Tu espères que Jordan ne va pas se faire de films. Si tu veux être isolée avec lui, c’est simplement pour discuter. Si tu es venue le voir, c’est uniquement pour comprendre ce qu’il souhaite. A défaut de ne pas être forcément très agréable, tu possèdes au moins l’ouverture d’esprit nécessaire pour être encline à répondre à ses interrogations. Parce que Jordan, malgré ses yeux lorgnant plus sur ton décolleté que sur ton visage, souhaite sonder les tréfonds de ton esprit. De ta vie sur tes derniers mois. Tu es moins certaine que ce soit toi qui l’intéresse que cet enfant dont il ne veut pas parler. Non, tu te fais des idées toi aussi. Il veut juste retrouver son plan cul. Tu ne peux pas nier que même pour toi, il reste dans tes fantasmes les plus réels. Vous fonctionniez si bien. Tu t’es souvent demandée ce qu’il se serait passé si tu n’avais pas été butée. Ou s’il n’y avait pas eu d’enfant. Mais le monde pourrait être refait avec des ‘si’ donc tu ne t’y es pas attardée. Ou peut-être bien que tu as écrit des morceaux d’histoire dans tes carnets sur ces bases. Peut-être.

« I… I don’t know what I’m doing. I didn’t think you would come around. I didn’t think this far. » Jordan a moins l’air ébahi comme si tu étais une apparition divine mais clairement plus mordant en réalisant que tu n’allais peut-être pas si docile qu’il l’aurait songé. Au moins, tu l’as visiblement pris par surprise et ça, ça t’arrache un léger sourire. Tel est pris qui croyait prendre. Même si c’est lui qui te prend par le poignet pour te diriger dieu seul sait où - un parking. Il n’aurait pas pu trouver mieux ? « I do have questions but… » tes yeux ne lâchent pas les siens et tu es la première étonnée de ton audace. Mais tu te sens en position de force car c’est lui qui a des trucs à te demander, pas l’inverse. Alors tu attends. « Why are you here? Are you willing to talk with me? » il paraît encore plus impressionnant avec cette posture mais cela ne t’empêche pas de passer ta langue sur ta lèvre, tes mains se posant sur tes flancs d’une drôle de façon mais qui te donnne l’impression au moins de ne pas rester les bras se balançant stupidement. “I don’t know. I’m still debating.” ça répond à ses deux questions, clairement. Mais tu lui fais une fleur. “Mais je suis là. C’est une preuve de ma bonne volonté, tu crois pas ?” il t’a tendu la main et tu l’as prise malgré tout. Il a des interrogations et tu n’as toujours pas tourné les talons. T’es toujours là. Avec ton buste courbé, ta poitrine mise en avant, usant de tes charmes naturels pour le bisquer et lui rappeler ce qu’il aurait pu avoir et ce qu’il a perdu. Espérant que tu ne te laisseras pas berner une énième fois de plus.

Y’a un sourire sur son visage à un moment et damn ça fait du bien de le voir celui là. Tu te dis que ça peut éventuellement bien se passer ? Tu sais pas. Mais visiblement tu as été honnête jusque là, ça a l’air de payer. Est-ce que l’un de vous deux va tout faire voler en éclat par un simple malentendu de nouveau ? Oui parce que c’est comme ça que tu vois les choses. C’est à cause d’un simple malentendu que tu as filé de chez elle sans plus jamais revenir. Tout aurait été bien différent si vous aviez parlé le même langage ce jour là. Vous avez été aussi buté l’un que l’autre à rester dans vos silences avant que tu ne quittes son appartement. Celui de sa soeur. Tu es en train de réaliser que c’est peine perdu de toute façon, vous n’êtes pas fait pour être ensemble. Vous êtes fait pour faire exploser le monde de l’autre. Peut être pour le meilleur. Tu n’es même pas sûr, mais tu veux y croire.

“I don’t know. I’m still debating.” Tout comme tu veux croire qu’elle fait exprès à te faire tourner en bourrique et à avoir mis une si jolie robe ce soir. Pour toi. Oui parce que d’après toi elle s’est préparé pour venir ici. C’est pas sa tenue de la journée. “Mais je suis là. C’est une preuve de ma bonne volonté, tu crois pas ?” Tu hoches la tête. « Yeah… » Elle est effectivement de bonne volonté. Le sourire qu’elle t’a offert un peu plus tôt te dit qu’elle n’est finalement peut être pas si hostile que ça dans sa position. She hot. Je faisais pas allusion à ça Jordan. « Are you raising the kid? » L’enfant, pas votre enfant. Choix de mot important car c’est bien ça qui fut le plus gros problème pour toi. Qu’elle te veuille dans sa vie, autant que dans celle du gosse. C’est pas un combo qui fonctionne pour toi. C’est le combo que tu veux éviter à tout prix. C’est bien ça ta première question. Tu veux en avoir le coeur nette si elle a écrit véritablement sa vie dans ce bouquin ou non. La partie concernant le père du gamin est plutôt proche de la vérité, pourquoi le reste ne le serait pas ? Ton coeur bat vite car tu as autant envie de savoir la réponse que continuer à être dans l'ignorance. Mais comme elle est là, tu as besoin de ce détail, qui change absolument tout.

