So how's it being a prisoner of your own illusion ? Up on a pedestal reveling in your own confusion. I see you hide behind your alter or your constitution but you can't live forever in your own echo chamber
J’ai rencontré Nathan une première fois. C’était stressant et angoissant parce que je ne savais pas ce qu’il pensait de moi et surtout pourquoi il avait changé d’avis en si peu de temps. Mais la rencontre s’est globalement bien déroulée si on en oublie certaines réflexions de sa part et malgré les conseils d’Alex qui étaient plutôt bon je n’ai pas encore osé prendre mon téléphone pour l’appeler et lui proposer une deuxième rencontre. J’ai peur qu’il se sente intrusé, qu’il n’ait pas apprécié le moment de la même manière que moi. Ce n’est pas un garçon très joyeux de ce que j’ai pu en voir. Je ne l’ai pas vu sourire, pas entendu rire, il ne parle pas beaucoup et semblait sur la retenue et surtout l’analyse. Personne ne peut lui en vouloir, c’est un petit garçon de dix ans qui est malade presque depuis sa naissance et qui n’a jamais été adopté. Certainement à cause de sa maladie, adopter un enfant qui a une épée de Damoclès au-dessus de la tête ne doit rien avoir de très attrayant pour les parents en demande d’adoption. Il n’a jamais connu l’amour des parents, leur protection, il n’a personne pour le rassurer personne pour lui dire que tout se passera bien. Il m’a semblé perdu et complètement désespéré. C’est triste, parce qu’il n’a que dix ans et que grâce à la greffe et aux premiers résultats qui sont rassurants je pense pouvoir dire qu’il a encore de nombreuses années à vivre et j’espère sincèrement qu’il finira par trouver le bonheur et l’apaisement.
Aujourd’hui j’ai promis à Alex de me libérer ce soir et de ne pas assurer les deux services de la journée pour pouvoir passer la soirée avec elle. Au restaurant c’est un samedi midi comme un autre, comme tous les jours maintenant il y a beaucoup de monde et nous n’avons pas le temps de respirer deux minutes pendant le service. La salle ne désemplie pas, les clients terminent leur repas, libèrent leur table qui est prise d’emblée cinq minutes plus tard par d’autres personnes. L’après service n’est pas beaucoup plus reposant puisqu’il y a tout le nettoyage de la cuisine à faire et je rejoins mon bureau pour une heure à gérer tout le côté administratif qui ne m’enchante pas vraiment. Mais c’est obligatoire et il est hors de question que je délègue cette partie à quiconque. Quand je rentre chez nous les filles sont réveillées de leur sieste et après m’être posé une petite heure sur la terrasse avec Alex nous décidons d’emmener Lucy et Lena au parc. Cette nouvelle semble les ravir, elles sourient et sont toute excitées quand on les prépare pour sortir. Même Lucy n’arrête pas de s’agiter et ça, croyez-moi c’est assez rare pour être souligné. Il fait encore bon dehors mais le temps est bien moins lourd et plus agréable que cet été. Elles sont adorables, mes filles, avec leur petit chapeau posé avec soin sur leur tête pour ne pas qu’elles attrapent chaud et c’est sur la route pour aller vers le parc le plus proche de la maison que mon téléphone sonne. Je reconnais ma sœur à l’autre bout du fil qui ne semble pas être en très bonne forme et quand elle me demande d’aller la chercher au commissariat je comprends mieux pourquoi. Je soupire et si j’aurais préféré rester avec ma femme et mes filles, ma sœur a besoin de moi alors « je suis désolé bébé, mais c’est important… je me pince les lèvres et arrête de marcher quelques secondes. c’était Prim, elle est au commissariat. Il faut que j’aille la chercher, elle a besoin de moi. » Je ne sais pas pourquoi elle se retrouve là-bas mais avant de me poser toutes ces questions je me penche vers la poussette pour embrasser mes filles et j’en fais de même avec ma femme avant de la laisser seule avec Lucy et Lena.
Je fais au plus vite en sachant pas vraiment ce que Prim a bien pu faire pour se retrouver au poste de police, j’ai peur qu’elle ait été victime d’une quelconque agression et c’est avec tout un tas de scénarios tous aussi catastrophiques les uns que les autres que je pousse la porte du commissariat. « Bonjour, excusez-moi. Ma sœur m’a appelé. Primrose Anderson. Je peux la voir ? » C’est avec une certaine appréhension que je suis le policier m’emmener vers Prim qui est installée dans un bureau avec un de ses collègues. « Ça va ? Qu’est-ce qu’il se passe ? On t’a fait du mal ? » je m’approche vers ma sœur, je la détaille du regard et mis à part le fait qu’elle ne semble pas au meilleur de sa forme psychologique, je ne vois rien d’autre qui puisse réellement m’inquiéter.
Elle était si belle. Personne ne peut comprendre à quel point j’avais envie de la posséder. De me parader avec, de profiter de sa texture légère sur moi, de sa jolie dorure qui aurait pris tous les éclats du soleil alors que je me serai affichée avec, le menton et le buste redressés. Elle me faisait du grain. Elle m’appelait. Cette robe chez Ralph Lauren était splendide. J’aurai presque pu en pleurer si je ne l’avais pas. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe alors que je suis toute recroquevillée sur une des chaises bancales du commissariat. Je sens la culpabilité sur mes épaules, celle de s'être faite prendre, et cela même au-delà de l’alcool qui peut se faire sentir de mon haleine. J’ai peut-être eu un apéro chargé à midi, que j’ai fait prolonger un peu tard dans l’après-midi. J’ai une faiblesse pour le vin, ce n’est pas de ma faute. Le shopping m’a semblé être une bonne idée - mais quand on a quasiment rien sur le compte pour le faire, c’est déjà plus compliqué. Evidemment que je suis allée au Queens Mall. J’ai déboulé au milieu des boutiques Chanel et Tiffany’s. J’ai bavé, j’ai envié, j’ai serré la mâchoire. Mes nerfs sont à fleur de peau par l’éthanol et j’ai sûrement un peu pleuré. Réalisé que je faisais marche arrière avec ce que je faisais actuellement - je vends de nouveau mon corps contre des billets, après tout. Il n’y a aucun progrès ni aucune victoire là-dedans. Tout l’estime que j’ai pu accumuler l’an dernier de moi-même s’évapore un peu plus à chaque fois que je passe le seuil discret du BB8. C’est en regardant les bagues de mariage chez Tiffany’s que je me suis sentie incroyablement seule. Un jour, j’aimerai qu’on me passe une de ces bagues au doigt. J’ai tellement cru que Tim allait être cet homme… Mais soyons honnête, ce n’est pas lui qui m’aurait comblé financièrement. Avec le recul, je me demande si j’aurai été heureuse sur la longue durée. Je n’ai même pas trente ans et me retrouver déjà belle-mère m’a foutu le vertige plus d’une fois.
Inutile de cogiter sur le passé, même si celui-ci fut une parenthèse heureuse de ma vie. Il n’y a plus rien d’heureux, à présent. Encore moins alors que je me retrouve à être jugée et traitée comme une vulgaire criminelle. Je n’ai rien d’une criminelle. Oui, j’ai essayé cette robe et j’ai voulu sortir avec. Pour voir les couleurs du soleil dessus. Mais quand le montant fait trois chiffres, on s’affole. On ramène la cavalerie et on me traite comme une malpropre après m’avoir proposé du champagne. Je passe ma main contre mon front en soupirant. On m’a proposé de contacter quelqu’un. Je n’ai pas franchement beaucoup réfléchi. Mon frère est toujours mon choix standard. J’aurai pu mieux choisir pour qu’on vienne me chercher - mais si y’a quelqu’un qui peut payer quelque chose, c’est bien lui. Caleb aurait pu acheter cette foutue robe. Je bredouille au téléphone, je ne sais même pas si je suis très claire mais le message principal est passé - oksour, j’suis chez les flics. J’ai demandé un verre d’eau parce que ma bouche devient sèche et pâteuse. J’ai osé demander un cachet contre le mal de crâne qui commence à percer mais on m’a dit que c’était le commissariat ici, et non l’hôpital. On me fait répéter les faits encore et encore - je finis même par m’entendre dire “vous interrogez les tueurs et les violeurs avec la même discipline, j’espère”. Un toupet que je n’aurai pas osé si je n’étais pas aussi blasée et fatiguée, et enivrée. J’ai beau leur répéter que c’est un malentendu, ils ne veulent rien savoir, rien comprendre. J’ai de la chance, ceci dit ; j’évite la cellule. Sûrement parce que mon frère arrive, le preux chevalier qu’il peut être et mes yeux sont d’une reconnaissance éternelle quand je les pose sur lui. Mon grand frère est là, il a abandonné femme et enfants pour moi, je me sens tout de suite un peu moins seule. « Ça va ? Qu’est-ce qu’il se passe ? On t’a fait du mal ? » Je regarde les policiers avant de déposer mes yeux sur Caleb. "Ça va. C’est juste un malentendu.” Ce que j’essaie de leur dire depuis des heures. “Je n’appellerai pas une tentative de vol et un état d’ébriété dépassant la limite autorisée comme un malentendu, mademoiselle.” Je souffle en guise de réponse, ma main allant frotter mon front et mes yeux. “C’était pas un vol.” Je suis fatiguée de répéter la même chose. Je repose mon attention sur Caleb, le visage suppliant. “Je te jure que c’était pas un vol.” C’est mon frère, il va me croire, lui, n’est-ce pas ? Il est obligé, après tout. Il est de ma famille. Il n’a pas d’autres choix que de me croire.
