Un chocolat pour Zozo. Et un chocolat pour Jessy. Ca leur ferait du bien. A tous les deux à dire vrai. Enfin, surtout à Jessy qui était encore quelque peu terrorisée. Mais ça commençait à aller mieux. Elle se sentait en sécurité. Elle était en sécurité maintenant. Ca allait bien. Elle irait bien. Oui, elle devait juste s'enlever de la tête ... tout cela ... Et il allait falloir qu'elle fasse une thérapie. Qu'elle en parle. Parce que ça ne guérirait pas ... si elle gardait tout pour elle. Et elle devait aller mieux. Elle ne pouvait pas se pétrifier à chaque fois qu'elle croisait un chien ou qu'elle entendait un chien qui grognait, ou un truc dans le genre. Donc, oui, sans doute ... qu'elle allait ... se mettre à consulter. Parce que faire comme si de rien n'était alors que ça n'allait clairement pas, ouais, c'était loin d'être la meilleure idée au monde, pour sûr. Alors, Jessy respirait lentement. Elle fermait les yeux de temps à autre, tentant de se concentrer sur autre chose que la sensation de peur qu'elle venait d'éprouver. Oui. Elle essayait de faire le vide. Elle y arriverait. Elle passa une main dans ses cheveux. La serveuse s'était pointée et elle avait pris leur commande, avant de les laisser. Enzo en vint à lui poser une question. Sur son boulot. Elle eut un haussement des épaules tout en le regardant. "Et bien écoute, oui, ça va. La rentrée, c'était sympa. J'ai moins de classes que l'année dernière." Elle hocha de la tête. "J'avais toutes les classes l'année dernière parce que j'étais la seule prof d'arts plastiques et qu'ils ont pas vraiment eu le temps, l'occasion ou l'envie, je sais pas trop, pour embaucher un autre prof." Ca avait été une année très compliquée. Pour sûr. Ne lui laissant que peu de temps pour elle. Enfin, pas assez si elle faisait la comparaison avec l'année d'avant. "J'crois qu'à force de les menacer que j'allais accepter un poste à l'université pour enseigner l'histoire de l'art, ça a fini par payer." Ouais, ça devait être le cas. "Parce que j'doute qu'ils l'aient fait pour me faire plaisir ou pour mon charme. J'en sais rien. En tout cas, c'est cool de ne plus être toute seule." Bien qu'elle aimerait bien, un de ces jours, travailler à l'université. Ca pourrait être sympa. Enfin, c'était dans ses projets. Elle était encore un peu jeune. Peut-être qu'elle ferait ça quand elle aurait dépassé la trentaine. Ou pas. A voir.
Ils étaient bien là. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle se sentait déjà mieux. Mais oui. C'était déjà mieux. Elle était moins tremblante. Ca allait mieux. Franchement, oui, faudrait qu'elle en discute. Qu'elle se décide à consulter. Une bonne fois pour toute. Elle devait exorciser ce démon. Elle devait tourner la page. Parce qu'elle ne voulait pas continuer à s'inquiéter pour cela. Parce qu'elle n'avait pas envie d'inquiéter son frère non plus. Ou bien même Enzo. Ou encore toute autre personne qui pourrait être proche d'elle et qui pourrait s'inquiéter pour elle. Histoire qu'elle ne pense pas à ce qui venait de se passer, Enzo venait de lui poser des questions sur ... et bien, le boulot de la jeune femme. "Oh, j'en sais trop rien. Ils avaient peut-être pas les fonds l'année dernière. Ou ils s'y sont pris à la dernière minute et ils ont tout fait foirer." Elle n'en savait rien. Et elle voulait pas le savoir. "Après, j'pense qu'il y a quand même pas mal de monde dans cette section. Mais rare peut-être sont les artistes qui se dirigent, au final, vers l'enseignement." Elle secoua la tête. "Tu sais, à la base, j'me voyais pas spécialement dans l'enseignement. J'me serais plus vue à travailler dans une galerie d'arts, ou quelque chose dans le genre." Ca aurait pu être cool. "J'dis pas que ça n'arrivera jamais. Mais qui sait ?" dit-elle dans un hochement de la tête. Elle espérait que ... Oh, Jessy savait qu'elle ne ferait pas ça toute sa vie et qu'elle finirait par évoluer. A un moment ou à un autre. Vers quelle direction, elle ne savait pas encore. Elle verrait bien. Quant à l'université, ça pouvait être une solution d'évolution. D'ici combien de temps, elle ne savait pas encore. Enzo avançait l'argument de l'argent. Du fait que ... si elle bossait en université, elle gagnerait mieux. "Oh, tu sais, j'cours pas forcément après l'argent. Oui, comme tout le monde, il faut gagner de l'argent pour payer les factures et d'autres choses de ce genre. Mais j'crois que si j'faisais ça uniquement pour l'argent, j'me reconnaîtrais pas." Elle secoua la tête. L'argent, c'était secondaire. Ce qui l'intéressait, c'était l'art. Et rien d'autre.
Des collègues ... Ouais, c'était top de ne plus être toute seule, cette année, comme professeur d'arts plastiques. Elle en était même ravie. Bon, il était vrai qu'elle n'avait pas le temps de s'ennuyer et que ... et bien, qu'elle avait un oeil sur toutes les classes. Mais ça lui faisait un emploi du temps chargé. Bien trop chargé. Et c'était difficile. Elle avait besoin d'un peu de repos quand même. Même si, honnêtement, c'était pas la matière la plus compliquée à enseigner. Elle se contentait de leur donner des sujets. Et eux, devaient simplement le représenter. Ouais, c'était du manuel. Et rien que du manuel. Noter ses élèves, c'était rien. Elle appréciait, ou pas, et elle passait au travail suivant. Ni plus. Ni moins. C'était facile. C'était simple. Elle se doutait que ça serait autre chose si jamais elle en venait à travailler à l'université. Ou bien travailler dans une galerie d'art, ça pourrait être fun aussi. Fallait qu'elle se décide. Fallait qu'elle se bouge. C'était tout. Qu'elle se décide à abandonner son poste, à abandonner les enfants, et à se trouver quelque chose de plus intéressant. Ca faisait deux ans qu'elle était dans l'enseignement. Trois si on comptait cette année. Et bien qu'elle trouvait les gamins gentils et sympathiques, ils n'étaient pas intéressés par ce qu'elle pouvait leur dire. A l'université, ça serait autre chose. Et si jamais elle optait pour la galerie d'art, ça serait encore autre chose. Enfin, si on en revenait à ce qui nous intéresse ? "Non, pas forcément. Oui, ça pourrait être le pied de vivre de ma passion. Mais j'ai pas l'âme d'une artiste. Quand je peins, c'est pour moi. Pour mes amis. J'ai pas forcément envie d'exposer mes petites oeuvres." Grand dieu, non. Elle avait encouragé quelqu'un à le faire. Mais elle n'était même pas sûre qu'elle le ferait pour elle d'ailleurs. "Mais bosser dans une galerie d'art, ça, par contre, c'est pas pareil. Puisque ce sont pas mes oeuvres." Mais elle était sûre et certaine que c'est un job qui pourrait lui plaire. Pour sûr. Enzo lui avait demandée quand elle comptait lui montrer ce qu'elle avait pu faire. "Si t'as rien de prévu, on peut y aller maintenant." Jessy s'était levée. Finalement, elle allait un peu mieux. Parler de tout et de rien, ça lui avait fait du bien. Beaucoup de bien.