Son col est complètement froissé entre mes mains. Je tiens James fermement, le gardant plaqué à la façade de l'hôtel. Ce coin du jardin est désert. Mais plus pour longtemps. Une partie de moi sait très bien que le reste du groupe va débouler d'ici quelques secondes. Les femmes ne sont pas idiotes, elles ont un sens pour ce genre de choses. Pour savoir quand quelque chose de mauvais va arriver. Ces trois femmes là, en plus, me connaissent bien. Elles connaissent mon tempérament. Joanne est la seule à savoir que je suis suivi de près pour éviter ces crises de colère, que je prends un traitement qui, jusqu'à ce soir, marchait parfaitement. Parfois la rage revient, mais jamais elle n'explose. Plus de cette manière. Par une pluie de coups. Gabriella m'a déjà vu hors de moi. Elle a expérimenté cette facette de ma personnalité que je tente pourtant de cacher au monde. Hannah, elle, me découvre ainsi pour la première fois. C'est sa voix qui résonne en premier, un cri qui m'appelle. La comédienne tente à plusieurs reprises de me faire lâcher James, mais il ne me faut pas plus qu'un coup d'épaule pour m'en dégager. Mes doigts autour du cou du mannequin serrent trop fortement le tissus pour espérer m'en arracher. La seule manière que trouve la jeune femme pour me persuader d'arrêter est de miser sur mon affection pour elle. Je lui lance un regard noir des plus mauvais. Vraiment ? Elle pense que je vais laisser tomber le connard qui a réussi à autant me heurter en un soir juste pour ses beaux yeux ? « Joue pas à ça avec moi, Hannah. C'est des choses que tu ne peux pas comprendre. » Elle est fille unique, elle n'aime personne, n'a pas d'attaches. Comment pourrait-elle comprendre ce qu'on ressent lorsque l'on voit de la souffrance dans le regard de sa propre sœur ? Elle n'en a aucune idée. Hannah s'écarte finalement, prenant ses distances, puisque, oui, c'est ce qui arrive lorsqu'on s'approche trop près de moi. La déception quand on découvre cet autre visage, cette colère, cette cruauté, cette violence. Je blesse mes victimes, mes proches, moi-même. Elle le sait à présent. « Oui, Hannah, il y a des règles ! Je sais que tu t'en fous, mais elles existent. » dis-je en haussant le ton à son attention. « A quel point ton amitié est superficielle pour essayer de me prendre par les sentiments alors que j'ai tous les droits de lui faire payer d'avoir brisé le coeur de ma soeur, hein ? » Ais-je été naïf de croire que nous étions assez amis pour être au dessus de cela ? Ou bien tient-elle bien plus à James qu'à moi, et que son camp était vite déterminé. Il ne faudrait pas que j'amoche trop l'amant qui pallie à ses nuits solitaires, n'est-ce pas ? Qu'importe le mal qu'il fait, soit-il pardonné s'il est un bon coup. Non, je ne le lâcherai pas pour elle. Je reporte mon attention sur James qui crache par terre le trop plein de sang dans sa bouche. Je ne suis même pas navré de savoir que j'ai abîmé son principal outil de travail. A vrai dire, je le trouve encore trop bien en point. « Tu te crois vraiment en position de m'ordonner quoi que ce soit ? » je demande avec un rictus mauvais au sujet d'Emma. Lui qui était un type bien, capable d'aimer et de traiter ses proches comme il faut, sa perte l'a changé, et même après être remonté des enfers, il n'est plus le même. Il fonce droit dans le mur. Je plisse les yeux, fronce les sourcils. Cette même logique foireuse que m'a sorti Gabriella lors de notre dispute. « C'est pas moi, c'est la vie qui est moche et me fait faire des conneries. » Pathétique. James ose même mentionner ma dispute avec Gaby. « Tu laisses mes différents avec elle en dehors de ça, ça ne te regarde pas, James. » Et d'ailleurs, ça n'a strictement rien à faire ici. Ce n'est pas parce que j'ai mes différents avec ma propre sœur, que j'ai pu la blesser, que cela lui donne le droit de faire de même. Abruti. « Tu as blessé quelqu'un qui m'est cher, ce n'est même pas la peine d'espérer t'en sortir. Tu t'es foutu dans cette situation tout seul, alors ferme ta gueule et prends sur toi les conséquences ! » je lui hurle à la figure, je décollant légèrement du mur pour mieux y frapper tout son corps de nouveau. Oui, je le juge, je le prends de haut. Il est, pour moi, à cet instant, le dernier des moins que rien. Et il ose s'époumoner contre moi alors qu'il est l'unique fautif. « La ferme ! » J'entends les pas des deux autres femmes arrivant près de nous. Je ne leur adresse pas un regard, je visualise déjà très bien leurs réactions dans ma tête ; du choc, et sûrement de la peur. C'est le moment précis où les rôles s'inversent et James passe de fautif à victime, tandis que je deviens le monstre. C'est dingue à quel point la vue du sang peut faire changer d'avis. Joanne est la première à s'approcher. La manière dont elle me demande de le lâcher me fend le coeur. Non par culpabilité face à mes actions, mais parce qu'elle ose défendre le type qui l'a embrassée alors que nous étions ensemble. « Joanne... » Bien sûr que je veux lui faire plus de mal. Je n'en ai pas terminé avec lui. Ma fiancée glisse ses doigts dans l'une de mes mains qui se détend immédiatement à son contact. Mes yeux se ferment, je serre les dents. Elle me fait fondre comme neige au soleil. Une partie de moi me hurle de cesser, honteuse d'être à nouveau dans cet état face à elle, conscient de toute la déception et de la peine que je lui cause. L'autre est obsédée par l'idée de frapper encore et encore le visage du Français. « S'il te plaît, va t'en... » dis-je finalement tout bas. Mais elle se glisse entre mes bras pour s'interposer. Mon regard se pose sur la main que James pose sur la sienne. Je devine la provocation dans son regard. Et malgré cela, je ne marche pas : je