Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
La nuit a été longue et assez difficile. Endormi tard et réveillé dès cinq heures du matin avec l’impossibilité des plus totales à me rendormir. J’ai l’impression que notre vie a été bouleversée en un claquement de doigts hier. Je pensais souvent à Nathan, je me demandais comment il allait, s’il était heureux, s’il avait de bons résultats à l’école et bien sûr que je me demandais s’il lui arrivait de penser à nous. De s’interroger sur ses parents biologiques, sur ses origines parce que oui, même si cette vérité me fait mal à ses yeux nous ne sommes que ses parents biologiques, il doit me voir comme étant simplement son géniteur et Alex la femme qui l’a porté pendant neuf mois. Mais depuis hier certaines petites parties de sa vie se sont éclaircies et ont trouvé des réponses. Je sais qu’Alex aurait préféré continuer à se torturer l’esprit avec toutes ces questions mais moi, même si la réalité ne me plait pas et me fait mal pour Nathan je reste soulagé d’en savoir plus sur sa vie. Au vu des raisons pour lesquelles nous avons été contactés je doute qu’il soit heureux, Nathan. Je doute aussi qu’il ait vraiment la tête à se concentrer sur l’école. Il n’a que dix ans, il est malade, allongé sur ce lit d’hôpital seul, sans personne, sans parent pour lui tenir la main quand il s’endort pour lui dire que tout va bien se passer. Il doit avoir peur, il doit se sentir angoissé. J’aimerais pouvoir être à ses côtés pour le rassurer, l’aider, lui tenir la main, lui dire que tout va bien se passer. J’aimerais pouvoir l’aider de n’importe quelle autre manière mais je ne sais pas s’il acceptera notre présence auprès de lui et je sais qu’un refus de sa part me ferait mal. Mais je m’y suis préparé à cette éventualité qui me semblerait presque logique de sa part. C’est tout ce genre de choses qui tournent en boucle dans ma tête cette nuit et si j’essaie de fermer les yeux prou m’endormir je n’y parviens qu’assez peu. Je sens Alex bouger aussi dans le lit. La situation de Nathan me fait non seulement souffrir pour lui mais elle me fait également peur pour nous, pour notre couple, notre mariage. J’ai peur de sentir Alex s’éloigner de moi, j’ai peur de la voir de nouveau s’enfoncer dans la culpabilité, j’ai peur de la voir de nouveau flirter avec ses anciens démons. Alors je la serre contre moi, je pose mes mains sur son ventre essayant de me concentrer sur au moins un élément positif ; cette grossesse. Je la serre dans mes bras comme pour l’empêcher de partir ou de s’éloigner un peu trop de moi. Parce que j’ai besoin d’elle, besoin de cette proximité physique entre nous et je lui prouve ainsi.
La journée se passe normalement, bien que je sente Alex tout aussi stressée que moi, mais rien d’étonnant au fond. L’heure du rendez-vous arrive avec l’éducatrice s’occupant de Nathan arrive bientôt et c’est surtout de l’appréhension que je ressens. Peur des réponses qu’elle va nous apporter, ou non d’ailleurs. Je me demande si elle a vu Nathan hier, si elle a pu lui demander s’il voudrait nous voir ou non mais pour ce point-là je ne me fais pas beaucoup d’illusions et je me doute qu’il y a tout de même de grandes chances qu’il refuse de nous voir. Ce qui serait totalement compréhensible de sa part, bien qu’apprendre qu’il ait pris cette décision me ferait un mal de chien je dois bien l’avouer. Je m’assure que la nounou a bien tout ce dont elle va avoir besoin pour les prochaines heures avec les filles et bien sûr, je ne pars pas avant d’avoir dit au revoir à mes filles. Je les embrasse plusieurs fois, je les prends dans mes bras et je leur dis à quel point je les aime. Elles sourient tous les deux, elles rient et dans ce genre de moment encore plus que d’habitude, les entendre rire et les voir sourire me font un bien fou.
Ma main dans celle d’Alex, c’est à pieds que nous nous rendons tous les deux au salon de thé où Rebecca nous a donné rendez-vous. « Comment tu te sens ? » J’ai déjà essayé de lui poser plus ou moins cette question hier mais les seules réponses que j’ai pu avoir étant qu’elle n’en savait rien j’ose espérer qu’avec un peu de recul et qu’à l’approche de ce rendez-vous elle pourra m’en dire un peu plus sur son ressenti. « Je ne veux pas que tu te forces à être là tu sais, et ne me dis pas que tu dois assumer. Je veux être sûr que tu te sentes capable d’affronter tout ça. » Tout ça étant la confrontation avec l’éducatrice et des possibles réponses qui ne lui feront pas toujours plaisir. Comme d’habitude je pense à elle en premier. À elle mais surtout à ce bébé qu’elle porte et on sait très bien tous les deux que trop de stress pendant une grossesse n’est jamais vraiment bénéfique pour le bébé. Nous arrivons avec quelques minutes d’avance au salon de thé. Je balaie du regard la salle et une fois une table libre repérée je nous y emmène sans lâcher sa main. Je lui tire la chaise pour la laisser s’asseoir et m’installe juste à côté d’elle. Je fais trembler nerveusement ma jambe, ma main vient chercher la sienne de nouveau et c’est peu de temps plus tard d’une femme s’approche vers nous. « Alex Clarke et Caleb Anderson ? » J’hoche instinctivement la tête et je me lève pour lui serrer la main. « Enchantée, je suis Rebecca, l’éducatrice de Nathan. » Elle nous sourit et prend place en face de nous le gros dossier qu’elle tenait sous le bras se retrouve posé sur la table. Je lui laisse le temps de s’installer, ma main resserre son étreinte autour de celle d’Alex que je regarde jusqu’à ce que la voix de l’éducatrice ne nous interpelle. « Merci beaucoup d’avoir accepté une rencontre aussi rapide et surtout merci de l’aide que vous acceptez de donner à Nathan. » Je suis encore plus nerveux que je ne l’étais tout à l’heure pourtant elle a l’air gentille, Rebecca, elle nous sourit et ne semble juger aucun de nous, elle a un regard bienveillant. « Merci à vous, vous pouvez pas imaginer à quel point c’est important pour nous de pouvoir parler un peu avec vous. » Pour moi du moins ça l’est, et je sais que même si Alex ne lui dit pas clairement ou même si elle n’en a pas conscience je sais que c’est pareil pour elle. C’est d’ailleurs vers elle que je me tourne. « Tu vas bien ? Tu veux que je te prenne quelque chose à boire ou à manger ? » De toute façon je pense que l’on va rester ici encore un long moment.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
Nathan, voilà un prénom qui a toujours eu un effet sur moi. La simple évocation de ce prénom suffisait à me rendre vulnérable, pendant des années j'ai tout fais pour éviter de penser à lui, j'ai tout tenté pour oublier ce prénom et ce qu'il représentait surtout. J'ai menti, j'ai caché une partie de ma vie, je l'ai caché lui et si depuis j'ai révélé son existence à plusieurs personnes, en parler n'est toujours pas une chose aisée pour moi. Alors, quand il y a quelques heures une éducatrice m'a contacté pour me parler d'un certain Nathan, c'est comme si tout mon passé m'était revenue en pleine face. Des années à essayer de gérer cet événement, à essayer de me reconstruire, à gérer la culpabilité et la honte, à gérer ce traumatisme qui m'a entrainé à me détruire, et je pense, pensais, y être arrivée grâce à Caleb. Grâce à nos filles aussi mais je constate que ce n'est pas forcément le cas parce que le passé vient perturber notre présent et ça me terrifie. Autant que les sentiments que je ressens de nouveau. La culpabilité. La honte. La peur de l'avenir. Je me déteste à nouveau pour ce que j'ai fais à Nathan, et désormais j'ai la certitude qu'à cause de moi, sa vie a été compliquée pour ne pas dire totalement merdique. Que mon choix n'a été bon pour absolument personne et surtout pas pour lui, et c'est dur à encaisser. Dur de le savoir seul depuis sa naissance. Dur de savoir qu'il a passé sa vie à être rejeté à cause de moi. Dur de constater qu'à cause de moi il a du gérer une maladie dont je suis sans aucun doute responsable aussi. Ca fait beaucoup à encaisser, beaucoup à gérer et je tente de toutes mes forces de ne pas craquer, parce que Caleb a besoin de moi. Parce que Nathan a besoin de nous. Parce qu'il y a nos filles aussi, qui sont tout ce que j'ai et si en les voyant je ressens à une nouvelle culpabilité à l'idée de me dire qu'elles ont eu tout ce que Nathan n'aura jamais à cause de moi, je tente de tenir le coup devant elles. Je tente de tenir le coup pour tout le monde parce que cette situation c'est ma responsabilite, les autres subissent les conséquences de mes choix, de mes actes, de mes conneries et il est temps d'assumer. Pour une fois dans ma vie, je ne peux pas me cacher, je ne peux pas fuir, je dois faire face et j'essaye du mieux que je peux de garder les épaules levés et la tête droite même si je sens un poids dans l'estomac qui me serre et m'empêche de respirer par moment. Mais je ne craquerai pas. Ni aujourd'hui, ni demain. Pourtant une fois la lumière éteinte, une fois le corps qui se rêlache dans la sécurité de notre chambre, de notre lit, c'est difficile de ne pas craquer, c'est difficile de rester forte quand les évènements de la journée reviennent tourner en boucle dans ma tête pour foutre un bordel monstre. Le passé et le présent se mélangent, les souvenirs reviennent, Nathan c'est de loin ma plus grande faiblesse et je m'attendais pas à avoir à gérer tout ça aussi tôt dans ma vie, je suis prise de court et je ne sais pas comment gérer tout ça. Le sommeil met du temps à venir ce soir. Et je sens que c'est pareil pour Caleb à côté de moi. Bien sur qu'il est perturbé lui aussi par cette nouvelle et je me demande ce qui tourne dans sa tête, ce qu'il ressent après toutes ces révélations. Comment il gère les réponses qu'il a obtenu ? Comment il gère ce qu'il vient d'apprendre concernant Nathan ? Est-ce qu'il m'en veut ? Est-ce qu'il a honte de moi ? Est-ce qu'il s'en veut d'apprendre que Nathan est seul depuis dix ans ? Est-ce qu'il a aussi peur que moi de l'avenir ? Je voudrais pouvoir lui parler, pouvoir lui demander comment il se sent. Lui demander si lui aussi il pense à cet enfant tout seul dans son lit d'hopital qui doit être terrifié ? Si lui aussi il le voit, son visage est figé dans mes pensées depuis que je l'ai vu sur l'écran de son téléphone et je me demande si c'est pareil pour Caleb. Mais je reste silencieuse, agitée dans le lit, je gère mes pensées, je gère mes souvenirs, je gère mes émotions et je garde les yeux ouverts dans le noir complet de notre chambre pendant un long moment. Je finis par m'endormir, épuisée par cette journée, par les larmes qui ont coulé en trop grand nombre depuis l'appel de l'éducatrice, je m'endors mais je ne dors pas longtemps. Je m'agite, je gesticule, je me réveille perturbée par un son que je n'avais plus entendu depuis longtemps ; les pleurs de Nathan. Je fixe pendant quelques secondes le babyphone, les filles ne pleurent pas, elles dorment. Je sens les bras de Caleb m'enlacer, m'attirer vers lui, sans un mot, je me rapproche de lui, sans un mot je me colle au plus près de lui, je me fais une place au creux de ses bras parce que j'ai besoin de lui, plus que jamais j'ai besoin de sentir qu'il ne m'en veut pas, qu'il est toujours là et qu'il m'aime toujours même si ce que l'on vient d'apprendre fait de moi quelqu'un de vraiment mauvais. Ses mains se posent sur mon ventre et les miennes se posent sur les siennes. Voilà la principale raison pour laquelle je n'ai pas le droit de craquer, pas le droit de sombrer, ce bébé, notre bébé, tant voulu, tant désiré que je dois protéger et je vais le protéger. Je finis par me tourner vers lui, ma tête qui se pose contre son épaule, sur son torse, cachée contre lui, je finis par m'apaiser un peu, là contre lui et c'est dans les bras de mon mari, plus proche de lui que jamais que je finis par trouver le sommeil pour une petite nuit, peu réparatrice mais sa présence m'aide énormément et c'est aussi parce qu'il est là pour moi que je me promets d'être là pour lui. Quoiqu'il arrive. Quelque soit ses besoins ou envies, je serai là pour lui.
J'ai passé la matinée à m'occuper de Lucy et Lena et pour une fois l'énergie débordante de Lena m'a semblé être un vrai bonheur. Peu de temps pour moi, peu de temps pour penser, peu de temps pour me torturer l'esprit, concentrée à passer du temps avec elles, à les regarder jouer, à les entendre rire et parler entre elles dans un langage qu'elles sont le seul à comprendre. Elles sont assez différentes mais elles sont pourtant si proches toutes les deux et leur complicité fait vraiment plaisir à observer. Parfois je me perds dans mes pensées, parfois mon visage se ferme et mes muscles se tendent mais Lucy m'appelle, Lena me saute dessus, tour à tour elles me sollcitient et elles sourient me faisait sourire à mon tour et que je les aimes toutes les deux. Je me sens coupable en les regardant si heureuse, je me sens coupable d'avoir réussi à les aimer avec autant de force et de n'avoir pas su le faire pour Nathan. Je chasse cette pensée, je plonge mon regard dans ceux de mes deux princesses, je joue avec elles, je parle peu mais je leur donne toute mon énergie, toute mon attention, du moins tout ce que j'ai en moi parce que leur présence me fait un bien fou et que si je me déteste pour ce que j'ai fais à Nathan, à leur grand frère, elles me donnent tellement d'amour que ça me fait énormément de bien et quand vient l'heure de les quitter pour le rendez-vous, c'est avec difficulté que je les laisse parce que j'aurais bien eu besoin d'elles. Mais en même temps, je veux les protéger, je veux leur éviter d'avoir à me voir vulnérable et je sais que je vais l'être, alors après plusieurs gros calins que Lena ne comprends pas forcément, je les laisse avec leur nounou direction un rendez-vous que j'appréhende énormément.
