J'étais loin de pense que Joanne se prendrait de passion pour un sujet pareil, prête à en parler pendant des heures d'après l'éclat que je devine dans son regard. Je m'avachis un peu plus dans le canapé, histoire d'être confortablement installé, et pose ma nuque au bord du dossier afin d'y reposer ma tête. « Je pense que nous continuerons d'aller de vie en vie tant que la Terre tournera. » je réponds à la jeune femme, essayant de résumer au mieux ce en quoi je crois sans tomber dans la longue explication de tous les mécanismes que j'imagine pour régir tout ceci ; les lois de l'univers qui m'arrangent et me rassurent, me faisant penser que la vie à un but, un début, une fin, avec quelques lignes d'écrites, comme des repères sur une grande page blanche. Une fois que les premiers mots ont rejoint les derniers, la page se tourne, et tout recommence à la suivante. Ainsi de suite. Certains préfèrent se tourner vers une religion précise, un bouquin et des bâtiments où réunir leurs prières ; j'ai connu longtemps cet environnement très croyant, et je ne dirais pas qu'aller à l'église le dimanche m'en a dégoûté, mais que je préfère éviter de me limiter à tous ces dogmes. J'aime croire que certaines âmes font faites pour être toujours ensemble ; pas forcément des couples, mais parfois des amitiés qui sont faites pour traverser les siècles, ou des liens de famille. Que nous nous attendons les uns et les autres dans le néant, jusqu'à sentir le bon moment pour revenir et se retrouver. J'ai comme l'impression que Joanne pense des choses similaires. Parfaitement attentif, buvant agréablement les paroles de la jeune femme avec l'éclat dans les yeux du petit garçon à qui on raconte une histoire avant d'aller dormir, je l'écoute me faire le récit de notre rencontre il y a quatre cent ans. « J'aurais pu trouver la paysanne très belle, et douce. J'aurais pu la voir en secret malgré tout, et prendre soin d'elle. » j'ajoute à sa narration, me prenant au jeu. « A moins que ça ne soit toi l'aristocrate à l'époque, et moi le servant, admirant de loin d'une beauté complètement inaccessible. » Après tout, pourquoi les rôles ne pourraient-ils pas s'inverser ? J'imagine si bien Joanne dans une famille noble, une princesse quelques siècles plus tôt encore. Toujours absorbé par sa voix, je souris en l'entendant raconter l'histoire éphémère de l'infirmière et du soldat, laissant le film passer dans ma tête pendant quelle m'en parle. Je souris, même si la fin est triste. « J'adore ta manière de voir les choses. C'est assez beau. Et j'aime ta manière de raconter les histoires. » dis-je en prenant l'une de ses mains dans la mienne. Je sens sa bague entre mes doigts. La jeune femme poursuit son hypothèse, selon laquelle nos pauvres âmes vivent une histoire d'amour contrariée depuis des siècles ; mais des siècles qui leur ont appris à si bien se connaître que aujourd'hui, dans cette vie, tout coule de source, tout va si vite, et tout est une évidence. Une hypothèse que j'adopte avec un large sourire. « Et si cette histoire aboutit dans cette vie, qu'est-ce qu'il pourra se passer dans la suivante ? » je demande, après quelques secondes de réflexion. Plus triste encore, je me demande même s'il est possible que cela n'aboutisse toujours pas dans cette vie. Pensant rassurer la jeune femme, je lui assure que nous avons tout le temps de faire tout ce qu'il nous plaira de faire, mais quelque chose la contrarie là-dedans. Je fronce les sourcils, l'interrogeant du regard ; je comprends et partage ce qu'elle dit, mais je me demande pourquoi elle y pense à un moment pareil. A quel moment les belles pensées ont basculé de l'autre côté. Est-ce que j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Sur le moment, un inexplicable sentiment de culpabilité serre mon coeur. Je ne comprends pas pourquoi elle a des pensées si tristes soudainement, pourquoi elle se laisse happée par des idéaux qu'elle ne peut pas atteindre au lieu de regarder devant elle. Je comprends, sur la fin, que c'est encore sa maladie qui la travaille. Je comprends aussi qu'elle est loin d'avoir retrouvé son optimisme à ce sujet, et