C’est plutôt logique, finalement. Depuis que je la connais Alex est de celle qui plait à tout le monde, une femme qui attire, les autres hommes se retournent vers elle dans la rue et je ne peux pas leur en vouloir, moi aussi quand je l’ai rencontré je n’ai jamais réussi à l’oublier. Je suis reste complètement obnubilé par elle toute la journée, tellement que j’en suis même arrivé à l’appeler pour lui proposer un rendez-vous le soir-même. Rendez-vous qu’elle a accepté par je ne sais quel miracle parce que disons-le, une femme comme Alex n’avait rien à faire avec un mec comme moi. Je n’étais pas à sa hauteur, à côté d’elle je faisais tâche et on pouvait aisément nous comparer à la princesse et le crapaud. Personne ne doit être réellement étonné de voir que la belle anglaise a laissé tomber le petit fermier qui n’était pas en mesure de lui apporter quoi que ce soit. Bien plus simple, moins compliqué à expliquer et moins humiliant je préfère de loin dire à tout le monde que nous nous sommes séparé. Primrose est la première personne qui connait la vérité ; abandonné comme un vieil objet dont on ne trouve plus aucune utilité. Elle a sûrement trouvé mieux, Alex. Un homme qui pourra lui apporter plus que moi, un homme plus beau, plus grand, plus fort, plus doué, plus riche, un homme à sa hauteur en somme. C’est de loin l’explication la plus logique et j’aurais dû m’y attendre mais j’ai été naïf comme d’habitude.
“Ils l’aimaient.” J’en doute un peu mais maman en a peut-être parlé un peu plus en détails avec Prim qui a elle aussi passé un peu de temps avec Alex. Elles semblaient bien s’entendre toutes les deux et voir une si bonne entente entre ma sœur et ma petite-amie me faisait vraiment plaisir. Bien sûr que tout était trop beau pour continuer sur cette lignée. “Ils l’aimaient bien. C’est juste… Tu connais maman. Elle voit souvent le pire.” Il est vrai qu’on ne peut pas dire que notre mère soit la plus optimiste. Du moins pas quand il s’agit d’avoir un avis sur les personnes qui entourent ses enfants. “Parfois elle a raison. Mais c’est parce qu’elle s’inquiète pour nous.” Je n’ai pas d’enfant je ne peux donc pas comprendre l’inquiétude que doit ressentir un parent pour ses enfants mais je peux l’imaginer en tout cas. “Elle ne vous trouvait juste pas très… compatibles.” Et le pire c’est que maman n’était pas la seule à avoir ce ressenti. Je lève les yeux au ciel agacé d’entendre cet argument une nouvelle fois. « C’est n’importe quoi. Depuis quand on doit se ressembler pour former un couple ? » Au contraire, pour moi les opposés s’attirent mais ni ma mère ni ma sœur ne semblent partager cet avis – surtout maman, en fait. Prim ne s’est pas réellement prononcée à ce sujet. “J’arrive pas à croire qu’elle ait fait ça. Vous aviez l’air vraiment amoureux… Enfin, pour ce que j’en sais.” Comme un imbécile moi aussi je croyais qu’elle était amoureuse. « Je l’étais.» Je déglutis tout en jouant nerveusement avec mes doigts. « Je le suis. » Oui car pour être tout à fait honnête j’ai encore des sentiments pour elle. Je suis encore très amoureux de cette femme et je pense que mes sentiments pour elle ne sont pas prêt à partir. «Mais ça ne devait pas être réciproque. » On ne peut pas faire mal à ce point à quelqu’un qu’on aime. C’est impossible. Je prends une grande inspiration et relève les yeux vers ma sœur. « Tu veux qu’on aille se promener quelque part ? Il te manque des meubles ou tu as tout ? » Une façon de lui faire comprendre que je ne souhaite pas prolonger cette conversation douloureuse pour moi.
« C’est n’importe quoi. Depuis quand on doit se ressembler pour former un couple ? » Caleb ne semble pas vraiment me poser la question - c’est en tout cas comme ça je perçois son léger coup d’éclat qui suffit à me faire redresser les sourcils sur mon front. Caleb s’énerve rarement, il se contente de marmonner dans sa barbe mais il n’éclate pas. C’est assez étrange de le voir réagir de la sorte mais je suis sa soeur ; ce n’est pas non plus la première fois que je le vois être comme ça. Il n’est pas parfait, il n’est pas un petit ange qui dit toujours ce qu’il faut avec tous les bons sentiments du monde. C’est plaisant de se le répéter, par moment. Cependant, je reste silencieuse car je n’ai aucune idée de la réponse que je peux lui apporter. Il parait que les contraires s’attirent mais qui se ressemblent s’assemblent. C’est à ne rien y comprendre. Au mieux, j’aurai pu lui dire ce qu’il voulait entendre mais je ne suis même pas sûre que ça aidera quoique ce soit. Je n’ai pas toutes les cartes en main, encore moins le visuel sur toute la situation alors je me contente de boire mon café à petites gorgées - ce qui fait me sentir quasiment comme une adulte. A mon sens, Alex n’était pas du même monde que nous. Même si leur histoire avait l’air jolie et que je l’ai enviée parce que mon frère semblait très heureux, est-ce que maman n’avait pas raison de se méfier ? Preuve en est que si, finalement.
« Je l’étais.» « Je le suis. »
Il n’y a aucun manuel qui explique comment répondre face au désarroi d’un membre de sa famille. On n’apprend pas à l’école à être empathique, à avoir les bons mots au bon moment, à être délicat et compatissant. Le résultat est que je suis un peu dépassée et que je me sens complètement cruche de ne pas savoir quoi répondre. Alors je préfère penser que Caleb n’attend pas de réponse de ma part. Je suis sa safe space pour qu’il puisse évacuer après des semaines de mensonge sur la véritable façon dont s’est terminée leur histoire. « Mais ça ne devait pas être réciproque. » “Dis pas ça…” Que je marmonne maladroitement - Alex était en adoration envers Caleb, même moi, j’ai réussi à le voir. J’ai un bref petit côté optimiste qui ne veut pas croire que le passé est aussi morne que mon aîné souhaite me le dépeindre. « Tu veux qu’on aille se promener quelque part ? Il te manque des meubles ou tu as tout ? » Sujet de conversation complètement détourné et j’en suis presque soulagée car les peines de cœur ne sont pas mon domaine de prédilection. Alors je secoue la tête avec énergie. “Bien sûr. J’ai toute la ville à apprendre de toute façon.” J’ai pas mal de meubles puisque ce sont ceux de la vieille dame mais je ne dis jamais non à un peu de shopping - même s’il va falloir que je me trouve un travail rapidement. Je finis mon café avant de me lever en remettant mon sac sur mon épaule. “Je suis prête si tu l’es.” Tant qu’à être là, autant en profiter pour le distraire en m’emmenant là où je peux prendre mes marques. En espérant pouvoir profiter de mon frère sous de meilleurs jours à Brisbane.