« Comment tu te sens ? » Jusqu'à cette question, mes pensées étaient concentrées sur le bruit de mes légers talons qui frappent le sol au rythme de nos pas. Je sais c'est bête, chaque pas nous rapproche de l'endroit ou nous allons rencontrer Rebecca, l'éducatrice de Nathan, et je devrais être en train de penser à 150 choses mais pas au bruit de mes talons sur le trottoir non ? Surtout que la ville de Brisbane regorge de bruit en tout genre mais je trouvais un certain calme à fixer mes pensées sur ce détail si insignifiant, comme un moyen de faire le vide dans mes pensées, de faire taire le bruit incessant de mes pensées depuis hier. Mais Caleb me ramène à la réalité. « Ca va, je suis juste un peu fatiguée. » C'est absolument pas ce détail qu'il voulait savoir je pense, et j'en suis même sûre. Et de toute façon, il a du le voir sur mon visage, la fatigue, mais aussi les marques de mes trop nombreuses larmes de la veille, cachées derrière le maquillage mais pas assez pour tout dissimulé. Lui aussi est fatigué, je le sais, je le vois. « Et toi ? » Il s'inquiète pour moi, je le sais mais je lui ai dis hier, je veux qu'il pense à lui pour une fois et je vais tenter de l'aider à le faire. « Je ne veux pas que tu te forces à être là tu sais, et ne me dis pas que tu dois assumer. Je veux être sûr que tu te sentes capable d’affronter tout ça. » Ma main resserre la sienne, je le regarde quelques secondes, un sourire léger sur les lèvres en guise de réponse comme pour tenter de le rassurer et de lui prouver que je suis là et que je ne compte aller nul part d'autres, que je suis prête pour ce qui nous attends. « Je ne me forces pas, et je veux être là pour toi, à deux on est plus fort. » J'ai besoin de lui, et je sais qu'il a besoin de moi et je me dois d'être à la hauteur pour une fois dans ma vie, je vais être capable d'affronter les choses avec dignité, ce serait pas mal non ? « J'ai juste un peu peur, parce qu'après aujourd'hui je sais que plus rien ne sera jamais pareil pour nous. » Pas de retour en arrière possible, quoiqu'il arrivera ensuite, notre vie et celle de Nathan sera différente, tout sera différent et j'aimais beaucoup notre vie actuelle. J'aimais beaucoup le calme et la sérénité que je ressentais en moi, cet amour entre nous, l'amour de notre famille, j'aimais ma vie actuelle et j'ai peur que tout change et surtout j'ai peur de l'impact que ça aura sur nous et sur notre vie. Mais je n'ai pas d'autres choix que de faire avec, et d'assumer et je vais le faire. Et si je viens de lui assurer que j'étais prête, ou du moins que je me forçais pas à être là, arrivée devant le lieu du rendez-vous j'ai un léger moment de panique, imperceptible mais en regardant l'enseigne j'ai les jambes qui tremblent légèrement. Je soupire et c'est toujours en serrant la main de Caleb que je le suis dans le salon de thé et que je m'installe après qu'il nous ait trouvé une table. Je suis silencieuse, bien plus qu'à l'accoutumée, et je sais qu'il ne m'aime pas ainsi, il me l'a fait comprendre hier. Je sens sa jambe trembler à côté de la mienne et je viens poser nos mains jointes sur sa cuisse pour l'aider à se calmer. « Ca va aller, respires un peu, et si tu veux prendre l'air pour fumer je peux t'attendre ici. » J'aurais aimé qu'il mette sa montre connectée aujourd'hui pour pouvoir surveiller son rythme cardiaque mais je sais qu'elle aurait sans doute sonnée à plusieurs reprises parce que l'émotion risque d'être grande aujourd'hui mais je m'inquiète pour lui parce qu'on va rencontrer la personne qui connait le plus Nathan, mais aussi la personne qui risque de nous donner plus d'information sur la maladie de Nathan et j'ai pu constater que cette info et les risques pour Nathan avaient un impact fort sur Caleb et je ne veux pas le voir faire une autre crise. « Alex Clarke et Caleb Anderson ? Enchantée, je suis Rebecca, l’éducatrice de Nathan. » J'imite Caleb, je me lève à mon tour, je serre la main de cette femme sans oser la regarder réellement. J'ai peur de voir dans ses yeux le jugement alors je me contente de serrer sa main, de me rassoir en silence tout en fixant la table devant moi. Je pourrais lui dire que désormais je ne suis plus Alex Clarke mais Alex Anderson, mais je ne dis rien. La main de Caleb se resserre autour de la mienne et je regarde à présent nos mains liées, nous sommes ensembles pour faire ça, c'est ce sur quoi je dois me concentrer. « Merci beaucoup d’avoir accepté une rencontre aussi rapide et surtout merci de l’aide que vous acceptez de donner à Nathan. » Elle nous remercie comme si c'était pas logique d'accepter de faire ce que nous faisons, alors que le choix était vite fait non ? Après son appel, il était impossible de ne rien faire non ? Après je comprends son raisonnement, j'ai abandonné cet enfant alors rien ne pouvait laisser penser que je voudrais avoir quelque chose à faire avec lui ou pour lui non ? Enfin c'est ce qu'elle a du penser, ou plutôt ce que je projette qu'elle ait pensé. « Merci à vous, vous pouvez pas imaginer à quel point c’est important pour nous de pouvoir parler un peu avec vous. » Caleb est le premier à parler, et ça croyez moi c'est nouveau, c'est étonnant même. Parler je le fais, beaucoup, trop même et encore plus quand je suis nerveuse mais aujourd'hui et ce depuis hier, parler est douloureux. Parler me fait peur aussi, comme si j'avais peur de ce qui allait ressortir de mes paroles au moment ou j'accepterai de dire ce que je ressens. Peur de ne plus pouvoir contrôler ce que je vais dire, peur de ne plus pouvoir m'arrêter. Alors je le laisse prendre l'initiative et je sais que je vais devoir m'investir dans cette rencontre, mais pour le moment mes yeux ont trouvé un autre objet à fixer, le gros dossier qu'elle a posé devant elle. La vie de Nathan résumée se trouve la dedans, et je ressens une grosse pression à l'idée de découvrir ce qu'il se cache sur ces feuilles, une pression mais aussi un besoin d'en savoir plus. Je ne peux pas dire réellement pourquoi mais en voyant cette dame et en voyant ce dossier, j'ai peur des réponses oui, mais j'ai surtout besoin de ces réponses même si je sais qu'elles vont être douloureuses, peut-être que c'est ça qui m'intéresse finalement ? Peut-être pour ça que j'ai un attrait soudain pour les réponses à venir ? « Merci d'avoir prit le temps pour lui. On a beaucoup de questions à son sujet. » On, pour la première fois je m'inclue dedans, ce n'est pas Caleb qui a des questions mais bien nous deux. « Tu vas bien ? Tu veux que je te prenne quelque chose à boire ou à manger ? » Je lève les yeux vers Caleb, je secoue la tête en lui adressant un léger sourire, je veux le rassurer, je veux qu'il ne s'inquiète pas pour moi et je sais exactement comment je dois faire pour le rassurer. « Je vais prendre un thé glacé et une tartelette à la fraise. Vous voulez quelque chose c'est nous qui offrons ? » C'est à Rebecca que je m'adresse pour la première fois je la regarde et je suis surprise de voir qu'il n'y a pas une once de jugement dans son regard et ça me déstabilise. Elle connait l'histoire de Nathan, elle connait mon choix et pourtant elle semble pas me regarder avec mépris et c'est déroutant pour moi. « Je vais prendre un café merci. » Il y a un léger flottement entre nous, la commande est passée mais pourtant ça semble compliquée de savoir par ou commencer, il y a dix ans à retracer, dix ans de la vie de Nathan, de sa naissance à aujourd'hui, en passant par sa maladie et ses années de solitude. Beaucoup trop de choses qui vont nous faire du mal mais puisqu'il faut bien commencer je finis par briser le silence avant même l'arrivée de notre commande. « Vous l'avez vu hier ? Comment il va ? Vous lui avez parlé de l'appel d'hier et de l'envie de Caleb de le rencontrer ? Vous avez parlé avec son medecin ? Quand est-ce qu'on pourra faire les tests ? » Je me tais réalisant que j'ai posé bien trop de questions d'un coup. Je souffle un coup. « Désolée, comment il va ? » C'est finalement la première et la question la plus importante, comment va Nathan, et je réalise à ce moment que prononcer son prénom me semble impossible, mais tout le monde sait bien de qui je parle après tout c'est pour lui que nous sommes présents tout les trois. « Je n'ai pas pu aller le voir hier, c'est un peu compliquée pour lui rendre visite mais je l'ai eu par visio hier soir. Il allait aussi bien que possible au vu des circonstances. Je lui ai expliqué que je vous avez eu au téléphone, que j'allais vous voir aujourd'hui, que vous étiez prêt à l'aider et je lui ai fais part de votre envie de le rencontrer. » C'est en regardant Caleb qu'elle termine sa phrase, parce que c'est lui qui a émit cette envie, lui qui en a besoin avant tout et elle ne laisse pas de suspense, pas le temps de vraiment se questionner qu'elle enchaine, répondant à plusieurs questions. « Il est pas encore prêt pour ça, tout va très vite pour lui mais je lui ai proposé de commencer par un visio un jour avec vous Caleb, il n'a pas semblé totalement fermé à l'idée, il faut lui laisser du temps. C'est un garçon formidable mais il est très méfiant, il a connu plusieurs familles d'accueil, il a du mal à se lier et avec vous c'est peut-être encore plus dur pour lui. » J'écoute ce qu'elle dit, je serre la main de Caleb quand je l'entends dire qu'il n'est pas encore prêt pour ça parce que je sais que ça risque de faire mal à Caleb. La suite c'est à moi que ça fait mal. Le savoir baladé de famille d'accueil en famille d'accueil, sans lien fort, sans attache, sans lieu sécure ou il peut se ressourcer, ça me fait mal parce que toute sa vie il a connu abandon sur abandon, des changements constants et aucune stabilité et c'est moi qui ait initié ce processus en l'abandonnant la première. Le serveur apporte notre commande sans vraiment réaliser qu'il perturbe un moment important mais je profite de cette distraction pour me tourner vers Caleb et lui glisser quelques mots à l'oreille. « Je suis désolée chéri. » Je sais à quel point ça compte pour lui de pouvoir le rencontrer. « Parles lui de ta lettre, peut-être qu'il pourra la lire et te répondre, je suis sure que ça peut l'aider de lire ce que tu as à lui dire. » Je veux l'aider, je veux vraiment qu'il puisse rencontrer Nathan même si je sais que ça risque de le chambouler énormément, même si je sais qu'une fois qu'il l'aura vu plus rien ne sera jamais pareil, mais comme je lui ai dis, à partir de maintenant plus rien ne sera jamais pareil, parce que Nathan est entré de nos vies et je sais qu'il ne pourra pas en ressortir désormais et je crois que je ne vois pas qu'il en ressorte même si je n'ose pas le dire, ni même le penser.
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
« Ca va, je suis juste un peu fatiguée. » J’hoche une première fois la tête pour acquiescer. Elle est fatiguée et je ne peux que le comprendre, moi aussi je le suis, on ne peut pas dire que j’ai passé la meilleure nuit de ma vie et je sais que c’est pareil pour elle alors en soi, sa réponse ne m’étonne pas. « Et toi ? » J’hausse les épaules et elle devra se contenter de ça, comme réponse parce que je n’ai rien d’autre à lui dire de plus. Je ne vais pas lui mentir en lui disant me sentir bien alors que ce n’est pas vrai. Je suis stressé, j’appréhende ce rendez-vous et je suis presque sûr que je n’ai pas besoin de lui dire pour qu’elle le sache elle me connait assez pour ça. « Je ne me forces pas, et je veux être là pour toi, à deux on est plus fort. » Je secoue la tête de gauche à droite tout en grimaçant. Voilà le problème, elle est là pour moi sauf que je pense qu’elle ne devrait pas être là simplement pour moi et ce qu’elle me dit ne me rassure pas du tout bien au contraire. Ses paroles m’inquiètent et ne me rassurent pas vraiment sur son implication dans la situation compliquée qui s’impose à nous. « Tu devrais pas être là pour moi, Alex, mais pour toi aussi. » Parce qu’elle a besoin d’avoir des réponses, parce qu’elle veut en apprendre plus sur Nathan sauf que je sais que ce n’est pas forcément le cas. « J'ai juste un peu peur, parce qu'après aujourd'hui je sais que plus rien ne sera jamais pareil pour nous. » Elle a sûrement raison sur ce point. En apprendre plus sur Nathan est important pour moi mais si je me suis toujours refusé cette possibilité c’était aussi en partie parce que j’avais peur que ça pourrait changer ma relation avec Alex et ça, je le refuse. Parce que je l’aime, malgré ses choix, malgré ses erreurs, malgré le fait que ce soit à cause d’elle que je n’ai jamais pu connaître Nathan. Mais cette dernière pensée j’essaie de la chasser de mon esprit bien qu’elle soit plus que véridique. « Ça va aller, rien ne peut nous séparer. » Je lui réponds, avec détermination.
Une fois arrivés et installés à une table le stress ne fait que monter. « Ca va aller, respires un peu, et si tu veux prendre l'air pour fumer je peux t'attendre ici. » Je secoue négativement la tête ne voulant pas prendre le risque de la laisser seule quand Rebecca arrivera et j’ai bien fait puisqu’elle fait son apparition peu de temps après. Elle se présente et je ne peux pas m’empêcher de la regarder en pensant au fait que c’est elle, le seul visage que Nathan connait et suit depuis des années. Une éducatrice. Pas un parent, pas un membre de sa famille, non, mais juste une éducatrice. Cette pensée me déchire le cœur. C’est moi qui interviens en premier, étonnant quand on sait qu’Alex se tient à côté de moi mais finalement je me doutais qu’elle ne prendrait pas beaucoup la parole et qu’elle me gérerait plus ou moins tout gérer seul. « Merci d'avoir prit le temps pour lui. On a beaucoup de questions à son sujet. » C’est la première fois qu’elle parle en s’incluant dans la situation, ce qui m’étonne, raison pour laquelle je la regarde. Étonné mais surtout assez rassuré de la voir prendre les choses un minimum en mains sans rester mutique, enfoncer dans sa chaise. « Je vais prendre un thé glacé et une tartelette à la fraise. Vous voulez quelque chose c'est nous qui offrons ? » Mon regard passe d’Alex à Rebecca qui accepte un café, je quitte alors quelques secondes la table pour partir passer la commande. Je règle tout ça et je rejoins rapidement ma femme et Rebecca. « Vous l'avez vu hier ? Comment il va ? Vous lui avez parlé de l'appel d'hier et de l'envie de Caleb de le rencontrer ? Vous avez parlé avec son medecin ? Quand est-ce qu'on pourra faire les tests ? Désolée, comment il va ? » Elle pose beaucoup de questions, vraiment beaucoup. Ce qui en soi me rassure même si encore une fois, elle ne s’inclut pas du tout et demande simplement si je peux le rencontrer et pas si nous le pouvons. Mais elle se redresse, elle pose des questions, elle s’intéresse et au moins ainsi, je me sens un peu moins seul. Cependant c’est sur l’éducatrice que je repose mon regard. « Je n'ai pas pu aller le voir hier, c'est un peu compliquée pour lui rendre visite mais je l'ai eu par visio hier soir. Il allait aussi bien que possible au vu des circonstances. Je lui ai expliqué que je vous avez eu au téléphone, que j'allais vous voir aujourd'hui, que vous étiez prêt à l'aider et je lui ai fais part de votre envie de le rencontrer. Il est pas encore prêt pour ça, tout va très vite pour lui mais je lui ai proposé de commencer par un visio un jour avec vous Caleb, il n'a pas semblé totalement fermé à l'idée, il faut lui laisser du temps. C'est un garçon formidable mais il est très méfiant, il a connu plusieurs familles d'accueil, il a du mal à se lier et avec vous c'est peut-être encore plus dur pour lui. » Il n’est pas prêt pour ça. Il n’est pas prêt pour me rencontrer. Il ne veut pas me rencontrer. C’est tout ce que je retiens de sa réponse et quand elle prononce ces mots, mon regard se baisse, comme je m’en doutais ; ça me fait mal mais je le comprends. Je suis déçu et c’est à peine si je remarque le serveur qui nous interrompt en nous ramenant notre commande. Nathan ne veut pas me voir, je ne pourrais donc jamais le connaître réellement, je ne veux jamais pouvoir passer ne serait-ce que quelques minutes avec lui et ça fait mal. « Je suis désolée chéri. Parles lui de ta lettre, peut-être qu'il pourra la lire et te répondre, je suis sure que ça peut l'aider de lire ce que tu as à lui dire. » Alex me murmure ces mots à l’oreille et je commence par lever les épaules. « Je ne suis pas sûr que ça change quelque chose.. » Je lui réponds, résigné. Mais je finis enfin par relever les yeux vers Rebecca et je n’ai aucun doute que la déception et la tristesse doivent se lire aisément son mon visage. « C’est normal, je le comprends. Après tout pour lui on est que des… » Je marque une pause de quelques secondes. « …inconnus. » Le mot a du mal à sortir, il fait mal, il est violent et brutal mais il est surtout entièrement vrai. « Écoutez, je connais très bien Nathan et je suis persuadée qu’il finira par changer d’avis. C’est un garçon qui se protége beaucoup, je pense qu’il a peur d’être abandonné. S’il était fermé à l’idée de vous rencontrer croyez-moi qu’il me l’aurait dit immédiatement. Il ne tourne pas autour du pot, il sait ce qu’il veut. Il a besoin de temps, c’est tout. » Je la regarde, j’ai envie de la croire parce qu’après tout c’est elle qui le connait, pas Alex, pas moi, mais je préfère arrêter d’avoir cet espoir de le rencontrer un jour parce que la déception est bien trop douloureuse. « Vous croyez vraiment qu’il va changer d’avis ? » Pourtant c’est encore de l’espoir qui fait briller mes yeux quand je lui pose cette question.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
La fatigue est visible sur nos deux visages, le stress et l'inquiétude aussi sans doute. Du moins pour ceux qui nous connaissent un minimum ça le serait, et je connais Caleb alors même s'il ne le verbalise pas, je sais que ce rendez-vous est aussi attendu que stressant pour lui. Mais c'est une étape à passer, on a pas le choix désormais, on ne peut plus faire marche arrière. Il est là désormais. Pas vraiment là, mais présent partout dans nos pensées, et dans nos inquiétudes parce qu'il y a sa vie qui repose sur nous, parce qu'il est seul, sans famille, sans personne et qu'il n'y a que nous qui pouvons l'aider désormais. C'est beaucoup de pression, c'est beaucoup d'angoisse, beaucoup d'inquiétude aussi mais c'est la réalité et on va devoir faire avec. « Tu devrais pas être là pour moi, Alex, mais pour toi aussi. » Depuis l'annonce de sa maladie, je ne suis plus en mesure de penser pour moi, je n'en ai plus le droit. Alors non je ne suis pas la pour moi, mais comme je lui ai dis je ne me force pas non plus à venir, mais c'est sur que je voudrais être ailleurs, je voudrais que tout ceci ne soit pas réel, que Nathan ne soit pas malade, qu'il n'ait pas besoin qu'on rencontre son éducatrice parce qu'il serait heureux dans une grande maison avec ses parents adoptifs et son chien. Voilà pourquoi je voudrais être ailleurs parce que ça voudrait dire que rien de tout ça n'est vrai, mais pourtant ça l'est. Nathan est malade. Nathan est seul. Nathan va mal et à côté ce que je peux ressentir n'a finalement que peu d'importance non ? Pour une fois que je ne suis pas égoïste ne me demande pas de l'être Caleb. « Oui oui Caleb, je sais. Je suis là pour toi, pour Nathan et pour moi. » Parce que je veux le rajouter je m'inclus dans le processus mais pour le moment je suis juste là pour eux, parce que moi j'ai encore beaucoup trop de doutes sur la suite, sur ce qu'il va se passer, sur l'impact que ça aura sur notre vie pour vraiment ressentir l'envie d'être ici. Mais je suis là et je considère à cet instant que c'est le plus important. « Ça va aller, rien ne peux nous séparer. » Il y croit, il en est certain et si je ne doute pas de nous et de notre amour, j'ai tout de même peur du mal que ça peut nous faire, des tensions qui peuvent naitre, des rancoeurs, des regrets et de la colère. J'ai peur de moi même aussi. Mais ça je ne peux pas lui dire sous peine de le voir paniquer et s'inquiéter, tout ce que je ne veux pas. « Je sais, je t'aime tellement ne l'oublie jamais. » L'amour peut triompher de tout à ce qu'on dit non ? Je sais que c'est pas vrai mais j'ai envie de croire que le notre le peut même si je sais qu'il va falloir faire face à des choses peut joyeuses dans les semaines à venir. Mais pour l'instant c'est sur la rencontre qu'il faut concentrer ses forces et ses pensées.