au sujet des enfants. A vrai dire, j'ai peur du moment où elle aura baissé les bras au point où même moi je ne pourrais rien faire pour inverser la tendance. A moins que ça ne soit déjà le cas. Mon coeur se serre de nouveau. « Ne dis pas des choses pareilles… » je murmure, posant une main sur sa joue et captant son regard bleu. Je lui souris légèrement, avec bienveillance. « Tu as des pensées un peu trop mélancoliques pour un premier week-end en tant que fiancée, tu ne crois pas ? » je demande, ne cherchant pas à la culpabiliser, mais espérant gagner un petit sourire de sa part. Je reprnds ; « Ca ne sert à rien de regretter ce que tu ne peux pas avoir. On devrait plutôt parler de ce que tu as envie de faire à présent, de construire, et des belles choses que nous ferons tous les deux, puis avec nos enfants. » Je glisse l'idée pour tâter le terrain, peut-être savoir dans quel état d'esprit elle se trouve plus précisément à ce sujet. Mes jambes libérées des chiens sont bien moins lourdes, et je peux enfin me mouvoir comme je le veux. Alors après que Joanne m'ait répondu qu'elle souhaite rester encore un peu éveillée, je l'embrasse de nouveau, prenant son visage entre mes deux mains. Puis je la fais délicatement basculer, glisser sur le canapé, de manière à l'allonger dessus, et m'allonger à côté d'elle. « Qu'est-ce que tu voudrais faire alors ? » je demande, la surplombant, appuyé sur mon coude et le visage dans le creux de ma main. J'attrape une mèche de cheveux du bout des doigts, et l'entortille, la fait glisser, inlassablement.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
C'était un sujet étrange que d'aborder la vie d'avant et la vie d'après. Pourtant Joanne ne s'en lassait pas, s'émerveillant devant ces histoires de réincarnation. Jamie semblait suivre à peu de choses près la même réflexion, elle qui n'aurait jamais pensé qu'ils auraient pu avoir de points communs supplémentaires. Elle était née dans une famille catholique, elle avait été baptisée, mais n'avait jamais fait ses communions. Elle n'allait que très occasionnellement à l'église, et c'était surtout avec sa grand-mère. Elle avait du mal à concevoir cette histoire de Jugement Dernier, de Paradis et d'Enfer. D'un Dieu tout puissant et son Messie. Chacune des religions avait sa spécificités, mais tous se tournait vers un ou plus êtres suprêmes. Cela faisait un bout de temps qu'elle se demandait quel en était l'intérêt. Elle arrivait à croire en quelque chose sans nécessairement se tourner vers sa religion. Son premier mariage avait été religieux, mais elle s'était promise que s'il y en avait un deuxième, une fois dans sa vie, ce serait quelque chose de païen. Pas d'artifice, pas de croix biblique, où tout le monde pourrait y venir avec ses propres croyances et ses propres rêves sans se sentir à l'aise. Elle en avait déjà parlé avec sa grand-mère, qui avait ce jour-là, eu une bien autre vision de la vie de la part de sa dernière petite-fille. La vieille dame avait été enchantée par cette façon de voir les choses, appelant à l'ouverture d'esprit et au respect de chacun. Joanne n'en avait jamais encore parlé, ni même mentionné à Jamie. Jusqu'ici, ils n'avaient jamais véritablement parlé de mariage, de cérémonies et tout ce qui s'en suit. Elle se demandait à ce moment là quel était son avis sur la question. Joanne avait une mine enjouée lorsque son fiancé se prêtait eu jeu lorsqu'elle racontait ses histoires, qui auraient pu être tout à fait vrai. "Je trouve ça terriblement romantique. Le Seigneur qui verrait cette paysanne en cachette. A s'aimer sans se soucier des différences sociales, qui étaient plus que marquées à l'époque." Jamie échangea les rôles, supposant que ça pourrait très bien être elle, l'aristocrate, dans cette histoire. "...et qui se lassera devoir défilé princes et autres comptes à se pavaner comme un paon, à lui faire la cour. Elle préférerait alors les choses beaucoup plus simples et beaucoup plus vraies. La situation serait d'autant plus critique dans la mesure où c'est elle, qui s'habille de tissus hors de prix. On la décapiterait certainement si on découvrait