Jamais il n’aura la confirmation que tu t’es préparée un minimum pour venir. Evidemment que tu prends soin de changer tes fringues de la journée pour aller à un concert. Jordan ne saura pas non plus que tu as hésité mille et une fois, que Remy a été plus qu’agacé, qu’il a roulé des yeux et qu’il a fini par te poser un ultimatum ; si tu te pointais pas à l’heure qu’il t’imposait, il y allait tout seul. Tu ne souhaitais pas y aller seule. Aussi simple que cela. Au cas où. Mais maintenant, Remy est très loin dans les néants de ton esprit parce que Jordan est en face de toi, plus réel qu’il ne l’a été ces derniers mois.

Torse nu et en sueur, tu te répètes même si tu essaies de l’occulter. C’est plus facile dans le parking car la lumière n’est pas trop forte, te permettant de ne pas te distraire trop aisément. He’s doing it on purpose, tu commences à en être presque convaincue. S’il avait voulu se trouver un haut, il l’aurait déjà fait. « Yeah… » au moins, vous êtes d’accord là-dessus. Alors tu attends. Tu es mignonne et gentille, quand même. « Are you raising the kid? » tu regardes autour de toi. “Do you see him somewhere ?” tu lui donnes une information sans même t’en rendre compte. T’as un fils, coco. Quelque part dans ce monde pleure un bambin avec tes traits mais avec la moue de maman. A croquer. Sans aucune objectivité. Tu ne t’étales pas sur le sujet. “No, I don’t.” que tu dis le plus simplement du monde. “Ne crois pas que c’est parce que je songeais à une relation amicale avec toi.” que tu ne peux t’empêcher de rajouter. Sinon, tu l’aurais contacté depuis longtemps. Quatre mois. Plus ou moins. Sûrement moins. Ta rancoeur t’a collé à l’esprit. Encore maintenant. Tu finis par croiser les bras de nouveau. Le sourcil qui se soulève l’air de dire that’s all ? que tu prononces sans bouger les lèvres.

Elle joue sur les mots et te le fait bien comprendre avec son attitude. “Do you see him somewhere ?” Avec les mots aussi. Sauf que ceux là sont pas anodins du tout. Him. T’as l’impression que c’est le mot qui a jamais autant résonné dans ta tête de toute ta vie. Tu l’entends. Tu la vois. Tu as la sensation qu’elle vient de te confirmer que oui, elle l’élève ce petit garçon. “No, I don’t.” La confusion sur tes traits évolu au fur et à mesure des ajouts qu’elle fait. Tu veux pas croire qu’elle puisse plaisanter trop longtemps sur le sujet alors tu prends cette nouvelle information comme finale et tu ne sais pas trop quoi en fait. Ça aurait été plus simple dans ta petite tête si elle l’avait gardé.“Ne crois pas que c’est parce que je songeais à une relation amicale avec toi.” Elle se souvient de votre dernier échange comme si c’était hier. Est ce que elle aussi elle s’est repassée la scène un milliard de fois dans sa tête ? Car c’est ton cas.

« Don’t worry I guessed that part. » T’es un poil sec qu’elle remette ça sur le tapis comme ça. Parce qu’elle serait revenu vers toi sinon. Elle n’aurait pas juste laissé le temps avec le destin faire les choses. Mais voilà où vous en êtes et toutes ces informations chamboulent pas mal ta grande personne. Tu te passes une main dans les cheveux. Le regard un peu partout. T’as besoin d’ajuster à tout ça. « I’ve been wondering for so long… » Que tu dis dans un souffle sans réellement t’en rendre compte. Ça explique ton état actuel et la suite de tes mots aussi. « I’m… » Ou pas. Tu sais pas. Tu es perdu dans ce que tu veux dire et devrait dire. Ce que tu veux faire et devrait faire. Alors tu restes juste là. Planté. Espérant qu’elle dise quelque chose. N’importe quoi, même s’il ne s’agit que de goodbye.

