Leto se mordit les joues pour ne pas exploser de rire. Holden adorait les animaux autant qu'elle, et n'avait jamais eu de mal avec les chats précédents qu'elle avait eu en garde. Le fait que Milo le rejette avait été difficile à accepter pour le jeune homme, qui avait souffert de nombreuses griffures avant que le chat n'accepte sa présence. Il fallait dire que Milo, abandonné de nombreuses fois et sans doute battu, avait de bonnes raisons de se méfier des humains et des autres animaux. Il portait sous son pelage des cicatrices, marquant son passé tumultueux.

« Tu vois, tu as réussi à l'amadouer ! »

Le prix à payer avait été rude, et Leto était désolée chaque fois que Holden avait eu de nouvelles marques sur les bras. Mais elle était contente qu'ils aient persévéré et que Milo accepte totalement le jeune homme, surtout qu'il venait régulièrement chez eux. C'était plus simple, comme elle était celle qui vivait seule, et non en colocation.

« Je ne regrette rien » lui affirma-t-elle ensuite. « Je sais que j'ai fait le bon choix, même si j'avais pas les bonnes informations en main à l'époque ! »

La plupart de ses amis lui juraient le contraire, mais Leto restait persuadée que Holden était parfait pour elle. Avec leurs problèmes de communication et le fait qu'ils ne voyaient pas l'avenir de la même façon, mais il n'en restait pas moins qu'ils étaient bien ensemble, bien que personne ne semble le voir. Comme le fait qu'ils arrivaient à se comprendre à demi-mots - elle entendait le je t'aime que Holden n'arrivait pas à dire, en disant qu'il n'était pas prêt à la laisser partir.

« Ça tombe bien, je compte pas partir » glissa-t-elle en retour, déposant un léger baiser sur ses lèvres.

Moi aussi, je t'aime.

Même si des fois, il se renfermait sur lui-même, ou se comportait comme un enfant pour éviter d'affronter la réalité. Elle n'était qu'à moitié étonnée qu'il se soit comporté comme ça face au surf, attiré par l'envie de dompter les vagues, et se fiant aux sourires des sportifs expérimentés. Elle leva juste les yeux au ciel devant ses justifications, cachant son sourire comme elle pouvait, refusant de répondre à ça.

Surtout que parler de la Grèce et des merveilles découvertes depuis son enfance lui semblait une bien meilleure manière de compléter la conversation. En tant qu'enfant d'archéologues, elle avait grandi dans ces territoires mythiques, à chercher des pièces antiques dans la terre et explorer ces territoires remplis d'histoire. Holden acceptant d'y aller avec elle était en soit merveilleux, et elle en était presque à sortir son téléphone pour commencer les réservations et voir lesquelles de ses connaissances étaient sur place pour qu'elle puisse leur présenter son petit-ami.

« Un peu d'imprévisible devrait nous faire du bien ! Et d'expériences, c'est comme ça qu'on fait les plus belles découvertes ! »

Après tout, si elle n'avait pas décidé de sortir de sa routine pour pointer une erreur sur les feuilles de Holden, ils n'en seraient certainement pas là aujourd'hui. Elle aimait l'organisation et avait le sens du détail, mais laisser un peu de moments d'incertitude ne pouvait que faire du bien !

« On peut y aller en août ? Ça me distraira de l'attente des résultats de thèse... Enfin, ça dépend du planning de la tienne » proposa-t-elle.

Août leur permettrait aussi de quitter l'hiver australien pour retrouver l'été grec. Leto, qui avait toujours préféré le soleil aux températures fraîches des saisons froides, ne pourrait qu'en être ravi ! Mais ça dépendait aussi des possibilités d'Holden, et des jours qu'ils pourraient poser l'un et l'autre. Enfin, ils avaient encore un peu de temps, pour en reparler et réorganiser plus sérieusement ce séjour hors d'Australie.

Ils étaient assis dans le restaurant réservé par Holden, et tant de préparation pour un rendez-vous amoureux ne cessait de la surprendre. Ce n'était pas la première fois qu'il l'emmenait en rendez-vous, bien sûr, mais l'un comme l'autre était plutôt habitué aux petits moments simples. Là, il avait sorti le grand jeu, et ça lui faisait énormément plaisir.

