très bien. » Ca y est voilà que ta mémoire te revient doucement. C’était du coin de l’aile psychiatrique que vous vous étiez croisé par plusieurs fois. Il a perdu quelqu'un de très proche lui aussi. « Je touche du bois que ça continue. » Tu cherches du regard rapidement un endroit avec du bois pour joindre le geste à la parole. Oui. Tu es très superstitieux comme ça. Tu t’avances du coup sans qu’il t’ait invité à l’intérieur mais juste parce que y’a un meuble qui a l’air d’être du bon matériel. « C’est bien du bois hein ? » T’es stupide Jordan. Tu souris en posant la question car même si tu sais que t’as l’air con, tu l’assumes. Ta question en est une vraie parce que si ça n’en est pas, il va falloir que tu cherches autre chose dans les plus brefs délais. Y’a quelques arbres dans la rue tu risques de te faire un mini sprint pour aller le toucher et puis revenir si besoin est. Yup. T’es sérieux dans ta connerie. C’est important. « Et toi comment tu vas ? » Il a l’air d’avoir bonne mine ou peut être que c’est cette magnifique barbe qui donne cet air. Tu n’es pas imberbe mais tu es sûr que tu es incapable de faire pousser un truc aussi imposant. Tu te dis qu’il doit être velu à bien d’autres endroits de son corps comme son torse. Là où tu es totalement imberbe par contre yup. Certaines personnes ont de meilleurs dispositions génétiques pour pouvoir se permettre une barbe aussi magnifique que la sienne. Est-ce que t’es jaloux Jordan ? Nah. Nan parce que tu ne penses pas que ça t’irait de toute façon. Deux trois jours, c’est tout ce que tu laisses comme barbe sur ton beau visage. Meh. C’est souvent la flemme qui parle plus que l’envie d’avoir un style. On t’a déjà fait des compliments mais… Meh. Ouais mais bon, t’aimes rien sur ton physique donc je ne prends pas ton avis en compte Jordan.
Il y a des rencontres qui marquent. Et même si Jordan et moi n’avons jamais eu de grande conversation, malgré les années qui se sont écoulées je me souviens encore parfaitement de lui. Mais ce sont des rencontres comme ça à certains moments de la vie qui restent gravées dans un coin de la mémoire. Bien que je ne me souvienne pas de tous les détails. Iel ne m’a pas connu dans la meilleure des formes, j’étais au plus bas et j’étais même persuadé que jamais je ne m’en sortirais. À ce moment-là j’étais déjà sous antidépresseur depuis quelques mois et même si je commençais petit à petit à remonter la pente j’en avais encore beaucoup du chemin à faire. Finalement encore aujourd’hui même si je vais beaucoup mieux, il y a toujours des moments où je me sens triste. Des moments où je vais penser à Victoria en ayant un pincement au cœur, en me disant ô combien elle me manque et pourtant je suis heureux avec Alex et je l’aime comme un fou. Il y a aussi encore et toujours cette culpabilité qui me suit depuis toutes ces années et à cause de laquelle j’ai dû recommencer mon suivi chez un psychologue. Ma santé mentale n’est toujours pas aussi stable qu’elle ne l’était quand Victoria était encore là, mais ça va mieux globalement. La plupart du temps, je suis vraiment très heureux.
« Ca va très bien. » Pour Jordan non plus ce n’était pas la grande forme à notre rencontre. Iel va bien, iel va mieux, peut-être ? Et c’est le principal finalement. Comme quoi, contrairement à ce que je pensais à l’époque la vie ne s’acharne peut-être pas continuellement sur des personnes. La roue tourne. « Je touche du bois que ça continue. » Iel fait quelques pas pour entrer à l’intérieur du restaurant pour toucher à un meuble en bois et à ce moment-là je me sens complètement con de ne pas lui avoir proposer de rentrer plus tôt. Sûrement un peu trop surpris par cette rencontre inattendue qui me replonge dans des souvenirs du passé. « C’est bien du bois hein ? » Je ris légèrement à sa question et c’est un sourire aux lèvres que je lui réponds. « C’est du bois, oui. » Je le rassure tout en refermant la porte derrière lui le laissant ainsi entrer réellement. Sans avoir un pied dehors et l’autre à l’intérieur. « Et toi comment tu vas ? » La voilà cette question qui pourtant pourrait sembler des plus banales mais elle a son importance. Parce que ça va mieux. Je suis amoureux de ma fiancée – qui deviendra ma femme dans à peine plus d’un mois – et je suis père de deux princesses. Mes huitièmes merveilles du monde. « Ça va très bien moi aussi. » Je pourrais moi aussi toucher du bois en espérant que ça me porte chance. Superstitieux je le suis, mais peut-être pas autant. J’aurais pu dire que ça va mieux mais je me contente du basique, le plus simple. Je me marie dans un mois, je suis fou amoureux de ma fiancée et aussi de mes filles. Tout va bien pour moi. Dans le passé ça ne durait jamais très longtemps, il y avait toujours quelque chose pour venir tout détruire. Croisons les doigts que cette fois soit la bonne, n’est-ce pas ? « Tu veux boire quelque chose ? » Je m’avance un peu plus dans la salle vide et déjà bien nettoyée, les tables sont presque toutes dressées pour le service de ce soir. « Tu travailles dans le coin ? » Je ne me souviens même plus si nous avions échangé sur nos métiers respectifs. Mais je me rappelle de peu de choses, pour être honnête.
« C’est du bois, oui. » Ouf. Soulagé. Tu l’as fait sourire avec tes superstitions et il ferme la porte derrière toi. Est-ce qu’il te kidnappe ? C’est un resto ils doivent faire des bons desserts. T’as pas encore mangé aujourd’hui. Oui tout le monde prétend d’être surpris. T’as bu un verre de smoothie aux fruits ce matin et tu te dis toujours que ça va suffit pour la matinée sauf que… On est bien loin de la matinée maintenant. Continue comme ça Jordan et tu vas juste voir des étoiles supplémentaires au couché du soleil. « Ça va très bien moi aussi. » Une information qui te fait plaisir. Il a l’air d’aller en plus de ses mots, tu sens que ça doit être proche de la vérité. Comme toi, y’a des hauts et des bas toujours. L’amour des gens proches qu’on a aimé nous prend aux tripes à des moments les moins attendu. T’as carrément pleuré dans les bras de ta partenaire lors de votre première rencontre il y a plus d’un an de ça. Tu fais un sourire sincère à Caleb car tu as beau ne pas le connaître beaucoup, vous avez en commun des choses pas jolies et savoir qu’il va bien, t’as l’impression que c’est une partie de toi qui parle. T’as l’impression que vous êtes dans une team de personnes endeuillées et que dès que y’en a un qui est content, c’est la famille, tout le monde est heureux pour lui. Car ça donne de l’espoir pour soit, pour tout le monde. La vie continue.