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Ma sœur m’attend au commissariat et l’appel que j’ai reçu de sa part en me demandant de venir la chercher n’avait rien de rassurant. Le ton de sa voix n’était pas assuré bien au contraire et me voilà en train de m’imaginer tout un tas de scénarios différents alors que j’ai laissé en plan ma femme et mes filles pour rejoindre Primrose qui m’attend dans les locaux de la police. Je l’imagine en victime, bien évidemment et pas une seule seconde il me vient à l’esprit la possibilité qu’elle se soit fait arrêtée pour ne pas avoir respecté la loi. Prim n’est pas ce genre de personne, elle est respectueuse des autres et de tout ce qui l’entoure et j’ai même bien peur que des personnes malveillantes aient pu profiter de sa gentillesse aujourd’hui. Je fais au plus vite sur la route, je prends même un taxi me disant que le trajet sera bien plus rapide en voiture. C’est peut-être bête mais dès que je m’installe dans la voiture je sens une certaine appréhension monter et comme à chaque fois que je me sens stressé ce sont sur mes ongles que je me rabats, ainsi que ma jambe que je fais trembler nerveusement. Si Alex avait été là elle aurait certainement posé sa main sur ma cuisse en me demandant d’une voix calme et rassurante de me calmer. Sauf qu’Alex n’est pas là, je l’ai laissé derrière moi dans les rues de Spring Hill pour passer la fin d’après-midi au parc avec nos filles.
Je remercie le chauffeur de taxi et lui donne un pourboire avant de descendre de la voiture sans perdre une minute de plus. On ne me fait pas attendre très longtemps et bien heureusement parce que je ne suis pas sûr que mon cœur aurait pu supporter une attente trop longue. Au moins Prim n’est pas derrière les barreaux, ce qui me confirme sur l’idée que je me suis faite depuis le début ; quelqu’un a dû lui faire du mal. Elle est dans un bureau accompagnée de deux policiers et la première chose qui me frappe quand je regarde ma sœur c’est son état de fatigue important qui se lit sur son visage. "Ça va. C’est juste un malentendu.” Mes sourcils se froncent légèrement. Un malentendu ? Je prends place à côté de ma sœur et la regarde un long moment ne comprenant pas vraiment ce qu’elle entend par-là mais quand l’un des policiers prend la parole mon regard se retourne pour se poser sur son coéquipier et lui. “Je n’appellerai pas une tentative de vol et un état d’ébriété dépassant la limite autorisée comme un malentendu, mademoiselle.” J’ai l’impression de me prendre une claque en pleine face. Tentative de vol ? État d’ébriété ? De nouveau c’est ma sœur que je regarde et je pense qu’il me faut quelques secondes pour réaliser la signification des mots du policier. Elle n’est pas une victime aujourd’hui mais bien et bien celle qui a commis une infraction. J’ouvre la bouche pour dire quelque chose mais finalement rien n’en ressort alors je me rétracte. Prim n’est pas une voleuse, je n’en doute pas une seule seconde mais ayant vu Alex de nombreuses – beaucoup trop nombreuses – fois avec trop d’alcool dans le sang je remarque en effet certains signes chez ma sœur qui ne trompent pas. “C’était pas un vol.” J’ai l’impression que son visage me supplie presque de la croire. “Je te jure que c’était pas un vol.” Je la regarde dans les yeux un long moment. « Je te crois. » Je lui assure. Et c’est la vérité. Jamais ma sœur ne pourrait voler quelque chose, ça ne fait pas partie de ses valeurs et ce n’est clairement pas comme ça que nos parents nous ont élevés. Les paumes de mes mains frottent contre mes cuisses et ce sont les policiers que je regarde pour leur adresser la parole pour la première fois. « Je connais ma sœur et elle ne pourrait jamais voler quelque chose. C’est certainement quelqu’un qui a dû glisser quelque chose dans ce sac. » Quelque chose ? Mais quoi exactement ? Je ne sais même pas ce qu’on lui accuse d’avoir essayé de voler mais me voilà de nouveau à voir ma sœur comme une victime. “La sécurité l’a interpellée alors que votre sœur essayait de sortir du magasin avec une robe qu’elle n’avait même pas payé. ” Oh. Donc il ne s’agit pas d’un bracelet qui aurait été retrouvé dans son sac, non, Prim a essayé de sortir avec une robe d’un magasin. Je reste complètement bloqué ne sachant même pas quoi dire pour la défense de ma sœur. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » que je demande à Prim dans un murmure, refusant catégoriquement de lui faire le moindre reproche avant d’avoir sa propre version des faits.
Je voulais seulement l’essayer. Une simple petite robe à la dorure si parfaite que j’ai été bluffée. Personne ne peut comprendre ce que je peux ressentir quand mes yeux se posent sur une telle merveille. Je me suis sentie appelée, subjuguée. Elle s’adressait à moi comme une vile petite sirène à l’apparence attirante alors que j’aurai pu sentir ses griffes rentrer dans ma chair. La robe m’a trahi, elle a insinué du poison en moi et me voilà non pas dans cette étoffe si jolie, si magnifique mais dans de sales draps à l’odeur de pisse et d’humidité. Les locaux du commissariat auraient bien besoin d’une nouvelle jeunesse. J’ignore comment ils font pour se réveiller tous les matins en pensant que c’est l’endroit parfait pour travailler. J’aurai déjà démissionné depuis longtemps. Je ne suis pas là en tant que bourreau mais en tant que victime, ceci dit. Je ne suis qu’une pauvre victime d’une attrayante petite chose qui m’a foutu un coup de poignard dans le dos. Voilà ce qu’il s’est passé. « Je te crois. » Et Caleb me croit. Je relâche mes épaules et ma respiration, mes yeux allant se perdre dans le vide en face de moi alors que mes mains commencent à se tripoter nerveusement entre eux. Mon corps est nerveux alors que mon esprit peste. Je ne suis pas une criminelle. Je n’ai rien fait de mal. Pourquoi est-ce qu’il faut toujours qu’il m’arrive des trucs absurdes ? Est-ce que ça va me coûter ma place à la Fondation ? Au Cherrybomb ? Et l’opinion de mon frère ? Est-ce qu’il va s’inquiéter ? M’engueuler ? Me juger silencieusement ? Oh Caleb serait capable de me disputer en silence. Ses yeux parlent pour lui. Tout comme les miens qui tentent d’être moins hagard mais plus suppliant. J’en viens à appeler toutes les forces autour de moi. Moi et ma chance, il faut dire.