son secret." Ils n'étaient pas très indulgents à cette époque. Jamie semblait passionné par ces histoires qu'elle sortait tout droit de sa tête. Il mêla ses doigts avec les siens, admiratif de sa belle, qui ne faisait que lui sourire tendrement. "Je ne pense pas que ce soit le genre d'histoire qui puisse aboutir un jour. J'espère que l'on accomplira tout ce qu'il faut accomplir dans cette vie, mais ça doit être quelque chose d'insatiable. Nous trouverons toujours de nouveaux souhaits, de nouveaux objectifs, de nouvelles preuves pour s'aimer encore et toujours plus. A mes yeux, c'est une histoire sans fin, arborée de milliers d'accomplissements qui ne seront jamais assez." Elle embrassa le dos de sa main. "Je veux croire qu'elle ne se terminera jamais." Jamie était surpris de voir le cours de la pensé de sa belle basculer subitement dans un tel négativisme. Il était perplexe, continuant d'écoutant attentivement tout ce qu'il avait à dire. Il tentait de l'extirper de ses mauvaises pensées, venant capter ses yeux perdus. Elle sourit tristement, un peu amusée qu'il reprenne ses mots. "Je...Je suis désolée." C'était plus fort d'y penser constamment. Ses yeux s'étaient baissés, s'en voulant d'avoir dit tout ceci à haute. La voix de Jamie restait douce et délicate, sachant très bien à quoi il avait affaire. Dès qu'il parla d'enfants, Joanne se plongea subitement dans son regard, ses iris bleus bordés par quelques larmes encore logés sur ses paupières inférieures. Profondément touchée, elle ne parvint pas à aligner un seul moment, puis se laissa guider par Jamie, qui l'allongea sur le canapé, et il se met à côté d'elle, la surplombant légèrement. Il lui demanda ce qu'elle voulait faire. Pendant un moment, elle restait focalisée sur le mot qu'il avait prononcé quelque secondes plus tôt. Elle ne sortit de ses pensées que lorsqu'elle sentit les larmes qu'elle avait gardé depuis s'écouler sur sa joue pour lentement aller se loger dans cheveux. Elle prit une profonde inspiration, émue. "Je suis désolée, je..." Son visage se crispa par la tristesse, l'émotion devenant incontrôlable. "J'aimerais tellement avoir des enfants. Pouvoir..." parvint-elle à dire, avant que ses sanglots ne deviennent profondément déchirants. Elle ne savait pas à quel stade elle en était. A vrai dire, elle ne savait pas si elle devait tout simplement y renoncer et continuer d'espérer naïvement et voir ce beau jour arriver. Mais elle était certainement plus sur la mauvaise pente. "Je suis désolée. Tellement désolée..." dit-elle au milieu de son chagrin, s'excusant d'être dans un tel état, alors qu'ils avaient passé une si belle soirée. L'état de tristesse était tel que parfois, elle n'arrivait même pas à reprendre sa respiration décemment. Elle recouvrait ses yeux de ses deux mains, comme si elle pouvait croire que cela allait un tant soit peu dissimuler son désarroi.
Ce jeu est plaisant ; s'imaginer dans d'autres époques, d'autres vies ; se projeter dans des rencontres, des histoires d'amour de personnes qui sont à la fois nous, et de simples personnages de fiction -ou pas, qui sait. C'est vrai que ce genre de rêverie est romantique, et nos scénarios sûrement très clichés, mais terriblement attachants. J'aimerais avoir vraiment vécu ces vies et m'en souvenir dans le détail pour qu'aujourd'hui nous puissions parler pendant des heures de ces gens que nous avons connu par le passé, nos naissances et nos morts. Cela serait certainement passionnant. Mais les inventer de toutes pièces est vraiment amusant. Je devine l'excitation du jeu dans le regard de ma belle fiancée qui adore se plonger dans ces histoires autant que moi. Je remarque que lorsque je propose qu'elle soit l'aristocrate, elle n'hésite pas une seconde à parler d'autres hommes lui faisant la cour -alors que ma Joanne actuelle est bien incapable de croire que qui que ce soit d'autre que moi puisse s'intéresser à elle, même si elle en a déjà fait l'expérience. « Je pense qu'il l'aurait suivi dans la tombe, fou d'amour et de dévotion pour sa Lady. Très romanesque comme garçon. » j'ajoute avec un sourire amusé au sujet du serviteur en