« Mieux vaut être seul que mal accompagné. » quelque chose, un mantra que Primrose devrait graver dans sa jolie petite cabosse d’idiote ambulante qui passe son temps à faire de mauvais choix. Oh, bien sûr, être seule n’est pas un problème car elle est elle-même une amatrice de la solitude mais Tim lui a justement donné ce goût pour la vie à deux. Pour ces choses qui n’appartiennent qu’à une vie de couple et qu’elle n’a connu de ce qu’elle a pu apercevoir de son entourage, à défaut de l’avoir connu réellement. Les réveils avec l’être aimé, les couchers qui vont avec, les soirées films, les balades dans la rue main dans la main, les visites surprises sur le lieu de travail, les repas préparés et savourés ensemble, les sorties… Tout ça n’ont été que des souvenirs heureux dans la pensine de la petite Anderson et elle veut retrouver ça - même si pour l’instant, elle est plutôt en train de se raccrocher à son désarroi, sa rancœur et sa déception quant à l’abandon de son petit-ami. Oh oui que le retour à la réalité est brutal et dur. Visiblement, Will ne nourrit pas la même chose, ou alors il l’a connu mais il est passé outre. Vu le temps qui s’est écoulé depuis, ça ne serait pas étonnant. Primrose est jeune comparée à lui, il a une vision différente d’elle - et cela se rajoute encore plus à la différence d’existence qu’ils ont pu avoir. La jolie fleur pensait pouvoir vivre toute seule mais le fait est qu’elle est maintenant convaincue qu’elle est faite pour être aimée et aimer en retour. Si elle a de l’aigreur, elle s’est complètement dévoilée et révélée pendant cette relation qui fut le point culminant de son bonheur. C’est triste d’avoir attendu tout ce que temps pour que ça arrive mais c’est encore plus triste de se manger le sol de la chute une fois que ce bonheur vous a été retiré.

« Je pense que tu es beaucoup trop difficile avec toi-même. » Primrose ne le pense pas, et là, elle ne pense clairement à rien. Pas quand ses yeux sont droits dans ceux de Will. Alors que oui, Will, elle est son propre juge et bourreau. Elle a ses propres anxiétés, craintes et peurs. Elle a aussi tout plein d’incertitudes, de défauts et de faiblesses dont elle fait constamment la liste, encore pire ces derniers temps. Elle n’est pas à la hauteur, elle n’est pas assez bien, elle n’est bonne à rien, elle ne fait que créer des problèmes, elle est inutile, elle n’est qu’un boulet. Mais là, dans les yeux de son colocataire, elle a l’impression d’exister un peu. C’est peut-être faux, ce n’est peut-être qu’une illusion et pourtant, c’est dans une énergie surprenante et inattendue qu’elle est poussée pour l’embrasser. L’envie de connaître une partie de ce qu’elle avait avec Tim. Si elle ferme les yeux, elle pourrait croire que c’est lui, elle pourrait penser à lui et prétendre qu’il n’est pas parti. Mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Car Will est plus petit, Will n’a pas le même goût et Will n’est pas celui qui fait vriller son cœur - même si là, forcément, il tambourine fort dans sa poitrine. Elle sent qu’il réagit après quelques secondes d’inertie et quand elle se sépare, elle est prête à se confondre en excuses et à courir dans sa chambre pour ne plus en sortir mais non, elle n’a pas le temps car Will vient la chercher de nouveau et- c’était pas attendu, clairement.

Alors voilà que ses mains vont sur ses joues et qu’elle se rapproche de lui encore plus. Sans quitter ses lèvres, elle s’avance, elle se redresse sur ses cuisses, elle ramène ses genoux contre ses jambes. Elle n’y comprend rien mais elle ferme les yeux, elle pense à Tim, elle pense à quel point ça lui avait manqué, à quel point elle est misérable et que Will n’est pas si loser que ça quand il embrasse. Qui aurait cru que ça tournerait comme ça ? Certainement pas elle, ni lui. Si Theo ou Adèle rentrent, il y aurait moyen que tout s’arrête. Mais si personne ne vient… Alors elle restera là, collée aux lèvres de Will jusqu’à ce que quelqu’un ou l’univers les arrête. Parce qu’elle, elle est déjà à moitié sur lui et ne montre aucune envie de se stopper. Ca va être bizarre plus tard mais elle ne fait pas attention aux warnings ; pour l’instant, la seule chose à laquelle elle pense c’est à quel point ça fait du bien. A quel point c’est plaisant. Elle veut revivre ça. Même si ce n’est qu’un bref teaser de ce qu’elle a vécu avec Tim.

C’est complètement incensé ce qui est en train de se dérouler en ce moment mais est-ce que cela est si surprenant venant de moi ? Pas vraiment. Les agissements irréfléchis qui ne font aucun sens, les choix douteux ou peu glorieux font partie de mon quotidien. Mais Will est loin d’être un mauvais choix. Il est loin d’être douteux. Il n’est pas une de ces crapules que j’ai pu avoir laissé me regarder me déshabiller, me dandiner, me toucher même. Juste parce que les dollars étaient beaux et que j’en avais besoin - envie. Je ne fais plus la distinction entre les deux depuis si longtemps. Comme là, en ce moment même ; j’en ai envie, de ses lèvres sur moi, de son attention, de cette tendresse épistolaire qui ne durera pas parce que je reste le coeur brisé et impossible à remettre en marche pour l’instant. Mais j’en ai presque un besoin vital aussi car Tim m’a rendu dépendante à ces marques d’affection. A défaut d’avoir mis mes addictions de côté, j’en ai visiblement développé des nouvelles sans que je m’y attende. Tim hante mon esprit comme jamais, je me torture constamment pour savoir le pourquoi du comment et même quand j’embrasse Will, j’ai presque l’impression de le voir, de le sentir à travers lui. Ce qui est ridicule car ce sont deux hommes différents aux personnalités radicalement opposées.

