And if we're going down in flames, take a bow for the bad decisions that we made @Seth Moriarty

Flânant déjà depuis deux bonnes heures sur le port, Theo s’était finalement dirigée vers un ponton laissant apparaître devant ses yeux un étalage de luxe parfaitement indécent et qui revêtait la forme de plusieurs bateaux proches de miniatures du Titanic. Plus petits certes. Mais néanmoins tout aussi équipés et luxueux. Elle leur souhaitait d’ailleurs de connaître la même fin, persuadée que cela n’allait pas émouvoir plus que de raison leurs propriétaires qui auraient bien vite fait de dépenser quelques nouveaux millions dans d’autres préoccupations matérielles de la plus haute importance. Cette pensée là avait dû occuper son esprit environ 2 minutes avant que ce dernier ne se laisse à son tour divaguer à d’autres préoccupations de la plus haute importance. Son regard était fixé sur les bateaux ; pourtant sa tête était ailleurs. Ca n’était pas son air perpétuellement énervé et provocateur qu’on retrouvait sur son visage ce jour-là, mais plutôt une expression confuse et mal à l’aise. Rares étaient ceux qui avaient déjà eu l’occasion de l’apercevoir aussi tourmentée, elle qui n’avait pas pour habitude de se montrer vulnérable d’une quelconque manière que ce soit. Elle jeta un coup d’œil à son téléphone et constata que l’heure du rendez-vous qu’elle avait donné à Seth venait de sonner. Pas encore en retard, mais ça ne saurait tarder. Elle avait de son côté eu besoin de venir en avance ne serait-ce que pour prendre l’air et tenter de se changer les esprits au sujet de ce qui l’attendait. Cela lui laissait aussi l’opportunité de peser le pour et le contre et de potentiellement décider de faire demi-tour au dernier moment. N’était-ce pas d’ailleurs ce qu’elle avait précisément envie de faire ? Se barrer tant qu’elle le pouvait encore et vivre dans le déni jusqu’à la fin de ses jours ? Enfin, en l’occurrence, dans sa situation le déni avait une date de péremption. Qui approchait beaucoup trop vite pour son cerveau qui ne parvenait pas à prendre conscience de la merde dans laquelle elle s’était mise. Enfin à vrai dire, ils étaient deux à être parvenus à se mettre dans ladite merde. Et c’était pour cette raison qu’elle avait donné rendez-vous à Seth. Parce qu’à défaut d’avoir un quelconque droit de lui dicter le comportement à adopter (qui était de toute manière déjà décidé), il se devait au moins d’être au courant pour qu’elle puisse lui faire porter une partie de sa culpabilité. Elle n’avait aucunement l’intention d’assumer cette situation toute seule. Ça ne l’empêcha toutefois pas d’effectuer inconsciemment un pas en arrière, prête à faire demi-tour, avant de réaliser qu’il avait fini par la rejoindre. Son regard toujours posé sur le bateau qui lui faisait face, elle n’avait même pas pris la peine de se retourner pour vérifier que c’était bien lui. A croire que l’assurance dont il faisait preuve émanait si fort de sa personne qu’elle se suffisait en elle-même pour le reconnaître. « Celui-là. » Son visage effectua un léger mouvement en direction d’un des bateaux avant de rappeler à sa mémoire le SMS qu’il lui avait envoyé concernant le lieu de rendez-vous qu’elle avait choisi. « Pour le yacht à mon goût. Bon choix, non ? » Un si bon choix que dans d’autres circonstances elle lui aurait probablement proposé une excursion improvisée sur le yacht en question pour vérifier ce qu’il en était. Mais elle ne l’avait pas fait venir pour ça. Le port était un endroit comme un autre pour lui annoncer la mauvaise nouvelle qui l’attendait. La blonde se retourna pour lui faire face, l’observant silencieusement un instant, presque jalouse de la parfaite ignorance qui se lisait sur les traits de son visage mais qui ne tarderait pas à les quitter. « La dernière fois qu’on s’est vus…t’aurais pas oublié un truc ? » ? En omettant de préciser qu’elle avait tout autant oublié "le truc" en question que lui. Il n’y avait pas de bonne manière de lui annoncer les choses, mais pourquoi se sentait-elle obligée de jouer aux devinettes ? Peut-être parce qu’elle n’avait pas envie de lui annoncer qu’elle était enceinte. Peut-être parce que le dire à voix haute rendrait automatiquement l’information véridique et très concrète. Beaucoup trop concrète pour elle qui n’avait qu’une envie : pouvoir continuer de se ficher de tout et de prendre les choses à la légère.