Caleb est stréssé, je le suis tout autant mais pour une fois je suis peut-être celle qui arrive le mieux à le cacher je ne sais pas par quel miracle c'est possible mais finalement se concentrer sur les autres ça aide à gérer ses propres émotions, ou peut-être que c'est les refouler qui aide ? J'en sais rien mais c'est lui qui agite son pied sous la table, c'est lui qui semble le plus stressé même si je ne suis clairement pas à l'aise moi non plus mais on a pas le temps de douter, Rebecca arrive, du moins une femme, une très belle femme qui se présente à nous et c'est à ce moment que tout devient encore plus réel. Encore plus fort. Le dossier devant nous, l'éducatrice qui se présente, qui évoque le prénom de Nathan, voilà désormais le moment tant attendu et tant redouté est arrivé. Le stress et l'angoisse monte en moi, je mets du temps avant d'oser vraiment la regarder, avec d'oser faire face à son regard, avant d'oser prendre la parole mais je finis par le faire. Parce que le besoin se fait ressentir, parce que la peur des réponses devient moins forte que le besoin de combler les vides autour de son histoire, c'est Nathan après tout. C'est lui, vraiment lui, et elle est là pour le représenter, pour nous le présenter aussi et une fois les premières paroles prononcées, j'ai comme l'impression que le reste arrive presque tout seul, comme si tout ce que je n'avais pas osé demander depuis hier, se manifeste dans mes premières prises de paroles. Et si c'est Rebecca qui parle, mon regard est tourné vers Caleb et ça me fait extrêmement mal et je ressens beaucoup de culpabilité et de peine à le voir réagir ainsi. Je savais que ça pourrait lui faire du mal mais le constater est encore plus violent. « Je ne suis pas sûr que ça change quelque chose.. » Je connais assez mon mari pour sentir la résignation et la tristesse dans sa voix. Pour le sentir déjà avoir perdu tout espoir de voir Nathan un jour et ça me fait beaucoup de peine pour lui parce qu'il n'a rien demandé. Parce qu'il n'est pas responsable et je voudrais que Nathan me haïsse moi et uniquement moi parce que je suis la seule et unique responsable et Caleb souffre encore à cause de moi. Voilà le genre de chose que je craignais de vivre, l'une des nombreuses situations qui me semblaient plus que probables et qui me faisaient peur. « Elle a dit qu'il avait besoin de temps, et qu'un appel visio était peut-être possible, s'il lit tes mots, si ça vient de toi, ça pourrait aider non ? » C'est à elle que je m'adresse pour la fin de la phrase, j'ai besoin d'un peu d'aide de sa part pour redonner de l'espoir à Caleb, en espérant qu'il y en ait encore. « Peut-être oui, je peux toujours lui remettre votre lettre, il a besoin d'être rassuré et ça peut aider. » Je dois trouver des pistes, je dois être celle qui ramène un peu d'espoir au milieu de tout ça et croyez moi c'est absolument pas mon domaine ça. Mais pour Caleb j'ai décidé d'y croire parce que je ne peux pas le voir si mal comme ça. « C’est normal, je le comprends. Après tout pour lui on est que des……inconnus. » Les mots font mals mais ils ne sont que le reflet d'une cruelle vérité. Je baisse les yeux, honteuse d'entendre les mots de Caleb. Je suis la femme qui a mise au monde Nathan mais aussi celle qui l'a abandonné. Caleb n'est même pas son père sur le certificat de naissance, il n'est qu'un homme qui a apprit huit ans plus tard, trop tard son rôle dans la vie de ce garçon. Voilà ce que l'on est et c'est à ce moment que je réalise pourquoi depuis la veille je ne peux pas dire si je veux le rencontrer ou non, parce que je sais que lui ne le voudra jamais alors à quoi bon exposer ses envies quand on les sait irréalisables ? Pour moi c'est mort, emploie très douteux de ce mot au vu de la situation, mais tant que je ne le dis pas à voix haute, ça passe non ? Et si les espoirs pour moi sont nuls, pour Caleb je veux qu'il y en ait encore quelques uns. Je veux qu'il ait cette chance de le rencontrer, je l'ai privé de ça il y a dix ans, je vais tout faire pour tenter de l'aider à parvenir à rencontrer son fils même si concrètement je ne peux rien faire. « Il a gardé ta lettre, tu n'es clairement pas un inconnu à ses yeux. » Il doit se raccrocher à ça, il doit garder en tête que Nathan a lu ses premiers mots, il connait son histoire et il a gardé la lettre de Caleb, et on ne garde pas la lettre d'un inconnu non ? C'est du moins ce que j'essaye de me dire et de lui dire parce que voilà ce que je craignais, voir souffrir Caleb et après même pas cinq minutes c'est déjà le cas. « Écoutez, je connais très bien Nathan et je suis persuadée qu’il finira par changer d’avis. C’est un garçon qui se protége beaucoup, je pense qu’il a peur d’être abandonné. S’il était fermé à l’idée de vous rencontrer croyez-moi qu’il me l’aurait dit immédiatement. Il ne tourne pas autour du pot, il sait ce qu’il veut. Il a besoin de temps, c’est tout. » Peur d'être abandonné au vue de son début de vie, je pense que ça se comprends, et voilà le premier effet direct de mon abandon sur lui. « Vous croyez vraiment qu’il va changer d’avis ? » « Je le pense oui comme je vous l'ai dis, il a juste besoin de temps et d'être certain que vous n'allez pas l'abandonner ensuite. Donner lui du temps ça fait dix ans qu'il vit sans connaître ses parents biologiques et là en deux jours vous débarquez et vous voulez le rencontrer, il va falloir être patient Caleb mais si vous voulez mon avis, il va en avoir besoin lui aussi de vous rencontrer. » Je les laisse parler, je les écoutes et je me sens exclue de leurs échanges, ou plutôt je m'exclus moi même parce que je ne suis pas concernée par cette option, je suis même certaine que s'il refuse de voir Caleb c'est en partie à cause de moi. « Vous lui avez précisé qu'il pouvait voir Caleb seul, si ça peut l'aider à se décider, Caleb n'a rien demandé dans tout ça, il a toujours voulu le rencontrer depuis qu'il sait, je sais pas si vous pouvez lui dire tout ça mais jamais Caleb ne l'aurait abandonné s'il avait su. » Il a beau m'avoir certifié qu'il aurait respecté mon choix, on sait très bien lui et moi qu'il n'aurait jamais pu abandonner son fils, mais c'est un autre sujet. « Vous savez Alex, à un moment il voudra sans doute des réponses à ses questions et à ce moment vous serez celle qu'il voudra voir parce que vous serez la seule à pouvoir lui apporter toutes les réponses, vous devez en avoir conscience aussi. » Cruelle réalité là encore, parce que des réponses sur cette période de ma vie j'en ai que très peu et je me sens absolument pas prête à faire face à ce petit garçon de dix ans qui me demande pourquoi je n'ai pas voulu de lui. S'il y a beaucoup de chose que je ne sais pas si je suis capable de faire, ça je sais que je ne peux pas et je reste incapable de répondre aux propos de l'éducatrice. Pire encore je baisse les yeux et je me concentre sur ma tarte aux fraises qui est pour le moment encore intacte à l'exception d'une fraise que j'ai mangé avant de voir Caleb devenir si triste. « Il m'a demandé comment vous étiez tout les deux et si vraiment vous étiez prêt à l'aider pour de vrai pour reprendre ses mots. » Pour de vrai ça fait tellement enfantin, et je l'imagine hésitant, qui peine à y croire, j'imagine un enfant de dix ans dont la vie ne tient à plus grand chose, j'imagine je ne sais trop quoi puisque finalement on ne sait pas grand chose mais j'imagine sa peur de mourir, sa peur de ne pas être sauvé, sa peur d'être seul, de ne pas être aimé, j'imagine tout ce qu'il doit ressentir et ça me fait mal, ça me fait vraiment mal et je ferme les yeux quelques secondes incapable de parler, j'essaye de boire un peu pour me rafraichir les idées et garder le contrôle. Je ferai tout ce que je peux pour l'aider, mais depuis la veille j'ai une crainte, que je doive choisir entre cet enfant qui grandit en moi ou Nathan qui a besoin de moi. Et si je ne peux pas sauver Nathan à cause de ce bébé, si Caleb ne peut pas le sauver, qu'est-ce qu'on va faire ? Je n'ose pas répondre, je n'ose pas poser les questions que me brûle les lèvres mais pourtant je sais que ce n'est qu'une question de temps avant que je le sujet n'arrive. greffe de moelle, leucémie, dernier espoir autant de mot qui viendront dans la discussion et si je resserre la main de Caleb dans la mienne c'est bien parce que j'ai peur de ce sujet, j'ai peur parce qu'il a fait une crise hier, je le regarde, je m'assure qu'il ne panique pas, que son cœur ne s'emballe pas et s'il avait sa fichu montre au moins je pourrais savoir comment il va réellement. J'ai pleins de questions mais je n'ose pas les poser parce que je veux penser à lui avant de penser à moi et que je ne veux pas risquer de le voir souffrir encore bien que ça semble indéniable malheureusement
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
Quand Alex me dit qu’elle est là pour elle également je sais que ce n’est pas vrai, je sais qu’elle me ment dans le simple et unique but de me rassurer sauf que ça fait tout son contraire. Tout simplement parce qu’en parlant elle se trahit toute seule en ne s’incluant jamais vraiment dans les conversations et en se cachant derrière moi. Elle confirme plus ou moins qu’elle ne veut pas rencontrer Nathan quand elle dit que je veux le voir, et non que nous aimerions le voir. Je comprends son positionnement puisqu’elle ne l’a expliqué hier, elle ne veut pas prendre le risque de s’attacher à un garçon qui a des chances ne mourir dans les jours, semaines, ou mois à venir. J’ai cette même peur, sauf que moi, je m’en fiche de souffrir et je ne peux pas refuser à Nathan cette possibilité de rencontrer se parents biologiques simplement pour me préserver, alors je laisse mes sentiments et mes peurs de côté pour me concentrer sur ce que Nathan veut et pour le moment, il ne veut pas me rencontrer. C’est dur à entendre mais je m’attendais à cette réponse je m’y étais préparé mais bêtement il y avait toujours une petite partie de moi qui espérait que Nathan accepte une rencontre. « Elle a dit qu'il avait besoin de temps, et qu'un appel visio était peut-être possible, s'il lit tes mots, si ça vient de toi, ça pourrait aider non ? » J’en doute, j’en doute très fortement surtout s’il est aussi têtu qu’Alex. « Peut-être oui, je peux toujours lui remettre votre lettre, il a besoin d'être rassuré et ça peut aider. » Il a besoin d’être rassuré. Si vous saviez à quel point j’ai envie de le rassurer, de lui apporter des éléments de réponse, un soutien moral et psychologique. J’attrape le sac d’Alex pour récupérer la lettre rédigée hier et après quelques secondes d’hésitation je la fais glisser vers Rebecca sans un mot. Parce que je suis peu convaincu que mes mots puissent le faire changer d’avis, je n’ai en tête que son refus qui est dur à avaler mais que je comprends totalement. Après tout pour Nathan nous sommes des inconnus et moi aux yeux de la loi et de l’agence d’adoption je le suis encore plus puisque mon nom ne figure même pas sur son certificat de naissance. Alex a le mérite d’être au moins considérée comme étant sa mère biologique, moi, je suis personne. « Il a gardé ta lettre, tu n'es clairement pas un inconnu à ses yeux. » Elle essaie de me rassurer et je sais que cela part d’une bonne intention mais ça ne fonctionne pas. Je secoue la secoue à la négative avant de lui répondre. « Arrête Alex, tu es la mieux placée pour savoir que moi je ne suis personne. » Parce qu’elle a décidé de m’éloigner de cette grossesse, je n’ai pas pu le reconnaitre ni même laisser mon identité sur l’acte de naissance. Ainsi, elle m’a donné le rôle du simple géniteur, elle le sait, elle en a conscience et en prononçant ces mots je sens une ancienne rancœur remonter à la surface et ça, ce n’est pas bon. Pas bon du tout. « Je le pense oui comme je vous l'ai dis, il a juste besoin de temps et d'être certain que vous n'allez pas l'abandonner ensuite. Donner lui du temps ça fait dix ans qu'il vit sans connaître ses parents biologiques et là en deux jours vous débarquez et vous voulez le rencontrer, il va falloir être patient Caleb mais si vous voulez mon avis, il va en avoir besoin lui aussi de vous rencontrer. » Je baisse les yeux et j’hoche la tête. « Oui je comprends... » Même si cette vérité n’est pas celle que j’aurais préféré entendre. « Dites-lui que jamais je ne l’abonnerai. Et dites-lui aussi que j’attendrai le temps qu’il faudra. S’il vous plaît. » J’ai déjà écrit tout ça dans ma lettre, donc s’il la lit il le saura mais j’ai envie d’insister sur ces deux points. « Je lui dirais. » Elle m’assure, et quand je lève les yeux vers elle j’ai même l’impression d’y voir un petit sourire rempli d’empathie et de compassion. « Vous lui avez précisé qu'il pouvait voir Caleb seul, si ça peut l'aider à se décider, Caleb n'a rien demandé dans tout ça, il a toujours voulu le rencontrer depuis qu'il sait, je sais pas si vous pouvez lui dire tout ça mais jamais Caleb ne l'aurait abandonné s'il avait su. » Même si elle a raison, son intervention me fait soupirer, parce qu’elle continue, elle s’enfonce simplement pour redorer mon image et bien que je sois totalement conscient qu’elle fasse ça pour me donner une chance de rencontrer mon fils je n’aime pas cette méthode. Elle insiste sur le fait qu’elle ne veut pas le rencontrer et que si Nathan accepte, je serai seul, et la voir insister sur ce point ne me rassure pas. « Vous savez Alex, à un moment il voudra sans doute des réponses à ses questions et à ce moment vous serez celle qu'il voudra voir parce que vous serez la seule à pouvoir lui apporter toutes les réponses, vous devez en avoir conscience aussi. » En d’autres termes, tu vas devoir assumer Alex. Je ne dis rien et un blanc s’installe. Je la regarde quelques secondes, elle ne répond pas et je suis presque sûr qu’elle ne compte pas répondre. Non elle ne lui dit pas que quand Nathan verbalisera le besoin de la rencontrer elle se montrerait présente. Ce sont des mots que j’aurais l’aimer entendre prononcer mais elle n’en fait rien et si je sens sa main resserrer son étreinte autour de la mienne, je m’en défais séparant ainsi ce lien physique entre nous. Je ne peux pas répondre pour elle, c’est à Alex que Rebecca s’adresse mais elle ne réagit pas. « Il m'a demandé comment vous étiez tout les deux et si vraiment vous étiez prêt à l'aider pour de vrai pour reprendre ses mots. » Il veut être sûr que l’on compte l’aider pour de vrai et si vous saviez à quel points ces mots me font mal. Je me pince les lèvres et je me redresse posant mes avant-bras sur la table. « Je ferai tout ce que je peux pour lui. » Je réponds dans un premier temps. Je parle pour moi parce que je n’en sais rien pour Alex finalement. Elle reste bloquée dans un mutisme. Je comprends que la situation ne soit pas facile pour elle. Je comprends que ce soit difficile. Je comprends que ce soit perturbant. Mais ce n’est pas plus simple pour moi. Pour moi aussi, me retrouver face à cette situation me semble extrêmement compliqué. Moi aussi entendre les mots et les inquiétudes de Nathan me déchire le cœur. Mais je prends sur moi pour lui. Pour lui montrer que quoiqu’il arrive, je ne le lâcherais pas, sauf qu’Alex ne me suit pas. Alex me laisse seul. Si vous saviez à quel point je me sens seul et abandonné pour faire face à cette situation tout aussi compliqué pour elle que pour moi. « Je ferai tout ce que je peux pour l’aider. » Je répète mais ma voix se brise et les larmes montent. « Je ne l’abandonnerai pas. S’il vous plaît dites-lui tout ça. Si je ne suis pas compatible je demanderai à ma famille de faire les tests. J’ai trois sœurs et mes deux parents, je ne compte pas le laisser affronter tout ça tout seul. » Je relève mes yeux rouges vers Rebecca qui hoche la tête. « Je vais lui dire tout ça. C’est très important pour lui de savoir qu’il peut compter sur quelqu’un. » Me dit-elle tout en ouvrant le dossier posé à côté d’elle. Mes yeux glissent sur cette pile de papiers mais c’est surtout sur une photo que je m’attarde et je prends l’initiative de la prendre dans mes mains pour la regarder. Sur ce cliché il sourit, on pourrait presque croire qu’il est heureux mais quand on connait sa vie je me dis que ça doit être une fausse impression. « C’est incroyable à quel point il vous ressemble. » Réplique-t-elle d’une voix douce, et c’est avec un léger sourire que j’accueille cette remarque.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
