Le bruit des essuie-glaces contre le pare-brise de ta voiture donne l’impression que tout autour de toi est sur le point de s’effondrer, et c’est loin d’être seulement une métaphore. La pluie tombe sans relâche depuis plusieurs heures déjà, et les routes se font de plus en plus dangereuses et glissantes avec le surplus d’eau qui n’a de cesse de s’accumuler. La distance entre le fast-food où tu avais travaillé dans les derniers mois et ton appartement n’était pas des plus grandes et pourtant, dans ces conditions, ça semblait être le périple d’une vie tant les gens semblaient ne plus savoir comment conduire. La visibilité était quasiment nulle et si ce n’était pas du fait que tu avais absolument besoin de ton dernier chèque de paye vu tes fonds désormais inexistants, jamais tu ne serais sortie de chez toi dans un temps pareil. Tu peines à voir les différentes routes qui s’offrent à toi, même si c’est un chemin que tu connais par cœur à force de l’avoir fait des centaines de fois dans les derniers mois. C’est quelque chose qui devrait être aussi naturel que de compter jusqu’à dix ou de chanter l’alphabet, mais voilà que tout le monde autour rendait une tâche des plus simples en quelque chose de terrible compliqué, mais surtout, dangereux. Tu pouvais entendre les gens klaxonner dans les voitures aux alentours, les gens qui s’impatientent de ceux qui trop sont trop prudents, ceux qui se frustrent de l’imprudence des plus téméraires et toi, tu te contentes de grommeler contre le monde en entier ce qui ne fait pas réellement changement de d’habitude. Tu veux seulement rentrer, même si ça veut dire mettre les pieds dans un appartement où tu n’as pas envie d’être, en compagnie de Seth qui te tombe royalement sur les nerfs, en place des menaces d’éviction qui ne cessent de planer au-dessus de vos têtes parce qu’une fois encore, ni lui ni toi n’avez les moyens de payer votre putain de loyer. Mais si tu ne vas pas là, où irais-tu vraiment, quand tes options semblent s’amincir jour après jour?
Tu ne sais pas si tu as manqué de vigilance pendant quelques secondes ou bien si c’est l’autre conducteur qui a oublié dans quel sens conduire en Australie, mais tu aperçois les lumières qui clignotent avant d’entendre le klaxon qui témoigne de l’accident à venir. C’est d’un coup de volant brusque que tu parviens à éviter le pire, ta voiture qui se retrouve en bord de route, soudainement coincée dans un trou d’eau qui ne manque pas de faire pencher ton vieux tas de ferraille dans un angle qui n’a absolument rien de rassurant. Tu mets quelques secondes avant de réaliser ce qui vient de se passer, quelques secondes de plus pour reprendre tes esprits et laisser ton cœur retrouvé un rythme plus ou moins approprié avant de tenter vainement de redémarrer ta voiture qui n’a pas apprécié le changement de trajectoire. Évidemment que c’est le moment qu’elle choisit pour rendre l’âme, toi qui ne pensais même pas qu’elle survivrait si longtemps vu le peu d’attention que tu étais en mesure de lui accorder. Normalement, c’est Reese que tu aurais appelé pour qu’il vienne te filer un coup de main. Reese qui aurait fait le strict nécessaire pour que tu puisses continuer de rouler dans ton tas de ferraille ambulant à défaut de pouvoir t’offrir quoique ce soit de mieux. C’est son nom que tu fais apparaître sur l’écran de ton téléphone d’ailleurs, un réflexe qui mettra encore bien du temps avant de se dissiper, même s’il n’est plus dans les environs, le Grigson. Il a disparu, du jour au lendemain, à peine un message pour dire où il allait, aucune information vraiment précise ni sur la destination, ni sur la durée. Départ indéterminé, un autre. Un abandon non-prémédité, un autre. Ça pince, plus que la contusion que tu t’es fait quand ta tête est venue frapper le toit de ta voiture, celle que tu n’as même pas ressenti dans le choc du moment. Tu soupires. Tu n’es qu’à quelques blocs de ton appartement. Tu peux marcher. Ce n’est pas comme si tu avais les moyens de t’appeler un taxi, ni même une remorqueuse pour ta caisse que tu préfères abandonner sur le bord de la rue pour le moment. Ce sera un problème à gérer une autre fois.
Pourtant, plutôt que de prendre le chemin qui mène jusqu’à chez toi, c’est une autre rue que tu empruntes, un autre chemin que tu connais bien. Tu ne devrais pas aller par là-bas, il n’y a plus rien pour toi de ce côté-là de la ville. Reese est parti. Et Albane, elle? Ça fait quelques semaines déjà, depuis ton passage à l’urgence et c’est le silence radio depuis cette rencontre d’infortune. Elle devait te dire, si elle décidait de partir. Ça aurait dû te rassurer de ne pas avoir de ses nouvelles et pourtant, tu avais eu assez de preuves dans les derniers mois pour savoir que peu de gens tenaient réellement leurs paroles. Si ça se trouve, tu vas te retrouver devant une porte qui mène à un appartement vide, ou pire encore, habiter par des nouveaux locataires que tu ne connais pas. C’est là quand même que tu te rends, et tu es complètement détrempée lorsque ton poing vient frapper à plusieurs reprises contre le panneau de bois. Combien de temps est-ce que tu dois attendre avant de te rendre à l’évidence? Que Reese n’est plus là et qu’Albane non plus? Combien de secondes, de minutes peut-être, avant que ça ne devienne complètement pathétique, tout ça? Tu as la tête qui élance, le corps qui frissonne et tu soupires, prête à faire demi-tour lorsque la porte s’ouvre finalement et que tes yeux se posent sur une silhouette que tu connais. Elle n’est pas partie. « Ma voiture est tombée en panne. » Mais ce n’est pas vraiment pour ça que tu es là, pas vrai? Pourquoi est-ce que tu es là, au juste? « J’étais pas certaine qu’il y aurait quelqu’un. » Tu vas me le dire hein Bane, que Reese est vraiment parti, que je l’ai pas halluciné, ce putain de texto qui dit rien mais tout à la fois? « Je savais pas où aller. » Et elle est là, la triste vérité, quand le monde autour de toi fait de moins en moins de sens et qu’inconsciemment, c’est vers la française que tu es retournée, sans pouvoir te l’expliquer.
