it doesn’t have to be a world away
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

T’as les émotions en vrac, Spencer. Ton cœur ne va pas tenir ce genre de rythme encore longtemps, le pauvre va flancher avant que t’ait le temps de mettre de l’ordre dans ta vie. Ou d’essayer. T’as encore foutu Mac dans tous ses états, tout ça à cause d’une série de messages conduits par ta jalousie excessive et mal placée. Ça t'énerve d’être bonne qu’à ça. Tout serait pourtant bien plus simple si vous vous détestiez réellement. Mais c’est pas vous, ça. Y a jamais vraiment eu de notion de partage, toujours cette exclusivité qui attirait les regards mauvais à quiconque essayait de s’immiscer. Margot, c’est sans doute celle qui a tenu le plus longtemps. Parce que dès qu’elle est arrivée dans le paysage, t’as fait en sorte de t’effacer un peu, t’as laissé la place à Mac pour qu’elle puisse connaître autre chose que tes frasques quotidiennes. Ca a fonctionné un temps, t’as empaqueté tes sentiments et tu te contentais d’afficher des sourires faux et forcés au possible. Cette espèce de trêve qui a été conclue la veille n’est sans doute pas faite pour durer. T’en as conscience et sans doute que Mac aussi, mais même pour une petite heure, juste une petite heure, c’était vous. Epuisée, t’as fermé les yeux alors qu’elle te serrait dans ses bras et tu pouvais que lui rendre son étreinte jusqu’à ce que la fatigue vous emporte. Tu sais pas comment elle a eu le courage de se lever quand son réveil a sonné. T’as juste lâché un grognement mécontent et t’as refusé de bouger. T’as même l’impression que tout ça n’était qu’un rêve, un souhait silencieux formulé par ton esprit épuisé par les disputes et les mots durs envoyés à la figure. Pas envie d’ouvrir les yeux, pas envie de te dire que ces courtes retrouvailles sont déjà terminées et que la prochaine entrevue se soldera forcément par un nouveau carnage. (Ne pas voir un problème signifie forcément qu’il n’existe pas, non ?)
La gueule en vrac, t’as fini par émerger doucement. Aucune idée de l’heure, du jour, et il te faut un instant pour réaliser que les événements de la veille étaient bien réels. C’est l’appart de Mac, le canapé de Mac, mais surtout le chien de Mac qui te fixe, la langue sortie et l’arrière train balançant. Un léger sourire t’échappe et tu conjure toutes tes forces pour bouger. A l’instant où tu te fous debout, t’es assaillie d’un sale vertige et tu regrettes tous tes choix de vie. Tu veux regarder l’heure mais impossible de savoir où est ton téléphone. « Tu veux pas aller chercher de l’aspirine ? » que tu marmonnes à l’adresse de Marlon, comme si il allait pouvoir répondre favorablement à ta requête. Après un autre long moment à rester assise sur le canapé, tu pars à la recherche de l’armoire à pharmacie. Elle a forcément du paracétamol qui traîne dans les parages, et il ne faut pas longtemps pour mettre la main dessus. Sans prendre la peine de doser, t’avales quelques cachets avant de fixer la misère de ton visage dans le miroir. Un grognement plus tard et te voilà en train de faire couler la douche. T’espères qu’elle a pas un ballon d’eau chaude trop petit parce que tu comptes bien y rester jusqu’à ce que l’eau devienne glaciale. Ce que tu ne te prives pas pour faire, d’ailleurs. Tu fais un peu comme chez toi et tu vas te servir dans ses vêtements propres. Un jean troué, un tshirt simple et un hoodie. Elle est plus grande que toi alors tout est un peu trop long, mais tu t’en remettras. Lentement mais sûrement, ta tête arrête de ressembler à un concert de métal écouté juste à côté des enceintes. Tu traînes, tu prends ton temps pour regarder ses affaires, les photos qui traînent et ça te remue un peu alors t’arrêtes bien vite. Dans un sac, tu fous tes fringues de la veille et t’es presque prête à partir. Et tu l’aurais fait si le Marlon ne te suivait pas partout dans l’appartement, en recherche de juste un peu d’attention. « T’es au moins aussi chiant qu’elle, tu sais ça ? » tu plaisantes en secouant la tête. « Allez viens. » tu lui dis en attrapant la laisse pendue près de l’entrée. Tu peux bien l’emmener se dégourdir les pattes une petite heure. Comme ça après, tu le ramènes et tu laisses un mot ou une connerie pour dire qu’il est sorti et qu’elle a plus qu’à aller se pieuter en rentrant. Pour les vêtements, tu verras en temps voulu. Peut-être que le grand air t’aidera à te souvenir de ce que t’as foutu de ton téléphone.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

J'ai l'impression d'avoir passé une nuit hors de mon corps et loin de ses sensations ; je me réveille la tête dans le cul et avec des mèches de cheveux blonds dans le nez et la bouche, le poids de ton corps calé contre le mien et mes bras refermés sur toi. On a peut-être quatorze ans et c'est notre première soirée pyjama, j'en sais rien j'ai pas compté, tant tout me semble lointain et irréel ; ou on a vingt-cinq ans mais rien de tout ça ne s'est passé, tu n'es jamais partie, y a jamais eu Margot et mon cœur est empli par toi, ton odeur, ta simple présence.
Puis je suis vite regagnée par l'anxiété d'avoir raté mon réveil, l'idée du tapis plein de pisse dans le lave linge et je me réveille d'un bond, m'extirpe de tes bras contre ton gré et me confronte au froid tenace de la réalité dans laquelle je dois te bosser et t'abandonner là, loin de moi, encore une fois. Je te dépose deux plaids dessus avant de partir, puis je referme derrière moi et je mets tout mon entrain dans une journée horriblement routinière.
Quand je rentre, je n'ai aucune idée de ce que je vais trouver derrière la porte ; j'angoisse de retrouver une pièce dévalisée sans trop y croire, je t'imagine encore endormie sur le canapé et ça me tire un sourire franchement niais. Mais j'ouvre, et rien : l'endroit est comme je l'ai laissé la veille, comme si t'étais jamais venue. Je remettrais presque ta présence en question, sinon pour les deux plaids flanqués au fond du canapé. Et au début, je remarque même pas l'absence de Marlon. Puis d'un coup, mon sang se glace.
Je regarde chaque recoin comme une malade, à la recherche de signes de lutte, des coins de meubles écharpés, des objets abandonnés sous l'urgence : rien. Je t'appelle une fois, quatre, cent-douze mais tu réponds pas, je tombe direct sur le répondeur, l'idée que tu te sois barrée simplement avec le chien me caresse l'esprit mais repart aussi vivement ; tu te serais pas barrée comme ça, encore moins sans ses croquettes. Je ronge mon frein, je pose mon cul dans le canapé, je me masse les tempes. Un bref instant j'envisage d'appeler les flics, jusqu'à me rendre compte que pour une demi-journée, c'est quand même grandement exagéré. Il ne me reste donc plus qu'à rentrer la tête dans la cuvette et à tirer la chasse.
Je sais pas combien de temps j'ai donné à mon restless leg syndrome avant que la poignée ne s'abaisse, mais je saute sur mes pieds comme une puce sous ecsta quand j'entends du bruit dans l'entrée, je m'y précipite prête à te tirer à l'intérieur si la mafia moldave te court après, je suis sur le qui-vive, les yeux injectés de sang d'une camée en paralysie du sommeil. « Putain de bordel de sa mère la pute, j'ai cru que j'allais chier dans l'entrée tellement j'ai eu peur. » Que tu reviennes pas, qu'il te soit arrivé un truc, Dieu seul sait de quoi j'ai eu peur, moi-même je n'en suis pas sûre et qu'importe : le détail est passé, parce que je te serre dans mes bras comme une daronne après le premier jour d'école et Marlon me pousse la jambe sans cérémonie pour accéder à sa gamelle d'eau. « Tu sais te servir d'un téléphone ou t'as oublié après m'avoir tancée sur Margot ? » Je m'en fous : t'es là, t'es entière, tu m'as pas abandonnée, j'ai l'impression d'être une gosse dont le père est parti acheter des clopes et qui attend avec anxiété que la prophétie se réalise. Je prends d'un coup conscience de mon état et en une respiration un peu laborieuse, je tâche de me reprendre : je te libère, déjà, me frotte l'arête du nez avec gêne, puis te regarde de haut en bas, dans mes fringues trop grandes pour toi, et ça me ferait presque sourire. « Putain. Bon. Ça va ? T'as passé une bonne journée ? » Promis, un jour, j'arrête de pleurer.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Si ton mal de crâne est pas complètement passé, faire un tour aura au moins permis de t’éclaircir les idées. Et c’est fou ce que tu réfléchis mieux quand t’as pas l’esprit embrumé par tes saloperies. T’as pas encore pris de bonnes résolutions, mais tu te fais la promesse qu’aujourd’hui au moins, tu feras pas pleurer Mac. Si par miracle tu retrouves ton téléphone, t’enverras un message poli pour la remercier et vous pourrez repartir chacune dans votre quotidien. Marlon trottine à tes côtés et t’es contente d’au moins pouvoir faire ça pour elle. C’est pas grand chose, mais c’est pas rien non plus.
Tu sais toujours pas quelle heure il est ni même si t’es restée longtemps dehors, mais tu t’attendais pas forcément à ce que Mac soit déjà rentrée à ton retour à l’appart. Aussi, tu frôles la crise cardiaque quand tu passes le pas de la porte et qu’elle est tout de suite devant toi, déblatérant tout un tas d’insultes comme un exutoire à la frayeur qu’elle vient d’avoir. « Okay, bonjour à toi aussi. » c’est tout ce que tu peux répondre dans un premier temps, surprise par la réaction de Sutherland. C’est seulement après coup que tu te rends compte de ce qu’elle a pu penser en rentrant chez elle. Plus personne, plus de chien. Tu pinces les lèvres alors qu’elle t’enlace. « Merde. Pardon j’ai pas réalisé… J’ai vraiment pas fait gaffe du tout à l’heure et je savais pas quand tu devais rentrer. » tu souffles, vraiment désolée. T’aurais pu laisser un post-it ou quelque chose avant de partir aussi, pour ce genre de cas. Elle ramène Margot sur le tapis et tu fermes les yeux en réprimant un soupir alors qu’elle te lâche pas. Un peu maladroitement, sans savoir si t’es supposée le faire ou pas, tu glisses une main dans son dos comme pour la rassurer. Tu prends sur toi pour ne pas relever la pique évidente, lui laissant bien volontier cette petite victoire pour une fois. T’as aucune envie de te disputer avec elle, encore trop secouée des fois précédentes et t’imagines bien que c’est pas son but non plus. « Je l’ai pas retrouvé ce matin, j’sais pas où il est. » et vu certains numéros qui se trouvent à l’intérieur, il est impératif de le retrouver rapidement. Et la voilà qui s’inquiète de savoir si tu vas bien. Tu souffles un rire et tu hausses légèrement les épaules. « C’est pas moi qui ait dû me lever au milieu de la nuit et partir bosser ensuite. » tu réponds simplement en plissant le nez. « J’voulais le sortir pour que t’aies pas à le faire en rentrant. » c’est mieux de lui servir seulement cette partie là et de pas dire que tu comptais te barrer ensuite. Le timing est pas très bon, mais au moins vous en êtes pas encore venues aux mains. « C’est pas un franc succès, hein ? » tu grimaces doucement en utilisant l’extra longueur de la manche du hoodie emprunté pour venir essuyer les quelques larmes qui perlent sur son visage. Vous avez pas encore commencé le shitshow que déjà Mac se retrouve dans un état pareil et ça te serre le cœur. « Mais ça va, j’ai connu pire. Et toi ? » tu réponds finalement à sa question, essayant de l’apaiser après tout ça. Après tout, t’as rien fait d’autre que mal assumer un lendemain de défonce et ça aurait sans doute pu être bien pire si elle t’avait ramenée chez toi comme prévu. « T’as pas vu mon téléphone à tout hasard ? » que tu demandes après quelques secondes. « Je suis pas sensée bosser aujourd’hui mais si on m’appelle quand même pour un shift et que je répond pas, elle va pas être super contente. » tu te tiens à carreau là-bas, parce que c’est un peu l’endroit de la dernière chance pour toi. Mais si ils croient que tu commence à filtrer les appels et que tu te défiles, Amos comme Raelyn ne tarderont pas à te remercier et à te rayer de la liste des employés, de leur vie, et t’auras plus qu’à rendre l’appart pour retourner à la case départ.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