« Arrête Alex, tu es la mieux placée pour savoir que moi je ne suis personne. » Je baisse les yeux, ce sentiment de honte qui s'installe en moi est fort désagréable mais il n'est finalement pas nouveau. Il ne fait que révéler une vérité dont on a conscience tout les deux même si c'est douloureux de l'entendre le dire ainsi. Il n'est même pas son père biologique aux yeux de la loi, son nom ne figure sur aucun papier officiel, choix de ma part, choix subit pour lui et c'est peut-être la première remarque de sa part sur ce sujet depuis que nous avons apprit pour Nathan la veille. Une première remarque qui fait mal mais qui est plus que justifiée et voilà une autre de mes craintes qui semble se réaliser. Les reproches, la colère, la rancœur de Caleb alors que Nathan est de retour dans nos vies, enfin dans nos discussions depuis une journée à peine. Ca fait mal, très mal mais j'encaisse, je ne peux pas lui en vouloir de me reprocher la passé, je ne pensais juste pas que ça arriverai si tôt et j'ai peut-être d'autant plus peur pour la suite des évènements. Si Nathan refuse de le rencontrer à cause de moi comment va-t-il me le pardonner ? Si Nathan lui reproche le passé comme Caleb ne va pas finir par me le reprocher moi aussi ? Si Nathan vient à mourir comment va-t-il pouvoir continuer à me regarder ? Autant de questions qui me terrifient mais qui resteront sans réponses parce que je ne suis pas au centre de la discussion, et mes peurs et mes états d'âmes n'intéressent pas Rebecca, n'intéressent personne alors qu'on évoque un petit garçon seul et malade à cause de moi et ça je ne peux pas le nier, personne ne peut le nier. J'essaye de garder à l'esprit qu'aujourd'hui, c'est pour Nathan que nous sommes réunis, pour lui et pour Caleb parce qu'ils ceux que j'ai fais souffrir, ils n'ont rien demandé tout les deux, et comme l'a sous entendu Caleb, je suis la mieux placée pour savoir que tout ce merdier n'a pour unique responsable : moi. Je suis là, j'essaye de rassurer Caleb, de lui faire garder espoir parce que si j'en crois Rebecca, de l'espoir il y a en a un peu, du moins pour lui. Il a besoin de temps Nathan, il va falloir être patient avec lui, lui prouver qu'il ne sera pas abandonné à nouveau et si les mots de Rebecca auraient pu redonner un peu d'espoir à Caleb, je le sens toujours aussi triste, aussi touché par le refus de Nathan de le rencontrer. « Oui je comprends... » Il a le regard baissé, si vous saviez comme je me sens coupable de lui faire vivre tout ça, de le voir si mal, il y a deux jours notre vie était parfaite, le bonheur était grand et il souriait, tout le temps, mais aujourd'hui je ne vois que la tristesse, que la peine, que la douleur en lui et je me sens tellement coupable, tellement mal, tellement nulle aussi de ne pas pouvoir le protéger de cette souffrance oh combien inévitable mais tellement dure à ressentir en lui. Nathan est ma plus grande faiblesse mais c'est aussi l'une des siennes, c'est aussi l'une des nôtres et j'ai mal de lui faire vivre tout ça. « Dites-lui que jamais je ne l’abonnerai. Et dites-lui aussi que j’attendrai le temps qu’il faudra. S’il vous plaît. » « Je lui dirais. » Je ne suis pas étonnée par les mots de Caleb, pas étonnée par ce qu'il dit, j'ai lu sa lettre, j'ai lu chacun de ses mots et je le sais, je le savais déjà il y a dix ans finalement, je l'ai toujours su. Caleb n'aurait jamais pu l'abandonner y'a dix ans, malgré ses propres dires je le savais, et désormais il ne l'abandonnera plus ce qui me fait un peu peur pour l'avenir je dois bien l'avouer. Mais il a l'occasion de connaitre son fils et je sais qu'il en a envie et surtout qu'il en a besoin et qu'il fera tout pour réussir à gagner la confiance de Nathan, si la vie lui en donne le temps et je suis prête à m'autoflageller pour l'aider à gagner la confiance de Nathan. Prête à m'effacer pour laisser les deux personnes que j'ai fais souffrir et que j'ai séparé se retrouver. Je n'ai pas mon mot à dire, pas d'espoirs à avoir, pas d'attentes non plus, je dois juste penser à leurs besoins et Nathan a besoin de Caleb autant que Caleb a besoin de Nathan, je le réalise désormais un peu plus encore en réalisant à quel point la déception est grande chez Caleb, à quel point l'idée de devoir attendre et patienter pour rencontrer son fils est difficile à gérer pour lui et donc pour moi. Je ne veux que l'aider, que lui apporter mon soutien mais il soupire Caleb et je ne comprends pas pourquoi. Parce que c'est tout ce qu'il veut non ? Voir Nathan, pouvoir lui dire qu'il est désolé d'une chose pour laquelle il n'a aucune responsabilité, lui dire qu'il ne veut pas l'abandonner, encore une chose qu'il n'a jamais faite lui, il faut lui dire tout ça, être là pour lui et même si j'ai terriblement peur de ce qu'il pourra advenir ensuite, je tente de le soutenir, de l'aider, de prouver à Rebecca qu'elle peut avoir confiance en Caleb et donc qu'elle peut dire à Nathan qu'il peut avoir confiance. Parce que je sais que moi, quoique je dise, quoique je fasse, j'ai perdu le droit d'espérer avoir sa confiance en jour. C'est dur mais c'est la vérité, je l'ai abandonné au moment ou il avait le plus besoin de protection, d'amour, au moment ou il était le plus vulnérable et à cause de moi il a vécu toute sa vie seul, sans amour alors oui je n'ai rien à espérer, rien à demander, rien à vouloir. Juste à espérer pouvoir le sauver et que Caleb ne me déteste pas comme Nathan doit me détester. Sauf que la réplique de Rebecca mais déstabilise, je m'y attendais pas, je me sens perdue face à ses mots. Viendra un jour ou je devrais expliquer à ce petit garçon pourquoi je n'ai pas su l'aimer, pourquoi je n'ai pas pu le garder, pourquoi je l'ai privé d'un père qui ne demande qu'à l'aimer et c'est encore quelque chose face à laquelle je suis bien incapable de répondre. Je suis là pour eux, pour Nathan, pour tenter de lui sauver la vie, pour soutenir Caleb, pour l'aider à voir Nathan s'il le veut, mais moi dans tout ça, je ne sais pas ou me placer et là elle me place directement face à Nathan, face à mes responsabilités et je ne sais pas comment le gérer. Alors je ne le gère pas, je baisse les yeux, incapable de lui répondre quoique ce soit. Je ne m'attendais pas à ça, pas à ce qu'on évoque déjà le moment ou je devrais faire face à ce petit garçon que j'ai à peine pu regarder en photo. Je veux assumer ma responsabilité, je suis là pour ça mais devant la réalité si directe qu'elle présente, je reste muette, perdue, réalisant que faire face à Nathan qui me déteste, qui cherche des réponses que je n'ai pas, je ne peux pas le gérer, pas maintenant parce que je n'y avais pas pensé encore à cette éventualité et alors que mes yeux se perdent dans ma tarte aux fraises, je sens la main de Caleb qui relâche la mienne alors que j'étais en train de resserrer mon étreinte sur la sienne. Il lâche ma main et je n'ose pas le regarder, je n'ose plus relever la tête ni vers lui, ni vers Rebecca. Mes deux mains se retrouvent l'une et l'autre et je joue avec nervosité avec mes doigts et c'est la voix de Rebecca qui se fait entendre à nouveau et qui me plonge dans d'autres questionnements et j'ai pleins d'images, pleins de craintes qui m'envahissent et que je n'ose pas verbaliser parce que j'ai peur de l'effet sur Caleb, j'ai sans doute aussi peur de certaines réponses peut-être, sans doute oui. Je lève les yeux vers Caleb juste pour m'assurer qu'il ne panique pas, je voudrais serrer sa main dans la mienne, je voudrais le sentir proche de moi mais il ne l'est pas, il se redresse et il semble prêt à avoir cette discussion, celle pour laquelle je craignais qu'il ne soit pas prêt. « Je ferai tout ce que je peux pour lui. » Je n'en doutais pas, et maintenant Rebecca ne devrait plus en douter non plus et tout ce qui compte finalement c'est que Nathan n'en doute pas. Sauf qu'il est pas là pour entendre tout ça, il est seul. Dans un lit d'hôpital. Il est seul, malade, peut-être mourant même. C'est ce que je pense, c'est ce que mon cerveau a déduit de la discussion de la veille, et j'ai toujours cette peur en moi de me retrouver à être dans l'incapacité de ne pas pouvoir le sauver. Pas parce que je ne le veux pas, mais parce que je ne le peux pas. Et pourtant je ferai tout pour le sauver, je l'ai dis la veille, je ferai ce qu'il faut pour l'aider, je me demande jusqu'ou je serai prête à aller pour le sauver mais je n'ai pas de réponse satisfaisante à cette question, alors je ne dis rien de toute façon Caleb parle lui. « Je ferai tout ce que je peux pour l’aider. » Caleb réitère ses propres, et je n'ai pas besoin de le regarder pour entendre sa voix qui tremble et je devine son émotion, je devine ses larmes que je ne vois pas mais qui me déchirent le cœur. « Je ne l’abandonnerai pas. S’il vous plaît dites-lui tout ça. Si je ne suis pas compatible je demanderai à ma famille de faire les tests. J’ai trois sœurs et mes deux parents, je ne compte pas le laisser affronter tout ça tout seul. » Il ne réalise pas l'impact que ses mots ont sur moi, il ne réalise pas à quel point il vient de me faire prendre conscience d'une autre réalité, dont j'avais conscience mais à laquelle je ne voulais pas penser. Pas encore, pas maintenant. Le retour de Nathan dans notre vie, ça veut aussi dire assumer mon passé, faire face aux conséquences, me tenir face aux parents de Caleb et leur dire ce que j'ai fais et non je ne suis pas prête à ça parce que pour une fois j'ai une famille et que mes erreurs vont me faire tout perdre, ou du moins vont me faire me détester de cette nouvelle famille et ça aussi ça risque de faire souffrir Caleb et peut-être aussi l'éloigner comme ça l'éloigne de moi aujourd'hui. J'ai menti à tout le monde et l'idée de devoir assumer est difficile et j'encaisse la réalité de la situation avec plus ou moins de force. « Je vais lui dire tout ça. C’est très important pour lui de savoir qu’il peut compter sur quelqu’un. » Et c'est quand Rebecca reprends la parole, quand elle évoque le fait qu'il est important pour Nathan de savoir qu'il peut compter sur quelqu'un et en l'occurrence sur Caleb, je réalise que je n'ai rien dis, qu'elle ait déjà en train de considérer qu'il ne pourra pas compter sur moi et ça me fait mal parce que si elle savait tout ce à quoi je pense depuis la veille, elle saurait que je suis prête à tout pour l'aider. Si elle savait à quel point c'est dur pour moi d'être ici elle saurait que c'est pas pour moi que je suis là, que ce n'est qu'à lui, qu'à Caleb que je pense. Sauf que pour ça il faudrait que je parle mais au moment ou je m'apprête enfin à dire quelque chose, elle ouvre son dossier, elle ne regarde que Caleb, et lui ne regarde qu'elle, enfin désormais que la photo de Nathan qu'il tient entre ses mains. Je la regarde aussi. Je bloque sur l'image de Nathan, je le regarde, une boule au ventre, il est si beau. Il est si touchant, tellement de ressemblance avec son père que ça en est perturbant. « C’est incroyable à quel point il vous ressemble. » Comme quoi tu vois que tu n'es pas un inconnu Caleb, que tu es bien son père. Mais oui c'est incroyable de voir leur ressemblance, c'est incroyable de voir à quel point je me sens touchée quand je vois cet enfant et les larmes aux yeux je secoue la tête après un long moment perdue dans mes pensées je finis par me racler la gorge pour tenter d'avaler la boule qui s'est formé au creux de ma gorge et qui menace de me faire pleurer. Sauf que je ne veux pas pleurer, je ne veux pas être faible, je ne veux pas craquer pas maintenant et je regarde la photo de Nathan à nouveau, c'est pour lui qu'on est là. Pour lui que l'on fait tout ça et je réalise un peu plus en le regardant tout ce que je suis prête à faire. « Je suis là moi aussi. » C'est bien de le rappeler Alex parce que visiblement, disparaitre c'est une de tes qualités Je regarde toujours la photo, ni Caleb, ni Rebecca juste la photo de Nathan parce que tout ça c'est pour lui. La voix est tremblante mais pourtant je suis déterminée. Je suis là pour lui, je l'ai dis plusieurs fois déjà. « Je suis là aujourd'hui et je sais que vu le passé il est normal que lui ne puisse pas compter sur moi mais je suis là quand même et je ferai ce qu'il faut, vous pouvez compter sur moi. » Rebecca, Caleb, les médecins, les parents de Caleb, le monde entier doit pouvoir comprendre que je n'abandonnerai pas cet enfant une seconde fois et que je ne laisserai rien m'empêcher de le sauver. « Je ferai tout ce qu'il faut pour le sauver. » Parce que c'est bien de ça dont il est question finalement. Pas l'aider, pas être là pour lui, pas l'aider à affronter ça mais avant toute chose le sauver, lui éviter de mourir, c'est ça la réalité. Et derrière mes mots se cachent une réalité bien dure, parce qu'au fond je ne sais pas ce que ça veut dire tout ce qu'il faut, je ne sais pas mais c'est à cause de moi s'il est malade, à cause de moi s'il est mourant et je réalise petit à petit, que s'il venait à arriver quelque chose à Nathan, et quand je dis quelque chose, je parle bien sur de la mort. Je sais que jamais je ne pourrais me le pardonner et je sais aussi que jamais Caleb ne pourrait réussir à me le pardonner, il suffit de le voir aujourd'hui. Nathan a besoin de temps pour accepter de le rencontre, Caleb a besoin de rencontrer son fils, alors il leur faut ce temps, ils ont besoin de temps pour se retrouver et faire en sorte que mes erreurs ne leur gâche pas la vie, ne tue pas cet enfant, notre enfant. Je ferai ce qu'il faut, tout ce qu'il faut et si je me sens mal de penser ça, si je me sens coupable de penser ça, je me sens responsable de Nathan, de Caleb, de ce bébé en moi, de beaucoup de gens, un peu trop peut-être mais je ne dois pas oublier que tout ça, c'est ma faute et Caleb me l'a bien rappelé aussi, autant que Rebecca d'ailleurs. « Hier vous avez parlé de leucémie, de greffe de moelle, concrètement comment il va en ce moment, qu'est-ce qu'on doit faire dans l'immédiat ? » Je suis là pour lui et jusqu'au moment ou on me dira que je ne peux rien pour lui, je me forcerai à être présente pour tenter de le sauver après tout c'est mon fils, je l'ai porté et surtout je l'ai rendu malade alors j'espère pouvoir au moins lui donner une seconde chance. « Il est en chambre spécialisée, il est aussi stable que possible au vu de son état mais la greffe est le seul moyen de le sauver désormais, alors la première chose à faire c'est de passer des tests de compatibilité et voir si vos états de santé respectif font de vous des donneurs potentiels, et si vous voulez en parler à vos familles pour maximiser les chances alors n'hésitez pas à le faire plus vite la procédure est lancée meilleures seront ses chances, mais le médecin vous expliquera tout ça mieux que moi. » La famille de Caleb, une nouvelle épreuve à venir mais chaque chose en son temps, une épreuve après l'autre. Et pour éviter d'avoir à penser à cet enfant tout seul dans une chambre spécialisée, sans avoir à penser à nos conditions médicales et à savoir si lui ou moi pourrons être des donneurs, alors que cette question me brule les lèvres pourtant. est-ce que je vais devoir sacrifier l'un de mes enfants ?, c'est sur cette photo que je me concentre. « Vous avez d'autres photos de lui ? » Parce que ça fait mal de voir des photos mais Caleb en a besoin, j'en ai besoin, parce qu'il est réel cet enfant, parce que je l'ai porté, j'ai donné naissance à cet enfant qui ressemble beaucoup trop à Caleb pour ne pas se sentir automatiquement touché par ce visage. « Il te ressemble beaucoup trop pour que tu continues à penser que tu es un inconnu pour lui. » C'est à Caleb que je m'adresse, sans le regarder, les yeux rivés sur la photo de Nathan, il peut penser qu'il n'est personne pour Nathan, mais la photo est une belle preuve qu'il a un fils là dehors et que ce n'est pas quelques bouts de papiers qui vont décider de ce qu'il est ou non pour Nathan.
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
Alex est là sans être là, elle ne parle plus elle ne bouge plus et je commence même à me demander si elle nous écoute, si elle est réellement intéressée par la conversation. Je lui avais pourtant dit, je ne voulais pas qu’elle vienne si elle ne se sentait pas prête mais elle est têtue et elle a préféré ne pas m’écouter. Pour être tout à fait honnête j’aurais largement préféré qu’elle ne vienne pas parce qu’elle sait que tout ça c’est trop dur pour elle, plutôt que la savoir à quelques centimètres de moi complètement inintéressée. Je me sens seul, je suis seul. Elle est en train de me le prouver et je lui en veux terriblement. C’est sur une photo de Nathan que je reporte toute mon attention et oui, il me ressemble beaucoup, Rebecca l’a remarqué. Les mêmes cheveux les mêmes yeux les mêmes traits du visage et sur cette photo on peut même apercevoir qu’il semble avoir le même sourire. C’en est presque déstabilisant. « Je suis là moi aussi. » La voix d’Alex derrière moi me surprend et si je vois Rebecca relever les yeux vers elle je ne fais pas la même chose, je reste concentré sur cette photo que je tiens entre mes mains. Elle réagit à une question posée par l’éducatrice il y a déjà plusieurs minutes, sa réaction arrive bien trop en retard. Beaucoup trop. Mais mieux vaut tard que jamais. « Je suis là aujourd'hui et je sais que vu le passé il est normal que lui ne puisse pas compter sur moi mais je suis là quand même et je ferai ce qu'il faut, vous pouvez compter sur moi. Je ferai tout ce qu'il faut pour le sauver. » Justement, vu le passé c’est à toi de lui prouver que tu veux l’aider. Je pourrais lui répondre ça, mais je n’en fais rien parce que je ne veux pas la blesser. Alors je me tais et je la laisse poursuivre son discours parce que je suis aussi intéressé de savoir ce qu’elle a à dire.
