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{baby you got the key...
now shut up and drive}
crédit/(ssoveia) ✰ w/ @Nicholas Hurley

L’épaisseur de son milk-shake le rendait écœurant et la fraise qu’elle sentait s’écouler dans sa bouche avait tout de chimique. Mais peu importe, elle aspira une longue gorgée sans se soucier de rien d’autre que de l’avaler, le rendant moins concentré en tâtonnant du bout de la langue tout contre son palais, ses yeux plantés dans ceux de Nicholas qui ne pouvait pas discerner les siens, cachés par l’opacité des verres de ses lunettes. Elle avait un avantage, celui de pouvoir détourner les yeux sans qu’il puisse s’imaginer une seule seconde qu’elle était mal à l’aise à cause de la proximité qu’ils avaient, leurs genoux se touchant presque sous la table, ceux de Nicky prenant toute la place tandis qu’elle donnait l’impression d’une poupée miniature posée dans un décor en plastoc bleu turquoise. Ça faisait assez de Nicholas Hurley pour la journée, mais elle accepta de rester tout de même, parce que dans le fond, ce n’était pas si désagréable que ça d’être en sa compagnie, et qu’il avait beau être chiant à crever, c’était toujours mieux que d’être à la maison à attendre qu’il se passe un truc sur quoi pester.
Elle détourna donc le regard un court instant avant de le faire de nouveau dériver sur le visage du jeune homme, ses dents de devants subtilement fêlées croquant le bout tendre de la paille plantée dans son milk-shake. Son manque de confiance, il lui paraissait un peu surjoué parfois; ou alors se complaire dans la mésestime qu’il avait de lui-même était une discipline qu’il comptait masteriser parce que c’était toujours plus simple de pointer soi-même ses défauts que de laisser les autres le faire à sa place. C’était toujours moins douloureux, on savait à quoi s’attendre quand on prenait les choses en mains. Elle aurait pu lui en mettre une, lui dire que ça suffisait l’auto-dénigrement, sauf qu’elle savait y faire elle aussi dans le genre, au contraire qu’elle passait son temps à mettre en avant ses qualités pour qu’on la laisse vivre, pour qu’on ne lui reproche rien et qu’on ne se rende pas compte de quoi elle était vraiment faite dans le fond.
Elle resta étonnamment silencieuse, Jo, ne pensant à rien de plus, si ce n’était aux heures qui avaient défilé dans feu le van de Nicky et de la certitude qu’elle mettrait plus de temps à se familiariser avec la conduite qu’elle ne l’avait pensé. Ça lui posait un problème puisqu’elle voulait réussir simplement pour avoir la satisfaction d’emmener sa grand-mère là où elle voulait; pour aussi avoir la satisfaction de répondre à son père qu’il pouvait bien aller se faire foutre quand il l’accuserait un jour de ne pas savoir prendre soin d’elle. Peut-être que prendre de vrais cours, c’était la seule vraie option qu’elle avait, mais elle y réfléchirait plus tard, à tête reposée, quand elle n’aurait pas à supporter le bruit de mastication de Nicholas et la musique douteuse — elle l’était toujours quand elle lui était imposée — qui passait à ce moment-là.

Elle retint un soupir, opinant simplement quand il lui confirma qu’il pouvait la supporter quelques minutes de plus et voulut tourner la tête juste pour observer son entourage quand il lui glissa une moitié de cookie de son côté de la table. Ça l’arrêta nette le temps d’une nanoseconde, et puis du bout des ongles, elle plaça le carré de serviette devant elle pour mieux attraper le cookie entre ses doigts et dissimula son sourire en croquant dedans pendant que se creusaient des fossettes dans les restes de rondeurs d’enfance de ses joues; et elle ne dit toujours rien. C’était assez rare pour être notifié, elle ne craignait même pas que ce soit trop gênant sur le moment, encore qu’elle avait l’impression de se lancer dans un terrain qu’elle n’avait jamais foulé parce qu’elle avait été habituée aux bruits, aux exclamations, de joie ou de colère, elles finissaient toutes par ses ressembler de toute façon surtout quand on avait son caractère.
"C’est la pire chanson jamais écrite." qu’elle finit par dire par esprit de contradiction, écoutant à peine ce qui passait comme titre à cet instant précis; et puis elle se rendit compte que la voix qui susurrait dans les hauts-parleurs, elle la connaissait assez bien pour qu’elle lui vrille les entrailles et lui donne envie de pleurer. De joie ou de colère, ça aussi ça avait tendance à se mélanger dans sa perception des choses "Il arrive bientôt ton pote?" L’urgence dans sa propre voix, elle lui parut trop distincte, et elle ajouta pour donner le change "J’ai envie de pisser et pas moyen que j’aille dans des toilettes de ce boui-boui. Je veux pas choper un truc." Se défendre toujours avec classe et délicatesse alors que son coeur martelait dans sa poitrine et qu’elle sursauta comme montée sur ressort quand on tapa à la vitre pour se rendre compte que le Bieber du pauvre était arrivé "C’est pas trop tôt." qu’elle chuchota plus pour elle-même que pour Nicky qu’elle laissa se lever avant toute chose et qu’elle suivit de près alors que dans le restaurant s’éteignait la voix de celui qu’elle avait côtoyé trop longtemps pour ne pas savoir que sa chanson parlait d’elle — d’eux.
Elle s’avança avec nonchalance vers Vance "Je t’aime pas, toi." qu’elle fit en gage de salutation, le regard scannant sa silhouette au-dessus de la monture de ses lunettes et la langue pointant sur sa rangée de dents de devant pour chasser les reliefs de sucre qu’elle venait d’ingurgiter avec Nicholas. Aussi étonnant que ça paraîtrait à quiconque, il la fit rire en lui proposant d’abîmer une autre voiture dans le court moment où ils se retrouvèrent seuls, et que dans la foulée, elle lui répondit "Ça va aller, j’ai pas envie d’avoir à m’excuser encore une fois." Elle ne s’était même pas excusée, mais qui le lui ferait remarquer? Sûrement pas son voisin qu’elle contourna pour aller s’installer à l’avant, sans doute dans l’idée d’avoir la main mise sur l’autoradio.
Il devrait se contenter de l’arrière, ou alors Vance le laisserait conduire, ce n’était pas son problème. Son problème dans la seconde, c’était de chasser de son visage tous les signes qui démontraient qu’elle avait passé un bon moment. Alors, elle s’enfonça dans son siège, et croisa les bras sur sa poitrine pour faire bonne mesure, laissant filer le sourire qui avait étiré ses traits quelques secondes plus tôt et qu’elle rendit invisible quand ils démarrèrent tous les trois.

rp terminé.