Tell all my friends that I'm sorry for leading them on. I made 'em think I was fine but I knew something was wrong. I thought that time would prove, it's all in my head. Now I'm in too deep and alone, and more scared than I've ever been. 'Cause it's so hard for me to be honest these days. I tell myself I'm doing okay, I don't want the world to think I'm weak
Les choses changeaient vite, dans une vie. Albane s’était fait la réflexion quand Jake avait débarqué chez elle pour essayer de mettre fin aux tensions entre eux qui avaient durées depuis bien trop longtemps. Mais maintenant, la française réalisait que cela s’appliquait aussi pour elle. Il avait suffi d’un mois pour que les derniers remparts de stabilité de sa vie sautent. L’hôpital n’avait plus rien de réconfortant désormais, pas alors que c’était prendre le risque de croiser Winston à chaque détour de couloir, d’affronter de plein fouet la conséquence de ses erreurs. Son appartement, qui avait retrouvé un peu de vie en la présence de Reese, était à nouveau vide, la ramenait brutalement trois ans plus tôt quand elle avait dû apprendre à faire le deuil de sa petite sœur. Et plutôt que d’y donner suite, la jeune femme avait déchiré son issue de secours, jetant l’offre d’emploi de l’hôpital de Byron Bay à la poubelle. Elle s’était condamnée de son plein gré à rester à Brisbane, à rester dans la même routine qui lui faisait lentement perdre la tête. C’était comme essayer de construire un château de sable en pleine tempête. Tout finissait par s’envoler, partir dans les airs. Tout ce qu’elle essayait de mettre en place, tout ce à quoi elle essayait de s’accrocher. Elle en était toujours responsable d’une manière ou d’une autre et chaque pas en avant lui valait deux pas en arrière, semblait-il. Dehors, le ciel sombre et la pluie battante contribuaient à rendre l’ambiance électrique, presque au point de la mettre mal à l’aise dans son propre appartement. Ce n’était pas un temps à remettre les pieds dehors, elle se retrouvait donc avec ces heures à tuer. La véritable question était de savoir si elle parviendrait à faire les bons choix ou si elle opterait encore pour s’auto-saborder. Le seul contrôle qu’elle possédait encore était de ne pas augmenter le dosage de ses cachetons, de garder le strict minimum pour ne pas souffrir du manque. Mais le soir venu, quand elle tournait en rond dans son lit, se repassant le film de toutes les erreurs commises ces derniers mois, la tentation de la morphine devenait bien trop puissante. Surtout sous forme liquide. Puisque les journées fraîches revenaient et que Winnie ne voulait plus la voir, personne ne serait témoin des traces d’aiguille sur ses bras. Le tout était de prétendre que tout allait bien, d’adopter ces comportements tristement classiques. Comme mettre de la musique en fond sonore, se servir juste un verre de vin, se lancer dans une mission de sauvetage de ses plantes vertes délaissées, le tout une cigarette aux lèvres. Il n’y aurait personne non plus pour la reprendre. C’était une forme de liberté, la solitude.
Cela faisait presque illusion. Jusqu’à ce que les coups à la porte retentissent, brisent cette bulle durement acquise. La sérénité retomba, le cœur se serra. Elle commençait à détester les visites à l’improviste. Parce qu’elles apportaient au choix des problèmes ou des faux espoirs, et que la française ne se sentait plus de taille à supporter ce roller-coaster permanent. Elle jura en écrasant son mégot dans le cendrier, balayant le salon du regard pour s’assurer que rien de douteux ne traînait. Elle fut même tentée de ne juste pas ouvrir, pendant une seconde. Pourtant, elle finit par y aller, se retrouver face à une Leo déconfite, trempée jusqu’aux os. Evidemment que cela devait être Leo. Parce qu’elle semblait toujours être là dès que Bane parvenait à se la sortir de la tête. Elle était cette foutue pomme empoisonnée, et malgré tout, la brune n’arrivait pas à avoir le moindre ressentiment envers elle. C’était même l’inverse, ce soir, parce qu’elle n’aurait pas à se cacher. Elles étaient à la fois les antipodes les plus opposés qui soient, mais collectionnaient les points communs qui les faisaient se sentir proches, à leur manière tordue. « Je t’avais promis de te le dire, si je décidais de partir. » Alors oui, elle était encore là. Reese, non. Elle aurait aimé pouvoir dire ce qui l’avait piqué, pourquoi est-ce qu’il avait décampé à plusieurs heures d’ici subitement. Mais il n’avait pas réellement donné d’explications, avait laissé leurs routes se séparer sans que cela n’ait une quelconque importance. « Entre. » L’invitation à rester à l’appartement n’avait jamais cessé de tenir. Surtout maintenant qu’il y avait largement l’espace nécessaire. Après un rapide coup d’œil, la française s’éclipsa jusqu’à la salle de bain pour prendre une serviette qu’elle rapporta à la blonde. « Tu ressembles à un chien trempé. » Elle la dévisagea de la tête aux pieds et dans un soupir, refit demi-tour pour cette fois aller dans sa chambre. Elle ouvrir son armoire, piocha un pantalon de jogging et un tee-shirt au hasard qu’elle revint tendre à Leo. « T’éviteras de choper une pneumonie, comme ça. T’as qu’à mettre tes fringues à sécher sur le radiateur. » Elle lui offrit un sourire, tentant d’ignorer cet air familier de déjà-vu. La blonde qui se pointe à l’improviste, la bouteille ouverte, l’appartement vide, la quasi-certitude que rien ne se passera comme il le faudrait ce soir. « Journée de merde aussi ? » finit-elle par demander face aux traits tirés de la Parker. A croire que parfois, une journée de répit était trop demander.
Tu pourrais encore faire marche-arrière. Il n’est pas trop tard, tu n’as pas encore franchi toutes les limites ce soir. Ton poing n’a pas encore touché le bois de la porte, tu pourrais retracer tes pas, retourner sous la pluie et marcher les quelques kilomètres qui séparent l’appartement d’Albane du tien. De ce taudis que tu partages encore avec Seth, sans savoir quand le propriétaire allait vous mettre à la porte pour faute de paiement. Tu pourrais. Ce serait vraiment facile de le faire, même. Ce serait bien plus censé que de rester. Que de risquer de te retrouver devant elle, ou pire encore, de réaliser qu’elle n’est plus là. Il y a quelque chose de drôlement apaisant, dans l’ignorance. Et on ne sait jamais vraiment à quel point jusqu’au moment où on ne l’est plus. Tu l’avais appris de la manière la plus dure qui soit quand tu avais su la vérité sur ton géniteur, et puis sur cette famille qui était la sienne mais qui ne serait jamais la tienne, peu importe que Caitriona et ses frères possèdent en partie le même sang que toi. Les pensées se bousculent constamment dans ta tête, tu trembles alors que tes vêtements mouillés semblent peser trois tonnes contre ton corps fatigué, et tu persistes à hésiter, à tanguer d’un côté et puis de l’autre, cherchant à faire du sens de ta simple présence ici. Ça ne fait pas de sens, et pourtant, c’était aussi ce qui te semblait être le plus sensé. Et tu t’abandonnes finalement à ce besoin étouffant de savoir, si derrière la porte, il y aura toujours cette brune à l’accent français. Celle que tu as charmé trop facilement, celle qui s’est imprégné sous ta peau et dans ta peau sans que tu ne saisisses l’ampleur de ce qui était en train de se produire, celle dont tu prétends te foutre éperdument, mais vers qui tu reviens constamment. Celle pour qui tu brises inconsciemment toutes les règles que tu t’efforces à mettre en place lorsqu’il s’agit d’interactions humaines depuis toujours, celle pour qui le jeu n’a aucun attrait, mais avec qui t’évertues de continuer à jouer, qu’elle le veuille ou non.