« Tu veux boire quelque chose ? » « Oh. Si t’as un jus de fruit je dirai pas non. Merci. »
Tu prends sa proposition car tu sens que ton corps a bien besoin d’un nouveau boost pour tenir quelques heures de plus sans manger. « Tu travailles dans le coin ? » Tu fais non de la tête.« J’ai une pote qui est en train d’installer son business juste à côté. » Tu fais un signe vers la porte même si on voit pas le business en question de là. « Un salon de tatouage. Elle est occupée là elle fait des travaux, y’a le gars qui s’occupe du chantier, je suis pas arrivé au bon moment. » Tu fais une moue qui veut dire - oops - mais t’es amusé en même temps. Tu déranges pas réellement. « Mais ça m’aura permis de venir voir ton coin là. Je t’avais déjà remarqué quand j’étais venu y’a quelques jours. J’avais pas osé me pointer comme ça. » Apparemment aujourd’hui tu t’es senti bien plus brave. Un alignement des planètes ou un truc du genre tu sais pas. Ou un bon début de journée aussi, ça peut. « En plus ça a l’air d’être le bon moment y’a pas de clients. » Tu es stupidement en train de te dire que les gens ne mangent pas à 15h apparemment. Comme s’il s’agissait d’une nouvelle information. Tu suis le mouvement quand tu vas au resto et c’est à 99.99% des cas l’initiative de quelqu’un d’autre que tu n’as qu’à suivre à l’heure décidé. Le 0,01% c’est quand t’as invité Birdie à votre premier date officiel. « Tu commences bientôt ? Je vais pas t’embêter longtemps. » Tu pourras même boire le verre cul sec si jamais besoin est. I have no fear. Que tu es bête Jordan.
Dernière édition par Jordan Fisher le Ven 15 Oct 2021 - 12:38, édité 2 fois
Je passe derrière le bar pour lui chercher une bouteille de jus d’orange et lui fais signe de s’installer sur une des nombreuses tables vides. « J’ai une pote qui est en train d’installer son business juste à côté. Un salon de tatouage. Elle est occupée là elle fait des travaux, y’a le gars qui s’occupe du chantier, je suis pas arrivé au bon moment. » J’hoche la tête et après m’être fait couler un café, je le rejoins à table tout en posant le jus de fruits avec un verre. « Ah oui ? C’est bon à savoir, je sais que ma fiancée a envie de se faire tatouer. Peut-être qu’elle pourrait aller chez ta pote. » Je bois une gorgée de mon café mais il est encore bien trop chaud, alors je grimace et le repose sur la table. « Il ouvre quand son shop ? » Je me dis qu’offrir à Alex son tatouage pourrait peut-être être une bonne idée de cadeau de Noël. À peine cinq minutes que je parle à Jordan et me voilà déjà en train de parler d’Alex. Certains diront que c’est chiant, d’autres niais, mais moi je vais simplement dire que c’est aussi un peu comme ça qu’on voit quand je suis vraiment très amoureux. Je parle toujours de la femme en question et je ne pense qu’à elle. Et cette femme qui sera d’ailleurs bientôt mon épouse. Cette pensée me fait sourire. « Mais ça m’aura permis de venir voir ton coin là. Je t’avais déjà remarqué quand j’étais venu y’a quelques jours. J’avais pas osé me pointer comme ça. » Et comme je le comprends. On ne se connait pas forcément très bien Jordan et moi, on s’est croisés une ou deux fois il y a de ça plusieurs années. Je suis de mon côté bien trop timide et réservé pour oser faire le premier pas vers des personnes que je ne connais que très peu. « Je comprends, j’aurais jamais osé moi non plus. » Je lui avoue tout en lâchant un petit rire. « D’ailleurs t’es le bienvenue dans mon restaurant quand tu veux. » Mon restaurant, ma première fierté, la prunelle de mes yeux, le fruit de mon travail acharné durant toutes ces années. L’acquisition de sa première étoile a été pour moi plus inattendue que jamais et m’a fait passer du statut de Caleb Anderson, chef cuisinier à Caleb Anderson, chef étoilé. On en rêve tous quand on monte sa propre affaire mais on sait que ce n’est pas donné à tout le monde. Je pense qu’elle serait fière de moi, Victoria, de là où elle est aujourd’hui. Parce que si j’en suis arrivé là c’est grâce à elle, alors je partage un peu ma réussite et ma victoire avec elle. D’une certaine manière. « En plus ça a l’air d’être le bon moment y’a pas de clients. » Là je rigole un peu plus franchement. Je ne me fous pas de lui non, mais sa remarque n’en reste pas moins amusante. « On a rarement des clients à quinze heures. » Je souris et cette fois je bois mon café sans me brûler la gorge. C’est beaucoup mieux comme ça quand même. « Tu commences bientôt ? Je vais pas t’embêter longtemps. » Je secoue rapidement la tête. « Tu ne me déranges pas du tout. » Je lui assure, si c’était le cas je ne lui aurais pas offert un verre ou encore moins je ne l’aurais pas invité à s’asseoir à table. « Je commence plus ou moins à l’heure que je veux de toute façon. » L’avantage d’être le patron. « On ne commence pas la mise en place du service du soir avant 17h. » À peu près. « À la base je venais juste récupérer quelques papiers pour mon rendez-vous avec le comptable demain. » Je lui raconte ma vie, des choses qui ne l’intéresse sûrement pas et qui d’ailleurs, n’intéresse personne parce qu’être patron c’est aussi devoir se coltiner toutes les réunions et les tâches administratives peu passionnantes. « Enfin bref tu t’en fous de tout ça. T’as faim ? Il doit sûrement rester des desserts de ce midi si tu veux. » Un moelleux au chocolat, une crème brûlée ou une tarte citron meringuée, les desserts qu’il y a en ce moment à la carte de l’Interlude, et il y a du fromage aussi, mais je doute qu’iel ait envie de fromage en plein milieu de l’après-midi.
« Ah oui ? C’est bon à savoir, je sais que ma fiancée a envie de se faire tatouer. Peut-être qu’elle pourrait aller chez ta pote. » Sa fiancée. Tu prends l’info. « Carrément ouais, elle est géniale. » Tu comprends qu’il soit réellement mieux s’il a réussi à retrouver l’amour au point de se marier sous peu. Car ouais tu connais un peu le jargon du mariage. Tu n’as pas été fiancé bien longtemps, tu n’as jamais été appelé de la sorte réellement. Ni même mari quand t’y pense. Le temps de quelques semaines, mais tu seras son mari jusqu’à la fin de tes jours. Ca c’est certain.
