Le changement, c’était une chose que Mitsuko redoutait beaucoup. Maintenant qu’elle avait connu plusieurs grands chambardements dans sa vie, cela ne lui faisait plus autant de frayeurs, au contraire elle n’avait jamais eu autant envie d’aller de l’avant qu’aujourd’hui et cela nécessitait forcément que les choses bougent. En premier lieu elle rêvait de ne plus avoir plusieurs boulots, d’avoir un unique métier qui en plus de subvenir correctement à ses besoins, la ferait sentir bien dans ses baskets, mais ça c’était très loin d’être gagné. Malgré un emploi du temps plutôt surchargé, elle trouvait pourtant le temps d’envoyer des candidatures à droite et à gauche, un peu partout, mais cela ne donnait jamais rien. Nous n’avons pas d’emploi pour le moment  ou vous n’avez pas assez d’expérience, voilà le genre de réponses qu’elle se prenait quotidiennement. Elle aimerait avoir au moins la chance d’avoir des entretiens, pour leur prouver qu’elle était courageuse, même si les différents jobs qu’elle exerçait le prouvait déjà. Parce que oui il fallait l’être, pour se lever si tôt le matin pour remplir des rayons, courir le midi pour livrer des repas et recommencer le soir, peu de personnes seraient capables de survivre à un rythme de vie hâché comme le sien. Les premiers témoins du quotidien qu’elle menait, ne s’en rendaient même pas compte et c’était justement ce qui était le pire, ils ne respectaient pas son sommeil. Ils faisaient du bruit à pas d’heure, ne savaient pas fermer une porte doucement, organisaient un peu trop souvent des fêtes comme s’ils avaient un appartement qui faisait trois fois sa taille. Elle n’en pouvait plus, elle ne supportait plus de leur parler dans le vent, elle leur avait pourtant énoncer le problème avec diplomatie au début. Tu n’as qu’à partir qu’ils avaient fini par lui dire, ils ne savaient pas à quel point elle allait les prendre au mot. Elle s’enfermait le plus tôt possible dans sa chambre, pour se cacher sous sa couette, river ses yeux sur son téléphone, enchaîner sans cesse la lecture de petites annonces jusqu’à s’en éclater la rétine. Elle n’en trouvait pas que très peu à son goût, à cause de loyers trop élevés ou de localisations trop excentrées, elle ne se voyait pas être à la limite de vivre en banlieue. Mitsuko refusait également d’avoir un trop grand nombre de colocataires, elle en voulait un voire deux, grand maximum. La brune finit par tomber sur ce qui lui semblait être une perle rare au bout de quelques jours, elle envoya un message sans trop y croire.
 
Le proverbe pas de nouvelles bonnes nouvelles ne s’appliquait pas à son cas, du moins c’est ce qu’elle croyait jusqu’au moment où son portable sonna alors qu’elle se trouvait devant un restaurant. L’homme qui recherchait une troisième personne pour compléter sa colocation, l’avait contacté pour convier d’un rendez-vous, elle n’arrivait pas à y croire, est-ce que le vent allait enfin tourner ? Elle le laissa choisir du créneau qu’il préférait pour la rencontrer et le laissa raccrocher. Mitsuko poussa un cri de joie et embrassa le cuisiner qui s’approchait d’elle sur la joue, avant d’aller remplir son devoir. Une fois l’euphorie passée, elle se demanda comment elle allait bien pouvoir se préparer. Elle ne savait quasiment rien des personnes qu’elle allait rencontrer, elle n’avait même pas leurs noms complets pour faire des recherches sur les réseaux sociaux. Elle allait donc devoir y aller à l’aveugle, jouer de son charme comme elle savait si bien le faire. La livreuse fera face à deux hommes, probablement deux fêtards sinon ils n’auraient jamais jeté leur dévolu sur la Fortitude Valley, à moins qu’ils n’aient été trop fauchés pour envisager un autre quartier, plus calme. La brune ne pouvait rien deviner d’eux, enfin pas avant d’avoir mis le pied dans leur appartement, qui devrait être à leur image en principe. Le jour J, elle s’était lavée juste avant de partir de chez elle, il ne faudrait tout de même pas qu’ils devinent que son second boulot était sportif dès la