Quand la porte s’ouvre enfin pour faire apparaître la silhouette de la française, il y a le soulagement qui fait grandement compétition à cette voix dans ta tête qui te dit que tu as pris la mauvaise décision. C’est que tu les collectionnes pourtant, les mauvaises décisions et il semblerait que ce soit le cas d’Albane aussi, elle qui avait l’opportunité parfaite de fuir et qui pourtant a choisi de rester. « Je t’avais promis de te le dire, si je décidais de partir. » « T’aurais pas été la première à ne pas tenir ta promesse. » Et si la Dumas faisait confiance aveuglement, tu étais plutôt de ceux qui s’attendaient à être déçu au moindre tournant, t’assurant donc d’être la première à décevoir, constamment. « Entre. » Tu ne te fais pas prier, refermant la porte derrière toi alors qu’Albane s’éclipse rapidement, te laissant seule pour observer une scène que tu connais trop bien. Le verre de vin bien remplit abandonner sur la table-basse à côté d’un cendrier déjà bien rempli, l’odeur de cigarette encore fumante et une Albane à l’état que tu devines déjà altéré, et pas seulement par l’alcool qui coule sans doute dans ses veines. Ça ne vous avait pas réussi, la dernière fois, et la tendance voudrait sûrement que ce ne soit pas le cas ce soir encore. Combien de fois est-ce que vous pouviez commettre les mêmes erreurs sans que tout n’éclate de manière permanente? La brune revient avec une serviette qu’elle te tend et tu restes figée pendant quelques secondes, cherchant toujours à comprendre ce que tu faisais là. « Tu ressembles à un chien trempé. » « Et toi tu ressembles à un chiot piteux. » Avec ses grands yeux tristes et la fatigue que tu lis trop facilement sur son visage aux traits tirés. C’est facile de répliquer, c’est une seconde nature chez toi, un besoin constant d’avoir le dernier mot alors qu’elle agit de manière altruiste envers toi, pas que tu aies mérité la moindre attention de sa part jusqu’à maintenant.
Elle disparait une fois de plus, vers sa chambre cette fois et reviens avec des vêtements qu’elle tend dans ta direction. Tu te retrouves rapidement avec les mains pleines, entre la serviette et le linge, mais tu restes toujours aussi immobile, comme si tu hésitais vraiment à faire demi-tour d’une seconde à l’autre. « T’éviteras de chopper une pneumonie, comme ça. T’as qu’à mettre tes fringues à sécher sur le radiateur. » Elle pointe ledit radiateur d’un léger mouvement de la tête et tu tournes enfin le regard dans la direction. Tu laisses tomber le jogging et le top sur le sol, avant de te départir de ton t-shirt trempé et de ton jean qui colle contre tes cuisses. La politesse aurait certainement voulu que tu ailles dans la salle de bain plutôt que de te déshabiller au beau milieu du salon, mais elle sait comme toi que le savoir-faire, ça n'a jamais été dans tes priorités. « Merci. » que tu lui souffles quand même alors que tu utilises finalement la serviette pour sécher ta peau désormais glacée, et puis au dernier moment, tu décides de lui tourner le dos avant de détacher ton soutien-gorge lui aussi complètement trempé et enfiler le débardeur offert par Albane. Tu viens glisser le jogging le long de tes jambes et puis viens machinalement poser ton linge sur le radiateur déjà allumé, comme elle te l’avait proposé. « Journée de merde aussi? » Le aussi t’arrache un léger sourire. Évidemment qu’elle respire la misère Albane, évidemment qu’elle aussi, elle accumule le bordel qui se place sur son chemin, de manière consciente ou pas depuis trop longtemps. C’est ce qui vous ramène l’une à l’autre, de la manière la plus tordue qui soit. « L’inverse relèverait du miracle en ce moment. » que tu te contentes de répondre sur un ton qui se veut nonchalant, mais qui témoigne un peu trop fort de la fatigue et du désarroi que tu te trimballes depuis trop longtemps. « Tu me verses un verre ou tu préfères que je pique le tien encore? » que tu ne peux t’empêcher de mentionner, le ton joueur qui revient dès l’instant où tu t’approches un peu trop de la française. Mais il y a ton regard qui dévie vers la chambre de Reese, cette pièce que tu sais vide désormais et l’éclat dans ton regard se dissipe aussitôt, se remplaçant inconsciemment par une colère qui n’est pourtant pas adressée à Albane, mais dont elle risque tout de même de faire les frais, malgré elle. « Qu’est-ce qui t’arrive? » que tu lui demandes, pour concentrer ton attention sur autre chose que cette boule de rancœur qui se forme dans le fond de ton ventre.
Tell all my friends that I'm sorry for leading them on. I made 'em think I was fine but I knew something was wrong. I thought that time would prove, it's all in my head. Now I'm in too deep and alone, and more scared than I've ever been. 'Cause it's so hard for me to be honest these days. I tell myself I'm doing okay, I don't want the world to think I'm weak
L’invitation avait été automatique, machinale. Albane s’était décalée du pas de la porte pour laisser entrer Leo sans y réfléchir à deux fois. Comme si c’était devenu naturel entre elles, alors qu’il n’aurait pas fallu. Quelques semaines plus tôt, la française s’accrochait encore péniblement à ses principes, à son besoin de garder leurs distances pour éviter des dégâts inutiles. Elle avait encore la présence d’esprit de se méfier de ce que la blonde pourrait lui apporter. Mais maintenant, ce soir en particulier, ça n’avait plus vraiment de sens. Et du sens, elle ne cherchait même plus à en trouver. Elle n’avait aucune idée de pourquoi elle accordait autant d’importance à la blonde, de pourquoi elle ne pouvait pas juste être indifférente. C’était juste comme ça. Pour l’heure, elle était la seule compagnie qu’elle aurait ce soir, la seule personne aussi avec qui Bane savait qu’elle n’aurait pas à dissimuler le fait qu’elle était une épave. Elle mettait déjà trop d’énergie à prétendre auprès du monde entier qu’elle était une personne bien dans ses baskets, parfaitement fonctionnelle. Au moins réussissait-elle à sourire de manière à peu près sincère avec Leo. Un sourire doux mais coupable. Si elle avait finalement décidé de partir, elle était prête à parier qu’elle ne l’aurait pas tenue, sa promesse. Elle aurait coupé contact avec tout le monde, aurait prétendu prendre un nouveau départ. Elle se serait efforcée d’y croire jusqu’à ce qu’elle trébuche à nouveau. Ça se serait probablement terminé par un message larmoyant motivé par l’alcool ou par un retour à Brisbane la queue entre les pattes. Il y avait un certain cynisme dans cette pensée. Elle aurait fait une erreur monumentale en acceptant ce boulot, elle en était certaine désormais. Mais cela ne rendait pas son quotidien plus savoureux, bien au contraire. Ça ne lui avait pas donné envie de se reprendre en main, loin de là. L’état de son appartement en disait long sur son état mental ces derniers temps. Einstein ne lui ferait pas la morale, ne se plaindrait pas de tous les trucs qui traînaient et pourraient lui servir de lit ou de jouet. Une fois le masque tombé, c’est vrai qu’elle ne devait pas avoir fière allure. Malgré tout, la répartie de la Parker eut le don de l’amuser. « Tout le monde aime les chiots piteux. » Même s’ils faisaient de la peine. C’était cohérent, dans un sens. Leo lui avait déjà dit qu’elle était pathétique, après tout.