Pour autant, heureusement qu'elle était assise confortablement sur la chaise du restaurant, parce qu'elle ne s'attendait pas à la déclaration qui suivit. C'étaient des mots qu'il avait soigneusement évité jusqu'ici, sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi. Ça ne l'avait pas vraiment dérangée, parce que ce qu'il ne lui disait pas avec des mots, il le montrait dans ces gestes.

Mais c'était le moment idéal pour lui offrir le cadeau choisi avec soin, alors qu'elle était toujours un peu choquée d'avoir entendu ces quelques mots. Elle n'avait jamais doutée de ses sentiments, mais elle était heureuse d'entendre ces quelques mots de confirmation. Un cadeau plus précieux peut-être que l'écrin qu'il venait de lui donner - mais elle ne dit rien, savourant juste la confession sans mettre trop l'emphase dessus, pour ne pas le mettre mal à l'aise.

Elle ouvrit son cadeau en même temps que lui ouvrait le sien, admirant la jolie pierre formant le pendentif. Elle s'empressa de le mettre autour de son cou, avant de toucher délicatement la pierre de lune qui retombait sur son décolleté, juste au dessus

« C'est magnifique, Holden ! » qu'elle eut tout juste le temps de murmurer avant qu'il ne se lève pour venir l'embrasser.

Elle y répondit avec amour, heureuse de constater qu'il appréciait le cadeau qu'elle lui avait offert. Et encore plus heureuse de celui qu'elle venait de passer autour de son cou, qu'elle trouvait magnifique. Elle caressa doucement sa joue, avant qu'ils ne se séparent, leurs regards se trouvant immédiatement. Elle sourit, tendrement, les mots lui manquant pour exprimer à Holden toutes les émotions qui la traversaient.

« Monsieur, mademoiselle, je vous amène votre entrée. »

Leto rougit et balbutia rapidement des remerciements, surprise de l'arrivée du serveur et un peu déçue que la petite bulle autour d'Holden et elle se soit brisée suite à son arrivée. Le restaurant devait proposer un menu unique pour la Saint-Valentin, raison pour laquelle ils n'avaient pas eu besoin de commander et qui expliquait qu'ils soient servis si rapidement.

Elle fronça le nez, Leto, peu adepte de l'improvisation. Elle aimait les choses claires et organisées, et savoir vers quoi elle se dirigeait. Elle aimait travailler sur sa thèse, suivre un plan et faire des recherches, mais appréhendait déjà le moment où elle aurait son diplôme dans les mains et devrait travailler et faire de la recherche dans son coin, sans l'aide des professeurs de l'université.

Et en même temps, Holden avait toujours été le grain de sable de son existence bien rangée, celui qui la faisait sortir de sa zone de confort et tenter de nouvelles choses. C'était parfois compliqué pour elle, mais elle n'avait jamais regretté un seul instant leur couple et l'amour qu'elle éprouvait pour lui. Alors l'idée de vacances à moitié réfléchies, c'était peut-être le bon compromis - Leto savait où ils allaient et connaissait déjà un peu le coin, mais le programme n'était pas fixe, improvisé au jour le jour.

« Faut juste que je vois quand je peux poser mes jours au travail » reprit-elle.

Holden avait raison, septembre était tout aussi bien. Et la température serait peut-être plus agréable, une fois l'été passé. Ils profiteraient aussi beaucoup plus du séjour s'il n'avait pas la tête dans ses travaux universitaires, et encore plus si elle obtenait sa thèse d'ici-là et n'avait plus le stress de l'écriture sur les épaules.

Le sujet des vacances disparut alors qu'ils arrivaient au restaurant, et en profitaient pour s'échanger leurs cadeaux. Le collier offert par Holden l'émut, parce qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'il se montre si romantique. Honnêtement, rien que le fait d'avoir une soirée juste tous les deux, sans disputes, avec une conversation profonde et dans laquelle ils pouvaient échanger vraiment, était déjà un très beau cadeau, à ses yeux !

