Une boîte de nuit. Lorsqu'Enzo lui avait soumis l'idée, la cantatrice au repos n'avait pas eu la force de refuser. Depuis qu'elle avait rencontré cet homme, ce dernier avait tout entrepris pour l'aider à sortir de sa torpeur et pour l'encourager à aller vers les autres. Il veillait sur elle, comme un ange gardien le ferait. Il était là pour la pousser à aller de l'avant et là pour la rattraper, si jamais l'expérience n'était pas concluante. « N'est-ce pas un endroit où il y a toujours du monde ? » Demanda-t-elle, alors que ses doigts entreprenaient de lisser les plis de sa robe. Il n'était pas difficile de deviner que Jules n'était pas familière avec ce genre d'endroit. Elle, si délicate et raffinée, n'avait pas sa place là-bas. Elle ne comprenait pas quel bienfait on pouvait retirer de ce genre de lieu, où les gens sont majoritairement fortement alcoolisés et bien décidés à conclure dans un coin un peu plus sombre, à l'écart de la piste de danse. Un monde à l'exact opposé du sien, donc. « Tu y vas souvent ? » Elle cherchait à se rassurer. Si Enzo fréquentait régulièrement ce genre d'endroit, il pourrait lui donner les codes à adopter. Il pourrait lui dire quand elle devrait se méfier. « Tu crois qu'on me laissera entrer, vu ma tenue ? » Sa robe noire était classique, et suggérait plus qu'elle ne dévoilait. Elle avait opté pour une paire de ballerines, loin de se douter de l'issue de la soirée. Loin de la vulgarité, elle s'inscrivait plutôt dans une apparence bon chic bon genre, qui pourrait éventuellement être un motif de refoulement à l'entrée. Ses inquiétudes lui semblèrent bien futiles, lorsque l'homme déclara la chasse ouverte. « La chasse ? » Jules répéta ce mot, qui lui faisait peur, à voix basse. Elle ne savait pas très bien si elle était prête à être jetée dans la cage aux lions, sans défense. Bien sur, elle savait qu'Enzo serait dans les parages. Elle savait qu'il ne la laisserait pas tomber. Elle savait qu'il veillerait, comme il l'avait toujours fait. Mais malgré son raisonnement, sa gorge restait nouée. Était-elle vraiment prête ? Non, bien sur que non. Jules était timide et réservée. Elle n'avait rien à voir avec la population habituelle qui fréquentait les boîtes de nuit. Elle ne connaissait rien du monde de la nuit – c'était une novice, inquiéte et peu rassurée, pour ne pas dire effrayée. Elle sortit de la voiture en même temps qu'Enzo, et se dépêcha de se rapprocher de lui, comme si sa simple aura pouvait la prévenir des dangers de la nuit. « Dans quoi est-ce que tu m'embarques... » En aucun cas, il ne s'agissait d'un reproche. Après tout, elle avait accepté sa proposition. Elle n'avait pas atterri là par hasard. Elle essayait d'aller de l'avant, et cela passait aussi par chambouler ses habitudes, aussi rassurantes soient-elles. Ils se présentèrent devant la boîte de nuit, et s'infiltrèrent dans la file d'attente. « C'est toujours comme ça ? » Demanda Jules, profitant d'un cours répit.