« Hier vous avez parlé de leucémie, de greffe de moelle, concrètement comment il va en ce moment, qu'est-ce qu'on doit faire dans l'immédiat ? » Elle semble se reprendre en mains, pour combien de temps je ne sais pas mais au moins elle ne reste pas repliée sur elle-même en attendant que le temps passe. Si je ne voulais pas aborder la maladie de Nathan maintenant je n’en reste pas moins intéressé par les réponses de Rebecca. « Il est en chambre spécialisée, il est aussi stable que possible au vu de son état mais la greffe est le seul moyen de le sauver désormais, alors la première chose à faire c'est de passer des tests de compatibilité et voir si vos états de santé respectif font de vous des donneurs potentiels, et si vous voulez en parler à vos familles pour maximiser les chances alors n'hésitez pas à le faire plus vite la procédure est lancée meilleures seront ses chances, mais le médecin vous expliquera tout ça mieux que moi. » Je lui laisse à peine le temps de terminer que je la regarde pour lui poser des questions à mon tour. « Les tests on peut les passer quand ? Je peux aller les faire tout de suite après s’il le faut, je me libérerai. » Il faut croire que ma motivation est drôle puisque Rebecca lâche un petit rire avant de me répondre. « J’en ai parlé à son médecin tout à l’heure, je lui ai donné vos coordonnés il va vous appeler rapidement. » J’acquiesce doucement d’un signe de tête et après avoir posé la photo sur la table je me rassois au fond de ma chaise. « Vous avez d'autres photos de lui ? » Une question que je n’ai pas osé poser mais Alex l’ose, je relève les yeux vers Rebecca attendant une réponse de sa part et sans un mot elle sort plusieurs photos de son dossier qu’elle nous tend. Je n’hésite pas, je prends les clichés entre mes mains et sur chaque photo j’ai toujours l’impression de me revoir. La ressemblance est réellement frappante et déstabilisante. « Il te ressemble beaucoup trop pour que tu continues à penser que tu es un inconnu pour lui. » « Tu sais très bien que ce n’est pas de ça dont je parlais tout à l’heure. » Je lui réponds, au tac-au-tac. « Mais laisse tomber, je n’aurais pas dû dire ça. » Bien que ce soit vrai. Bien qu’aux yeux de la loi je ne sois même pas le père biologique de Nathan, pour la justice que je suis personne. Juste le mari de la mère biologique de Nathan, c’est un constat qui me fait beaucoup de mal mais qui reste véridique. Je fais défiler les photos une par une les regardant avec Alex. « Il est comment dans la vie de tous les jours ? Il est quand même bien entouré ? Il a des amis ? » J’en ai d’autres des questions concernant son état de santé mais moi pour l’instant je préfère me concentrer uniquement sur lui, sur le petit garçon qu’il est. Certainement parce que les questions sur sa santé me font beaucoup trop peur. « C’est un garçon assez réservé, comme je vous ai dit plusieurs fois il est méfiant et il a beaucoup de mal à se laisser approcher ou à donner sa confiance. Il a quelques amis, oui, peu, mais ce sont des amis qu’il a avec lui depuis quelques années. Il est bavard et même s’il peut être adorable, il a quand même un sale caractère. Disons qu’il sait ce qu’il veut et qu’il se donne tous les moyens pour atteindre ses objectifs. » La description qu’elle nous fait de Nathan m’intrigue mais en même temps me donne vraiment envie d’en savoir encore plus sur lui. Réservé, méfiant, adorable mais un sale caractère, déterminé, elle a répondu à mes questions mais je me retrouve encore plus intrigué.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
« Les tests on peut les passer quand ? Je peux aller les faire tout de suite après s’il le faut, je me libérerai. » « J’en ai parlé à son médecin tout à l’heure, je lui ai donné vos coordonnés il va vous appeler rapidement. » Je secoue la tête à sa réponse, ce sera l'autre étape de notre parcours, le médecin mais pour le moment c'est avec elle que nous sommes. Elle réponds à l'enthousiasme de Caleb et en même temps à ma question, qu'est-ce qu'on doit faire dans l'immédiat ? Attendre que le médecin nous appelle pour nous expliquer concrètement ce qu'ils attendent de nous et surtout ce que Nathan a vraiment, comment il va médicalement parlant et si nous pouvons commencé les tests au plus vite. Si Caleb le pouvait je sais qu'il serait déjà à l'hôpital, soit avec Nathan, soit pour donner tout ce dont ils ont besoin pour lui, je le sais, et sa réaction le prouve encore une fois et encore une fois je ressens cette peur, celle qui me fait penser que peut-être ça ne marchera pas, que peut-être nous n'allons rien pouvoir faire mais je garde cette pensée pour moi à quoi bon parler du pire ? Personne n'a besoin d'entendre ça, surtout que je suis persuadée qu'il en a conscience, et son éducatrice aussi sinon elle n'aurait pas fait appel à nous non ? Alors à défaut de vouloir insister sur un domaine qui n'est pas le sien et face auquel elle a déjà apporté des précisions, c'est sur son dossier et sur la photo que Caleb tient entre ses mains que je concentre mes pensées. Sur la vie de Nathan au lieu de penser à sa mort, même si elle n'est pas joyeuse, elle l'est tout de même plus que la possibilité qu'il n'en ait plus. La photo est récente, et j'aimerai en voir d'autres. Pourquoi me demanderez vous ? Pourquoi je veux le voir alors que ça fait mal ? Parce que j'en ai besoin, besoin de voir tout ce qu'il a vécu depuis le jour ou je l'ai laissé seul, ou ses pleurs ont été la seule chose que j'ai eu de lui. Un choix que je n'assume pas et voir les photos ne risquent pas de m'aider à assumer, parce que je suis émue devant les photos. Je regarde chaques clichés, et la ressemblance avec Caleb me destabilise beaucoup et je ne peux retenir une remarque. « Tu sais très bien que ce n’est pas de ça dont je parlais tout à l’heure. » La réponse vient trop vite, trop directe pour que je ne réalise pas que mes mots ne lui plaisent pas et qu'ils sont au mieux maladroits ou pire blessants. « Mais laisse tomber, je n’aurais pas dû dire ça. » Il n'aurait pas du dire ce qu'il vient de dire ou ce qu'il a dit tout à l'heure ? Je sais au fond de moi qu'il a raison sur bien des choses, et sur ça aussi, oui nous sommes des inconnus pour Nathan, oui aux yeux de la loi, Caleb n'est rien pour Nathan, et moi j'ai renoncé à lui et à mes droits donc j'en ai plus aucuns, mais le voir sur les photos prouvent qu'il y a un enfant à Brisbane qui est un mélange de nous deux et qui ressemble beaucoup trop à Caleb et ça reste beaucoup trop déstabilisant, surtout quand je vois sur certaines photos de lui bébés qu'il a le même sourire que nos filles, le même sourire que Caleb. « Il ressemble un peu aux filles sur celle là. » Je lui tends la photo que j'avais entre mes doigts sans pour autant le regarder, je reste les yeux fixés sur les photos. « Il est vraiment beau. » C’est une remarque que je fais plus à moi même qu’aux deux autres, alors que je les écoutes parler sans perdre une miette de ce qu’ils disent. Les miettes sont dans mon assiette en revanche et je réalise que je suis en train de maltraiter la pauvre tarte qui n’a rien demandé mais j’occupe mes mains comme je le peux et si une est occupée à tenir une à une les photos de Nathan l’autre tient l’objet de torture de tarte, ma cuillère. Je finis par prendre une bouchée de la tarte ou ce qu’il en reste alors que j'écoute la question de Caleb. « Il est comment dans la vie de tous les jours ? Il est quand même bien entouré ? Il a des amis ? » Il s'intéresse à Nathan, il s'intéresse à sa vie et je sens qu'il cherche à obtenir toutes les informations possibles pour mieux le comprendre, en savoir plus sur lui et combler les années de silences et toutes les questions qui vont avec. Alors j'écoute la réponse de Rebecca, parce que j'ai moi aussi envie de savoir qui il est, et ce qu'il fait. Ce qu'il aime. Même si la grande question reste comment il va ? Quelles sont ses chances de survies ? La vie de Nathan est importante et c'est sur ça que nous devons nous concentrer pour l'instant, du moins c'est ce que veux Caleb avec cette question et ce pourquoi Rebecca est ici. « C’est un garçon assez réservé, comme je vous ai dit plusieurs fois il est méfiant et il a beaucoup de mal à se laisser approcher ou à donner sa confiance. Il a quelques amis, oui, peu, mais ce sont des amis qu’il a avec lui depuis quelques années. Il est bavard et même s’il peut être adorable, il a quand même un sale caractère. Disons qu’il sait ce qu’il veut et qu’il se donne tous les moyens pour atteindre ses objectifs. » J’aurais pu sourire en l’entendant parler du caractère de Nathan. Il a un sale caractère et je me demande bien tout ce qui se cache derrière cette notion, parce que j’ai moi même un caractère qui pourrait être assimilé facilement à un sale caractère et après avoir constaté toutes les ressemblances physiques qu’il a avec son père, j’en viens à me demander s’il me ressemble un peu. S’il a quelque chose de moi. Il est bavard qu’elle a dit et si aujourd’hui ça ne se voit pas, ça c’est pas de Caleb qu’il le tient mais on peut pas dire que ce soit de moi non plus est-ce que c’est quelque chose qui se transmet ça ? Est-ce que je voudrais qu’il ait quelque chose de moi d’ailleurs ? J’en suis pas, certaine non. « Il s’était fait quoi sur cette photo ? » Nathan est souriant mais je regarde son bras plâtrée et je me demande le nombre de fois où il a dû gérer la douleur, la peur en étant seul, il ne mérite pas ça. « C’est la première fois où il a essayé de faire du vélo sans roulettes, il a un côté casse cou et il faut parfois le canaliser mais depuis ce jour il n’a plus jamais voulu remonter sur un vélo et c'est bien l'une des rares fois ou il a abandonné une activité qu'il n'arrivait pas. Mais ça ne l’empêche pas de vouloir essayer tout les sports possibles. » Elle regarde la photo à son tour, et elle ne met même pas quelques secondes à réfléchir qu'elle me réponds très vite, ce qui me prouve qu'elle le connait bien Nathan, vraiment bien et je me dis qu'au moins il a eu quelqu'un de bien pour l'accompagner. « Il aime le sport alors ? » Que je dis avec peut-être une pointe d'espoir. On en apprends un peu plus sur lui, et je réalise qu'apprendre qu'il semble aimer le sport est une information qui me semble importante, sans doute parce que si c'est pas un trait génétique, c'est peut-être au moins un moyen de me dire qu'on a quelque chose en commun. « Qu’est-ce qu’il aime d'autres ? Est-ce qu’il a des passions ? » Pendant un temps j'en oublie le côté médical et je pense à lui, à qui il est, ce qu'il fait, ce qu'il aime surtout parce que je les écoutes parler sur lui, parce que je le regarde en vie sur les photos, parce qu'il est encore en vie et que la peur de le voir mourir ne doit pas éclipser le principal; Nathan est là quelque part et c'est difficile à gérer, très difficile mais c'est la réalité et aujourd'hui une grande partie de toutes les questions que je n'avais même pas osé me poser peuvent trouver des réponses et c'est perturbant mais aussi obligatoire. « Il aime beaucoup de choses, c'est un petit garçon de dix ans ordinaire, il aime le sport, les jeux vidéos, la musique, lire entre autre. Il adore les trucs de superhéros j'y connais pas grand chose mais il parle tout le temps en ce moment, ça et Harry Potter c'est ses deux passions en ce moment. » Elle en parle avec le sourire Rebecca, et je sens la tendresse et la bienveillance quand elle parle de Nathan, et quand je réalise tout ce qu'elle a fait pour lui et comme elle le connait, je me dis qu'il doit vraiment être exceptionnel Nathan malgré tout ce qu'il a du vivre. « Peut être qu’on pourrait lui offrir quelque chose je sais pas vraiment quoi, une console, des comics ou d'autres trucs pour qu’il ne trouve pas le temps trop long à l’hôpital ? Elle a dit qu'il aimait les superhéros, on peut lui acheter des dvd pour qu'ils puissent s'occuper ? Ou les livres Harry Potter s'il aime lire, ou des trucs, des lego Harry Potter ou des trucs comme ça. Ou un ipod pour écouter sa musique s'il aime la musique. » C'est à Caleb que je m'adresse là et pour la première fois depuis longtemps je le regarde. Je tourne la tête vers lui en lui proposant cette idée qui n'est pas réfléchie mais très instinctive. Je parle en même temps que je réfléchis, ne réalisant pas que ce n'est peut-être pas une bonne idée. Tout de suite vouloir acheter, peut être que l’idée est vraiment mauvaise, peut être que je réagis avec mes habitudes de filles riches, et que de l’extérieur le message sera mal interprété mais je pense sincèrement à lui seul dans cet hôpital. Il n’a pas une famille derrière lui pour le soutenir. Pas de personnes prêtes à passer des heures avec lui pour qu’il puisse trouver le temps moins longs, pour qu’il se sente moins seul, et je me dis qu’à défaut de pouvoir être physiquement là pour lui, peut être que lui offrir quelques trucs pour qu’il puisse s’évader pendant quelques heures ça peut l’aider non ? Ou peut être que c’est juste une manière de me déculpabiliser moi et que ça l’aidera en rien ? « Enfin je sais pas s'il voudra quelque chose de nous ou si c'est trop précipité, je veux pas le mettre dans l'embarra, peut-être qu'on peut faire don de certaines choses à l'hôpital et qu'il pourra en profiter comme ça sans savoir que ça vient de nous. » Je réfléchis haute voix, comme ça m'arrive souvent mais je veux pouvoir l'aider, je ne sais juste pas comment m'y prendre parce que je ne le connais pas et parce qu'il est dans cette situation, tout seul, par ma faute aussi et j'ai beaucoup à me faire pardonner sauf que je ne sais absolument pas comment m'y prendre et comment gérer le retour de Nathan dans ma vie. « Est-ce qu'il avait déjà parlé de nous avant qu'il ait besoin d'une greffe ? » Est-ce qu'il s'est déjà demandé pourquoi il était seul, ou étaient ses parents, pourquoi il n'avait pas sa propre famille ? Je ne sais même pas ce que je veux entendre comme réponse, mais nous savons qu'il ne voulait pas faire appel à nous pour la greffe au départ mais je me demande si avant ça, il avait déjà exprimé le besoin d'en savoir plus sur nous ou si vraiment nous sommes dans sa vie juste par besoin vital.
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
Maintenant il y a bien un visage qui est associé au nom de Nathan et c’est avec une nouvelle photo entre les mains que j’observe ce petit garçon. C’est réellement perturbant de découvrir que non loin d’ici il y a un garçon de dix ans qui est, apparemment, mon portrait craché. Un peu plaisant, mais surtout perturbant. « Il ressemble un peu aux filles sur celle là. » Je prends la photo qu’elle me tend et j’y vois effectivement un air de ressemblance avec Lucy et Lena. Il n’avait que cinq ou six mois sur cette photo et je me demande où j’en étais dans ma vie à ce moment-là, ce que j’étais en train de faire à l’instant précis où la photo a été prise. « Il est vraiment beau. » Il l’est, oui. J’hoche la tête sans pour autant lui apporter une réponse verbale restant ainsi concentré sur chacun des clichés que je fais défiler un par un. « Il s’était fait quoi sur cette photo ? » Il a un bras plâtré sur la photo qu’Alex brandit pour la montrer à Rebecca et c’est vers l’éducatrice que mon attention se porte. « C’est la première fois où il a essayé de faire du vélo sans roulettes, il a un côté casse cou et il faut parfois le canaliser mais depuis ce jour il n’a plus jamais voulu remonter sur un vélo et c'est bien l'une des rares fois ou il a abandonné une activité qu'il n'arrivait pas. Mais ça ne l’empêche pas de vouloir essayer tout les sports possibles. » La description qu’elle fait de Nathan me fait doucement sourire. « C’est clairement pas de moi qu’il tient tout ça. » Sportif et casse-cou ne sont pas les premiers mots qui me viennent à l’esprit pour tenter de me décrire mais ce qui est sûr c’est que dans le caractère il semble bien plus ressembler à Alex. Une boule d’énergie qui a besoin d’être canalisé, qui ne semble avoir peur de rien, cela me fait également penser à Lena et je me demande alors s’ils ont tous les deux le même caractère. S’il était comme Lena étant plus petit, s’il passait son temps à marcher, courir, s’accrocher à tout et n’importe quoi pour partit à l’aventure et découvrir le monde. Ce sont malheureusement des questions qui resteront sans réponse puisque Rebecca ne le connait pas depuis si longtemps. « Il aime le sport alors ? Qu’est-ce qu’il aime d'autres ? Est-ce qu’il a des passions ? » Soulagé de constater qu’Alex arrête de se concentrer simplement sur l’aspect médical de Nathan mais qu’elle semble commencer à s’intéresser un peu à l’enfant qui se cache derrière ces photos. « Il aime beaucoup de choses, c'est un petit garçon de dix ans ordinaire, il aime le sport, les jeux vidéos, la musique, lire entre autre. Il adore les trucs de superhéros j'y connais pas grand chose mais il parle tout le temps en ce moment, ça et Harry Potter c'est ses deux passions en ce moment. » Les jeux-vidéos je n’y connais pas grand-chose, les super-héros non plus mais quand elle nous parle de musique, de lecture ou d’Harry Potter je me sens un peu rassuré. Comme une grande partie des personnes de ma génération j’ai lu les sept livres contant les aventures du sorcier, je joue de la guitare depuis plusieurs années et j’aime lire depuis tout petit. J’avais finalement peur de ne pas avoir grand-chose en commun avec lui mais je me rends compte que nous allons tout de même avoir quelques sujets de discussion. « Il joue d’un instrument ? » Je lui pose une seule question parmi toutes celles qui me trottent dans l’esprit. Je me pince les lèvres alors que je viens jouer nerveusement avec mon alliance. « Une famille dans laquelle il est resté le plus longtemps avait un piano, le père était prof de musique. C’est comme ça qu’il a appris le piano si je me souviens bien. Mais il ne peut pas beaucoup pratiquer et ça il le regrette beaucoup. » Il ne peut pas beaucoup s’entraîner et perfectionner sa pratique parce qu’on le traîne de famille d’accueil en famille d’accueil et tout le monde n’a pas les moyens de s’acheter un piano. J’aimerais lui en offrir un, c’est la première pensée qui me vient à l’esprit mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée alors je garde cette idée pour moi. « Peut être qu’on pourrait lui offrir quelque chose je sais pas vraiment quoi, une console, des comics ou d'autres trucs pour qu’il ne trouve pas le temps trop long à l’hôpital ? Elle a dit qu'il aimait les superhéros, on peut lui acheter des dvd pour qu'ils puissent s'occuper ? Ou les livres Harry Potter s'il aime lire, ou des trucs, des lego Harry Potter ou des trucs comme ça. Ou un ipod pour écouter sa musique s'il aime la musique. » Mon regard se pose sur Alex, elle parle de nouveau sans respirer entre chaque phrase et en quelques secondes ce sont de nombreuses idées qui ressortent d’entre ses lèvres. Je suis toujours nerveux, je me ronge les ongles et après avoir laissé quelques secondes de silence je lui réponds. « J’aimerais pouvoir lui offrir tout ça, et plus encore, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. » Je sais que ce n’est pas la réponse qu’elle attendait de moi, Alex, mais en même temps je ne veux pas lui mentir simplement pour acquiescer à tout ce qu’elle dit. « J’ai pas envie qu’il pense qu’on essaie de l’acheter. » Je baisse les yeux, c’est triste, non ? De ne pas oser faire des cadeaux à son fils ? « Enfin je sais pas s'il voudra quelque chose de nous ou si c'est trop précipité, je veux pas le mettre dans l'embarra, peut-être qu'on peut faire don de certaines choses à l'hôpital et qu'il pourra en profiter comme ça sans savoir que ça vient de nous. » Si je ne suis pas totalement contre l’idée de lui offrir quelque chose, le faire dans son dos sans qu’il ne sache que ça vient de nous ; je le refus catégoriquement. Je secoue la tête de gauche à droite. Non, je ne veux pas commencer à construire une relation avec mon fils sur un mensonge, il en est tout simplement hors de question. « Commencez doucement. C’est sûr que si vous arrivez les bras chargés de cadeaux, je doute qu’il en soit très heureux. Commencez par quelque chose de simple et de pas trop gros. » J’hoche la tête mais cette fois de haut en bas alors que je fixe toujours mes doigts avec lesquels je joue nerveusement. « Je pense que c’est une bonne idée, oui. » Je ne veux pas en faire trop je ne veux pas le faire fuir.