Rien n’avait vraiment changé entre elles, et à la fois, tout semblait différent. Que ce soit l’attitude sur la réserve de Leo, plantée dans le salon, le fait qu’elle daigne la remercier plutôt que de considérer que cette gentillesse lui était due. Jusqu’à cette soudaine pudeur, à se retourner pour finir de se déshabiller. Une observation que la française n’aurait jamais dû pouvoir faire. Elle n’aurait pas dû laisser traîner ses yeux, comme si elle s’attendait à avoir droit à ce spectacle. Ça n’aurait pas été la première fois. Cette pensée incita la brune à détourner le regard, partagée entre une drôle sensation de déception et d’embarras. Elle préféra à la place reporter son attention sur ce qui pouvait traîner dans son salon, confirmer le fait qu’elle n’attendait vraiment personne ce soir. Elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander à quoi cela ressemblerait entre elles, aujourd’hui. Si ça se finirait en longue discussion, en dispute, en baisers rejetés. Tout lui conviendrait, du moment qu’elle se sortait la tête de la spirale dans laquelle elle avait l’impression d’être coincée. Il faudrait plus d’alcool que ça pour espérer une ambiance joviale. « A qui le dis-tu. » Encore une fois, elles ne formaient pas la meilleure des paires. Le piquant perpétuel de la blonde avait au moins le don d’animer quelque chose en elle, même si c’était pour faire référence à cette soirée qui l’avait définitivement foutue dans la merde. « J’apprécie ta notion du partage Leo, mais je vais plutôt aller t’en chercher un. » Elle se dirigea vers la cuisine ouverte, attrapa un verre dans le placard, la bouteille dans le frigo. En se retournant, elle put sentir que l’attention de Leo n’était pas sur elle, mais en direction de la porte entre-ouverte. Celle qui était vide, à nouveau. Cette pièce que Bane aussi se surprenait à observer parfois. Les souvenirs remontaient quand elle s’y attendait le moins, généralement. Comme la première fois où les sœurs Dumas avaient visité l’appartement, que Blanche avait décrété que c’était l’endroit parfait. Elle avait jeté le dévolu sur cette chambre spécifique pas pour sa taille, sa vue, mais parce qu’elle pouvait avoir la tête de lit qui pointerait vers le sud. C’était parfait pour son sommeil, paraissait-il. C’était plus facile quand Reese était là, qu’il chassait les fantômes de sa présence. Yeux baissés, la française remplit le verre de Leo, généreusement. Ce qui lui arrivait ? A ce stade, la question était surtout de savoir ce qui ne lui arrivait pas, vu la manière qu’avait sa vie de s’écrouler comme un château de cartes. « Rien de grave, j’imagine. Je paye juste les conséquences de mes actions. » Elle vint coller le verre entre les mains de la blonde, sondant son regard du sien. Elle n’avait pas envie que ça fasse comme la dernière fois, ce soir. Qu’elle se retrouve à être celle qui parle trop. « T’as envie d’en parler ? » De Reese ? De ce qui semblait la peser au point d’apparaître aussi paumée sur le pas de sa porte ? « C’est à propos de ce qui est arrivé à Cait ? » Parce qu’elle pensait commencer à la saisir, la Parker. Elle accuserait le coup pour son meilleur ami, ravalerait sa colère jusqu’à ce que ça déborde. C’était une émotion qu’elle connaissait. Mais l’accident de voiture de cette demi-sœur qui la laissait si amère, c’était plus complexe.
Dès l’instant où tu franchis la porte d’entrée, tu sais que tu ne repartiras pas. Pas à moins que les choses ne dérapent encore comme elles savaient pourtant si bien le faire entre vous, mais quelque chose te disait que peu importe les réserves qui existaient encore entre vous il y a quelques semaines, ces dernières n’existaient plus. C’est la conclusion que tu te faisais de l’état d’Albane autant que de l’état de l’appartement qui semblait légèrement délaissé. Reese n’était plus là pour vous faire la morale, personne ne viendrait surprendre quoique ce soit et seul le temps pourrait réellement dire quel chemin vous vous apprêtiez à emprunter. Ce n’était jamais bien cohérent, entre Albane et toi de toute façon. C’était comme deux aimants qui cherchaient à se retrouver, mais qui ne faisaient que foncer l’une dans l’autre sans être capable de s’attacher. C’était deux courants électrices au courant opposées, c’était la preuve ultime peut-être que les contraires s’attirent oui, mais ne se complètent pas pour autant. Malgré tout, la bonté d’Albane est la seule chose que tu recherches ce soir, et elle accepte ta présence et ton piquant sans que tu ne puisses t’expliquer pourquoi. « Tout le monde aime les chiots piteux. » Sa réplique t’arrache un sourire. Oui, tout le monde semble les prendre en pitié. Mais surtout, tout le monde semble savoir exactement quoi faire et quoi dire pour les utiliser à leur avantage. « Tout le monde abuse d’eux aussi. » Et Albane n’était certainement pas l’exception à la règle, bien au contraire. La preuve reposait sur le fait même qu’elle t’avait ouvert la porte, malgré tout ce que tu avais pu lui dire, malgré les situations de merde dans lesquelles tu l’avais placé à plusieurs reprises par le passé. Tu ne doutais pas non plus du fait que tu n’étais certainement pas la seule à abuser de sa gentillesse et de sa bonté et tu te demandais quelle limite devrait être franchie pour qu’elle décide enfin de se protéger un peu, quitte à se protéger de toi comme elle aurait dû le faire depuis longtemps. « T’es pas tannée? » Tannée de jouer à la conne de service? De donner constamment sans jamais rien recevoir en retour? Peut-être que tu pourrais lui apprendre à se tenir debout. Peut-être que tu pourrais lui apprendre la définition du mot non. Ou peut-être que tu pourrais simplement continuer de prendre tout ce qu’elle t’offre, sans jamais te soucier du reste. La dernière option te ressemblait bien plus et pourtant, avec elle, tes actions ne criaient jamais l’ordinaire.