cours, droit dans le panneau. L'enflure. « Va t'en ! » j'ordonne à Joanne à qui il n'en faut certainement pas plus pour s'écarter. Un autre cri résonne, celui de Gabriella. Si elle me demande aussi de lâcher James, je pense que je perds les pédales. Et c'est ce qu'elle fait. Ma sœur tente à son tour de me résonner. Agacé, mes doigts serrent un peu plus le col de la chemise de James. Mon corps tremble. Allez, Jamie, reprends-toi. Il a eu sa dose, tu peux laisser tomber maintenant. Et puis, à force de beugler, quelqu'un va nous entendre et débouler. Que vont-ils penser de ça ? Je n'ai pas besoin de cette tâche sur mon CV. Mais les mots de Gabriella me font tiquer. « Tu tiens à lui ?! Ce connard te brise le coeur et tu voudrais que je le laisse filer ?! » Je crois rêver. Je la scrute pendant de longues secondes, voyant bien que oui, mon comportement est en train de blesser toutes les personnes présentes ici. Poussant James contre le mur, m'arrache mes mains à son col, le lâchant enfin. J'adresse un regard noir à chacune des jeunes femmes avant d'observer le mannequin. Juste le temps de les laisser croire que j'en ai fini. Mais j'abats trois nouveaux crochets sur le visage du français, le faisant à chaque fois plier un peu plus, le dernier coup de poing le faisant tomber dans le gazon, face contre terre. Là, il a eu son compte. Mes phalanges aussi. Je me tourne vers Joanne, Hannah et Gabriella ; « Tenez. Ramassez ça, puisque vous y tenez tant. » J'imagine quelles vont se précipiter sur lui, le pauvre chéri, et je ne tiens pas à voir ça. Je fais donc quelques pas pour m'éloigner d'eux, mes mains resserrant le nœud de ma cravate. Là seulement, la culpabilité débute son chemin. « Tout va bien ? » demande un serveur qui vient d'apparaître devant moi. Je me tourne vers le reste du groupe ; d'ici, on ne voit pas le sang. Je cache mes doigts rougis par les coups dans mon dos, l'air parfaitement naturel, je adresse un large sourire au garçon. « Bien sûr. Mon ami a juste trop fait honneur au bar. Ne vous en faites pas. »
Ne pas s'en mêler? Vraiment? Hannah ne comprenait plus rien et le monde autour d'elle tanguait dangereusement et était en train de perdre tout sens. Comment voulaient-ils qu'elle reste de marbre et qu'elle continue de faire comme si tout allait bien? Alors que justement, c'était probablement l'une des pires soirées de sa vie et que tout n'allait pas bien. Les mots de James n'avaient eu absolument aucun effet sur elle mais ceux de Jamie en revanche... Hannah recula d'un autre pas alors que Joanne et Gabriella, alertées par son cri et elles aussi voulant que James et Jamie se séparent. Hannah n'entendait plus rien, ni les provocations de James, ni les suppliques des deux jeunes femmes, fixant Jamie. Elle était certaine d'avoir mal entendu, elle espérait de tout coeur avoir mal entendu. Car il ne pouvait pas lui parler de règles maintenant, pas à cette seconde précise, il ne pouvait pas lui dire qu'elle avait été superficielle, alors qu'elle n'avait jamais menti. Oh qu'elle avait été idiote, une idiote complètement finie et elle n'avait pas compris. Soudainement, la brune repensa aux mots de Kelya, à son récit. Ça lui avait paru tellement absurde d'imaginer Jamie dans ce rôle là et pourtant maintenant, elle comprenait qu'il y avait beaucoup plus à voir là-dessous. Elle comprenait que lui aussi avait blessé sa soeur et qu'il avait aussi blessé Joanne. Elle n'était que quoi? Une autre personne à rajouter à la liste.
Le cri de Gabriella secoua Hannah sur place et elle se concentra sur la scène en face d'elle, digne des plus grandes pièces de théâtre. Sauf qu'elle n'était pas distraite ou amusée, elle voulait vraiment que Jamie lâche James, et que James se taise et qu'il arrête de chercher les coups. Eux aussi parlaient d'un passé qu'elle ne connaissait pas... Et ce fut à cette seconde précise qu'Hannah réalisa qu'elle n'avait absolument rien à faire ici. C'était beau de prétendre, ça avait été bien d'être quelqu'un d'autre dans les bras de James pendant toutes ces années mais parfois il fallait dire stop, éteindre les projecteurs et baisser le rideaux. La performance était finie, peut être qu'elle allait lui parler après cette soirée, peut être pas, il n'y avait aucun moyen de le savoir. Ce qui était certain, c'était qu'elle devait partir. Tout de suite, avant d'étouffer et de se rendre compte qu'elle avait été mauvaise actrice au final. Hannah ferma les yeux alors que Jamie passait encore une fois sa colère sur James. Elle les ouvrit pour rencontrer le regard du Keynes et elle lui renvoya un regard aussi colérique que le sien. Si Hannah avait été un homme, pas de toute qu'elle s'en serait pris physiquement à lui, juste histoire de le faire tomber et juste histoire de le faire comprendre que non, il ne pouvait pas tout avoir et que oui ses actions avaient des conséquences. Son premier regard fut pour James cependant et elle se força à sourire, une dernière fois. "Tu me connais, je ne vais pas m'excuser, c'était bien de faire semblant... Une autre fois peut être..." Hannah savait que seul James saisirait le sens de ces mots, ils avaient été quoi, pas vraiment amis, pas vraiment amant. Ça avait été beau le temps que ça avait duré pas vrai. Il y avait quelque chose là, Gabriella tenait vraiment à lui et contrairement à Hannah, elle n'allait pas rester clouée sur place à peser le pour et le contre, c'était ça la différence entre eux et Hannah. Ils n'étaient pas égoïstes au possible et ne songeaient pas qu'à leur propre personne. Tant mieux pour eux, pensa t-elle et sans prendre la peine d'y réfléchir plus que ça, elle alla se planter devant Jamie, qui souriait comme si c'était une autre soirée, une soirée normale.