« Je ne pensais pas rougir si facilement. On va dire que tu es le seul à pouvoir le faire » répondit-elle, les joues encore roses sous l'émotion, et le regard pétillant de bonheur.

Il arrivait encore la surprendre, même après plus de huit ans de relation. Et elle aimait ça. Elle aimait leur complicité, les petites attentions parfois maladroites de Holden, et le fait qu'ils finissent toujours par se parler, même si ça leur prenait parfois un peu de temps avant de retrouver leur calme. Holden avait encore beaucoup de choses qu'il lui cachait, ne trouvant pas encore le courage de lui en parler de ce qui l'empêchait de se projeter plus dans un avenir commun.

Le fait qu'ils aient leurs entrées devant elle lui permit de se recentrer un peu, alors que Holden semblait un peu appréhender le fait que le menu reste secret. Les intitulés des plats étaient intrigants, et Leto espérait juste avoir une version au moins végétarienne, histoire de vraiment pouvoir en profiter.

« Je croyais que tu étais tout pour l'improvisation ? » souligna-t-elle en souriant.

Elle le taquinait juste, amusée de le voir si inquiet de ce plat inconnu. Elle, elle trouvait les couleurs et la présentation magnifiques, ce qui lui donnait envie de connaître le goût.

« Bon appétit ! »

Elle prit une première bouchée, laissant les saveurs acidulées envahir son palais. Elle ne s'y attendait pas, mais le plat restait délicieux - et elle comprenait mieux l'intitulé du menu, à la découverte des sens. Elle prit quelques bouchées de plus, essayant de déterminer un peu mieux les saveurs, mais elle ne devait pas connaître le légume principal, ou alors le goût de la sauce était trop prenant, parce qu'elle était incapable de pouvoir les décrire.

« C'est délicieux ! Une très bonne surprise ! »

Elle n'avait plus qu'à attendre ce que Holden en pensait, et elle était clairement impatiente d'avoir son avis, vu comme il semblait incertain devant son assiette !

Leto connaissait un peu trop les projets pour savoir le risque que ça avait de ne pas aboutir. Elle espérait juste qu'ils arrivent à le réaliser, quelque part entre son organisation à elle et l'improvisation de Holden. Mais étrangement, elle avait confiance. Les choses allaient mieux entre eux, ils arrivaient à discuter et à se projeter - dans un avenir certes à court terme, mais c'était déjà une avancée terrible par rapport à avant.

Même s'il ne s'en rendait pas toujours compte, elle avait besoin de ce brin de folie qu'il lui apportait, avec son inconsistance et sa façon de voir le monde si différente de la sienne. Ils se complétaient, quelque part, et petit à petit, ils arrivaient à créer un équilibre qui leur convenaient à tous les deux. Il restait des concessions à faire, et des secrets à révéler, mais Leto aimait leur couple un peu particulier, et tout ce que Holden pouvait lui apporter, même s'il n'en avait pas conscience.

« Bien sûr que tu es important pour moi » souffla-t-elle, avant de poser sa main sur celle de son petit-ami. « Je suis tombée amoureuse du gamin trop sûr de lui, mais
j'aime encore plus la personne que tu es devenu en grandissant. »

Ils s'étaient rencontrés à même pas vingt ans, jouant les adultes alors qu'ils étaient encore des enfants perdus. Ils avaient grandi ensemble, avec des heurts et des réconciliations, mais elle était contente de ne jamais l'avoir lâché. Il la rendait heureuse, et il savait être là quand ça comptait vraiment, et c'était ça l'important.

Comme cette soirée surprise pour la Saint-Valentin, alors qu'ils n'étaient pas des plus romantiques. Mais après les tensions du mois précédent, ce moment heureux était le bienvenue. Surtout quand elle pouvait taquiner Holden sur son manque de confiance envers leur repas surprise. Si bizarrement, Leto aimait tout contrôler habituellement, ça ne la gênait pas de découvrir de nouveaux plats, si tant est qu'ils soient au moins végétariens. Holden semblait bien plus réservé qu'elle à ce sujet, ce qu'elle trouvait à la fois surprenant et infiniment ironique.