question, dans le cas où leur relation secrète serait découverte et que la jeune femme y perdrait la tête. D'après Joanne, cette histoire à travers les siècles n'a pas de fin. Elle dure encore et toujours, nos esprits ne se lassant pas de se retrouver à chaque fois, et s'aimer de nouveau comme la première. « Je me demande ce qu'il y a à faire dans cette vie alors. » dis-je, adoptant tant et si bien notre théorie des âmes sœurs dans le temps qu'elle me semble désormais terriblement réelle. J'ai envie qu'elle soit réelle. De me dire que tout me mènera toujours à Joanne, que nous sommes fait pour être ensemble quoi qu'il arrive. Cette histoire donne si joliment un sens à absolument tout. Elle justifie le fait que j'ai choisi de partir en Australie, et pas dans un autre pays -et elle justifie aussi tous les événements qui m'ont fait partir. Elle justifie notre relation tumultueuse, si rapide, et pourtant sans doutes. Si quelqu'un nous voyait, nous écoutait, nous serions sûrement prit pour encore plus fous, deux grands rêveurs partis dans un immense délire complètement idiot. Mais cela me plaît. Assez brusquement, tout sourire disparaît du visage de Joanne -puis du mien- alors qu'elle sombre dans des pensées de plus en plus négatives. Peut-être est-ce le revers, lorsqu'on parle si passionnément d'un sujet à la fois beau mais tragique. A son regard lorsque j'évoque les enfants, je comprends que c'est de là que vient sa peine. Ses yeux se sont immédiatement bordés de larmes, et maintenant que je l'ai allongée sur le lit, que ses muscles sont ainsi relâchés, il n'y a plus rien pour maintenir prisonnière son émotion qui l'avale toute entière. Les sanglots laissent place à quelques hoquets de chagrin, tandis que je glisse mes bras autour d'elle et cale sa tête contre mon torse, la serrant fermement. « Sh… C'est rien mon ange… Tu peux pleurer si tu en a besoin, ce n'est pas grave. C'est normal. » je murmure en caressant ses cheveux. Je dépose un baiser sur sa tempe, et laisse mon visage à demi-enfoui dans ses mèches blondes, les lèvres près de son oreille pour lui parler tout bas. Je ne sais absolument pas quoi lui dire pour la calmer, alors je me contente de lui glisser mes pensées. « C'est peut-être une des choses à accomplir pour nous. » dis-je en reprenant le récit de nos vies passées, et notre vie présente. L'histoire d'amour frustrée qui se délie petit à petit. « Tu vois, je pense que le Seigneur et la servante ont eu un enfant. Mais il ne pouvait pas le reconnaître, et pour que ça ne se sache pas, il ne pouvait plus la voir elle non plus. Alors il a offert une maison, avec des terres, à la femme qu'il aime, pour qu'elle puisse l'y élever et avoir une bonne vie sans lui. » C'est assez triste. Je ne sais pas comment je compte la réconforter en évoquant des choses si tristes. Tristes et belles à la fois. Je poursuis quand même ; « D'ailleurs, au siècle suivant, c'est peut-être parce que la Lady attendait un enfant que son secret a été découvert, et qu'elle a été condamnée. Je pense aussi que l'infirmière était enceinte du soldat. Mais il est mort avant de la revoir, et rencontrer son enfant. » Au final, non seulement les couples n'ont jamais pu être ensemble, mais ils n'ont jamais pu avoir de famille ; il y a finalement plus de deux âmes contrariées dans cette histoire. « Maintenant, cette vie, c'est celle où nous sommes tous réunis. Nous pouvons être ensemble. Mais pas que nous deux. » Délicatement, je dégage les mèches de cheveux du visage de Joanne, certaines mouillées par ses larmes, et les glisse derrière son oreille. Je caresse doucement sa joue, et, petit à petit, déloge son visage trempé pour le tourner, afin d'attraper son regard. « J'ai confiance, Joanne. Je sais que ça arrivera. » Je ne sais pas pourquoi, mais j'en suis convaincu. Tendrement, je dépose un long baiser sur ses lèvres salées.