« Don’t worry I guessed that part. » est-ce que c’est de l’amertume que tu entends dans sa voix ? Cette façon de te donner l’impression de se renfermer en une demi-seconde devant tes yeux alors que tu n’y es pour rien. C’est lui qui a fermé la porte en dernier. C’est lui qui est parti comme un sauvage, sans rien dire, alors que tu ne l’avais même pas foutu à la porte. Et si et si et si… Seulement, Jordan n’aurait pas été là pour la grossesse, tu l’as senti. S’il n’avait pas eu cette réaction, tu lui aurais proposé de venir aux échographies. Tout comme tu lui aurais demandé son avis et son point de vue sur les parents potentiels. Cela l’aurait un peu plus rassuré et montré que non, tu ne comptais pas le garder. Mais que sa présence aurait pu te faire du bien, de pouvoir te reposer sur quelqu’un. Et peut-être… Peut-être que quelque chose de bon aurait pu en ressortir. La romantique en toi y a forcément pensé.

Mais à la place, au lieu d’une histoire à sentiments, il en est ressorti un album et un livre. Au moins, vous avez réussi à trouver du positif même dans le désarroi.

« I’ve been wondering for so long… » tu le regardes se composer - ou se décomposer, il a l’air juste paumé alors que pourtant, tu viens de lui confirmer que non, il ne se retrouvera pas devant son fils dans un jour proche. Tu n’es pas garce à ce point. « I’m… » tu soupires légèrement en regardant ailleurs. Le parking est complètement vide et, malgré les battements de ton coeur qui sont en mode rapides depuis que tu es face à lui, tu as les poils qui s’hérissent sous la fraîcheur de la soirée. “Pourquoi tu n’as pas essayé de reprendre contact plus tôt, alors ?” est-ce que t’es si effrayante que ça ? Ta voix n’est pas un reproche mais un regret. Pourquoi tu n’es pas revenu vers moi ? Pourquoi tu n’as pas insisté ? Pourquoi tu es parti comme un lâche ? Pourquoi tu n’étais pas là alors que j’aurai aimé avoir ton soutien ?

Tu cherches tes mots et c’est elle qui soupire. Non. C’est toi aussi. Vous soupirez en même temps et ce timing t’énerverait presque. La réalité c’est que tu retrouves la sensation d’être en phase avec elle, avec son corps en tout cas. Parce que niveau du reste, c’est compliqué. Vos vies respectives n’ont pas l’air de s’accorder. C’était le cas y’a un an et t’as l’impression que ça l’est toujours maintenant. Tes yeux sont sur elle alors qu’elle balaie le parking du regard. Please say something. Parce que toi tu sais pas. T’es juste planté là. Mais heureusement, elle parle. “Pourquoi tu n’as pas essayé de reprendre contact plus tôt, alors ?” Oh. Sa question te surprend. « I thought you didn’t want anything to do with me. » Tu marques une pause. « Or… Too much to do with me. » Que tu ajoutes car c’est bien ce point là qui a été le déclenchement de votre dispute et ton départ. « It was… Too much. Too complicated. » Ton regard qui se détourne du siens. « I still have no roof above my head I’m just… » Tu hausses une épaule sans vraiment savoir comment finir cette phrase. Au moins cette simple addition pourra lui donner une idée de ta vie actuelle : rien n’a changé. Ou presque. Ca commence doucement là avec le succès imprévu de l’album. Tu bosses toujours à JB Hifi, tu squattes chez d’autres personnes. Tu écris mieux cela dit. Oui. Birdie t’inspirait déjà avant de couper les ponts avec elle. Ca n’a fait que s’accentuer. C’est un feeling étrange de voir qu’on est doué uniquement quand on est au plus bas. Tu soupires de nouveau, doucement, avant de faire un acte de Gryffondor, c’est à dire, la regarder dans les yeux avant de dire cette dernière phrase. « I figured you were better off without me. » C’est un peu facile à dire ça bien que ça reste la vérité au fond. Je sais pas ce qu’il s’est passé Jordan mais une année sans la voir et tu as l’air quand même particulièrement plus mâture… non ? I’ve got a kid somewhere. Ca c’est un truc qui est dans ta tête en permanence. Un enfant que tu as abandonné. Elle aussi. Tu as bon espoir qu’elle a fait les choses bien. Tu veux savoir ou tu veux pas savoir Jordan ? I don’t. Ok.