Et surtout, c’est Will qui est en train de me donner l’attention que je quémande et qui me manque cruellement depuis des semaines. Des bras vers qui me tourner, une épaule sur laquelle me reposer, un visage à embrasser tout entier… Dieu qu’il me manque, Tim. Et parce qu’il me manque, je mets plus de pression contre mon colocataire, ma main contre sa nuque alors que je me soulève toujours un peu plus contre lui. Je crois sentir ses doigts sur ma cuisse et même si ce n’est pas la main assurée de Tim, ça me procure tout de même des sensations que j’apprécie de retrouver. Le petit frisson, l’échine qui frétille et qui s’émeut d’une simple caresse. J’en suis à ce stade et je suis sûrement pitoyable. Je suis une fille qu’on a abandonné et qui cherche par n’importe quel moyen à ce qu’on la considère. J’ai l’impression de voir ça chez Will ce soir, de son attention, de sa gentillesse, j’ai même pu voir son sérieux et ça, je dois avouer que je ne m’attendais pas à ce genre de choses venant de lui.

Il s’écarte légèrement pour que nous puissions retrouver un peu d’air et j’ai le coeur qui bat fort. Je ne veux pas réaliser ce qu’il se passe, je veux juste me laisser porter et prendre au jeu. Juste une fois, juste ce soir, promis, demain, je ferai de meilleurs choix. « Adèle et Theo pourraient rentrer… » mais moi, j’ai pas envie qu’il parle pour me parler de nos colocataires. J’ai pas envie qu’il me rappelle leur présence pour l’instant invisible à mon bon souvenir. Je m’en fiche de nos colocataires, je veux ses lèvres sur les miennes. « Tu es sûre que tu es ok et que tu vas pas après me détester parce que tu as l’impression que j’ai profité de toi ? Parce que c’est vraiment pas le cas, hein. » Will continue de parler et je prends son visage de chaque côté pour le faire taire en l’embrassant. Je mets tellement de passion dans mon geste que son buste tombe à l’arrière et moi avec lui, contre lui. Je ne peux pas lui donner meilleure réponse que mes lippes caressant les siennes. A califourchon sur sa silhouette, perchée sur ses cuisses, une de mes mains se dirige vers son abdomen directement sous son haut. Quand je manque de souffle, je vais gratter sa mâchoire de mes lèvres alors que mes doigts le caressent doucement. “Je suis sûre.” que je murmure doucement avant de laisser un baiser sous son oreille et de retrouver ses lèvres. “Ma chambre ou la tienne ?”

« Je dois en avoir normalement. » Je l'espère parce que là, je ne réfléchis pas. Si je dois aller dans ma chambre pour récupérer des protections, inutile que ça nous laisserait trop de temps pour réfléchir à ce que nous sommes en train de faire, multipliant ainsi les chances de faire machine arrière. Alors que je n’ai pas envie de faire machine arrière pour l’instant. J’apprécie son contact et son attention envers moi. Cela me rappelle Tim. C’est à lui que je pense - j’ai presque le sentiment de le trahir alors que c’est lui qui m’a trahi en premier. Mais est-ce que j’ai le droit de faire ça ? Est-ce que j’ai le droit de me perdre dans les bras de mon colocataire alors que cette rupture qui s’apparente plus à un abandon est encore si fraiche, si récente ? Je n’en sais rien. Tim était lui-même sorti d’une relation quand il a commencé à vouloir me séduire. Est-ce que je n’étais qu’un tremplin ? Une passade ? Un amusement passager pour combler son manque d’affection ? Je n’en saurai jamais rien. Je refuse de me poser des questions qui n’auront jamais de réponse - je suis déjà assez blessée comme ça. Mais me faire des films est une des choses dans laquelle je suis particulièrement douée. Je porte plus de regrets que de remords et j’ignore comment appréhender ça.

Mais pour l’instant, je me contente de profiter de l’instant présent parce que ce n’est pas juste envers Will. Jamais je ne l’aurai pris de ce genre-là mais il me surprend en même temps qu’il réussit à me séduire à cet instant précis. Je ne suis qu’avide d’attention et d’affection, même si ce n’est que le temps d’un échange lubrique sans aucun sentiment autre que celui de satisfaire l’autre. Cela n’arrivera qu’une fois, je me le promets une fois que je me retrouve à fixer son plafond avec la forme de Will à mes côtés dans la même position. « J’espère que les filles ne sont pas rentrées. » Je mords ma lèvre en réalisant ce que nous venons de faire. Je lâche un léger soupir avant de me relever tout en passant ma main dans mes cheveux. Je me sens nue - au sens propre et figuré - et ça me met mal à l’aise tout d’un coup. Sûrement parce que la situation entière est plutôt malaisante et que je n’aime pas ce corps trop maigre à mon goût. “On les aurait entendues si c’était le cas.” Ni Theo ni Addie ne savent être discrètes. Je commence à chercher mes vêtements des yeux avant de sortir du lit pour les remettre un à un, plutôt maladroitement car je reste très nerveuse. “On… On est d’accord qu’on en parle à personne et que ça n’arrivera plus, n’est-ce pas ?” Il faut que nos violons s’accordent sinon, ça ne pourra pas fonctionner. Ça reste notre lieu d’habitation, il reste mon colocataire, pourquoi est-ce qu’il a fallu que ça arrive ? Décidément, j’ai le chic pour toujours me fourrer dans des situations impossibles.