‌Comment pouvait-il en être autrement ? Peter Grimes ne s'attendait quand même pas à ce que son fils ainé le serre dans ses bras avec quelques phrases larmoyantes qui remettraient tout le passé et leur relation conflictuelle en cause ? Rien n'avait changé. La rancune que Cade vouait à son père était toujours bien présente. Le temps n'avait pas diminué cette colère qu'il ressentait toujours en se remémorant leurs nombreuses disputes et les remontrances incessantes que Peter aimait balancer pour le rabaisser. Son attitude à lui n'avait pas bougée non plus. Physiquement, il était toujours cet homme grand et fort et son air hautain figurait toujours sur son visage, à travers ses sourcils blanchis et ses petits yeux pervers. Quant à son sarcasme et sa volonté de nuire à travers les mots, il les maniaient toujours avec une habilité énervante. Crédule, et peut être encore trop figé sur le statut de père qu'il représentait mine de rien, Cade conduit son paternel chez lui. Ce n'était pas un cadeau qu'il venait de faire à Savannah, qui avait aussi été de la partie et qui avait enfin été spectatrice  de l'acharnement de Peter Grimes. Peut-être que l'ex agent fédéral lui avait finalement imposer cette rencontre afin qu'elle comprenne d'autres choses...

Il ne fallu pas plus de quelques aveux pour que la situation s'envenime. Peter semblait toujours au courant de tout et se délectait de pouvoir, une fois encore, rappeler l’échec professionnel dont son fils était à la fois coupable et victime. Le couteau dans la plaie pour celui qui souffrait en silence d'avoir perdu son poste, mais qui ne regrettait en aucun cas le geste qui l'y avait conduit. Sans pouvoir faire autre chose que de le supplier de ne pas s'emporter, la jolie blonde était au milieu de ce duel familial et au moment où Cade fit face à son père, Savannah n'était plus là. Complètement aveuglé par sa rage intérieur, il laissa son poing s'encastrer dans le mur avant de foutre Peter dehors sans ménagement. Ce ne fut que lorsqu'il se dirigea vers le mini-bar pour se servir un verre que la douleur apparue réellement. La douleur morale bien sûr, car chacun de ces conflits lui rappellent que ce lien père-fils n'est pas très recommandable et guère réconfortant. La douleur physique, celle qui émanait de ses phalanges naissait subitement et bien qu'il n'en montre rien à Savannah, c'était clairement sensible. - J'suis désolé. Pour tout ça. Il s'était déjà libéré de l'emprise bienveillante de la jeune femme, préférant cuver sa colère avec de l'alcool fort dans un large verre. - J'aurais du te raccompagner chez toi plutôt que d't'inviter à cette petite réunion de famille... Maintenant qu'ils ne formaient plus un couple officiel, Savannah ne voulait sans doute pas être mêlée à ses problèmes personnels.

Un bref regard sur elle et.. - C'était un beau portrait. Un peu trop idéaliste au fond mais... Tu l'as scotché. Le scotch coulait et ferait sans doute office de pansement sur ce qui venait de se passer. Et sur la présence inappropriée de Savannah qui, malgré tout, l'aidait à atterrir plus vite que d'ordinaire. S'il s'excusait de lui avoir imposé Peter Grimes l'espace de quelques minutes, il avait entendu et vraiment apprécié sa façon de prendre sa défense. Cade voulait bien croire à la véracité de cette déclaration, bien qu'elle ait prit la décision pénible de leur séparation. "C'était pas le but...J'voulais juste qu'il te voit, tel que tu es...Tel que je te vois moi." Il entend. Il entend mais n'ose la regarder car la question fatidique se lirait involontairement dans ses yeux. « Alors pourquoi... ? » L'ex agent revisse le bouchon sur la bouteille avec une légère grimace de douleur. Après avoir saisit son verre à pleine main valide, il contourne le bar et compte bien se vautrer sur le canapé pour éviter d'admirer de trop près le départ d'une Savannah lassée. "Vas t'asseoir" Elle ne part pas. Au contraire. Elle le coupa dans son élan avant qu'il n'atteigne le petit salon.  "Fais pas ton enfant, et vas t'asseoir!" Il s'était rapidement retrouvé face à elle et ce regard imposant et follement sexy et, en retenant un soupir, il lui répondit avec un air blasé. - Tu dois avoir mieux à faire... Leurs regards se confrontaient mais elle parvint à le contrôler comme elle savait si bien le faire. Il serra les dents et obtempéra. - Okay... Savannah disparaît et revient les mains chargées et volontaire pour jouer le rôle d'une infirmière bien trop personnelle.