« I thought you didn’t want anything to do with me. » c’est ce que tu pensais aussi. Mais tu aurais pu faire des concessions. Tu aurais pu le laisser revenir. Avec le recul, tu t’es rendue compte que cette sorte d’histoire éphémère avec Jordan a été bien plus profonde que ta relation d’une année et demi avec Daisy. Il y a une connexion avec lui. Quelque chose de fort sans savoir ce que c’est exactement. Tu t’en es rendue compte qu’une fois que tu ne l’avais plus. Quand tu as réfléchi mille fois au moins à le contacter toi-même. Avant de te dire que non, c’était à lui de le faire. Puis d’espérer qu’il le fasse. Jusqu’à ne plus y croire du tout. Tu n’es pas naïve ; Jordan n’a pas l’air d’être du genre à vouloir se poser. Tu n’es pas une exception à la règle. T’es juste la meuf qu’il a foutu enceinte. « Or… Too much to do with me. » il faut dire que tu avais déjà son gamin dans ton ventre donc pour ça, c’était un peu trop tard. « It was… Too much. Too complicated. » tes paupières toujours relevées, de nouveau sur lui alors que les siens se détournent. Tu ne vois pas ce qu’il y avait de si compliqué. Juste un mot, quelque chose. Ce n’était pas compliqué. Il n’y a rien de compliqué quand on a accès à son téléphone et que l’on possède le numéro de la personne. Au pire, tu n’aurais pas répondu. Au mieux… Non, pas de si. « I still have no roof above my head I’m just… » tu ne peux pas t’empêcher d’avoir de la peine pour lui pour ce point-là. Même si au final, tu n’as toujours pas de chez toi non plus. Mais toi, c’est ton mode de vie. Jordan, c’est son mode de survie.

T’aurais envie de passer une main dans ses cheveux pour lui ôter ces problèmes qui semblent l’accaparer. Ces ondes l’entourant ne sont pas aussi bonnes que tu l’aurais cru. Mais tu restes tes bras autour de toi pour te réchauffer un peu, te contentant de le caresser de tes yeux. « I figured you were better off without me. » ta mâchoire se serre doucement alors que tu déglutis. “C’est facile à dire quand on a aucune responsabilité. Quand on ne subit pas neuf mois de vomissements, de lourdeur, de nausées, de sauts d’humeur. Quand on a pas à s’inquiéter sur l’avenir d’un gamin que l’on ne compte même pas élever. Qu’on commence à pleurer parce que l’idée de l’abandonner est trop dure mais qu’au final, ça reste la décision la plus raisonnable. J’ai subi tout ça. J’ai choisi les parents. Je me suis occupée de tout. Je l’ai abandonné car je l’ai vu partir.” tu passes ta langue sur tes lèvres, toi-même étonnée par ton discours qui s’échappe de tes lippes. “Alors ne me dis pas que j’étais mieux sans toi. Parce que j’avais un bout de toi pendant neuf foutus mois dans mon ventre. Et tu sais le pire ? Je regrette même pas. Je regrette comment ça s’est fini mais pas ce qu’il s’est passé.” tu serres tes dents pour te reprendre un peu car ta voix commence à se briser ; tu passes tes mains dans tes cheveux en lâchant un nouveau soupir pour tenter de relâcher tes muscles et leur pression. “C’était plus facile pour toi et ton déni de prétendre que tu agissais pour mon bien en t’écartant de ma vie.” que tu finis par lâcher, dépitée et lasse. La parole qui se veut honorable mais qui n’est qu’une preuve de lâcheté à tes yeux. Tu ne peux le voir autrement.

“C’est facile à dire quand on a aucune responsabilité. Quand on ne subit pas neuf mois de vomissements, de lourdeur, de nausées, de sauts d’humeur. Quand on a pas à…” Tu entends et tu écoutes tous ses reproches alors que tu ne penses pas en mérité un. Vos points de vues sont totalement opposés sur le sujet. Elle a décidé de ne pas avorter.  Elle t’a dit qu’elle n’attendait rien de toi et voulait juste te mettre au courant. La suite, c’est son problème. Pas le tiens. Elle met tout sur toi là et tu ne réagis pas. Tu comprends que ça n’a pas été facile et tu as de la peine de l’entendre, mais c’est elle qui l’a décidé ainsi. “(…) Je l’ai abandonné car je l’ai vu partir.”” Ça résonne fort ça et tu sais pas quoi faire de l’information. Mais y’a de l’écho, encore et encore. Tu sens sa douleur, ou du moins, tu crois. “Alors ne me dis pas que j’étais mieux sans toi.” Please stop. Tu as comme un fichu pressentiment. “ Parce que j’avais un bout de toi pendant neuf foutus mois dans mon ventre.” Please stop. Tu sens qu’il va y avoir un truc de dit, de trop. Tu ne veux pas l’entendre. “ Et tu sais le pire ? Je regrette même pas. ” Stop. Just stop. C’est dur à entendre tout ça hein Jordan ? “Je regrette comment ça s’est fini mais pas ce qu’il s’est passé.” Don’t say that. Eh oui. Elle le dit elle Jordan, que c’était plus que du sexe vous deux. Tu le sais très bien. Mais le déni est fort sur bien des plans.  “C’était plus facile pour toi et ton déni de prétendre que tu agissais pour mon bien en t’écartant de ma vie.”

