Malgré le fait que Jackson m'assure de ne pas m'en faire pour lui, je m'en veux amèrement de l'avoir entraîné là-dedans. Peu importe si je n'y peux rien, peut importe si je ne pouvais pas savoir que notre course finirait comme ça, c'est le genre de choses que je devrais connaître et pouvoir anticiper à force et qui pourtant me surprendrons toujours. Mais alors que je pensais que nous étions sauf ici, sur le toit, un tambourinement contre la porte nous surprend tous les deux, prouvant que les vautours ont retrouvé notre trace. Je me redresse et maudis ces humains qui se trouvent derrière la porte tandis que Mills, lui, nous trouve une solution.

Et quelle solution ! Il me fait part de son envie de nous séparer, qu'il attirera les paparazzi tandis que je les enfermerais sur le toit en verrouillant la porte de l'intérieur. Tournant le regard vers mon partenaire de course, je le fixe avec incompréhension avant que mes yeux ne s'arrondissent lorsqu'il me dit qu'il va faire un remake de Mission Impossible. Je n'ai pas besoin de plus d'explications pour comprendre où il veut en venir : il va fuir par les toits. Mais comment ? Pourquoi ? A-t-il eu le temps d'évaluer la distance ? En est-il capable ?

Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions car le temps presse. Rapidement, j'enfile à nouveau ma prothèse ignorant les douleurs qui irradient mon genou lorsque je me force mon moignon à l'intérieur de l’emboîture et me relève. Le plus discrètement possible, je me met en position et n'ai besoin que d'échanger un coup d’œil avec Jackson avant d'ouvrir la porte. Les connards se précipitent à l'extérieur et, alors que je passe derrière eux, je m'autorise un dernier coup d’œil en arrière. C'est au moment où l'agent fédéral prend son envol que je claque la porte derrière moi, vérifiant qu'elle soit bien verrouiller avant de descendre les marches le plus vite possible tout en maintenant le meilleur équilibre possible.

Arrivé en bas des marches, je reprends ma course pour sortir du bâtiment peu avant que Jackson ne me rejoigne. Le soulagement de le voir sain et sauf est énorme, alors que je secoue la tête, ahuris «Tom Cruise n'a qu'à bien se tenir » dis-je sur la même ligné que la référence hollywoodienne que le policier à laisser échapper quelques minutes plus tôt. Je rigole doucement puis secoue la tête et relève la tête, mon regard se posant sur le groupe de paparazzi penché au-dessus du bord. « smile and wave, buddy. Smile and wave...» Glissais-je au jeune homme en leur adressant un large sourire et un signe de la main, avant de me détourner et de le suivre vers la sortie de la zone.

Après avoir marché sur plusieurs centaines de mètres et que nous nous retrouvons aux abords du parc que nous avons quitté quelques minutes plus tôt, je suis obligé de m'arrêter tant les douleurs deviennent insupportables. «je ne vais pas y arriver » soufflais-je en m'appuyant contre le muret. « Avec toute la meilleure volonté du monde, je ne vais pas pouvoir faire les derniers kilomètres » la solution ultime serait d’appeler un taxi qui viendrait nous chercher avant de me déposer chez moi. Mais cela impliquerait que j'ai de quoi passer un coup de fil ce qui n'est pas le cas, car je ne prends jamais mon portable avec moi lorsque je cours. Et la deuxième solution serait que je fasse le trajet à cloche pied, au risque de me flinguer les articulations dans la jambe qui me reste. Dans tous les cas, c'est la merde.

Lorsque Jackson passe un bras autour de mes épaules pour narguer les paparazzi avec moi, mon bras vient entourer sa taille et je me dis qu'une telle course ne peut qu'être le début d'une belle amitié. Car peu importe ce qui se passera, je sais dorénavant que Jackson est celui qui a risqué sa vie pour moi. Nous n'étions, certes, pas en danger de mort, mais au moins, nous avons réussi à donner une bonne leçon à ces vautours. Toutefois, la réjouissance n'est que de courte durée car nous ne sommes pas à l’abri qu'un ou deux photographes se soit caché quelque part ici. Ainsi, nous reprenons rapidement la route pour mettre les plus de distance possible entre nous et eux.