"Moi, considérer notre amitié... superficielle? Sérieusement Keynes? Gifle moi si tu veux pour te soulager mais s'il te plait, réfléchis trente secondes avant de parler. " dit-elle férocement, toute trace d'un éventuel sourire ayant disparu de son visage. Non, ça, c'était fini. Jamie ne méritait absolument pas ses sourires, il pensait l'avoir cernée, il pensait la connaitre. Oh... Non. Hannah le fixa pendant quelques secondes, puis son regard se tourna vers le serveur qui se demandait très certainement s'il devait prendre leur commande ou s'il devait faire semblant de ne pas voir James. Hannah éclata de rire, vraiment cette fois-ci, se tournant de nouveau vers Jamie. "Tu me fais rire Jamie, vraiment, toi, ta fiancée, ta soeur, ton... ami, vous me faites rire." Hannah haussa les épaules avant de poursuivre: "Tu sais, je penserai vraiment que c'était moi qui finirai pas m'éloigner ou faire une erreur mais non Jamie. C'est toi et tes règles stupides, que je ne suivrai pas juste pour te faire sourire une seule seconde de plus. Juste pour te faire croire que tu peux tout avoir." C'était sa jalousie qui allait le perdre au final. Il l'avait prévenue, averti qu'il était comme ça et elle n'avait pas écouté. À force de trop jouer avec le feu, on finissait par se bruler mais tant pis, Hannah avait toujours envie de jouer. "Amie ou pas, je ne suis pas à toi. Joanne est là pour te rassurer. Plus moi. Je suis certaine qu'elle le fera avec brio... Au revoir." Si Hannah avait eu un verre dans les mains, elle l'aurait levé à la santé de Jamie, mais elle n'en avait pas, elle se contenta de lui faire un clin d'oeil et de tourner les talons pour revenir à l'intérieur. Au milieu des conversations sans but précis et du champagne, c'était là qu'elle était le mieux de toute façon.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Même si elle savait que cela était l'une des facettes de sa personnalité compliquée, Joanne espérait ne plus y avoir affaire. Il disait faisait beaucoup de choses qu'il ne pensait pas. Alors que là, il semblait pleinement conscient de ses actes. Sa possessivité et le fait qu'il protègeait énormément les personnes qui luit étaient le plus chers l'avaient en partie mené jusque là. A côté de ça, Joanne avait tout de même été soulagée que Gabriella ne lui en veuille pas pour le coup du baiser, elle ne lui reprochait absolument rien. A défaut de se contenter d'autre chose, cela faisait tout de même un poids en moins sur ses épaules. Joanne ne pensait honnêtement pas que juste le fait de toucher la main de Jamie allait instantanément détendre cette dernière. Elle se sentait tellement incapable de gérer ses colères, inutile, alors que c'était certainement l'une des choses qu'elle voulait à tout prix acquérir. Etre cette personne qui était capable de le sortir de là par quelques mots, quelques gestes. Il lui demandait de partir, gardant un tant soit peu son sang froid. James déposa sa main sur celle de Joanne. Elle ne savait pas ce qu'il cherchait à faire, mais ce geste ne faisait qu'envenimer la situation. Pendant un instant, elle croyait qu'il cherchait à être à nouveau la victime d'une pluie de coups. D'un ton beaucoup plus ferme et fort, il ordonna à Joanne de se pousser. Le simple fait qu'il hausse la voix sur elle était suffisant pour qu'elle se dégage les yeux baissés, sans dire mot. Gabriella intervint à son tour, ce qui mit Jamie hors de lui. La jeune femme observait la scène, bien que tout ceci lui était plus qu'insupportable. C'en était douloureux. Elle ne savait pas ce que cherchait James, elle ne comprenait rien à toute cette histoire, ayant l'impression d'être tombée au milieu d'histoires et d'en faire partie malgré elle d'une manière ou d'une autre. Son fiancé finit par lâcher son ami, on aurait pu croire que c'était fini, qu'il était calmé. C'était avec un sursaut qu'elle le vit l'accabler de coups encore une fois. Choquée par la violence de ses actes, elle plaça ses deux mains de sorte à recouvrir sa bouche et son nez, regardant tout ceci d'un air terrifié. Fou de rage, Jamie parla sèchement au trois femmes avant de s'éloigner. Joanne le suivait du regard, profondément blessée par la manière dont il avait parlé, dont il se comportait avec elle. Une élément de plus pour ce mur de déception et de contrariété. Elle le regardait sans bouger de place, avant de brièvement reporter son attention sur James. Elle s'en voulait tellement. Si elle n'avait jamais parlé de ce baiser avec Jamie, le mannequin ne serait jamais dans cet été. Mais elle aurait manqué d'honnêteté envers son fiancé. La situation avait été plus que bancal et au fond Joanne savait que lui en parler était la solution la plus juste, mais elle ne s'attendait clairement pas à ce qu'il finisse en sang. Hannah faisait comme si de rien n'était, retrouvant son sourire de marbre. D'un côté, c'était incroyable qu'elle y parvienne aussi facilement, de l'autre, ça montrait une certaine insensibilité. C'en était déroutant, pour Joanne. Après qu'elle soit partie rejoindre Jamie, la belle blonde s'approcha à peine d'un pas de son ami, se sentant pleinement fautive dans cette histoire. La culpabilité la rongeait bien plus qu'il ne le faudrait. "Je m'en veux tellement James, je suis désolée. Terriblement désolée." Sa voix tremblait par son chagrin, elle ne savait plus où en donner de la tête. Elle n'osait même pas le toucher, évaluer la gravité de ses blessures. Elle se tourna vers Gabriella, complètement perdue. "Je suis désolée Gabriella, je..." Tout ceci était bien trop difficiler à endurer. Tout était de trop. "Je peux pas, j'arrive pas." Elle ne voulait pas prendre parti. Jamie s'attendait peut-être à ce qu'elle revienne vers lui -même si elle lui en voulait encore pour beaucoup de choses-, elle ne savait pas si James attendait quoi que ce soit. Elle espérait que Gabriella comprenne sa situation. "Je peux pas rester, c'est trop dur." dit-elle alors que de nouvelles larmes coulaient sur ses joues pâles. Par conscience, la conservatrice contactait tout de même les ambulances, car il n'était clairement pas en état d'aller où que ce soit. Elle demandait par la même occasion si son propre médecin, le Dr. Winters, était de garde ce soir-là. Par chance, c'était lui. "C'est... c'est un très bon médecin, il saura quoi faire. Il s'occupe de moi pour..." La soeur de Jamie ignorait certainement qui touchait la jeune femme. "Mes propres soucis." dit-elle après réflexion. Alors qu'elle était à l'extérieur, Joanne avait besoin d'air. L'atmosphère qui régnait ici était plus qu'étouffante. Complètement confuse, elle se répéta une nouvelle fois. "Je ne peux pas." Puis, le regard vidé de toute lueur, elle comptait tout de même voir Jamie pour voir dans quel état d'esprit elle allait avoir son homme une fois qu'ils seraient rentrés à la maison. Alors qu'elle s'approcha, elle entendit Hannah éclater de rire. "Tu me fais rire Jamie, vraiment, toi, ta fiancée, ta soeur, ton... ami, vous me faites rire." dit-elle. Des paroles plus que blessantes. Joanne avait la sensation que la mannequin se moquait d'elle depuis le début, que leurs conversations ne servaient à rien. Elle était blessée de la savoir ainsi, et surtout que Jamie l'ait choisie comme amie, passant de nombreuses heures en sa compagnie. Elle échangea un regard avec chacun d'entre eux, et, sans dire le moindre mot, sans avoir la moindre expression faciale particulière -quoiqu'un brin de peine et de colère-, elle tourna les talons et marchait vers la pièce où se déroulait le gala. Elle décida de prendre la même porte à laquelle on l'avait conduite. Un des serveurs l'aperçut et la suivit jusqu'à l'extérieur. "Miss Prescott, vous avez oublié votre veste." "Ce n'est pas grave." dit-elle sans se retourner, continuant à marcher dans la rue. "Et Mr. Keynes alors ?" "Il rentrera plus tard, certainement." "Voulez-vous que je prenne contact avec un taxi ? Nous connaissons des compagnies avec un service parfait et qui seront là en un temps record." "Non, merci, je vais me débrouiller seule." L'air était loin d'être chaud ce soir-là, mais peu lui importait. Elle marchait d'un pas déterminé, se fichant bien de la distance qu'il y avait à parcourir. Lorsqu'elle aurait trop froid, elle appellerait certainement un taxi pour la ramener chez elle. Plus elle s'éloignait de cet endroit, moins elle se sentait oppressée. La peine, le chagrin, la culpabilité, la rancoeur, la contrariété. Autant de sentiments négatifs qui ne faisaient que torturer son âme pourtant déjà si fragile. Une douleur peu descriptible.