Grimes s'était assit sur le canapé en bon élève et il daigna poser son verre sans même y avoir trempé ses lèvres une seule fois. Il tendit alors cette main colorée de sang par endroit. Son propre sang à défaut de celui de son paternel, car il ne voulait pas croire qu'il s'agissait du même en revoyant l'arrogance de Peter. Voilà donc le premier contact physique entre Savannah et Cade depuis leur rupture et il se faisait dans une certaine gêne et une atmosphère étrange...Bien qu'il souffrait, ce fut plutôt sa main saisissant la sienne qui heurta l'ex agent. Ceci était-il encore permit ? En tout cas, il demeurait à la fois consolateur, familier et étranger. "T'arrives encore à la bouger?" Cade se refusait à lever les yeux, souhaitant s'éviter l'égarement dans les iris bleu de Savannah. Ses doigts se relevèrent faiblement pendant que sa mâchoire se serrait. - Ouais, ça va revenir tranquillement. Rien de cassé. Ça aurait pu. Mais il aurait sûrement un bel hématome pendant plusieurs jours. "Il aurait p't'être été préférable que tu t'en prennes à lui, ce mur t'a mit une sacrée raclée..." Cade ose la regarder et il distingua ce petit sourire plutôt perturbant. Deux petites secondes de tendresse avant d'inspirer soudainement face à un geste plus carré que les autres qui venait d'agir comme un coup de fouet, ou un rappel à l'ordre. - Il aurait été trop fier de montrer un œil au beurre noir en criant que son fils n'est qu'une brute. Inutile de jeter de l'huile sur le feu.

Un petit silence vint nourrir la confusion de ce moment. Et puis.. "Pourquoi tu lui as pas dis?" De quoi parlait-elle au juste ? Ses yeux verts se posèrent curieusement sur elle. "...Qu'on t'avait proposé de retrouver tes fonctions au FBI?" Il haussa les sourcils, surprit de la savoir au courant. On lui avait effectivement fait une proposition dans ce style mais Cade n'en avait encore parlé à personne. Et surtout pas à Savannah au moment où tout allait pour le mieux entre eux. Une fois l'étonnement passé, il lui répondit doucement. - Comment tu as su ? Il n'y avait pas plusieurs réponses. "J'ai surpris l'une de tes discussions téléphoniques un jour..." Le regard toujours braqué sur elle en attendant de connaître ce qui l'avait trahit, Cade sentait toujours les doigts de la jolie blonde s’affairer sur ses phalanges endolories. Il ne se souvenait plus très bien de l'endroit et du jour de cet appel. Mais le sujet avait été certes important à considérer et il avait jugé qu'il ne lui en toucherait quelques mots seulement après avoir prit une décision. "Mais c'est bien...Je suis contente pour toi" Fit-elle avant qu'il n'ait pu s'expliquer. Alors elle en concluait qu'il allait bientôt s'envoler pour les Etats-Unis ? - C'est une belle opportunité. J'serai taré de refuser... Lui qui rêvait de retrouver toute l'adrénaline d'autrefois, toute l'importance que le statut d'agent fédéral lui octroyait. Ses yeux se baissèrent finalement sur sa main maintenant un peu moins moche. - Pourtant j'l'ai fait. J'ai dis non. Parce qu'il ne faisait jamais rien comme les autres, et que, à l'époque, plusieurs choses le retenaient à Brisbane. - Ils voulaient que j'apporte mon aide sur un dossier compliqué et à la clé, ils reconsidéreraient mon licenciement. Il haussa les épaules - J'avais déjà perdu ce boulot, j'voulais pas perdre plus que ça en repartant ! Elle comprendrait ce qu'elle voulait, Savannah était comprise dans ce qu'il ne voulait pas laisser derrière lui. Un léger sourire jaune vint se dessiner sur son visage. - Et tu m'connais...j'aime pas quand on me prend pour un bouche trou ! Ironie quand on repensait à la relation libre qu'il avait imposé à la jolie blonde quand ils s'étaient retrouvés ici, en Australie.