Un lieu bondé, où elle ne connaîtrait personne ? Si Enzo avait voulu se montrer rassurant, il s'agissait plutôt d'une défaite cuisante. Elle sentit son cœur battre un peu plus vite, et eut l'impression qu'une seconde de silence suffirait pour qu'Enzo puisse l'entendre. « Super. » Tenta-t-elle de s'exclamer – mais cela tomba à plat. Son ton n'était ni convaincu ni convaincant, et l'homme avait dû s'en apercevoir. « L'époque de ma jeunesse fêtarde. » Elle répéta l'expression, un petit sourire aux lèvres. Elle se serait sans doute montrée moqueuse, si elle n'avait pas été aussi stressée à l'idée d'être mangée toute crue par des inconnus. « Tu te prends pour un vieux ? » Qu'elle demanda, tandis qu'un large sourire éclairait ses traits. Jules pensait que l'âge n'était qu'une question de chiffres et d'état d'esprit ; on pouvait très bien être vieux à vingt-cinq ans, et jeune à cinquante. « Je demande à voir. » Répliqua-t-elle, un sourcil arqué. Elle ne voyait pas très bien comment on pouvait s'éclater dans un lieu clos, bruyant, et surchauffé. Elle laissa néanmoins Enzo la guider, consciente qu'un peu d'ouverture sur un monde qui lui était presque inconnu ne pourrait pas lui faire de mal. Il fallait qu'elle sorte de sa léthargie, de son cocon, de ses habitudes rassurantes. Il fallait qu'elle revive à nouveau. « Tu sais quoi ? La prochaine fois, j'essayerai. » Elle faisait un pas vers lui, tout comme il avait osé en faire un vers elle la première fois où ils s'étaient parlés. Malgré ses réticences persistantes, elle lui assurait presque de le revoir, dans des conditions similaires. Une broutille pour la plupart des gens, un grand pas pour Jules. « Je sais. » Confirma-t-elle en sortant de la voiture. Ils se dirigèrent vers la boîte de nuit, et elle profita de ces derniers instants de répit pour clarifier les choses. « Je suis contente que tu m'entraînes dans ton sillage. Pour sortir, voir du pays, rencontrer du monde. Je ne suis pas d'une nature très... Expansive. » C'était le moins que l'on puisse dire ; elle avait passé plus de deux mois à Brisbane sans mettre le nez dehors – sauf pour aller faire des courses à l'épicerie située en bas de chez elle. « Je sais que cette sortie me sera bénéfique. Alors je te remercie de m'avoir proposé de venir ici. » Ajouta-t-elle avant de s'intégrer à la file d'attente. « Avouer être stressée serait un euphémisme. » Déclara-t-elle, relevant les yeux vers Enzo. Inquiète ? Elle l'était. Jules n'était pas à l'aise dès qu'elle avait affaire à quelque chose qui lui était inconnu, voire méconnu. Paradoxalement, elle ne s'était jamais sentie aussi libre et aussi épanouie que lorsqu'elle donnait de la voix devant un parterre d'inconnus. Une fois à l'opéra, sur les planches et sur le devant de la scène, elle oublait ses craintes et devenait quelqu'un d'autre. « Je te préviens, t'as pas intérêt à m'abandonner. » Dit-elle, pointant un index accusateur sur son torse. « Sinon je pleure. » Comme si cela pouvait avoir un quelconque effet sur lui, ou sur les personnes qui l'entoureraient dans la boîte. Le videur leur fit signe d'entrer, et à peine Jules avait-elle descendu quelques marches qui menaient au lieu principal que déjà, elle sentait l'inquiétude revenir en force. Sa main droite s'empara du bras d'Enzo, et elle se rapprocha imperceptiblement de lui. « N'oublie pas que je suis une novice en la matière. Je n'ai aucun code. » Il s'agissait juste d'une piqûre de rappel ; au fond d'elle-même, Jules était persuadée qu'Enzo interviendrait en sa faveur, s'il voyait quelque chose d'anormal se dérouler. Il avait pris soin d'elle jusqu'à maintenant, et il n'y avait a priori aucune raison pour que cela s'arrête. Elle prit une profonde inspiration, et entra dans la cage avec le reste des fauves, Enzo sur ses talons.