« Je connais ma sœur et elle ne pourrait jamais voler quelque chose. C’est certainement quelqu’un qui a dû glisser quelque chose dans ce sac. » Ma tête se baisse un peu plus, je coupe contact visuel avec tout le monde. Mes épaules continuent de s’affaisser et je me refrogne un peu plus sur mon siège. J'aimerais disparaître. J’ai le tournis, j’ai la bouche sèche et je commence à fatiguer. Les nerfs ne sont pas loin de lâcher. Si je pouvais me transformer en petite souris pour m’enfuir ou si l’univers veut creuser un trou pour m’engloutir, c’est maintenant ou jamais. “La sécurité l’a interpellée alors que votre sœur essayait de sortir du magasin avec une robe qu’elle n’avait même pas payé.” Je ferme les yeux en secouant la tête. C’est absurde. Je ne suis pas d’accord. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Quelques secondes filent avant que je redresse la tête pour voir Caleb tourné vers moi. Oh, c’est à moi qu’il s’adresse. Je mords ma lèvre en continuant à jouer avec mes doigts entre eux. “J’ai… Je voulais juste voir la robe à la lumière du jour.” Je bredouille comme une enfant prise sur une bêtise - ce qui est le cas pour eux et pour l’attitude de mon corps, mais pas pour mon esprit qui continue à crier que ce n’était pas un vol. “Elle est si jolie mais les cabines ne mettent pas en valeur les tissus et je… Je cherchais pas à la voler.” Puis je tourne ma tête vers les officiers. “La preuve, je n’avais même pas mon sac sur moi.” Et ça, c’est une belle défense. J’ai tout dans mon sac - et Caleb sait à quel point je tiens à mes sacs. Même le portefeuille à l’intérieur m’a coûté une petite fortune. “Ni mes vêtements.” Que j’ai dû laisser dans la cabine. Et ça aussi, je ne les aurai pas laissé derrière moi. Je ne suis pas idiote. Les officiers se regardent avant que l’un d’entre eux soupire. “Ecoutez, mademoiselle, le fait est que vous êtes sortie de ce magasin avec la tenue sur vous. Il paraît aussi que vous avez été désobligeante avec le personnel quand ils vous ont intercepté.” Je fronce des sourcils. “Je tentais de me défendre! On me traite comme une vulgaire criminelle alors que je n’ai rien fait de mal!” Je commence à m’insurger de nouveau, l’alcool me donnant ce boost incroyable pour continuer à ma propre défense, mais les larmes commencent aussi à perler hors de mes yeux. Alors je baisse de nouveau la tête en passant une main sur mon visage. “Tout ce qu’on veut, c’est passer à autre chose. Je pense qu’il faudra éviter de retourner dans ce magasin dans un futur proche. Si monsieur veut bien payer la caution, vous serez libre de partir. J’espère que nous n’aurons pas affaire à vous de nouveau.” Cela sonne comme un avertissement. Une menace même. Je me sens tellement humiliée.
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Jamais je n’aurais cru être appelé par ma sœur en direct du commissariat de police pour aller la chercher. Encore moins lorsque j’apprends qu’elle n’a pas été la victime d’une quelconque agression mais bel et bien qu’elle est accusée de vol par un magasin, et quand elle répète aux policiers que tout cela n’est qu’un mal entendu et qu’elle n’a jamais essayé d’embarquer quoi que ce soit sans payer je la crois assez rapidement. Je la connais, Primrose, bien mieux que ces deux officiers qui ont fait sa connaissance il y a quelques heures et pas dans les meilleures circonstances possibles. Elle aurait apparemment essayé de sortir à l’extérieur du magasin avec ladite robe sur le dos, ce que je trouve assez étrange mais je m’efforce de ne pas faire de conclusion hâtive avant d’avoir eu une véritable explication venant de ma sœur. “J’ai… Je voulais juste voir la robe à la lumière du jour.” Je me pince les lèvres tout en écoutant la première partie de son explication. Elle voulait voir la robe à la lumière du jour oui, et ? Il est assez étrange d’aller dehors avec un article non payé sans l’autorisation du personnel travaillant dans ce magasin. Mais je connais assez ma sœur pour savoir que si elle a des défauts, celui de voler n’en fait pas parti. “Elle est si jolie mais les cabines ne mettent pas en valeur les tissus et je… Je cherchais pas à la voler. La preuve, je n’avais même pas mon sac sur moi.” Je sais que Prim tient à son sac et surtout à tout ce qui s’y trouve à l’intérieur. Comme la plupart des femmes, je sais qu’Alex est pareil sur ce point. Alors il me semble tout de même assez logique qu’elle n’aurait jamais eu l’idée de partir en laissant toutes ses affaires derrière elle et ça, juste pour une robe – aussi jolie soit-elle. “Ni mes vêtements.” Il en va de même pour ses vêtements. Je la regarde me mordant cette fois l’intérieur de la joue. J’entends ses explications qui me semblent assez convaincantes pour que je puisse croire au fait qu’elle n’ait pas réellement eu l’envie de voler cette robe. “Ecoutez, mademoiselle, le fait est que vous êtes sortie de ce magasin avec la tenue sur vous. Il paraît aussi que vous avez été désobligeante avec le personnel quand ils vous ont intercepté.” Ils ont dû la braquer et je suis presque sûr qu’elle a vite dû se sentir persécutée par leurs propos, surtout s’ils ont tout de suite sous-entendu que ma sœur est une voleuse. Son image a toujours été importante pour elle. De plus, n’oublions pas que les officiers ont tous les deux parlé d’état d’ébriété, alors je doute que l’alcool ne l’ait aidé à garder son calme. “Je tentais de me défendre! On me traite comme une vulgaire criminelle alors que je n’ai rien fait de mal!” Le ton monte de son côté et encore une fois, je suis à peu près sûr que l’alcool n’y est pas pour rien. J’en viens à me demander si c’est régulier pour elle d’avoir une trop grande quantité d’alcool dans le sang alors que l’heure de l’apéritif n’est même pas encore arrivée. La seule personne que je connais pour laquelle c’était le cas, c’est Alex, et elle avait un problème d’alcool à ce moment-là et a dû partir pendant plusieurs semaines en cure de désintoxication. Mais pour Prim, on en est pas encore là. Enfin je l’espère. « Tout ça n’est qu’un gros malentendu. Ce qu’a fait ma sœur n’est affectivement pas correct mais elle n’avait pas de mauvaises intentions en tête. Elle a juste été un peu maladroite dans sa manière d’agir, c’est tout. » Et également dans les mots et le ton employé au personnel qui l’a intercepté, apparemment. Mes yeux se posent sur ma sœur quelques secondes et je remarque des larmes couler le long de ses joues, ce qui me met mal à l’aise et la voir dans cet état me rend vraiment triste. “Tout ce qu’on veut, c’est passer à autre chose. Je pense qu’il faudra éviter de retourner dans ce magasin dans un futur proche. Si monsieur veut bien payer la caution, vous serez libre de partir. J’espère que nous n’aurons pas affaire à vous de nouveau. ” La caution. Bien sûr qu’ils veulent que je paie la caution et bien entendu que je vais le faire, quel que soit le prix qu’ils me demandent je veux sortir ma sœur de cette situation. Je soupire doucement frottant les paumes de mes mains contre mes cuisses. « Oui oui, je vais payer. » Je leur assure, et c’est surtout pour rassurer Primrose que je réponds aussi rapidement. Les deux policiers se lèvent. “D’accord, très bien. Nous allons chercher la déposition pour que vous puissiez la signer mademoiselle. ” Ce sont sur ces mots qu’ils quittent la pièce nous laissant ainsi seuls ma sœur et moi. Je renifle, je balaie la pièce du regard m’attardant rapidement sur l’horloge au milieu de la pièce. Le silence s’installe entre nous et si habituellement ce n’est pas quelque chose qui me dérange, je sens que je dois dire quelque chose pour briser la glace et autant dire que je n’ai jamais été très doué pour ça. Je préfère en général laisser Alex se charger de ce genre de chose, elle est bien plus douée pour ça. « Comment tu te sens ? » Me semble être un premier pas assez important.