Tes vêtements mouillés sont rapidement remplacés par des vêtements secs offerts par Albane, et si le moment aurait été propice à un premier dérapage, tu demeures étonnamment sage, allant même jusqu’à te tourner au moment d’enlever les derniers morceaux. Tu sens pourtant son regard sur ta peau, la tentation est grande de te retourner et de briser les quelques mètres de distance. Ce serait du déjà-vu, du réchauffer pratiquement, et pourtant, tu t’en empêches, te rappelant encore et encore que tu n’es pas venue pour ça. Pour quelles raisons est-ce que tu es venue d’ailleurs? Cette réponse-là, tu n’es pas certaine de savoir la trouver, pas ce soir du moins, pas tant qu’il n’y aura pas un peu – beaucoup – d’alcool dans ton système pour venir éclaircir le bordel qui fulmine dans ton esprit. « À qui le dis-tu. » Misery loves company. Peut-être bien que c’était ça, qui te ramenait constamment à elle. Parce que derrière ses airs de chiots bonté, de bonne fille, se cachait une misère, une noirceur qui elle t’était complètement familière, qui elle se mêlait à la tienne avec une facilité déconcertante. « J’apprécie ta notion du partage Leo, mais je vais plutôt aller t’en chercher un. » « Dommage. » que tu siffles amusée, avant que ton regard ne se perde sur la porte de la chambre qu’habitait Reese jusqu’à tout récemment et que cela te suffît à te rappeler à cette colère qui gronde constamment en sourdine. Tu ne sais pas si c’est parce qu’elle sent le changement dans l’air Albane, mais le verre qu’elle te sert est tout ce qu’il y a de plus généreux, chose pour laquelle tu la remercies d’un sourire un peu crispé. « Rien de grave, j’imagine. Je paye juste les conséquences de mes actions. » « Win? » C’est bien la première chose qui te vient en tête, même si de ton côté, tu n’avais rien entendu, comprenant alors que si la française était passée aux aveux, elle l’avait fait sans mentionner ton prénom. « Ça fait un moment que j’ai pas eu de ses nouvelles. J’imagine que ça aurait été différent, si tu lui avais tout dit. » Tu supposes, lui laissant le luxe de confirmer ou non ce que tu penses déjà savoir. Tu repensais aussi à votre conversation à l’hôpital, à ces demi-aveux qu’elle t’avait fait. Parviendrais-tu à connaître le fin mot de l’histoire ou serait-elle décidée à rester aussi évasive que possible, comme elle savait si bien le faire? « T’as envie d’en parler. » « Pour dire quoi? » Qu’y avait-il vraiment à dire? Reese était parti sans un mot. Il t’avait abandonné, comme Ariane avant lui, comme ta mère, comme Wyatt le ferait sans doute sous peu et comme tu t’imaginais déjà Albane le faire aussi. Everyone always leave. Ta loyauté finissait toujours par te coûter, et c’était exactement pour cette raison que tu tentais si fort de garder tout le monde à une certaine distance. Malheureusement, ça n’épargnait pas toutes les douleurs, à ton plus grand dam. « Reese est parti. Il a rien dit. Il fait chier, fin de l’histoire. » Oui, fin de l’histoire. Tu avais besoin que ce le soit, et pourtant, tout ton non-verbal criait que c’était bien plus que juste ça. « C’est à propos de ce qui est arrivé à Cait? » Cait? Caitriona? Non, pourquoi est-ce qu’elle mentionnait la rouquine alors que tu tentais désespérément d’oublier son existence? « Qu’est-ce qui est arrivé à Caitriona? » Tu n’es pas certaine de vouloir savoir et pourtant, maintenant qu’Albane a ouvert la porte, tu ne peux pas simplement l’ignorer. « Ça va me prendre quelque chose de plus fort que du vin si tu veux parler de ma demi-sœur. » Et tu en connaissais assez sur Albane pour savoir qu’elle était équipée, non pas qu’elle ait voulu partager la dernière fois.
Tell all my friends that I'm sorry for leading them on. I made 'em think I was fine but I knew something was wrong. I thought that time would prove, it's all in my head. Now I'm in too deep and alone, and more scared than I've ever been. 'Cause it's so hard for me to be honest these days. I tell myself I'm doing okay, I don't want the world to think I'm weak
Elle ne se serait jamais doutée la première fois qu’elle avait vu Leo, que celle-ci deviendrait aussi présente dans sa vie. Qu’elles se dirigeraient tout droit vers un magnifique désordre. La blonde était comme ces cigarettes dont Albane ne maîtrisait plus vraiment sa consommation. Au fond, elle savait que cette relation était toxique, qu’elle ne lui apporterait rien de bénéfique sur le long-terme. L’apaisement qu’elle lui apportait sur l’instant présent était juste assez puissant pour créer cette sale manie, la faire y revenir encore et encore. La française ne voulait même plus prétendre mettre des barrières entre elles deux. Ça ne fonctionnait juste pas, cela revenait à se voiler la face. Tout s’écroulait autour d’elle, ces derniers temps. Cela faisait juste du bien de se raccrocher à quelque chose. Même si ce quelque chose prenait la forme d’un caractère insolent, indomptable, chaotique. Qui plus est, rien ne pourrait rendre cette soirée plus terrible qu’elle ne l’était déjà. Une constatation qui lui rappelait malgré elle la fois où Leo l’avait appelée pathétique. Chiot piteux, c’était déjà du progrès. L’idée générale restait la même et la française ne put s’empêcher de hausser les épaules avec un regard désabusé. Est-ce qu’on abusait d’elle ? Peut-être bien. Albane ne savait pas dire non, tourner le dos à quelqu’un qui avait besoin d’elle lui était absolument impossible. Elle se démontait dès qu’il s’agissait de se défendre, et aux rares instances où elle y parvenait, cela finissait par la foutre au quatrième sous-sol. C’était le genre de personne qu’elle était, ce qui la rendait aussi faible qu’humaine. Elle n’avait jamais vraiment connu autre chose. « Ça a toujours très bien fonctionné pour moi. Je pourrais pas être en colère contre le monde entier en permanence, comme toi. J’aurais des raisons de l’être, mais ça me consumerait. J’imagine qu’on trouve notre confort où on peut. » Elle préférait encore être amorphe et servir de paillasson à l’occasion. Parce que la révolte était ce qui l’avait fait terminer dans la Ruche en premier lieu, créant un effet boule de neige avec ses mauvais choix.