première seconde. Elle s’était même mise du parfum, parce qu’elle s’était rendue compte que les Australiens aimaient bien ça, contrairement aux Japonais qui détestaient que l’on couvre son odeur naturelle. Elle avait quelque peu hésité sur son maquillage, devait-il être particulièrement soigné ou ferait-elle mieux de miser sur la simplicité ? Il ne faudrait quand même pas qu’ils s’imaginent qu’elle est une dragueuse qui ramènera souvent du mâle chez eux. Elle décida d’opter pour un entre deux, en se parant juste de mascara et d’un rouge à lèvres rose. Choisir sa tenue fut un casse-tête encore plus important, jusqu’à ce qu’elle ne remarque qu’elle allait être en retard, elle cessa donc de se triturer les méninges en prenant un jean et un pull bordé de dentelle. Elle se regarda une nouvelle fois dans le miroir, se convainquit qu’elle était parfaite avant de quitter son appartement. La livreuse trouva sans trop de mal la bonne adresse, grâce à son métier qui l’avait amené un peu partout. Elle fit sonner l’interphone mais personne ne lui répondra, elle vérifia qu’elle ne s’était pas trompée de numéro. Mitsuko n’avait commise aucune erreur, est-ce qu’elle avait été oubliée ou victime d’une mauvaise blague ? ...

Une grimace s’était dessinée sur le visage de Mitsuko, qui n’avait jamais perdu l’habitude d’être à l’heure. Il lui avait été inculqué très jeune que la ponctualité était la base du respect, même lorsqu’elle trouvait étrange qu’un conducteur de métro s’excuse pour une minute de retard seulement, c’était la moindre des choses selon son père. Elle avait d’ailleurs été complimentée dans son supermarché parce qu’elle était la seule employée à n’avoir jamais été à la bourre, une remarque qu’elle avait trouvé étrange tellement que cela coulait de source pour elle qu’il fallait toujours avoir de l’avance. Elle avait beau être dans ce pays depuis des années maintenant, elle n’arrivait pas à se faire à l’idée qu’on puisse beaucoup moins accorder d’importance à la ponctualité ici. Mitsuko s'était donc forcément dite qu’elle risquait de se disqualifier auprès des deux colocataires, jusqu’à ce que les minutes passées devant leur immeuble ne s’accumulent. La demoiselle commença à taper du pied, elle sortit son téléphone de sa pochette pour regarder l’heure, quinze minutes s’était écoulées. Elle cessa de s’agiter quand elle cru comprendre que quelqu’un s’approchait, elle découvrit un jeune homme aux cheveux bouclés. Il l’observait presque comme s’il la connaissait, ce qui était finalement le cas puisqu’il prononça son prénom. Enfin, s’il était arrivé cinq minutes plus tard, il l’aurait raté car elle serait partie. « C’est bien moi. » La brune était à la limite d’être glaciale, ce rendez-vous étant d’une importance capitale pour elle, elle n’appréciait donc pas qu’on puisse le négliger. Il s’excusa rapidement, tout en se justifiant. Elle pouvait comprendre qu’il ait été pris par son travail, mais la seconde partie passait un peu moins bien. Il avait compté sur son colocataire pour lui ouvrir, mais peut-être sans le lui avoir communiquer puisque celui-ci n’avait pas fait l’effort d’être là avant lui. Elle crut sentir une odeur de transpiration, il s’était visiblement donné du mal pour venir au plus vite ici, elle commença à se détendre et le suivit à l’intérieur. Il se présenta comme celui qu’elle avait eut au téléphone, une preuve de plus qu’il était le plus investi des deux. « Enchantée alors, Max. D’accord. » Leurs prénoms étaient assez simples à retenir, Eden ne devait plus tarder selon lui. Il avait raison, celui-ci se pointa en courant et s’excusa à de multiples reprises. Elle avait rarement reçu autant d’excuses de la part d’un inconnu, elle accepta de lui serrer la main. « Bonjour Eden, moi c’est Mitsuko. » Mitsuko se demandait qu’est-ce qu’ils pouvaient bien faire comme boulots tous les deux, pour avoir été retenus pour les mêmes raisons. « Ça arrive. » Commenta-t-elle, préférant leur laisser le bénéfice du doute plutôt que croire qu’ils n’étaient pas sérieux.