Malheureusement, mon genou se rappelle brusquement à moi et je suis obligé de m'arrêter tant les douleurs sont insoutenable. Ça me coûte une grosse part de fierté pour m'avouer vaincu et que même avec toute la volonté du monde, je suis incapable de faire un pas de plus. Et malheureusement ni Jackson ni moi n'avons notre portable. Fermant les yeux pour essayer de me reprendre, j'étais sur le point de me préparer psychologiquement de reprendre le chemin quitte à me flinguer les articulations, mais mon acolyte de la soirée propose un remake de Forrest Gump. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre à quelle scène il fait référence et malgré tout, je laisse échapper un rire amusé « Tant que tu me fais un remake de Top Gun... » car sinon je craindrais pour la vie d'un de nous.

« Mais écoute...je...» Je prends une profonde inspiration, pince les lèvres et ravale le reste de ma fierté avant de hocher la tête « Par contre un simple appuie fera l'affaire, pas besoin de me porter sur ton dos » rayais-je alors que je me stabilise un peu mieux en m'appuyant contre le mur puis me penche en avant et retire ma prothèse que je n'aurais plus besoin. La tenant dans la main droite, je me redresse et lance un coup d’œil vers Jackson avant de hocher la tête. Il n'a pas besoin de plus de signes de ma part avant de s'avancer vers moi et, se plaçant correctement, je passe un bras autour de ses épaules. Après une dernière hésitation, je fini par m'appuyer un peu plus sur moi « ça va comme ça ?» Demandais-je, légèrement inquiet quand même. Ce n'est pas comme s'il venait tout juste de faire un saut périeu entre deux immeubles !

J'hésite un petit moment de plus lorsque Jackson m'assure que mon poids ne le dérangera pas puis m'appuie encore un peu plus, juste assez pour pouvoir soulager au maximum ma jambe droite afin que celle-ci ne porte pas non plus tout mon poids doublé par à-coups à chaque pas. Il nous faut quelques mètres pour nous synchroniser correctement, mais finalement le chemin de retour se fait sans encombre. Vigilent au possible, Jackson nous guide le long du parc faisant attention au moindre obstacle qui pourrait se trouver sur notre chemin : manquerait plus que je me torde la cheville de la seule jambe qui me reste en entier !

Finalement, nous arrivons bien plus rapidement que je pensais et c'est un sacré bonheur que je me laisse choir sur le banc à côté de l'entrée. Tandis que je prends une profonde inspiration, mon compatriote me demande si je souhaite qu'il me dépose ou si je me débrouille. Me passant une main dans la nuque, je pince les lèvres en une moue de réflexion puis soupire « Conduire n'est pas un problème, ma voiture est totalement aménagée et adaptée pour un amputé» je me mordille la lèvre inférieure « C'est après, pour pouvoir entrer chez moi que ce sera plus compliqué» je soupire et relève mon regard sur Jackson « ça te dérangerait de m'aider jusqu'au bout ?» demandais-je, incertain

« Et tant qu'à faire, tu peux me rendre un service ?» reprenais-je en fouillant la poche de ma veste pour en sortir une clef «Et aller chercher mon sac dans le casier ? C'est le numéro 1 » ajoutais-je, priant un peu pour que Jackson ne trouve pas que j'abuse trop de sa patience et bonté. Mais finalement, le jeune homme est bien loin d'être dans le jugement et c'est sans aucune hésitation qu'il attrape la clef avant de disparaître dans le local. En attendant qu'il ne revienne, je me relève du banc et sautille jusqu'à la jeep où je prends place sur le siège passager, offrant un sourire à Jackson lorsqu'il revient avec le sac dans lequel se trouve tout le matériel pour changer les différents de pied de ma prothèse. « Merci beaucoup ! » dis-je, reconnaissant, alors que je dépose le sac sur mes genoux et que je referme la porte.