« Il ouvre quand son shop ? » « Dans quelques semaines normalement. »
Si les travaux se terminent à temps. Tu espères que toute la conversation qu’elle est en train d’avoir avec le maître des chantiers est un bon signe et pas l’inverse. Le temps c’est de l’argent. Tu prends le jus de fruit qu’il t’a apporté pour en boire une gorgée. Ca te fait bizarre d’être installé à une table d’un resto alors que celui ci n’est pas encore ouvert. « Merci pour le verre. » Que tu dis un peu sur le fil car tu te rends compte que tu ne l’as pas fait quand il l’a mis devant toi. Tu te demandes si tu vas devoir payer ou si c’est lui qui invite. Tu penses qu’il t’invite. T’es venu avec ton courage et il te rend la pareille avec ce jus de fruit, nan ? « Je comprends, j’aurais jamais osé moi non plus. » Ça te fait sourire qu’il te dise ça et son sourire est communicatif. « D’ailleurs t’es le bienvenue dans mon restaurant quand tu veux. » Tu apprécies cette offre, mais il peut être tranquille, t’es pas du genre à squatter les resto. Tu trouves ça super cool qu’il soit le propriétaire en tout cas. Y’a pas mieux que de travailler pour soit. « Merci. » Car t’es très poli comme ça yup. « On a rarement des clients à quinze heures. » C’est pas un fast food nope. Ton cerveau n’imprime pas trop ce genre de détail car c’est pas important pour toi les resto. « Tu ne me déranges pas du tout. » Il est vraiment trop gentil t’aurais presque envie de lui faire un hug mais nan. Ton anxiété le remercie d’un joli sourire qu’il ait pris la peine de souligner ce détail.
« Je commence plus ou moins à l’heure que je veux de toute façon. » Tu hoches la tête après avoir bu une nouvelle gorgée de son jus d’orange. Il t’a l’air d’être de très bonne qualité et t’es bien sûr que tu vas pouvoir tenir le reste de la journée avec ça dans le ventre. « On ne commence pas la mise en place du service du soir avant 17h. » T’es en train de découvrir les tenants et aboutissants d’un resto comme celui là. « À la base je venais juste récupérer quelques papiers pour mon rendez-vous avec le comptable demain. » Ah ça, tu connais les rendez vous avez les comptables. Tu essaies de les faire tous par téléphone pour optimiser ton temps - et le sien. « Enfin bref tu t’en fous de tout ça. » Il te fait rire avec ses mots. « Nan nan j’apprends des trucs j’aime bien. »
Toujours le premier à vouloir en découvrir plus sur n’importe quel sujet. Et cette fois ci t’as le sentiment que tu vas te souvenir de ces détails parce que c’est directement lié à quelqu’un que tu connais. C’est pas juste de la théorie. « T’as faim ? Il doit sûrement rester des desserts de ce midi si tu veux. » Tu as faillit faire une grimace mais quand il a parlé de dessert là… Tes yeux se sont illuminés. « Ah mais là tu me prends par les sentiments. » Tu vas carrément tenir facile jusqu’à la fin de la journée. Tu serais presque limite à envoyer une photo de toi en train de manger à Maria pour le lui prouver mais comme il va s’agir d’un dessert tu vas te retenir parce qu’elle te dit que tu manges trop sucré apparemment. « Je prends ce que tu as, je suis pas difficile en dessert. Je mange presque que ça. » Tu ne lui dis pas tes favoris qui sont le chocolat, le caramel et la pistache parce que tu n’as pas envie de faire le pointilleux alors qu’il t’offre un dessert. Il offre vraiment ? Ça reste toujours un peu flou comme info ça mais quoi qu’il arrive t’es pas dérangé de payer. D’ailleurs clairement tu sortiras ton portefeuille avant de partir. Tu veux pas qu’il te prenne pour un pique assiette car t’es bien loin de l’être. « Merci. » Ton ton est sincère car tu as bien vu la gueule du resto et tu sais d’avance que ça va être délicieux. C’est chic ici. « Les affaires tournent bien? Tu es installé ici depuis longtemps ? » Que tu demandes réellement intéressé par ces informations là. Il ne doit pas être beaucoup plus vieux que toi et il cartonne visiblement dans son domaine. Ça t’inspire d’être entouré de ce genre de personne et tu aimes voir de nouveaux horizons aussi. Tous tes amis sont soit dans la mode, soit dans le tatouage, soit dans la musique, soit dans des jobs boring de bureaux que tu sais toujours pas comment ils font. Tu oublies des fois qu’ils ne sont pas toi et que s’ils font ça c’est parce que ça leur plaît. Ce qui te plaît le plus du monde c’est d’être ton propre patron. Ne devoir rien à personne. Etre indépendant, le véritable but de ta vie.
« Dans quelques semaines normalement. » Je note l’information dans un coin de ma tête, et je me note aussi de reparler de cette idée de tatouage à Alex. Ça fait un petit moment, qu’elle m’avait évoqué cette idée et je ne sais pas si elle l’a laissée tomber ou si elle y tient toujours. « Merci pour le verre. » Je lui réponds simplement par un signe de tête, parce que pour moi c’est assez naturel de proposer à boire à chaque personne qui rentre dans mon restaurant. On le fait tous quand on a des invités chez soi, non ? Et bien pour moi c’est la même chose ici. L’Interlude c’est un peu comme ma deuxième maison tant j’y passe beaucoup de temps. Et encore, j’ai fait beaucoup de concession depuis que mes filles sont nées parce qu’il est pour moi inconcevable de faire passer ma famille au second plan. Alex, Lucy et Lena sont maintenant ma priorité numéro un, et même avant le restaurant que, j’ai, pourtant, toujours qualifié comme étant mon tout premier bébé. Jordan me remercie encore quand je lui dis qu’il est le bienvenu ici. Iel a l’air poli, c’est même presque écrit sur son visage et c’est loin d’être un reproche bien au contraire. Il y a un truc chez lui qui fait qu’on sent qu’on peut lui faire confiance facilement.