J’ai la tête qui tourne alors que j’enchaîne les verres d’eau que l’on m’amène. J’ai l’impression de ne pas réussir à me déshydrater, ma bouche et ma gorge restent aussi pâteuses que sèches ; je me dégoûte moi-même. Autant que je suis dégoûtée d’être prise comme une vulgaire criminelle alors que je continue à beugler mon innocence d’une façon un peu agressive. Ce qui ne me ressemble pas beaucoup car il est rare que je le sois ; je peux l’être, oui, mais silencieusement. Je suis en train de traiter ces flics d’enfoirés et de connards mais ça reste dans ma cabosse car je sais que ça ne m’apportera rien de bon. Mais je ne peux pas passer pour une criminelle, une vulgaire voleuse. Moi qui paie toujours mes dettes, qui me saigne pour justement atteindre ce niveau de vie que je prétends avoir, je suis absolument outrée que l’on puisse me mettre dans une telle case. Ma vision des choses est aussi obscurcie par l’alcool ingurgitée mais j’ai au moins le mérite de me tenir droite dans mes pompes. Plus je parle, plus je me trouve cohérente. Je n’ai rien volé, j’ai même tout laissé dans la cabine et, à défaut de dieu, Caleb sait très bien à quel point je tiens à toutes mes affaires. Si je suis indignée, c’est de leur façon de se comporter avec moi et de me juger pour une simple petite erreur de jugement. Un quiproquo qui prend des proportions bien trop importantes. « Tout ça n’est qu’un gros malentendu. Ce qu’a fait ma sœur n’est effectivement pas correct mais elle n’avait pas de mauvaises intentions en tête. Elle a juste été un peu maladroite dans sa manière d’agir, c’est tout. » Voilà. Bien joué, Caleb. Je nettoies les larmes sur mes joues en sniffant légèrement quand je percute qu’on peut me voir - je n’aime pas pleurer en public, que ce soit des inconnus ou non. Une question de pudeur ou de fierté, un mélange des deux. Je veux me montrer forte et ne pas les laisser m’abattre et je pense naïvement que des larmes vont à l’encontre de cette image. En tout cas, mon frère a très bien résumé les choses et je prie pour que l’on entende et comprenne ses paroles ; si lui a réussi à capter les choses en cinq minutes, pourquoi les flics n’y arrivent pas alors que ça fait des plombes que je tente de le leur faire comprendre.
“Tout ce qu’on veut, c’est passer à autre chose. Je pense qu’il faudra éviter de retourner dans ce magasin dans un futur proche. Si monsieur veut bien payer la caution, vous serez libre de partir. J’espère que nous n’aurons pas affaire à vous de nouveau.” Je me renfrogne car c’est une sentence complètement injuste et absurde. Je n’y ai rien fait de mal, bordel. Il faut toujours que l’on me punisse, je ne comprends pas ; mon karma a dû être maudit par une vilaine sorcière à ma naissance, je ne vois pas d’explication cohérente. « Oui oui, je vais payer. » Je fais une moue vers Caleb. “T’es pas obligé.” Que je lui chuchote en essayant d’être discrète. Pourtant, si je l’ai appelé, c’est bien pour cela, non ? Caleb n’est pas à quelques dollars près, lui. Mais je me sens coupable quand même de l’avoir entraîné dans cette affaire. “D’accord, très bien. Nous allons chercher la déposition pour que vous puissiez la signer mademoiselle.” Je souffle mais je hoche la tête car je comprends, au milieu des bulles de mon cerveau, que la fin est proche. Je regarde mes mains se torturer alors que le silence s’impose dans la pièce. Rien d’inhabituel entre mon frère et moi. « Comment tu te sens ? » Alors quand il parle, je suis un peu surprise en relevant la tête. “Tu peux éviter d’en parler à… Quelqu’un ?” Et quand je dis quelqu’un, je pense aux parents, aux sœurs et à Alex en priorité. Je me redresse sur cette chaise inconfortable pour tenter de me détendre le dos contre le dossier. "Ça va." A vrai dire, je commençais déjà à m’imaginer finir la nuit ici alors franchement, pouvoir partir maintenant est presque une bénédiction. “Désolée de t’avoir mêlé à tout ça.” Je le pense sincèrement. Un flic revient et je signe la déposition pendant que Caleb règle le côté financier. Je lui en suis reconnaissante. Quand je me lève, ma tête tourbillonne de nouveau et je ferme brièvement les yeux avant de sortir du bureau pour rejoindre le hall où l’on me redonne mes affaires. “Le service client là-dedans est affreux.” Que je commente sur un ton qui se veut léger une fois le seuil passé en parlant du commissariat. Je tente une pointe d’humour pour éviter au mieux une réaction passive, au pire un sermon. Caleb peut être parfois si imprévisible et j’ai quand même atterri chez les flics. J’ai la véritable sensation d’avoir fait une grosse bêtise malgré mon innocence, oui oui.
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“T’es pas obligé.” Je suis pourtant sûr que c’est bien la raison pour laquelle ma sœur m’a appelé, non ? Elle avait besoin de quelqu’un qui puisse payer la caution afin de la faire sortir, peu importe à combien celle-ci s’élève. Croyez-moi j’aurais aimé me dire que Prim m’a appelé parce qu’elle savait que je ne la jugerais pas ou pour un simple soutien psychologique mais je suis quasiment sûr qu’elle a d’abord essayé de penser à une personne de son entourage assez proche pouvant débourser une certaine somme d’argent qui lui permettra de la sortir de ce pétrin. Donc si, je suis obligé et même si je en l’étais pas j’aurais tout de même payé cette caution parce que ma sœur a besoin de moi – ou de mon argent je ne sais pas trop – et jamais je ne la laisserais se débrouiller toute seule dans une telle situation. “Tu peux éviter d’en parler à… Quelqu’un ?” Une demande plutôt claire que je peux totalement concevoir sauf que « J’en ai déjà parlé à Alex. » Autant qu’elle le sache tout de suite. Alex est ma femme et je n’ai aucun secret pour elle. « Enfin, j’étais avec les filles et elle quand tu m’as appelé, donc elle sait que je suis ici avec toi. » Mais elle ne sait pas pourquoi et si Primrose me demande de ne pas lui en dire plus, j’accepterais bien que ma femme risque de se poser des questions en voyant une telle somme d’argent être débitée de notre compte en banque. "Ça va." En même temps elle ne me dirait pas l’inverse, pas vrai ? Il s’agit de Primrose, ma petite sœur et l’un des points communs que nous avons est notre pudeur. Même quand ça ne va pas on aime prétendre le contraire. Pour preuve alors que je venais de perdre Victoria je n’arrêtais pas de dire à tout va que tout allait bien alors qu’il ne fallait pas bien me connaître pour se rendre compte que je mentais. Les situations ne sont certes pas comparables mais je suis sûr que Prim ne va pas si bien qu’elle le prétend. “Désolée de t’avoir mêlé à tout ça.” Je lève les épaules et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit les policiers reviennent tous les deux. L’un reste avec Prim pour lui faire signer les papiers et le deuxième me demande de le suivre pour payer la caution de ma sœur et croyez-moi, quand je vois le montant de la somme à payer j’ai l’impression que mon cœur arrête de battre pendant quelques secondes. Mes yeux s’arrondissent comme des billes et c’est non sans un long soupir que je règle la somme demandée. Alex se posera forcément des questions et je commence déjà à réfléchir à ce que je vais pouvoir lui dire pour lui expliquer la disparition d’une telle somme de notre compte. Primrose me rejoint après avoir récupéré ses affaires et je suis outré de constater que ces policiers l’avaient réellement dépouillée comme une vulgaire criminelle. “Le service client là-dedans est affreux.” Je lâche la porte du commissariat une fois tous les deux sortis et je suis à peu près sûr que le regard que je lance à ma sœur parle pour moi. « Sérieusement, Prim ? » Question rhétorique, je n’attends absolument aucune réponse de sa part. Je m’étais promis de ne pas lui faire de sermon, je ne suis pas son père et ce n’est clairement pas mon rôle. « Tu aurais dû te douter que sortir du magasin pour voir la robe à la lumière du jour serait moyennement apprécié par le magasin. » Mon ton est légèrement accusateur et aussi légèrement dépité. « Tu as bu combien de verres d’alcool ? » Elle va sûrement essayer de nier et de m’assurer de sa sobriété mais s’il y a une chose dont je suis sûr c’est bel et bien que ma sœur n’a clairement pas bu qu’un seul verre aujourd’hui.
« J’en ai déjà parlé à Alex. » Enfer et damnation. Evidemment que la belle-soeur va être au courant. Il n’aurait pas pu être au travail, non, évidemment que non. Je soupire légèrement en me demandant pourquoi Caleb n’a pas tout simplement menti. Ou alors il y a un fin espoir pour qu’Alex ne soit pas au courant du pourquoi du comment ? « Enfin, j’étais avec les filles et elle quand tu m’as appelé, donc elle sait que je suis ici avec toi. » Je me contente de ne rien dire, cependant. Je suis en faute, j’ai eu tort sur toute la ligne et en plus, je me permets de lui demander de tenir sa langue. J’en demande sûrement trop mais pour une fois, pour tous ces secrets que j’ai tenu pour lui, mon frère peut me rendre la pareille au moins une fois, non ? Je me sens légitime mais en même temps coupable, le mélange est assez étrange. Il faut dire que je viens aussi de sortir de chez les flics, là où j’ai été jetée comme une malpropre au milieu de (réels) voleurs, de filles de rue et de petits délinquants, c’est un vrai scandale. Mais le scandale, je le camoufle en moi.