« L'âge et le temps qui passe, c'est dans la tête. » Fit remarquer Jules, en songeant à son frère dans le coma, à Los Angeles. Pour lui, la routine s'était arrêtée d'un seul coup. S'il se réveillait un jour, le choc risquait d'être grand. Elle balaya ses pensées d'un revers de main, consciente que penser à son frère dans un moment pareil ne l'aiderait pas à se sentir mieux. « Tu peux. Je tiens toujours mes promesses. » Confessa-t-elle à voix basse, jaugeant la salle d'un regard à la fois inquiet et surpris. Elle savait à quoi ressemblait l'intérieur des boîtes de nuit – elle s'y était rendue, quelques années plus tôt, avec des amies. Mais le temps avait passé, et Jules avait eu le temps d'oublier. L'espace bondé, les corps chauds, les mains baladeuses, la musique qui vous finissait par rendre sourd, et l'alcool qui coulait à flot. « D'accord. » Jules ne buvait pas, jamais. Elle avait un rythme de vie particulièrement sain, et n'avait pas un goût prononcé pour les écarts. Elle se laissa pourtant tenter par un verre, qu'Enzo leur commanda. Elle n'était pas sans connaître les vertus apaisantes de l'alcool, et espérait que celui-ci aurait un effet rapide sur son organisme. Ça lui éviterait de se sentir mal, ou oppressée. « Merci. » Dit-elle en prenant place autour d'une table. Elle s'installa confortablement sur le divan en velours rouge, qu'elle partageait avec d'autres personnes, plus à l'écart. Enzo prit place face à elle, et elle lui sourit timidement. Elle leva son verre vers lui, et porta un toast en son honneur. « A ta persévérance. » Jules ne se faisait pas d'illusions – elle savait qu'elle n'était pas la personne que l'on appelait en premier quant il s'agissait de sortir pour aller boire un verre. Trop discrète, trop renfermée, trop sérieuse. Mais Enzo avait eu le mérite d'outrepasser ces barrières, pour découvrir qui elle était vraiment. « Je veux tout savoir. » Dit-elle en le regardant dans les yeux, après avoir observé la foule qui se pressait sur la piste de danse. Elle voyait des corps se déhancher, des rapprochements tantôt sensuels, tantôt grossiers, et elle ne voyait pas très bien quel rôle elle pourrait jouer dans cette mascarade. « Conseils, mises en garde et autres choses qui te paraissent essentielles. » Elle emprisonna sa paille entre ses lèvres, et joua avec, sirotant de temps à autre son cocktail. Elle emprisonna sa paille entre ses lèvres, et joua avec, sirotant de temps à autre son cocktail. « Avant que je ne me jette dans la cage aux lions. » Ajouta-t-elle, faisant preuve d'une ouverture d'esprit qui dépassait toutes ses espérances.
« Je ne sais pas si c'est vrai, mais ça me paraît drôlement prétentieux. » Décréta-t-elle en faisant la moue. Il n'était pas difficile de comprendre que Jules n'avait pas confiance en elle, et encore moins en son pouvoir de séduction. Timide et réservée, elle s'effaçait plus souvent qu'elle ne s'imposait. Elle ne s'en plaignait pas ; elle ne faisait rien pour arranger les choses, trop heureuse de ne pas avoir à se mouiller. En restant en retrait, elle ne prenait pas de risque. Elle ne décevait personne. Elle n'avait pas à affronter ses peurs. « Un battement de cil ? » Répéta-t-elle, les sourcils légèrement froncés. Elle qui pensait que séduire passait forcément par une case jupe trop courte ou absence de soutien-gorge, elle en aurait presque été déçue. « L'homme est-il désespéré à ce point ? » Demanda-t-elle, plus pour la rhétorique que dans l'attente d'une vraie réponse. Personnellement, elle optait plutôt pour une réponse positive. Combien de fois Jules avait-elle entendu son père décrire les bas-fonds d'Hollywood, et raconter des histoires sordides qui mêlaient sexe, drogue et alcool ? Elle aurait pu se laisser tenter, mais elle avait toujours voulu mieux que ça. Plus que ça. Ce qui faisait d'elle une alien, dans le monde artistique. Elle prit une gorgée de son cocktail, et écouta attentivement les conseils avisés qu'Enzo voulait bien lui donner. « Admettons. » Déclara-t-elle, avant de se tourner légèrement pour observer la foule plus attentivement. Elle voulait voir si les théories d'Enzo se vérifiait. Par curiosité, mais aussi défi, elle arrêta son attention sur un homme qui devait approcher la trentaine. Un brun au regard ténébreux et qui, si on en croyait le petit sourire narquois qu'il affichait, avait jeté son dévolu sur la petite blonde qui se trémoussait contre lui. « Celui-là. Là-bas, avec la blonde. » L'ampleur de la tâche était considérable : il faudrait distraire l'homme, écarter la fille, et s'imposer à sa place. Un véritable challenge. Mais Jules avait envie de savoir ce qu'Enzo lui réservait – à croire que l'alcool commençait à faire un peu d'effet. « Vas-y, dis-moi : que dois-je faire ? » Elle attendait. Et suivrait ses conseils à la ligne, c'était décidé. Malheureusement pour elle, elle comprit bien vite que dans cette situation complexe, battre des cils ne serait sans doute pas suffisant pour s'imposer. Qu'importe ; elle se sentait d'humeur à déplacer des montagnes, ce soir.