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il la prenait immédiatement dans ses bras, l'incitant à se blottir contre lui, à évacuer toutes les larmes nécessaire pour apaiser un peu son âme. Joanne sentait la respiration se mêler à ses mèches de cheveux, il avait gardé la bouche près de son oreille, à chercher des mots qui traduisaient ses pensées, plutôt que de chercher un moyen de la consoler. Jamie pensait que c'était justement l'un des accomplissements à faire dans cette vie du XXIème siècle, que c'était la suite évidente à toutes ces histoires tristes qui s'étaient passés, sans jamais être réunis pour le restant de la vie. Entre le Seigneur et la serveuse, la Lady et le serviteur, l'infirmière et le soldat. Des destins mêlés mais brisés par le monde qui les entourait, par les événements et traditions historiques. Là, il n'y avait rien qui pouvait les séparer, rien du tout. C'était peut-être enfin la récompense de ces vies ruinées et désespérées. Joanne et Jamie méritaient tous les deux d'avoir une vie heureuse, à réaliser leur rêve, à la vivre à deux jusqu'au bout, quoiqu'il advienne. Ils en avaient des objectifs, pour cette vie là. La conservatrice et le Lord venu d'ailleurs. Jamie venait cherchait son regard, lui tournant délicatement la tête et dégageant des mèches blondes qui s'étaient déposées sur son visage. Les yeux verts de Jamie étaient incroyables à ce moment là. Elle prit du temps à être en mesure de décrire ce qu'ils dégageaient. Un mélange d'espoir et de détermination, de sérénité. Comme s'il était absolument certain que c'était dans cette vie qu'ils allaient enfin construire une vie à deux. Joanne resta longuement plongée dans ses yeux là, y trouvant un certain réconfort. Elle ne dit aucun mot pendant de longues minutes, juste à regarder ces yeux verts qu'elle aimait tant. Les minutes passaient et emmenaient progressivement les sanglots avec elle. Joanne avait posé ses doigts sur sa joue, comme pour s'assurer qu'il était réellement là. D'une vois faible et tremblante, elle demandait quand même confirmation de ce qu'elle avait entendu. "Tu le penses vraiment ?" Elle déglutit difficilement. "Que dans cette vie là... Que c'est dans cette vie qu'on aura enfin notre famille ?" Il allait certainement y répondre, mais son visage, son regard répondait déjà à sa question. Il y avait une certaine lueur qui réapparaissait dans les iris bleus de la jeune femme. Elle allait peut-être y rester, peut-être pas, mais au moins, elle aurait fait sa réapparition ce soir-là. "Plusieurs ?" Elle hoqueta, certainement pour une dernière fois. "Tu penses qu'on en aura plusieurs ?" Finalement, Joanne trouvait un certain réconfort, en ayant imaginé ces histoires d'amour non terminées, et que la leur n'était que la suite logique. Des retrouvailles qui devaient se passer dans cette vie là. Cela était une explication comme une autre du cours de leur vie. Peut-être que ce n'était pas des histoires inventées, peut-être que tout ceci s'était effectivement passé. Personne ne pourra jamais le confirmer ou l'infirmer, Joanne avait toutes les raisons du monde croire que tout aurait pu être bien réel. "Ce serait merveilleux de pouvoir remplir cette maison d'enfants." dit-elle à voix basse, encore bien songeuse. "Nos enfants." Certains pourraient mal voir cette remarque. Peut-être était-ce le côté traditionaliste de Joanne qui voulait qu'elle désire à tout prix que ses enfants soient ceux qu'elle avait mis au monde. Moitié elle, moitié Jamie. Et que ce soit fait naturellement. Bien sûr qu'il existait des solutions médicales, comme la fécondation in vitro, mais cela n'empêchait pas l'éventuel malformation de l'embryon. Elle voulait être une femme normale avec une grosses classique, peut-on dire. Il y avait aussi bien évidemment l'adoption, mais la tonne de paperasse à remplir et de procédures à réaliser rendaient l'attente interminable. Un de ses collègues avait adopté une petite fille qui venait du Vietnam, il avait attendu plus de trois ans pour voir la fillette enfin débarquer dans leur maison. Joanne ne se voyait pas attendre trois années. Deux enfants venant d'elle relèverait déjà d'un petit miracle. Elle ne dirait pas non à un ou deux de plus, mais elle était encore très loin de cette phase là. "Au moins deux, du moins." précisa-t-elle. Au moins une fille et un garçon, dans l'idéal.