Sauf pour balancer que le service client est horrible, une sorte d’humour sans en être un que je tente malgré moi. Ma tête est plongée dans mon sac pour vérifier que tout y est - que tout ce dont je me rappelle y est - m’empêchant ainsi de voir l’expression désabusée sur le visage de mon frère à ce moment précis. « Sérieusement, Prim ? » Par contre, j’entends son exclamation sous forme de question et je relève rapidement mon menton pour l’observer. Est-ce qu’il va me disputer comme il le fait avec une de ses filles ? Est-ce que je vais avoir le droit à des reproches comme notre mère a si bien l’habitude de me donner ? Mon dieu que ça m’énerve d’être aussi sensible aux opinions, à l’avis de ma famille. A Caleb notamment parce qu’il est tout ce dont je rêve d’avoir mais que je suis très loin d’avoir. A mon âge, mon frère avait déjà une fiancée et un restaurant. Autant dire que je suis très loin du compte. Ce n’est pas étonnant que je reste une déception voire un cas à perte dans les yeux de ma mère. « Tu aurais dû te douter que sortir du magasin pour voir la robe à la lumière du jour serait moyennement apprécié par le magasin. » Je masse mon front en grimaçant légèrement parce que je commence à avoir mal à la tête. “Je sais, je sais…” Que je murmure en ronchonnant légèrement. « Tu as bu combien de verres d’alcool ? » “J’ai pas…” Non, mauvaise idée. Je ne veux pas être comme Alex. Je ne suis pas Alex. Inutile de nier l’évidence. Je pince mon nez avant de redresser de nouveau la tête vers mon frère. “Quelques verres. J’ai pas compté.” Je cède. Je mets mon sac en bandouillère autour de moi et je mets bien quelques grosses minutes car mes gestes ne sont absolument pas en coordination. Ca aurait pu être pire, je pourrai avoir la terre qui tourne. Et ça, ça serait beaucoup plus chiant. “J’ai pas voulu que ça se passe comme ça. J’ai fait preuve d’une erreur de jugement, ou d’une erreur tout court, et j’en suis désolée.” Je n’ai rien juger du tout, après tout. A part pour décréter que voir cette robe au soleil était la meilleure chose à faire. “Mais t’aurais vu cette robe, Caleb…” Ma voix se fait rêveuse alors que le sourire béat l’accompagne. Je l’imagine de nouveau et voilà que je sens mon nez picoter - oh non. “Elle était si belle, si soyeuse… Elle m’a appelé comme la plus vile des sirènes…” Mais voilà que ça me fait mal de m’en rappeler parce que je ne pourrai pas l’avoir, jamais. Je ne suis rien, je suis minable, ridicule, j’ai bu et je viens de sortir du trou. Où je n’ai même pas pu payer ma caution toute seule. Je rouvre les yeux, mon regard tout penaud plongé dans le vague en face de moi. “Je suis nulle. Je peux même pas me payer une robe.” Pour ma défense, ce n’est pas une simple robe, mais une robe greffée Ralph Lauren. Ce n’est pas juste une robe mais pour moi, elle représente tellement plus. Elle représente la réussite, l’élévation sociale, la fortune, la richesse. Toutes ces choses que je n’aurai jamais. Je renifle avec force ; il est hors de question que je me mette à pleurer. J’ai un peu de fierté et d’amour propre. Même devant mon frère.
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Je sens que savoir qu’Alex est au courant du lieu dans lequel je me suis rendu pour venir récupérer ma sœur qui m’a appelé en demande de mon aide ne plaît pas du tout à la principale intéressée. Primrose n’aime pas Alex et ce sentiment est malheureusement partagé par ma femme. Elles sont pourtant deux des personnes les plus importantes dans ma vie, Alex étant ma femme et la mère de mes enfants et Prim ma sœur une des personnes qui m’a le plus aidé à chaque fois que j’ai pu en avoir besoin. Je les aime toutes les deux, d’une manière différente certes, et si j’ai bien moins de mal à prononcer ces mots à ma femme ça ne veut pas dire que ma sœur est moins importante qu’elle. Elle soupire Primrose, en apprenant qu’Alex est au courant et je me sens presque immédiatement coupable. J’aimerais que les deux femmes s’apprécient, qu’elles aient une certaine complicité et qu’elles laissent leur rancune respective de côté. Mais je sais que ce serait trop leur demander, elles ont toutes les deux fait un effort pour le mariage et j’ai l’impression de ne pas pouvoir leur demander de continuer dans cette lignée. Elles pourraient être amies, elles pourraient bien s’entendre c’est une certitude mais elles n’en ont pas envie et ça me désole grandement. J’ai donc constamment l’impression de devoir jongler entre les deux, ne pas pouvoir parler de ma sœur à ma femme sans recevoir un pic de sa part et de même pour Primrose, et cette situation désagréable dure depuis déjà bien trop longtemps.
Mais pour le moment le plus important n’est pas la relation tendue entre Alex et Prim mais bien la situation dans laquelle ma sœur s’est mise. “Je sais, je sais…” Je ne doute pas que ma sœur ait conscience de son geste maladroit et je ne compte pas lui faire la morale, je ne suis pas son père après tout. Par contre, s’il y a bien un point que je compte aborder avec elle c’est son taux d’alcoolémie qui me semble bien trop élevé pour une fin d’après-midi. Elle n’est pas bourrée – heureusement – mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu’elle ne s’est pas contentée d’un verre de vin à midi. “J’ai pas…” Le regard que je lui lance en dit long. Ne me ment pas, Prim. Ne me prend pas pour un imbécile s’il te plaît. “Quelques verres. J’ai pas compté.” Quand on est incapable de donner le nombre exact de verres ingurgités, ce n’est jamais bon signe. « Pourquoi est-ce que tu bois comme ça ? » Sans jugement ni sans colère dans la voix mais surtout une grande inquiétude. J’ai l’impression de parler à Alex il y a quelques années et croyez-moi ça n’a rien de rassurant pour moi. “J’ai pas voulu que ça se passe comme ça. J’ai fait preuve d’une erreur de jugement, ou d’une erreur tout court, et j’en suis désolée.” Et qu’est-ce que je suis censé répondre à ça ? Prim est désolée, et je la crois. Elle s’en veut, je la crois également. “Mais t’aurais vu cette robe, Caleb… Elle était si belle, si soyeuse… Elle m’a appelé comme la plus vile des sirènes…” Si je ne peux comprendre son attrait si fort pour la mode ou spécialement les robes de luxe je peux apercevoir son regard s’illuminer et ses yeux briller quand elle parle de ce vêtement qui lui a coûté quelques heures au commissariat et qui m’a coûté beaucoup, beaucoup d’argent. Mais ce n’est pas sur mon argent que je me concentre mais surtout sur l’air rêveur et passionné de ma sœur quand elle me parle de cette robe. “Je suis nulle. Je peux même pas me payer une robe.” Je secoue la tête de droite à gauche en fronçant légèrement les sourcils et cette fois je n’attends pas longtemps avant de lui répondre. « Non, tu n’es pas nulle, je peux pas te laisser dire ça. » Je tourne le regard vers ma sœur et maintenant j’ai l’impression de la voir triste, ce qui me fait beaucoup de mal alors je me reprends. « Peut-être que tu devrais te lancer dans des études de mode, ça te plairait pas ? J’ai vu comme tes yeux se sont mis à briller en parlant de cette robe. » Moi je peux aisément imaginer ma sœur dans des études de stylisme ou étudier l’industrie du luxe. « Viens avec moi à la maison, tu pourras manger avec nous et même dormir dans la chambre d’amis si tu veux. Tu pourras me montrer sur internet à quoi ressemble cette robe » Même si je ne m’y connais absolument pas et que j’aurais sûrement du mal à comprendre en quoi cette robe se démarque des autres. « Alex ne sait pas pourquoi tu étais au commissariat, si tu veux pas que je lui dise je resterais vague. » Je n’ai pas pour habitude de cacher quoi que ce soit à ma femme mais là, il s’agit de ma sœur et je ne pense pas qu’Alex m’en voudrait si je ne lui raconte pas en détails pourquoi j’ai dû aller chercher ma sœur là-bas.