Ta serviette et ta bouteille sous le coude, tu te passes les deux mains sur le visage alors que tu l’as écouté et encaissé tout ses mots sans broncher. Ton visage baissé sur son buste que tu regardais plus comme un point de chute que véritablement profiter de sa poitrine pour une fois. T’es fatigué physiquement et mentalement. T’as aucune force pour lui répondre quoi que ce soit. T’as pas envie. C’est exactement pour ça que tu es parti. Quand ça commençait à être trop pour toi qui n’a rien demandé que tirer un coup de plus rapidement dans la douche de cet hôtel il y a plus d’un an de ça. Je l’ai abandonné car je l’ai vu partir. Tu prends de grandes inspirations alors que ton visage est entre tes mains. Ta serviette et ta bouteille qui tombent de sous ton bras, achevant leur chute sur le bitume. Tu es en train d’avoir la confirmation que ceci est la dernière fois que vous vous voyez. Ca te brise le coeur mais tu ne peux pas lui donner ce qu’elle veut. « It’s too much I’m sorry… I can’t…» Tu te baisses pour récupérer la serviette mais t’es sur le départ. Ton coeur bat si vite dans ta poitrine. Ta tête qui tourne de tout ce qu’elle vient de te dire. T’as pas les épaules pour ce genre de prise de tête. T’as 24 ans, t’es un gamin irresponsable. Elle sait ça. T’es qu’un gamin irresponsable qui a abandonné l’enfant qu’il n’a jamais voulu. Pourquoi ça fait aussi mal ça ? Parce que tu as l’impression de devenir ton père.

Il est furieusement silencieux. Pour quelqu’un qui tenait absolument à te voir depuis quelques jours, tu commences à être frustrée de le voir si peu réagir. Tu ne comprends pas ce qu’il cherche. Que tu lui proposes de reprendre là où vous vous étiez arrêtés ? De préférence avant que vous vous disputiez et qu’il ne s’enfuit ? Sans que tu sois enceinte ? Que tu l’acceptes les bras ouverts en le berçant et le rassurant que ça va aller, que tu n’attendais qu’un de sa part pour accourir de nouveau dans son lit ? Il se trompe. Partout, sur toutes les lignes. Oui, le revoir te chamboule plus que tu ne l’avoueras. Mais tu ne veux pas te laisser avoir une nouvelle fois - même si déjà, tes rapports seront mieux protégés parce que tu prends la pilule. Hors de question de prendre le risque une nouvelle fois avec quiconque.

Mais si Jordan est silencieux, il parle avec ses gestes. Il a ses mains sur son visage, celui-là même baissé. Ce qu’il tenait s’échappe sur le sol et tu n’as qu’un léger crispement de la mâchoire sous le processus. « It’s too much I’m sorry… I can’t…» t’as envie de le frapper. Parce qu’il fuit. Encore. Et ça commence à te taper sur le système alors que tu vois encore son dos s’éloigner de toi. Seulement cette fois, tu le suis. Non seulement parce que tu retournes au même endroit mais parce qu’il te tape sur les nerfs à t’attirer ici pour juste une nouvelle fois te lâcher comme une merde. “Mais qu’est-ce que t’attends de moi, bordel ? Est-ce que je suis qu’un putain de pantin avec lequel tu t’amuses à jouer comme bon te semble ? Tu pensais que j’allais me jeter sur toi comme une groupie affamée ? Que j’allais faire comme si rien ne s’était passé ? Tu peux pas porter tes couilles pour une fois et arrêter de fuir ? Si tu l’ouvrais pour autre chose que chanter pour voir ?” que tu cries. Tu hurles en suivant ses pas, en espérant le faire réagir, en espérant qu’il se retourne. Qu’il te dise une bonne fois pour toute pourquoi il l’a considéré alors que visiblement, il n’en a rien à faire d’elle. Tu aurais préféré quand il n’était plus dans ton existence ; c’était plus simple pour l’ignorer. Tu t’étais habituée. Mais là, mélangé avec ta colère et ton désarroi se loge la déception et l’abattement. Il ne fera rien. Il ne dira rien. Il restera que ce foutu mur qui veut seulement s’envoyer en l’air. Ca fait bien plus mal que tu l’imaginais.

“Mais qu’est-ce que t’attends de moi, bordel ?” Elle est dans ton dos. “ Est-ce que je suis qu’un putain de pantin avec lequel tu t’amuses à jouer comme bon te semble ? ” Elle te suit. “Tu pensais que j’allais me jeter sur toi comme une groupie affamée ?” Tu entends tout. “ Que j’allais faire comme si rien ne s’était passé ?” Tu ne traites pas tout. “ Tu peux pas porter tes couilles pour une fois et arrêter de fuir ?” Tu as compris son objectif. Tu l’entends. Sa rage. “ Si tu l’ouvrais pour autre chose que chanter pour voir ?” Tu les entends. Ses cris.