Elle secoua la tête en souriant, alors qu'Enzo approuvait ses propos sur les hommes. « Je reste sceptique. Un battement de cil ou une jupe trop courte n'aident pas forcément à mettre en place quelque chose de... sérieux. » Finit-elle par dire, après quelques instants de réflexion. Jules ne croyait pas franchement aux rencontres effectuées dans ce genre de lieu ; nombres de ses amies s'étaient faites avoir, pensant avoir rencontré l'homme de leur vie au détour d'une soirée endiablée. Jules, pour sa part, était toujours restée en retrait ; et si elle en avait souffert dans un premier temps, aujourd'hui, elle réalisait que c'était peut-être l'une des meilleures choses qui lui soit arrivée. Elle sourit, et porta ensuite son regard sur la foule pour trouver une proie. Son choix s'arrêta sur un brun ténébreux – véritable challenge, puisqu'il était déjà occupé avec une autre. « D'accord. » Concéda-t-elle, comprenant que le défi qu'elle avait à relever serait de taille. Mais elle l'avait voulu, et elle ne comptait pas se défiler aussi facilement. Elle prit une dernière gorgée de son cocktail, et se leva. Si Jules avait été dans son état normal, elle n'aurait probablement jamais fait ça. Mais ce soir, l'alcool agissait sur son organisme de la meilleure des façons qui soit. Elle était un peu moins méfiante, un peu plus ouverte – en un mot, elle était désinhibée. Elle suivit les règles que lui avaient imposé Enzo, et s'appliqua pour être la plus discrète et subtile possible. Elle se mélangea aux danseurs, bougeant ses hanches délicatement. Elle essaya de faire abstraction de tous ces gens qui l'entouraient, et fit comme si elle était seule. Elle se rapprocha, toujours un peu plus, de sa cible. Et elle s'exécuta, appliquant à la lettre les conseils d'Enzo. Après quelques minutes de manœuvres bien pensées, elle parvint à capter l'attention de son défi de la soirée. Elle riait à gorge déployée à tout ce que disait l'inconnu, rejetait volontairement ses cheveux en arrière, et posait sa main sur l'avant-bras de l'homme. Sa blonde ? Oubliée. Elle dansa quelques instants avec lui, et sourit en croisant le regard d'Enzo. Elle leva le pouce en sa direction – mission réussie, semblait-elle vouloir dire. Elle lui fit signe de la main, l'invitant à la rejoindre.
« Je te parlais de façon générale. » Commenta-t-elle. Il était évident qu'elle ne comptait pas dénicher l'homme de sa vie dans cet endroit – beaucoup trop festif, beaucoup trop bruyant, beaucoup trop versatile. Jules avait besoin de stabilité dans sa vie, et il était évident qu'à part Enzo, son ami, personne ici présent ne pourrait lui en assurer. Elle était heureuse de le savoir là, à ses côtés, à la fois prêt à lui prendre la main pour la guider et en même temps prêt à lui tendre ses bras pour la rattraper si elle venait à s'écrouler. Elle était reconnaissante de le savoir si bienveillant à son égard. Il y avait au moins une personne à Brisbane sur qui elle pouvait compter, et en qui elle pouvait avoir une pleine confiance. « C'est peut-être ambitieux pour une seule soirée. » Déclara-t-elle en haussant les épaules. Elle savait qu'il lui faudrait sans doute des années pour s'accepter telle qu'elle était, et environ le double pour avoir un semblant de confiance en elle. Sa timidité maladive avait fait des ravages, mais elle était prête à essayer de les surmonter. Pour faire plaisir à son ami. Pour se prouver qu'elle pouvait agir sur sa vie, et avoir un rôle actif plutôt que passif. Et sur cette pensée – qu'elle considérait comme étant une petite victoire sur elle-même – elle se leva pour rejoindre la piste de danse. Discrète et féline, elle s'y fraya