| (Dinah) ♦ Jeune fille cherche canapé à louer. |
| | (#)Jeu 24 Mar - 19:04 | |
| Kitty avait l’air d’être à deux doigts de pleurer. Dinah ne savait pas si elle avait bien fait de dire ce qu’elle avait dit, elle regrettait un peu d’avoir été si… Indiscrète. Même si elle assurait son invitée qu’elle n’allait pas lui faire la morale ou tenter de l’influencer, même si elle lui disait de ne pas hésiter à demander de l’aide si elle en avait besoin, peut-être qu’elle aurait mieux fait de se taire. Peut-être que c’était déjà trop se mêler de ce qui ne la regardait pas. Elle regarda la boîte de mouchoir sur le buffet, derrière Kitty, en se demandant si elle devrait aller la lui chercher ou si ce serait vraiment too much.
- Non je t’assure, c’est normal, répondit-elle d’une voix douce quand Kitty la remercia avec trop d’insistance à son goût.
Après tout, Dinah n’avait rien fait d’autre que louer sa chambre et se montrer compréhensive avec une fille qui venait de loin et qui avait l’air d’être un peu perdue. Rien de plus qu’un peu de solidarité féminine élémentaire, finalement ! Elle n’imaginait pas faire moins, en tout cas, elle aurait l’impression d’être la plus impolie et la pire des personnes. Ça ne lui coûtait rien du tout de faire ce qu’elle faisait, alors quelle excuse aurait-elle pour ne pas le faire ?
Kitty bégayait en désignant son ventre, expliquant l’histoire de Gideon ou plutôt de ce qu’il lui avait laissé. Elle avait l’air effrayée, perdue, annonçant finalement qu’elle était là pour ne pas avoir à se décider toute seule, mais admettant en même temps qu’elle cherchait un inconnu… Dinah était persuadée que n’importe quelle amie de Kitty aurait été de meilleur conseil qu’un homme dont elle ne savait probablement pas grand-chose, mais bien évidemment elle ne dit rien du tout. Si elle avait préféré venir ici, elle devait avoir ses raisons. Et elle n’avait sûrement pas trop envie de les déballer à une inconnue ou presque, autour de leur premier repas.
« Qu’est-ce que ça fait, d’être mère ? »
Ce n’était pas une question facile. Dinah prit donc quelques instants pour réfléchir. Être mère, c’était un grand bouleversement. Sans même parler des nuits sans sommeil ou des difficultés de l’accouchement, être mère c’était se retrouver brutalement avec une responsabilité énorme : celle d’un enfant qu’on allait devoir élever. Une nouvelle personne dans ce monde, une personne qui n’avait rien demandé et qui se retrouvait là, et pour laquelle il fallait tout faire en espérant qu’elle serait heureuse parce que… Parce qu’elle ne pouvait pas l’être sans aide. C’était recevoir beaucoup d’amour et en même temps devenir invisible. C’était être comblée par un simple sourire de sa progéniture, et en même temps n’être plus que « la mère de... » à la sortie de l’école. C’était passer de « bourreau de travail passionnée » à « mère indigne » quand on faisait des heures supplémentaires. C’était aussi marcher sur des lego. C’était peut-être ça le pire.
- Ça dépend des femmes, commença Dinah. Parce que oui, être mère, c’était aussi une affaire d’histoires personnelles, de caractère, de moyens, de possibilités. Ce n’était pas une expérience identique et linéaire. Quand j’ai eu ma fille, j’étais la plus heureuse du monde. J’étais mariée, je voulais vraiment fonder une famille. Mais je connais aussi des femmes qui regrettent d’avoir eu des enfants, qui n’étaient pas prêtes, qui n’ont pas apprécié la maternité. C’est beaucoup de joie, mais c’est aussi pas mal de difficultés… Il n’y a rien d’insurmontable, je dirais, à part avec des situations ou des problèmes très particuliers, je pense que… Le plus important c’est d’en avoir vraiment envie.