 
Ils arrivèrent à destination, elle attendit poliment que l’un des deux lui indique qu’elle pouvait rentrer la première avant de pénétrer dans l’appartement. Elle s’avança doucement et laissa ses yeux vadrouiller à droite et à gauche, ils s’attardèrent sur le mur bleu du salon, qui lui changeait beaucoup du blanc fade qui dominait dans son logement actuel. Ils descendirent sur un piano noir, elle ne se rappelait pas avoir vu cet élément sur les photos, un premier sourire s’afficha sur ses lèvres. « Nous avons le plaisir d’avoir un musicien parmi nous ? » Elle n’avait pas pu s’empêcher de se montrer curieuse, elle adorait cet instrument et se demandait à qui il pouvait bien appartenir. La brune croisa son reflet dans un des nombreux miroirs qui ornaient le mur au-dessus du canapé. Elle eut le réflexe de replacer une de ses mèches derrière son oreille et continua son exploration. La livreuse entra dans la cuisine où le gris dominait, elle était plutôt impressionnée par le grand nombre de rangements, elle ne se souvenait pas en avoir déjà vu autant dans une location. « Il y a de quoi combler un passionné de cuisine dis donc. » Elle ne se décrivait pas comme tel, mais les rares fois où elle avait vraiment envie de se mettre aux fourneaux, elle était plutôt frustrée par le manque de place, qui ne manquait pas ici. Néanmoins avoir autant de placards ne servait pas à grand-chose s’ils s’avéraient vides, elle n’avait pas le souvenir d’avoir déjà croisé la route d’un homme aimant cuisiner alors elle ne se faisait pas trop d’illusions non plus. Il ne valait de toute façon mieux pas qu’elle trouve trop de qualités à ces deux jeunes hommes, qui allaient sûrement recevoir beaucoup de personnes après elle. Elle chassa cette idée en continuant sa route, elle tomba sur ce qui lui avait l’air d’une buanderie, les yeux de la brune s’illuminèrent. « Quel luxe d’avoir à la fois une machine à laver et un sèche-linge. » Mitsuko devait souvent se battre avec ses colocataires pour trouver de place pour ses vêtements, qui étaient plus nombreux que les leurs. Elle n’avait pas encore vu les chambres prises, qu’elle se demandait si la pièce disponible était bien dotée, ils avaient sûrement choisi les meilleures pour eux. La jeune femme n’osait pas ouvrir les dernières portes, ne sachant pas si elles la mèneraient à la salle de bain ou à autre chose, elle ne voudrait pas s’inviter dans l’intimité d’un inconnu sans y avoir été conviée, ils n’avaient peut-être même pas eu le temps y d’avoir mis de l’ordre.