Avoir proposé spontanément à Jackson de m'accompagner dans cette course me fait me sentir réellement chanceux dans mon malheur pour le coup. L'agent de terrain a géré la situation sur le toit avec brio et audace et fini par se montrer d'une sincère générosité lorsqu'il n'hésite pas une seule seconde sur ma requête pour qu'il m’emmène chez moi. « Bayside» répondais-je lorsqu'il me demande où j'habite, lui donnant, en même temps, mon adresse exacte. Si Jackson connaît un, tant soit peu Brisbane, il saura sans aucun problème que ce quartier-là et plus particulièrement cette rue regorge de villas plus chères les unes que les autres. Si je ne suis pas du genre à crier sur tout les toits à quel point, je peux me permettre aisément ce genre d'habitation, je ne m'en cache pas non plus.

Lorsque Jackson s'engage sur l'autoroute, je parviens enfin à me détendre un peu plus et me recule contre le dossier du siège, fermant juste un instant les yeux, les rouvrant rapidement lorsque le conducteur me demande si je suis en tournage ou non. « Oui» hochais-je la tête «Enfin, on est sur la fin-là. J'ai plus qu'une scène à tourner la semaine prochaine et après le film entre en pos production et le mois prochain, je m'envole aux états unis pour commencer la promo du film. »

Je fronce un instant les sourcils puis me tourne vers le jeune homme « T'aurais envie de venir avec moi ? Je veux dire ...Officiellement» je me redresse et hausse les épaules «Tu m'as bien dit que tu faisais de la garde rapprochée, non ? Je ne sais pas si tu as besoin d'un job , ni même si tu as le temps, mais je te propose d'être mon garde du corps » je souris doucement «on officialisera la chose avec un contrat, tu me donneras tes conditions et tout pour que ça te convienne aussi et ...non vraiment, je pense que tu serais le parfait candidat pour remplacer Johnny » mon ancien garde du corps ayant résilié son contrat la semaine dernière, ce serait parfait si Jackson pouvait accepter dans la foulée.

Je remarque bien que ma demande est plus que surprenante tant le regard que Jackson me lance est parlant. C'est pour cela que je précise d'avantage encore les raisons pour lesquelles je lui demande cela, laisse échapper un rire lorsqu'il me reparle de son saut puis hausse les épaules quand il souhaite avoir plus d'information «1 mois à peu près. 2 semaines au states, 1 semaine en Europe et 1 semaine en Asie» répondais-je «Et après que le film soit sorti, je pense que je vais devoir y retourner pour quelques interviews encore ... Enfin dans tous les cas faut que je sois de retour à Brisbane pour le 1er août parce que j'ai quelqu'un rendez-vous important. » Précisais-je alors que mon regard se pose à nouveau sur la route, souriant et hochant la tête lorsque mon acolyte de la soirée m'informe qu'il va d'abord devoir regarder ce qui l'arrange et s'il est disponible.

Attrapant le portable qu'il me tend, j'y enregistre mon numéro puis reporte mon attention sur Jackson qui me demande si je pars seul. « Avec l'équipe du film et mes partenaires de scène, oui. Mais sinon, non» souriais-je dans la pénombre de l'habitacle « Je suis célibataire, sans enfants... Je proposerais peut-être à ma sœur de venir avec mais en oui, j'ai l'habitude de partir seul» répondais-je dans un haussement d'épaule « T'auras que moi à protéger» rayais-je, amusé alors que j'indique rapidement la sortie qui suivra le chemin le plus court pour atteindre ma maison.

Quelques minutes plus tard, Jackson se gare devant la maison que je lui indique et, observant l'entrée ainsi que le chemin pour y arriver, je décide de la meilleure des solutions possible «tien » dis-je après avoir fouillé mon sac et lui tendre la clef de la maison « le plus simple ce serait que tu ailles chercher mon fauteuil roulant. Il est dans le salon, dans la première pièce à gauche avant la bibliothèque» que je précise rapidement « pour désarmer l'alarme, tu appuies sur A, puis tu fais les 8956 et tu appuies sur arrêt» mon regard se plante dans celui de Jackson « Evite de rester dans la veine de Mission Impossible et ne coupe pas le fil jaune, ok ? » que je précise avec un sourire, amusé de pouvoir parler en référence cinématographique.