Plaqué contre le mur, le visage ensanglanté, je ne lâche pas Jamie des yeux. Encore une fois, notre relation prenait un tournant inattendue. C'est que ça commençait à devenir une mauvaise habitude. D'abord amis, nous nous sommes perdus de vus pour devenir des inconnus l'un pour l'autre. Lors de nos retrouvailles à Brisbane, nous n'étions plus que de vieilles connaissances tentant de se remémorer un passé lointain. Finalement, c'était ma venue chez lui qui avait réellement relancée notre amitié. Nous nous étions ouverts l'un à l'autre, et avions décidé d'un accord tacite de nous redonner une chance pour retrouver ce que l'on avait. Mais ce soir, nous sommes devenus des rivaux, des adversaires, des ennemis. Son regard est dur, et les sentiments que je peux y lire me font au moins autant de mal que les coups qu'il vient de me donner, si ce n'est plus. Je l'ai déçu, je l'ai trahi. Je le sais, j'en ai pleinement conscience. C'est pour ça que je ne tente rien, n'essaye pas de me défendre. Jamie est un ami sur lequel je ne peux tirer un trait, et j'accepte de subir ma sentence en espérant payer pour ce que j'ai fais, et être pardonné. Que ce soit par lui, par Hannah ou par Joanne. Concernant Gabriella, je ne pense pas que ce soit possible un jour d'obtenir son pardon. Ou alors dans un futur lointain, très lointain. Je l'ai trahi au pire moment, alors que nous étions plus proches que jamais, alors qu'elle avait le plus besoin de moi. Elle m'avait tout raconté d'elle, et je savais qu'elle était seule : Jamie et Charlie ne lui parlant plus... et c'est ainsi que je la remerciais de son honnêteté. Pathétique. J'assiste, impuissant, à l'arrivée des trois femmes qui nous accompagnent. Elles n'arrivent pas en même temps, et c'est Hannah la première à tenté de s'interposer entre nous. Je lui demande de ne pas s'en mêler, calmement, mais Jamie est bien plus violent dans ses propos. J'observe la scène, et me rends compte que l'actrice est plus touchée qu'elle ne veut le faire croire. Quel peut bien être le lien qui unit ces deux-là ? Je ne savais absolument pas qu'ils se connaissaient, et je n'en sais toujours pas plus à l'heure actuel. Mais pour l'instant cela ne m'intéresse plus vraiment, et je ne pense pas que le moment soit bien choisi pour les interroger à ce sujet. Au fur et à mesure que Jamie s'énerve contre Hannah, il resserre son étreinte sur mon col au point qu'une certaine tension se faire ressentir dans ma nuque. Je suis presque sûr que s'il continue comme ça ma chemise va finir en lambeaux ; mais je m'en moque complètement. Ce qui m'intéresse pour l'instant, c'est de lui défendre de parler d'Emma. Elle n'est plus là, alors imaginer ce qu'elle penserait ne servirait à rien. Puisque si elle était là, cette scène ne serait très certainement pas en train de se produire. Et pourtant, l'anglais calme mes ardeurs avec une facilité consternante. Il a raison : je ne suis pas en état de lui imposer quoique ce soit. Mais j'espère que, si ce n'est pour moi, il ne reviendra plus sur le sujet pour elle justement. Elle mérite de rester en paix. Puis, Jamie continue de repousser un à un mes excuses, mes propos. Tantôt hautain, tantôt mauvais, il ne me permet pas de m'expliquer ni de trouver justice à ses yeux. Pour lui, rien n'excuse mon comportement et il me le prouve bien comme il faut en m'hurlant au visage, avant de me décoller du mur pour mieux m'y plaquer à nouveau. Cette fois, un hoquet de douleur s'échappe de mes lèvres et je décide de tenter une ultime provocation.
Je suis à nouveau réduit au silence avec l'arrivée de Joanne. Son regard me déchire le cœur, et je regrette amèrement de lui faire subir ça. Plus que mon état, c'est celui de son fiancé qui doit la détruire. J'aurais préféré qu'elle ne le voit pas ainsi, et j'espère que cela ne mettra pas en danger leurs fiançailles... mais malheureusement, j'ai merdé. Sur toute la ligne, au point de rendre Jamie furieux comme jamais. Pour moi en tout cas, je ne l'ai jamais vu dans un tel état. Parfois quand je le fixe, j'ai l'impression qu'il pourrait me tuer à mains nues si la société l'autorisait. Il m'en veut tellement que j'ai l'impression d'étouffer sous le poids de la culpabilité et de sa colère. La blonde lui parle avec la bonté qu'on lui connaît tous, et elle parvient peu à peu à contrôler l'anglais. Sauf que... ce n'est pas ce que je souhaite. Je n'ai pas assez souffert encore, loin de là. Alors, dans un geste désespéré et complètement égoïste, je recouvre la main de Joanne de la mienne. Mes yeux captent ceux de Jamie, j'y vois sa flamme se raviver, sa haine se réveiller. Violemment, il lui ordonne de partir. Je sais que j'ai gagné. Enfin, presque. Il reste un dernier obstacle : Gabriella. La brune est en larmes, et je n'en comprends pas réellement le sens. Pleure-t-elle pour moi ? Ou a cause de moi ? Peut-être qu'elle m'en veut encore, d'avoir été là ce soir, d'avoir gâché la soirée, d'avoir fait souffrir Jamie et Joanne, d'avoir mis son frère dans cet état. Je ne peux pas savoir ce qu'elle pense, mais c'est sur mon épaule qu'elle dépose sa main à ma grande surprise. Cette fois, l'anglaise parvient totalement à m'arracher Jamie des pensées, et c'est elle que je fixe. Avec curiosité, je l'observe prendre ma défense. Et dans cet acte désespéré, elle prononce des paroles inespérées. Je ne sais pas si ce qu'elle dit est vrai, si elle tient encore vraiment à moi ou si elle essaye par tous les moyens de calmer son frère... mais j'ai envie d'y croire, j'ai envie d'espérer. Peut-être qu'il me reste une chance de me rattraper, après tout. Quand je reporte mon attention sur Jamie, je comprends immédiatement qu'elle n'a pas réussi dans sa tâche. Bien au contraire, le brun tremble sous la colère. Mais contre toute attente, il me relâche. Mon corps se décolle du mur alors que je prends une grande inspiration, comme si j'avais oublié de respirer pendant que Jamie me tenait encore. Je fixe son dos, incrédule. Est-ce fini ? Vraiment ? La réponse arrive tout aussi vite que les premiers coups : non. Trois crochets, bien placés s'abattent sur mon visage. Mâchoire côté droit, pommette gauche puis œil droit. La douleur est fulgurante et je tombe à genoux, avant de m'écrouler face contre terre.