Tu t’arrêtes de marcher et tu te tournes. Toujours à l’extérieur, toujours sur ce fichu parking. Rien n’a changé à part que tu as la voix de Birdie qui résonne dans ta tête avec encore plus de mots et d’intonations que tu aurais jamais voulu entendre de ta vie. Ca va te hanter. Tu le sais. Parce que ça te touche de la voir dans cet état là. « J’attends rien de toi je… » Tu cris pas de ton côté mais tu es visiblement très agité. « T’étais là. Sous mes yeux. Et je voulais juste te parler. J’en sais rien pourquoi et je l’ai fait parce que j’avais envie. J’attends rien. Je veux rien. Je voulais juste… » Tu cherches tes mots. « T’étais juste là devant moi, après tout ce temps où tu étais dans ma tête je pouvais pas juste rien faire ! » Ton poing serré autant que ta mâchoire. Tu t’énerves mais contre toi même. Parce que t’es faible quand elle est à proximité.

Tu repasses une main sur ton visage en soupirant longuement avant de reprendre. Plus calmement. « I just wanted to see how you were doing I guess… » La vérité c’est que tu ne sais même pas toi même ce que tu voulais ou veux encore là. « I couldn’t just see you walk in front of me and not try to talk to you… I don’t know… But I… » Tu soupires. « I didn’t think about anything. I just did. » Tu te masses les paupières de ton pouce et index avant de libérer ton visage pour qu'elle ait tout le loisir de te voir en train de parler bien plus que toute votre relation.   « And you know what? I don’t regret it. I’m happy I did it because now I know how this... » Tu gesticules l'air entre vous deux. « ... goes and I promise I’m not gonna bother you if I see you in any other hotel of this whole fucking planet. » Ouh. T’as les nerfs en fait.

« J’attends rien de toi je… » il s’est retourné pour te faire face, sans crier garde car tu as failli te le prendre en plein fouet. Tu espérais le faire réagir, mais tu n’aurais pas pensé que ça aurait fonctionné. Jordan réussit toujours à te surprendre. Et à te faire trembler, de n’importe quelle façon. Là, en l’occurrence, de colère. « T’étais là. Sous mes yeux. Et je voulais juste te parler. J’en sais rien pourquoi et je l’ai fait parce que j’avais envie. J’attends rien. Je veux rien. Je voulais juste… » le musicien parle mais ce n’est pas très cohérent. Tout ce que tu comprends, c’est qu’il voulait te parler. Renouer d’une façon ou d’une autre. Prendre de tes nouvelles ? L’interrogation se pose dans ta tête. Tu as les yeux brillants de cette lueur d’espoir. Il se soucie. Il te considère. Il a parlé de toi dans ses chansons, n’est-ce pas ? « T’étais juste là devant moi, après tout ce temps où tu étais dans ma tête je pouvais pas juste rien faire ! » et il a pensé à toi. Il l’a chanté, il te l’a écrit, il te le redit. Avec frustration. Ton palpitant s’embrasant. Tu réalises que tu comptes. Plus que tu ne le pensais. Il n’a juste pas été assez courageux pour revenir vers toi avant mais il l’est maintenant. I matter. Pourquoi ça te rallume une once d’espoir au milieu de tout ce remue-méninge ?

« I just wanted to see how you were doing I guess… » plus Jordan parle, plus tu constates qu’il cherche lui-même les raisons qu’il l’ont poussé vers toi. Tu t’y raccroches. Même si pour l’instant, c’est le néant et la confusion. « I couldn’t just see you walk in front of me and not try to talk to you… I don’t know… But I… » nouveau soupir, nouveau souffle. « I didn’t think about anything. I just did. » agissement par l’instinct. Tu l’assimiles doucement mais sûrement. I fucking matter que tu te répètes. Sûrement trop. Naïvement. Mais tu le laisses poursuivre sur sa lancée. « And you know what? I don’t regret it. I’m happy I did it because now I know how this... » yeah ? « ... goes and I promise I’m not gonna bother you if I see you in any other hotel of this whole fucking planet. » il est en colère, c’est palpable à sa façon de cracher ces derniers mots. Il y a quelque chose en toi qui se brise un peu. Tu déglutis. Ta colère retombe. Tu baisses les yeux en passant de nouveau tes bras autour de ta taille. Tu as l’air encore plus petite. Plus frêle. Mais t’as porté un gosse dans ton ventre, tu es plus forte que tu le crois. Ce sont juste tes émotions qui prennent le dessus. Tu passes ta langue sur tes lèvres. Tu laisses passer quelques secondes avant de relever ton attention sur lui. Les yeux brillants. “Est-ce que les chansons parlent de moi ?” que tu demandes d'une petite voix. Tu te sens prétentieuse de penser et de demander ça. Mais tout comme lui avec ton livre, tu as besoin de savoir. Il t’a dit qu’il a pensé à toi, ça ne serait pas si déconnant que cela. Ton être entier s’étonnant de ton courage soudain à lui poser la question. Mais tu as besoin de savoir. Because I matter to him.