Avec ce que Caleb vient de faire pour m’aider, je ne peux pas lui mentir. Je ne suis pas complètement au-dessus de mes capacités mais je ne me sens pas dans mon état normal malgré tout. Je manque de coordination, je suis longue à répondre et mon cerveau fait des bulles. Il pleure que ça aurait pu être Tim mon sauveur, et j’aurai préféré, car Tim n’est pas mon frère et Tim n’était pas avec Alex quand j’ai appelé et Tim… Tim n’est plus là. Pourquoi il me revient en tête ? Il reste un des plus gros échecs, une des plus grosses déceptions de ma vie. Tim ne part pas aussi facilement de mon esprit qu’il l’a fait dans ma vie. Mon regard retrouve celui de mon frère et je vois qu’il me demande silencieusement de ne pas le prendre pour un idiot. « Pourquoi est-ce que tu bois comme ça ? » Je ne comprends pas ce qu’il veut dire. “Je bois pas si souvent.” Pas à ce qu’il sache, en tout cas. Et puis, je suis convaincue de ce que je dis. Je bois occasionnellement. En soirée, en apéritif, quand ça ne va pas forcément bien… En fin de soirée au Cherrybomb, parfois. Ou même en début, pour du courage, du boost pour supporter le show et les clients. Je ne réalise pas que cumuler, ça fait beaucoup. Je suis raisonnable. Ce n’est pas comme si tu m’as déjà vu être une épave sur le plancher, que je pense mais sans le dire. Est-ce qu’il pense à Alex en me posant cette question ? Je ne suis toujours pas Alex, pour le meilleur et pour le pire. Je ne bois pas souvent.
Mais ça aide pour apaiser les voix dans ma tête qui me répètent sans cesse à quel point mon utilité sur cette terre est nulle. Je ne suis qu’un boulet de la société. Presque trente ans et je n’ai rien accompli. Pire, je fais machine arrière. Je reste concentrée sur des passions qui m’obsèdent sans pouvoir songer à aller voir ailleurs. C’est impossible. Je ne suis pas méchante mais je ne suis pas non plus un exemple à suivre. « Non, tu n’es pas nulle, je peux pas te laisser dire ça. » Mon visage est fermé et je serre fort les dents pour ne pas me mettre à pleurer. Je ne suis pas seule mais je ressens une très grande solitude. Un vide en moi que je pense pouvoir combler avec une robe, par exemple. Comme si le matériel peut remplacer l’humain - en tout cas, il est moins nocif. « Peut-être que tu devrais te lancer dans des études de mode, ça te plairait pas ? J’ai vu comme tes yeux se sont mis à briller en parlant de cette robe. » Je lâche un bref ricanement qui se transforme en reniflement de nez tout en secouant la tête. “Je veux porter des vêtements, pas en faire.” Au mieux, je pourrai être mannequin ; je n’ai pas de forme, mes jambes sont trop longues et trop maigres, mon visage est anguleux comme jamais et j’ai le regard vide, je pourrai complètement faire l’affaire. Mais je ne repartirai pas avec des pièces et ça, ça me briserait encore plus le coeur.
« Viens avec moi à la maison, tu pourras manger avec nous et même dormir dans la chambre d’amis si tu veux. Tu pourras me montrer sur internet à quoi ressemble cette robe » Caleb est mignon mais j’ai l’impression qu’il me prend en pitié. Comme un petit être que l’on récupère sur la route et qu’on ramène chez soi pour prendre soin de lui une soirée et une nuit avant de le laisser repartir le lendemain. A vrai dire, j’aurai accepté avec plaisir mais y’a juste un truc qui me chagrine. « Alex ne sait pas pourquoi tu étais au commissariat, si tu veux pas que je lui dise je resterais vague. » Caleb a sûrement une capacité à lire dans mon esprit car c’était à ma belle-soeur que je pensais. Je mords ma lèvre de nervosité. “Tu voulais lui dire quoi, exactement ?” Que j’avais volé ou emprunté une robe chez un grand magasin ? Ou que j’avais été assez stupide (et enivrée) pour être sortie dehors pour voir les teintes en pensant que ça passerait bien ? L’un dans l’autre, je parais ridicule. Est-ce que j’en suis à ça près avec Alex ? Et puis, la perspective d’aller chez eux et de gagner un plat de mon frère m’enchante beaucoup. Je pourrai voir mes nièces au réveil aussi et ça, ça me réconforterait encore plus. Mais Alex… C’est elle qui m’inquiète le plus. Comme toujours. “Alex dira rien ? Je veux pas déranger.” Ce qui est vrai. Je ne peux pas me pointer comme une fleur alors qu’ils doivent avoir déjà toute une routine bien à eux.
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“Je bois pas si souvent.” Les fois où j’ai pu voir Primrose trop alcoolisée ne sont pas bien nombreuses alors j’ai envie de la croire et de ne pas remettre sa parole en question. J’ai déjà une femme anciennement alcoolique, Alex n’a pas bu une goutte d’alcool depuis maintenant quelques années et je suis très fier d’elle. Mais j’ai aussi vu les dégâts que l’alcool pouvait faire avant la sobriété de ma femme et croyez-moi ça n’a rien de rassurant. Mais ma sœur m’assure ne pas boire si souvent et je la crois, j’acquiesce d’un simple signe de tête espérant simplement qu’elle saurait mettre sa fierté de côté et venir me voir si un jour elle a besoin d’aide. Parce que je la connais ma sœur, et je sais que pour elle demander de l’aide à quelqu’un n’est pas toujours simple je le sais car nous nous ressemblons sur ce point. Sauf que je retiens sa réponse censée être rassurante : elle ne boit pas si souvent que ça. « Tu vas bien en ce moment ? » J’ose lui demander, d’une voix peu assurée. Même si consommer de l’alcool en pleine journée au point d’avoir un taux d’alcoolémie supérieur à la normale alors que l’heure de l’apéritif n’a même pas encore sonné n’est pas habituel pour elle, boire sans raison particulière n’est jamais le signe d’un épanouissement personnel. Je sens ma sœur triste ces derniers temps, alors que els semaines avant mon mariage je la trouvais plus épanouie et détendue que jamais.
J’essaie de faire de mon mieux pour aider Primrose comme je le peux même si je me montre peut-être parfois un peu maladroit. Par exemple quand j’évoque l’idée de la possibilité de voir ma sœur se lancer dans des études de mode. Je vous assure que moi, je trouvais que l’idée était plutôt bonne mais à voir son petit rire et la réponse qui va suivre je me rends vite compte que je me suis encore une fois complètement planté. “Je veux porter des vêtements, pas en faire.” Pourtant pouvoir faire ses propres vêtements pour une passionnée de mode comme ma sœur, ça doit être une idée excitante et plutôt très plaisante non ? Moi j’aime cuisiner des plats que je vais pouvoir déguster par la suite et c’est sensiblement la même chose à mes yeux. Je n’insiste pas comprenant que Prim n’est pas plus emballée que cela par l’idée de se lancer dans ses études de mode, je ne peux pas la forcer après tout. “Tu voulais lui dire quoi, exactement ?” À la base je comptais lui dire la vérité. Alex est ma femme et je ne veux pas lui mentir mais d’un autre côté il y a ma sœur qui ne veut pas que sa belle-sœur sache qu’elle a été arrêtée pour tentative de vol dans un magasin. J’hausse donc les épaules avant de lui répondre. « J’en sais rien, qu’est-ce que tu veux que je lui dise ? » Autant directement lui poser la question, tout me semble plus simple ainsi. « Je peux aussi tout simplement lui dire que tu préfères que ça reste entre nous deux, elle devrait comprendre. » Ou bien je l’espère, parce que les réactions d’Alex m’échappent un peu par moment. “Alex dira rien ? Je veux pas déranger.” Alex a beau ne pas porter Primrose dans son cœur elle ne m’a jamais empêché ni même fait de réflexion désobligeante quand je lui annonce la venue de ma sœur chez nous. Et heureusement, d’ailleurs. « Non elle ne dira rien, ne t’en fais pas. » J’essaie de la rassurer comme je le peux mais il faut croire qu’aujourd’hui je ne suis pas très doué pour cela. « Ça ferait vraiment plaisir aux filles de pouvoir passer un peu de temps avec toi, Lena te réclamait il y a quelques jours. » Je lui dis avec un petit sourire aux lèvres, espérant pouvoir lui apporter un peu de joie avec cette précision.