« Ah mais là tu me prends par les sentiments. » C’est souvent ce genre de réaction que tout le monde a quand on parle de sucrés ou plus spécifiquement de desserts. Si j’aime ça moi aussi j’ai toujours été bien plus attiré par le salé en règle générale. Raison pour laquelle j’ai choisi d’être cuisinier et non dans la pâtisserie. Ça c’est bien plus le domaine de ma sœur, pendant les repas de famille je m’occupe souvent du plat principal et on sait que l’on peut compter sur Primrose pour le dessert. C’est pour cela que je lui ai demandé de s’occuper du gâteau pour mon mariage, je lui fais confiance les yeux fermés et je sais quelles sont ses compétences et un autre point positif : elle connait mes goûts, ce que j’aime et ce que je n’aime surtout pas. « Je prends ce que tu as, je suis pas difficile en dessert. Je mange presque que ça. » Je lâche un petit rire bien que l’entendre me dire qu’iel ne se nourrit presque que de dessert m’interpelle un peu, mais on ne se connait pas assez pour que je le questionne à ce sujet et j’en viens même à me demander comment iel fait pour garder la ligne en mangeant tant de sucreries. « Viens, suis-moi. » Je me lève et lui fais signe de me suivre. « Merci. » Je crois que c’est bien la troisième ou quatrième fois qu’iel me remercie en à peine cinq minutes, ce qui m’arrache un sourire. « Me remercie pas, ça me fait plaisir. » Ce qui pourrait presque être étrange parce que finalement, on ne se connait pas plus que ça. Mais comme je le disais, Jordan dégage un vibe positif. « Les affaires tournent bien? Tu es installé ici depuis longtemps ? » J’entre dans la grande cuisine du restaurant et là, je suis dans mon élément et j’en profite pour vérifier rapidement d’un coup d’œil que la pièce a bien été nettoyée. Ce qui est toujours le cas, la cuisine est toujours irréprochable mais c’est certainement mon côté maniaque qui ressort. « Le restaurant a ouvert en 2014. J’avais…vingt-cinq ans. Je me suis lancé assez tôt, mais c’est ma compagne à ce moment-là qui m’a motivé. » Je lui dois beaucoup à Victoria. Non, je lui dois même tout. Parce que sans elle, sans sa joie de vivre, sans toute la confiance qu’elle me donnait je ne sais pas si j’aurais eu le courage de me lancer dans cette aventure aussi jeune. « Au début c’était assez galère je suis resté longtemps tout seul en cuisine et tout n’était pas aussi beau et aussi grand. Mais au fur et à mesure le bouche à oreille a fonctionné et maintenant ça marche super bien. On remplit la salle à quasiment tous les services. Enfin j’ai juste eu beaucoup de chance. » J’hausse les épaules. Beaucoup me diront que je suis peut-être un poil trop modeste, mais je me sens plus chanceux qu’autre chose. « Tu fais quoi dans la vie toi, d’ailleurs ? » Je me rends compte que je ne connais finalement rien de lui, à part qu’il a une amie qui ouvre un shop de tatouage dans la rue. J’ouvre la grande porte de la chambre froide pour m’y enfoncer quelques secondes et je reviens vers lui. « Il me reste des fondants au chocolat ou tarte du citron meringuée. Tout a été fait ce matin, c’est ce qui n’a pas été servi au service de ce midi. » Je précise, parce que chez moi, tout est fait maison et je ne veux pas qu’on puisse en douter.
Caleb rit de tes révélations et son sourire est totalement communicatif. « Viens, suis-moi. » C’est avec le visage tout éclairé que tu le suis avec très grand plaisir. « Me remercie pas, ça me fait plaisir. » En plus il le fait vraiment avec le coeur et ça se sent dans tout son être. T’es en train de te congratuler intérieurement d’avoir oser venir car visiblement c’était la meilleure chose à faire. Tu gagnes un jus d’orange, une pâtisserie et en plus tu vois que tu n’avais aucune raison d’avoir peur de renouer avec Caleb. Même si c’est un peu sorti de nul part avec beaucoup d’années depuis votre dernier contact. Tu te vois plutôt pas mal en lui (pas au premier degré - quoi que) et c’est sûrement ce qui te plaît de plus en plus à son propos. Tu sais votre historique tragique commun mais tu n’avais jamais vu au delà de ça car vous baigniez bien trop dedans à l’époque. Aujourd’hui tu peux le voir d’une autre manière et ce que tu découvres te plaît. Quand tu entres dans les cuisines c’est plutôt cool ça aussi. Tu l’observes être comme un poisson dans l’eau. Il a l’air perfectionniste et maniaque et encore deux points où tu te reconnais bien. « Le restaurant a ouvert en 2014. J’avais…vingt-cinq ans. Je me suis lancé assez tôt, mais c’est ma compagne à ce moment-là qui m’a motivé. » Sa compagne du moment. Tu vois de qui il parle du coup. Tu ne te souviens pas de son prénom mais tu te souviens de ce qui est autour de sa mort. « Au début c’était assez galère je suis resté longtemps tout seul en cuisine et tout n’était pas aussi beau et aussi grand. Mais au fur et à mesure le bouche à oreille a fonctionné et maintenant ça marche super bien. On remplit la salle à quasiment tous les services. Enfin j’ai juste eu beaucoup de chance. » Tu inclines un peu la tête quand il parle de chance. Tu dis également que tu en as beaucoup mais c’est le travail dur et régulier qui paie. Quoi qu’il en soit, tu es impressionné et content de voir qu’il fait ce qu’il aime et avec tout son coeur surtout.
« Tu fais quoi dans la vie toi, d’ailleurs ? » Tu le suis devant la chambre froide et… Il fait froid. Ça te surprend comme un con alors que tu n’es même pas à l’intérieur. La porte est juste ouverte. Le revoilà déjà qui revient vers toi Caleb. « Il me reste des fondants au chocolat ou tarte du citron meringuée. Tout a été fait ce matin, c’est ce qui n’a pas été servi au service de ce midi. » Tu te mords la lèvre inférieure très fort. « Un fondant au chocolat ce sera plus que parfait. Merci. » Tu imagines déjà la texture sur ta langue et puis tu te souviens de la question qu’il a posé juste un peu avant que tu sois pris de court par le coup de froid. « Je suis producteur de musique entre autres. » Phrase bateau que tu sors systématiquement. Ton panel de qualification et d’expérience est bien plus large mais tu es pudique et n’as pas envie de te mettre à dérouler ton CV oralement. « A mon compte également. Avec beaucoup de chance aussi. » Que tu ajoutes pour lui montrer que tu t’es plutôt bien retrouvé dans tout ce qu’il a dit. T’as un sourire aux lèvres. « Ca vous arrive de jeter des pâtisseries à la fin de la journée ou vous les garder pour le lendemain ? » Parce que ça te semble vraiment triste comme action. « Ca doit être du sport la gestion des stocks… » T’es en train de réaliser. C’est clair que c’est tout un métier. Il est aussi clair que tu n’y connais rien du tout. Mais t’es content de ne pas avoir ce genre de dilemmes, ou équations, à résoudre quotidiennement dans ton propre travail.