L'autre question qui arriva jusqu'à son cerveau bien encombré était...Tout ça avait-il joué un rôle dans leur séparation ? Cade se souvenait des arguments de Savannah quand elle lui avait annoncé ne pas vouloir l'empêcher de vivre comme il l'entendait. Il se laissa un peu débordé en l'observant et il se reprit enfin. - Alors docteur Williams.. ? Je vais survivre ?

‌ Nos retrouvailles se retrouvent relayées au second plan face à la visite surprise du fameux paternel. Cet homme que Cade m'avait parfois décrit prend vie sous mes yeux, et je décèle bien vite que les quelques sourires qu'il parvient à esquisser ne sont que moqueries et provocations pour un fils qui préfère majoritairement serrer les mâchoires que d'y répondre. Prise en otage dans ce combat, il m'est malheureusement impossible d'avoir un quelconque pouvoir dans ce contexte. Les quelques gestes ou mots pour interpeller Cade et le ramener à la réalité n'ont aucun pouvoir face à cette impulsivité qui le caractérise, et qu'il parvenait encore à contenir, avant qu'il ne sache plus s'y tenir. Cette violence me fait mal. Pas parce que ce cher Peter risque d'en être la victime, mais pour ce qu'elle représente pour Cade en soit arriver à ce point de non retour. Fort heureusement, l'issue s'avère moins tragique que ce que j'avais imaginé. La force de Cade pour mettre un terme à ce chaos après s'être infligé cette blessure, la lâcheté dont fait preuve son père après avoir provoqué ce dernier, et cette nécessité de mettre cet homme face à ses erreurs et la réalité....Tout ça nous ramène à une accalmie bien appréciable, et sans me soucier de cette barrière qu'il a érigé entre nous depuis mon départ, je m'assure des lésions qui apparaissent sur sa main, et qui pourraient être bien plus importantes qu'il ne veuille bien l'avouer. La fierté Cadienne m'en empêche pourtant, alors qu'il s'affaire à fuir ce rapprochement comme s'il lui était insupportable. Et je le ressens une fois de plus en cherchant inlassablement son regard, qu'il n'est pas décidé à m'accorder, et ce, peu importe les mots qui s'extirpent de ma bouche. "C'était pas le but...J'voulais juste qu'il te voit, tel que tu es...Tel que je te vois moi." Mon regard figé sur son visage, je tente de lui rappeler par ce biais qu'il est quelqu'un de bien, et que ce n'est pas la fausse image que son père a de lui qui m'a fait prendre cette décision nous concernant. C'est plutôt moi, qui n'avait pas su être à la hauteur... L'indifférence du jeune homme persiste, et si je devrais me contenter de la respecter, l'état inquiétant de sa main me pousse à l'affronter. Je sais très bien le risque que je prends en me dressant face à lui dans un moment pareil, mais je ne le laisserais pas dans cet état. "Fais pas ton enfant, et vas t'asseoir!" Répétais-je, usant de ce regard autoritaire pour le faire céder. Il s'autorise enfin à le rencontrer, tâchant peut-être de deviner les conséquences d'un éventuel refus. "- Tu dois avoir mieux à faire..." Sans sourciller, je m'empresse de répondre "Je pense pas non..." Démontrant la priorité de l'instant. J'avais pourtant un patron qui m'attendait, et qui avait gentiment accepté que je puisse arriver plus tard pour les obsèques auxquelles je m'étais rendue. Je soutiens mon regard, le sentant fléchir. "- Okay..."Bien que mon visage ne laisse rien paraître, c'est bien un sentiment de soulagement qui s'empare de moi, alors que je m'affaire à fouiller dans les quelques armoires de la salle de bains, prenant possession des lieux comme si je n'avais jamais désertée ces derniers.