« Est-ce qu'il avait déjà parlé de nous avant qu'il ait besoin d'une greffe ? » La réponse à cette question, je la redoute énormément. Sans lever les yeux je renifle et je viens me frotter le bout du nez. « Bien sûr qu’il avait déjà émis le souhait d’en savoir plus sur vous. Vous savez, c’est un petit garçon comme tous les autres de son âge. Il se pose des questions sur ses parents sur ses origines, sur sa famille, sur les raisons qui vous ont poussées à l’abandonner. Mais je pense qu’il n’était pas prêt et surtout qu’il avait vraiment très peur de ce qu’il pourrait découvrir. » Entendre ça me fait mal parce qu’encore une fois, Rebecca nous prouve que Nathan est seul, qu’il a des peurs et des interrogations tout à fait légitimes et qu’il n’a jamais eu personne pour l’épauler, le soutenir, l’aider. « Vous pensez qu’il va nous pardonner un jour ? » Je relève les yeux vers elle bien conscient qu’elle ne pourra pas vraiment nous apporter une réponse à cette question. « Ça je ne peux pas le savoir. Je suis désolée. » J’hoche la tête, je comprends, elle n’est pas dans la tête de Nathan après tout. Je finis mon café, mais je n’ai plus vraiment d’espoir. J’aurais aimé qu’elle me réponde sans hésiter savoir qu’il nous pardonnera, qu’il acceptera de nous laisser une petite place dans sa vie. Mais je dois me faire à l’idée que dans tous les cas, il sera trop tard pour rattraper le temps perdu.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
« C’est clairement pas de moi qu’il tient tout ça. » J'entends les mots de Caleb, je crois même déceler un sourire alors que je ne le regarde que très brièvement du coup de l’œil. Mais ce n'est plus avec la voix qui se casse, ou avec émotion qu'il parle, du moins pas à cet instant et je me dis que ça doit lui faire du bien d'entendre parler de Nathan, de trouver des réponses à ses questions, même si moi ça me fait du mal, je sais aussi que c'est inévitable et qu'on en a besoin tout les deux. Pour des raisons différentes, et avec des intentions sans doute différentes mais on en a besoin et c'est ce sur quoi je concentre mes pensées. Ça et surtout sur Nathan. C'est pas de moi non plus. Parce que ce n'est pas héréditaire ça non ? Parce qu'il s'est construit tout seul Nathan et que si son physique tient sans l'ombre d'un doute possible de Caleb, pour le reste, je ne lui ai rien apporté, il ne tient rien de moi, à part sa peur d'être abandonné et sa difficulté à faire confiance, ça c'est pas de moi qu'il les tient directement mais à cause de moi. Je crois que j'aurais aimé qu'il ait quelque chose de moi, je crois que j'aurais eu besoin de sentir une connexion avec lui, mais c'est à Caleb qu'il ressemble, et c'est tout seul qu'il s'est construit, je ne suis rien pour lui, Caleb l'a si bien dit finalement. Et pourtant je me raccroche un peu à ce que Rebecca nous apprends, je tente de retenir les points d'ententes à défaut des traits communs, je cherche à le comprendre aussi. Je cherche à obtenir des réponses sur la vie de Nathan en espérant pouvoir oublier toutes celles que je peux avoir sur sa possible mort. « Il joue d’un instrument ? » Je crois comprendre par le biais de cette question que Caleb fait comme moi, qu'il cherche à le connaitre et à chercher des centres d’intérêts communs, sans doute lui par besoin de se lier à cet enfant, par besoin d'en apprendre davantage sur lui pour le jour ou il aura la chance de le rencontrer. Pour créer un lien avec Nathan aussi sans doute. Je sais pas finalement, je ne fais que transposer certaines de mes pensées sans vraiment connaitre la réalité des envies et de l'intention de Caleb, mais j'écoute chacune des réponses de l'éducatrice. « Une famille dans laquelle il est resté le plus longtemps avait un piano, le père était prof de musique. C’est comme ça qu’il a appris le piano si je me souviens bien. Mais il ne peut pas beaucoup pratiquer et ça il le regrette beaucoup. » Il joue du piano, c'est l'information qu'elle nous donne mais si je la retiens, ce que j'entends surtout c'est une famille d'accueil et je me demande par combien de famille il est passé en dix ans. Combien de fois il a du regrouper ses quelques affaires et tout quitter, combien de fois il a du réapprendre à vivre au milieu d'inconnu. Cette pensée est à la fois douloureuse mais aussi très culpabilisante, j'aurais pu lui épargner ça, j'aurais du faire plus, faire différemment, j'aurais du m'assurer qu'il ne manquait de rien, mon choix devait lui permettre d'avoir une vraie famille, il n'en a eu aucune finalement. « Il a eu combien de famille d'accueil ? » Je ne relève pas les yeux en posant cette question, je fixe une des rares photos qui semblent être prise le jour de son anniversaire, et je me demande combien de journée d'anniversaire, combien de Noël il a passé finalement sans famille. « Il en a eu 5, une première temporaire pendant ses premiers mois, puis une seconde brièvement après l'échec de l'adoption, la troisième chez qui il a apprit le piano, il est resté près de six ans chez eux mais ils ont prit leur retraite et depuis il a connu deux autres familles, ça fait à peine un an qu'il est dans sa nouvelle. » Le parcours de vie de Nathan prends forme sous nos yeux petits à petits, il se dévoile à nous et il n'est en rien rassurant. 5 familles d'accueil et il n'a que 10 ans, je n'y connais rien mais ça me semble beaucoup non ? Après elle n'a pas parlé de foyer et c'est déjà ça non ? Je me rassure comme je peux je crois, mais plus j'en apprends plus je comprends que jamais il ne pourra pardonner mon choix de l'abandonner. Personne ne peut de toute façon alors encore moins lui. « J’aimerais pouvoir lui offrir tout ça, et plus encore, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. » Bien-sur que ça n'en est pas une et je le sais déjà au fond de moi, mais qu'est-ce que je peux faire de plus ? Maintenant que je sais qu'il manque de tout, et à défaut de pouvoir lui apporter tout ce dont un enfant de dix ans aurait besoin dans ce genre de moment, de l'amour, du soutien, une présence affective et forte, je réagis avec quelque chose que j'ai en grand nombre mais qui ne me permet pas de résoudre tout mes problèmes, pas même celui là. « J’ai pas envie qu’il pense qu’on essaie de l’acheter. » Caleb dit les mots, pas que ce soit mon intention mais c'est ce que ça pourrait laisser penser vu de l'extérieur sans doute. « T'as raison, c'est bête comme idée, je veux pas qu'il pense ça ou qu'il se sente mit sous pression. » Ni lui, ni même Caleb ou Rebecca. Je ne sais pas ce que je peux faire, ni ce que je dois faire mais je me sens de plus en plus responsable et de plus en plus impliquée parce qu'il est seul à l’hôpital, seul depuis tellement d'années et je n'aime vraiment pas cette pensée. Ma seconde idée est tout aussi vite rejetée par Caleb. « Commencez doucement. C’est sûr que si vous arrivez les bras chargés de cadeaux, je doute qu’il en soit très heureux. Commencez par quelque chose de simple et de pas trop gros. » Pour arriver jusqu'à lui les bras chargés de cadeaux, faut déjà arriver jusqu'à lui non ? Mais je ne dis rien, je ne fais que réfléchir à quelque chose de simple et pas trop gros, mais je pense que je vais laisser Caleb gérer le côté simple, ce sera sans doute bien plus réussi si c'est lui qui s'en occupe. « Je pense que c’est une bonne idée, oui. » Et au moins il semble d'accord avec cette idée, celle de l'éducatrice qui a de bien meilleurs idées que moi, rien d'étonnant elle connait Nathan elle, et elle connait les gens aussi. Je le regarde un peu plus longtemps que les fois précédentes, je fixe ses doigts qu'il bouge sans cesse après les avoir rongé, j'hésite à venir poser ma main sur les siennes pour calmer sa nervosité mais je ne fais rien. Je pose mes mains sur mes cuisses, nerveuse moi aussi, mais je tente de me contenir, devant Rebecca, pour Caleb aussi.
« Bien sûr qu’il avait déjà émis le souhait d’en savoir plus sur vous. Vous savez, c’est un petit garçon comme tous les autres de son âge. Il se pose des questions sur ses parents sur ses origines, sur sa famille, sur les raisons qui vous ont poussées à l’abandonner. Mais je pense qu’il n’était pas prêt et surtout qu’il avait vraiment très peur de ce qu’il pourrait découvrir. » Voilà au moins une chose que l'on a en commun, il avait peur de ce qu'il pourrait découvrir, et ça je peux totalement le comprendre, j'avais la même peur. Et si les réponses que j'ai trouvé ne m'ont pas rassuré loin de là, j'espère qu'au moins pour lui, la déception ne sera pas trop grande. « Vous pensez qu’il va nous pardonner un jour ? » Je pense qu'il a trop d'espoirs Caleb de m'inclure dans le processus de pardon de Nathan mais je ne fais aucune remarque, à quoi bon ? Pour moi, l'espoir n'a jamais existé mais je ne veux pas qu'il n'en ait aucun lui. « Ça je ne peux pas le savoir. Je suis désolée. » J'ai presque envie de penser que le fait qu'elle n'ait pas dit non c'est presque positif finalement. Je n'attends rien de Nathan, je n'ai aucun droit d'attendre de lui quelque chose mais je réalise pourtant qu'il est le seul qui pourrait m'aider à me libérer totalement de mon passé mais je ne peux pas espérer ça. « Je suis tellement désolée qu'il ait eu à vivre tout ça. S'il veut écrire pour poser ses questions, il peut le faire, je ferai ce que je peux pour lui donner un maximum de réponses. » Ce n'est pas avec une grande assurance que je prononce ces mots, parce que je ne suis pas certaines d'avoir de réponses à ses questions mais il a des questions c'est la seule chose certaine dans tout ça. Il se demande pourquoi je l'ai abandonné, parce que je suis bien la seule à l'avoir abandonné, et s'il ne veut pas me voir, je peux toujours essayé de lui apporter quelques réponses d'une autre manière même si je n'aime pas en parler, même si je sais que me replonger dans tout ça risque d'être douloureux, je peux le faire pour lui parce que je sais ce que ça fait de vivre avec des questions sans réponses et je ne veux pas ça pour lui. « Est-ce qu'il a peur ? » De mourir, de sa maladie, de la vie, de nous? Est-ce qu'il est aussi terrifiée que moi par l'avenir, par ce qu'il lui arrive, par tout ceci ? Est-ce qu'il a peur tout seul ? « Est-ce qu'il souffre ? Est-ce qu'il a mal ? » Les questions se bousculent dans ma tête, s'échappent sans laisser le temps à une réponse. « Est-ce qu'il a été heureux quand même un jour ? » Je souffle, je serre mes cuisses entre mes mains, trop de questions, trop de doutes, trop de peurs et voilà pourquoi je ne voulais pas trop parler parce que j'ai trop de choses en tête, trop de choses sur le cœur pour perdre le contrôle. Je me force à boire pour me contrôler, pour me canaliser et pour éviter de leur infliger à tout deux mes trop nombreuses insécurités et culpabilités.
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
« Il a eu combien de famille d'accueil ? » Une question que je n’aurais jamais posée pour la simple et unique raison qui n’est que je n’ai pas envie d’en connaître la réponse. Combien de fois a-t-il été abandonné ? Combien de fois est-ce que des parents l’ont laissé se débrouiller tout seul ? C’est comme ça que je perçois la question et je n’ai même pas le temps de me préparer psychologiquement pour qu’une réponse de la part de Rebecca n’arrive. « Il en a eu 5, une première temporaire pendant ses premiers mois, puis une seconde brièvement après l'échec de l'adoption, la troisième chez qui il a apprit le piano, il est resté près de six ans chez eux mais ils ont prit leur retraite et depuis il a connu deux autres familles, ça fait à peine un an qu'il est dans sa nouvelle. » Nathan n’a que dix ans et il a déjà été accueilli dans cinq familles différentes. Ça me paraît énorme, bien que je n’y connaisse pas grand-chose mais maintenant je comprends un peu mieux le portrait que nous a dressé Rebecca. Un petit garçon renfermé qui a du mal à donner sa confiance, qui n’a pas l’air de se confier avec facilité. À son jeune âge il a déjà connu un bien trop grand nombre de déception et d’abandon alors je ne peux que comprendre tout ça. « T'as raison, c'est bête comme idée, je veux pas qu'il pense ça ou qu'il se sente mit sous pression. » Je secoue la tête de gauche à droite parce que « J’ai jamais dit que c’était bête. » Que les choses soient claires, ce n’est pas parce que je ne suis pas du même avis qu’elle que je trouve ce qu’elle dit bête. Ça serait mal me connaître surtout que je la comprends entièrement dans son envie d’acheter tout un tas de choses pour Nathan, parce que je ressens la même chose. Mais j’essaie simplement de me mettre à la place de ce petit garçon et voir un couple d’inconnus arriver les bras pleins de cadeaux pour lui pourrait être effrayant, voire même pas très plaisant. Rebecca nous propose de commencer tout doucement, petit à petit avec des cadeaux plus simples et je suis plutôt d’accord avec elle, bien que moi aussi j’ai envie de couvrir Nathan de cadeaux parce que même si je ne le connais pas personnellement je suis persuadé qu’il le mérite. La deuxième question d’Alex me fait tout aussi peur que la première, enfin c’est bien entendu surtout la réponse apportée par l’éducatrice qui ne me rassure pas. Elle ne sait pas s’il va pouvoir nous le pardonner un jour et en même temps c’est tout à fait logique de sa part. « Je suis tellement désolée qu'il ait eu à vivre tout ça. S'il veut écrire pour poser ses questions, il peut le faire, je ferai ce que je peux pour lui donner un maximum de réponses. » Moi aussi je suis désolé qu’il ait eu à vivre tout ça, la vie n’a pas été clémente avec lui et je me demande pourquoi est-ce qu’elle s’acharne autant sur un petit garçon de dix ans qui n’a jamais rien demandé. Il veut certainement juste être aimé et entouré, soutenu mais tout ça n’a pas été possible puisqu’il s’est retrouvé tout seul dès son plus jeune âge, et c’est injuste. « Est-ce qu'il a peur ? Est-ce qu'il souffre ? Est-ce qu'il a mal ? Est-ce qu'il a été heureux quand même un jour ? » Encore des questions qui ne me plaisent pas, ou du moins qui me font peur. « Je ne sais pas, je n’ai pas les réponses à toutes ces questions et je pense que vous le savez. » Je pense surtout que l’on sait tous les trois que oui, il a peur, oui il souffre et j’ose espérer qu’il a pu être un petit peu heureux dans sa vie. « Je suis désolée j’ai un autre rendez-vous dans vingt minutes il faut que je vous laisse. » Elle termine d’une traite son café et referme le gros dossiers contenants toutes les photos et tout un tas d’autres documents concernant Nathan. « N’hésitez pas à me contacter si vous avez la moindre question. » Je me lève en même temps qu’elle pour venir lui serrer la main. « Merci pour tout. » Pour avoir accepté de nous rencontrer si rapidement, pour avoir répondu à toutes nos questions. « Et surtout merci pour tout ce que vous faites pour Nathan, vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est important pour nous. » Pour moi mais aussi pour Alex parce que je sais que savoir qu’il a eu une éducatrice comme Rebecca dans sa vie peut aider à apaiser nos angoisses.