Les deux jeunes hommes avaient été bien plus souriants qu’elle ne l’avait été, mais comment se détendre lorsqu’il y avait un tel enjeu à la clé ? Elle ne percevait pas de stress particulier chez eux, alors ils ne devaient pas être aussi pressés de trouver quelqu’un qu’elle ne l’était de trouver un nouvel appartement. Néanmoins, il allait falloir qu’elle se décoince un peu, si elle ne voulait pas finir par passer par une rabat-joie, elle se doutait bien qu’une demoiselle qui tire la tronche ne serait pas très vendeur. Heureusement qu’elle trouva une bonne raison de sourire naturellement, l’un de ses colocataires avait un gros point en commun avec elle, il savait jouer de la musique. Eden lui répondit et se montra plutôt  bavard, ce qui lui prouvait que ce n’était pas qu’un passe-temps comme les autres pour lui. « J’aime la musique sous toutes ses formes ou presque. » Elle mentirait si elle disait qu’elle aimait absolument tous les genres de musique, elle avait du mal avec le métal, mais elle n’imaginait pas que l’un des deux puisse en écouter régulièrement. Mitsuko se basait purement sur leurs styles vestimentaires pour l’affirmer, mais cela ne la trompait généralement pas, les amateurs de cette musique n’étaient que rarement comme les autres. « Quel est le morceau que tu joues le plus ces derniers temps ? » Il fallait qu’elle creuse un peu plus la question, elle avait toujours adoré s’intéresser aux goûts musicaux des inconnus, qui en disaient beaucoup sur eux. Mitsuko ne jugeait pas nécessaire de lui signaler qu’elle jouait des instruments ou plutôt elle omettait de le faire, parce qu’elle préférait taire tout ce qui pourrait finir par créer des questions qui l’amèneraient sur sa carrière nippone. Est-ce qu’elle perdait des points en gardant cette information pour elle ? Peut-être, mais elle aurait sûrement d’autres moyens de gagner sa sympathie que celui-ci.
 
Mitsuko avait presque instantanément regretter la remarque qu’elle venait de faire dans la cuisine, puisque Maxwell lui faisait comprendre que leur ancienne colocataire aimait faire de la pâtisserie. Étaient-ils habitués à être choyés par celle-ci ? S’ils s’attendait à avoir la même chose avec elle, ils étaient plutôt mal barrés, surtout qu’elle ne faisait pratiquement jamais de recettes sucrées. L’interrogation qui semblait désormais inévitable fut posée, elle ne tarda pas trop à y répondre. « De temps en temps, surtout pour faire des plats de mon pays, je me débrouille plutôt bien en ramen. » Il fallait bien qu’elle trouve une chose sur laquelle se vanter pas vrai ? Elle s’était beaucoup entraînée sur ce plat, qui était vendu à un prix bien plus cher ici, tous comme les autres spécialités japonaises, de quoi la motiver à s’améliorer pour retrouver les saveurs auxquelles elle était habituée. La cuisine du pays au soleil levant ne faisait pas forcément rêver tout le monde, mais au moins elle aurait essayé de titiller sa curiosité si jamais elle avait à faire à inexperimenté dans le domaine. « Si elle donne envie ça veut dire qu’elle n’a pas été laissée à l’abandon malgré le départ de votre colocataire ? » Dit-elle en croisant les bras derrière son dos. Elle serait rassurée d’entendre qu’ils se débrouillaient très bien tous seuls, ils lui paraissaient tous les deux jeunes, elle était incapable de deviner leurs âges avec précision, même si elle dirait au pif qu’ils avaient à peu près le même que le sien.