Je reviens auprès de lui, tâchant de ne pas me laisser troubler par la proximité soudaine de nos deux corps. Appliquée dans cette mission, pour laquelle je ne suis pas forcément la plus douée, je m'assure d'avoir un bon maintien sur cette main amochée, et c'est en venant la poser délicatement sur la mienne que j'y parviens. Ce contact, si futile soit-il, déclenche en moi un sentiment étrange, et je n'ose croiser son regard, par peur qui le décèle. Une volonté qui semble être partagée puisqu'il ne prend pas la peine de relever le visage lui aussi. "- Ouais, ça va revenir tranquillement. Rien de cassé." Ça, j'en étais pas si sûre, mais même si c'était le cas, nul doute qu'il se le garderait bien pour lui. Il ne s'est vraiment pas épargné. Je tente cependant de m'en convaincre et d'apporter un petit vent de légèreté après ce moment éprouvant. "Il aurait p't'être été préférable que tu t'en prennes à lui, ce mur t'a mit une sacrée raclée..." J'ai besoin d'évacuer cette tension, et je sais également que cette arme est la seule capable de faire redescendre l'ancien agent. Ce léger sourire qui flirte avec mes lèvres en est cependant une ébauche, alors que mon attention reste focaliser sur la blessure. "- Il aurait été trop fier de montrer un œil au beurre noir en criant que son fils n'est qu'une brute. "Je hausse les sourcils, capable de lui donner raison après avoir rencontré l'énergumène. Je réponds après une longue inspiration "C'est pour cette raison qu'il faut viser sous la ceinture, ça laisse pas de trace. C'est ce qu'on inculque aux filles dès leur plus jeune âge..."Un haussement de sourcils pour tenter de gagner en crédibilité, avant d'ajouter "Et avec un peu de chance, ça évite que des enfants illégitimes débarquent de nulle part" En référence à une situation qu'il connaissait bien, puisqu'il s'agissait de la sienne.

Un moment d'hésitation s'offre à moi, avant que je ne vienne lancer ce sujet presque délicat entre nous, la possibilité qu'il puisse retrouver son ancien poste. Il aurait très bien pu s'en vanter auprès de ce père hargneux et le laisser pantois pour avoir réussi à rattraper ses erreurs d'antan. Le ton et les mots que j'emploie restent évasifs, comme si la douceur devait être de mise pour se lancer dans cet échange. "...Qu'on t'avait proposé de retrouver tes fonctions au FBI?" Mon regard croise furtivement le sien, ne souhaitant pas que cette discussion s'apparente à un nouvel affront, cette proposition était l'opportunité de sa vie, celle contre laquelle je n'avais aucun droit de m'opposer, bien qu'il n'est jamais estimé nécessaire de m'en faire parler. L'ombre d'un remord surgit-il dans ce silence qu'il m'impose? "- Comment tu as su ?" Les détails importaient peu, il s'agissait d'un simple concours de circonstance, qu'il aurait préféré probablement éviter en l'apprenant désormais. Je ne lui en voulais pas, et je ne voulais pas qu'il culpabilise sur ce point, il méritait d'être heureux, et cette carrière d'agent était probablement la seule chose capable de lui apporter une telle réussite et un sentiment de fierté. "Mais c'est bien...Je suis contente pour toi" repris-je, relevant un instant mon regard dans le sien, alors qu'un léger sourire prend possession de mes lèvres, témoignant d'une sincérité accrue. Mes iris bleu quittent les siennes, de peur qu'il puisse lire à travers ces dernières bien plus que ces quelques mots d'encouragement."- C'est une belle opportunité. J'serai taré de refuser..." Mon geste sur sa main semble soudainement ralentir, comme si ces quelques mots venaient troubler mon esprit sans que je n'en comprenne la raison. "- Pourtant j'l'ai fait. J'ai dis non. "Cet air perplexe s'empare de moi alors que je relève le visage, tâchant de comprendre cette décision complètement folle. "- Ils voulaient que j'apporte mon aide sur un dossier compliqué et à la clé, ils reconsidéreraient mon licenciement. "Les précisions se confirmaient, mais rien qui puisse justifier son choix. "- J'avais déjà perdu ce boulot, j'voulais pas perdre plus que ça en repartant !" Un mélange d'émotion semble soudainement me prendre en otage, un soulagement qui s'oppose à une pointe de déception, alors que la culpabilité balaye finalement tout sur son passage. Notre relation était sans nul doute comprise dans les raisons de sa présence ici. Ou elle l'avait été, avant que je ne vienne mettre un terme à cette dernière. J'avais tout foiré, persuadée qu'en le libérant de ce lien qui nous unissait, il parviendrait à ne pas regarder en arrière. "- Et tu m'connais...j'aime pas quand