« Je pense qu'un restaurant est un endroit relativement safe pour tester de nouvelles choses ? »

Surtout au moment de la Saint-Valentin, où ils proposaient souvent un menu unique pour pouvoir accueillir tous les couples voulant fêter ce joli moment sans les faire trop attendre entre deux plats. Les recettes devaient donc contenter tout le monde au mieux !

Une affirmation qu'elle regrettait maintenant, Holden semblant mal supporter la première bouchée de l'entrée. Elle rattrapa son verre par réflexe, avant de lui tendre, désormais inquiète.

« C'est bizarre que tu aies des symptômes si vite » dit-elle doucement.

Ils venaient de quitter la plage, après tout, depuis peut-être une quinzaine de minutes. Elle ne voyait pas trop comment il pouvait déjà avoir un début de rhume, surtout que la température avait été agréable, et que le vent était encore chaud à l'heure où il y avaient été.

« T'es sûr que c'est pas à la nourriture que tu réagis ? » demanda-t-elle, fixant leurs assiettes.

A sa connaissance, Holden n'avait pas d'allergie, et il avait toujours mangé de tout, que ce soit quand elle cuisinait, ou quand ils mangeaient au restaurant. Mais pour commencer à se gratter la gorge si vite, elle ne voyait que ça !

C'était rare de voir Holden si hésitant. Il était plutôt du genre affirmé et sûr de lui, détestant avouer quand il avait tort. Mais là, il montrait une facette plus vulnérable, plus ouverte. Il restait des non dits, mais Leto pouvait voir qu'il faisait des efforts pour penser à eux et leur avenir, et elle sentait son cœur battre un peu plus fort en le regardant tenter de mettre les mots sur ce qu'il ressentait.

« Tu es devenu... Plus à l'écoute. Tu essayes plus de chercher les compromis, même si je sais que c'est pas facile pour toi. Et en même temps, tu gardes ton âme d'enfant. Un curieux équilibre, mais qui t'es unique. »

Et qu'elle adorait. Il était Holden, et c'était parfois dur pour elle de le voir oublier des anniversaires, ou de le retrouver plongé dans un jeu quand il devait sortir et venir la retrouver. Mais en même temps, ça faisait partie de sa personnalité et elle avait appris à vivre avec, à s'amuser de ça plutôt que de le subir.

Surtout si ces petites sorties en amoureux devenaient un peu plus régulières. Pas toutes les semaines ou tous les mois, mais juste se retrouver à deux, pour parler, et se retrouver... Réapprendre à se connaître aussi, puisqu'ils semblaient avoir un peu de retard, l'un comme l'autre. Heureusement qu'ils arrivaient sur la fin de leurs thèses respectives, ce qui allait leur permettre d'avoir un peu plus de temps pour eux, individuellement et en couple. Du moins, Leto l'espérait fortement.

« J'ai eu pas mal d'ados dans mon bureau ces derniers temps. J'essaye de me mettre à niveau. T'imagines pas comme c'est terrible de se sentir vieux. Ils ont quinze ans de moins que moi, et ils pensent limite que je suis proche de la retraite » avoua-t-elle, grimaçant d'horreur, quand Holden s'étonna de son vocabulaire.

En toute honnêteté, à treize ou quatorze ans, elle aussi pensait que les trentenaires étaient vieux et que leurs conseils étaient inutiles. C'était un peu dur de se retrouver de l'autre côté de la barrière et d'être considérée comme une vieille, alors que dans sa tête, elle était encore une étudiante un peu perdue et pas prête pour la vie d'adulte !

A voir Holden perdre de ses couleurs, elle se sentait encore plus enfant perdue et pas prête pour les responsabilités. Heureusement, la toux d'Holden et l'air paniqué de Leto finirent par attirer leur serveuse, qui comprit rapidement de quoi il s'agissait et leur dit aller appeler les secours.

Un autre serveur les attira un peu à l'écart, vers la sortie du restaurant, histoire que tous les regards ne soient pas tournés sur eux - et peut-être aussi pour que Holden soit à l'air libre et respire un peu mieux. Leto ne pouvait pas vraiment réfléchir à tout ça, une main crispée sur celle d'Holden, l'autre serrant le pendentif du collier qu'il venait de lui offrir, ses yeux rivés sur le visage de son amoureux. Elle paniquait, effrayée à l'idée qu'il ne lui arrive quelque chose de grave.

« Holden ? » souffla-t-elle, même pas sûre qu'il l'entendait derrière sa toux. « Les secours vont arriver, ça va aller. »

Elle n'y croyait qu'à moitié, trop paniquée pour réfléchir rationnellement. Mais même dans le brouillard, elle voulait le rassurer, lui dire que tout irait bien. Parce que si elle se sentait mal, elle savait que lui devait être dans un état pire.

Elle sentait son cœur battre un peu plus vite devant les affirmations de Holden. Ça faisait des années qu'elle était consciente qu'ils s'aimaient beaucoup, mais qu'ils n'étaient pas tout à fait calés sur le même rythme. Elle était prête depuis un moment à réellement partager sa vie avec lui, à ce qu'ils vivent ensemble dans un appartement et qu'ils commencent à parler de fonder une famille. Elle s'était vite rendu compte que lui n'en était pas encore là, et n'avait jamais trop insisté, refroidie par les disputes qui avaient suivi chaque fois qu'elle avait évoqué leur avenir.

« Tu avais aussi besoin de ce temps à toi, et que je sois patiente. »

Leto n'avait aucune idée de ce qui rendait son petit-ami si réticent à s'engager. Mais elle se doutait que c'était quelque chose d'important, qui lui pesait lourdement sur les épaules. Et Holden avait toujours été plutôt secret, elle n'était pas étonnée qu'il veuille régler ça seul, sans doute effrayé de lui en parler. Alors elle patientait, amoureuse, et persuadée depuis toujours qu'il en valait le coup. Parce qu'il était le seul qu'elle voyait, le seul qui savait quand même la faire rire et la faire se sentir vivante - même noyée dans les partiels, même quand ses travaux de recherche pour la thèse la rendait folle.

« Je t'aime pour qui tu es, avec tes qualités, mais aussi avec tes défauts » dit-elle, un sourire tendre et sincère aux lèvres. « Tu n'es pas le plus facile à vivre, et parfois j'aimerai pouvoir lire tes pensées et comprendre ce qu'il se passe dans ta tête, parce que ça simplifierait les choses. Mais tu es parfait comme tu es. »

Elle serra doucement sa main, voulant le convaincre qu'elle était là pour lui, et qu'elle ne partirait pas en le laissant derrière. Elle en était incapable, parce qu'elle l'aimait, et parce qu'il savait comment lui apporter un certain équilibre. Ils étaient complémentaires, même s'il fallait les connaître tous les deux pour s'en rendre compte.

Il y avait certains thèmes qui les amenaient toujours à se disputer, et ces derniers temps, ils n'avaient pas beaucoup parler, trop absorbés par leurs études. Elle en avait presque oublié comment parler à Holden pouvait être si facile, et combien ça lui manquait de le voir l'observer, concentré sur ce qu'elle disait - attentif, tendre et charmeur, redevant celui qu'il avait été quand ils s'étaient rencontrés.

« Pour moi, on est encore jeunes. Mais pour des ados, on se rapproche dangereusement de la maison de retraite » lui assura-t-elle en riant.

Est-ce qu'ils seraient encore ensemble à l'âge de prendre leurs retraites ? Elle l'espérait fortement. Il parlait d'avoir toute la vie devant eux, elle croisait les doigts pour que ce soit une vie à deux... Elle n'insista pourtant pas, refusant de gâcher cette soirée parfaite sur une dispute.

Quoi que ce n'était pas leurs paroles qui finirent par mettre fin à la fête, mais la réaction d'Holden après avoir commencé à manger l'entrée. Heureusement, la serveuse semblait savoir quoi faire et avait décidé de les isoler du reste de la salle, parce que Leto paniquait totalement, détestant voir son amoureux si mal, alors qu'elle se sentait inutile, ne sachant pas comment aider.

