31 juillet 2024
Ca aurait été la pire journée de ta vie. La pire et la meilleure. Les sentiments sont partagés et assez contradictoires. Il faut dire que t’as souffert. T’as douillé comme jamais auparavant. Après la grossesse, vient le moment béni de l’accouchement - moment que tu n’as pas senti comme une bénédiction mais comme un véritable calvaire qui devrait être interdit de vivre. Des douleurs en bas de l’estomac, sur cette bouée immense qui t’empêche de voir tes jambes depuis trois mois, intenses et en répétition pendant presque vingt-quatre heures. Tu as cru mourir plus d’une fois - impossible vu comment tu criais sur tout le monde. T’as aussi pleuré, supplié qu’on te l’enlève mais t’as refusé la césarienne. Tu l’as voulu, tu l’as subi, tu la mettras au monde sans qu’elle te déforme un peu plus le corps. Oui, c’est idiot mais tu ne veux pas de cicatrice sur ta peau. Cette gamine a déjà assez fait de dégâts comme ça - oui, t’assures que tu l’aimes mais ça ne fait pas tout. Elle a joué de tes nerfs, de tes hormones, de ta vessie, de ton estomac et de tout le reste pendant neuf foutus mois. Et par acquis de conscience, les yeux sur le calendrier, t’avais déjà prévenu Jordan que “ça serait fun si elle naissait le 31 juillet”. Parce que c’est la date d’Harry. Et que le jour d’avant… Juste non. Le 31 juillet, c’est bien. Trois signes du feu sous le même toit. Si tu penses avoir vécu le pire, attends de voir les vingt prochaines années (au moins). Y’a Jordan qui a cru bon tourner de l'œil pendant quasiment tout le processus. Oh que t’as failli lui envoyer quelque chose à la figure si on t’en avait laissé l’occasion. How fucking dare they. T’as porté son gosse pendant neuf putain de mois et lui, lui s’évanouit au bout de cinq minutes ? T’aimerais bien dormir, toi aussi. Mais non, t’es occupée à pousser, respirer, à te prendre les réflexions de ce stupide médecin qui pense que tu n’y mets pas du tien et lui aussi, t’as envie de lui jeter quelque chose à la figure.

Mais au final, tout ça, c’est rien.
Rien quand on te met ta fille dans tes bras. Les émotions deviennent euphorisantes, positives, intenses. Tu as oublié toute la colère que t’as accumulée pendant des heures. Contre Jordan, contre le personnel médical. Ils doivent être habitués. Tout s’est évaporé parce qu’il y a ta fille dans tes bras, le plus beau joyau du monde qui a ses yeux fermés pour le moment. Tout est si petit. Elle est ridiculement minuscule. Tu pourrais presque comprendre la sensation quand Jordan te prend dans ses bras. Mais elle, elle est fragile. Elle n’a qu’à peine quelques minutes. Et t’es déjà complètement amoureuse de cette gamine. « Did you see that? » évidemment que tu as vu. Tu ne l’as pas lâché du regard. Toi qui t’étais moquée d’Aurora quand elle était émerveillée et en extase devant ses gosses, regarde-toi. Tu vas bientôt faire partie du club de ces parents insupportables qui montrent leur progéniture à qui le veut bien - et qui s’en foutra complètement - mais tu t’en fouteras car tu seras fière comme un paon et c’est le bébé le plus beau du monde, putain. “Elle est absolument magnifique.” forcément, avec vos gènes. “Tout est si miniature.” tu lèves un regard amusé vers Jordan. “C’est ce que tu penses de moi quand tu me regardes ?” que t’es con. Mais tu te sens bien depuis la première fois depuis des mois. Vraiment bien. Sans forcer, sans rien. Juste l’adrénaline du moment qui te donne un jus incroyable. T’es heureuse, tout simplement.

« T’as pas tout de miniature toi… » son rire te fait sourire plus fort alors que tes yeux se posent sur Billie. Ton doigt caresse doucement sa petite taille alors que tu l’observes respirer, bouger son petit poing dans son sommeil ; chaque battement que tu sens de sa micro poitrine te rappelle que tout ça n’a pas été vain. Tu n’aurais jamais cru être mère un jour, toi qui n’as pas l’habitude d’être responsable. Tu ne seras pas parfaite, t’en as conscience, mais y’a une chose dont tu es sûre ; t’es prête à mourir pour cette gosse. Et à être encore pire qu’avant pour la défendre et la protéger du monde qui vous entoure. A commencer par l’idiotie de son père qui te fait déjà marrer. “J’ai clairement une grande gueule, c’est sûr.” oops, ce n’est pas très poli mais ce n’est pas encore le moment où Billie est en mesure de répéter tout ce que vous dites, n’est-ce pas ? Clairement pas. Quand Jordan vient t’embrasser le front, tu soupires d’aise ; t’as l’impression que ça va mieux de ce côté-là. Tu testeras dans les jours à venir - si vous n’êtes pas occupés à ne pas mourir d’épuisement par cette petite boule qui ne va pas manquer d’énergie quand on connait ses parents.

La sage-femme arrive et elle commence à parler qu’il serait temps de passer le relais au papa. Tu l’as porté neuf mois mais Jordan ne la connaît pas, pour l’instant. Il ne l’a même pas encore porté - tu le vois qu’il en est émerveillé, mais il en a peur aussi. Il faut dire qu’elle est vraiment minuscule. Une de tes mains vient se faufiler sur son bras quand la sage-femme parle car tu n’as pas besoin de le voir pour savoir qu’il doit être dans ses petits souliers de devoir se déshabiller. Mais toi, t’as montré ton vagin à une batterie de médecins et d’infirmiers, il va bien pouvoir se mettre torse nu juste pour un temps limité, non ? « Je vais prévenir de pas vous déranger. » parce qu’il l’a demandé et pour toi, ça tombait sous le sens car c’est le premier contact avec le père et ça mérite de l’intimité. Tu as confiance que vous pouvez très bien y arriver tous les deux comme des grands. « J’ai peur de la casser. » il te regarde et ta main descend vers la sienne pour la serrer doucement. “C’est notre fille, elle est incassable, t’inquiète pas.” tu l’observes se déshabiller et tes yeux dérivent sans aucun scrupule - I can, they’re my daddy’s girl - avant de les relever en même temps que ton buste. Tu regardes Billie contre toi avant Joran. “C’est bon ?[/color]” de toute façon, tu ne lui laisses pas le jouer. T’as porté neuf mois son gosse, ce n’est pas pour qu’il chicken out dès les premiers instants. Tu t'assois sur le bord du lit pour qu’il puisse mieux la prendre contre lui. Une fois fait, tu te détends les épaules et les bras en tirant dessus et en poussant un large soupir d’aise. “Bienvenue dans le monde de bébé, papa.” que tu dis avec légèreté et humour avant de réellement poser tes prunelles sur eux et… de mourir d’amour - tu blameras le taux d’adrénaline qui fait des siennes dans ton organisme. Jordan embrassant son rôle en logeant ce petit corps contre lui est une des plus belles visions du monde qui t’es été donnée de voir. Sûrement la plus belle. Tu l’aides à bien placer la tête contre lui et à la porter correctement dans ses bras - Billie n’étant nullement perturbée, se contentant de boire de nouveau en serrant son poing et lâchant un bref petit son, mais toujours ses paupières closes. Ta main se dirige vers le flanc nu de ton partenaire, le coeur dégoulinant d’amour pour ces deux êtres que tu values plus que n’importe qui sur cette planète. “I love you so fucking much.” pour quelqu’un qui ne voulait pas que Jordan soit impoli à faire des gestes indécents près de votre fille, tu as déjà dit beaucoup de gros mots, je trouve. Shut up, I’m very happy. Et ça se voit dans tes yeux alors que tu les regardes l’un et l’autre à tour de rôle, ta main ne cessant de caresser la peau de son flanc avec délicatesse. Ravie aussi de pouvoir le faire sans aucune appréhension.

C’est une belle image que de voir Billie dans les bras de Jordan. Une image que tu graveras que dans ta tête. Elle est à toi, pour toi, égoïstement même si tu vois là une récompense d’un long périple de neuf mois. De toute façon, Jordan n’apprécierait pas que tu le prennes en photo torse nu - même si tu te dis que Billie par-dessus lui pourrait lui foutre ce genre de pensées à des milliers de kilomètres de sa tête. Mais tu préfères que ce soit tes rétines qui imprime cette vision et ta fille aura tout le temps de s’habituer à voir des téléphones braquées sur elle plus tard. Tu souris de voir Jordan pleurer et tu peines à retenir tes propres larmes parce que c’est assez unique comme instant, les autres n’auront pas la même saveur. Et il se trouve que tu as un cœur. Un cœur tout mou, tout tendre, complètement ému de voir un tel portrait. Ta main est remontée à sa nuque et il t’offre son regard le plus embué. « Stop you gonna make me cry even more. » tu serres ses doigts avant de les porter à tes lèvres pour les embrasser. “Ca sera ta souffrance pour m’avoir fait porter cette chose dans mon ventre.” t’as l’impression que la chose, l’alien, l’haricot, la crevette, le mollusque ne va pas connaître son prénom si tu commences déjà à la surnommer. That’s my baby girl, I call her the fuck I want. Okay, message reçu. Si vous pensiez avoir tout vu et tout entendu, il semblerait que la Cadburn ait encore de la réserve pour sa fille. Personne n’est vraiment surpris, ceci dit.

« I love you more. »
“S’il te plait, honey, je viens d’accoucher. Ne me lance pas sur un tel débat parce que je risque de vouloir te manger sinon. Et pas de la façon que t’aimerais.” non, vraiment pas parce que si lui est dans ses émotions, tu es dans tes émotions en plus de la fatigue, du stress, de l’énergie, de la retombée d’adrénaline et de ce qui va après neuf mois d’intrusion en soi. Tu n’es certainement pas armée pour débattre maintenant sur ça. Surtout après avoir souffert pendant presque une journée, sans compter tous les jours d’avant pendant neuf mois. « You cooked her perfectly look at this face. » t’arques un sourcil avant de te pencher pour embrasser ses cheveux. “Les ingrédients étaient de qualité aussi faut dire.” tu ne trouves que des rebonds qui collent parfaitement, t’es plutôt satisfaite de toi. T’es aussi très contente de pouvoir embrasser et toucher ton partenaire sans retenue, vraiment. Tu risques de le répéter intérieurement souvent mais c’est si surprenant comment le corps humain fonctionne. Tu es encore plus que ravie d’avoir expulsé l’alien hors de toi aussi pour ça. « Est-ce que tout les parents voient leurs enfants parfaits ? » tes yeux dérivent sur Billie tout en ayant une moue amusée au visage. “J’en sais rien, je suis pas parent de d’autres enfants de mes amants secrets.” mais c’est que tu as retrouvé ton humour poignant, dis donc. Tu mords ta lèvre en déposant tes yeux sur Jordan avant d’aller l’embrasser tendrement. “Cette gosse ne peut qu’être parfaite.” tu fais mine de réfléchir. “Enfin j’émets une réserve concernant son caractère.” même si tu sais qu’elle sera forcément énergique ; vu les coups qu’elle te foutait dans le ventre, t’as presque envie de la réveiller là, sournoisement, comme elle a bien pu te le faire pendant des mois. T’embrasses la tempe de Jordan avant de t’asseoir sur un accoudoir du fauteuil. Tu aimerais en profiter pour te reposer mais tu n’as pas envie de perdre une miette de l’instant.

« She doesn’t mean it. She loves me. » you sound so sure about it que t’aurais répondu dans d’autres circonstances mais pas là. Pas à la maternité, pas alors que t’as enfin expulsé l’alien de ton ventre, que tes hormones sont si sensibles, si tendues et que la scène que tu vois est absolument la plus adorable du monde. C’est pas objectif, c’est un avis complètement fourvoyé mais tu t’en fiches. T’as passé les neuf mois les plus horribles de ton existence, tu as le droit d’être contente, ravie, subjective et amoureuse de voir ta fille dans les bras de son père et de juger qu’ils sont l’image la plus précieuse du monde. Une petite récompense en soi que d’observer Jordan être ému à l’extrême, même si tu espère quand même qu’il lui restera de la place dans son cœur pour toi et que Billie ne va pas tout prendre - shut it, of course no. Mais pour l’instant, ses prunelles bleutées embuées passent de toi à elle et d’elle à toi avec délicatesse. Il rit même à ta connerie et ça te fait sourire - nailed it. Aucune raison de t’inquiéter - en même temps, tu viens de donner naissance à son gosse, il ne peut qu’être plus amoureux encore. On verra s’il le sera toujours quand il faudra se lever pour la dixième fois de la nuit parce que ce petit monstre l’a décrété.

« I think we could live forever, in each other's faces 'cause I… » tu souris doucement en caressant les mèches de Jordan, toujours perchée sur l’accoudoir de son fauteuil alors que Billie a l’air de reconnaître son père. Forcément, à avoir chantonné contre le ballon de baudruche que tu avais, elle ne peut que le reconnaître quand il se met à chanter. « Oh my god… » ton sourire s’élargit et tu baisses les lèvres contre son crâne pour y déposer un baiser sur ses cheveux. « I always see my youth in you… And if we don't live forever… » tes doigts descendant contre sa nuque et tu regardes Billie, toujours, qui réagit dans le plus grand des calmes et avec une hésitation esquise, comme si elle est en train d’apprendre à ouvrir et fermer ses yeux. La pauvre gosse a été dans l’obscurité totale pendant neuf mois et la voilà qui se prend la lumière en pleine figure. Tu devrais un peu fermer les rideaux, non ? « …Maybe one day we'll trade places. Darling, you will bury me before I bury you… Before I bury you… » non, car tu ne pourrais pas les voir tous les deux sinon. Tu pinces ton partenaire au flanc avant qu’il vienne choper ta main. “Tu peux pas trouver autre chose à chanter à quelqu’un qui vient de naître ?” le ton est critique, oui, mais tu n’as pas envie que Jordan se mette à parler de la mort à votre nouvelle-née qui n’a à peine que quelques heures. “Tu vas lui souhaiter malheur.” tu bougonnes en regardant ta fille - ta fille, jésus, qui aurait cru ? - avant de lui sourire et de glisser ta main contre son dos. “Hein, baby girl, daddy has a funny way to show their happiness, haven’t they.” que Jordan chante ne soit pas surprenant mais il a bien d’autres trucs plus joyeux dans son répertoire, tu le sais.

« Noooon… J’aime cette chanson. » qu’il aime cette chanson est une chose, mais la chanson ne parle pas d’amour, quand bien même elle parle d’une réalité. Mais cette réalité est celle-là même que tu ne veux pas penser - ton corps crever et froid dans une morgue défraîchée à côté de d’autres corps, prête à finir sous les flammes de l’enfer pour ne redevenir que poussières et un simple souvenir. Tu viens de donner la vie, tu ne veux pas penser à la mort. Cette mort dont t’as beaucoup trop pensé pour ton propre bien ces derniers mois, la sensation de crever de l’intérieur en même temps qu’on était en train de tuer ton système organique et tout ce qui faisait ton identité, ta personnalité, toi. Là, la main libre sur ta propre cuisse recouverte de cette affreuse blouse de l’hôpital, tu te retrouves, un peu. La peau de ton ventre est moche et toute fripée, tu te vois déjà suivre ces foutus tutoriels sur youtube pour rafermir tout ça et retrouver ce corps que t’aimais tant. On n’apprécie jamais les petites choses jusqu’au moment où on les perd. Tu restes silencieuse mais t’en penses pas moins, Jordan pouvant comprendre et apprécier (ou pas) que tu le juges sans rien dire ; de toute façon, il te connaît assez pour savoir que tu aurais réagi à ces paroles quoiqu’il arrive. Son attrait pour la mort te fait parfois flipper, t’as l’impression qu’il serait capable d’aller jouer avec la ligne étroite juste pour le fun, juste pour voir ce qu’il se passe de l’autre côté. Stupide, complètement idiot mais quand même, sa vision de la chose diffère de la tienne et ce n’est pas de ta faute si t’as parfois des pensées bizarres. Et des peurs infondées. Car maintenant, t’es pas certaine de pouvoir survivre si tu perdais Jordan. La troisième est la bonne et après Victoria puis Dan, Jordan serait le dernier clou pour fermer ton cercueil.

Mais maintenant, ça suffit.
Y’a la vie devant vous qui est juste là, endormie (ou pas, t’en sais rien en faites) sur le torse de papa, la plus adorable chose du monde et damn que pour elle, tu serais quand même prête à survivre à tous les maux de la terre. Avec Jordan, ça serait mieux quand même. « She has your nose. » tu mords ta joue en secouant la tête, sourire niais au visage parce qu’hey, she has my nose. Tu ne savais pas que ton partenaire l’avait analysé à ce point sous ses coups de morsure mais tu ne t’en plains pas. « Due to unforeseen circumstances, I will keep my newborn child in my arms forever. Sorry babe. » alors là… t’es soufflée. Tu le regardes avec la plus grande expression ‘choquée déçue’ placardée sur tes jolis traits de nouvelle maman fatiguée après quasiment une journée de labeur alors que tu l’observes se pencher vers Billie. « I love you so much already. » il a plutôt intérêt de l’aimer, cette gosse, vu tout le foutu mal qu’elle a mis entre vous pendant sa conception. Même si la peur irrationnelle qu’il l’aime plus que toi n’est visiblement pas partie en même temps que l’alien, et tu déglutis légèrement. « Tu l’as eu pour 9 mois. C’est mon tour. » y’a rien qui va dans son discours, et t’hésite entre rire ou pleurer - les hormones, ça fait mal. Alors tu fais les deux, oui oui. T’éclates de rire en même temps que tes yeux expulsent des larmes - on pourra dire que c’est la fatigue, l’émotion, la tension qui redescend, t’as plein de raisons pour te mettre à pleurer en vrai. C’est un signe qu’il faudrait que tu te reposes, ma grande, t’es debout depuis quasiment une journée entière, t’as pas beaucoup dormi et t’as à peine mangé. Tu te prends tout ça en pleine figure et t’aimes pas ça parce que c’est censé être un joli moment mais faut toujours, toujours que tu gâches tout même au-delà de ta propre volonté. “Okay, dans ces cas-là, je vais aller me terrer dans mon lit et vous laisser tous les deux puisque je suis si vulgairement rejetée.” on sait pas trop si tes paroles sont du lard ou du cochon, t’es mi-vexée mi-amusée, mais totalement dramaique, à travers tes larmes et tes rires, alors que tu te lèves et que tu vas vers le lit, pour de vrai. T’es épuisée, tu le ressens partout, comme quand il faut faire un effort pour aller sur ce putain de lit un poil trop haut - mais tu le fais quand même. “Je t’aurai bien volontiers passé un bout de mes neufs mois, crois-moi.” dis-tu en te mettant sous ton drap et en soupirant d’aise quand ta tête se pose sur les oreillers, les mains sur ton visage pour nettoyer les traces de ces traîtresses gouttes d’eau. Appréciant pouvoir te mettre à peu près comme tu veux dans le lit, tu te tournes légèrement pour avoir Jordan et Billie dans ton champ de vision. “I’ve missed your arms.” murmures-tu doucement, comme un plaidoyer pour ta cause, une supplication pour ne pas qu’il t’oublie. Même si ce n’est qu’une boutade de sa part. T’as les atouts pour que ton partenaire vienne à toi. Faut juste que tu les retrouves.

« Hey… » les oreilles font blocage pour pas te parasiter de ce mot pourtant tout doux mais elles savent que ça va te pousser à céder, à plier, à revenir et elles veulent que tu te reposes, elles aussi. L’univers te dit d’aller dormir car t’as fait l’effort le plus fatiguant du monde - porter la vie puis la donner au monde n’est pas une mince affaire. Ce n’est pas donné à tout le monde et t’es plus proche des quarante ans que des trentes, là. Ton corps reçoit le contrecoup, et tes nerfs sont dans un ascenceur émotionnel intense. Sans aucune volonté à en vouloir pour ton partenaire, tes piques sont néanmoins légères mais amères, et c’est sûrement pour cela que Jordan s’affole, que Jordan a l’air paumé et que Jordan fait une moue que seul ton dos peut voir car c’est tout ce qu’il récolte pour l’instant. T’es pas fâchée mais t’es… épuisée et pas dans l’humeur à entendre parler de mort, de tes neuf mois d’enfer et d’être foutue de côté pour un micro humain qui ne fait rien d’autre que d’être la chose la plus adorable et précieuse du monde ; tu l’aimes, Billie, mais t’aimes Jordan aussi et Jordan t’a pas encore pris dans ses bras et ouais, t’es jalouse, t’as le droit, tant pis pour la bienséance. « Baby… » tu te batailles pour monter, et tu batailles avec ces foutus draps - ils ne peuvent pas mettre des couvertures bon dieu d’merde ? La maison te manque déjà, t’aimes pas les hôpitaux, même l’aile de la maternité te rend bougon.

« I’ve missed your arms too babe. » et Jordan, lui, te rend sensible ; t’as les yeux baissés, la lèvre inférieure sortie, tes doigts qui jouent entre eux et est-ce que c’est déjà le baby blues ? Nan, c’est le Jordan blues, ça ; t’as l’impression que quelque chose en toi est déréglé pour avoir une envie folle de ton partenaire plutôt que de ton enfant. Mais comme il l’a dit, tu l’as porté pendant neuf mois et elle t’a arraché à son père pendant le même laps de temps ; alors maintenant que tu l’as retrouvé, tu ne veux pas que Billie soit encore un obstacle. « Attention attention I am coming, please make room. » paupières se redressant, oreilles en aguet, y’a ton musicien qui vient squatter une fesse sur un côté mais pas le bon car Billie bloque ; alors il fait le tour et tu l’observes dans son cheminement. Quand son autre fesse vient squatter l’autre côté, tu te décales légèrement pour lui - leur - laisser le plus de place possible. « I’ve got enough arms for the both of you. » il embrasse ton front et passe son bras autour de toi. Ton caprice aura eu raison de toi ; t’es déjà son nez contre son épaule nue, à moitié sur le haut de son torse, te tournant légèrement pour embrasser sa peau. “Tu seras là si je m’endors ?” car tu vas t’endormir, tu le sens, maintenant que t’as les deux personnes les plus précieuses à tes yeux collées à toi. Ta main va se poser sur le dos de Billie maintenue fermement par le bras de Jordan. La tête lourde contre ton partenaire, tes yeux font de la résistance pour garder le contact mais c’est peine perdue ; t’as donné la vie, Birdie. T’as travaillé pendant neuf mois. T’as le droit à tout le repos du monde.

« Bien sûr je reste ici… » c’est sûrement pour cela que vient l’aiséance de dormir. Avoir le bras de ton partenaire autour de toi, ta forme collée à toi avec votre fille dans son bras. Conscience que le nouveau papa va prendre soin de votre prunelle combinée, t’as confiance. Billie est entre de bonnes mains et t’espères que Jordan aussi. Y’a pas d’inquiétude à avoir. Ton nez contre son bras, t’as les yeux qui se ferment à peine la confirmation qu’il ne bouge pas émise. Ta personne, ton être humain, ton coeur, et maintenant cette petite chose qui va incroyablement calme et silencieuse - t’auras le temps de gonfler les sages-femmes et les infirmières après sur ce point-là. Ce n’est pas normal à ton sens un bébé aussi calme. Surtout si elle a du sang cadburien dans les veines. Mais elle a aussi ceux de Jordan et, même si tu ne connais pas sa famille, tu connais ton partenaire ; peut-être que votre fille a écouté tes prières et a hérité plus du caractère de papa. But she has my nose. Une des dernières pensées qui frôle ton esprit avant que celui-ci soit happé par Morphée.

Quand tes paupières s’ouvrent, t’es un peu déphasée et t’oublie pendant trois secondes où t’es. Ta main va agripper brièvement celle de Jordan qui est par-dessus et tu plisses les yeux sous le manque de lumière ; il doit être au milieu de la nuit ou de la soirée pour qu’il fasse sombre comme ça. Dans son couffin, tu vois la petite bouger ses petits bras ; tu réalises que tu n’as pas vraiment eu ton moment avec elle depuis l’accouchement. Maintenant que ta tête est dans un meilleur état d’esprit, tu te permets d’aller la voir, non sans caresser brièvement la main de ton partenaire. Billie est sa fille mais c’est aussi la tienne. Tu le réalises en te penchant par-dessus le couffin. Ses mains sont de vrais petits poings qu’elle gigote doucement en même temps que ses pieds et t’es presque certaine qu’elle sourit en te voyant - c’est absurde, ça sourit pas encore à cet âge. Mais tu l’as porté pendant neuf mois et jamais tu ne connaitras un lien aussi profond, aussi proche, aussi unique avec quelqu’un d’autre. “Hey, baby girl.” que tu murmures doucement en la prenant doucement contre toi. Elle est si petite, si fragile, et même si t’es reposée, des larmes s’échappent de tes yeux en souriant avec une brillance incroyable. “You’re so quiet but I bet you’re hungry.” tu la berces doucement contre toi ; ta poitrine tire et te donne l’impression d’être gonflée à bloc. Tes yeux ne quittant pas ceux de Billie, tu retournes dans ton lit pour t’installer et lui permettre de s’abreuver tranquillement contre ton sein, sa petite tête serrée contre toi. “Daddy’s going to be jealous of you, you know.” tu continues de chuchoter pour ne pas réveiller ledit papa qui dort profondément sur son fauteuil, ton doigt caressant le visage de ton enfant. Elle a la forme fine de sa mâchoire comme celle de Jordan, tu notes. Tant qu’elle ne prend pas ses habitudes alimentaires, c’est tout ce que tu demandes.