on me prend pour un bouche trou !" Je hausse les sourcils, souriant finalement alors que je m'empresse de libérer mon esprit de toute contrariété. "Ouais..." soufflais-je en reposant mon attention sur sa main, m'efforçant d'oublier cette confession en me concentrant sur le bandage jusqu'alors délaissé. Mes gestes restent cependant mécaniques durant quelques secondes, mes pensées m'emportent silencieusement avant de l'avoir terminé. "- Alors docteur Williams.. ? Je vais survivre ?" Un dernier coup d’œil sur mon chef d’œuvre, qui serait sans doute aussi réussi que si un gamin de dix ans s'en était chargé. Je m'imprègne de ce nouveau vent qu'il souffle sur nous, et qui inclut une légèreté bien appréciable après un tel échange. "Bien sûr! Bon, il ne s'ra peut-être plus aussi sexy qu'avant, mais ce poing s'en remettra aussi...." un ton faussement sérieux "...Jusqu'au prochain combat!" Un sourire vient illuminer mon visage alors que mon regard vient trouver le sien. "Tu m'excuseras, j'ai donné ma dernière friandise au patient d'avant" Une légère moue pour appuyer mes dires alors que mes traits s’étirent à nouveau, me donnant l'impression l'espace d'un instant que rien a changé. Cette sensation étrange se confirme alors que nos regards, plongés l'un dans l'autre ne semblent plus vouloir se défaire pour la première fois depuis nos retrouvailles. Prise dans l'émotion du moment, ce sourire se dissipe peu à peu, alors que l'impact de cet échange se répercute à travers mon corps tout entier. Les barrières semblent s'être volatilisées, me laissant savourer ce moment avec une authenticité dévorante par cette proximité.  Un moment de latence qui me ramène à nos nombreux souvenirs et à tout ce qu'il a laissé par son absence. Une attraction gravitationnelle qui me pousse vers lui et à laquelle je semble incapable de résister. Mes yeux prennent le chemin de ses lèvres, consciente du danger auquel je me soumets...La mélodie de mon portable va cependant briser ce silence, nous ramenant à cette dure réalité. Je me pince les lèvres, tâchant de dissimuler ma frustration du moment alors que j'attrape mon téléphone dans la poche de ma veste. "Oui...j'serais là....Si tu peux juste m'envoyer un taxi à l'adresse que j'vais t'envoyer par message s'te plait" lâchais-je en me frottant nerveusement la tempe. Je mets fin à l'appel, veillant à tapoter l'adresse de Cade sur mon écran.

‌"Il aurait p't'être été préférable que tu t'en prennes à lui, ce mur t'a mit une sacrée raclée..." Même si le geste aurait soulagé la fureur grandissante de Cade à l’instant où son père lui faisait face, il avait eu assez de discernement pour comprendre que viser le nez allait confirmer tout ce que Peter pouvait penser de lui. Il ne s’y était pas rabaissé. Il n’avait pas frappé son père et celui-ci n’allait pas avoir l’opportunité de se plaindre de la violence de son fils ainé en affichant volontiers la moindre égratignure sur son visage. C’était la main de Cade qui était désormais le seul indice capable de divulguer sa colère passée. Son poing n’était pas beau à voir mais c’était surtout la douleur dans ses os qui le faisait grimacer quand Savannah pressait un peu trop la compresse dessus. "C'est pour cette raison qu'il faut viser sous la ceinture, ça laisse pas de trace. C'est ce qu'on inculque aux filles dès leur plus jeune âge..."  Ces mots quelques peu ironiques vinrent contraster subtilement le ton presque dramatique de sa réponse. Et ils mirent un peu de baume sur le cœur de Cade, le faisant doucement redescendre en pression. "Et avec un peu de chance, ça évite que des enfants illégitimes débarquent de nulle part" L’ex agent esquissa un maigre sourire. La découverte d’une demi-sœur ne l’avait pas tellement fait rire quand elle s’était pointée face à lui l’autre jour. S’il était conscient du caractère égoïste de son paternel, Cade n’aurait jamais pensé qu’il avait pu tromper sa mère. Certes, il avait été très absent, mais l’excuse du surmenage professionnelle était bien passée. Un avocat de renom comme Peter Grimes en avait bien vu défiler des heures et des soirées à son bureau, pour potasser des dossiers sensibles… Et même si un jour la suspicion était née dans l’esprit du jeune adolescent qu’il était, il avait été loin de s’imaginer qu’une fille illégitime était née de la traitrise de son père. Cade baissa les yeux. – J’aurais dû y penser y’a quelques années… Pas sûr qu’à l’âge de 10 ans, ils réussissent à grand-chose et pourtant, déjà à cet âge, il subissait la pression constante d’un père à l’exigence bien trop élevé.