T'as pas trop chercher à comprendre ce qu'elle voulait Theodora malgré son lieux de rencontre qui sort de l'ordinaire. Elle a sûrement quelque chose derrière la tête. Peu importe ce qu'elle a prévu, t'es convaincu que vous allez bien vous éclater. Elle est imprévisible Theo. Tu l'a facilement remarquer lors de votre première rencontre. L'imprévisibilité ne peut qu'apporter une excellente soirée - quel con naïf. T'es à peine en retard lorsque tu arrives sur le pont. Il te suffit que de quelques pas au travers des bateaux pour repérer sa tignasse blonde au milieu de nul part. « Celui-là. » qu'elle annonce alors que tu arrives à sa hauteur. Elle ne prend même pas le temps de te regarder. Elle a les yeux bien fixé sur le bateau de luxe juste devant elle. Elle est bizarre Theo. Ce petit quelque chose qu'elle avait au fond des prunelles, c'est plus là. Elle était défoncé la dernière fois ? Peut-être bien. Un coup sobre, c'est plus la même. Tu comptes pas perdre ton temps avec elle si finalement elle est emmerdante. T'es pas là pour l'entendre chialer. C'est quand même dommage. Elle te plaisait bien. Au vu su déroulement de la dernière soirée, ça semblait réciproque. « Pour le yacht à mon goût. Bon choix, non ? » - « Excellent choix. » Même le plus moche du port restait un excellent choix. Même le plus minable d'entre eux restait hors de tes moyens. Même pas proche de pouvoir frôler l'idée de posséder une telle embarcation. Tu fais quelques pas vers la droite, puis vers la gauche. Personne ne semble être à bord. Le port est également désert, même si elle aurait dû opter pour une heure plus tardive. Avec la noirceur, il y a toujours moins de chance de se faire surprendre dans les mauvais coups. À voir son air absent sur son visage, elle a pas réfléchi a grand chose avant de te donner rendez-vous ici. Elle a besoin de s'envoyer en l'air sur un yacht hors de prix pour se changer les idées ? Parfait, t'es l'homme de la soirée. Tu pourras filer en douce juste après l'acte, juste avant qu'elle se vide le coeur sur ce qui la tourmente. Pas intéressé à en savoir plus. « On devrait - » - « La dernière fois qu’on s’est vus…t’aurais pas oublié un truc ? » -pouvoir monter par là. Tes sourcils se froncent devant la tête qu'elle fait. Quoi ? Oublié quoi ? Qu'est-ce qu'elle veut dire ? T'as rien oublié. Tu t'en serais rendu compte. Oublié de lui dire quelque chose ? C'est de ça qu'elle veut parler ? C'est fort possible. En même temps, elle a pas vraiment chercher à en savoir plus, alors… Maisie lui a raconté quoi comme connerie ? Sûrement que tu allais lui refiler une clamydia. « Non, tu devrais pas écouter c'que ma soeur te raconte. » Pour toi, le sujet est déjà clos. Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? C'est pas comme si t'avais envie d'en parler de toute façon. « On monte ou quoi ? Avant que ta patience commence à s'effriter ? C'est pour ça que vous êtes là, non ? Pour introduire illégalement sur le navire et certainement pas pour parler de ce que t'as pas oublié.

« Excellent choix. » Silencieusement, les bras croisés sur la poitrine, elle l’observa faire quelques pas d’un côté puis de l’autre pour vérifier s’il y avait quelqu’un à bord du yacht qu’elle venait de désigner. Dans d’autres circonstances, elle se serait probablement réjouie qu’ils aient les mêmes idées indécentes et interdites. Mais elle avait un autre problème à gérer ce soir-là et elle avait l’intention de lui en faire part le plus rapidement possible. Elle n’était pas là pour s’amuser…non…ça ils l’avaient bien fait la dernière fois et elle voyait où ça les menait aujourd’hui. Enfin, la bonne nouvelle restait qu’au moins elle ne pourrait pas tomber une deuxième fois enceinte. Joie. « Non, tu devrais pas écouter c'que ma soeur te raconte. » Un sourire sarcastique vint se dessiner au coin de ses lèvres alors qu’elle secouait la tête, incrédule face à cette remarque. Il ne croyait pas si bien dire. Theo aurait au contraire mieux fait d’écouter Maisie qui lui avait suffisamment rapporté ses frasques pour lui permettre de prendre une décision éclairée. Une décision mature et sage. Mais non, elle avait préféré faire une belle connerie en connaissance de cause. Mais qui est-ce que ça étonnait finalement ? « On monte ou quoi ? » Oh il commençait à s’impatienter ? Il n’allait clairement pas être déçu par la suite de la soirée. « Non, on monte pas. » Elle décroisa les bras et les laissa tomber le long de son corps. Son agacement se sentait dans sa façon d’être : des picotements qu’elle ressentait dans le bout de