Dieu merci, j'ai frôlé la crise cardiaque, tu te rends compte de ce que tu me fais quand tu disparais comme ça, plus jamais s'il te plaît, j'en peux plus de m'inquiéter. Voilà tout ce que je veux dire mais de tout ça rien ne sort : « Non, t'inquiète. Je… je suis partie un peu loin. J'me doutais que personne était venue t'enlever avec mon chien. » Je lâche un rire nerveux un peu trop fort, maintenant que je suis face aux faits ça paraît stupide mais sur le coup, j'ai craint le pire, et je déteste cette Mac avec toi, celle qui part toujours trop loin, qui s'inquiète à la moindre encartade, qui hyperventile au premier retard de cinq minutes. « Ça m'a pas dérangée », j'ajoute quant à ta réflexion que j'ai dû me lever tôt et que je me suis déplacée en pleine nuit pour venir te chercher. C'était mon choix, mon envie à la con de te revoir, et j'ai assumé que trois heures avant de sombrer dans une humeur massacrante, mais je refais surface. « Ça m'a fait plaisir de passer du temps avec toi. » Même du temps à chialer en faisant un GTA en plein Brisbane. J'ai toujours été expansive sur mes émotions, aujourd'hui ne fait pas exception, j'ai besoin que tu comprennes que ça m'a fait du bien de te voir, de t'avoir près de moi, qu'importe les mensonges, le temps perdu, l'étrangeté de tout ce qu'on est devenues. C'est presque dérisoire, sur le moment. T’en viens à t’excuser d’avoir disparu trois secondes et la culpabilité m’étreint un peu plus fort. « Mais si, arrête. Merci, il te kiffe en plus, je pense que t'as fait sa journée. » Et t'as fait la mienne, aussi, en restant là malgré tout, en revenant alors que t'aurais pu te barrer ce matin et décider qu'on en resterait là. C’est pire pour moi qui ai l’impression de t’avoir accablée de tous les maux. Je me demande subrepticement si notre amitié n’a pas toujours rimé à ça ; à toi qui essaie de te justifier face à une Mackenzie trop inquiète, toujours sur le qui-vive, à critiquer tes connaissances, tes fréquentations, ce que tu manges ou pas, ce que tu prends par narine à partir d’un certain seuil.
« Euh, non. Tu l'avais, hier soir ? » J’en viens à chercher inconsciemment ton portable du coin de l’oeil, comme si je pouvais apercevoir de là un cellulaire coincé dans les coussins du canapé ou sous le lit. « Ben oui, tu l'avais hier soir, j'suis conne. Tu l'as pas juste perdu dans la chambre ou quoi ? » Bras ballants, je reste pourtant, on s’en fout du téléphone, ça viendra plus tard. Mes yeux arrêtent de fureter dans la pièce et reviennent sur toi ; je te trouve pâle, peut-être que j’exagère, c’est mon côté inquiet, mais je me demande toujours si je n’ai pas des raisons de m’inquiéter, est-ce que tu vas pas t’étaler sur ma moquette ou te péter le front contre le lavabo de la cuisine ? « T'as mangé quelque chose, aujourd'hui ? » Je plisse les yeux, comme si je cherchais à détecter si t’allais mentir ou pas. « On peut commander tamales. » Je sais même pas si t'aimes encore les tamales, je me fais l'effet d'un papa à la ramasse qui a bloqué sur sa gamine qui a mentionné un jour en 2006 bien aimer un aliment et qui l'achète à chaque sortie courses depuis. « Et on peut discuter, peut-être. » C’est une tout autre Mac qui te fait face aujourd’hui, bien plus consciencieuse et tatillonne dans ses propos, pas l’agressive, pas celle qui avait moults reproches à te faire hier soir ; cette Mac-là est plus encline à t’écouter, à panser tes plaies, à recoller les morceaux et à te supplier de rester, si besoin. « Je gueule pas cette fois, promis. »