Les yeux fermés, je me concentre sur ma respiration. Lente, régulière. L'herbe me chatouille le visage, et ce pourrait être agréable si mon visage ne me piquait pas autant. Avec beaucoup de difficultés, je parviens à me redresser et à basculer en arrière, pour me retrouver assis contre le mur. Jamie s'est éloigné de quelques pas ; les femmes me regardent avec pitié. Je détourne mon regard de cette scène pour fixer le ciel. Il est sublime ce soir, et le temps magnifique. Quel dommage que tout ce soit passé ainsi. Mais c'est terminé, enfin terminé. J'ai eu ma dose de coups reçus, et je pense que Jamie a eu la sienne de coups donnés. Malgré la douleur grandissante et le sang coulant sur mon visage, notamment de mon nez et de ma bouche, je me sens étrangement bien. Un sentiment de plénitude se fait sentir en moi, j'ai l'impression que tout est juste. Ma main vient fouiller la poche intérieure de ma veste de smoking, et j'en sors mon paquet de cigarettes. De celui-ci, je sors une clope - que je cale entre mes lèvres - et un briquet qui me sert à l'allumer. Puis je range le paquet dans ma veste et prends une grosse bouffée que je savoure pleinement. Malgré le goût de sang, aucune cigarette ne m'a paru aussi bonne que celle-ci. Hannah est la première à se diriger vers moi, je la vois arriver du coin de l’œil et baisse les yeux pour plonger dans les siens. Je n'ai pas honte de mon état, seulement d'avoir gâché la soirée. Son attitude est désinvolte, elle reste la même qu'importe les circonstances. Son comportement m'arrache un sourire en coin. A bientôt, Hannah. répondis-je simplement. Elle me tourne le dos, et je la regarde s'éloigner. Je ne sais pas ce que nous sommes l'un pour l'autre, je n'arrive pas à définir notre relation. Mais une chose est sûre, je la reverrai. C'est une certitude. L'actrice fait partie de ma vie depuis bien trop longtemps pour que je ne la chasse. C'est Joanne qui me tire de mes pensées. Je me crispe un peu, devant ses yeux humides et son visage inquiet. J'aurais vraiment, mais vraiment aimé lui épargner tout ceci. Jamie aurait pu me frapper une autre fois, dans un endroit où il n'y aurait eu que lui et moi. Je l'aurais laissé faire avec plaisir, et n'en aurais jamais parlé à personne. Malheureusement, ce n'est pas ainsi que ça s'est passé. Ce n'est pas de ta faute... c'est moi qui ai merdé. Sur tous les points. Je suis vraiment, vraiment désolé. dis-je avec toute la sincérité dont je suis capable. J'espère qu'elle me pardonnera, et que j'aurai l'occasion de me rattraper auprès d'elle. Même si, maintenant que nous savons pour Jamie, notre amitié me semble difficile à conserver. J'acquiesce de la tête quand elle me parle de son médecin et de ses " soucis ", ne dévoilant rien de ses secrets. Merci. Je la regarde alors me tourner le dos et commencer à s'éloigner. Joanne ? je l'interpelle alors qu'elle se trouve encore près de moi. Ne lui en veut pas trop d'accord ? C'est moi le fautif, je l'ai mérité. lui implorais-je en tentant un sourire à la fin de ma demande. J'espère vraiment qu'elle comprendra que Jamie n'y est pour rien, il n'est au fond qu'une victime. Même si ça n'en a pas l'air comme ça, il n'a simplement pas pu résister aux sentiments qui le tenaillaient, aux pulsions qui le dévoraient. Et tout cela, causé par moi évidemment. C'est peut-être lui qui a subi le plus de dommage ce soir, tant ses actes peuvent avoir des répercussions sur lui mais aussi sur ses relations avec les femmes ici présentes. Finalement, la conservatrice s'éloigne, échange quelques mots avec son fiancé puis se dirige elle aussi vers la sortie, tout comme Hannah il y a quelques minutes. Il ne reste donc plus que Jamie, Gabriella et moi. Mon regard alterne entre les deux, ne sachant sur lequel s'arrêter. Que faire maintenant ? Que dire ? Je tire un dernier coup sur ma clope puis la jette plus loin dans l'herbe. Je regarde une dernière fois en direction du ciel, inspire pour prendre du courage puis reporte mon attention sur eux. Jamie, Gabriella... fis-je attention de ne pas user du surnom de la jeune femme. ... je suis désolé. Je regrette ce qui s'est passé, vraiment. Une main sur le sol, l'autre contre le mur, j'essaye de me relever et parviens à le faire difficilement. Encore une fois, je passe ma main sur mon visage pour en essuyer du sang ; j'en ai désormais partout sur ma veste et ma chemise. Dressé sur mes deux jambes, je garde une main contre le mur pour conserver un semblant d'équilibre. Je ne vous demande pas de m'excuser, je ne suis même pas sûr que ce soit possible... continuais-je, défaitiste. Mais vraiment, comprenez que je ne suis pas fier de moi. Si je pouvais tout effacer, je... laissais-je ma phrase en suspend, pouffant légèrement. Ça ne sert à rien de dire cela, je ne peux rien effacer ni rien modifier. Dès lors, pourquoi en parler ? C'est tellement futile. Soudain, je prends conscience de l'ampleur de la situation. Une mélancolie sans fin s'empare de moi, tant j'ai peur de les avoir perdus à tout jamais. Je... je vais partir. j'annonce sans trop vraiment savoir pourquoi, perdu. Sans plus un mot, je commence à marcher en direction de la sortie. Dehors, j'appellerai un taxi pour qu'il me ramène à l'hôpital, et que je puisse y être soigné avant de rentrer chez moi. Je ne sais même pas à quoi ressemble mon visage à cet instant, mais j'imagine que Nyx voudra certainement me tuer en me voyant. Un rictus se forme sur mon visage ; ce ne sera pas la première à essayer.
Gala de la muerta. James ♣ Jamie ♣ Joanne ♣ Hannah ♣ Gabriella. Ca va chier des bulles...••• Gabriella ne pouvait pas rester sans rien faire. Laisser son frère et l'homme qu'elle aimait malgré elle se déchirer de la sorte. Ça allait au-delà des coups. Quelque chose allait se briser à tout jamais ce soir. Par sa faute. La brune regrettait tout ce qu'elle avait dit. Elle aurait mieux fait de se taire. Avoir la capacité de masquer ses émotions, de faire comme si de rien n'était… Mais c'était au-dessus de ses forces. La brune sentit sur elle, le poids du regard de James lorsque sa main se posa sur son épaule. Elle était là, à le défendre contre son frère. Ce dernier fou de rage de voir sa sœur agir de la sorte. Lui posant, le ton plus qu’accusateur, une question à laquelle il lui était difficile de répondre. « Tout ceci me blesse, nous blesse qu'un peu plus… Ça n'arrange rien… Rien Jamie...» Son regard se tourna vers James. Ses yeux larmoyants se plongeant douloureusement dans les siens. Cherchant à savoir comment il allait. Sa main se serrant un peu plus sur son épaule. C'était vrai, qu'est-ce que les coups de Jamie pouvaient régler ? Rien du tout.