« Tu vas bien en ce moment ? » je soupire parce que je ne comprends vraiment pas pourquoi Caleb a l’air de s’inquiéter. J’ai juste fait une petite erreur de rien du tout, il n’y a pas de quoi en faire tout un drame quand même, si ? Et même si Caleb n’est pas au courant de toutes les erreurs que j’ai pu cumuler, surtout ces derniers temps, il n’a vraiment vraiment pas besoin de s’embêter pour si peu. “Mais oui, ça va. Pourquoi ça irait pas ?” que je dis sans aucune force ni entrain mais avec une lassitude puissante. Je suis naïve de croire que mon frère ne va pas continuer à s’inquiéter alors qu’il sait comment je suis. Lui-même est bien placé pour savoir que nos cerveaux fonctionnent pareils ; ils ne s’arrêtent jamais, ils pointent ce qui ne va pas et ils font une montagne de pas grand-chose. Mon aîné a plus de discrétion et de bonnes décisions face à ces démons ; je n’ai pas ce luxe. Et puis, ai-je déjà été bien un moment dans ma vie ? Peut-être avec Tim mais même ça, je ne peux pas dire que j’étais sereine. Parce qu’il y avait Alex, et aussi les enfants de Tim. Une source d’anxiété pour moi même si mon ex a été une source de douceur et de bien-être que je n’avais jamais acquis auparavant. Avant qu’il me laisse en plan comme une véritable merde, oui. Je pourrai me justifier avec ça mais c’était il y a des mois… Je suis guérie, maintenant… Je crois ?
« J’en sais rien, qu’est-ce que tu veux que je lui dise ? » je torture ma bouche, réfléchissant à ce que j’aimerai qu’Alex sache - rien du tout, à vrai dire, soyons honnête. Avouer la vérité à ma belle-sœur serait comme me tirer une balle dans le pied et lui donner du grain à moudre dans son moulin envers ma personne. Je n’ai pas envie d’être humiliée de la sorte ni d’avoir ses yeux qui me jugent sur moi. Même si, au final, elle ne serait clairement pas la mieux placée pour ça vu son historique. Mais Alex est imprévisible, je ne souhaite pas vraiment tenter le diable. « Je peux aussi tout simplement lui dire que tu préfères que ça reste entre nous deux, elle devrait comprendre. » j’hausse un sourcil à son encontre, dubitative. “Tu crois ?” même Caleb n’est pas sûr alors autant essayer de trouver quelque chose à lui dire quand même - je laisserai le soin à mon frère de s’occuper de sa dulcinée si celle-ci cherche à foutre son nez là où je ne veux pas. Mais qu’est-ce qu’on peut dire quand quelqu’un est dans un commissariat sans passer pour une victime ou une coupable ? Même si je maintiens que je ne suis qu’une victime de tout ce processus.
« Non elle ne dira rien, ne t’en fais pas. » je gratte mon cou, toujours peu incertaine. Même si c’est tentant, il faut bien l’avouer. J’adore mes nièces et je ne serai pas contre passer du temps avec elles. Elles réussissent à faire oublier tout et me donner envie de la même chose - mais ça, je préfère ne pas y penser non plus car c’est toujours hors et très loin de ma portée. « Ça ferait vraiment plaisir aux filles de pouvoir passer un peu de temps avec toi, Lena te réclamait il y a quelques jours. » je fais une petite moue où un sourire perce alors que ma main grimpe dans mes cheveux pour ramener des mèches en arrière. “Tu sais que je peux pas résister à l’appel de ma nièce.” voilà, les enfants sont toujours la meilleure excuse au monde. “Pour Alex, on peut toujours lui dire… Qu’il y a eu un malentendu. Une erreur d’identité. Quelqu’un avec de mauvaises intentions a volé mon identité.” est-ce que ce n’est pas tiré par les cheveux, ça ? J’en sais rien, je n’ai pas conscience si ça peut paraître absurde ou non. “Ou que j’ai été témoin d’un acte de vandalisme. Au mauvais endroit au mauvais moment.” mmh, je suis douée pour mentir mais pas pour inventer des mensonges qui tiennent la route. Je ferme les yeux en secouant la tête. “Le plus simple serait juste de lui dire que ça reste entre nous, en faites. Tout me paraît… Irréaliste.” parce que j’ai beau travailler dans un gang pour arrondir mes fins de mois, tous ces trucs-là n’arrivent qu’aux autres, pas à moi. “T’es venu à pied ?” vu que c’est le même quartier, ça ne me surprendrait pas. Marcher me remettrait sûrement les idées en place. “Merci Caleb, en tout cas. Je sais pas…, ce que je ferai sans toi, Ce que j’aurai fait sinon.” Et ça, c’est loin d’être un mensonge.
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“Mais oui, ça va. Pourquoi ça irait pas ?” Parce que tu as bu de l’alcool en plein milieu de la journée ? Et ce n’est normalement pas quelque chose que ferait une personne qui va bien. Sauf que je la sens sur la défensive, Prim, ma question l’a agacé elle a soupiré alors je préfère ne pas lui répondre me contenant simplement de lever les épaules doucement. Je pourrais lui rappeler qu’elle peut me faire confiance et que je serai toujours là pour elle. Quoiqu’il arrive, jamais je ne lui tournerais le dos parce qu’elle est ma sœur, l’une des personnes les plus importantes pour moi et que je l’aime mais je ne dis rien. Elle n’a pas envie de me parler et je ne vais pas la forcer. J’ai comme l’impression d’avoir fait quelque chose de travers, quelque chose qui n’a pas plu à ma sœur sauf que je ne comprends pas quoi. Je viens pourtant de laisser en plan ma femme et mes enfants pour venir la tirer de cette situation délicate. Elle doit être fatiguée et agacée par l’interrogatoire qu’elle a subi avec les policiers. Oui ça doit être ça, et j’essaie de ne pas me dire que c’est moi et ma question qui l’ont agacé. J’en oublie presque les relations tendues qu’entretiennent ma femme et ma sœur quand je lui propose de venir passer la soirée et ou même, la nuit chez nous. Elle ne veut pas qu’Alex sache quoique ce soit et si j’ai pour politique de ne jamais rien cacher à ma femme, pour Prim je peux faire une exception et je ne pense pas qu’Alex me tiendra rigueur. “Tu crois ?” J’hoche la tête positivement lui montrant ainsi que je n’en doute pas vraiment.
Mais Prim ne semble pas en être aussi certaine que je le suis et pour cause ; elle ne connait pas Alex. Enfin elle ne la connait pas vraiment, pas comme moi je la connais et si j’ai totalement conscience du caractère fort de ma femme je sais qu’elle pourrait comprendre mon silence si elle sait que ma sœur me l’a demandé. “Tu sais que je peux pas résister à l’appel de ma nièce.” Un sourire s’étire sur mes lèvres parce que oui, je le sais et c’est d’ailleurs peut-être aussi un peu pour ça que je lui ai parlé de Lena réclamant sa tata Prim il y a peu de temps. Je sais qu’un certain lien les unis toutes les deux et je trouve ça vraiment adorable et très touchant. “Pour Alex, on peut toujours lui dire… Qu’il y a eu un malentendu. Une erreur d’identité. Quelqu’un avec de mauvaises intentions a volé mon identité.” Je fronce les sourcils ayant de sérieux doute sur le fait qu’Alex croit à ce genre d’explication bien trop tirée par les cheveux. “Ou que j’ai été témoin d’un acte de vandalisme. Au mauvais endroit au mauvais moment.” Nouveau mensonge qui ne me semble pas non plus très réaliste bien que ce genre de chose pourrait très bien arriver. « Elle poserait trop de questions. » Parce qu’Alex parle. Beaucoup. Vraiment beaucoup. “Le plus simple serait juste de lui dire que ça reste entre nous, en faites. Tout me paraît… Irréaliste.” La finalité de sa réflexion m’arrache un rire. « Je pense aussi. » Je ne suis pas un grand habitué des mensonges mais quelque chose me dit qu’autant faire au plus simple, non ? Je suis un très mauvais menteur et ce n’est un secret pour personne. “T’es venu à pied ?” Je lui réponds d’un hochement de tête alors que nous commençons à prendre le chemin des quartiers plus résidentiels du centre-ville de Brisbane. “Merci Caleb, en tout cas. Je sais pas…, ce que j’aurai fait sinon.” Je me pince les lèvres alors qu’une de mes mains vient se poser sur ma nuque durant quelques secondes. « C’est normal, t’es ma sœur. Tu pourras toujours compter sur moi. » parce que je t’aime, mais si je n’ai aucun mal à dire ces mots à ma femme quand il s’agit de ma famille c’est tout de suite plus compliqué. Pas que je ne le pense pas, au contraire, mais nous avons toujours été plus sur la retenue entre nous. « J’ai pu rencontrer Nathan plusieurs fois. » Je change complètement de sujet mais je doute qu’elle veuille continuer à blablater au sujet de son arrestation. « J’ai envie de faire une demande de reconnaissance de paternité. » Mais ça je n’ai encore parlé à personne parce que j’ai bien trop peur que Nathan refuse.