Elle aspirait juste à de la sérénité, un luxe qui était probablement trop demander sans quelques recours artificiels. La présence de Leo lui servait de distraction, sortait son esprit de sa spirale de réflexion infernale. Superficiellement, du moins, car elles se connaissaient, à force. La blonde aurait la parole de travers, la question qui tue. Elles avaient leurs problèmes en suspens, ceux qu’elles ne pouvaient pas prétendre ignorer. L’un d’eux avait habité au bout du couloir, pendant un temps. Le départ de Reese avait fait un petit choc à la française, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Elle pouvait juste imaginer et compatir avec la Parker, ici. Lui servir un verre de vin bien trop rempli, également. D’une certaine manière, et quitte à être le chiot piteux, elle aurait voulu être celle qui aidait ce soir. Pas celle qui parle de ses propres malheurs, si bien que la mention de Win la fit arborer une grimace. Probablement parce qu’elle sentit son cœur se serrer quand elle acquiesça. Il lui manquait vraiment beaucoup, c’était indéniable. Mais il n’y avait plus rien qu’elle puisse faire, à part attendre et espérer qu’il décide de la pardonner. Sans même savoir si cela arriverait. Il lui en voulait, et ce n’était probablement rien comparé à ce qu’il ressentirait, ferait, dirait s’il apprenait que la personne impliquée dans le méfait n’était autre que Leo. « T’aurais vu sa réaction… Il ne m’a même pas crié dessus, n’a même pas levé la voix. Il était juste… blessé. Dégoûté. Je pouvais pas te traîner là-dedans quand t’étais pas responsable. J’espère juste qu’il ne l’apprendra jamais. » C’était de la pure lâcheté, alors qu’elle récupéra son verre, tentant de noyer ces souvenirs douloureux dans le vin.
Ironiquement, elles se retrouvaient toutes les deux dans le même bateau. Abandonnées et impuissantes, quoique pour une fois, la française était celle qui l’avait cherché. Elle ne comprenait pas pourquoi Reese s’était tiré, n’avait pas reçu d’explications. Pas plus que Leo, visiblement. Un départ soudain qui générait de l’inquiétude plutôt qu’autre chose du côté de la brune. C’était stupide. « J’suis désolée Leo. Ça craint. » Elle soupira. Peut-être qu’effectivement, il n’y avait rien à dire de plus. Il faudrait faire avec, fin de l’histoire. Bane n’y voyait aucune solution miracle, ne lui restait plus que la compassion. Tellement paumée à essayer de comprendre ce qui pouvait se passer dans le crâne de la Parker, elle ne réalisa pas immédiatement qu’elle venait de mettre les pieds dans le plat, d’aborder un sujet qui ne la concernait ni de près, ni de loin. Non, Leo ne savait pas pour sa demi-sœur. Etait-ce volontaire, au moins ? Est-ce Cait avait volontairement décidé de ne pas informer cette membre indésirable de la famille ? Elle se mordit la langue, hésita. « Finis déjà ton verre. » Une invitation qui ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde, et Bane la regarda obtempérer en silence avant de finalement se lancer. « Elle a eu un accident. Une voiture l’a percutée. Ça ira, mais… » Elle n’avait pas les détails, était juste au courant grâce aux bruits d’hôpital. « Je pensais que tu savais. On n’est pas obligées d’en parler. T’as qu’à plutôt me dire ce que tu veux comme poison et j’vais te chercher ça. » Elle avait des bouteilles de trucs plus forts que le vin. Même si ce n’était pas le projet initial, Bane pourrait faire avec.
« Ça a toujours très bien fonctionné pour moi. Je pourrais pas être en colère contre le monde en entier en permanence, comme toi. J’aurais des raisons de l’être, mais ça me consumerait. J’imagine qu’on trouve notre confort où on peut. » Tu échappes un rire. Croyait-elle réellement que cette colère constante que tu te trimballais constamment depuis des années ne te consommait pas? Qu’elle n’était pas un fardeau dont tu tolérais de moins en moins le poids sur tes épaules? Non, bien sûr que non. Tu sais qu’Albane n’est pas bête, tout comme tu sais autant que tu détestes ce fait qu’elle te comprenne un peu trop bien, par ses ressemblances qui semblent toujours vous ramener l’une à l’autre, même si vous ne gérez rien de la même façon. Tu peinais aussi à croire que sa façon de faire fonctionnait aussi bien qu’elle le clamait. Comment est-ce que cela pouvait être le cas quand, du peu que tu savais, son constant besoin de laisser les autres prendre avantages d’elle pouvait la mettre trop facilement dans des situations qu’elle aurait pu éviter si elle osait se tenir debout, une fois de temps en temps? Tu pouvais décider de te casser la tête à essayer de comprendre quelqu’un comme Albane Dumas, si fondamentalement différente de ta personne, ou alors tu pouvais simplement décider de prendre ce qu’elle avait à t’offrir sans constamment questionner le comment du pourquoi. Si cette deuxième option ne te venait pas aussi facilement qu’à l’habitude, c’est tout de même sur cette dernière que tu tentais de t’arrêter à chaque fois que vos chemins se croisaient, bien plus souvent qu’ils n’auraient dû le faire, pour son bien et un peu pour le tien, aussi. « Si ça t’amuse. » Que pouvais-tu dire de plus? Elle, comme toi, semblait décider à rester dans son malheur, qu’importe si ce dernier n’avait pas la même forme, ou la même teneur.
La simple mention de Winston suffit à alourdir une ambiance déjà pas très joviale. Tu ne sais pas pourquoi tu cherches à savoir. Ce n’est pas ton problème. Ce n’est pas de ta faute. Ou peut-être juste un peu, mais pas vraiment. Pas assez pour que ton nom n’ait trouvé le chemin de la conversation qui a eu lieu entre ton ami et la française du moins. « T’aurais vu sa réaction… Il ne m’a même pas crié dessus, n’a même pas levé la voix. Il était juste… blessé. Dégoûté. Je pouvais pas te traîner là-dedans quand t’étais pas responsable. J’espère juste qu’il ne l’apprendra jamais. » « Tu t’attendais à quoi? Qu’il te fasse une crise? » Tu te moques. Pourquoi tu te moques? Tu devrais tout simplement être soulagée que la situation ne soit pas empirée plus que ça, pour toi. Tu ne veux pas ruiner ton amitié avec Win pour une fille, surtout maintenant que Reese vous a bêtement lâché tous les deux. Alors pourquoi est-ce que tu continues de ressasser tout ça. « Tu regrettes. » Votre nuit ensemble. De s’être laissé aller à tes avances si facilement. « Tu sais que pour une fille qui semble avoir le cœur brisé, ça a pas été difficile de te convaincre de le tromper pourtant. » Tu tournes le couteau dans la plaie. Tu insistes. Encore. Toujours. Ça va mal finir cette histoire, elle va mal virer la conversation et tu vas te retrouver de nouveau dans la rue avec nulle part où aller. Parce que tu pousses toujours trop loin Leo, parce que tu ne sais pas accepter les limites, même quand tu ne ressens franchement aucun plaisir à les franchir.