Tout comme il compte aussi pour toi.
Malgré toi.

Tu t’égosilles plus ou moins fortement au fur et à mesure que les mots sortent de ta bouche. Tu ne prends pas la peine de réellement regarder Birdie. Elle est juste devant toi, c’est ça l’important. Qu’elle entende ce que tu as à dire et pas à chanter pour une fois. C’est bien ça qu’elle voulait non ? Elle est servie là non ? Tu sais pas si ça va lui donner une quelconque réponse à ses interrogations à elle mais toi tu as eu toutes les réponses que tu voulais. Cela même avant que tu ne prennes la parole là. Au moins, tu seras parti en lui expliquant aussi ta vision. Tu seras parti et elle saura pourquoi tu ne veux plus la voir. C’est trop compliqué, tu n’as pas les épaules pour ça. Tu te sens capable de vriller à tous les instants quand une dispute arrive entre vous alors que vous n’êtes strictement rien l’un pour l’autre. Un plan cul de quelques fois. Pourquoi c’est si compliqué, tu sais pas. Mais c’est elle qui rend tout compliqué à ton avis.

Tu reprends ta respiration plutôt profondément en essayant de ne pas faire grimper plus ta colère encore. Ta main revenue sur ton visage. Tu pinces l’arrête de ton nez. Tout va bien, tout va bien, tout va bien, tout va bien. Tu essaies de te focaliser sur tes accomplissements personnels car ce soir est un grand soir pour toi. Ton premier show headline sold out et en moins de dix minutes en plus. Tout autant d’accomplissement que tu aurais apprécié indépendamment les uns des autres mais votre groupe a fait le combo des trois en une fois, pour la première fois chacun. C’est incroyable. “Est-ce que les chansons parlent de moi ?” Tu t’étais presque attendu à ce qu’elle soit parti au moment où tu rouvrirais les yeux mais nope. Elle est toujours là et elle a baissé le volume. Tu laisses tomber ton bras le long de ton corps. Tu soupires doucement comme pour laisser sortir de ton organisme les dernières vibes mauvaises qui étaient là. « Yeah… I mean… I thought about you writing them. » Mais y’a bien des morceaux qui ne sont que l’objet de tes fantasmes et de l’histoire que tu aurais voulu avoir avec plein de si. Un peu comme elle et son livre fictionnel autant qu’autobiographique.

Tu apprécies au moins que vous vous soyez calmer maintenant. Ça sera moins compliqué pour tourner les talons, car c’est ce que tu fais là. « I have to go. » Parce que tes camarades du groupe sont en train de fêter cette importante soirée sans toi qui est juste là dehors à te prendre la tête avec la personne qui a été toute l’inspiration de l’album de votre succès. Tous ces recoupements te laissent dans de nombreux mixed feelings. Rien que de revoir Birdie l’autre jour ça a été une sacré décharge. Ce soir ça a été le coup de grâce. Au moins tu as eu les détails que tu voulais, même s’ils te font cogiter. C’était peut-être mieux de ne pas savoir… Tu tournes les talons pour retourner à l’intérieur.

« Yeah… I mean… I thought about you writing them. » ce qui veut dire beaucoup à tes yeux. Jamais des chansons n’ont été écrites en pensant à toi. Tu ne sais pas si ça a été une bonne chose ou non. Vu ses chansons, vu leur succès, clairement la réponse est positive. Mais elles ne sont que des tortures à tes oreilles. Que des histoires potentielles, des chemins qui auraient pu être votre réalité. Il a pensé à moi, tu te répètes inlassablement. Comme toi tu as pensé à lui en écrivant. En rêvassant. Vous avez bâti vos succès au détriment de ce que vous auriez pu être. Il est assez affolant de constater que tu as toujours plus de regrets de ton absence de relation avec Jordan que de ton histoire avec Daisy. Le revoir remet tout en perspective. Tu étais concentrée sur ton dernier ressenti de lui, à savoir la déception, le désarroi, la colère. Le sentiment que les choses n’ont pas été dites. Ça n'aurait pas dû se finir comme ça. L’abcès n’est toujours pas totalement crevé, tu le sais. Est-ce que c’est juste pour ça que tu à envie de le retenir encore un peu ? Tu as conscience qu’il n’y a plus grand chose à dire. Ou au contraire, vous avez absolument tout à vous dire. C’est une grande mosaïque avec les morceaux éparpillés au dessin inconnu ; un vrai casse tête.