Pendant un long moment, il n'y a que le silence. Un silence si profond que je pourrais presque entendre les battements du coeur de Joanne. Je ne bouge pas et garde mon regard dans le sien, continuant de l'observer avec amour et tendresse. Je sens qu'elle y cherche un point d'ancrage, et attends qu'elle réunisse ses esprits. Pendant tout ce temps, je me montre calme, d'une grande sérénité et d'une grande confiance, afin qu'elle sente qu'elle peut prendre appui sur moi pour se sortir de son état de grande peine, laissant ma main caresser tranquillement ses cheveux pour la rassurer. Petit à petit, ses yeux se sèchent, ses pommettes aussi, même s'ils restent rougis par l'émotion qui l'a traversée si violemment. Son visage reprend des traits plus harmonieux, moins déformés par le chagrin, même s'il se devine au coin de sa bouche. Mes doigts se posent sur les siens, sur ma joue. Je lui laisse tout le temps nécessaire pour se remettre, rester silencieux si elle le souhaite pendant encore une heure, ou dire quelque chose pour exprimer ses pensées si elle préfère. Elle prend finalement la parole, et j'avoue que la faiblesse de sa voix me touche au coeur, mais je n'en montre rien et lui souris tendrement. Cela doit sembler étrange de s'accrocher autant et si vite à ce qui n'avait été qu'un jeu, puis une hypothèse romantique. Mais je crois que elle comme moi avons besoin de trouver des raisons et un sens à tout ceci, à tout ce qui nous a menés jusqu'ici par le passé, que ce soit ma vie à Londres, son divorce douloureux ou sa fausse couche, ainsi qu'à la relation présente qui nous dépasse parfois. Et nous avons trouvé, dans cette histoire, le parfait alibi. « Bien sûr que je le pense. Je n'en doute absolument pas. » je lui réponds tout bas avec sincérité. A vrai dire, à mes yeux, tout indique dans cette direction. Son avortement visant à me faire radicalement changer d'avis, mais aussi, plus évident encore, le caractère même de la jeune femme, dont n'importe qui s'accordera à le trouver maternel, parfaitement forgé pour être mère. Et je ne crois pas qu'il y ai une telle cruauté dans la vie au point de donner à une femme une personnalité telle, une immense capacité à aimer et donner de soi, sans oublier ce besoin presque vital d'enfanter, si c'est uniquement pour mieux l'empêcher d'accéder à cela. Non, je n'y crois pas. Pourquoi le monde aurait réuni de parfaites conditions pour fonder une famille, si ce n'est pas pour que cela arrive un jour ? Cela n'aurait aucun sens. Je décèle un rien d'espoir dans le regard de Joanne, et cela me fait sourire un peu plus. « Plusieurs, ça serait bien. » dis-je, toujours d'une voix douce, caressant sa joue. A vrai dire, même si je préférerais éviter d'avoir un enfant unique, je sais que je me sentirai déjà comblé et particulièrement chanceux d'avoir même un seul enfant avec la jeune femme, qui soit en parfaite santé, d'une grossesse sans encombres. Je n'en demande pas plus. « Deux, ça me va. » j'ajoute en acquiesçant d'un signe de tête. Je sais que Joanne ne veut pas de toutes les alternatives qu'il peut exister, et aucune ne m'enchante non plus -c'est bien la raison pour laquelle je ne les lui rabâche pas à longueur de temps dans l'espoir de la rassurer ou de lui faire entendre raison. Deux enfants venus au monde naturellement du début à la fin, cela semble si facile pour n'importe qui, et si miraculeux pour nous. Mais cela serait idéal. « Je t'aime. » je murmure avant de l'embrasser, la serrant un peu plus fort dans mes bras. Elle qui se sentait déjà bien faible aujourd'hui doit avoir vu tout le reste de son énergie se déverser à grosses gouttes sur ses joues. Après quelques longues secondes d'un baiser d'une grande tendresse, je quitte le canapé et me relève. J'éteins la télévision, mais me fiche bien du reste. Délicatement, je passe un bras dans le dos et l'autre sous les jambes de Joanne pour la soulever et la porter en mariée. Elle est petite et légère, cela n'est pas difficile. « Viens. Cette fois, avec toutes ces larmes, tu dois être bien fatiguée. » dis-je en déposant un baiser sur son front. Je la mène ainsi jusqu'à l'étage, puis la chambre, et la dépose sur le lit. Mes membres de part et d'autre de son corps, le mien la frôlant, je reste au dessus d'elle quelques instants, à simplement l'embrasser langoureusement.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne trouvait peu à peu tout le réconfort dont elle avait besoin à travers les mots de Jamie, ses gestes, son incroyable tendresse, et la patience qu'il parvenait à avoir pour ce genre de moments. Il pensait chacune de ses phrases, restant on ne peut plus sincère. Tout ceci, elle le voyait à travers les traits de son visage, ce regard attendri et follement amoureux, bourré de délicatesse et de douceur. La jeune femme retrouvait peu à peu son calme, sentant ses quelques larmes sécher sur sa peau de porcelaine. Il dit que deux enfants pourraient lui convenir. Elle se demandait alors, maintenant qu'il voulait être père, quel était le nombre d'enfants idéal à ses yeux. Elle n'avait pas franchement la tête ni l'humeur à lui poser cette question, n'étant absolument pas sûre d'être en mesure de lui donner ce qu'il veut. Mais ils étaient au moins d'accord, que dans l'idéal le plus absolu, s'ils le pouvaient, il y aurait au moins deux enfants, pas d'enfant unique. Joanne craignait qu'il ne se sente seul et qu'elle rentre dans cette politique d'enfant roi. Ce n'était vraiment pas son genre, mais ne sait-on jamais. Jamie multipliait ses gestes de tendresse, avant de lui chuchoter des mots d'amour et de l'embrasser, serrant son étreinte. Joanne logea sa main dans ses cheveux pendant ce baiser qu'il prolongeait encore et encore. "Je t'aime aussi." lui dit-elle tout bas. Le bel homme se leva ensuite du canapé, sa fiancée le regardait d'un air interrogatif. Elle était épuisée, ressentant le même état de fatigue que lorsqu'elle s'était réveillée le matin. Bon Dieu, mais quelle journée, se disait-elle. Après qu'il ait éteint la télé, il la prit dans ses bras, comme une princesse. La facilité qu'il avait pour la prendre ainsi résumait certainement la légèreté de la jeune femme - ou la force incroyable de Jamie. Les deux, sûrement. Il l'emmena jusqu'à l'étage, afin de la déposer délicatement sur leur lit. La manière dont il se plaçait ainsi au dessus, et la fougue qu'il avait pour l'embrasser, laissait facilement deviner ses intentions. Elle répondit bien évidemment à ce baiser plus que langoureux, trouvant aussi ici un certain réconfort. Elle avait disposé ses deux mains sur chacune de ses joues, sentant sa peau brûlante - ou était-ce elle qui avait les mains particulièrement glacées ? Quand ils devaient reprendre leur souffle, et le regarda, le point de dire quelque chose. Assez gênée, elle peinait à trouver ses mots. "Si ça ne te dérange pas... est-ce que ça pourrait attendre demain ?" Pas évident de refuser ce genre de choses à l'homme de sa vie - qui plus est, était extrêmement séduisant. Elle était véritablement gênée, mais elle n'était de nouveau pas dans son assiette. "Je suis au moins aussi fatiguée que ce matin, mon sommeil n'a apparemment servi à rien." dit-elle, dépitée. Si Joanne avait bien horreur de quelques chose, c'était d'être malade, être un peu barbouillée, pas au top de sa forme. "J'ai certainement mangé trop de popcorns. Mais ils étaient vraiment bons." dit-elle avec un rire un peu nerveux. Elle espérait vraiment ne pas le décevoir. Le frustrer était bien moindre puisque ce serait certainement compensé à la prochaine fois qu'il ferait l'amour. Chose qui était certainement reportée au lendemain ou au surlendemain, au plus tard, le connaissant. Il ne tiendrait pas davantage. "Je suis désolée..." Elle s'en voulait un peu, allez savoir pourquoi. Ce n'était pas elle qui avait choisi de tomber malade ce jour là. Joanne se redressa sur ses coudes, lui souriant tendrement. "Mais je ne suis pas contre encore quelques baisers." lui chuchota-t-elle, alors que ses lèvres se trouvaient très proches des siennes. C'était avec lenteur qu'elle les aposa sur les siennes, savourant ce contact qui se concrétisait de plus en plus. Joanne prenait tout son temps, pesant chacun de ses mouvements, alors qu'elle entoura d'un bras la nuque de Jamie. Durant cette journée au lit, il l'avait affreusement manqué.