Dernière édition par Jordan Fisher le Mar 9 Nov 2021 - 19:24, édité 1 fois
Revoir Jordan me fait plaisir, même si finalement on ne se connait pas énormément et nous n’avions échangés que quelques mots par-ci par-là de temps en temps il y a quelques années avoir de ces nouvelles n’en n’est pas pour le moins plaisant. Iel va bien. Iel va mieux. Et moi aussi tout va mieux dans ma vie. Tout ou presque. Disons qu’il y a encore quelques zones d’ombres mais globalement je me sens beaucoup mieux. Cette rencontre me donnerait presque un peu d’espoir aussi. On a tous les deux un passé qui pourrait plus ou moins être similaire mais aujourd’hui la vie nous sourit. – Même si finalement, je ne sais pas ce qu’elle est devenue, sa compagne à lui. J’espère qu’elle s’en est sortie. – « Un fondant au chocolat ce sera plus que parfait. Merci. » Pas simplement parfait, non, mais plus que parfait. J’hoche simplement la tête tout en allumant le four pour réchauffer le fondant précuit au préalable. « Je suis producteur de musique entre autres. » Je me retourne vers lui et je pense que je ne peux pas cacher ma surprise. Iel n’a pas un métier des plus basiques ou un de ces travail qu’on fait juste pour pouvoir manger. Pour travailler dans le milieu de la musique il faut être passionné et sacrément doué, même si je n’y connais pas grand-chose c’est comme ça que je vois les choses. « Sérieux ? » Oui, bien sûr qu’iel est sérieux, ça serait quoi son intérêt de mentir là-dessus ? « Ça doit être super. » Même si je ne le crie pas sur tous les toits, moi aussi j’aime la musique et j’ai appris à jouer de la guitare quand j’étais encore jeune. Pas forcément très doué, je pense qu’iel trouverait mon niveau certainement ridicule. « A mon compte également. Avec beaucoup de chance aussi. » J’ai tendance à croire que pour percer dans le milieu de la musique et pour réussir à produire de gros artistes il faut bien plus que beaucoup de chance. Mais surtout beaucoup de talent. « T’as produit des artistes que je pourrais connaître ? » Je pourrais avoir encore environ un million de questions à lui poser, parce que ce qu’iel fait dans la vie est intriguant mais vraiment très intéressant. Ça doit être un passionné Jordan, pour exercer ce métier. Ça nous fait un point commun. Un travail de passion et qui demande beaucoup de notre énergie et donc beaucoup de temps également. « Ca vous arrive de jeter des pâtisseries à la fin de la journée ou vous les garder pour le lendemain ? » Le gâchis est sûrement un grand fléau dans le milieu de la restauration et c’est quelque chose que j’essaie d’éviter au maximum. « Quelque fois quand il en reste beaucoup on en ramène chez nous, j’aime pas le gâchis. Mais il y a des moments où on a pas le choix, malheureusement. » Il m’arrive quelque fois de donner des desserts qu’il reste à la fin du service aux sans-abris qui peuvent traîner dans certains coins de la ville. Au moins on ne jette pas et j’essaie ainsi de me rendre utile. « Ca doit être du sport la gestion des stocks… » Sa remarque me fait sourire. « C’est sûr que c’est clairement pas la partie du travail que j’aime le plus, au contraire. Mais je préfère gérer tous ces trucs-là moi-même. » On me dit souvent que j’ai du mal à déléguer, on me dit souvent que je suis un peu control freak sur les bords et peut-être que c’est vrai finalement. C’est même l’un des rares traits de caractère que je tiens de ma mère. Le fondant devrait être prêt d’ici cinq minutes alors en attendant je pousse une porte qui mène sur une petite cour extérieure et je fais un signe de tête à Jordan pour lui signifier de me rejoindre. Je cale une cigarette entre mes lèvres et lui en propose une. « Tu dois beaucoup voyager avec ton travail du coup, non ? » Je tire une première fois sur ma cigarette et relève les yeux vers lui.
Tu le vois allumer le four et tu veux pas croire que c’est suite à tes mots sur le fondant. Il peut juste le mettre au micro onde pour le réchauffer ou juste te le donner froid en fait. Mais ça perdrait tout son fondant. Micro onde. T’as oublié que tu étais dans un grand restaurant là Jordan. Vaut mieux pas que tu le dises à voix haute ou il va te faire sortir à coup de pied aux fesses et tu n’auras pas ton fondant. Quand tu lui parles de ton métier il a l’air totalement sur les fesses. « Sérieux ? » Tu confirmes avec un hochement de tête. Y’a tellement de gens qui te disent que ouais au final ça se voit dans ton style alors que bon… l’habit ne fait pas le moine. « Ça doit être super. » Tu hoches la tête une fois de plus. Yup c’est super et vraiment tu ne changerais ça pour rien au monde. T’es content d’avoir ramer y’a quelques années et de n’avoir rien lâché malgré tout. T’as eu pas mal de chance aussi au milieu. Tu le lui as dit déjà. Moi je dis que c’est pas de la chance Jordan, c’est que tu as su faire les bonnes connexions au file des années et étant toi-même un être humain très respectueux, les gens ont été enclin à te donner ta chance. « T’as produit des artistes que je pourrais connaître ? » Très bonne question ça, t’as aucune idée de ce qu’il écoute comme musique. « Peut être… » Et tu commences une petite énumération des plus connus. « Bring Me The Horizon, Don Broco, Northlane… » Tu ne parles pas d’Avril Lavigne car la chanson n’est pas encore sortie mais ça ça fera du bruit yep. T’as bien hâte.
Et puis tu passes à son boulot à lui car tu aimes savoir comment les choses fonctionnent même si ce n’est pas ton milieu ou quoi. La logistique, la gestion, c’est des choses qui peuvent s’appliquer dans n’importe quel domaine tu le sais pour avoir pris des cours là dessus. Les voir être appliqués par d’autres personnes à leur façon c’est toujours super intéressant. « Quelque fois quand il en reste beaucoup on en ramène chez nous, j’aime pas le gâchis. Mais il y a des moments où on a pas le choix, malheureusement. » Tu fais une moue sur la fin de sa phrase car c’est super triste à ton avis. Des si bons gâteaux fait maison, ça ne devrait pas avoir un tel destin. Tu parles de la gestion des stocks car t’as l’impression que c’est réellement un casse tête pure et simple. « C’est sûr que c’est clairement pas la partie du travail que j’aime le plus, au contraire. Mais je préfère gérer tous ces trucs-là moi-même. » T’allais justement suggérer de filer ça à quelqu’un d’autre s’il n’aime pas mais tu comprends beaucoup trop son désir de vouloir gérer cette partie néanmoins. « Comme ça tu peux t’en prendre qu’à toi même si quoi que ce soit. » Enfin, c’est ce que tu en conclus car tu fais la même chose. Tu apprends bien plus vite aussi de cette façon là car tu veux faire mieux pour la fois d’après. Des choses aussi importantes tu laisses pas entre les mains d’une autre personne car tu vas de toute façon vérifier le travail derrière et perdre du temps. Autant le faire soit même directement.
Caleb ouvre une porte et tu le suis sans réfléchir car tu ne vois pas de raison pour te kidnapper. Au pire tu te retrouveras à Narnia si c’est un truc improbable. Et puis quand tu vois que vous vous retrouvez à l’extérieur, t’aime bien l’endroit. Une cours intérieure ça a un certain charme. T’es dehors, mais t’es pas totalement dehors. Ca te rappel le feeling que tu as quand tu es sur ta terrasse. Tu aimes. « Tu dois beaucoup voyager avec ton travail du coup, non ? » Tu dodelines de la tête comme réponse. « Ca va ouais. Cette année est chargée, mais l’année prochaine sera plus chill. » C’est marrant comme les choses se mettent en place comme ça. Tu n’as pas de nouveaux trips ajoutés à la liste depuis que tu es officiellement avec Birdie. Tu ne refuses jamais un séjour pour un projet important. Comme quoi, l’univers va arrêter de vous séparer pendant un petit temps après le dernier voyage en Thailand que tu as en novembre. Tu regardes Caleb fumer et tu te laisses brièvement voguer dans tes pensées. « Tu parles beaucoup de ton ex compagne à ta nouvelle ? » Tu te dis que ça ne devrait pas poser de problème comme question vu que tu es dans le même bateau que lui. Tu te demandes juste vu que vos timings et conséquences aient été plutôt très similaire. Tu te demandes parfois si tu mentionnes pas trop Rosa à Birdie et tu ne dis pas non pour avoir un aperçu de sa façon de faire à lui puisqu’il a l’air d’être dans une relation stable de nouveau. Comme toi. La différence c’est que de ton côté c’est encore bien frais.
« Bring Me The Horizon, Don Broco, Northlane… » Si je ne connais pas du tout Don Broco ou Northlane je ne peux pas en dire autant du premier groupe qu’il me cite. Pas que j’en sois un grand fan, mais je me souviens avoir un peu écouté Bring me the horizon au lycée. Je souris doucement alors que ma main vient se poser sur ma nuque pour la masser un peu. « J’écoutais un peu bring me the horizon quand j’étais au lycée. » Mais ce n’était rien à côté des groupes tels qu’Evanescence, Queen, Radiohead ou les Beatles. Et d’ailleurs, c’est une chanson des Beatles que j’ai joué à la guitare pour la première fois à Alex quand nous avions vingt ans. Impossible de l’oublier parce que j’étais tellement nerveux, mais finalement, elle avait plutôt bien aimé. « Et ça se passe comment ? C’est toi qui demande aux artistes de les produire ou c’est eux qui viennent vers toi ? » Parce que je ne sais absolument pas comment l’industrie musicale fonctionne, alors peut-être qu’iel va pouvoir m’en apprendre un peu. Je suis curieux, j’aime savoir comment les choses fonctionnent et il faut dire que son travail est assez intriguant. Jordan côtoie des célébrités au quotidien et si une grande partie des personnes doivent trouver ça excitant et l’envier pour ça, moi je trouve ça terriblement stressant et angoissant. Comment ne pas se trouver minable quand on se retrouve essentiellement en compagnie de gens qui ont tout pour eux ? Mais iel n’a pas l’air d’avoir grand-chose à leur envier, Jordan. Et il y a un point commun qu’on semble partager tous les deux : notre curiosité et notre envie d’en apprendre plus sur le travail de l’autre. « Comme ça tu peux t’en prendre qu’à toi même si quoi que ce soit. » J’hoche positivement la tête une fois, iel a tout compris, Jordan. S’énerver contre soi-même a toujours été bien plus simple que quand je dois faire des reproches à quelqu’un.
Le fondant dans le four je sais que le temps de réchauffe m’en laisse assez pour fumer une cigarette, c’est pour ça que j’ouvre la porte qui donne sur une petite cour intérieure. « Ca va ouais. Cette année est chargée, mais l’année prochaine sera plus chill. » La cigarette au bec et un pied qui vient prendre appui contre le mur j’écoute sa réponse et avant de lui répondre je tire sur ma cigarette. « Je trouve ça cool, ça te permet de bouger un peu pour découvrir le monde. J’aime bien voyager. » Même si je ne le fais pas assez à mon goût. J’ai découvert mon attrait pour découvrir le monde quand j’ai quitté l’Australie pendant une année entière. Une année durant laquelle j’ai découvert la France et j’en suis d’ailleurs tombé amoureux. Amoureux du pays mais pas que, d’une Française aussi. Et puis il y a eu l’Italie juste après, parce que je ne voulais pas quitter Victoria tout de suite. « Tu parles beaucoup de ton ex compagne à ta nouvelle ? » S’il y a bien une question à laquelle je ne m’attendais pas, c’est bien celle-ci. Est-ce que je parle beaucoup de Victoria à Alex ? Non. Déjà parce que pendant longtemps elle ne semblait pas vraiment en mesure de m’écouter et d’accepter cette partie de ma vie. Mais ce n’est pas de sa faute. C’est sans aucun doute aussi parce que j’ai un gros problème quant à l’expression de ce que je ressens, et de ce qui pourrait me faire flancher bien trop rapidement. Parce que même si mon deuil est fait, Victoria aura toujours une place toute particulière dans mon cœur. « Pas vraiment non…» Je baisse les yeux quelques secondes et j’apporte ma cigarette entre mes lèvres comme si ce simple geste serait suffisant pour me donner un coup de boost. « J’ai peur qu’Alex prenne mal le fait de m’entendre parler d’une autre femme. J’ai pas envie qu’on puisse penser que je lui manque de respect en parlant d’une autre. » J’hausse les épaules, parce que je me rends bien compte que c’est complètement con. Mais j’aime Alex, tout comme il y a encore – et certainement pour toujours – une partie de moi qui aimera Victoria. Peut-être que c’est cette même partie qui s’est éteinte quand elle est partie. Je ne dis rien pendant quelques secondes me contentant de fumer un peu. « Et ta femme ?... » Je relève les yeux vers lui. Je ne lui demande pas directement si elle s’en est sortie ni même si elle est décédée elle aussi, ou si elle est encore dans le coma. Mais c’est ma façon à moi de lui poser toutes ces questions en une. Puisqu’iel a abordé le sujet, après tout, iel ne devrait pas m’en vouloir de lui poser cette question, non ?
« J’écoutais un peu bring me the horizon quand j’étais au lycée. » Tu souris bien largement de l’entendre dire. Toujours fier de voir que les gens connaissent de qui tu parles. Ils sont de plus en plus massif mais tu es conscient que si les gens n’écoutent pas ce genre de musique ils ne les connaissent pas. Tu ne t’offusques pas quand c’est le cas. Y’a bien de la musique dont tu ne connais pas toi non plus. « Et ça se passe comment ? C’est toi qui demande aux artistes de les produire ou c’est eux qui viennent vers toi ? » Tu kiffes de voir qu’il s’intéresse lui aussi. « Les artistes qui me contactent. Le bouche à oreille fonctionne vraiment bien, faut avoir un bon réseau même si c’est vrai j’ai envoyé quelques messages privés à Dua Lipa pour essayer de bosser avec elle mais ça n’a pas fonctionné. » Tu marques une brève pause. « Enfin, pas encore. Faut juste que je trouve un vrai contact plutôt que de passer pour quelqu’un de creep dans ses DM. » Tu te rends compte que tu parles beaucoup là sur une tangente. Nah je suis pas hors sujet. Ouais mais on sent bien ton enthousiasme pour Dua Lipa vu la quantité que tu viens de dire juste pour elle.
« Je trouve ça cool, ça te permet de bouger un peu pour découvrir le monde. J’aime bien voyager. » Tu confirmes d’un signe de tête. On apprend bien des choses en visitant des nouvelles villes. Encore mieux si tu connais quelqu’un de local qui peut te faire découvrir les environs autrement que comme un touriste de base. Tu te dis qu’il doit avoir pas mal d’argent avec un resto pareil et qu’il a dû en voir du pays. Si il prend le temps de partir en vacances. Car tu es presque sûr que son resto c’est son bébé et il est bien difficile de laisser son bébé comme ça. Tu aimes ton studio plus que bien des choses mais tu as de la chance de pouvoir faire ton boulot, ou une partie en tout cas, n’importe où avec la technologie de nos jours.
Et puis voilà un sujet un peu plus sérieux que tu mets sur le tapis. Curieux de voir ce qu’il va t’apprendre sur ses habitudes avec sa nouvelle femme. « Pas vraiment non…» Damn. Parce que toi tu en parles plutôt régulièrement; Enfin, ça fait un moment que Rosa n’a pas été tant le centre des conversations ou juste une partie, mais elle reste toujours mentionnée ici et là au détour d’un phénomène paranormal, d’un signe que tu as vu qui venait d’elle et que tu ne caches pas. « J’ai peur qu’Alex prenne mal le fait de m’entendre parler d’une autre femme. J’ai pas envie qu’on puisse penser que je lui manque de respect en parlant d’une autre. » Tu hoches la tête comprenant ce qu’il veut dire mais tu as aussi l’impression que la communication n’est pas totalement optimale s’il ne sait pas clairement si sa femme du moment apprécie ou non ce genre de conversation. « Et ta femme ?... » C’est seulement maintenant que tu réalises qu’il a ‘connu’ Rosa dans le coma et non pas Rosa dans son cercueil. « Elle est décédée mars 2018. » Une année après lui si ta mémoire est bonne. « J’en parle plutôt beaucoup à ma partenaire actuelle… » Tu te mordilles la lèvre. « Enfin, pas tant que ça mais elle est mentionnée régulièrement. Je crois pas que ça la dérange… » Tes doigts qui sont en train de pincer ta lèvre inférieure, t’as l’air totalement ridicule mais tu n’y penses pas, c’est juste une sorte de tic nerveux. Un geste qui cherche à t’apaiser de te toucher le visage de la sorte. « J’oublie Rosa des fois… » Tu murmures. Tu avais toujours ta défunte femme dans tes pensées quand tu te réveillais avant. Avec quelques secondes où tu avais oublié qu’elle était morte, ou dans le coma. « Ca m’en a foutu un coup la première fois que je m’en suis rendu compte. » Tout autant de mots pour dire que tu as bien pleuré à cette réalisation. Avoir Birdie à tes côtés c’est en train de te changer tes pensées et dans le bon sens. « Je m’en veux parfois mais hmmm… La vie continue. » Que tu dis sachant que c’est la vérité, mais surtout pour t’en convaincre encore un peu plus. Ca fait du bien de se l’entendre dire et le dire toi même c’est encore plus fort.
« Les artistes qui me contactent. Le bouche à oreille fonctionne vraiment bien, faut avoir un bon réseau même si c’est vrai j’ai envoyé quelques messages privés à Dua Lipa pour essayer de bosser avec elle mais ça n’a pas fonctionné. Enfin, pas encore. Faut juste que je trouve un vrai contact plutôt que de passer pour quelqu’un de creep dans ses DM. » Le bouche à oreille fonctionne vraiment bien, c’est à peu près ce que je lui ai dit en lui parlant de mon restaurant. Sauf que là on ne parle pas d’une personne qui suggère à ses amis ou sa famille d’aller manger dans un restaurant parce que la nourriture servie en vaut le coup. C’est des célébrités qui connaissent Jordan de réputation, donc là, on est sur un level supérieur. « Je ne connais même pas Dua Lipa… » Que j’avoue en grimaçant un peu. Peut-être qu’iel va me trouve scandaleusement inculte mais je prends le risque de baisser dans son estime.
Finalement on devait savoir tous les deux qu’il n’était que question de quelques minutes pour que notre passif en commun soit abordé et c’est Jordan qui ose s’y lancer en premier. J’aimerais pouvoir parler de Victoria à Alex, pas forcément lui raconter dans les moindres détails ma relation avec elle, pas du tout même. Mais j’ai passé cinq années de ma vie avec Victoria alors forcément, quelque fois je pense à elle, il y a des souvenirs qui me reviennent et des anecdotes que j’aimerais partager avec ma fiancée. Mais je n’ose pas. De peur de la froisser en grande partie. Parce que je sais qu’il y aura toujours une partie de moi qui aimera Victoria et j’ai peur de rappeler ça à Alex à chaque fois que je mentionne avec elle ma première fiancée. « Elle est décédée mars 2018. » Exactement un an après Victoria. Mars 2017. Mon regard croise le sien un instant, j’ai envie de lui dire que je suis désolé, mais il le sait, il doit s’en douter et on sait tous les deux que ce genre de phrase toute faite ne nous soulage en rien dans ce genre de moment. Je me contente de tirer sur ma cigarette. « J’en parle plutôt beaucoup à ma partenaire actuelle… Enfin, pas tant que ça mais elle est mentionnée régulièrement. Je crois pas que ça la dérange… » Sa partenaire actuelle. Il va bien, c’est ce qu’il m’a dit tout à l’heure et je suis presque sûr que cette fille y est pour quelque chose. On ne va pas se mentir, on a beaucoup trop besoin d’une femme à nos côtés ou du moins, moi, c’est mon cas. Il a fallu attendre mes vingt ans et ma rencontre avec Alex pour que je me sente enfin réellement heureux et apaisé et quand elle est partie, je me suis perdu. C’est la rencontre de Victoria qui m’a remis sur le droit chemin et qui m’a aidé à croire en l’amour de nouveau. Sauf qu’elle n’est plus là et par la suite j’ai de loin passé les pires années de ma vie. Ce n’est seulement que quand Alex est revenue dans ma vie que de nouveau, j’ai retrouvé un certain apaisement. Je retiens surtout que Jordan réussit à parler de sa femme avec sa partenaire et je l’envie. Moi je n’ose pas. J’ai peur de la réaction d’Alex, j’ai peur de lui faire du mal alors je garde tout ce qui touche à Victoria pour moi. Que ce soit les sentiments positifs et les négatifs. « J’oublie Rosa des fois… » J’hoche la tête parce que je me retrouve dans ses mots. « Ca m’en a foutu un coup la première fois que je m’en suis rendu compte. » J’écrase mon mégot dans le cendrier et retourne à l’intérieur. « Je comprends, c’est pareil pour moi. » Je sors le fondant du four. « Il m’a fallu beaucoup de temps pour que je comprenne que je devais arrêter de vivre dans le passé et qu’il fallait que j’avance. » Et puis autant aussi le dire clairement, il m’a fallu beaucoup de temps pour avoir envie de continuer à vivre sans celle que j’ai considéré comme étant la femme de ma vie. « Et une fois compris il a fallu que je l’accepte aussi. » Parce qu’il y a toute une autre dimension dans mon cas dont Jordan n’en sait absolument rien ; l’accident qui a coûté la vie de Victoria était de ma faute et c’est moi qui conduisais. S’y ajoute du coup la culpabilité d’avoir une mort sur la conscience. Deux, si on compte le bébé qu’elle attendait, selon les dires de Birdie. « Je m’en veux parfois mais hmmm… La vie continue. » J’hoche la tête. « Peut-être qu’on doit vivre notre vie pour elles aussi. » En quelque sorte. J’hausse doucement les épaules en je me tourne quelques secondes pour prendre une petite cuillère que je donne à Jordan. « J’aurais jamais pu ouvrir ce restaurant sans elle. » Elle croyait en moi, elle m’a poussé à surpasser mes peurs pour réaliser mon rêve. C’était mon rayon de soleil, Victoria.
« Je ne connais même pas Dua Lipa… » T’es surpris mais tu ne fais pas de tronche spéciale non plus. « Je suis sûr que tu connais au moins une chanson tu sais juste pas que c’est Dua Lipa. » Là tu mets quelques espoirs sur lui même si t’as aucune idée au final parce que tu ne le connais pas tant que ça. Tu es juste intimement convaincu que la musique de Dua Lipa est réellement partout ou presque et qu’il a forcément déjà croisé sa route. Tu te retiens de commencer à lui dire qu’elle a gagné deux Grammys cette année. Tu vas pas commencer à te lancer dans un monologue qui n’intéresse au final que toi. Loin de toi l’idée de l’ennuyer alors qu’il va t’offrir un fondant au chocolat. Ce serait vraiment pas sympa comme retour des choses.
Tu le suis de nouveau à l’intérieur. « Je comprends, c’est pareil pour moi. » Tu le regardes sortir le fondant du four alors que tu respires plutôt profondément cette odeur délicieuse. « Il m’a fallu beaucoup de temps pour que je comprenne que je devais arrêter de vivre dans le passé et qu’il fallait que j’avance. » Tu hoches la tête. Toi aussi tu as mis deux années à être complètement abstinent sexuellement une fois qu’elle est décédée. T’as eu des crush ensuite et ça t’a montré que ton coeur était toujours capable de ressentir ce genre d’émotions pour des gens. « Et une fois compris il a fallu que je l’accepte aussi. » Tu sais pas si tu as expressément saboter quelques connections que tu as eu avec des personnes en 2020 mais tu as préféré te tourner vers le sexe sans rien de plus. Là encore, ce fut un grand pas alors que tu avais une alliance à la main gauche. L’acceptation c’est le plus compliqué même si vous savez qu’il faut passer par là pour aller de l’avant. Tu es plutôt à une bonne place maintenant. « Peut-être qu’on doit vivre notre vie pour elles aussi. » Tu hoches vivement la tête en confirmant les mots qu’il vient de dire. Tu prends la cuillère qu’il te tend. « J’aurais jamais pu ouvrir ce restaurant sans elle. »
T’as vraiment l’impression que plus il te parle de lui et sa défunte femme, plus tu t’entends. « Pareil… J’osais pas me lancer c’était compliqué pour les études… » Tu hausses une épaule comme si c’était pas grand chose alors que ce que tu es en train de raconter c’est un moment déterminant de ta vie. « Au final j’ai réussi à me démerder mais si elle était pas entre la vie et la mort à ce moment là je crois pas que je me serai bouger le cul. » Tu comprends toujours pas comment elle te connaissait bien mieux que toi. Elle avait toute foi en toi et ce n’était pas ton cas pour ta propre personne. Faut dire que l’environnement dans lequel tu as grandit n’a pas aidé à ce que tu aies une quelconque estime de toi. « Je lui dois tout. » L’émotions dans tes yeux est visible. Non tu ne vas pas te mettre à pleurer mais tu es ému de dire ça à voix haute. Tu as beau parler de Rosa souvent, dire ces choses là à voix haute, quant à ta situation actuelle ça te met toujours une belle claque à bien des niveaux. Le chemin que tu as parcouru et combien tout est absolument grâce à elle. Et combien elle te manque… Tu prends une plutôt grande inspiration pour calmer tes émotions. « Ça sent super bon. » Que tu dis comme pour justifier mais vous savez très bien que ce n’est pas pour profiter de l’odeur du fondant que tu as pris cette grande respiration. « Je crois que je vais passer au cimetière après. Ca fait longtemps que je n’y suis pas allé. » Et ça aussi c’est quelque chose qui a changé. C’était ton refuge avant le cimetière, l’endroit où tu pouvais méditer pendant une durée indéterminée. Maintenant tu passes pas mal de ton temps libre avec Birdie et tu ne changerais ça pour rien au monde. Tout est parfait entre vous, tout est nouveau aussi. Tu profites tant que c’est là, car t’es pas habitué aux happy endings.