 
La demoiselle était enchantée d’entendre qu’ils avaient pensé au côté pratique, chose à laquelle ses colocataires actuels ne pensaient absolument pas. Elle se souvenait de la réflexion à laquelle elle avait eu le droit « à quoi bon avoir un sèche-linge alors qu’on a une laverie en bas de chez nous ? », comme si elle allait s’amuser à se trimballer des vêtements dehors pour les faire sécher. « C’est cool. » Répondit-il avant qu’il ne lui montra la direction de la salle de bain. Maxwell n’hésitait pas à souligner le meilleur élément de celle-ci,  presque comme s’il se prenait pour un agent immobilier. Il n’avait pas besoin de jouer au commercial, elle était déjà aux anges. Elle n’avait jamais particulièrement tenu à avoir une baignoire, mais quand elle voyait la beauté de celle qu’ils possédaient elle pourrait bien vite changer d’avis. La livreuse se voyait déjà passer du temps dans cette salle d’eau, qui devait faire le double de son actuelle. Elle avait vraiment visé le bas du panier lorsqu’elle venait de sortir de prison, sans doute parce qu’elle ne se pensait pas capable d’accéder à mieux. Mitsuko ne s’attardera pas sur les toilettes, trop pressée de voir la chambre qui était vacante. Elle fut étonnée par le fait qu’elle soit spacieuse et se demanda si les leurs l’étaient plus encore, elle n’était par contre pas très fan de la couleur. Il semblait avoir lu dans ses pensées puisqu’il lui appris qu’elle pourrait la changer dès qu’elle pourrait, chose qui était prohibée dans son logement actuel. Tout ça est trop beau pour être vrai. « Ce n’est pas une chose sur laquelle j’hésiterai. » Après tout, elle deviendrait sa pièce à elle, elle n’aurait donc pas de raisons de ne pas la personnaliser comme il se doit.
 
Elle continua son chemin jusqu’à la seule chambre qui était présentable selon les deux compères, elle eut un petit rire lorsqu’Eden la nomma humble grotte, une dénomination qui ne lui allait pas vraiment. « C’est bien trop propre et rangé pour être appelé comme ça, chez moi il y a de véritables grottes. » Des chambres dont les volets n’étaient presque jamais ouverts, en bordel constamment, de quoi l’empêcher d’avoir la moindre envie d’y mettre les pieds. Mitsuko n’était pas gênée à l’idée de casser du sucre sur les dos des hommes avec lesquels elle vivait actuellement, puisqu’elle allait de toute manière les quitter tôt ou tard. Elle avait bien remarqué que le propriétaire des lieux avait caché quelque chose hâtivement, pourvu que cela ne soit pas du crack. Elle fit comme si elle n’avait rien vu et l’écouta parler, il lui proposait de faire du thé, chose qu’elle pouvait difficilement refuser. « Je veux bien du thé vert ou aux fruits rouges s’il te plaît. » Elle savait qu’ils allaient bientôt passer aux choses sérieuses, à son interrogatoire, mais elle sentait étrangement plus détendue d’un coup. Mitsuko attendit que Maxwell ne choisisse sa place en premier, elle ne voulait pas bousculer bêtement leurs habitudes en s’installent à leurs places préférées, même si les fauteuils en velours lui faisait de l’œil.

La manière dont Maxwell avait formulé sa question aurait pu la faire rire, un instrument, comme si elle aurait pu se contenter de n’en maîtriser qu’un seul. Cependant c’était tout à fait normal qu’il n’ait pas deviné ça, puisqu’il ne connaissait rien de sa carrière nippone, mais elle ne pouvait pas se montrer honnête dans sa réponse, cela serait un manque terrible de discrétion. « Je joue aussi du piano. » Elle ne voulait pas donner le nom d’un autre instrument, pour se donner le droit de toucher à celui qui trônait dans le salon dans un futur proche, parce qu’elle savait bien que l’envie d’en toucher les touches finirait pas la démanger. Eden répondit à son interrogation, il n’avait pas besoin de préciser de qui était le morceau qu’il jouait le plus souvent, car Mitsuko s’intéressait beaucoup à Billie Eillish, une jeune artiste qui avait beaucoup de talent, qui avait eu le droit à des boutiques consacrées à son style vestimentaire dans son pays. Elle n’adhérait pas particulièrement à son look, mais elle écoutait volontiers ses chansons, plus particulièrement durant ses moments de blues. La brune était donc bien au courant que le titre était trompeur, mais elle ne pourrait pas dire s’il le jouait parce qu’il l’aimait beaucoup ou parce qu’il correspondait à son humeur du moment. Néanmoins l’air semblait avoir changé, comme si elle venait de toucher un point sensible alors que cela n’était pas son intention, elle s’abstint donc de parler davantage de ce sujet. Ils changèrent tout naturellement de conversation en se rendant dans la cuisine, un endroit qui lui donna des complexes dès qu’elle eut connaissance de la passion de leur ancienne colocataire. Maxwell lui assura qu’ils ne recherchaient pas quelqu’un qui serait à leur service, ils lui donnaient l’impression de savoir faire quelque chose de leurs dix doigts, pas comme ses bons à rien de colocataires qui ne faisaient que larver dans le canapé et de manger des repas tout faits. Ils ne lui avaient d’ailleurs pas caché que cela les arrangeraient que la seule nana de l’appart fasse à manger, comment avait-elle pu accepter de vivre avec des trouducs pareil ? Elle se le demandait. Mitsuko acquiesça d’un mouvement de tête.
