« On fait rien de mal. » Bien sûr que si. Evidemment qu’ils faisaient n’importe quoi. Et bien entendu qu’ils le savaient aussi bien l’un que l’autre. Mais les potentielles répercussions lui semblaient trop lointaines pour être réalistes. Elles étaient bien moins concrètes que le front de Seth contre le sien, que sa main dans le bas de son dos, que son souffle contre son visage. Son éclair de lucidité avait le mérite d’exister, mais sa durée de vie n’avait été que de quelques secondes. Il ne lui avait pas fallu plus que ça pour balayer d’un revers de main d’éventuels scrupules et venir retrouver ses lèvres. Elle n’avait de comptes à rendre à personne et elle n’avait pas de temps à consacrer aux conséquences de leurs actes quand son corps tout entier cherchait avec avidité la chaleur de celui de Seth, et quand ses doigts s’appliquaient à le débarrasser de son T-shirt pour pouvoir mieux s’attaquer au bouton de son jean. Elle ne profitait des moments où il la laissait respirer que pour mieux laisser ses lèvres se perdre avec ardeur sur sa peau. Ca n’était pas l’endroit. Ca n’était pas le moment. Et ca n'était définitivement pas la personne avec qui commettre ce genre d’erreurs. Quand l’accumulation de toutes ces informations auraient fait fuir la plus insensée des personnes, Theo de son côté ne s’en sentait qu’un peu plus attirée encore par lui. Parce que le goût de l’interdit avait cette saveur rare et toute particulière qui lui faisait oublier tout filtre et toute barrière ayant pu subsister dans son esprit. Pour l’instant Seth était le seul qui occupait ses pensées. Il n’y avait qu’eux deux et ce besoin impétueux de répondre à ses envies et de se laisser revivre sous ses caresses jusqu’à se persuader qu’ils ne faisaient effectivement rien de mal.

Combat, course poursuite et sexe. Sa journée était résolument productive et le sourire de Theo en disait long quant à la satisfaction qu’elle éprouvait alors qu’elle finissait de se rhabiller. Elle passa sa main dans ses cheveux, venant les ramener sur un côté de son épaule afin d’effacer toute preuve physique de ce qui venait de se passer. Elle était déjà plutôt contente d’avoir remis la main sur ses sous-vêtements, bien qu’imaginer la tête qu’un employé aurait pu faire en les découvrant par inadvertance ne manquait pas de la faire sourire. « Allez, viens. » Elle l’observa quelques secondes dans l’encadrement de la porte avant de le rejoindre, ses doigts s’entremêlant aux siens avant la phase finale qui leur permettrait de s’éclipser et de mettre toute cette histoire derrière eux. Theo ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil en arrière en direction du toit, comme si elle pouvait encore y voir la silhouette avachie du vigile. Ils parvinrent à rejoindre aisément les couloirs du cinéma et à se fondre dans la foule. « C’en est presque décevant que ce soit aussi simple. » Parce qu’il n’y avait rien de mieux et de plus galvanisant que d’être à deux doigts de se retrouver dans une sérieuse mauvaise posture, non ? « Tu me prêtes ton téléphone? » La main qu’il posa dans le bas de son dos lui fit l’effet d’une légère décharge électrique. Elle stoppa leur course pour venir se placer face à lui le plus naturellement du monde, son visage volontairement très proche du sien quand elle demanda avec curiosité : « Pourquoi ? La fête est finie et t’as besoin d’appeler ton carrosse pour rentrer chez toi Cendrillon ? » Elle ne lui laissa pas le temps de répondre avant de venir ponctuer sa provocation d’un baiser probablement un peu trop insistant et démonstratif pour passer complètement inaperçu en public. Parce que c’était trop facile. Parce qu’elle crevait d’envie de s’attirer des ennuis. Parce que Maisie ne devait pas être loin et qu’elle avait ressenti le besoin de prolonger encore un peu ce sentiment de danger dans lequel ils s’étaient confortablement installés. Sa main vint finalement récupérer l’objet demandé dans la poche arrière de son jean pour venir le déposer dans la paume de Seth avant qu’elle ne daigne se détacher de ses lèvres et de lui pour reprendre leur chemin vers la sortie. Elle avait beau lui avoir posé la question de manière ironique, elle se demandait bel et bien ce qu’il pouvait bien vouloir à son téléphone. Et surtout ce qu’il avait fichu du sien.