Nous nous retrouvons ainsi tous seuls, assis à cette table. Tout a été si vite et c’est en regardant min portable que j’avais posé en face de moi sur la table que je me rends compte que toutes les questions que l’on avait rassemblées depuis hier, on les a complètement oubliées. « On a oublié les questions d’hier. » Que je commence par dire tout en rangeant mon téléphone dans la poche avant de mon pantalon. Les réponses que nous avons eues ne sont pas toutes rassurantes mais elles ont eu le mérite d’être claires. Rebecca a pris ma lettre et je sais que d’ici quelques jours elle se retrouvera entre les mains de Nathan. C’est excitant mais surtout effrayant. « Tu as à peine touché à la tartelette à la fraise. Elle est pas bonne ? Tu veux aller manger ailleurs ? » Question bête parce qu’au fond je sais que quand elle ne mange pas beaucoup comme ça, c’est qu’elle est contrariée et vu le moment que nous venons de passer ici ça ne m’étonne pas vraiment. Mais c’est plus fort que moi, voir de la nourriture gâchée j’ai toujours détesté ça et Alex qui ne mange pas cela arrive bien trop souvent à mon goût. « Tu te sens comment ? » C’est ça finalement le plus important, je sais qu’elle ne va pas bien et que ce rendez-vous n’a pas été simple pour elle, mais ce n’était pas beaucoup plus facile pour moi non plus. On est tous les deux dans la même situation. Plus ou moins. « Arrête de te blâmer pour tout ça, tu ne pouvais pas savoir qu’il allait être malade et qu’à cause de ça il ne serait pas adopté. Personne ne pouvait le prédire. » Contrairement à ce qu’elle pense, moi je ne crois pas que ce soit nécessairement sa faute.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
Les questions si nombreuses, si dures, si lourdes de sens s'infiltrent dans mon esprit, s'ancrent en moi et ne veulent plus s'en aller. Pas moyens de les enterrer malgré mes tentatives de penser à autre chose, de me concentrer sur autre chose, elles sont là et elles ne partiront plus désormais. Parce que Nathan est vraiment de retour dans ma vie, dans notre vie, et je crois que je suis bien incapable de savoir comment le gérer finalement. Je veux faire croire que je gère, je veux y croire vraiment et réussir à être forte, à être solide face à toutes les émotions que ça fait ressurgir en moi mais les questions sont là, trop nombreuses, trop accablantes, trop douloureuses à poser, encore plus à entendre les réponses. « Je ne sais pas, je n’ai pas les réponses à toutes ces questions et je pense que vous le savez. » Oui je le sais, Caleb aussi sans doute, mais j'aurais aimé naïvement qu'elle mente. Pour mon propre bien, pour cette douleur à l'estomac que je ressens qui pèse lourde et qui n'est autre que le poids de ma culpabilité. J'aurais voulu qu'elle mente parce que je ne supporte plus de l'imaginer seul. Apeuré. Il n'a que 10 ans, il n'a connu que des abandons, il ne connaît rien de l'amour, rien de la vie et pourtant il doit déjà être en train de se questionner sur la mort et c'est beaucoup trop injuste, beaucoup trop dur à imaginer aussi. Je baisse les yeux. Oui on sait et malheureusement je crois que j'aurais préféré ne jamais savoir parce que c'est impossible à encaisser finalement. Impossible de réaliser toutes les étapes qu'il a du affronter seul. « Je suis désolée j’ai un autre rendez-vous dans vingt minutes il faut que je vous laisse. N’hésitez pas à me contacter si vous avez la moindre question. » Je relève les yeux vers elle, sans un mot je la regarde ranger les photos de Nathan, fermer son dossier bien trop gros à mon goût qui doit sans doute témoigner de toutes les procédures par lesquelles Nathan a du passer. Je réalise que je tiens encore une photo de Nathan dans mes mains sous la table. « Attendez, j'ai encore une photo. » Que je dis d'abord, regrettant instantanément mes mots. « Je peux la garder ? » Mes yeux fixent la photo, mes doigts serrent le coin de l'image, je ne sais même pas pourquoi c'est cette photo que je tiens entre mes doigts, pourquoi celle là et pas une autre, sans doute le hasard mais il sourit sur cette photo, pas un grand sourire mais pas un sourire forcé non plus et j'aimerai me dire qu'il a connu des moments de joies et de bonheurs, j'ai besoin de me raccrocher à quelque chose même si c'est faux. Elle secoue la tête de haut en bas, me donnant l'accord pour garder une photo que je n'avais plus vraiment l'intention de lui rendre, mais elle me laisse le droit de la garder et pour la première fois depuis que nous avons commencé à parler de Nathan, je lui fais un léger sourire, très léger mais c'est ma manière de la remercier. Pour cette rencontre, pour son temps, pour les infos, pour la photo, pour ne pas m'avoir jugé et aussi et surtout pour tout ce qu'elle fait pour Nathan. « Merci pour tout. » Caleb est le plus loquace, Caleb la remercie et je ne peux qu'approuver les mots de mon mari, suivant son geste et me levant à mon tour pour serrer la main de Rebecca. « Et surtout merci pour tout ce que vous faites pour Nathan, vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est important pour nous. » Encore une fois, Caleb est le plus prompt à parler, celui qui dit ce que nous ressentons tout les deux avec beaucoup de justesse et de calme. « Merci de nous avoir contacté. » Parce que sans la dévotion de cette éducatrice les chances de survies de Nathan serait sans doute nulle à ce jour, aujourd'hui on est là, aujourd'hui même si tout est dur, même si tout me fait peur, il y a une chose que je sais, c'est qu'on va tout faire pour lui offrir une seconde chance, pour qu'il puisse vivre.
Elle quitte le salon de thé et je me laisse tomber sur ma chaise, j'ai l'impression d'être vidée, rincée, lessivée comme si je venais d’enchaîner plusieurs run sur un ring de boxe, la douleur en moins. Mais tout semble si intense, si fort, si prenant depuis hier j'ai l'impression que tout va si vite, que ma vie s’effrite un peu plus à chaque minute et je lutte pour maintenir ensemble les bouts de moi-même et de ma vie si parfaite. « On a oublié les questions d’hier. » Caleb me sort de mes pensées, Caleb me parle et j'ai presque l'impression d'avoir oublié pendant une seconde plus que les questions dont il parle. J'ai oublié aussi qu'il était là, qu'il souffrait sans aucun doute lui aussi, que cette rencontre avait du être ultra dur pour lui aussi, mais j'ai oublié ça parce que j'ai peur finalement de réaliser les conséquences que ça aura sur nous toute cette histoire. Il a raison on a oublié les questions et pourtant c'était mon idée, c'était justement parce que je savais que ce serait dur que j'avais proposé cette liste, mais finalement ça a été encore plus dur puisque j'en ai même oublié la liste, cette fichue liste pleine de questions qui s'est transformée en questions dont j'étais pas forcément prête à entendre la réponse. Mais les dés sont jetés, l'histoire de Nathan est connue, elle est inscrite et aucune question ne pourra changer ça. « Tu as à peine touché à la tartelette à la fraise. Elle est pas bonne ? Tu veux aller manger ailleurs ? » Je regarde la tartelette qui ne ressemble plus en rien à une tartelette, des fraises qui se battent dans une assiette sur un lit de miettes écrasées, c'est pas digne d'un salon thé français mais ce n'est que le résultat de mes trop nombreuses coups de cuillères destinées à détruire la tarte plus qu'à la manger. Mais il a raison, j'ai à peine touché à la tarte et la dernière chose que je veux à ce moment précis c'est l'inquiéter davantage. « Si si elle est bonne, j'ai juste pas pensé à manger pendant qu'elle était là. » Il veut qu'on aille manger ailleurs mais je sais qu'ailleurs ce sera pareil, alors je prends une petite bouchée de la tarte. Je me force à manger alors que mon estomac me demande de ne pas le faire mais je ne veux pas qu'il s'inquiète en me voyant refuser de manger quelque chose que j'aime pourtant beaucoup. « Tu veux goûter un peu et dire si elle est à la hauteur des Français ? » Un moyen de l'inviter à goûter mais aussi un moyen détourner de m'aider à la finir, et un moyen de me rapprocher de lui peut-être aussi. Alors qu'il est trop loin, que je le sens loin et peut-être que moi aussi je me suis éloignée de peur de le voir me repousser alors que rien de tout ce que l'on vit est facile et nous n'étions pas préparé à tout ça. « Tu te sens comment ? » Je regarde mon assiette, la photo de Nathan que j'ai gardé, qu'est-ce que je dois dire ? Qu'est-ce que je peux dire ? Je ne suis pas celle que l'on doit plaindre, pas celle pour qui il faut s'inquiéter, je suis clairement la dernière à pouvoir prétendre avoir mal, être mal, parce que je suis responsable de tout ça. Et pourtant je ne veux pas lui mentir. Je ne veux pas l'inquiéter mais je ne veux pas le tenir à l'écart comme j'ai pu le faire à te trop nombreuses reprises. « Je sais pas trop. » C'est honnête comme réponse, du moins ça l'est presque mais je sais que ce n'est toujours pas une réponse convenable. « J'ai peur pour lui, j'ai peur pour nous, j'ai peur de ne pas gérer tout ce que ça implique mais ça va aller, c'est à lui que je dois penser. » La peur c'est sans doute le sentiment que je ressens le plus, ça et la haine de moi mais il n'a pas à savoir que la culpabilité est de retour en moi, bien ancrée et heureuse d'être de retour alors que j'avais réussi à la faire taire. « Et toi ? Qu'est-ce que tu ressens, à quoi tu penses ? Comment vas ton cœur ? » Je voudrais pouvoir poser ma main sur son torse, pouvoir m'assurer par moi même qu'il va bien et ne pas avoir à compter sur lui parce que je sais qu'il peut parfois minimiser les choses pour ne pas m'inquiéter, mais quelque chose m'empêche de le faire. Quelque chose m'empêche de venir prendre sa main, de venir me blottir contre lui, de venir trouver le réconfort dont j'ai besoin dans ses bras et dont il a peut-être besoin aussi. Mais je ne sais pas ce qu'il ressent à propos de tout ça et à propos de moi aussi. J'ai peur qu'il ressente ce que moi je ressens et s'il venait à ressentir ça, plus jamais il pourrait m'aimer, plus jamais il pourrait me regarder même. « Arrête de te blâmer pour tout ça, tu ne pouvais pas savoir qu’il allait être malade et qu’à cause de ça il ne serait pas adopté. Personne ne pouvait le prédire. » Je baisse les yeux surprise par ses mots, surprise encore de le voir lire en moi avec une telle facilité. Je me mords la lèvre et je tente de prendre une nouvelle bouchée de la tarte histoire d'avoir une excuse pour ne pas parler mais je sens mon estomac qui cette fois me fait clairement comprendre qu'une bouchée de plus et c'est aux toilettes que je vais finir. Je me résigne et c'est dans son regard que je viens trouver la force de faire face à la réalité de ce que je ressens. « J'aurais du m'assurer qu'il ait une famille, j'aurais du au moins lui permettre ça en lui refusant le droit de te connaitre, j'aurais du m'assurer que mon choix était au moins le meilleur pour lui, mais finalement c'est un échec sur toute la ligne Caleb, je savais au fond de moi que pour toi c'était pas le bon choix à faire, mais je pensais sincèrement qu'au moins lui il s'en sortirait, mais même pas. » Le passé est passé justement, rien ne peut venir le changer, rien ne peut venir modifier les erreurs que j'ai pu faire, je le sais et avant ce coup de téléphone, je réussissais à aller de l'avant, à oublier le passé et à me tourner vers l'avenir mais réaliser qu'il y a plus de dix ans j'ai vraiment prit la pire décision pour nous trois, c'est dur quand même. « Mais je sais que je peux pas revenir en arrière, j'assume Caleb, enfin je vais assumer je te promets de faire face à tout ça mais je veux pas que la vie te prive une seconde fois de ton fils, parce que j'ai peur qu'on ne puisse pas s'en remettre. » Notre amour est fort, notre couple aussi mais si Nathan venait à mourir, je doute qu'on puisse survivre à ça, que je puisse me le pardonner et que Caleb puisse accepter qu'à cause de moi, il ne connaitra jamais son fils. J'ai peur de tellement de chose finalement que je ne sais pour l'heure pas comment faire face sans me sentir oppressée et sans craindre le pire. « Tu vas en parler à tes parents ? » Voilà une autre crainte que j'ai mais ce n'est pas à moi de décider, je n'ai pas mon mot à dire la dessus et je vais faire face et assumer, avec le peu de dignité et de force que je possède, mais je vais le faire parce que si quelqu'un a le droit de se plaindre dans cette histoire c'est surement pas moi.
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
Si cet entretien avec Rebecca a été éprouvant sur le plan émotionnel il était tout de même nécessaire que ce soit pour moi mais aussi pour Alex. Pour nous, aussi. Nous connaissons maintenant la vie de Nathan et bien que tout ne soit pas facile à entendre et à accepter je lui suis reconnaissant de nous avoir donné de rendez-vous et surtout de nous avoir délivrer autant d’informations. Elle aurait pu nous juger, elle aurait pu nous prendre de haut mais elle n’a rien fait de tout ça. Elle est restée à l’écoute, professionnelle et pas une seule fois je n’ai eu la sensation de me faire juger par l’éducatrice de Nathan. Nous avions tous les deux préparé ce rendez-vous mais pourtant je me rends compte que nous avons complètement oublié de ressortir les questions auxquelles nous avons réfléchis hier soir. Il y a autre chose que je remarque et c’est l’assiette encore presque pleine d’Alex. Elle n’a jamais eu grand appétit, Alex, et c’est presque un comble pour un chef d’être marié avec une femme qui n’apprécie pas réellement la nourriture. Encore pire quand on voit à quoi ressemble la tartelette à la fraise choisie un peu plus tôt par ses propres soins. « Si si elle est bonne, j'ai juste pas pensé à manger pendant qu'elle était là. » Ce n’est pas vraiment comme ça que je traite quelque chose que j’apprécie et qui se trouve dans une assiette posée ne face de moi. Mais Alex m’assure que ce dessert est bon alors je la crois et je n’insiste pas plus, bien que je trouve dommage voir cette tartelette dans cet état. J’hoche doucement la tête, peu convaincu par sa tentative de réassurance. Parce que c’est ça, elle essaie simplement de me rassurer alors qu’au final je sais qu’elle ne mangera pas plus que ça, elle est comme ça, Alex, elle ne mange jamais beaucoup et encore plus quand elle ne va pas bien ou qu’elle est contrariée. Sauf qu’elle est enceinte et qu’elle devrait aussi penser à ce petit bébé qui est en train de prendre forme. « Tu veux goûter un peu et dire si elle est à la hauteur des Français ? » Je doute que la réponse à cette question ne l’intéresse réellement et quelque chose me dit qu’elle veut simplement que je finisse le dessert pour elle. Je la regarde un instant, un regard qui lui montre que j’aurais préféré qu’elle termine elle-même son assiette mais sans un mot je me rapproche d’elle pour prendre la cuillère et avancer l’assiette en face de moi pour m’attaquer à cette fameuse pâtisserie. « Je sais pas trop. J'ai peur pour lui, j'ai peur pour nous, j'ai peur de ne pas gérer tout ce que ça implique mais ça va aller, c'est à lui que je dois penser. » Elle le dit elle-même, elle a peur de ne pas gérer et je dois bien avouer que l’entendre me dire une chose pareille me fait vraiment peur. Elle ne sait pas si elle est prête à affronter tout ça, elle pense que ça pourrait être trop pour elle et ses propos me confirment mes peurs et mes craintes à son sujet. De plus, le fait de la voir ne pas manger et à peine réagir lors de la première partie du rendez-vous me montre que je dois être vigilant dès maintenant. « Et toi ? Qu'est-ce que tu ressens, à quoi tu penses ? Comment vas ton cœur ? » À quoi je pense. Je suppose qu’elle connait la réponse, moi je ne fais que penser à lui, à Nathan et je me fiche pas mal de savoir si cette situation sera difficile à gérer pour moi. On doit être fort pour lui, pour l’aider, pour lui montrer qu’il peut nous faire confiance et s’appuyer sur nous s’il en a besoin. J’hausse les épaules tout en terminant l’assiette. « On s’en fout de ça, il faut juste penser à lui et à comment on peut l’aider. » Certains diront que je le dénigre mais je pense sincèrement tout ça, mon cœur ou mon ressenti sont bien loin d’être la priorité. « J'aurais du m'assurer qu'il ait une famille, j'aurais du au moins lui permettre ça en lui refusant le droit de te connaitre, j'aurais du m'assurer que mon choix était au moins le meilleur pour lui, mais finalement c'est un échec sur toute la ligne Caleb, je savais au fond de moi que pour toi c'était pas le bon choix à faire, mais je pensais sincèrement qu'au moins lui il s'en sortirait, mais même pas. » Elle savait que ne pas m’en parler n’était pas le bon choix et ça c’est une vérité que j’aurais préféré qu’elle garde pour elle. Je ne me concentre pas sur ça, j’essaie de ne pas penser au fait qu’elle me dise qu’elle savait qu’elle prenait la mauvaise décision parce que je ne comprends pas pourquoi elle me dit une telle chose. « Tu sais très bien que ça ne marche pas comme ça et que tu ne pouvais pas t’assurer qu’elle aurait une famille. Tu pensais faire le meilleur choix pour lui. » Une fois la décision prise d’abandonner cet enfant elle n’avait plus aucun moyen de le retrouver alors je ne vois pas comment elle aurait pu suivre la trace de cet enfant sans la moindre information sur lui. « Mais je sais que je peux pas revenir en arrière, j'assume Caleb, enfin je vais assumer je te promets de faire face à tout ça mais je veux pas que la vie te prive une seconde fois de ton fils, parce que j'ai peur qu'on ne puisse pas s'en remettre. » Mes sourcils se froncent et je me tourne vers elle pour la regarder un instant. « Pourquoi tu dis ça ? » Je lui en veux de penser que cette épreuve pourrait nous séparer parce que de mon côté ce n’est pas quelque chose qui m’a traversé l’esprit ne serait-ce qu’une seule fois. « Je pensais que tu avais plus confiance en nous maintenant. » Vraisemblablement je me suis trompé et elle ne semble toujours n’avoir que très peu confiance en nous, en notre couple. Ça me fait mal de me rendre compte de cela et je ne pensais pas qu’elle avait une opinion aussi faible de nous. « Tu vas en parler à tes parents ? » Voilà une question à laquelle je ne m’attendais pas mais sans même que je n’y fasse attention j’ai bien mentionné mes parents quand nous avons parlé de la greffe avec Rebecca. J’hausse les épaules et après quelques secondes de réflexions je lui réponds. « Si aucun de nous n’est compatible, oui. Je demanderai à Prim de faire les tests et j’en parlerai à mes parents et à Bailey et Candice. » Je me doute que ce n’était pas la réponse qu’elle attendait, elle aurait sûrement préféré que je lui dise que cette histoire restera entre nous, parce que je sais qu’elle a peur de la réaction de mes parents et pour dire vrai, je ne suis pas entièrement serein non plus. « Il faut qu’on fasse tout pour l’aider. Mais si l’un de nous peut faire la greffe alors non, je ne leur dirai rien. » Je lui assure. Parce que je ne me vois pas annoncer à mes parents qu’ils ont un petit-fils de dix ans mais qu’ils ne pourront sûrement jamais le rencontrer. « Enfin je crois, j’en sais rien. J’y avais jamais réfléchi avant. Désolé. » Je m’excuse parce que finalement je ne peux pas être sûr de la réponse que je viens de lui donner.