un chemin jusqu'à son défi du soir. Elle se fit finement remarquer, dansant lascivement au rythme de la musique. Enzo avait raison ; quelques battements de cils et un déhanché bien calculé pouvaient faire des merveilles. Elle l'invita d'un signe de main à la rejoindre sur la piste, chose qu'il ne tarda pas à faire. Elle eut un sursaut en sentant les mains inquisitrices de l'inconnu se poser sur ses hanches, et resta immobile pendant quelques secondes. Elle pensait que la situation ne pourrait pas être pire, mais l'arrivée d'Enzo à leur hauteur lui confirma l'inverse. Elle était mal à l'aise, et se sentait drôlement petite entre ces deux hommes qui voulaient faire les coqs. Le regard qu'Enzo portait sur l'inconnu était noir, et elle craignait que la situation ne dégénère si elle ne bougeait pas. Elle posa une main délicate sur le torse de son ami, et fit un pas en sa direction. Elle sentit la poigne du danseur se faire plus ferme sur ses hanches, mais elle se retourna vers lui en secouant la tête négativement. « C'est bon. » Dit-elle simplement pour l'inciter à la lâcher. « Je suis avec lui. » Elle ne prit pas conscience du double-sens de sa phrase. Ce qu'elle voulait, elle, c'était éviter les embrouilles à tout prix.
Elle aurait pu danser pendant des heures, si les mains indélicates de l'inconnu ne s'étaient pas posées sur ses hanches. Ce simple geste l'avait immédiatement mise mal à l'aise, et l'alcool qu'elle avait ingurgité ce soir ne suffirait pas à lui faire oublier cette emprise étrangère. Elle avait bien songé à s'en débarrasser rapidement, mais l'air noir qu'affichait Enzo en s'approchant d'eux lui indiqua qu'il y avait des choses plus urgentes à gérer. Un coup d'éclat au milieu d'une piste de danse n'était définitivement pas une tournure acceptable ; Jules refusait de s'exposer de la sorte devant un parterre d'inconnus qui semblaient tous, ou presque, passer une excellente soirée. Mieux vaut prévenir que guérir : par conséquent, et avant que les choses ne dégénèrent, Jules s'interposa entre les deux hommes. Elle posa une main sur le torse d'Enzo pour l'empêcher d'avancer, et se dégagea de l'emprise de l'inconnu. Elle ne le lâcha pas, et l'encouragea du regard à s'éloigner. Ce qu'ils firent, en silence. Ils regagnèrent leur place initiale, à leur table. Enzo ne mit pas longtemps avant d'ouvrir la bouche, pour se confondre en excuses. Jules secoua la tête, voulant lui signifier que ce n'était pas grave. « Enzo, tout va bien. » Assura-t-elle d'une voix ferme, avant que ses lèvres ne s'ouvrent en un large sourire. Elle n'était pas en colère contre lui. Elle ne lui en voulait pas d'avoir agir ainsi, et de s'être montré protecteur. À vrai dire, ça la rassurait – elle avait désormais la confirmation qu'elle pouvait compter sur lui. « Je t'assure. Arrête de t'en vouloir. » Affirma-t-elle, tapotant maladroitement le poing encore serré d'Enzo. Si on en croisait la couleur blanche de ses jointures, il était toujours sur les nerfs. « Allez, termine ton verre. » Dit-elle en poussant le cocktail vers son ami. Elle pinça sa propre paille entre ses lèvres, et aspira la dernière gorgée de son verre. Elle embrassa la salle d'un dernier regard avant de déclarer : « Je ne suis pas sûre que les boîtes de nuit nous réussissent. » Il n'y avait aucune amertume, aucune animosité dans sa voix. C'était une simple constatation. « On ferait peut-être bien d'y aller, tu ne crois pas ? » Ils pourraient toujours se promener, si Enzo ne voulait pas rentrer si tôt. Et dans le cas contraire, elle comptait sur lui pour la raccompagner – histoire qu'il conserve son rôle de chevalier servant jusqu'au bout de la nuit.