Elle savait que ça risquait de ne pas beaucoup aider Kitty, qui n’avait pas l’air très au point sur son envie ou non de devenir mère. Dinah n’avait jamais regretté, au contraire, sa fille lui avait donné la force nécessaire pour avancer et pour commencer à surmonter son divorce – et donc son alcoolisme qui en découlait. Dinah savait que sa fille n’était qu’un prétexte pour cette séparation, que son ex-mari aurait fini par la quitter de toute façon pour les mêmes raisons tôt ou tard.
- On reçoit beaucoup d’amour, et en même temps les gens ont parfois tendance à imaginer que tu es seulement la mère de ton enfant, comme si toi tu n’existais plus vraiment. C’était le plus dur pour moi. Mais avoir ma fille, c’était quand même la meilleure chose qui me soit arrivée.
En y réfléchissant c’était à double tranchant : meilleure ou pire chose selon les femmes, selon les histoires. Restait à savoir comment Kitty envisageait les choses, parce que c’était ce qui comptait le plus. Dinah récupéra son plat et recommença à manger, doucement, en constatant que la discussion redevenait un peu plus détendue. Le sujet sensible avait été abordé, les choses étaient dites, et elle était prête à partager elle aussi un peu plus d’informations sur sa vie si cela pouvait aider Kitty. @catherine smet |
| | | | (#)Lun 28 Mar - 16:53 | |
| La réponse de Dinah n’aurait pas pu sembler plus logique, finalement. Bien entendu que chaque femme devait avoir un ressenti différent, vis-à-vis de la maternité. La belle brune expliqua à son invitée qu’elle était la plus heureuse lorsqu’elle avait donné naissance à sa fille, elle lui parla aussi du fait qu’elle était mariée à l’époque – en utilisant le passé, ce qui aida Kitty à comprendre que ce n’était apparemment plus le cas à l’heure actuelle. Elle ajouta aussi que le plus important à ses yeux était d’en avoir vraiment envie. Les paroles de Dinah firent écho chez la blondinette, qui ne parvenait pas à savoir si elle désirait ce bébé, ou pas. Peut-être que les choses auraient été plus simples si le désir de maternité avait été ancré au fond d’elle comme ça avait été le cas pour sa mère à elle. Mais ce n’était pas le cas, Catherine n’y avait jamais pensé. Quand on lui posait la question, elle répondait simplement qu’elle avait encore le temps d’y penser. L’horloge tournait, mais le désir de maternité ne se faisait pas spécialement sentir et la blonde avait toujours pensé que c’était parce qu’elle n’avait pas de foyer où accueillir un enfant – et pas d’homme avec qui le fonder, non plus. Pour Dinah, le plus dur avait apparemment été de ne plus être une personne à part entière. Elle s’était sentie exister uniquement en tant que mère, et Kitty ne pouvait que comprendre à quel point ça avait été dur pour elle. Toute son enfance, elle avait eu la sensation de n’exister uniquement que pour ses parents, pour leur bonheur, pour être leur fille. Ils l’avaient étouffée, si fort. Elle ne gardait aucun ressentiment envers eux, leurs intentions n’avaient jamais été de lui faire du mal. Simplement, ils avaient mal géré leur bonheur d’enfin posséder cet enfant tant attendu, sans comprendre que Catherine, dès sa naissance, était devenue une personne à part entière et pas uniquement un présent pour les combler de bonheur. Voulait-elle vraiment revivre cette sensation, mais à l’opposé ? Elle avait à présent du grain à moudre, comme on dit. Elle remercia Dinah pour sa sincérité, et pour son aide. Elle retiendrait tout ce que la médecin lui avait confié.
Les jeunes femmes reprirent ensuite leur repas. Kitty mit de côté toutes ces pensées, se promettant d’y revenir plus tard. Pour l’instant, elles avaient un bon repas à partager. La discussion se fit de nouveau légère, la blonde se surprit même à parler facilement d’elle à Dinah, et à se sentir à l’aise en sa compagnie. Elle était bien tombée, ici à Logan City. Son aventure australienne commençait mieux que ce qu’elle ne l’avait espéré. Lorsqu’elle alla finalement se coucher, Catherine s’endormit en quelques instants, pleine de reconnaissance et d’espoir pour les jours à venir. Sa situation n’était peut-être pas si désespérée qu’elle en avait l’air, qui sait ?
* To be continued * |
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