Jordan avait l’air d’avoir des questions mais pas tant que ça au final. Mais toi, tu repars riche de connaissances. Tu sais qu’il a pensé à toi. Qu’il pense toujours à toi. Tu oserai même suggérer qu’il continuera à le faire. C’est une indication. C’est un signe. Que ce que vous êtes n’était pas du flanc. Une simple histoire de cul ? Tu ne veux pas y croire. A défaut de sentiments, il y a un attachement. Même si ni lui ni toi ne vous avez contacté pendant un an. Vous êtes attachés l’un à l’autre. Et tu ne penses même pas à ce fils qui est votre parfait mélange. Tu penses à vous. Juste vous. A lui qui fait un pas vers toi pour en faire trois en arrière. A toi qui commence à te rendre compte que tout ça est stupide. Tu n’as pas gardé le gamin. Vous pourriez être amis. « I have to go. » Jordan tourne les talons et t’as le réflexe sordide de lever la main. Dans l’idée de le stopper. De le garder un peu plus longtemps. Mais tu stop ton geste quand tu réalises, à mi parcours. Elle n’a pas le temps de se poser sur son bras. Tu la serres avant de la ranger docilement autour de toi. Tu devrais avoir l’habitude de voir son dos. Est-ce de l’eau qui commence à se former dans tes yeux ? Tu papillonnes furieusement pour les ôter. Lui s’éloigne mais toi, tu ne bouges pas. “The show was good. You were good.” tu attendras qu’il disparaisse avant de rentrer à ton tour. Encore plus misérable, tu retourneras auprès de Remy. Il ne posera pas de questions parce qu’il se doute. Tu as les épaules et le dos voûté alors que vous rentrez à l’hôtel.

Mais dans ta chambre, tu n’arrives pas à t’endormir. Pas en sachant qu’il n’est qu’à quelques pas. Ou sur le point de rentrer d’une minute à l’autre. Est-ce que tu guettes son arrivée ? Sûrement. Qu’est-ce que tu ferais ? T’en sais rien. Rien ? Ça serait raisonnable. Ça serait le plus censé. Mais depuis quand es- tu censée ?

“The show was good. You were good.” Tu l’entends mais tu ne te retournes pas. Ensemble c’est toujours explosif et depuis qu’elle est enceinte ça l’est pas dans le sens que tu aimes. C’est marrant comme tu parles de tout ça comme si c’était quotidien entre vous alors que ça fait littéralement une année que vous ne vous vous êtes pas vu. Tout sonne si familier avec elle c’est vraiment quelque chose où tu n’arriveras jamais à mettre une explication.

Entre trois heure et quatre du matin, tu es mal en point mais pas complètement passed out. Tes yeux sont plus fermés qu’ouvert et tu as le soutient d’un de tes bandmates, celui avec qui tu partages la chambre d’hôtel, pour arriver jusqu’à celle ci. Tu as bu plus que de raison ce soir. Tu as pris quelques cacheton ici et là également. L’envie de t’évader étant plus grande que jamais. D’oublier tout ce qu’il vient de se passer avec Birdie. Ca ne partira jamais de ta mémoire mais au moins pour cette nuit là, tu veux plus du tout effleurer ces pensées. Y’a des meufs en backstage qui se frottent à toi et tu finis même avec deux d’entre elles dans une pièce isolée pour qu’elles te fassent décoller de leurs lèvres. Tu as beau être défoncé, tu refuses d’enfoncer ton engin dans un seul vagin ce soir. Y’a un blocage qui se fait et tu te sens devenir potentiellement violent si ça s’approche trop de ces zones là. T’as de la chance ce soir les meufs n’étaient pas en kiffe sur l’idée de rajouter de la brutalité au milieu de tout ça. « Fuck where is my card… » Ton pote qui a réussi à te trainer jusque là qui a l’air mal en point pour avoir la carte de la chambre. « Shit… » Il se penche sur toi pour chercher tes poches mais il sait d’avance que c’est peine perdue. Il t’a calé contre le mur car tu ne peux pas tenir sur tes deux pieds. « Je vais à la réception, je reviens. » Il dit ça comme si tu allais pouvoir aller quelque part. Nope. Tu te laisses glisser au sol pour être assis en l’attendant. T’as pas la force de rester juste calé contre le mur debout. Assis c’est mieux. Le sol c’est bien. Parce que tu tombes de haut toi quand tu trébuches.

Dans combien de temps le bandmate revient?: