D'un instant plus que romantique au milieu du chaos Eliot et Sawyer retombaient bien bas alors que le tueur venait de leur tomber dessus à nouveau. Il laissa s'échapper une injure avant que tout ne se déroule si rapidement qu'il aurait eu du mal à se souvenir exactement la façon dont ils avaient réussi à sortir de cette salle. Il avait surtout réalisé à quel point Sawyer s'était montrée courageuse, à quel point Josh allait mourir sans qu'ils n'aient rien pu faire pour lui. Trop d'émotions se bousculaient dans la tête du lycéen alors qu'il courait pour sauver sa vie. Il était dépité de la situation au point qu'il en avait envie de vomir ses tripes de peur et d'angoisses, mais il se sentait aussi chanceux de pouvoir être avec celle qu'il aimait plus que tout au monde dans ce scénario catastrophe. Si les secondes qui se déroulaient étaient les dernières qu'il devait vivre, il voulait les passer auprès de Sawyer. Probablement pas à fuir la mort, probablement pas au lycée non plus. Mais il l'aimait tant qu'une partie de son cerveau ne pouvait s'empêcher de penser à elle, à cette demande qu'il venait de lui faire sous le coup de l'adrénaline. Il pensait à tout ça en préférant laisser voguer son esprit en ce sens pour éviter d'entendre de loin les cris d'agonie de leur équipier. Ils l'avaient abandonné, ils auraient sa mort sur la conscience. A l'angle d'un couloir, au beau milieu de leur course, Sawyer vint attraper la main d'Eliot et ils se retrouvèrent, sans qu'il ne comprenne comment, collés l'un à l'autre contre un casier. Leurs regards ne se lâchaient plus. Eliot avait le souffle coupé tant par leur course que par ce que sa petite amie lui faisait ressentir. Puis il entendit ces mots. Oui. C’est oui. Je t’aime Eliot Albert Chapman. Et je veux devenir ta femme. Et elle l'embrassait, ses bras l'enlaçant. Dans un film d'action, cette scène aurait sans aucuns doutes été accompagnée d'explosions à l'arrière plan et d'un ralenti fulgurant pour mettre en scène la passion qu'ils entretenaient l'un pour l'autre. Ici, Eliot finit par mettre fin au baiser pour tirer sa désormais fiancée dans le coin isolé qu'était la cage d'escaliers. A l'abri des regards, il l'attirait à nouveau vers lui, prit son visage dans ses mains pour mieux observer sa beauté. Je veux passer ma vie avec toi. Qu'il dit, sincère. Il ne se voyait pas sans elle. On devrait faire ça maintenant, ici. Je ne veux plus passer une seconde sans te savoir ma femme. Peut-être regretterait-il le lendemain, s'il y en avait un. Mais seul l'instant présent comptait.

Le regard perdu dans celui d’Eliot alors que ce dernier venait de prendre son visage entre ses mains, Sawyer ne pouvait réfréner un sourire à la fois attendri et conquis malgré la situation dans laquelle ils se trouvaient. Ils avaient beau être au milieu d’un bain de sang qui menaçait à tout instant de faire d’eux ses prochaines victimes, elle se sentait paradoxalement en sécurité dans cette cage d’escaliers dans les bras de celui avec qui elle s’imaginait faire sa vie. « Je veux passer ma vie avec toi. » Entendre ces mots dans la bouche de son fiancé ne l’aidait pas à garder la tête froide alors même qu’il s’agissait là de la solution raisonnable à adopter pour tenter de s’en sortir. « On devrait faire ça maintenant, ici. Je ne veux plus passer une seconde sans te savoir ma femme. » Aucun d’eux ne semblait capable de faire preuve de bon sens dans cette situation qui restait profondément dramatique avant d’être romantique. Et si Sawyer savait qu’elle aurait dû tout faire pour garder les pieds sur terre, elle comprenait aussi parfaitement l’urgence dans la demande qu’Eliot venait de lui faire. Parce qu’elle ressentait la même. Etait-ce parce que quelque chose lui disait qu’elle ne vivrait pas suffisamment longtemps pour voir un nouveau jour se lever, ou bien simplement parce qu’elle était complètement inconsciente ? Peut-être un savant mélange des deux. « T’as un prêtre sous la main et tu me l’as caché ? » Elle était prête à faire abstraction des fleurs, du buffet, des invités, de la musique et du photographe. « Et deux alliances ? Et des vœux déjà rédigés ? » Mais il y avait des points sur lesquels elle refusait de faire des concessions, même pourchassée par un tueur en série : les alliances et les vœux en faisaient partie. Pour le prêtre, ils trouveraient déjà un moyen d’improviser. Elle déposa un rapide baiser sur ses lèvres avant de s’écarter de son fiancé. Profitant d’un court moment de calme, elle jeta un coup d’œil autour d’eux et aperçu un sac à dos abandonné dont elle s’empara rapidement. Elle se saisit d’un porte clef qui y était accroché et en détacha l’anneau qu’elle tenta ensuite tant bien que mal de remodeler pour le resserrer un peu. Toujours sur ses gardes mais l’esprit malgré tout à mille lieues du carnage qui les menaçait, la brune s’empara de la main gauche d’Eliot pour faire glisser cette alliance de fortune à son annulaire. Plutôt satisfaite du résultat, elle releva son visage vers le sien, un sourire radieux aux lèvres. « Plus qu’une alliance à trouver. » Et un dangereux tueur à éliminer. Un détail.

Sawyer et Eliot avaient probablement choisi le pire moment pour s'arrêter dans une course poursuite et se faire des déclarations d'amour, mais c'était nul doute le meilleur à la fois. La peur de mourir, voir le malheur et la mort tout autour d'eux amplifiait leurs sentiments et ils avaient tous deux le besoin d'exprimer tout ce qu'ils pouvaient ressentir l'un pour l'autre. Au moins, s'ils devaient mourir ce soir, ils n'auraient aucun regret de ne pas s'être dit une dernière fois à quel point ils s'aimaient. T’as un prêtre sous la main et tu me l’as caché ? Il n'avait évidemment pas pensé à ce genre de détails en lui proposant de se marier ici et maintenant. Je crois que vu la situation on doit pouvoir s'en passer. Ils auraient leur grande et belle cérémonie, un jour, plus tard, dans l'hypothèse où ils finissaient par sortir de ce lycée. Et deux alliances ? Et des vœux déjà rédigés ? Il secouait la tête par la négative, mais prit ses deux mains dans les siennes avant de lui répondre. Les alliances... on doit trouver ça quelque part. Et pour les vœux, j'ai pas besoin de me préparer. Je sais parfaitement ce que j'ai envie de te dire. Qu'il l'aimait et l'aimerait toujours, qu'il n'aurait pas pu rêver mieux qu'elle pour être dans sa vie et qu'il ne voyait pas son quotidien sans elle. Que malgré cette drame dans lequel ils pataugeaient ce soir, il ne voyait qu'elle, qu'il voulait être son phare dans cette longue nuit d'horreur et dans toutes les autres à l'avenir. Et bien d'autres choses encore qui pouvaient toutes se résumé en une petite phrase : Eliot aimait Sawyer comme un fou. Si le contexte était catastrophique, il faut croire que c'est sous pression qu'il était le plus romantique. Elle l'était elle aussi, puisqu'elle prit sa main pour lui enfiler un anneau de porte clé en guise d'alliance pour les unir. Le geste lui fit esquisser un sourire. Plus qu’une alliance à trouver. Qu'ils devraient chercher en évitant le fou furieux qui sévissait dans les couloirs depuis toute la soirée. Mais Eliot n'en démordrait pas, Sawyer méritait une vraie bague, à la hauteur de sa personne. S'ils sortaient tous les deux vivants de ce massacre, il mettrait toutes ses économies pour lui en acheter une belle, une vraie. Pour l'heure il se retrouvaient coincés dans une situation où le romantisme n'était malheureusement pas la priorité. L'espace d'un instant il songeait à prendre la bague d'un des professeurs qui s'étaient fait tués dans les couloirs. Mais arpenter les cadavres dans l'espoir d'offrir un bijou à sa future femme lui paraissait un peu trop glauque pour passer à l'action. Une idée lui vint soudain à l'esprit et illuminait son visage. C'était l'évidence même. Il retirait la chainette qu'il portait autour du cou pour en prendre le médaillon qui n'était d'autre que l'alliance de son grand père. Elle sera probablement trop grande pour toi, mais c'est un bijou de famille, alors la signification est là. Elle n'avait pas non plus l'esthétique de la bague qu'il aurait voulu lui offrir, mais au moins, il en avait une qu'il pouvait lui passer au doigt. C'est ce qu'il s'empressa de faire d'ailleurs.

La peur que toute personne normalement constituée en pareille situation aurait dû ressentir ne parvenait pas à venir entacher l’euphorie de Sawyer. Euphorie probablement passagère mais dont elle comptait bien profiter jusqu’au dernier moment. « Les alliances... on doit trouver ça quelque part. Et pour les vœux, j'ai pas besoin de me préparer. Je sais parfaitement ce que j'ai envie de te dire. » Son sourire se fit plus tendre en entendant les mots de son fiancé. Il avait raison, ils n’avaient besoin de rien tant qu’ils étaient ensemble. Ils s’aimaient plus que tout et ils n’avaient pas besoin d’un quelconque prêtre ni même d’une audience pour attester de cet amour. Si de son côté elle s’était débrouillée pour trouver une alliance très improvisée pour célébrer l’événement, elle ne s’attendait clairement pas au geste d’Eliot. Ses sourcils se froncèrent légèrement en le voyant attraper la chainette attachée autour de son cou. Elle mit quelques secondes avant de comprendre ce qu’il s’apprêtait à faire. « Elle sera probablement trop grande pour toi, mais c'est un bijou de famille, alors la signification est là. » Elle se pinça immédiatement les lèvres pour s’empêcher de se laisser submerger par l’émotion que ce geste provoquait en elle. Un raz-de-marée de sentiments auquel elle n’était pas préparée l’envahissait alors qu’il lui passait ce précieux bijou au doigt. Son cœur battait à cent à l’heure et ne parvenant pas à prononcer le moindre mot elle ne put que prendre Eliot dans ses bras de longues secondes avant de déposer ses lèvres sur les siennes. Elle garda son visage tout près du sien. Sa voix se fit murmure et laissait transparaitre toute son émotion : « T’imagines même pas ce que ce geste représente pour moi. » Elle connaissait la valeur du bijou aux yeux d’Eliot et elle n’aurait de cesse d’en prendre soin jusqu’à la fin de ses jours. « Je ne suis pas douée pour les discours. J’ose à peine parler de notre bonheur à voix haute parce que si la vie se rend compte de ce qu’elle nous a donné, j’ai peur qu’elle essaie de nous le reprendre…et ce serait dommage parce qu’on a tous besoin d’un peu d’espoir pour tenir. » Les larmes commençaient à couler au coin de ses yeux et elle dût marquer une pause avant de pouvoir reprendre : « On a tous besoin de sentir que quelque fois la vie est merveilleuse et qu’avec la bonne personne elle peut l’être pour touj… » Ça n’était pas les larmes qui stoppèrent Sawyer dans son discours cette fois-ci. Sa bouche était restée ouverte mais plus aucun son n’en sortait. Elle se détacha d’Eliot et effectua un pas hésitant en arrière, vraisemblablement déstabilisée par quelque chose. Ses sourcils se froncèrent et les traits de son visage se tordirent en une grimace douloureuse, du sang s’échappant à présent d’entre ses lèvres alors qu’une vive douleur se faisait ressentir dans sa poitrine et prenait petit à petit possession de tout le reste de son corps. Elle n’avait même pas entendu le sifflement de cette flèche perdue venue la transpercer en plein cœur. Sawyer eut à peine le temps de jeter un coup d’œil en direction de l’objet logé dans son corps avant de relever la tête pour plonger une dernière fois son regard dans celui d’Eliot. Elle voulait qu’il soit la dernière chose qu’elle voit avant de sombrer. Et c’est bien cette image là qui parvint à se graver dans son cerveau avant qu’elle ne se laisse tomber au sol, glissant abruptement vers un monde qu’elle se pensait trop jeune pour rejoindre mais qui l’accueillie pourtant bel et bien, le cupidon d’Halloween ayant vraisemblablement pris son rôle très à cœur et ayant réussi sa mission.

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