Durant un instant, Gabriella crut que son frère s'était calmé. Que ses paroles et celles de Joanne avaient réussit à le calmer. À peine eut-elle le temps d'y croire, que Jamie frappa à nouveau James. Toujours à ses cotés, Gaby réussit à s'écarter avant qu'un coup la percute. La jeune femme regarda son frère s'éloigner, complètement sous le choc. « Jamie... » Elle était désolée plus qu'en colère… Il se ressemblait tellement qu'elle savait d'avance qu'il regretterait tout cela. Joanne allait certainement lui en vouloir, Hannah qui, malgré son sourire à toute épreuve, venait certainement d'être blessée… Quant à James… Son frère n'était pas méchant, loin de là. Mais le brun était comme sa sœur, se laissant complètement emporter par ses émotions. L'Anglaise se mit à genoux auprès de James. Elle ne savait pas quoi faire, ni quoi dire… « James, est-ce que… Je...» Gaby cherchait à l'aider. L'une de ses mains se posa sur son dos avant qu'elle ne s'écarte à nouveau. Le français réussit avec beaucoup de mal à s’adosser contre le mur. Il avait l'air complètement hypnotisé par le ciel. Au point où Gaby le regarda aussi en se demandant ce qu'il pouvait bien y scruter. Mais James n'avait pas fini de la surprendre.
Le mannequin plus qu'amoché s'alluma une cigarette. Comme si de rien était. L'Anglaise le regarda avec stupeur. Il y avait bien que lui pour faire ce genre de chose en de telles circonstances. Irrécupérable James Evans… C'est Hannah qui s'approcha la première, le sourire toujours aux lèvres. Mais l'actrice s'en alla après avoir échangé quelques mots avec lui. Lorsque James lui répondit, le cœur de la brune fit un bond dans sa poitrine. Oui James voulait la revoir… Sa tête se baissa pour éviter de croiser son regard. Alors ce n'était pas qu'une histoire d'un soir… Avait-il fait un choix ? Avait-il choisi Hannah ? N'était-elle plus rien à ses yeux ? Son cœur commençait à paniquer. Tout comme Joanne.
La jolie blonde s'excusa même auprès de la libraire. Mais pourquoi ? La jeune femme n'avait rien fait de mal. Qui pourrait croire que cette femme soit capable de faire du mal ? C'était complètement inconcevable. Les larmes qui coulaient sur son doux visage déchirèrent l'Anglaise. Joanna s'écarta un instant pour appeler une ambulance. Elle avait raison, James n'était pas en état de rentrer chez lui. Son médecin ? Ses problèmes ? La fiancée de son frère était malade ? Ça en avait tout l'air. Mais ce n'était ni l'endroit, ni le bon moment pour parler de cela. Elle avait l'air à bout, complètement épuisée et en état de choc. Gabriella lui prit une main entre les siennes, un sourire rassurant aux lèvres. « Rien est de ta faute Joanne… Tu n'as aucune responsabilité dans tout cela… Crois-moi… Je suis certainement la plus coupable dans toute cette histoire…» Son ton était doux et assez bas pour espérer que personne d'autre ne l'entende.
James s'excusa à son tour. Reposant toute la responsabilité sur ses épaules. Lorsque le français avoua qu'il méritait tous ces coups, Gabriella voulut lui hurler que non. T'es vraiment qu'un idiot… Qui mériterait tout cela… ? Le pire des connards, mais l'était-il vraiment ? Tout se chamboulait. Gaby posa une main sur son front. Sa tête commençait aussi à tourner. Tout était si compliqué. Plus compliqué que jamais. Elle regarda la jeune femme s'éloigner. Les voiles de sa robe volant derrière ses pas toujours aussi délicats.
Ils étaient là, tous les trois dans ce fichu jardin. Gabriella ne savait plus où se mettre. Lorsque James posa son regard sur elle, Gaby rougit. Trop honteuse d'être la grande coupable de cette mascarade. Elle espérait que son frère se tienne à carreau jusqu'à ce que l'ambulance arrive. Serait-il préférable qu'il parte ? Cette histoire pourrait lui porter préjudice. Une tension plus que palpable baignait dans l'air. Mais le mannequin brisa le silence. Gabriella… Elle le savait, il faisait exprès de l'appeler ainsi. Mais à quoi la brune s'attendait ? C'était bien elle qui venait de le menacer s'il osait l'appeler par son surnom. Le mannequin s'excusa tout en essayant de se relever. Il était plus que mal en point. Gabriella voulait l'aider, mais elle resta figée à quelques mètres de son frère tout en regardant James droit dans les yeux. Les siens n'arrivaient toujours à déverser ces larmes qui lui nouaient sa gorge. Ses dernières paroles venaient de la poignarder. Oui, Gabriella ne savait pas si elle pourrait lui pardonner. La jeune femme espérait qu'un jour, elle arriverait à comprendre pourquoi il s'était comporté de la sorte.
Le visage du mannequin se décomposa. Comme s'il venait de comprendre tout ce qui venait de se jouer ce soir. Gabriella était inquiète. « Je... Je vais partir. » Quoi ? Il s’éloigna, l'air complètement perdu. La jeune femme le regarda sans rien faire… Sans rien dire. Sous le choc, bien trop accablée. Non, je ne peux pas… Elle devait faire quelque chose. Il comptait partir où comme ça ? Gaby se retourna ver son frère un instant, sans rien dire… Essayant de déchiffrer ce qui pouvait bien se passer dans sa tête. Mais la sœur finit par le prendre dans ses bras. Ne lui laissant comme seul choix d'accepter ses bras autour de son cou. « Je t'aime Jamie… C'est pas le bon moment, ni la meilleure façon de te l'avouer, j'en sais rien et puis je m'en fous…» Elle comprima un peu plus son étreinte, comme si ça pouvait être la première et la dernière. « Tu es mon frère et… Et j'attendrai le temps qu'il faudra pour que tu puisses me pardonner mes erreurs…» La brune le libéra avant de continuer. « Maintenant, je vais tenter de résonner un abruti de service… Tu peux m'en vouloir pour ça aussi… Mais James… C'est... » À vrai dire, elle ne savait pas comment l'exprimer, ni l'expliquer. C'était du grand n'importe quoi et ce depuis toujours. Eux mêmes n'y comprenaient rien alors...« Tu devrais rejoindre Joanne, je m'inquiète pour elle... » Gaby posa un baiser sur sa joue avant de prendre les jupons de sa robe entre ses mains afin de courir vers la sortie. Elle devait le retrouver. La libraire était sûre qu'il était dehors, cherchant à fuir les invités. Vu son état, c'était préférable.