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Comme toujours, elle te dit de pas t’inquiéter, elle minimise la portée que tes actions ont sur elle mais t’es pas aveugle au point de la croire sur parole à chaque fois. Elle prétend que ça ne l’a pas dérangée d’avoir eu à cavaler au beau milieu de la nuit, même que ça lui a fait plaisir parce que c’était pour être avec toi et sur ce point là, tu n’as aucun doute. Parce que tu la connais trop bien, parce qu’elle ne sait de toute façon pas t’en vouloir trop longtemps même après plus de deux ans d’un silence glaçant. Et toi ça te bute de la savoir prête à presque tout oublier comme ça. Bien évidemment que toi aussi, t’as aimé le simple fait qu’elle soit là, merde, t’as même sans doute passé une meilleure sieste avec elle tout contre toi que t’as réussi à passer une bonne nuit depuis des années. Tu voudrais pouvoir tout effacer d’un simple geste. Sa peine, ses angoisses, tout ce que t’as fait subir à son pauvre cœur. Pour l’heure, tu peux plus juste disparaître comme ça, elle te laissera pas faire. Sans doute que tu pourrais lui accorder un peu de temps. Sans doute que tu devrais. À peu près remise de ses émotions, elle te remercie et t’affiches un léger rictus parce que c’est pas à elle de dire ça. Si y' a bien quelqu’un qui doit montrer un peu de reconnaissance ici, c’est toi. « Merci d’être venue, hier. » tu t’épanches pas tellement, tu sais pas non plus trop y mettre de formes alors tu te contentes du minium. Y a plein de détails qui sont encore un peu flous avant son arrivée, mais ça te reviendra sûrement. Le mystère de ton portable disparu ne sera probablement résolu tout de suite et très franchement, tu n’as pas l’énergie nécessaire pour retourner tout l’appart ou chercher dans un coin de ta mémoire ce que tu en as fait. « J’ai regardé tout à l’heure et heu… Non. » peut-être que ça aussi, ça te reviendra plus tard. « Si j’le retrouve pas avant de partir, j’vais me faire tuer. » tu souffles en pinçant les lèvres dans un intense moment de réflexion. Tu vas bien sûr pas mourir littéralement, mais tu détesterais savoir que tu as des appels manqués. Ou juste le simple fait de ne plus pouvoir contacter ton dealer ou ce genre de chose. Pour l’heure, ça semble peine perdue en tout cas. Tu peux bien voir ça plus tard.  Lorsqu’elle demande si t’as bouffé un truc tu fais non de la tête. T’as pas pris le temps et t’avais pas franchement faim en partant, l’estomac encore trop barbouillé par la soirée de la veille. Alors elle fait des plans, propose de commander un truc et possiblement de discuter, que ça finira pas encore une fois en eau de boudin. Tu veux la croire, mais t’es pas sûre qu’elle apprécie tout ce que t’as à dire. D’un côté, t’as juste envie de pas te poser de question et d’accepter, de profiter d’être avec elle encore un peu jusqu’à ce que le manque d’héro se rappelle à toi et à ton système. Et de l’autre, t’as envie de prendre tes précautions et de la préserver, quitte à lui briser le cœur pour de bon. Et même là, t’es pas sûre qu’elle lâche l’affaire tant elle est bornée. Tu contemples tes options, tu pèses le pour et le contre. « Tu devrais surtout te reposer un peu. » c’est pas tout à fait un refus, mais tu constates juste l’évidence. Entre le souci constant que tu lui causes et la nuit courte, elle n’est pas au meilleur de sa forme et tu le vois sans mal. Tu te sens clairement pas la force de juste partir encore une fois en claquant la porte. Après peut-être une réflexion un peu trop longue, tu poses ton regard sur elle et tu finis par acquiescer. « Okay, ouais. » tu souffles et c’est pas grand chose, surtout que tu promets pas de tout dévoiler ou de rester pour toujours, mais au moins aujourd’hui, tu peux lui accorder ce qu’elle veut. « Et j’essaye de pas gueuler non plus. » t’ajoutes avec une légère moue. Tu redoutes tes réactions en fonction de certains sujets, mais tu peux au moins faire l’effort de prendre un peu sur toi. Un peu nerveusement, tu te masses la nuque et t’adresses un regard à Marlon qui vit sa vie sans se soucier de vous. « Ils livrent toujours au Pepe’s tu crois ? » c’est pas la porte à côté, mais c’est sans doute les meilleurs tamales en ville. « Tu dois retourner bosser après ? » savoir combien de temps vous avez ensemble, si vous devez vous presser ou si au contraire, vous avez toute la journée pour essayer d’avoir une conversation sans larmes. « Ca s’est bien passé d’ailleurs ce matin ? » meubler un semblant de conversation ça a jamais été ton fort. Tu t’en tiens à des banalités qui ont peu de chance de froisser qui que ce soit, et c’est peut-être pas plus mal vu ta capacité à communiquer.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

Je te regarde comme si tu m’avais accusée d’être Judas. Moi, besoin de repos ? Non : je suis parfaitement alerte, opérationnelle pour botter des culs, fermement déterminée à tirer les choses au clair. Il est possible que je m’éclate par terre après trop de tamales, mais je ne dormirai pas avant d’avoir fait sens de tout ça. De toute façon, depuis qu’on s’est revues à la soirée du Nouvel An, le sommeil ne me trouve plus tant que ça. Je secoue vivement la tête à la négative - non, hors de question de me reposer, et surtout hors de question que tu sois si facilement tirée d’affaire. « Me quoi ? Me reposer ? Je connais la théorie, ouais », répliqué-je, tu me connais pour ne jamais dormir, pour parler comme une gourou de beauty sleep et de soin de ses chakras par les huit heures de sommeil obligatoires sans jamais m’y tenir. Tu n’as pas besoin que j’élabore pour te résigner ; je vais pas partir dormir, et je sais que toi non plus, t’arriveras pas à repartir sans refermer la page.  « Deal » : pour que cette fois-ci ne se termine ni en larmes, ni en cris, ni en course effrénée à travers l’appartement en essayant de s’enfuir bourrées. On va essayer du mieux qu’on peut, déjà, et compte tenu de notre passif respectif, c’est déjà pas mal comme promesse. « J’les appelle, on verra bien. » Et avec la bouche pleine de tamales, ça limite grandement les dégâts possibles. « Ouais, ça a été, pleins de vieux riches chiants tu connais le truc, et non, je reste là, je rattraperai mes heures demain, les publis sont en automatique de toute façon. Le monde se démerdera sans moi. » Et moi je ne me démerderai pas sans toi, alors on est relativement bons sur les calculs. Je me laisse choir dans le canapé, téléphone coincé entre l’épaule et l’oreille, puis d’un bond je me redresse, lève le nez vers Marlon : « Il a fait caca ce matin ? Mais genre, dur ou mou ? Il arrête pas de se frotter le cul et j’ai peur qu’il ait chopé des vers, je l’ai vermifugé y a genre une semaine, mais bon, on sait jamais. » Je joins bien Pepe’s, je prends notre commande habituelle et ça me fait chier de m’en souvenir par coeur, je raccroche et je contemple la fourrure du corgi, puis je chope une clope à glisser entre mes lèvres et t’en tends une. Ca y est c’est l’heure, plus de chiasse de chien, plus de vieux riches desquels se moquer ; plus rien d’autre que la vérité, les absences et la nécessité de se mettre à poil si on veut pouvoir avancer.
« Je comprends pourquoi t’es partie. »
Et hop, c’est moi qui démarre les hostilités, comme d’habitude, je crains que ce soit toujours le cas ; « Je veux dire, ça me fait chier que t’aies pas senti que tu pouvais m’en parler, ou que j’aie rien vu venir, je sais pas, mais je comprends. » Je me demande pas combien de fois je me suis questionnée sur ce que j’aurais pu faire autrement, si j’aurais pas pu voir des signes sans trop savoir lesquelles. A côté de quoi je suis passée, Spence ? « Mais t’es pas un fardeau, Spence, je veux que tu le saches. Je te donne l’impression que t’es un fardeau ? » L’idée me rend triste mais je suis prête à encaisser. Une autre idée me vient, plus insidieuse encore, plus profondément ancrée dans mes entrailles : « Est-ce que c’est à cause de ce que j’ai dit avant que…? » Pas besoin de terminer la phrase, tu sais ce qui vient après ; quand j’ai critiqué tous tes potes un par un et même la pute aux cheveux arc-en-ciel dont j’étais jalouse, quand j’ai proposé de larguer Margot pour être avec toi et que t’as rien répondu, quand je t’ai accusée de foutre intentionnellement ta vie en l’air, quand je t’ai provoquée en te défiant de partir voir ton dealos qui venait de t’appeler en te demandant s’il était plus important que moi. Choisis, prends ce que tu préfères, décortique-moi le coeur et balance moi le contrecoup d’années de silence. Ca fait tellement d’amour que je m’y perds presque.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

L’idée d’aller se coucher ne semble pas l’emballer plus que ça et tu sais parfaitement pourquoi. Parce que t’es là et qu’elle tient quand même à avoir un semblant de discussion. C’est sans doute le minimum que tu puisses faire. Y a des promesses de rester calme, de manger un truc et pour l’instant, ça a l’air de vous convenir. Mackenzie va rester là et tu te demandes si c’est sa routine habituelle ou si elle a tout chamboulé pour toi. Ça t'étonnerait absolument pas et forcément, t’as envie de la réprimander et de lui dire de pas faire ça. Mais tu sais d’avance que c’est peine perdue alors t’essayes même pas. Elle s’installe dans le canapé et pendant que son téléphone sonne, elle parle des petits besoins de Marlon. Forcément ça te fait grimacer parce que t’as pas tellement envie de penser à ça alors que vous vous apprêtez à commander à bouffer. Néanmoins, tu comprends son inquiétude et t’acquiesces en jetant un œil vers le concerné avant de t’installer aussi sur le canapé, à distance raisonnable. Ca semble pas naturel pour vous, d’être sur un même siège mais si éloignées. « Pendant la balade ouais. Y avait rien d’alarmant, t’en fais pas. » tu la rassures avant qu’elle ne réussisse à avoir le resto et qu’elle passe commande. Y a un moment de blanc qui passe mais clairement, ce n’est pas fait pour durer. La tête posée contre le dossier et légèrement penchée, tu la regardes avec ta clope au bec. Tu penses à mille trucs à dire, mille façons de commencer et de t’excuser, mais y a rien qui sort. T’as la gorge serrée et tu sais pas si vous allez un jour pouvoir réparer ce que vous aviez. Et ça te terrifie.
T’as rien fait pour mériter quelqu’un comme Mac. Elle a toujours donné et toi t’as l’impression d’avoir fait que prendre encore et encore et encore. Et même encore aujourd’hui, alors que t’as été la pire des personnes, elle est là, prête à passer l’éponge et à te rassurer quand ça devrait être l’inverse. A cet instant précis, elle a l’air tellement vulnérable que t’as l’impression qu’elle peut s’effondrer au moindre coup de vent. Ca fait deux ans qu’elle se trimballe avec cette culpabilité, et tu t’en voudras probablement à vie. « Non non non. Mac je- Pense pas que c’est ta faute, s’il-te-plait. » ça te retourne qu’elle puisse simplement imaginer avoir quelque chose à voir avec la façon dont t’es partie sans rien dire. T’as besoin qu’elle sache, qu’elle comprenne qu’elle n’a rien à se reprocher dans tes pauvres choix de vie. Merde. Le cœur au bord des lèvres, t’écrases ta clope dans le cendrier et tu te relèves pour aller t’accroupir devant elle, posant tes mains tremblantes sur les siennes. Tu cherches son regard et pour une fois, t’essaies de réfléchir vraiment avant de l’ouvrir. Ça te prend quelques longues secondes, mais tu finis par te lancer. « J’ai déconné et t’as fait ce que t’as pu pour m’aider. T’avais raison sur toute la ligne, tu sais ? A propos de mes potes et- et tout le reste. » sauf qu’à l’époque, tu voyais pas tellement le problème au début. C’était pour s’amuser tout ça, une piqûre ici, une piqûre là. Tu contrôlais ta consommation, hein ? Quelle connerie. C’était pourtant pas faute d’avoir été prévenue à maintes reprises. Tu serres la mâchoire en secouant la tête. « J’me suis dit que j’allais réussir à m’en sortir toute seule. Et au final je- J’ai fait que couler et je voulais pas t’entraîner avec moi. Sauf que sans toi c’était- J’avais pas de raison de remonter. » et c’était deux ans de descente aux Enfers pour ne pas savoir comment s’en sortir. T’es tombée et t’as pas su saisir la main tendue pour te relever. Tu souffles un coup et tu récupères une de tes mains pour aller dégager quelques mèches avant de la poser sur sa joue, relevant délicatement son visage pour pouvoir la regarder droit dans les yeux. « C’est pas ta faute, okay ? » t’as besoin qu’elle sache ça, qu’elle a rien à se reprocher. C’était pas à elle d’avoir les épaules pour te supporter. C’était pas à elle de se bouger pour changer les choses. C’était pas à elle de te sortir de ta merde. T’as essayé de la préserver au lieu d’essayer d’aller mieux, alors forcément ça pouvait pas marcher. « C’que j’ai dit au nouvel an, comme quoi tu m’étouffais, j’le pensais pas non plus. » t’es pas sûre de ce que t’es supposée lui dire, t’es pas sûre qu’elle croit un traître mot de ce que tu racontes. « A part toi j’ai rien et je- J’aimerai tellement pouvoir effacer tout ce que je t’ai fais mais je sais pas quoi faire. » c’est pas comme si c’était possible de toute façon. Et c’est pas toutes tes belles paroles qui vont te faire sortir de tes addictions. T’es relativement dans un bon mood là, mais à la moindre contrariété tu sais que tu vas replonger la tête la première.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

On est à ça d'enfin l'avoir, ce fameux cœur à cœur dont on a tant besoin pour tourner la page, mais mon cerveau n'arrive pas à se recoller proprement depuis les morceaux qu'il a laissés par terre et j'ai trop de mal à formuler des pensées cohérentes. Je suis à ça de te proposer qu'on enquille un whisky pour en parler plus tranquillement avant de me rappeler que, non, ce n'est peut-être pas une excellente idée. Est-ce que t'es addict ? Est-ce qu'une addiction à une drogue peut se transférer à l'alcool ou empirer ? J'en sais trop rien et c'est précisément pour ça que je la veux, cette conversation, rien que pour te comprendre un tout petit peu mieux. Je ne peux pas te guérir, alors autant que je sache ça ; sauf que je ne saurai pas quoi demander si je n'arrive pas à me réveiller et sortir de ma torpeur. C'est d'un difficile sans nom. « Okay, euh. » C'est encore difficile alors que les mots continuent de sortir et que tu viens t'agenouiller devant moi pour prendre mes mains. Le contact me brûle tant il m'a manquée, c'est comme redécouvrir ton contact pour la première fois. « Pour être honnête, c'était plus par jalousie qu'autre chose, pour tes potes. » Je murmure ça avec une pointe d’embarras, tout en étant quasiment certaine que tu le sais déjà. Je les ai jamais sentis, mais si je voulais être parfaitement claire avec moi-même, c’était en grande partie dû à l’impression qu’ils allaient te dérober à moi.
Tu enchaînes, me dis que tu voulais m’épargner d’une certaine façon ; je comprends parce que j’aurais fait pareil, et en même temps je t’en veux de m’avoir laissée de côté sur quelque chose d’aussi crucial. « Je veux pas que tu prennes ces décisions pour moi », j'objecte, « j'ai pas besoin qu'on choisisse ce qu'il me faut. » Je prends tes mains et je les serre dans les mienne, à moitié pour te mettre en garde, mais surtout parce que ça m’a manqué. Je n'ai pas besoin de gardien de ma santé, mentale ou physique : je te l'ai dit mille fois et je le répéterai encore si besoin. Oui, peut-être que j'aurais pu me laisser couler, moi aussi ; peut-être que j'aurais perdu pied. Ou peut-être que j'aurais pu voir ta détresse et t'aider, rien qu'en étant là et en vérifiant que t'aies un point de chute, quelqu'un à qui parler en cas de peur trop grande, quelqu'un chez qui te réfugier quand le reste du monde te faisait la gueule. J'imagine qu'on ne le saura jamais. Ni ça ni rien d’autre : « Tu peux pas, Spence. » Tu peux pas effacer deux ans de rien après dix de tout, c'est impossible, et quoi qu'il ressorte de cette conversation ça marquera très probablement notre relation. On a raté des choses, en deux ans, des gouffres se sont creusés, des rancœurs aussi. Je ne sais pas où on se dirige avec tout ça. « Mais tu peux commencer par rester. Tu penses que c'est faisable ? » Deux ans sans toi, ça m'a vaccinée ; je suis à ça d'oublier et de dresser une pâle comparaison entre ces deux années de merde et la sieste qu'on a tapé sur mon canapé. Le tableau est grotesque, mais réaliste. « Tu veux quoi pour la suite, Spence ? Enfin, tu...je sais pas, tu veux repartir ? Tu veux en rester là ? » Tu veux qu'on y aille doucement, qu'on redevienne étrangères, qu'on oublie tout ce qui nous définit et qu'on se réinvente à part ? Je suis prête à l'entendre, aussi fou que ça soit.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Ca se passe pas trop mal, jusqu’à maintenant. Surtout considérant le nouvel an et même la veille au soir. Vous voilà vite entrées dans le vif du sujet et pour une fois, y a pas de mot plus haut que l’autre. « T’avais raison à leur sujet, surtout. » y en a pas un qui a levé le doigt quand t’es partie en couille. Pas un qui a fait semblant de se préoccuper de ton sort. Au pire ils s’en foutaient, au mieux ils t’accompagnaient dans la chute. Y en a plus d’un que t’as déjà pu croiser dans un squat miteux pendant qu’ils venaient rencontrer leurs dealos. Quelques regards furtifs échangés et ils repartaient aussi sec avec leur pochon. « C’était des cons. » tu souffles. C’est triste qu’il t’ait fallu tout ce temps pour te rendre à l’évidence. Ca l’est encore plus de pas avoir écouté la seule personne qui méritait de l’être.
Un peu défaite mais pas vraiment surprise, tu hoches la tête. Mackenzie est une adulte responsable et contrairement à toi, elle a pas fait que prendre des mauvaises décisions tout au long de sa vie. T’avais aucun droit de prendre cette décision à sa place à l’époque, t’as toujours aucun droit de le faire maintenant. T’en as conscience, mais il t’aura fallu trop de temps pour te faire à l’idée. T’es pas foutue de prendre soin de toi, alors essayer de protéger quelqu’un d’autre, ça relève de l’impossible. Bien sûr que tu peux rien effacer. Par contre tu peux faire le choix d’essayer de recoller les morceaux, ou au contraire de les briser pour de bon. Tu te mords l’intérieur de la joue, relevant une nouvelle fois les yeux vers elle. Tu commences à avoir des fourmis dans les jambes mais tu t’en fous. « Je sais pas, Mac. Je sais vraiment pas. » tu te concentres sur la chaleur de ses paumes dans les tiennes et tu secoues la tête. Par où commencer, comment commencer, est-ce que t’es même capable de faire quoi que ce soit de bien pour une fois dans ta vie ? « J’pense que j’ai besoin de temps pour- J’ai plus envie d’être comme ça mais j’ai aucune idée de c’que je fous. » tout ton parcours se résume à un marathon couru à l’aveugle avec des obstacles impossibles à éviter. Et bien évidemment, tu t’es cassée la gueule sur chacun d’entre eux parce que t’as fait la sourde oreille et t’as pas voulu ouvrir les yeux. Distraitement, tu joues avec ses doigts, redécouvrant la sensation de son épiderme contre le tiens que t’as pas su oublier. « Tu m’laisses encore le choix alors que tu sais que je fais que de la merde. » tu souffles dans un ricanement amusé. Tu sais vraiment pas comment elle a autant de patience avec toi et tes conneries. Sans doute qu’elle est prête à dire amen si tu décides que c’est terminé pour de bon, que tu veux plus jamais la voir ou ce genre de connerie. Elle sera triste un temps, mais elle finira par avancer parce qu’elle est plus forte que tu l’as jamais été. « Tu veux quoi, toi ? » tu demandes après un moment. T’es même pas sûre de lui avoir déjà posé la question, même avant. Par la force des choses, elle te suivait, souvent elle t’empêchait de te ramasser mais t’es à peu près certaine que tu lui as jamais véritablement demandé ce qu’elle voulait. Toujours un peu trop égocentrée, t’as fait qu’assumer que ça allait continuer comme ça pour toujours. Et même là, elle te met en avant, prête à mettre ce qu’elle veut bien derrière. Tu lui en veux presque pour ça, mais pas vraiment. « Je promets pas de pouvoir tout faire, mais je peux essayer. » ça vaut ce que ça vaut, à savoir probablement pas grand chose, mais peut-être que pour une fois, au diable tes envies à toi, elle a le droit de décider et te dire quoi faire. « Si tu- si veux toujours de moi dans le coin, on peut tenter. Si tu veux que j’te foute la paix avec Margot, okay. Si t’as besoin de souffler, tu me dis. » parce que t’auras beau faire des efforts et prendre sur toi, tu tiens jamais vraiment tes résolutions et tu sais que ça durera probablement pas. D’une certaine façon, t’espères que ce temps accordé sera suffisant pour te découvrir une soudaine envie de te battre pour pas clamser dans le premier coin de rue un peu sordide. « Si tu veux tu peux même vérifier que l’appart où je suis c’est pas un truc craignos. J’te file l’adresse de mon boulot, ce que tu veux. » presque tout. Y a certaines choses dont t’es pas capable. Pas encore. Mais si ce genre de détail peut la rassurer, même un tout petit peu, c’est la moindre des choses.

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T’es juste devant moi, tu me souffles que j’avais raison pour tes potes, que c’est des cons et c’est peut-être tes mains dans les miennes, ou le fait que t’aies enfin compris ce que j’ai vu, mais mon coeur s’emballe et me laisse la bouche sèche. Je songe que pourvu que t’enlèves tes mains rapidement, pourvu que tu ne laisses pas le contact s’attarder et redevenir familier ; pourvu que tu te barres avant que je m’habitue et que je te lâche plus. Tout est trop beau et tout fera trop mal.
Tout fera trop mal, parce que tu ne sais pas ce que tu veux ni ce que tu peux faire et tu me laisses à poil, mes sentiments sur le bout des manches et à ça de te dégouliner partout dessus. Je te dis tout et je te laisse en faire ce que tu veux, parce que si personne te fait savoir que t’as le choix et que tes choix comptent, tu continueras de faire de la merde ; l’idée de te déresponsabiliser me semble franchement stupide, et d’ailleurs je doute que tu te laisses faire. « J’vais quand même pas te dire de partir, si ? » Je te souris, mais c’est un sourire fatigué, un sourire un peu las et rhétorique ; je peux pas te demander de partir, ça me dépasse jusqu’au bout, l’idée de t’envoyer paître de moi-même après t’avoir aussi longtemps attendue n’est même pas concevable. Peut-être que t’as besoin de temps ; je suis prête à attendre, du moment que tu reviens un jour, que tu prends soin de toi, que tu redeviens celle qui souriait sans effort et sans que ça lui coûte. Moi non plus, je ne sais pas ce que je veux ; c’est de bonne guerre, j’imagine. « J’sais pas, Spence. J’ai pas vraiment rédigé une liste de doléances à te faire signer pendant cette réunion. » Je pince mes lèvres, ravale un pauvre sourire ; je t’ai reproché tant de choses qu’on aurait pu croire que ma liste de demandes ferait un bras, mais je n’ai rien à te suggérer. C’est toujours plus facile de gueuler, d’avoir peur à haute voix, de faire ressentir sa colère bien fort. Je te veux toi dans ma vie, est-ce que ça ne peut pas suffir ? « Que t’ailles bien, déjà. Je sais que c’est compliqué et c’est long, je te demande pas de tout arrêter tout de suite ou quoi. Et t’es pas seule pour le faire, non plus. » Premier point qui me semble sensé. Je supporterais pas que tu repartes, mais je supporterais encore moins que tu restes et que je te vois crever à petit feu. A choisir, j’ai vite vu. J’embraye, sourcils froncés : « On est vraiment obligées de parler de Margot ? T’as rien à lui envier. » Je veux tout sauf te brusquer, surtout pas ressortir la conversation explosive de la dernière fois ; c’est vrai, t’as rien à lui envier, et c’est toujours vrai, tu me demanderais de la larguer que je le ferais sans battre des cils. Mais on est loin de l’état où c’est même une discussion envisageable. « Et je sais que c’est pas une option. Je sais. » J’ai tenté et je suis fatiguée de te voir flipper, je pense. Fatiguée d’avoir peur que ça brise quelque chose de plus. Tant pis si je me sens le cul à côté de la chaise à chaque fois que je suis avec Margot et que quand elle me parle d’avenir je pense à celui qu’on a pu louper. « Et je suis pas agent de probation. J’ai pas envie de contrôler quoi que ce soit, j’te crois. Juste, au lieu de rester dans ta merde si tu perds l’un des deux, je veux que tu me le dises. » Je m’en fous, je te reprocherai rien, je te ferai pas la morale, en tout cas j’essaierai, promis. Mais j’ai absolument besoin que tu me dises les choses sous peine de faire un putain d’infarctus prématuré. « J’suis pas ta meuf mais je peux t’aider à trouver un job, aussi. Ou un endroit à dormir. Mon canapé est pas ouf mais j’y dors souvent et il laisse pas trop de douleurs au dos. C’que je veux dire, c’est que t’as pas à dormir dehors à te demander ce que tu fous. T’as un chez-toi ici. » Je me souviens brutalement du tapis couvert de pisse et je grimace. Si médiocre soit-il, ce chez-toi, il ne dépend pas de notre amitié. Tu peux même venir sans prévenir et me jeter des trucs à la gueule ; t'es de la famille, on a dépassé ce stade.