L’ex agent fédéral n’avait pas soupçonné un seul instant que Savannah ait pu entendre sa conversation au sujet de son poste à Los Angeles. - Comment tu as su ? Prit sur le fait, il ne pouvait pas nier avoir discuter de l’éventualité de repartir aux Etats-Unis, et elle pouvait lui reprocher d’avoir gardé ça pour lui mais… Elle se trompait. "Mais c'est bien...Je suis contente pour toi" Cade avait décliné l’offre bien qu’elle fut très tentante et qu’elle aurait pu lui redonner un peu de la gloire et de l’entrain qu’il avait perdu depuis qu’il avait débarqué à Brisbane. Et pourquoi ? Pour qui ! Il lui semblait que quelque chose était justement en train de lui redonner confiance en lui ici, en Australie. Il avait creusé son terrier, retrouvé ses frères et sa sœur malgré leur rapports compliqués, et il bossait pour gagner sa croûte. L’addition ne serait pas complète sans son histoire avec Savannah. Les sentiments qui l’animaient avait eu raison de son attirance irrémédiable pour son pays d’adoption et pour le poste dans lequel il avait excellé durant plusieurs années. Une relation à distance était inenvisageable. Ces milliers de kilomètres n’étaient pas pour alimenter le lien qu’il avait réussit à créer avec elle et avec Mathis…il avait été immédiatement réfractaire à cette possibilité. La laisser ou rester à Brisbane et se laisser porter par son attachement, il avait choisi. - J'avais déjà perdu ce boulot, j'voulais pas perdre plus que ça en repartant ! Si son regard se perd sur elle, leur rupture le ramena vite à la raison et il poursuivit avec un trait d’humour. - Et tu m'connais...j'aime pas quand on me prend pour un bouche trou ! Mais rien à faire. Il la regarde et la trouve si jolie. Tout son intérieur se rappelle pourquoi il avait refusé de retrouver son insigne… - Alors docteur Williams.. ? Je vais survivre ? Il était temps de balayer ces pensées perturbantes qui lui avaient presque fait oublier qu’elle en était à lui bander la main. "Bien sûr! Bon, il ne s'ra peut-être plus aussi sexy qu'avant, mais ce poing s'en remettra aussi.... Jusqu'au prochain combat!" Jetant un œil à son chef-d’œuvre, il découvre qu’effectivement, Savannah ne pourrait pas prétendre au statut de la meilleure infirmière volontaire du coin. Ça avait l’air de tenir quand il serra faiblement le poing, et c’était bien l’essentiel. "Tu m'excuseras, j'ai donné ma dernière friandise au patient d'avant" Ce regain de légèreté dans l’atmosphère faisait du bien, et poussait un peu la gêne à l’extérieur de l’appartement de Redcliffe. Était-il seulement désiré ? Ou s’imposait-il à eux à chaque fois qu’ils étaient l’un avec l’autre ? Un rictus s’empara des lèvres de Cade avant qu’il ne lance – Tant pis pour moi… de toute façon, j’n’ai pas été très sage aujourd’hui… Il avait bien retenu quelques cris de douleur lorsqu’elle s’était occupé de son atroce blessure oui, cependant il se sentait coupable d’avoir fait de Savannah le témoin privilégié de l’affront titanesque qui persistait entre son père et lui. Sans mentionner cette colère qui s’était emparée de lui et qui l’avait conduit à se retrouver handicapé du poing pour plusieurs jours.