ses doigts jusque dans ses pas décidés en direction de Seth pour réduire la distance qui les séparait. Pour une fois dans sa vie, il allait écouter très attentivement ce que son interlocuteur s’apprêtait à lui annoncer. « Il est pas question de Maisie ici. Plutôt de notions élémentaires et des cours d’éducation sexuelle auxquels t’aurais dû te montrer plus attentif. » Oh elle était bien consciente de la part de responsabilité qu’elle avait dans l’affaire, mais elle se sentait suffisamment seule à devoir en porter les conséquences pour ne pas se rajouter une part de culpabilité en plus. « Félicitations Seth. » Son regard s’était fait plus méprisant alors que tout dans sa gestuelle hurlait qu’elle aurait préféré être n’importe où plutôt qu’à cet endroit précis à lui annoncer cette information. Ses muscles étaient tendus, les traits de son visage crispés. « Tu vas être papa. » Son ton était tranchant et sans appel. Prononcer ces mots lui donnait envie de vomir. Son expression ne laissait planer aucun doute quant au sérieux de ses propos. Ca n’était pas une plaisanterie de mauvais goût….enfin si : la blague de merde était réelle et Theo était bel et bien en train de la vivre en direct. « Tu voudras qu’on demande à Maisie d’être la marraine ? » Elle n’avait pas pu retenir ce trait d’esprit mesquin, bien consciente que cela ne dédramatiserait en rien la situation. Ca n’était de toutes façons pas son attention si l’on considérait le mépris avec lequel sa question lui avait échappé. Elle savait déjà pertinemment que cette discussion ne pourrait pas avoir une quelconque conclusion productive et sereine, alors autant envenimer les choses tout de suite, non ? Et évidemment qu’elle n’en voulait pas de ce bébé. Elle n’avait même pas pris la peine de le préciser tant son attitude lui semblait suffisamment claire pour permettre à Seth de connecter ses deux neurones restants pour le déduire lui-même. Ce qu’elle voulait, c’était qu’il prenne ses responsabilités, se montre adulte et un minimum présent pour les étapes suivantes. La simple idée d’avorter filait des sueurs froides à Theo. Elle avait été capable d’affronter beaucoup d’épreuves jusqu’à présent, mais celle-ci lui semblait insurmontable seule alors qu’elle refusait toujours le résultat des tests de grossesse qu’elle avait faits. Elle ne voulait pas de la pitié ou une compassion sans limite. Elle voulait juste qu’il soit là. Il pourrait bien se barrer où il voulait après ça.

« Non, on monte pas. » Hen ? Et pourquoi pas ? Qu'est-ce que vous foutez ici si ce n'est pas pour monter à bord ? Elle veut aller se baigner dans la mer ? Ça peut aussi se faire. Qu'elle commence juste pas dire ce qu'elle veut, ce serait un très bon début. Les femmes sont tellement chiantes à vouloir toujours qu'on devine tout. Bah on est pas devin. Désolée de vous l'apprendre. Ton agacement devant le silence de Theodora ne fait qu'augmenter et elle l'a très bien remarqué. Elle le fait sûrement exprès de te faire mijoter encore un peu plus. Ouais c'est sûrement ça et certainement pas parce que c'est difficile. « Il est pas question de Maisie ici. Plutôt de notions élémentaires et des cours d’éducation sexuelle auxquels t’aurais dû te montrer plus attentif. » 1+1=2, ça tu sais encore. Tout comme tu es capable d'emmagasiner ces deux dernières phrases et de faire des liens. T'as pas encore fait le bon lien, mais c'est quand même très proche. Elle parle du préservatif. C'est ça le truc que tu as oublié la dernière fois. Tu avais même oublié que tu avais oublié, mais l'information revient bien assez vite dans ta tête. « Félicitations Seth. » Clamydia ? VIH ? Qu'est-ce qu'elle va sortir ? Peu importe ce que s'est, t'es déjà prêt à faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre. T'es clairement pas le premier mec qu'elle se tape sans capote. « Tu vas être papa. » C'était mieux le VIH. Ton regard reste fixé quelques secondes dans le sien. Son visage est fermé, sérieux, alors que le tien ne démontre absolument rien. C'était plus marrant quand c'est Murphy la menteuse qui le disait. Ce l'est moins devant Theodora qui semble parfaitement sérieuse. Mais au fond, tu ne la connais pas vraiment. C'est peut-être une putain de menteuse elle aussi. Sauf qu'il y a encore l'argument capote manquante qui joue en faveur de la vérité. C'est pas possible de s'envoyer en l'air une fois et de faire un bébé, si ? C'est évident que cette grossesse surprise ne semble pas être une belle surprise pour la blonde. Ce serait quand même bien qu'elle le dise à voix haute, qu'elle dise clairement qu'elle va se charger de tuer ce morveux qui pousse dans son ventre.  « Tu voudras qu’on demande à Maisie d’être la marraine ? » Un mariage avec ça ? Elle joue les arrogantes. Elle n'est pas sérieuse. Maisie est sûrement la dernière personne à qui elle voudrait confier cette information. Elle ne devrait pas jouer à ce jeu là avec toi. T'es bien meilleur qu'elle. Jouer les cons, ta spécialité. « J'ai une autre soeur. J'préférerais que ce soit elle. » Dans le simple but de faire rager Maisie évidemment. Elle serait ravie de se faire détrôner par une gamine. C'est presque dommage que cette discussion ne soit pas sérieuse. Presque. Enfin, non, faut pas exagérer quand même. Même faire rager Maisie à ses limites. « Ça va faire plaisir à ma mère. » Et le pire c'est que c'est vrai. C'est pas tellement un compliment. Les exigences de Madelyn sont très basses. Elle serait sûrement plus qu'heureuse de voir une fille comme Theodora porter son petit-enfant. Faut se méfier de son petit air angélique. C'est une garce comme toutes les autres. Sinon, elle t'aurait pas intéressé. Non, elle t'intéresse déjà plus depuis qu'elle porte ton enfant - enfin, ça c'est ce qu'elle raconte, ça reste encore à prouver. Le désintéressement semble tout aussi partager. « Tu vas adorer les repas d'famille chez les Moriarty. » Tu devrais sans doute apprendre à fermer ta gueule. Le fait qu'elle connaisse vraiment ta soeur lui donne accès à bien trop d'informations que tu ne lui aurais jamais donné en temps normal. Mais là, c'est le moment où Theo est le plus adulte de vous deux et qu'elle prononce le mot avortement. Ça te fera plaisir de lui envoyer quelques suggestions de clinique.

Son regard à la fois perdu et a priori sous le choc laissait au moins présager du fait qu’il prenait la nouvelle au sérieux. Pas qu’il allait la traiter sérieusement…mais que la tête de Theo était somme toute assez claire pour lui faire comprendre qu’il ne s’agissait pas là d’une blague qu’elle était en train de lui faire. Dans d’autres circonstances, elle aurait payé cher pour voir Seth avoir l’air aussi désemparé. Mais vu qu’elle portait en elle la raison de son désarroi, elle n’était pas dans les meilleures conditions pour profiter pleinement du spectacle. « J'ai une autre soeur. J'préférerais que ce soit elle. » Sa mâchoire se crispa instantanément alors qu’elle tentait de masquer le fait qu’elle était sur le point d’exploser d’une seconde à l’autre. Evidemment qu’il allait jouer au plus con. Elle aurait du s’en douter et s’abstenir de faire une quelconque remarque alors que le sujet était aussi sérieux. Et elle aurait surtout dû s’abstenir de coucher avec lui ; il était là le vrai problème. « Si je le porte neuf mois, je pense que je suis en droit de prendre cette décision. » A quoi est-ce qu’elle jouait exactement ? Pourquoi continuait-elle de rentrer dans son jeu alors qu’elle n’avait qu’une seule envie : régler ce problème le plus vite possible. Et pourquoi s’était-elle sentie obligée de mentionner Maisie alors qu’elle était la dernière personne à vouloir mettre au courant de toute cette histoire ? « Ça va faire plaisir à ma mère. » Elle allait le tuer. Ca ne règlerait pas le problème mais ça la soulagerait grandement, et c’était déjà quelque chose. « Super Seth. Neuf mois de préparation et dix-huit ans d’engagement pour faire plaisir à ta mère. Très rentable comme calcul. » Et puis quoi maintenant ? Ils allaient continuer de se provoquer jusqu’au lendemain ? Voir qui craquerait en premier ? Theo allait craquer en premier. Ou bien les os de Seth allaient craquer en premier. Oui. Cette option là semblait de plus en plus probable et satisfaisante. « Tu vas adorer les repas d'famille chez les Moriarty. » Elle réduisit instinctivement un peu plus la distance qui les séparait. « J’ai hâte. J’ai toujours rêvé d’avoir des frères et sœurs, de faire partie d’une famille nombreuse. Je pensais pas fonder ma propre famille aussi tôt mais… » Elle parvenait presque à avoir l’air sincère dans son discours…Elle était prête à aller loin pour le faire enrager. Pour le rendre aussi furieux qu’elle ne l’était elle-même depuis qu’elle avait fait ses foutus tests de grossesse. Mais les traits de son visage étaient déjà à nouveau crispés et sévères. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien en avoir à foutre d’une famille nombreuse ? Être enfant unique et bénéficier de toute l’attention de son père (à défaut d’être parvenue à accaparer celle de sa mère) lui avait toujours convenu. Elle ne voulait pas faire partie de la famille de qui que ce soit, encore moins avoir la sienne. Les poings serrés, Theo fulminait et son angoisse finit par prendre le dessus sur cette bataille tacite et ridicule qu’ils étaient en train de mener l’un contre l’autre : « Putain Seth ! Tu sais très bien que j’en veux pas de ce bébé et toi non plus. » Parce qu’ils étaient deux égoïstes qui préféraient continuer de faire leurs conneries chacun dans leur coin sans avoir la responsabilité d’un autre être humain à assumer. Comment deux personnes qui se comportaient comme des enfants auraient-elles pu être en mesure d’en avoir un ? « Alors c’est quoi la suite maintenant ? T’as l’intention d’en plaisanter jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour remédier au problème ? C’est ça que tu veux ? » Evidemment que non. Pas plus qu’elle. « Parce que je te rappelle que le temps est littéralement compté dans notre cas. » Alors prends tes responsabilités et me laisse pas traverser les étapes suivantes toute seule. Il était au moins aussi égoïste qu’elle en temps normal…mais cette situation étant justement tout sauf normale, Theo avait envie de croire qu’il ferait un effort. Elle avait besoin de croire qu’il allait faire un effort. Elle refusait catégoriquement qu’il en soit autrement et qu’elle se retrouve seule dans une clinique aseptisée.

« Si je le porte neuf mois, je pense que je suis en droit de prendre cette décision. » Ah, elle continue son petit manège ? Très bien. Tu peux continuer encore longtemps à jouer le mec qui se fout pas du gosse qu'elle porte. D'abord, le choix de la marraine qui revient clairement à ta demi-sœur qui vit sur un autre continent. « M'ouais, mais avec l'autre, on aurait des plus gros cadeaux. » De quoi les revendre et les fumer, donc. Les priorités. C'est pas le temps de jouer les sentimentales. Les gosses, une manière comme une autre de se faire un peu de fric, non ? Non. « Super Seth. Neuf mois de préparation et dix-huit ans d’engagement pour faire plaisir à ta mère. Très rentable comme calcul. » Donc elle ne compte pas faire plaisir à sa mère ? Qui aurait cru que tu étais un meilleur enfant qu'elle. À quel moment est-ce qu'elle arrête de jouer ? Jamais ? Très bien. C'est pas comme si tu comptais la revoir après aujourd'hui. Enfin, pas tant qu'elle porte cet intrus en elle. Theo enceinte, elle est plus intéressante.  « J’ai hâte. J’ai toujours rêvé d’avoir des frères et sœurs, de faire partie d’une famille nombreuse. Je pensais pas fonder ma propre famille aussi tôt mais… » Mais elle pouvait pas savoir que son chemin allait si rapidement croiser celui d'un idiot à la tête en l'air dont les pulsions surpassent la raison. La chance qu'elle a de voir son rêve réaliser si hâtivement. Et elle pète les plombs dans trois, deux, un… « Putain Seth ! Tu sais très bien que j’en veux pas de ce bébé et toi non plus. » C'était évident à la tête qu'elle fait, mais c'est pas faux de dire que tu as soupiré mentalement de soulagement. C'est le genre d'évidence qu'on a quand même envie d'entendre à voix haute. Si elle pourrait te montrer la confirmation de son rendez-vous à la clinique d'avortement, ce serait encore mieux. Si elle a envie de t'envoyer une photo du fœtus aspiré, doublement mieux. « Alors c’est quoi la suite maintenant ? T’as l’intention d’en plaisanter jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour remédier au problème ? C’est ça que tu veux ? » Quoi la suite ? C'est pas évident c'est quoi la suite ? « Parce que je te rappelle que le temps est littéralement compté dans notre cas. » Pourquoi est-ce qu'elle te mêle à tout ça ? Y'a pas le dicton de féministe à la con : son corps, son choix. Bah, c'est ça. Son corps, son problème. Qu'elle se démerde. « Quoi ? T'as besoin d'aide pour trouver la meilleure clinique d'avortement de la ville peut-être ? » Elle croit que t'es un expert en la matière ou quoi ? Ouais, c'est surprenant. C'est pas le cas. C'est la première fois qu'tu fous une fille enceinte. Ou c'est la première fois que tu en es informé - plus probable, ouais. « J'ai pas d'thunes. Tu te démerdes. » Ah ouais, c'est peut-être ça qu'elle veut. Que tu paies ce petit service médical dont elle t'accuse injustement d'être le centre du problème. Désolé ma belle, un bébé, ça se fait à deux. C'est autant de sa faute que de la tienne. Même plus de la sienne. La pilule du lendemain, elle connaît ? Visiblement pas. Elle va connaître à partir de maintenant. De toute façon, qu'importe ce qu'elle choisit de faire, ça ne change rien à ton implication inexistante dans le projet.