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Bien évidemment qu’elle ne va pas te demander de te barrer. L’inverse aurait été étonnante, mais sait-on jamais. Elle pourrait vouloir prendre ses distances, peut-être se préserver un peu. Mais l’une comme l’autre, vous devez avoir un côté qui apprécie un peu trop la douleur et la complexité. Tu fais non de la tête et tu peux pas t’empêcher de souffler un rire quand elle parle de son absence de liste. C’est pas si simple de savoir ce qu’on veut quand on a l’occasion d’en parler à voix haute. Malgré tout, elle formule quand même quelque chose et tu hoches la tête lentement, histoire de lui montrer que t’écoutes. Ca paraît plutôt raisonnable comme demande, bien que tu sais pas dans quelle mesure c’est réalisable. Elle tilte un peu sur Margot et ça te fait légèrement sourire malgré toi. « Non. Non on est pas obligées. » tu dis doucement. Va bien falloir te faire à l’idée qu’elle soit toujours dans le paysage celle-là, même si ça te bute. Faut bien quelqu’un qui puisse relever Mac quand elle en aura besoin, parce que toi t’en es bien incapable. Et y a ton cœur qui rate quelques battements, sans doute même qu’il s’est arrêté complètement quelques instants. T’as qu’une seule envie et c’est de te redresser pour l’embrasser jusqu’à ce que vous soyez à bout de souffle, là, maintenant. Lui dire à quel point tu l’aimes et à quel point tu feras tout pour qu’enfin, elle arrête de toujours devoir s’inquiéter pour toi. Parce que malgré tout, même après tout ça, elle te fait comprendre que ce choix-là, celui de pouvoir être avec elle dépend toujours de toi. Tu ne dis rien pour l’instant et tu te contentes de serrer ses mains, refusant de la lâcher au moins pour cette fois. Tu l’écoutes continuer sans la quitter des yeux, te fustigeant toujours un peu pour sa mine fatiguée et son regard inquiet. Comme avant, elle est prête à tout te passer et même à t’héberger si par malheur, ton aventure familiale se prenait un stop brutal. Non, décidément, t’as rien fait pour mériter quelqu’un comme Mackenzie. Et inconsciemment, tu repenses à Raelyn et à ce qu’elle a dit. Elle s’en serait pas sortie seule, elle avait quelqu’un pour l’épauler et, même si ça n’a pas été facile, ça a au moins eu le mérite de fonctionner. Elle était pas seule et malgré toutes tes conneries, toi non plus. « Je comprends vraiment pas pourquoi tu veux encore t’emmerder avec moi. » tu souffles avec un mi-sourire. Tu dis pas ça pour relancer les hostilités, c’est juste un simple constat. T’as toujours trouvé qu’elle avait trop de patience avec toi et ça la perdra sûrement. « Faut bien qu’tu saches où venir me botter le cul si jamais j’tiens pas mes engagements. » t’ajoutes en haussant les épaules. T’embrasses les phalanges de ses mains avant de les laisser puis de te redresser, les jambes engourdies par ta position accroupie. Tu prends quelques instants pour que ta circulation reprenne son cours normal, puis tu t’installes à ses côtés. Pas à l’autre bout du canapé comme précédemment, assez proche pour que vos jambes se touchent. « J’essaierai d’éviter les messages débiles au milieu de la nuit. » surtout si c’est pour dire de la merde et pas assumer ensuite. Sans trop t’étendre en paroles, tu viens tacitement d’accepter tout ce qu’elle vient de dire. « Je repars pas. » non pas que tu sois réellement partie, mais elle aura compris. Chez toi, c’est avec elle. Tu t’en fous des appart ou d’où vous êtes. « J’ai besoin que tu me promettes une chose, Mac. » tu marques une légère pause, t’humectant les lèvres. « Quoi qu’il arrive, me laisse pas t’embarquer dans ma merde. » tu sais pas dans quel état tu seras la prochaine fois que vous vous verrez. Tu sais pas quelles conneries tu vas encore sortir ou faire. Sur quoi ou contre qui tu vas être jalouse. Sans parler de toutes les conneries que t’as encore fait récemment et qui risquent de te tomber sur le coin du nez. Mais tu tiens pas à l’embarquer si ça peut être évité.  « Je sais pas combien de temps ça va prendre, tout ça. Ou si j’y arriverai. Mais même toi t’as tes limites. Et si ça devient trop à gérer, faut que tu te protèges. » qu’elle t’envoie te faire foutre, qu’elle s’en aille à son tour, qu’elle demande de l’aide, elle a le choix. « Pour l’instant, t’as pas à t’inquiéter de devoir me loger ou autre chose. Tant que j’me tiens à carreau ça va aller. » t’essayes encore de la rassurer sur ta situation. T’es dans une bien meilleure position qu’il y a encore quelques mois où tu raclais vraiment le fond, ça te donne même un peu d’espoir pour réussir à passer 2022. « Promis c’est pas n’importe qui. » t’ajoutes en te rappelant soudainement de son silence après que t’aies dit avoir rencontré quelqu’un. T’as besoin de clarifier ce point. « Celle qui m’a filé le job et l’appart. » tu précises, histoire de pas trop la perdre. « C’est heu… Un peu compliqué et elle veut pas trop que j’en parle, mais hm… C’est ma d’mi-soeur. La boss du casino. » t’es pas supposée parler du lien de parenté qui vous uni au premier venu, mais Mac c’est différent. C’est pas un dealer, c’est pas quelqu’un de craignos, c’est pas une personne dont elle doit s’inquiéter.

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Je sais, je ramène Margot mais c'est plus fort que moi, et pour me dédouaner, c'est toi qui m'as tentée. On se tait toutes les deux sur le sujet, certainement parce qu'on se doute toutes les deux que ça vaut mieux, que c'est le genre de différend qui risque de cliver la conversation et complètement nous désunir à nouveau. « Moi non plus. Je t'aime trop, sans doute. » Paradoxalement, c'est infiniment plus facile de parler de ta fuite, parce que t'as jamais eu de mal à te livrer à une auto dépréciation cynique, et que je cède à la facilité plutôt que de ramener l'attention au sujet M. « Ça ou tu m'as filé un philtre de dépendance ou t'as une poupée vaudou de moi chez toi. Parfois je me demande. » Je retrouve enfin le sourire, c'est un sourire plus doux, plus détendu, le genre que t'aimes bien et je le sais parce que tu l'imites toujours, tu t'en rends peut-être pas compte mais moi si. Je soupire, resserre légèrement mes mains autour des tiennes, comme pour conclure : « Tu sais quoi ? Je vais te donner mon double, comme ça tu viendras te faire botter le cul de ton plein gré. » Je me le note mentalement, ça passe dans ma liste au-dessus du nettoyage de pisse dans la machine à laver. Ça me rend mal à l'aise, l'idée de te pister, de me rendre parano si tu rentres dans ton mystérieux appart dix minutes en retard pour X raison comme aujourd'hui. Et très honnêtement, je n'ai pas envie de savoir avec qui tu y vis. D'ici là, on commence les résolutions simples : je me promets intérieurement de te lâcher la grappe et toi, tu verbalise ta détermination d'arrêter les messages à la con à trois heures du matin. Un rictus étire mes lèvres sans que je m'en rende compte : « Ouais, ça me paraît pas mal. » Ca m'évitera des palpitations à trois heures du mat quand je bosse le lendemain. Comme aujourd'hui. Et de mon côté, s'il n'y a que de ne pas me laisser entraîner que tu me demandes : « J'vais essayer, ouais. » Ça me paraît beaucoup plus simple d'y résister quand t'es là parce que j'ai pas à t'oublier, c'est simple et stupide, bête et méchant, maths pour enfants. Ni la drogue, ni l'alcool ne me tentent vraiment, car ça me vole le contrôle que j'ai sur mon corps ; je risque pas non plus d'aller voler des trucs. Te sortir de ta merde quoi qu'il en coûte, oui, mais je considère que ça ne compte pas. J'ai pas encore envie que tu me dises que je m'en soucie trop. Tu te redresses, libère la main que t'as embrassée et tu viens t'asseoir à côté de moi, tout près cette fois, et ça me réconforte encore sur ce qu'il reste de nous : plus que je n'aurais voulu l'espérer. « Je m'fous du temps que ça prend, je t'ai dit. C'est juste… » Je sais que c'est dur, ça prend parfois des années sinon siècles, merde, je suis née et mon père était en dépression, j'ai vingt cinq boules et il y est toujours. Rien n'est simple ni en ligne droite et je peux pas te reprocher de pas essayer, parce que je sais que t'es au bout du rouleau. « J'suis là, c'est tout. Ok ? » Je suis là et je ne veux pas que tu me refoules et me laisses dans un coin et te prétendant à l'autre bout du pays, cette fois. Même si ça rate, même si tu te prends les pieds dans ta progression, même si tu rechutes. C'est comme ça que ma mère soutenait mon père et c'est comme ça que je veux te soutenir à mon tour.
J'ignore si c'est cette assurance ou la fatigue, la lassitude de se mener des guerres larvées, mais tu reviens sur ton appartement, ta colocation, les mots sortent en un fil fluide et je me blinde juste au cas où, jusqu’à ce que : « Oh. » Oh. Mon cerveau s’éclate à nouveau par terre, t’as une demi-soeur mais depuis quand, quelle classe putain elle tient un casino, elle te prête un logement c’est super, t’as donc personne parce que le quelqu’un que t’as rencontré c’est ta frangine, est-ce que c’est vraiment quelqu’un qui veut ton bien ? « Oooooooh, merde. Je pensais que t'avais rencontré quelqu'un, genre...rencontré-rencontré. » De toutes les pensées qui me traversent l’esprit, c’est la moins importante et la plus conne. La deuxième est même pire : « Ok, j'ai du paraître conne. » Mes lèvres s’entrouvrent puis se referment comme un poisson sur la terre ferme, je ne sais pas quoi dire ni comment. La sonnerie vient comme à ma rescousse et je remercie les dieux, me levant en automate pour aller cueillir la porte : « Bon, euh, attends. » Entre tamales, demi-soeur et célibat, rien dans ma tête ne fait sens. Tu me retournes tout entière jusque dans les détails. Je reviens avec la bouffe, la posant méticuleusement sur la table basse, retrouvant précautionneusement ma proximité à toi, tant pis si on se fout des coups de coudes et que c’est tout sauf pratique, j’ai besoin de ton contact, aussi fugace soit-il, même si c’est seulement nos jambes qui se frôlent pendant qu’on bouffe des crêpes roulées au boeuf. Je déballe mes trucs alors que mon cerveau file à toute allure, impossible d’organiser mes questions, alors je lâche au hasard : « Comment tu l'as rencontrée ? Enfin, c'était prévu ou genre, complètement au pif ? » Une gorgée de bière et hop, mon regard revient sur toi, mes paupières battent à toute allure parce que le liquide m’est remonté dans le nez, ça devient habituel avec toi. « Vous vous êtes dit quoi ? Tu l'aimes bien ? Elle a été cool avec toi ? Enfin j'imagine, vu que tu travailles avec elle, mais. »

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

En fermant les yeux et en y croyant assez fort, t’as presque l’impression que t’es jamais partie ou que c’était qu’un mauvais rêve un peu trop long. Vous tâtonnez encore un peu dans ce nouvel équilibre aussi fragile qu’un château de cartes. Un simple coup de vent peut tout foutre en l’air et c’est con, parce que t’as passé tellement de temps à essayer de te convaincre que c’était sans doute la meilleure chose à faire, t’en es plus si sûre aujourd’hui. Malgré tes erreurs et tous tes défauts, elle est là prête à te lancer autant de bouées de sauvetage qu’il faudra. La voir sourire comme ça, même fatiguée et même si dans le fond elle doit toujours t’en vouloir et appréhender demain, ça t’apaise un peu. « C’est pas une poupée vaudou, c’est un porte-clé. » celui qui autrefois ressemblait à un dinosaure et qui, aujourd’hui, n’a plus de queue ou de jambes. Et vu que c’était supposé être un t-rex, les bras l’aideront pas non plus tellement. La précision est sans doute inutile, mais d’une certaine façon t’as envie qu’elle sache que juste avec une babiole pareille avec toi, t’as jamais vraiment arrêté de penser à elle. Tu veux de prendre quelques bonnes décisions pour une fois. Des semi-promesses de faire mieux, ce genre de choses, et tu tentes même de lui en faire prendre une. Elle va essayer, tu vas essayer. Peut-être qu’après tout, vous allez vous en sortir. Sa proposition te fait arquer un sourcil. « T’es sûre ? Tu sais, j’ai pas très envie de débarquer dans un moment pas heu… Pas idéal. » si tu vas pas au bout de ta pensée, il ne faut pas être un génie pour comprendre que c’est sans doute lié à l’idée de pouvoir croiser Margot ou quelqu’un d’autre ici. T’es pas sûre de pouvoir supporter une rencontre pareille et t’as pas envie que Mac se retrouve prise entre deux feux. Tu pars pas, elle est là. C’est encore des mots mais t’as envie de t’y accrocher. T’as vraiment été trop conne de penser que t'arriverais à quoi que ce soit sans elle à tes côtés.
Tu lui parles de Raelyn, de ce qu’elle a fait pour toi et tu la sens se tendre un peu avant que le mot clé ne sorte. Elle tilte sur l’idée que ce quelqu’un ne partage pas ta vie et tu souffles un nouveau rire en secouant la tête. « Ah non pas comme ça. Y a pas grand monde qui a ta patience avec moi. » ton parcours amoureux ressemble à rien, clairement. Sans doute parce qu’aucun d’entre eux n’était la personne avec qui tu voulais vraiment être. Elle procède l’information et tu sais pas tellement par où commencer non plus. Même toi tu trouves encore tout ça trop irréel. Un peu comme toute cette situation. Y a encore deux semaines, vous étiez en train de faire une scène à une fête, prêtes à envoyer voler des trucs et là, vous vous retrouvez en train de bouffer comme si jamais rien n’était arrivé. Le livreur semble arriver à point nommé, vous laissant quelques instants de répit pour songer à tout ça. Mac se lève et tu la lâches pas du regard, comme hypnotisée par le moindre de ses mouvements. Elle pose la bouffe sur la table et revient se coller à toi. Ca te fait sourire mais en même temps, ça te fait flipper de voir à quelle vitesse vous retombez dans vos anciennes habitudes. Tu poses ta part sur ton côté de la table basse et tu réfléchis à comment parler de tout ça. « Non, non, c’était pas vraiment prévu. Pas du tout, en fait. J’suis allée trier les affaires de Maureen et heu, sa voisine m’a appris des trucs sur son grand amour. » Jeremiah Blackwell, aka le père de l’année qui a visiblement pour habitude de s’installer quelque part puis de disparaître dans la nature. L’idée que tu puisses lui ressembler aussi te plaît pas vraiment, mais les faits sont là. Faut croire que t’as hérité de tous les mauvais traits de tes parents sans le vouloir. « Pour la faire courte, le vieux avait déjà une femme et une famille dans un patelin à 800 bornes de là et… J’sais pas, ce type, même si c’est personne pour moi, je crois que j’aimais bien l’idée d’avoir des liens comme ça, tu sais ? » avoir une famille quelque part, c’est un peu le rêve de tous les gamins qui ont écumé le système. « Il avait deux gamins là-bas et il s’est barré pour venir à Brisbane où il a rencontré Maureen. » tu connais pas les détails de leur rencontre et tu t’en fous un peu, ils sont pas importants ces deux là. « Le shérif du coin c’est son fils, et il m’a dit que sa soeur était venue s’installer en ville y a des années, mais il savait pas trop me dire où la trouver ou si elle était toujours là. Du coup tout ce que j’avais c’était une vieille photo et un nom. J’ai dû garder ça dans un coin pendant peut-être un an, j’sais pas. C’est grand Brisbane, c’est pas comme si j’allais pouvoir la croiser au coin de la rue. » tu mentionnes à peine ce pauvre Liam resté dans son bled pourri. Un jour peut-être qu’il aura le droit à une carte postale, qui sait. « J’avoue j’avais un peu abandonné l’idée. » tout ça dans ta tête, c’était qu’un énième rêve qui se réaliserait jamais. « Et puis bon, ils ont fait un article avec une photo et tout le bordel pour l’ouverture du casino et heu… Voilà. » tu plisses légèrement le nez en réalisant de quoi ça peut avoir l’air tout ça. « Raelyn, elle est très… J’sais pas, c’est difficile à décrire. Mais c’est pas le genre de nana avec qui t’as envie de t’embrouiller. Pour être honnête elle me fait un peu peur. Mais elle est cool. » elle a ce côté autoritaire qui dissuade toute tentative de déconner, et pourtant elle a pris du temps pour toi. « Sans doute qu’elle aurait pu m’envoyer chier mais elle l’a pas fait. Elle a pris l’temps de me donner une chance alors que je suis sortie de nul part. Mais elle a une famille à elle, avec un nouveau né et tout alors… J’sais pas trop si j’ai vraiment ma place dans tout ça. On verra en temps voulu, j’imagine. Pour l’instant on y va doucement et bon, elle a déjà fait beaucoup pour moi. » tu passes sous silence certains détails, notamment son passé avec la drogue et surtout le fameux numéro qu’elle t’a refilé. Aujourd’hui elle est clean, elle t’aide, c’est tout ce que Mac a besoin de savoir. La gorge sèche, tu piques sa bière pour boire dedans (juste parce que tu peux et que c’est la sienne) et tu lui laisses le temps d’assimiler tout ça. « J’pense que tu l’aimerais bien. » parce que c’est une femme de caractère, parce que c’est quelqu’un qui a pas besoin de trop forcer pour te cadrer, les choix son multiples. Toujours est-il que tu ne penses pas trop t’avancer en disant ça. « T’as eu peur que j’me sois trouvée une sugar mommy ou un truc du genre ? » tu plaisantes en la poussant légèrement avec ton épaule, le sourire aux lèvres. « Peut-être que je devrai, remarque. » ça t’éviterait bien des galères d’avoir quelqu’un prêt à payer pour le moindre de tes caprices.

it doesn’t have to be a world away
@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

Ca ne devrait pas mais ça me fait plaisir, de te voir si réticente à l’idée de voir Margot ; ça me galvanise, que tu te demandes ce que je fais encore avec elle, tout autant que ça me met à terre de considérer ma propre lâcheté et mon manque d’honnêteté avec elle. « Oh, y a peu de chances », je souligne, narquoise, avant de me reprendre : « elle vient quasi jamais ici. » Question de territorialité je suppose ; j'ai jamais été très partageuse sur mon intimité, peu sont ceux qui peuvent y entrer et y demeurer plus de quelques minutes sans me casser les burnes. Peut-être mon côté fille unique, peut-être un non désir de passer davantage de temps avec Margot. On a toujours été suffisamment indépendantes pour qu'elle comprenne mon refus de vivre avec elle, et elle aime trop son quotidien et sa liberté pour avoir une control freak sur son dos. C’est à se demander comment quiconque me supporte. Et vice versa, tu me dis ; et merde, ça aussi ça me fait plaisir, de savoir que t’as jamais réussi à tenir avec quiconque sauf moi. C’est malsain, stupide, voué à l’échec, et je m’y lance comme l’abrutie que je suis, juste pour le 1% de possibilité qu’il nous reste. Voir comme ça m’a réussi la dernière fois ne me déphase même pas, c’est ça le pire. Je dodeline quand même de la tête, pas sûre, pas sûre, moi je pense surtout que tu laisses personne t'approcher et que ça ne facilite pas les rencontres, quand tu les biaises dès le départ avec des remparts bien hauts. Je le dirais, mais j’ai aucune envie de t’encourager à changer. J’ai envie que tu restes la même, rien que pour moi.
Tu me parles de ta soeur nouvellement trouvée, du hasard, d’elle qui décide de te prendre sous son aile sans contrepartie visible et moi je reste interdite, putain de tamale qui dégouline dans ma serviette et bière dans la main alors que je remonte mes jambes en tailleur, toujours plus près de toi. T’as remonté toute l’Australie et tout ton arbre généalogique en même temps, une mère décédée un daron absentéiste un frangin perdu et une soeur qui possède un casino, rien de mal ni d'inhabituel à ça, t’as l’air tellement habituée à ton bordel et engoncée dans tes problématiques que tu tiltes même pas. Ou alors tu fais pas gaffe parce que ça te fait trop du bien, l’idée d’une famille, de proches, même si y a pas plus lointain que ceux-là. « Et t’as jamais voulu le voir, ton père ? » Peut-être pas, remarque, il s’est juste barré sans vouloir te rencontrer, au moins ta soeur a pas eu son mot à dire. Peut-être que c’est ça, ou peut-être que tu l’as rencontré et que t’as pas aimé ce que t’as vu. Ou alors, trouver la photo du casino c’était quand même foutrement plus simple que de retourner le continent. Une photo, putain. Elle est un peu tombée du ciel, je me dis, un peu trop au bon moment, un peu trop comme par hasard, je décide d'office de m'en méfier sans lui donner le temps ou une chance. « C’est dingue », je lâche quand même à voix basse, et tu continues sans relever : elle est cool, elle fait flipper, elle a un gamin et elle s’est reconstruite outre une famille absente. Je me demande si tu l’envies, si elle te donne l’espoir que ce soit toi aussi un jour, avec une famille, un job stable et un épanouissement certain. « J’suis contente pour toi, Spence. » Même si on sait pas trop où ça va tout ça, même si moi je suis sûre que je l’aimerais pas trop, je me tais parce que t’as pas besoin de ma méfiance en plus. T’es pleine d’espoir et c’est plus que je n’ai jamais pu te demander, alors ça me va.
« Vas-y, va en trouver une, j’t’en prie. » Tu me titilles parce que tu sais que je vais être jalouse, forcément ; je pousse ta jambe avec un pied, l’air de dire file donc la trouver, ta sugar mommy, j’attends que ça. « Je sais pas, en deux ans il aurait pu se passer plein de trucs. » T’aurais pu te marier, revenir vivre ici pour acheter un yacht et vivre une vie de jet-setter, rien que ça. « Moi par exemple, j’ai rencontré un mec riche et super sympa en Novembre, il a une femme et deux enfants mais, bon... » Je hausse les épaules avant qu’un sourire n’efface les doutes que tu pouvais avoir, et je reprends une bouchée de tamale en me rabattant contre le dossier du canapé. « Mais tant mieux si t’as personne », que je lâche, tout sauf subtile cette fois. Je le regrette même pas. « T’y fais quoi à ton casino, du coup ? T’es croupière ? T’es à la sécurité ? Ca doit être drôle, toi en videuse pour vieux bourrés en colère, j’viendrai voir. »

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

L’idée de ne pas croiser Margot si jamais tu décides de venir squatter ici est plus qu’agréable, faut être honnête. T’es même carrément ravie, en fait. Parce que c’est sûr que ça sera pas une rencontre cordiale et que t’as pas envie de devoir faire d’efforts pour faire semblant de la tolérer comme avant. Déjà que t’es à peu près certaine qu’elle va te sortir le discours moralisateur de comment t’as aucun droit d’être là, qu’elle était là pour ramasser Mac à la petite cuillère et que toi tu fais que la foutre en l’air chaque fois un peu plus. Et toi, tu vas t’énerver, parce qu’elle aura raison. T’es au courant de tout ça, tu le sais. T’as pas besoin qu’elle, de toutes les personnes possibles, vienne te pointer du doigts toutes tes fautes. « Okay alors. » tu souffles, peut-être un peu trop rapide à accepter d’avoir le double des clés.
Tu sors toute l’histoire presque d’une traite, faisant au mieux pour faire court et concis. « Bof, non. Pas vraiment. S’il en avait quelque chose à faire de ses enfants, il se serait manifesté avant. » t’en as eu assez sur les bras avec Maureen quand t’étais gosse pour pas t’inquiéter d’un autre parent absent. A une époque t’as souhaité qu’il vienne te chercher, qu’il s’excuse d’être parti et que vous soyez une famille ou un truc du genre, puis t’as vite abandonné l’idée. L’idée de Jeremiah t’attristait avant, c’est plus tellement le cas maintenant. Peut-être que tu t’es un peu emballée en déballant tout ça. Peut-être que tu te fais des idées et que ça va n’aboutir à rien, que ça ne sera qu’une énième déception que tu vas t’empresser d’utiliser comme excuse pour faire n’importe quoi. Ou peut-être que c’est ta chance de trouver ta place dans tout ce merdier. L’air de rien, toute cette histoire avec Raelyn, t’as pas encore eu l’occasion d’en parler avec qui que ce soit. Parce que tu fais confiance à personne et que c’est le genre de truc que t’es pas supposée ébruiter. Ca te fait bizarre d’avoir dit tout ça à voix haute, et ça te fait d’autant plus bizarre que ça soit à Mac. Et tu te sens vraiment trop conne d’avoir tout envoyé valser y a deux ans pour rien. Tu le savais, pourtant. Qu’elle serait restée quoi qu’il arrive. Plus d’une fois, t’aurais eu besoin qu’elle soit là, plus d’une fois t’as souhaité que ça. Tu te contentes de sourire en hochant doucement la tête, contente de pouvoir partager ça avec elle.
Sutherland mord à l’hameçon (plus ou moins), sur la plaisanterie de la sugar mommy. Ca te fait sourire et tu peux pas vraiment t’empêcher de rajouter une couche, surtout après qu’elle te défie d’aller en trouver une. « J’aurai pas de mal à en trouver au boulot j’pense. Y en a toujours une qui me laisse des gros pourboires, je devrai sans doute tenter ma chance. » tu fais semblant de réfléchir très sérieusement à l’idée, et t’es pas vraiment crédible entre deux bouchées et un sourire amusé. Et à trop faire la maligne, tu manques de t’étouffer quand elle parle de sa prétendue rencontre avec un type riche et marié. T’as pas marché dans son piège là, t’as carrément sauté à pieds joints dedans. Tu tousses et tu reposes ta bouffe pour éviter d’en foutre partout le temps de te remettre de tes émotions. « Putain j’ai vraiment eu peur que ton nouveau truc ça soit les vieux riches. » tu râles en t’essuyant les mains avec une serviette en papier avant de reboire un coup, histoire de faire passer tout ça. Tu bloques un moment sur le fait qu’elle se réjouisse de ton célibat. Venant de la part de n’importe qui, tu l’aurais sans doute mal pris. Mais l’idée que ça soit elle et qu’elle l’exprime sans aucune gène te plaît sans doute un peu trop. Tu tournes la tête dans sa direction, lentement et tu peux pas t’empêcher de la fixer. Elle enchaîne l’air de rien, et toi tu déglutis en allant reposer ta bouteille, t’essuyant de nouveau les mains au passage. « Rien d’incroyable, je fais le service. » et tu restes loin de l’argent, c’était une clause non négociable pour qu’on te laisse une chance de décrocher le job. Sans retoucher au tamale que t’as délaissé après avoir failli mourir étouffée, tu pivotes complètement sur le canapé pour lui faire face, ramenant une jambe sous toi et allant poser un coude sur le dossier. Ton autre bras vient se caler sur son genou. Et si la position n’est pas des plus pratique ou confortable, t’as juste envie d’être proche d’elle. Merde, t’en as besoin en fait. « Du coup désolée de te décevoir mais tu me verras pas flanquer de rouste aux clients ivres. » t’ajoutes, pas franchement attristée de ne pas avoir à flanquer des coups de pieds aux culs des consommateurs bourrés. Si tu veux te battre, y a bien assez de gens en ville qui en ont après toi. « Par contre tu peux venir profiter de supers cocktails vu que j’ai dû apprendre la carte par coeur. Tu pourras boire tes Moscow Mule dégueulasses là. » tu sais même pas si elle aime vraiment ça ou si c’est juste parce que c’est le seul truc qu’elle avait trouvé au nouvel an. Mais t’aimes juste bien pouvoir la taquiner sur ce genre de détail, comme avant. Légère pause pendant laquelle tu la regardes manger et tu te rends compte à quel point tout ça t’a manqué. Sa proximité, sa chaleur, elle. Tout. Même les sous-entendus qu’elle peut faire et chaque battement de coeur manqué qu’ils ont causé. « Tu sais que t’as pas trop à t’inquiéter de savoir si j’ai quelqu’un. » tu te rapproches un peu, et c’est sans doute un mouvement dangereux mais au point où t’es, tu t’en fous. Plus de deux ans sans elle c’était trop long, t’as eu tout le loisirs de te rendre compte de ce que tu voulais vraiment. Et il aura vraiment fallu que tu prennes tous les mauvais virages pour arriver à cette foutue conclusion. « Y a que toi. »