WHERE THERE IS DESIRE, THERE IS GONNA BE A FLAME. WHERE THERE IS A FLAME, SOMEONE'S BOUND TO GET BURNED. BUT JUST BECAUSE IT BURNS DOESN'T MEAN YOU'RE GONNA DIE, YOU'VE GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY. GOTTA GET UP AND TRY, TRY, TRY
« On s’en fout de ça, il faut juste penser à lui et à comment on peut l’aider. » Il veut savoir comment je vais et j’essaye d’être honnête. J’essaye de me livrer à lui. Sauf que quand vient son tour de me parler de ce qu’il ressent et de comment il va, il élude complètement la question. Pire encore il se moque de comment il va et ça ne me rassure absolument pas. Parce que je m’inquiète pour lui, je m’inquiète pour Nathan aussi, mais les deux ne doivent pas être incompatibles, et pour aider Nathan, Caleb doit prendre soin de lui ce qu’il ne semble clairement pas intéressé à faire. « Rester en bonne santé et en vie ça peut déjà être pas mal pour l’aider. » C’est lui qui a demandé comment j’allais, lui pour qui j’accepte d’être honnête, pour qui j’accepte de montrer les faiblesses et les craintes que j'ai, mais il refuse de se livrer à moi, il dénigre sa santé et ça clairement ça ne me plaît pas. « Mais si on s'en fout alors me demande pas comment je vais désormais, mais pour ce que ça vaut moi je m'en fous pas de ça, de toi. » Je sais que si j’avais eu un discours similaire il n’aurait pas apprécié. Bon peut être que le fait que je sois enceinte aurait joué mais c'est un détail non ? Et, après ses mots j’ai d’autant plus peur de le voir s’épuiser sans s’écouter, de le voir faiblir sans en parler, de le voir finir par s’écrouler sous le poids de cette responsabilité qu’il semble se mettre. Il ne devrait pas avoir à gérer tout ça, il n'aurait jamais du se retrouver dans cette situation, il ne fait que subir les conséquences de mes erreurs, de mes choix et il va en souffrir, il en souffre déjà d'ailleurs et savoir qu'il s'en fout de ce qu'il peut ressentir ou pire de comment vas son cœur, ça ne me plaît pas du tout. Et dans tout ça finalement je n'ai pas de réponse, je ne sais pas comment va son cœur, comment il bat, s'il a mal, s'il s'épuise à tenter de tout gérer, je n'en sais rien puisqu'il s'en fout lui et voilà que je m'inquiète encore un peu plus pour lui désormais. Parce qu'il faut bien que quelqu'un le fasse non ? Il tente de me rassurer en quelque sorte, de me déculpabiliser un peu mais ça ne fonctionne pas vraiment parce que je prends conscience de toutes les conséquences de mon choix et c'est dur de réaliser que tout ce que j'ai fais c'est faire du mal à tout le monde. « Tu sais très bien que ça ne marche pas comme ça et que tu ne pouvais pas t’assurer qu’il aurait une famille. Tu pensais faire le meilleur choix pour lui. » Oui je pensais faire le meilleur choix pour lui, mais c'est encore un échec, un échec cuisant même au vu du résultat et si mes intentions étaient sincèrement tournées vers l'espoir de lui donner une vie que je ne pouvais pas lui offrir, avec une famille, une mère aimante, il n'en reste pas moins que c'est tout l'inverse qu'il s'est produit et il va me falloir sans doute un peu de temps pour accepter la réalité des choses. Mais je vais le faire, pour Nathan. Pour Caleb aussi. Pour notre famille, parce que j'ai beaucoup trop à perdre désormais pour rester là à me plaindre et à pleurer sur le passé. Bien sur que je m'en veux, bien sur que j'ai peur pour l'avenir et tout ce qu'il risque de nous arriver dans les semaines à venir, mais je vais assumer, je vais faire face, je le promets à Caleb, je le dois à Nathan aussi, et je n'ai pas le choix pour nos filles et ce bébé aussi. Je vais me concentrer sur le principal, Nathan et sa santé et essayer de mettre de côté la peur de plus en plus étouffante que je ressens à l'idée d'apprendre que Nathan est mort. Je ne peux pas me faire à cette idée, je ne peux pas me résoudre à imaginer la suite de notre vie après un tel drame. Parce que je crains de ne pas pouvoir m'en remettre, parce que je crains qu'il ne me le pardonne jamais. Parce que je ne veux pas que notre vie change aussi, mais ça je crois que c'est inexorablement en train d'arriver non ? « Pourquoi tu dis ça ? Je pensais que tu avais plus confiance en nous maintenant. » Je baisse les yeux honteuse de voir qu’il croit encore que je puisse douter de nous alors que je suis mariée à lui. Alors que nous avons deux filles. Alors que je suis enceinte de lui. « J’ai confiance en nous. C’est pas ce que je voulais dire désolée. » Ou peut-être que si ? Un peu ? J'en sais rien finalement, mais je crois en nous ça c'est sur, je crois en notre force et en notre amour. « J’ai vraiment confiance en nous et j'ai besoin de toi, mais j'ai peur des conséquences, je sais que tu veux pas l'entendre, mais si ça se passe mal, si tu n'as pas la chance de le rencontrer, est-ce que tu peux me certifier que tu me le pardonnera ? » Je sais que je ne me le pardonnerai pas mais ce n'est pas ça le plus important finalement. J'ai confiance en nous, mais le nous n'existe qu'à deux et j'ai peur de le voir s'éloigner de moi, par tristesse, par colère, par rancœur, par douleur aussi et je ne pourrais pas lui reprocher, moi aussi si je pouvais je me fuirai parce que je déteste celle que je suis, celle que j'ai l'impression d'être, cette fille du passé qui revient me hanter avec ses doutes, cette culpabilité et cette honte. Et je sais que je n'ai pas fini de me sentir mal, de me sentir jugée aussi et je le mérite mais j'ai tout de même peur d'une chose : le regard et le jugement de sa famille. « Si aucun de nous n’est compatible, oui. Je demanderai à Prim de faire les tests et j’en parlerai à mes parents et à Bailey et Candice. » Je comprends ses mots et il les a déjà évoqué face à Rebecca, et pour Nathan il faut mettre toutes les chances de son côté mais pourtant j'ai malgré tout peur. Et avec ses mots il ramène une autre de mes peurs, une autre réalité qui m'angoisse, si aucun de nous n'est compatible. Si aucun de nous ne peut aider Nathan, qu'est-ce qu'on fait ? « Il faut qu’on fasse tout pour l’aider. Mais si l’un de nous peut faire la greffe alors non, je ne leur dirai rien. Enfin je crois, j’en sais rien. J’y avais jamais réfléchi avant. Désolé. » Ses excuses sont inutiles, non pas qu'elles ne comptent pas mais il n'a pas besoin de se sentir désolé pour ça et s'il ressent le besoin de leur en parler, j'assumerai tout à ses côtés, je porterai toute la responsabilité qui est la mienne et je ferai face à la colère et au jugement de ses proches. «Je suis d'accord faut qu'on fasse tout pour le sauver et si tu ressens le besoin de leur en parler, je n'ai pas mon mot à dire la dessus, mais je serais à tes côtés, je ne veux pas que tu fasses ça tout seul. » Quelque soit son choix, son envie ou son besoin, il a déjà protégé mon secret depuis trop longtemps, et désormais il est temps de se faire à l'idée que mon passé risque de devenir notre présent. Mais je crois que pour le moment je ne suis pas prête pour ça, pas alors que la santé de Nathan est bien trop préoccupante et pourtant, le choix je ne l'ai plus et c'est peut-être pas si mal. « Si je suis compatible mais que je ne peux pas l'aider à cause de la grossesse, qu'est-ce qu'on va faire ? » On doit tout faire pour l'aider c'est ce qu'il a dit. Je ne sais même pas pourquoi je lui pose cette question, il n'en sais sans doute rien, du moins rien de plus que moi et personne à part le médecin ne pourra répondre à toutes mes questions. Je finis mon verre et j'ai l'impression de commencer à étouffer ici. « J'ai besoin de prendre l'air, tu as ta cigarette électronique ? » J'ai envie d'une cigarette, j'en ai vraiment envie mais je ne peux pas et à défaut d'une cigarette, j'espère qu'il ait pensé à prendre sa cigarette électronique. Je ferme les yeux en quittant le salon de thé, je respire un peu même si le nœud que j'ai à l'estomac semble toujours bien présent, mais je regarde le soleil, les yeux fermés je soupire un peu pour faire redescendre la tension. « Tu veux qu'on aille trouver un truc à lui acheter ? » Je regarde Caleb un peu plus longtemps que ces derniers temps et je réalise que sans le vouloir, sans vraiment m'en rendre compte une distance s'est installée entre nous et je n'aime pas ça du tout. « Je peux venir dans tes bras ? » Hésitante, je le regarde, j'en ai besoin de ses bras, de ses câlins mais ce dont j'ai besoin on s'en fout finalement, je suis la dernière à pouvoir exprimer mes besoins mais je me dis que peut-être que lui aussi il a besoin de ça, parce que c'est aussi de ça que nous puisons notre force.
Where there is desire, there is gonna be a flame. Where there is a flame, someone's bound to get burned. But just because it burns doesn't mean you're gonna die, you've gotta get up and try, try, try. Gotta get up and try, try, try
« Rester en bonne santé et en vie ça peut déjà être pas mal pour l’aider. » Je ne comprends pas pourquoi elle me parle de rester en vie parce que je n’ai jamais sous-entendu le contraire. Je fronce les sourcils ne comprenant réellement pas ses paroles qui n’ont, pour moi, aucun sens. « Mais si on s'en fout alors me demande pas comment je vais désormais, mais pour ce que ça vaut moi je m'en fous pas de ça, de toi. » Elle est froide et encore une fois je ne comprends pas sa réaction. Je soupire légèrement tout en baissant les yeux. « J’ai jamais dit le contraire… Laisse tomber. » Ou peut-être que je l’ai dit finalement, je n’en sais rien mais en tout cas je n’ai jamais voulu dire que mourir était la solution mais dans tous les cas je ne comprends vraiment pas comment elle en est arrivée à cette conclusion hâtive. En tout cas ce qu’elle a bien dit, elle, c’est qu’elle avait peur qu’on ne puisse pas s’en remettre. Ça veut bien dire qu’elle pense que cette situation pourrait nous séparer et donc, si une telle idée peut lui passer par la tête cela signifie qu’elle n’a pas confiance en nous et ça, c’est difficile à encaisser. On est mariés et j’ai du mal à comprendre comment il est possible qu’elle ne puisse ne pas croire en nous. Moi je sais que je l’aime, je sais que même si elle a fait la plus grosse erreur de sa vie en me tenant à l’écart de cette grossesse, si je ne lui avais pas pardonné nous n’en serions pas à aujourd’hui. Ça me semble logique mais Alex a peur que notre couple ne s’en remette pas et ça me chagrine beaucoup. « J’ai confiance en nous. C’est pas ce que je voulais dire désolée. » Je l’ai compris ainsi de mon côté, mais je relève les yeux vers elle attendant qu’elle m’explique ce qu’elle voulait me dire. « J’ai vraiment confiance en nous et j'ai besoin de toi, mais j'ai peur des conséquences, je sais que tu veux pas l'entendre, mais si ça se passe mal, si tu n'as pas la chance de le rencontrer, est-ce que tu peux me certifier que tu me le pardonnera ? » Je ne suis pas sûr d’apprécier beaucoup plus ce qu’Alex avait en tête en me disant tout ça. Encore une fois elle parle de la mort alors que je lui ai pourtant dit hier que je ne voulais pas penser à cette option. Je ne suis clairement pas prêt pour ça mais pour la deuxième fois je me retrouve obligé d’y faire face. J’ai bien compris qu’elle a cette peur et moi aussi, sauf que la simple idée d’en parler m’angoisse et je sens mon cœur se resserrer et mes paupières se referment. « Pourquoi est-ce que tu parles encore de ça » Ça étant le pire scénario possible, la mort, mais je n’arrive même pas à prononcer ce mot à voix haute. « Je ne peux pas en parler. » J’aimerais ne pas me retrouver comme un débile à rester complètement figer et terrifié dès que la mort est abordée, je ne fais pas exprès, je ne joue pas simplement pour éviter d’avoir à répondre à sa question. Je pensais que c’était déjà clair, et même si je comprends sa question, même si je peux tout à fait entendre son besoin d’avoir une réponse je ne peux pas évoquer ce scénario. Je souffle avec difficulté alors que mes mains passent dans mes cheveux. Je sais qu’il peut mourir. J’en ai conscient mais la mort me terrible à un point qu’Alex ne peut même pas imaginer. À un tel point que je suis très bien que l’aborder pourrait me déclencher une crise similaire à celle d’hier.
«Je suis d'accord faut qu'on fasse tout pour le sauver et si tu ressens le besoin de leur en parler, je n'ai pas mon mot à dire la dessus, mais je serais à tes côtés, je ne veux pas que tu fasses ça tout seul. » Je ne suis pas d’accord avec elle quand elle me dit ne pas avoir son mot à dire, elle ne peut pas fuir à nouveau ses responsabilités et pouvoir parler et donner son avis en fait partie. « Si je suis compatible mais que je ne peux pas l'aider à cause de la grossesse, qu'est-ce qu'on va faire ? » Encore une question difficile et surtout je n’ai aucune réponse à lui apporter parce que je n’en sais rien du tout. Je me pince les lèvres et j’hausse les épaules. « Je serai peut-être compatible moi aussi. » Je n’y crois pas vraiment et elle doit pouvoir l’entendre sans problème dans ma voix. « Je doute qu’ils ne te laissent passer les tests si on ne peut pas donner en étant enceinte de toute façon. » Alors on a plus qu’à espérer que 1) le don de moelle osseuse est possible pour une femme enceinte ou 2) que je sois compatible. « J’ai pas envie de ne penser qu’aux pires scénarios. » Sauf que je sais qu’Alex a raison et que nous devons y penser pour se préparer et ne pas se retrouver désemparer mais j’en suis tout bonnement incapable. « J'ai besoin de prendre l'air, tu as ta cigarette électronique ? » J’hoche la tête et je la suis à l’extérieur. J’ai envie de fumer mais clairement pas avec ma vapoteuse mais face à Alex je ne peux pas sortir une cigarette alors je lui tends ma cigarette électronique et je la regarde vapoter tout en posant un pied contre le mur extérieur du salon de thé. « Tu veux qu'on aille trouver un truc à lui acheter ? » J’ai envie de lui acheter tout un tas de choses, j’ai envie de lui faire plusieurs cadeaux sauf que « T’es sûre qu’aller faire les magasins pour lui acheter quelque chose alors qu’on est même pas sûrs qu’il acceptera de nous voir est une bonne idée ? » Bêtement j’ai peur que ça puisse nous porter la poisse. Je sais que c’est ridicule mais si ce cadeau reste chez nous plutôt que dans les mains de Nathan, ça sera très difficile. « Je peux venir dans tes bras ? » C’est assez étonnant d’entendre Alex me poser cette question et je n’hésite pas ; je m’approche d’elle et je lui prends ma vapoteuse des mains pour la serrer dans mes bras. Tout ça sans un mot. Parce qu’il n’y a finalement pas grand-chose à en redire, on attend tous les deux l’appel du médecin qui pourra lui répondre aux questions que l’éducatrice ne pouvait pas. Je ferme les yeux et je profite non seulement de l’air frais mais aussi de l’étreinte entre ma femme et moi. Je la serre contre moi, je l’embrasse sur le front, ma main vient frotter contre son dos et au bout de plusieurs secondes – minutes ? – ainsi je me défais un peu et je l’embrasse sur la joue. « Ça va aller, d’accord ? » Je n’en sais rien finalement mais j’ai vraiment envie d’y croire. Ma main libre attrape la sienne alors que j’apporte ma cigarette électronique entre mes lèvres. « Si tu veux qu’on parte lui acheter quelque chose on peut. » Même si je lui ai plus ou moins dit l’inverse il y a peu. « Et au pire fera passer le cadeau à Rebecca. T’en penses quoi ? » J’essaie de trouver un compris, même si le pire je n’ai pas envie d’y croire.