« M'ouais, mais avec l'autre, on aurait des plus gros cadeaux. » Pourquoi fallait-il qu’il soit si doué et tenace pour jouer au con ? Theo aurait certainement été capable de lui tenir tête en temps normal. Elle aurait même apprécié la situation. Mais là elle avait surtout besoin de réponses sérieuses et d’une solution, et leur discussion ne prenait clairement pas la bonne direction pour les lui apporter. Ses phalanges repliées sur elles-mêmes, ses ongles étaient sérieusement en train d’attaquer la paume de sa main alors qu’elle tentait de conserver encore un semblant de calme. Mais pourquoi faire finalement ? Admettant enfin qu’ils n’iraient nulle part avec leur ironie légendaire, Theo avait fini par craquer la première et avait réorienté la discussion sous un angle beaucoup plus sérieux et terre à terre. « Quoi ? T'as besoin d'aide pour trouver la meilleure clinique d'avortement de la ville peut-être ? » Bien qu’elle soit persuadée qu’il ne faisait strictement rien de ses journées et qu’il n’était retenu par aucune quelconque sorte d’obligations, elle était prête à lui demander son putain d’emploi du temps pour trouver rapidement une date pour qu’ils puissent se rendre à la clinique ensemble. Non elle n’avait pas besoin de l’aide de quiconque pour trouver la clinique. Elle avait juste besoin de quelqu’un pour la soutenir pendant un moment qu’elle n’aurait jamais imaginé devoir un jour affronter. Assumer les conséquences de ses actes n’était pas quelque chose dont elle avait l’habitude, et si elle était bien consciente des multiples risques qu’elle avait pris en couchant avec Seth sans se protéger, elle avait préféré vivre dans le déni tant qu’elle l’avait pu et imaginer qu’elle passerait entre les mailles du filet comme tant d’autres avant elle. Well well well. Regarde-toi maintenant blondie. Tes multiples tests de grossesse positifs te conseillent de changer de stratégie pour la prochaine fois. Mais était-ce vraiment trop demander que de vouloir que Seth assume au moins toute cette histoire jusqu’au bout avec elle ? Cet abruti ne comprenait-il vraiment pas ce qu’elle voulait ? « J'ai pas d'thunes. Tu te démerdes. » Surprise, elle avait eu un léger mouvement de recul en arrière. Et puis son corps avait fini par percuter bien avant son cerveau sur la violence et le désintérêt le plus total dont il faisait preuve face à sa situation. Et autre chose n’allait pas manquer de percuter à présent. Son poing. Dans la gueule de Seth. Le geste avait été aussi rapide que précis. Il relevait du réflexe. Theo avait l’habitude de faire mauvais usage des sports de combat qu’elle pratiquait, mais elle n’avait pourtant même pas eu le temps de réaliser ce qu’elle était en train de faire cette fois-ci. Est-ce qu’elle regrettait son geste ? Certainement pas. Jamais. Les doigts de sa main droite déjà bien repliés sur eux-mêmes et en position, son bras s’était soulevé et son poing s’était dirigé avec une dangereuse obstination en direction du nez de Seth. Elle avait souri intérieurement au moment de l’impact en entendant le son caractéristique qui précédait bien souvent l’annonce d’une fracture. Oh, elle espérait bien qu’il était cassé son foutu nez. Mais elle avait conservé le silence en l’observant encaisser la surprise et le coup. Il manquait quelque chose…elle n’était pas encore complètement satisfaite face à cette situation. Et puis le sang avait fini par couler en trainées abondantes de ses narines jusque vers sa mâchoire, tâchant ses vêtements avant d’aller s’écraser sur le sol. Et un sourire à la fois dégoûté de la personne qu’elle avait en face d’elle mais satisfaite du sort qu’elle venait de lui faire subir avait fini par étirer les lèvres de Theo. « J’en ai rien à foutre de ton putain d’argent. » Etonnement, elle n’était jamais aussi calme que quand elle était dans un tel état de rage. Son ton était tranchant mais aussi froid et distant, comme si elle était parvenue à se détacher de la situation qu’elle était en train de vivre. Elle avait accusé le coup. Et Seth était en train d’accuser le sien. Mais elle était déjà en train de se faire une raison quant au fait qu’elle n’avait absolument plus rien à attendre de lui. « Je pensais pas demander la lune en espérant que tu m’accompagnes au moins à la clinique pour régler définitivement cette histoire. » Son ton était méprisant et son visage n'avait plus rien de l’innocence qu’elle se plaisait à faussement afficher. « T’es vraiment le dernier des minables. » Le plus immature des connards. Une ordure qui, si ça ne tenait qu’à elle, aurait mérité de se faire péter bien plus que le nez à cet instant précis.

Tes mots semblent la surprendre. C'est quelle partie qui la surprend ? Celle où tu n'as pas d'argent ou celle où tu la laisses se démerder pour faire le nécessaire ? Parce que, honnêtement, ni l'un, ni l'autre n'est vraiment surprenant. L'effet de surprise est plutôt vers Theo et son poing qui s'abat sur ta gueule sans même que tu le vois venir. Des nanas, ça fait des petites gifles qui sont plus insultantes qu'elles ne font mal. Ç t'fou pas un poing en pleine gueule au point où le nez craque, au point où une douleur vive te prend dans la même seconde. C'est pas pour te vanter, mais t'as eu assez de nez cassé dans ta vie pour savoir l'effet que ça fait. C'est cassé. Il n'y a aucun doute. C'est confirmé lorsque tu sens un liquide couler jusqu'à ton menton, puis lorsque ton tee-shirt se retrouve rapidement tâché de sang. Génial. « PUTAIN ! MAIS T'ES COMPLÈTEMENT TARÉE!!! » Ah oui, ça vient du coeur celle-là. C'est elle la tarée, certainement pas toi. Ta main se glisse sous ton nez et en ressort pleine de sang. À peine le liquide est-il essuyé qu'il recouvre de nouveau ton visage. Bah ouais, bravo, c'est pas comme si ici, en plein port de Brisbane, tu avais de quoi ramasser. « J’en ai rien à foutre de ton putain d’argent. » Et j'en ai rien à foutre de toi, mais vaut mieux que tu gardes cette information là pour toi. De toute façon, t'es plus préoccupé par le carnage et la douleur à ton visage que par ce qu'elle raconte. Tu ne remarques même pas le sourire victorieux sur son visage. « Je pensais pas demander la lune en espérant que tu m’accompagnes au moins à la clinique pour régler définitivement cette histoire. » Et comment tu pouvais savoir que personne ne l'aimait assez pour s'y rendre avec elle ? Parce que c'est évident que t'es pas la première personne à qui on demande ce genre de chose, géniteur ou pas. Non, t'es la dernière personne qu'elle a envie de voir avec elle à la clinique. « Et ça t'a pas passé par l'esprit de demander au lieu de frapper ???? » Foutu connasse, encore un petit surnom affectif à garder pour toi. On dirait bien que tu sais te la fermer par toi. « J'vais y aller à ton putain de rendez-vous. Pas besoin de jouer les hystériques. » Bien sûr que non tu ne mettras jamais les pieds entre ses quatre murs blancs déprimant. Elle le découvrira bien toute seule comme une grande le jour J. Sauf si elle a déjà changé d'avis et qu'elle n'a soudainement plus envie que tu viennes. Ce serait te faire une fleur de ne pas te donner la chance d'être un connard une deuxième fois. « T’es vraiment le dernier des minables. » Quoi ? Elle ne l'avait pas encore deviné ? Voilà que les choses sont mises au clair. « Et t'es la dernière des garces. J'crois qu'on est des âmes sœurs. » Les insultes de bas niveau.  mes soeurs mon cul ouais. Tu passeras les prochaines semaines à éviter Theo comme la peste. Tu attrapes le bas de ton tee-shirt pour tenter d'effacer les dégâts dans ton visage. Tu grimaces en touchant à peine ton nez qui fait un mal de chien. T'as presque l'air d'avoir commis un meurtre tellement y'a du sang partout. Ça a l'air pire que c'est pour tout dire. Des bonnes chances pour que tu fasses peur à tout le monde en rentrant en bus tout à l'heure.