Mais quitte à se faire mal et aborder les sujets qui fâchent, il y a Reese qui se place dans la conversation, quand tu préférerais largement qu’il reste ce qu’il est devenu : un fantôme, un sujet oublié que l’on évite autant que possible, qu’importe la douleur que le silence provoque. « J’suis désolée Leo. Ça craint. » Oui, tant pis. Sur ce sujet-là, tu n’avais certainement pas l’intention de t’étendre plus longuement. Tu lui en voulais, au Grigson, c’était clair et évident et tout autre mot sur le sujet n’apporterait rien de plus. Mais si tu avais su que le prochain sujet apporter par Albane serait Caitriona, peut-être que tu aurais encore préféré parler de Reese. Reese n’est plus là. Caitriona elle, semble être partout depuis que tu sais pour son existence et ce lien qui te relie à elle. Alors évidemment, le fait que la Dumas se sente le besoin de la mentionner n’annonçait rien de bon à ton sens. « Finis déjà ton verre. » Tu n’as pas besoin qu’elle te le dise deux fois pour obtempérer, les gorgées de vin s’accumulant dans ta gorge au point que ton verre s’en retrouve vide au bout de quelques secondes à peine. « Elle a eu un accident. Une voiture l’a percutée. Ça ira, mais… » « Mais? » Albane était trop vague à ton goût, elle qui pourtant avait emmené le sujet sur la table. « Elle est pas à l’article de la mort, c’est bon? » Si ça ira, comme elle a dit, c’est que ce n’est pas le cas, pas vrai? Ce n’est que quelques égratignures, tu as déjà envie de t’en convaincre, même si tu te doutes qu’elle ne serait pas hospitalisée pour si peu. « Je pensais que tu savais. On est pas obligées d’en parler. T’as qu’à plutôt me dire ce que tu veux comme poison et j’vais te chercher ça. » « C’est pas comme si on se parlait sur une base régulière, avec Cait. J’sais pas ce qui t’a donné cette impression. » Toujours ce ton moqueur, toujours le besoin d’en dire trop. Évidemment que la courte rencontre entre la française et ta demi-sœur n’avait pas donné l’impression d’une relation tissée-serrée entre la rouquine et toi. « T’as du fort? Et de quoi fumer? » Un joint serait le mieux, mais tu saurais te contenter d’une cigarette si c’est tout ce que Albane avait à t’offrir. « Elle est hospitalisée? Depuis quand? » Même si tu ne veux pas savoir, tu as besoin de savoir. Et ça, ça t’énerve bien plus que tu ne veux l’admettre.
Tell all my friends that I'm sorry for leading them on. I made 'em think I was fine but I knew something was wrong. I thought that time would prove, it's all in my head. Now I'm in too deep and alone, and more scared than I've ever been. 'Cause it's so hard for me to be honest these days. I tell myself I'm doing okay, I don't want the world to think I'm weak
Il n’y avait qu’en présence de Leo que Albane se permettait de laisser tomber les armes, d’abandonner le sourire faux et les mensonges de vie parfaite. Elle n’essayait plus de prétendre que tout allait bien, qu’elle était heureuse. Parce que de toute évidence, ce n’était pas souvent le cas. Elle ne compterait pas tant sur la drogue autrement, ne dissimulerait pas autant de mensonges aux gens qu’elle aimait. A force, elle ne savait même plus si c’était eux ou elle, qu’elle protégeait du côté plus sombre de sa vie. Et tout ça, la blonde pouvait le comprendre, dans une certaine mesure. Elle était autant brisée, si ce n’était plus, que la française. Semblait gérer sa vie comme s’il s’agissait d’un terrain miné et qu’elle avait renoncé à l’idée de les chercher, ces mines. Ça pétait de temps à autres. Ça faisait des dégâts autour. Mais il fallait passer à la suite, continuer d’avancer. Dans un sens, Bane aurait probablement préféré être à la place de Leo dans ce portrait, être capable de faire preuve d’insolence, de cynisme, de tenir tête au reste du monde autant que nécessaire. Ça devait être bien de pouvoir avancer le menton haut. Même quand tout ce qu’il y avait autour s’écroulait, que le bon se transformait en passé. Winston, par exemple. Albane ne comptait plus les mois depuis leur séparation, savait juste que cela ne devenait pas plus simple au fil du temps. Encore moins quand il l’insultait durant les journées et que le soir, c’était sur Leo qu’elle retombait. Le prochain chapitre de cette trahison à grand ampleur. Mais ça, il n’y avait pas grand monde à qui elle pouvait en parler, encore. Elle n’avait aucune envie d’admettre ce qu’elle avait fait, d’entendre qu’elle l’avait mérité et qu’il avait raison. Le ton de moquerie de la Parker ne lui échappa pas, assombrissant son visage. Oui, elle se serait attendue à ce que Win lui crie dessus, à ce qu’il ne fasse pas dans la retenue. Pas à ce qu’il lui offre son indifférence moralisatrice. Au début, du moins. « J’aurais préféré ne jamais avoir à lui dire. » Maintenant qu’elle connaissait les conséquences, elle aurait sans doute préféré vivre avec ce mensonge sur sa conscience, en espérant que cela ne lui pète jamais au visage. Mais Reese, même parti, ne lui avait pas laissé cette chance. Et si le sujet était déjà assez complexe, elle put sentir son cœur se tordre un peu aux mots de Leo. A ce qui ressemblait à une accusation. « Je regrette tout ce qu’il s’est passé depuis que je te connais. Et au fond, je sais que je devrais me tenir le plus loin possible de toi. » Et pourtant elles étaient là, la française à bien des années lumières de vouloir lui dire de partir. Parce que aussi toxique que soit ce qui les reliait, Bane s’en sentait inexorablement attirée.