« Je suis là, je reste avec toi » lui promit-elle, serrant doucement ses doigts.

Elle le sentait serrer sa main, mais il semblait incapable de parler, respirant avec difficulté. Doucement, elle glissa ses doigts dans les cheveux d'Holden, les caressant lentement, se rappelant sa mère lui faire la même chose quand elle était malade. Elle espérait juste qu'il y trouverait autant d'apaisement qu'elle - mais c'était difficile à savoir alors qu'il avait du mal à juste articuler un mot.

« Qu'est-ce qui s'est passé mademoiselle ? »

Elle expliqua brièvement l'enchaînement des événements au pompier, pendant que les autres commençaient à s'occuper de Holden. Ils tournaient autour de lui mais ne l'avait pas éloigné, et Leto était contente de pouvoir continuer à serrer sa main, et le sentir réagir en réponse. Même s'il n'allait pas bien, elle pouvait toujours se rassurer en se disant qu'il était toujours éveillé.

« C'est sans doute une réaction allergie. On va lui donner un médicament pour calmer les choses, et le conduire à l'hôpital. »

La voix de l'homme était rassurante, mais Leto restait inquiète. Heureusement qu'ils avaient autour d'eux tout ce qu'il fallait pour intervenir si jamais l'état de Holden s'empirait. Voir le matériel dans le camion, alors que les pompiers installaient le jeune homme sur le brancard et la laissait rester à proximité de lui la calmaient plus que tout ce qu'ils pouvaient lui dire pour essayer de faire baisser sa panique.

« Forcément, tu pouvais pas finir notre soirée de manière normale » murmura-t-elle avant d'embrasser sa joue, priant pour qu'ils soient bientôt à l'hôpital.

Leto restait persuadée que tout serait plus simple si elle pouvait juste lire les pensées de Holden. Il était un tel coffre-fort, gardant bien cachés tous ses problèmes et ses blocages, et réagissant mal si elle s'en approchait d'un peu trop près sans le savoir. Avec les années, elle avait appris quels étaient les sujets les plus sensibles, et les évitaient. Ou les abordait avec délicatesse, quand elle sentait qu'il était prêt à répondre.

Et parfois, de lui-même, il s'ouvrait soudainement à elle. Par surprise, quand elle s'y attendait le moins, elle avait droit à quelques bribes de son histoire, qu'elle rajoutait au puzzle global qu'était Holden. Pour réussir à le comprendre un peu plus, ou savoir un peu mieux comment lui parler. Un vrai mystère à lui tout seul !

L'instant éphémère s'arrêta sur une réaction des plus étranges chez Holden. Il avait du mal à parler ou respirer, et il fallut attendre l'arrivée des secours pour comprendre ce qui lui arrivait. Une réaction allergique à l'un des ingrédients du plat qu'ils venaient de manger, et il fallait aller à l'hôpital pour surveiller que tout se passe bien. Leto voyait bien que son amoureux paniquait un peu, mais il était trop somnolent pour vraiment pouvoir protester, ce qui en soit était inquiétant.

« T'excuse pas, Holden. T'es capable de plein de boulettes, mais celle-là, je sais que c'est pas toi qui l'a provoquée ! »

C'était une façon bien dangereuse de s'éclipser d'une conversation difficile. Et vu l'angoisse qu'elle devinait sur son visage, il n'avait pas fait exprès de manger un aliment auquel il se savait allergique. Il avait été surpris lui aussi, et s'en voulait, même si de l'avis de Leto, il n'avait pas à être désolé. Il était la victime d'un coup du sort.

« Laisse-toi faire, ils vont s'occuper de toi » reprit-elle, essayant de le calmer. « Je reste avec toi, je serai là quand tu te réveilleras. »

En espérant qu'il se sente mieux à ce moment-là... (Et qu'ils sachent quel était l'aliment qui l'avait fait réagir comme ça, histoire qu'elle ne soit pas angoissée de revivre la même chose chaque fois qu'ils mangeraient ensemble à l'avenir !)