« PUTAIN ! MAIS T'ES COMPLÈTEMENT TARÉE!!! » Un foutu rire étouffé s’échappa instantanément de ses lèvres. A moitié sincère parce qu’elle était très satisfaite de constater qu’il était enfin énervé, ce rire était surtout et avant tout plus nerveux qu’autre chose. Parce qu’avoir réussi à obtenir une quelconque réaction de Seth ne lui permettait pas pour autant de régler son problème à elle. Mais elle tentait malgré tout d’apprécier cette courte et éphémère satisfaction à sa juste valeur. Elle était à deux doigts de se lancer dans une révérence pour le remercier du compliment. « Je suis vraiment désolée Seth… » Elle fit mine de fouiller dans ses poches avant de prendre un air exagérément contrit. Est-ce qu’elle se foutait de sa gueule ? Oui, totalement. « …j’ai pas de mouchoirs à te prêter. Mais le rouge te va bien au teint, t’en fais pas. » Trop dommage. Il allait devoir rentrer chez lui dans cet état-là. Avec un peu de chance, un flic croiserait sa route et l’interpellerait au passage. « Et ça t'a pas passé par l'esprit de demander au lieu de frapper ???? » A la question " Seth était-il vraiment demeuré ? " la réponse était donc vraisemblablement oui. Elle n’avait pas formulé sa question clairement mais elle avait suffisamment tourné autour du pot -malgré toute l’ironie qu’elle avait employée au passage- pour se faire comprendre. Et surtout, quel sombre abruti n’aurait pas spontanément songé à lui proposer de l’accompagner dans ces conditions ? Ne serait-ce que parce qu’il aurait voulu s’assurer qu’elle réglait bien définitivement le problème ? « Promis, la prochaine fois je prévois le petit recommandé avec accusé de réception pour m’assurer que le message passe bien. » Quoique…est-ce qu’il savait seulement lire ? Elle se sentait à présent légitimement en droit d’en douter. Et à vrai dire, pour rien au monde elle n’aurait changé sa méthode pour se faire comprendre. Parce que visiblement son coup de poing l’avait suffisamment sonné pour qu’il daigne enfin lui accorder une vraie réaction et pas sa connerie de mépris et d’insouciance déguisée sous des blagues à deux balles. « J'vais y aller à ton putain de rendez-vous. Pas besoin de jouer les hystériques. » Trop généreux de sa part. Elle l’observa quelques secondes, essayant de déterminer s’il y avait une once de vérité dans ses mots. Et puis elle finit par se sentir elle-même stupide. Stupide d’hésiter une seule seconde quand à sa sincérité et à la possibilité qu’il se pointe à la clinique pour…pour quoi faire ? Pour lui tenir la main ? Evidemment qu’il allait rester tranquillement chez lui. Ou plus exactement : évidemment qu’il allait rester squatter le premier canapé qui lui serait proposé. « Et t'es la dernière des garces. J'crois qu'on est des âmes sœurs. » Un sourire ironique apparut au coin de ses lèvres avant qu’elle n’hoche la tête. Fair enough. « Une fois n’est pas coutume, je crois bien que t’as raison sur ce point. Et sache que la dernière des garces est aussi très charitable du coup… » Elle avança légèrement pour le contraindre à faire quelques pas en arrière sur le ponton. « …en souvenir du bon vieux temps… » Elle se baissa rapidement pour envoyer sa jambe droite percuter ses pieds et le faucher de la même façon dont elle s’y était prise pour faire tomber le vigile qui les avaient poursuivis au cinéma. Seth connaissait le mouvement, mais la rapidité d’exécution empêchait toute anticipation et eut pour résultat de lui faire perdre l’équilibre juste suffisamment pour qu’il traverse la légère distance qui le séparait encore du bord du ponton et pour qu’il finisse tout droit…à l’eau. Theo s’avança à son tour, vérifiant qu’il ne s’était pas assommé contre un bateau, mourant dans d’atroces, douloureuses et très lentes souffrances au passage. Malheureusement pour elle, l’eau s’agita bien vite en contrebas pour laisser finalement apparaître la tête de Seth à sa surface. « …comme ça tu pourras nettoyer un peu tout ce sang. Me remercie pas. » Elle lui avait bien dit qu’elle était charitable, non ? « Je t’enverrai la date et l’heure pour la clinique. » Bien sûr que non. « Ou alors je te donne rendez-vous dans plus ou moins neuf mois. » Non plus. Elle lui jeta un dernier coup d’œil avant de faire demi-tour et de partir le plus naturellement du monde. Aucune chance pour qu’elle garde ce putain de bébé. Mais s’il y avait la moindre possibilité pour qu’elle sème le doute dans l’esprit de Seth et pour qu’elle puisse le faire baliser quelques semaines supplémentaires, alors ça lui suffisait.