« Elle poserait trop de questions. » je vois aux expressions de mon frère que mes idées sont complètement grotesques et fantasques. Pourtant, je suis plutôt douée pour inventer des mensonges et faire de mon monde fictif une réalité. Mais là, je dois être fatiguée et l’énergie que j’ai pu avoir avec l’éthanol descend peu à peu. Je n’ai pas la force de penser à des choses cohérentes et je finis par soupirer en secouant la tête. Je suis résignée, rien ne tient debout et je fais même rire Caleb en décrétant que toutes mes idées sont vraiment stupides. J’en rigole beaucoup moins parce que ça m’angoisse vraiment que quelqu’un puisse être mis au courant. Et si c’est facile de mentir et cacher à mes parents ou à mes soeurs puisqu’ils ne sont pas là, ça sera moins évident face à une Alexandra qui est toujours trop curieuse et trop bavarde. Qui veut fourrer son nez là où elle n’a rien à faire. Elle va vouloir savoir pourquoi j’ai appelé son mari en pleine soirée, pourquoi il a déboursé une somme certaine pour mes beaux yeux. Même si pour ce dernier point, je me dis qu’il y a des chances pour qu’elle ne voit rien ce soir. Je ne pense pas qu’Alex soit du genre à regarder ses comptes tous les soirs. Moi oui car je tire sur la corde et que je vis au-dessus de mes moyens. Mais pas Alex. Pas quand on est riche comme elle. Elle doit bien s’en foutre si de l’argent a été déboursé pour telle ou telle chose. Quand on peut se payer une robe de mariée sur mesure par un couturier, c’est que l’on a vraiment aucune raison de s’inquiéter à ce niveau-là. « Je pense aussi. » je masse mon front et mon arcade en mordant ma lèvre. Un mystère que sa journaliste de femme devrait vivre avec. J’espère vraiment qu’elle ne fera pas un interrogatoire à Caleb. Je sais à quel point il ne sait pas mentir, contrairement à moi.
« C’est normal, t’es ma sœur. Tu pourras toujours compter sur moi. » mais ça me fait quand même quelque chose de savoir qu’il serait prêt à aller jusque là. Il m’a soutenu sans poser trop de questions et j’ai même pu échapper à un pesant discours sur la responsabilité de mes actes. Ce n’est pas Caleb, ça, et dieu merci. Je le suis alors qu’il commence à marcher en direction de sa demeure. L’air frais me fait du bien, aussi bien au corps qu’à l’âme. « J’ai pu rencontrer Nathan plusieurs fois. » voilà le début d’une conversation dont je ne m’attendais pas. “Vraiment ?” je sui curieuse. Ce neveu que je n’ai toujours pas vu autrement qu’en photo. Et j’imagine que ça ne va pas se faire dans l’immédiat. Il lui faut déjà du temps pour accepter l’arrivée de ses parents biologiques dans sa vie. Inutile de le noyer dans la famille Anderson au total. « J’ai envie de faire une demande de reconnaissance de paternité. » je fronce des sourcils. “Pourquoi faire ? T’es son père, non ?” nous, on le sait, mais peut-être que c’est pour l’affirmer au monde entier. “Comment il est ? Il va bien ?” je n’oublie pas que Caleb a subi une opération pour le sauver, donc je m’inquiète un peu, forcément. “Il vous… accepte ?” je me doute à quel point ça doit être compliqué et dur pour mon frère de vivre une telle situation. Lui qui est un père né, se voir rejeter par une de ses progénitures doit lui briser le coeur.
So how's it being a prisoner of your own illusion ? Up on a pedestal reveling in your own confusion. I see you hide behind your alter or your constitution but you can't live forever in your own echo chamber
C’est donc à pieds que nous quittons le commissariat pour rentrer à la maison, Prim accepte de passer la soirée et la nuit chez nous et sans savoir si Alex sera rentrée du parc avec les filles je lui envoie un message pour l’en informer. La journée ne s’est clairement pas terminée comme je l’attendais mais j’espère que la soirée en compagnie de ma femme ma sœur et mes filles changeront la donne. Alex et Prim ne s’entendent pas, c’est le cas de le dire et si elles ont toutes les deux pu faire de gros efforts le jour du mariage il ne me semble pas que les fois où nous nous sommes retrouvés à trois depuis cette journée ont été nombreuses et j’espère que les efforts seront donc maintenus. Elles sont deux personnes très importantes dans ma vie et les sentir en conflit et en froid a toujours été compliqué à gérer pour moi. Je leur fais confiance et je me dis que de toute façon Prim n’est clairement pas dans un état d’esprit où chercher la petite bête avec Alex sera sa priorité. Et puis si l’amertume de ma sœur envers ma femme est si forte c’est en grande partie à cause de Nathan et maintenant que je connais mon fils et que j’ai la possibilité de passer du temps avec lui, elle devrait peut-être pouvoir lui pardonner, non ? Du moins je l’espère. “Vraiment ?” J’hoche la tête alors qu’un sourire vient étirer mes lèvres. À l’instant même où j’ai pu apprendre l’existence de Nathan j’ai voulu en savoir plus sur lui et faire partie de sa vie et aujourd’hui cette volonté est devenue réalité. “Pourquoi faire ? T’es son père, non ?” Je doute que mon cas de figure soit très commun. Un homme ayant appris huit ans plus tard l’existence d’un enfant qui a été abandonné par sa mère biologique, n’ayant jamais été adopté et voulant maintenant entamer les démarches d’une reconnaissance de paternité. Ça peut sembler compliqué mais finalement ça ne l’est pas tant que ça. « Oui mais vu que je n’ai pas pu le reconnaître à la naissance, je n’ai aucun droit sur lui. Et en gros une reconnaissance de paternité me permettrait de les récupérer et devenir son père. Officiellement. » Parce qu’à l’heure d’aujourd’hui à chaque fois que je veux voir mon fils ou l’invite à passer une journée chez moi je suis obligé de remplir des documents, ce qui retarder toujours les choses et empêche une certaine spontanéité. “Comment il est ? Il va bien ?” Je frotte mon menton avec le dos de ma main tout en lui répondant. « Il va mieux. La greffe a réussi à le sauver mais il va devoir encore passer pas mal d’examens et de tests pour vérifier que tout se passe bien et que son organisme s’en remet. » Il est suivi de près par les médecins qui ne le lâchent pas d’une semelle et je sais que cette surveillance dura encore de longs mois. « Et sinon…il est adorable, vraiment. Il adore le sport, Harry Potter, les animaux, lire, il joue du piano aussi. » Et je pourrais encore continuer à parler de lui des heures et des heures tant j’ai des choses à dire sur lui Ma sœur ne le connaît pas et l’idée de les présenter me passe rapidement par la tête. “Il vous… accepte ?” « Au début il était assez fermé, froid distant et méfiant. » Ce qui me semble totalement normal. « Mais aujourd’hui on s’entend très bien lui et moi. J’ai l’impression qu’il m’a accepté oui, mais c’est un peu plus compliqué avec Alex… » que je lui dis en grimaçant légèrement. Nathan n’est pas méchant avec elle mais j’ai l’impression qu’il n’arrive pas à croire en sa sincérité et qu’il a énormément d’amertume envers elle. Ce qui peut totalement se comprendre.