Te voilà… Il était bien là, de dos. À chercher un taxi sûrement. Mais il croyait quoi ? Gabriella ne savait pas ce que James avait prévu, mais elle avait peur qu'il fasse une connerie. D'un pas assuré, elle se précipita sur lui et le bouscula. Ce n'était pas très violent, mais assez pour qu'il puisse comprendre qu'elle était en colère. « Tu comptes aller où comme ça hein ? » Son ton était plus qu'accusateur. « Joanne a téléphoné à une ambulance pour toi et tu vas me faire le plaisir de monter dedans James !.. Regarde dans quel état tu es… » Elle était animée par la peur qu'il soit plus blessé qu'il ne l'était, par l'angoisse de ne plus jamais le revoir et par la rage qu'elle ressentait à son égard. Gaby le bouscula à nouveau avant de continuer. « Tu aurais dû me le dire pour Emma ! J'avais le droit de le savoir moi aussi ! » Sa gorge était encore serrée. Elle était au bord des larmes. « J'aurais pu t'aider James. Merde ! »
Le serveur ne tarde pas plus longtemps avant de retourner à l'intérieur, jetant un dernier regard inquiet vers James et m'adressant un léger sourire. Le mien disparaît dès que le garçon a passé les grandes portes-fenêtre. Ma gorge est serrée, mon estomac noué. Je me refais le film des événements. Je nous revois arriver, nous retrouver, comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je revois le moment précis où tout a basculé, par ma faute. J'ai chaque expression sur chaque visage qui me saute enfin aux yeux. J'essaye de détendre mes mains, et je ressens violemment la douleur dans chacun de mes doigts. Mes phalanges sont rouges, gonflées, tâchées par quelques traces de sang. Pas moyen de les bouger sans grimacer -c'est dire à quel point je n'ai pas retenu mes coups. Me sortant de mes pensées, Hannah est la première à s'avancer vers moi. J'avoue que je ne m'attendais pas à ce genre de paroles de sa part. Son éternel sourire. Non, elle rit même. Elle se croit, comme toujours, volant au-dessus du monde. Je serre les dents, vexé. Je pensais qu'elle serait la première à me tendre une main. Et non à me tourner le dos. J'ai été le dernier des idiots à son sujet. Le plus crédule. A boire ses paroles, croire en elle, en ses promesses. Que j'avais la moindre importance pour elle. Sauf que personne n'a d'importance à ses yeux. Personne ne réussit à avoir justice face au regard de la grande Hannah. Quel idiot. Avant qu'elle ne parte, un rictus en coin, j'hausse les épaules. « La distraction est terminée, alors. » dis-je tout bas. Autant pour elle que pour moi. Je ne suis sûrement plus assez intéressant à ses yeux désormais. Alors elle s'en va. Joanne ne tarde pas à passer à côté de nous et filer comme une ombre, elle aussi. Le regard triste, je me contente de la regarder partir sans chercher à l'arrêter. A vrai dire, je me sens particulièrement vide. Je devine des échos de peine, résonnant timidement dans ma cage thoracique, mais rien qui ne soit réellement capable d'arracher une expression à mon visage. L'écho devient de plus en plus distinct. Oui, elle aussi, elle s'en va. Il n'y a rien à faire de moi, rien à récupérer. Elle doit être si déçue… Si blessée par tout ceci. Par ma faute. Encore. Je soupire. Elle fait bien de partir, de ne pas essayer d'en supporter plus. J'entends James prononcer mon nom. Sans complètement lui faire face, je tourne assez ma tête pour pouvoir le regarder en train de se relever en formulant des excuses. Puis-je lui pardonner ? Vu les coups qu'il a encaissé, je dirais que oui. Que toute ma rancoeur et ma colère contre lui sont passés par mes poings, se sont écrasés sur sa figure, et que désormais, j'en suis dénué. Il ne reste que les échos de tristesse. « James. » dis-je pour avoir son attention tandis qu'il passe près de moi, avant de partir. « Je regrette. » Je ne vais pas demander son pardon. Sur le moment, cela ne me traverse pas l'esprit. Il l'a mérité, il l'a dit lui-même. Mais peut-être pas autant. Pas de cette manière. Je regrette la tournure des événements, les coups, mais pas le fond. Il quitte le jardin à son tour, nous laissant Gabriella et moi parfaitement démunis et perdus. Ma sœur se tourne vers moi, et sans que je m'y attende, me prends dans ses bras. Ce contact, ses paroles, me fendent le coeur. Je sens, soudainement, l'immense flux de tristesse et de remords m'envahir par vagues, me faisant légèrement trembler à chaque assaut. Mes bras viennent entourer le corps de Gabriella et la serrer fortement contre moi, logeant mon visage près de son cou. « Je t'aime aussi... » je murmure, la gorge si serrée que je ne sais pas si les sons ont réellement traversé mes lèvres. Au final, c'est la personne dont je n'attendais plus rien qui trouve les mots pour me faire redescendre sur terre. Si cela ne tenait qu'à moi, je la garderais ainsi des heures. Mais elle veut rattraper James. « Je comprends... Vas-y. » Je suis bien placé pour savoir que l'amour n'a vraiment aucune raison. Qu'il n'y a rien à comprendre. Et puis, elle a raison ; je dois retrouver Joanne. Difficilement, je remets en marche mes jambes de plomb. A l'intérieur, je croise un serveur qui m'explique que la jeune femme est partie à pied, laissant son manteau derrière elle. Je récupère ses affaires ainsi que les clés de la voiture, et file rapidement par la route que, j'espère, elle a emprunté. Roulant au pas, je guette sa silhouette à chaque coin de rue. Mais une petite blonde en robe de cocktail n'est pas bien difficile à repérer dans les parages. Arrivé à son niveau, j'abaisse la vitre côté passager. « Joanne ! » Je l'appelle jusqu'à ce qu'elle s'arrête. Cherchant son regard à travers la portière, je finis par me pencher pour ouvrir celle-ci. « Monte, s'il te plaît. » Je la conduirais chez Sophia, dans son ancien appartement, si elle le souhaite. Qu'importe, tant qu'elle ne reste pas ainsi seule dans la rue après tous ces événements. Dans le rétroviseur, je devine les lumières de l'ambulance qui quitte l'hôtel et ne tarde pas à passer près de moi, espérant que James se trouve dedans.