« C’en est presque décevant que ce soit aussi simple. » Jamais contente celle-là. Tu lèves les yeux au ciel alors que vous vous faufiler en douce au travers de la foule qui se précipite vers la sortie. Elle n'a quand même pas tort. C'est trop facile. C'est pas dommage que ce soit trop facile. C'est juste que ça annonce jamais rien de bon. C'est là qu'on finit par baisser notre garde et qu'on finit par se faire poignarder dans le dos. Soyons honnête, la seule personne qui pourrait te poignarder là maintenant, c'est Theodora. À moins que tu ne le fasses avant elle. Les paris sont lancés; ce sera elle ou toi le premier à le faire ? Tant de suspense. Il ne faudrait quand même pas te sous-estimer. Il y a longtemps que tu es passé expert en la matière. Elle s'arrête face à toi lorsque tu lui demande son portable. Encore à jouer les arrogantes. Elle ne risque pas de faire ce que tu lui demandes. Elle est pas très obéissante celle-là, faudrait peut-être essayer cette connerie de psychologie inversé. « Pourquoi ? La fête est finie et t’as besoin d’appeler ton carrosse pour rentrer chez toi Cendrillon ? » Quoi ? La fête n'est pas finie ? Elle a envie de la poursuivre ? Où ? Quand ? Comment ? Elle ne te laisse toutefois pas le temps de répliquer quoique ce soit qu'elle te cloue le bec d'un baiser assez insistant pour que quelques personnes vous bousculent au passage. C'est que vous êtes en plein milieu du couloir alors qu'une foule tente de sortir. Elle choisit le meilleur moment, évidemment. Les démonstrations publics, pas trop ton genre. Surtout quand tu cours sur plus d'un terrain à la fois, mais c'est pas pour autant que tu vas la dégager. Pas au premier jour. Le manque de classe et de respect ça vient au trois ou quatrième date. Qu'elle en profite. Lorsqu'elle éloigne son visage du tien, elle pose quand même l'objet de ta demande entre tes mains avant de te tourner dos. Tu n'y croyais pas. Ton regard se pose quelques secondes sur l'écran avant de relever la tête pour suivre les pas de Theodora qui continue la marche vers la sortie. Tes doigts pianotent rapidement sur l'écran avant de remettre l'appareil entre les mains de la blonde. La page est ouverte sur un contact. Le tien que tu viens d'ajouter. Elle en fera bien ce qu'elle veut. Qu'elle t'appelle, qu'elle t'écrive, qu'elle t'ignore, peu importe ce qu'elle fait ou ne fait pas, ce sera de la faute et pas de la tienne. Toujours mieux de donner le numéro à la fille et non prendre le sien, comme ça, elle n'a pas d'attente. Elle te reproche pas de pas l'avoir rappelé ou juste d'avoir mis trop de temps à le faire. Tous les problèmes que tu peux éviter, tu le fais - ou tente de. Et puis, t'es plus doué pour répondre que pour simplement penser à rappeler une fille. Ouais, penser, c'est trop te demander. « Appel-moi la prochaine fois t'as envie de faire une connerie Emma. » Et par ça, tu entends plus de baiser dans un cinéma que de courir le risque de te faire casser la gueule par le mec de la sécurité. Mais bon, on prend ce qui passe. Tu lui adresses un clin d'œil alors que ton sourire fend ton visage avant de disparaître dans les noirceurs de la ville. Theodora, ce serait bien que tu te souviennes vraiment de son prénom la prochaine fois - s'il y a lieu. Elle est mieux de ne pas mettre trop de temps avant de te rappeler si elle veut pas te faire briser ta fameuse promesse en deux semaines.