Je ne dirais pas que j'avais cela en tête. Tout du moins, pas au départ. J'ai bien conscience que Joanne est un peu malade, et surtout morte de fatigue, et je pensais respecter cela, ne lui donnant finalement qu'un long baiser de bonne nuit. C'est, comme toujours, à force de caresser ses lèvres, à force de me trouver ainsi au-dessus d'elle que, petit à petit, la considération pour la petite mine de la jeune femme prenait la fille de l'air, se laissant grignoter par ce murmure doucereux réclamant un peu plus de contact. Alors, les secondes passant, mes bras se sont un peu affaissés afin de coller mon cors à celui de Joanne, et mes baisers, suivant le cours de mes pensées, s'étaient sensiblement intensifiés. Il n'en faut jamais beaucoup plus pour activer ce déclic ; c'est aussi simple que de craquer une allumette. Et la flamme, ravivée timidement, prend de l'ampleur d'elle-même par la suite, à force de baisers. Lorsque nos visages ne détachent, je me surprends moi-même à entendre mon coeur battre plus rapidement et sentir mes pommettes plus chaudes. Sur le moment, je n'ai même pas besoin de deviner ce que la jeune femme va dire pour me sentir honteux et assez gêné -puisque tout ce qui concerne sa fatigue me revient subitement à l'esprit. Mal à l'aise, et pourtant assez amusé par la situation, mon regard fuit un instant alors que Joanne me demande un peu de patience. Sa crise de larmes l'a véritablement vidée, et la voilà retombée dans le même état que ce matin. Je fronce les sourcils, désolé de l'entendre. Je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec les pop-corn de ce soir, mais je lui souris tout de même à cette idée. « Mais non, ne sois pas désolée, c'est moi qui ne suis pas tenable. » dis-je avec un léger rire. Et puis, elle n'y peut rien, si elle ne se sent pas bien. La belle réclame néanmoins des baisers supplémentaires. Au premier très léger contact de ses lèvres, à la manière dont elle approche lentement son visage du mien, je sens mon rythme cardiaque refaire des siennes. « C'est très cruel ce que tu fais. » je murmure juste avant qu'elle scelle ce baiser. Ce genre de baiser, sans tout ce qui va avec, c'est cruel. Mais je ne me vois absolument pas le lui refuser -ni me le refuser d'ailleurs. Je pose donc une main sur son visage et prolonge tendrement cette caresse pendant de longues minutes, l'embrassant parfois un peu plus langoureusement, plus passionnément ; appuyant légèrement sur sa nuque pour rapprocher son visage du mien, caressant sa joue, son cou, et laissant finalement cette main glisser tranquillement le long du corps de la jeune femme. Se contentant de suivre la courbe de sa silhouette à travers la robe de nuit. « Je crois que c'est la première fois que tu me rejettes. » dis-je avec un sourire amusé au coin des lèvres, restant non loin de son visage. Je fais exprès d'utiliser un mot bien trop fort histoire d'avoir l'air vexé et de la taquiner un peu. Je prends une moue de chien battu, la regardant tristement en ajoutant ; « J'essuie mon premier rejet pendant mon premier week-end de fiancé. C'est fort déprimant. » C'est mal, je ne devrais pas jouer avec sa culpabilité, Joanne serait capable de me prendre au sérieux et de s'en vouloir. Pour éviter cela, je lui adresse un clin d'oeil complice. « Je plaisante. » je souffle en lui volant un baiser. Bien sûr, cela est assez frustrant, mais je survivrai l'attente. En l'espérant de courte durée. Finalement, je me redresse, me lève et retire mon t-shirt que j'abandonne sur la chaise à côté de la porte du dressing. Quand je reviens vers le lit, c'est pour me glisser sous la couverture, où Joanne ne tarde pas à me rejoindre et s'installer tout contre moi comme elle en a désormais l'habitude bien ancrée. Pendant encore un court moment, je capture je lèvres, un peu par gourmandise. Puis je l'embrasse au creux du cou, sur la joue, et enfin le front. « Reposes-toi. Tu en a bien besoin. » dis-je tout bas, ne doutant pas qu'il ne faudra qu'une poignée de secondes à ma belle pour s'endormir. Cette fois, d'un sommeil réparateur, espérons.