Cade replace correctement la bande sur sa main tandis que son sourire s’évanouit progressivement. Lorsqu’il lève les yeux, il croise les iris bleues de Savannah. Souhaitant d’abord échapper à cet échange, il se ravise sans efforts et se laisse enveloppé par la chaleur de son regard et de cette bulle familière et tellement réconfortante. C’est foutu. Il ne peut plus s’en détacher. Presque à genoux devant cette sensation qui lui parcoure la poitrine, Grimes se laisse envahir en voyant que la jolie blonde non plus ne recule pas. C’était quasiment interdit, il y avait cette barrière entre eux qui s’effritait au fil des secondes et qui le ramenait irrémédiablement vers elle et tout ce qu’elle lui apportait. Ses lèvres rosées l’appellent dans un hurlement qu’il ne peut plus faire semblant d’entendre… Il effleure son genou avec son index. Il meurt d’envie de ses lèvres et puis une petite musique, étrange mélodie, intervient et dénote complètement avec ce moment de flottement dans lequel Cade se serait laissé emporter. Le retour à la réalité. Elle n’est plus accessible et c’est aussi insoutenable que ce truc strident qui sortait de son téléphone portable. Restant à sa place, le sujet de la conversation n’émit plus aucun doute dans son esprit quand elle répondit. "Oui...j'serais là....Si tu peux juste m'envoyer un taxi à l'adresse que j'vais t'envoyer par message s'te plait" Frustré, Cade se lève en réalisant qu’elle ne tardera pas à s’en aller et il attrape son verre au vol de sa main valide. – Le devoir t’appelle ! Fit-il de façon sarcastique en se remémorant que Savannah avait à cœur de bien faire son travail. Et ça même si ça voulait dire obéir à son patron et ex petit-ami. Il n’allait pas lui jouer une scène de jalousie, il regrettait juste de la voir partir si vite alors que les choses se détendaient un peu… - Avant qu’tu le demande…ça va aller. Il approcha son verre de scotch de son visage. – Mon poing et moi, on va prendre un peu de repos. C’était moins sûr. Et pendant qu’elle se préparait à sortir, il avala sa gorgée et la retint pour éclaircir une chose. – Sav… Le dos appuyé contre le mini-bar, il leva la tête dans sa direction, le visage impassible. – T’as vraiment cru que j’allais partir ? La réponse avait son importance. Le cheminement dans la tête de Savannah, et les arguments qu’elle avait envoyés quand elle l’avait quitté allait en tout cas dans ce sens. Elle n’était donc pas consciente de la réalité de ses sentiments…

‌ Cette proximité soudaine déclenche en moi un sentiment étrange. L'impression qu'il ne m'est plus si familier, alors qu'il y a quelque temps encore il était si naturel, presque vital. Concentrée sur la tâche que je me suis attribuée, et que je lui inflige au passage, je parviens à me défaire un instant de toute cette pression, m'emparant d'un ton quelque peu sarcastique pour parvenir à le faire redescendre et me faire oublier cette situation dans laquelle je me trouve. Je ne suis probablement pas la personne idéale pour ça, au vue de la distance qu'il s'affairait à mettre entre nous depuis nos retrouvailles dans le cimetière, mais j'en ressens le besoin, comme s'il m'était impossible d'abandonner, de l'abandonner. Et ça semble porter ses fruits, Cade Grimes baisse peu à peu la garde, me lâchant quelques confessions qui ne sont pas si inédites, mais sur lesquelles je peux rebondir pour poursuivre cette quête de paix. "– J’aurais dû y penser y’a quelques années…" Mon regard se pose sur son visage silencieusement, avant d'attraper une autre compresse "J'suis pas sûre que ça aurait changé grand-chose..." Leurs rapports ne se seraient pas améliorés pour autant, et son père aurait profité de l'innocence de son fils pour l'anéantir, sans lui laisser l'occasion de comprendre qu'il n'était qu'une victime dans ce conflit quotidien. A l'âge qu'il avait aujourd'hui, il avait au moins le loisir de pouvoir évoluer loin de son emprise et le foutre dehors s'il le souhaitait. L'âge adulte pouvait donc avoir quelques avantages. Devoir évoquer des sujets difficiles n'en faisait définitivement pas parti, et c'est pourtant sous une bonne intention que je viens à lancer son supposé départ pour l'Amérique. Je ne suis clairement pas là pour en rajouter, surtout après le moment qu'il venait de vivre, mais j'avais du mal à comprendre pourquoi il ne s'était pas emparé de cette annonce pour rembarrer l'égo surdimensionné de son père. Ce n'est pas ce qu'il retient, venant évoquer cette histoire comme s'il me devait finalement quelque explications. Le visage jusqu'à présent impassible, faussement focalisé sur cette