Assis dans l'herbe, adossé au mur contre lequel me plaquait il y a encore quelques minutes, je fixe le ciel avec fascination. Tout est si calme d'un coup, l'ambiance est complètement différente. Hannah est partie, Joanne n'a pas tardé à la suivre. Je suis trop loin pour entendre les mots qu'elles ont pu échanger avec Jamie, j'espère seulement que ce n'est rien de grave. L'anglais a beau m'avoir amoché, c'est pour lui que je m'inquiète. Les coups, je les ai mérités. Et j'espère que les femmes le comprendront, qu'elles ne feront pas porter toute la faute sur le brun. Au final, je m'inquiète plus pour les autres que pour moi-même. Hannah semblait avoir été blessée par ses mots, et Joanne je la connais assez pour savoir que ça la détruit de voir Jamie retomber dans ses travers. Je me sens tellement fautif de causer cela à leur couple, comme s'ils n'en avaient pas déjà assez vu... Et Gabriella, c'est la seule dont je n'arrive pas à savoir ce qu'elle pense. En veut-elle à Jamie ou lui pardonne-t-elle ? M'en veut-elle encore ? Ou bien a-t-elle pitié pour moi ? Je ne le sais pas, et je ne préfère rien imaginer. Mais en tout cas, c'est la seule qui reste avec nous. Silencieuse, mais présente. Je ne les regarde pas, ni elle ni Jamie. Toute mon attention est portée vers l'immensité au dessus de nous. J'y trouve un certain apaisement, et au moins je peux fumer ma clope en paix. Mais plus les secondes passent, plus mon visage me fait mal. Jamie n'y a vraiment pas été de main morte, j'ai peur de voir à quoi je ressemble. Lentement, je porte une de mes mains vers mon visage. Lèvre ouverte, pommette abîmée, œil gonflé... je ne dois pas être très beau à regarder. Mais bon, c'est la vie. Heureusement que je n'ai pas un shooting photos de prévu dans l'immédiat, ni un tournage ou quoique ce soit. Je vais pouvoir rester chez moi et attendre que tout cela se remette en place, tout simplement. En tout cas, sacrée soirée. Je n'aurais jamais pensé que cela se passerait ainsi en venant. Croiser Joanne, Jamie, Hannah et Gabriella au même endroit... Le destin vient vraiment de me jouer un sacré coup. Car oui, je crois au destin. Depuis toujours. Et j'ai l'impression qu'il a voulu me faire comprendre à quel point j'ai merdé ces dernières semaines, ces derniers mois même. Tout m'a littéralement explosé à la figure ce soir, tout. Mais au moins à présent, je n'ai plus rien à cacher ni à éviter. Mon ardoise est effacée, je peux repartir à zéro. Feront-ils encore partie de ma vie demain ? Je ne peux l'affirmer avec certitude. Mais je l'espère, profondément. J'ai beau leur avoir fait du mal, les avoir déçus, les avoir trahis, ce sont les personnes les plus proches que j'ai. Mes amis les plus intimes, je ne suis rien sans eux. Alors j'espère qu'ils trouveront la force de me pardonner, de me donner une seconde chance. Voir même une troisième pour certains. Finalement, je termine ma cigarette et en jette le mégot plus loin dans l'herbe. L'heure est venue de tirer ma révérence, de quitter la scène. J'ai eu mon lot d'émotions pour ce soir, j'ai hâte de retrouver mon lit. Même si j'imagine que je vais plutôt passer ma nuit à l'hôpital. M'enfin, se sera toujours mieux qu'ici, par terre.
Difficilement, je parviens à me dresser sur mes jambes. Ma tête tourne, mon visage me pique ; ça va être plus difficile que prévu. Mes yeux quittent le ciel pour se poser alternativement sur Jamie et Gabriella. Je prends alors la parole, pour m'excuser. Mais je ne demande pas pardon, je ne pense pas le mériter. Pas ce soir du moins, c'est beaucoup trop tôt. Mais c'est important pour moi qu'ils sachent à quel point je regrette tout ce qu'il s'est passé. Les événements de ce soir d'abord, mais aussi d'autres qui les concernent plus personnellement. D'abord mon baiser à Joanne, j'espère que Jamie finira par me le pardonner. Concernant Gabriella... elle sait très bien ce que je regrette. Mais là, je ne pense pas qu'elle pourra l'oublier un jour. Malheureusement... Lorsque je termine de parler, toute la misère du monde s'abat sur mes épaules. Je comprends que je suis sur une pente glissante, que je suis en train de tout perdre si ce n'est déjà fait. Hannah, Joanne, Jamie, Gabriella... Comment ai-je pu être aussi stupide ? Je n'arrive vraiment pas à comprendre comment j'ai pu autant me tromper sur toute la ligne, accumulant les mauvaises décisions. Mais je là à cet instant, et je l'assume. Difficilement certes, mais quand même. Et je me relèverai, j'ai déjà connu pire. Mon avancée en direction de la sorite est interrompue par Jamie qui prononce mon prénom. Je m'arrête à quelques mètres de lui, et tourne légèrement la tête pour tendre l'oreille. Il regrette. Un léger sourire apparaît sur mon visage, tout n'est pas perdu. Je le salue d'un signe de la main, et poursuis ma route. Merci Jamie.
Le pas lourd, je traverse la salle avec beaucoup de difficultés. Evidemment, les regards se tournent vers moi et je prie pour qu'aucun photographe ne se trouve dans les parages. Il ne manquerait plus que je fasse la une d'un magazine. Une fois dehors, je m'appuie quelques secondes contre un poteau pour reprendre des forces. Je suis tellement sonné par les coups que j'en ai du mal à marcher droit, c'est dingue. Plus les secondes passent, plus mon visage me fait mal. Je sens que la nuit va être horrible. Du regard, je cherche un taxi qui passerait par là. Il faut que j'en choppe un au plus vite. Je suis interrompu dans ma recherche par une personne qui me bouscule. Me retournant, je tombe nez à nez avec Gabriella. Mais que me veut-elle ? J'essaye de prendre un taxi, pour aller à l'hôpital. je réponds à sa question, trop fatigué pour faire autre chose. Quand elle me parle de Joanne, de l'ambulance et de mon état, je soupire doucement. Je veux juste y aller sans monter dans une ambulance, afin d'éviter d'attirer trop l'attention. Mais c'est trop tard, des flash se font entendre et je tourne la tête de l'autre côté pour ne pas être pris plus que ça en photo. Super... C'était peut-être une mauvaise idée de traverser la salle de réception dans mon état. La libraire me bouscule à nouveau, me parlant cette fois d'Emma. Encore une erreur de ma part... je me demande ça en fait combien à mon actif. répondis-je avec nonchalance. Je ne compte plus mes erreurs, j'en ai trop faites. Tu n'aurais rien pu faire Gabriella, personne ne le peut. Ma voix est presque inaudible, je suis complètement défaitiste quand on aborde ce sujet, pour ne pas dire abattu. Finalement, les sirènes de l'ambulance nous interrompent. Elles se garent non loin et je fais signe aux ambulanciers que c'est pour moi qu'ils sont là. Avant de me diriger vers eux, je me tourne vers l'anglaise pour la regarder une dernière fois. Au revoir, Gabriella. Et je m'éloigne d'elle, pour monter dans l'ambulance. Celle-ci m'emmènera à l'hôpital, où je serai pris en charge par le docteur de Joanne. Celui-ci décidera de me garder en observation toute la nuit, pour vérifier qu'il n'y a rien de plus grave. Car tous les coups ont été portés au visage, et c'est toujours dangereux pour le cerveau quand la tête est touchée. Allongé dans mon lit d'hôpital, je ne trouve presque pas le sommeil cette nuit-là, ressassant sans cesse toutes les erreurs commises et les événements de la soirée. Ce soir, nous sommes chacun partis de notre côté, empruntant des chemins différents. Le mien semble être celui qui s'éloigne le plus des leurs, mais cela ne m'empêche pas d'espérer qu'ils se recroisent à nouveau.