 
Juste après s’être assise, elle déposa ses deux bras sur les accoudoirs, elle laissa ses doigts se familiariser à la matière du fauteuil, elle en oublia presque d’être attentive à la question de Maxwell. Il avait besoin d’avoir la certitude que l’appartement lui plaisait avant de l’interroger, elle devrait être sacrément difficile pour lui répondre par la négative. « Oui il me plaît beaucoup. » Il était difficile de croire qu’elle avait pu être choisie pour le visiter d’ailleurs, de meilleurs candidats qu’elle devait exister, mais ils s’étaient peut-être révélés plus lents qu’elle, une chance qu’elle devait saisir au plus vite. Eden avait besoin de réfléchir, mais son compère lui avait déjà sa seconde question. Elle pensa immédiatement à son somnambulisme, mais il ne serait pas bien malin de sa part d’en parler, alors elle préféra aborder un autre sujet. « Mis  à part que je ne serai pas souvent présente parce que j’ai plusieurs boulots, non. » Elle pensait que l’information qu’elle venait de donner ne pourrait qu’être positive, car cela voudrait dire qu’elle ne serait pas sur leurs dos, qu’elle serait similaire à un fantôme, mais qui avait pour avantage bien réel de payer une partie du loyer. Mitsuko fixa Eden lorsqu’il s’approcha d’eux, elle le remercia et il lui posa une interrogation bien plus directe, mais surtout plus indiscrète que celle de son colocataire, puisqu’il lui demandait quelque chose de bien précis. « Eh bien puisque tu en parles, il m’arrive justement d’avoir des horaires décalés, mais je fais toujours attention de ne réveiller personne. » Si ses colocataires s’étaient retrouvés dans cette pièce, ils se seraient sûrement mis à tousser très fort, parce qu’ils pensaient qu’elle faisait exprès de se lever en pleine nuit. Eden avait donné des renseignements sur sa personne qui indiquaient qu’il était quelqu’un de plutôt maniaque. « Je vois ce que tu veux dire. Alors même si je ne suis pas constamment à l’appartement, j’ai horreur de ne pas être prévenue lorsqu’il y a des invités, j’aime savoir si je vais tomber sur des inconnus en rentrant ou non. » C’était quelque chose qui lui paraissait normal, elle n’était pas un élément du décor, mais bien une personne vivant sous ce toit après tout. « Qu’il soit un minimum rangé, qu’on puisse y circuler facilement et surtout que l’on respecte les affaires des autres, tout particulièrement celles qui se trouvent dans le frigo. » La nourriture c’était sacré, elle ne s’embêtait pas à cuisiner des spécialités de chez elle pour ne pas en profiter. La liste des choses qu’elle détestait était bien plus longue que cela, mais elle ne voulait pas prendre de risque de tomber sur l’un de leurs défauts, ni de paraître trop chiante. « Si vous avez d’autres questions n’hésitez pas. » Elle s’empara enfin de la tasse qui lui était destinée. Quelques minutes passèrent avant que les colocataires jugent que ce rendez-vous était terminé. Mitsuko les remercia chaleureusement de lui avoir donné cette opportunité et s’en alla.