blessure, je viens cependant apprendre qu'il n'y a pas répondu favorablement, et ce mélange d'émotions me laisse perplexe. "- J'avais déjà perdu ce boulot, j'voulais pas perdre plus que ça en repartant !" Une croisée des chemins alors que chacun de nous semblait vouloir faire ce qu'il y avait de mieux pour l'autre. Si les raisons de cette rupture étaient multiples, le réconfort de savoir qu'il allait pouvoir retrouver sa vie d'avant s'avère être un véritable échec face à son choix, et je ne parviens pas à étouffer ce sentiment de culpabilité naissant, bien que je m'étais assurée que toutes les conditions soient réunies pour qu'il veuille prendre le premier vol pour rejoindre le continent américain. Mes yeux se perdent sur ses phalanges, tâchant de me défaire de ses pensées bien trop intrusives. Heureusement pour moi, la douceur de sa voix me ramène dans cette réalité, celle dans laquelle je parviens encore à pouvoir à pouvoir le sentir près de moi malgré tout ."- Alors docteur Williams.. ?" Un sourire vient se loger naturellement sur mes lèvres, m'emparant du même ton pour pouvoir répliquer. "Bien sûr! Bon, il ne s'ra peut-être plus aussi sexy qu'avant, mais ce poing s'en remettra aussi.... Jusqu'au prochain combat !" Et puisque le dicton indique jamais deux sans trois, je me prépare déjà mentalement pour les prochains soins, songeant peut-être même à changer de carrière. "Tu m'excuseras, j'ai donné ma dernière friandise au patient d'avant" Le regard pétillant que je lui adresse suffit à éveiller cette femme qui semblait s'être quelque peu éteinte dernièrement. "– Tant pis pour moi… de toute façon, j’n’ai pas été très sage aujourd’hui…" Je relève les sourcils, m'efforçant de garder un faux air sérieux pour répliquer " Clairement pas Grimes" Ses lèvres que je mordille pour dissimuler mon amusement alors que je profite que son attention soit portée sur sa main pour l'observer plus attentivement. Quelques secondes pour me prendre en plein visage cette terrible vérité. Il me manque. Cette révélation n'est pas nouvelle, mais à cet instant précis, elle me bouleverse, soulève mon être tout entier, figeant mon corps et mon esprit dans le temps pour savourer ce que ça faisait, que de le sentir si proche de moi. Son regard vient croiser le mien, nous mettant face à ce qu'il était impossible de nier, cette attraction vivace et impérissable. Ce lien particulier que nous avions mit plusieurs années à construire. Tout était encore là, ancré en moi, et j'étais complètement incapable de l'ignorer, je n'en avais pas envie non plus. Ce moment envoutant a raison de moi, et ce simple toucher futile sur ma jambe suffit à m'enfermer dans cette bulle qui flotte au-dessus de nous. Mon regard se risque à descendre sur sa bouche, qui est source de désir, alors que je me laisse glisser sur cette pente ardente qui me pousse jusqu'à lui, mais la musique joyeuse de mon téléphone vient nous enlever ce moment, provoquant une frustration certaine alors que je suis forcée de devoir y répondre. Ma main vient frotter nerveusement le haut de mon visage, tâchant de dissimuler cette amère déception. Les quelques mots que j'adresse à mon interlocutrice suffit à l'éloigner soudainement, replaçant inévitablement nos pions sur la case départ. "– Le devoir t’appelle !" Je n'ai pas la force de répondre à ce qui ressemble à une attaque, l'instant vécu auparavant ayant provoqué un véritable ras de marrée dans mes émotions. Lui semble soudainement sur la défensive, oubliant la douceur qui avait précédée. Je me lève, accablée par ce moment. "- Avant qu’tu le demande…ça va aller. Mon poing et moi, on va prendre un peu de repos." Je croise son regard, remarquant que ces barrières avaient repris leur place initiale. J'encaisse, hochant brièvement de la tête. "Fais attention à toi" lâchais-je finalement pour ensuite pincer mes lèvres l'une contre l'autre. Je m'éloigne pour rejoindre la porte alors que l'écho de sa voix m'arrête sur ma lancée. " – Sav…" Entendre ce surnom dans sa bouche parvient encore à m'apporter un sentiment si agréable, j'appréhende cependant la suite alors que mon regard balaye la pièce avant de venir se poser sur lui. "– T’as vraiment cru que j’allais partir ?" Une réponse positive me semblait évidente, et pourtant. "T'étais censé le faire en tout cas" Cette réponse n'était pas forcément celle qu'il attendait, mais en disait long sur ce que j'avais pu en penser. Les choses auraient probablement été plus simple pour tout le monde s'il s'y était soumis. Un léger sourire de convenance fait son apparition avant que je ne vienne passer le pas de la porte.