Et puis, elle en avait marre de perdre des proches. Marre de voir les gens s’en aller, parce qu’ils le décidaient ou parce qu’elle les y poussait. Leo pouvait comprendre ça, alors que le fantôme de Reese semblait encore planer sur cet appartement. Elle ne connaissait que des bouts d’histoire dans la vie de la blonde, juste assez pour savoir que l’abandon était un thème récurrent. Tout comme les comportements ignobles pour tenir les autres à distance et éviter d’avoir à s’attacher. La française ne savait pas à quel point elle mettait les pieds dans le plat en abordant le sujet de Caitriona. Les relations n’avaient en rien l’air d’être au beau fixe mais d’un autre côté, le fait que Leo en ait parlé, qu’elle ait mis autant de colère à l’encontre de sa demi-sœur, suffisait à la brune pour savoir que cela avait de l’importance, à ses yeux. Dans son métier, annoncer ce genre de mauvaises nouvelles faisait partie du quotidien. Pourtant, en face de la Parker, Albane avait la vague sensation qu’il n’y aurait aucune manière de l’annoncer, aucune pincette suffisante. « Elle s’en remettra. » A priori. Rien ne laissait penser qu’il faudrait se précipiter sur son lit de mort. A croire que c’était l’unique information qui importait à Leo pour qu’elle puisse s’en moquer allègrement. « Pardon. Mais je crois juste pas à ce masque de totale indifférence. » Elle n’insisterait pas. Après tout, si la blonde ne voulait pas parler de sa relation fraternelle chaotique, elle ne forcerait pas. Ironiquement, cela collait à leur fonctionnement habituel. A la moindre occasion d’aborder un sujet privé, elles effleuraient la vérité avant de s’en éloigner aussi sec. Sur ce point, elles étaient pour ainsi dire identiques. A l’exception près que Bane s’autorisait à avoir des sentiments. Elle hocha la tête en s’approchant de la fenêtre, y attrapant son paquet de cigarettes abandonné. « J’ai refait le stock y a pas longtemps pour les bouteilles. Sers-toi. » Est-ce qu’elle devrait la suivre ? Vu comme cela s’était terminé les dernières fois, peut-être pas. « Mais j’ai rien à fumer d’autre que du tabac, désolée. Je crois… que ce serait la tentation de trop dans cet appartement. » Elle devait se retenir au quotidien de ne pas augmenter sa dose de morphine pour planer. Remplacer par de l’herbe ne serait d’aucune aide. « Je crois que ça fait deux ou trois jours. Elle est entre de bonnes mains. » C’était peu de le dire. Les collègues hospitalisés avaient toujours droit à un traitement de faveur. « Il y a une chose que je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que tu t’acharnes à vouloir la détester quand de toute évidence, elle a une place dans ta vie ? »
Il était complètement inutile de tenter de faire du sens de ce qui te reliait désormais à Albane. Il y avait eu trop de secrets dévoilés, trop de vérités dites, même à demi-mots, pour prétendre que vous ne vous compreniez pas à un certain niveau. Qu’il n’y avait pas entre vous une sorte de lien inexplicable, en dehors de cette attirance dangereuse qui avait déjà causé bien des dommages, et qui risquait d’en faire encore plus si toute la vérité sur la tromperie de la française venait à se rendre aux oreilles du principal intéressé. Tu n’avais rien dit, quand tu t’étais retrouvée face à Winston, même que tu n’étais pas certaine d’avoir réellement saisi la nature de leur relation, lui semblant surpris et choqué à l’emploi du mot copain, elle se laissant bien trop facilement entraînée dans d’autres bras, les tiens en l’occurrence. Tout ce que tu savais, c’est que tu avais inévitablement ta part à jouer dans le tableau de destruction qui avait suivi, bien que la brune semblait décidé à t’épargner de tout ça. T’épargner de quoi exactement, tu n’aurais su réellement le dire, toi qui t’entêtais encore et toujours à voir le tout comme une blague, une très mauvaise blague. « J’aurais préféré ne jamais avoir à lui dire. » Ça te brûle la langue, de lui dire pour l’autre fois au bar, avec Win. Tu sais que ça lui ferait mal pourtant. Mais peut-être aussi, qu’elle arrêterait de se taper sur la tête. Sauf que tu n’es pas altruiste comme ça, non. Tu es purement égoïste et tu ramènes ça à toi. Toujours à toi, même quand c’est loin d’être ton problème, tout ça. « Je regrette tout ce qu’il s’est passé depuis que je te connais. Et au fond, je sais que je devrais me tenir le plus loin possible de toi. » « Et malgré tout, t’as ouvert la porte. » Tu secoues la tête, un air mutin sur les lèvres alors que tu te demandes ce que ça te fait vraiment, de l’entendre dire ce que tu lui avais pourtant précisé dès le début. Sauf que tu n’arrives pas vraiment à te l’expliquer, ce que ça te fait, alors comme tout le reste, comme tout ce que tu n’as pas envie de gérer, tu le mets de côté pour mieux te rapprocher d’Albane, pour mieux plonger ton regard dans le sien, pour mieux analyser chaque réaction qui émane de sa personne lorsque tu brises toutes les barrières qu’elle s’efforce d’ériger avec si peu de conviction entre vous. « Tu peux pas dire que je t’avais pas prévenu. » Sans lui demander son avis, ni sans lui laisser le temps de reculer, tu viens glisser une main sur sa joue, laisse tes doigts caresser cette peau que tu meurs d’envie - sans jamais vouloir te l’admettre - de redécouvrir encore et encore alors que vos visages se touchent sans que jamais tu ne forces un rapprochement de trop. La simple sensation de son souffle sur tes lèvres te suffit, pour l’instant, et tu te recules avec cette persuasion que peu importe ce qu’elle peut vouloir se faire croire, tu ne l’as pas laissé indifférente, une fois de plus.
Le vin que tu bois comme s’il s’agissait d’un simple verre de jus est loin d’avoir l’effet escompté alors que tu sens la tension montée exponentiellement à la simple mention de Caitriona. C’était de ta faute après tout, tu avais laissé l’alcool parler une fois de trop, elle s’était retrouvée sur ton chemin au pire moment et tu n’avais pas pu t’empêcher de la mettre au courant de la connerie qui te servait de famille, et des mensonges qui avaient trop longtemps été perpétrés. « Elle s’en remettra. » Tu le retiens pratiquement de force, le soupir de soulagement qui menace de passer entre tes lèvres. Si tu t’efforçais à ne pas le laisser paraître, l’idée que quelque chose puisse arriver à la Regan te pétrifiait, bien trop consciente que cela ferait disparaître complètement cette chance d’apprendre à la connaître, cette même chance que tu te refusais pourtant de prendre, préférant prétendre encore et encore qu’elle ne serait jamais rien d’autre qu’une inconnue à tes yeux, qu’importe vos liens de sang. « Pardon. Mais je crois juste pas à ce masque de totale indifférence. » « Personne t’a demandé d’avoir un avis. » que tu répliques machinalement, refusant de lui offrir encore un accès normalement interdit à ce que tu penses réellement. Tu n’avais pas demandé à savoir pour Caitriona, c’est elle qui avait abordé le sujet et elle pouvait bien endurer tes réactions, quelles qu’elles soient. Tu l’observes s’approcher de la fenêtre, là où elle attrape un simple paquet de cigarettes délaissé. « J’ai refait le stock y a pas longtemps pour les bouteilles. Sers-toi. » Sans même prétendre ne pas savoir où se trouve le nécessaire, tu rentres dans la cuisine et te diriges d’abord vers l’armoire où se trouve les verres, pour ensuite te concentrer sur celle où se trouve les différentes bouteilles de fort. Tu arrêtes ton choix sur un whisky dont le nom te dit absolument rien, mais dont le pourcentage d’alcool sait se faire convaincant. « J’te sers un verre? » C’est du déjà vu, cette scène et ça t’arrache un léger rire alors que même sans attendre sa réponse, tu as déjà sorti un deuxième verre que tu remplis tout autant que le premier. « Mais j’ai rien à fumer d’autre que du tabac, désolée. Je crois… que ce serait la tentation de trop dans cet appartement. » « T’as choisis les mauvais vices. » que tu commentes simplement, comme s’il y avait quoique ce soit qui pouvait être considéré comme un bon vice. Tant pis, tu saurais faire sans un peu de weed, tant que tu pouvais piger dans ce paquet de cigarettes qu’elle tenait toujours entre ses doigts. Avec un peu de chance, tu recevrais bientôt un nouveau texto de Rhett te demandant une nouvelle dose des médicaments que tu savais trop facilement te procurer, et avec le peu d’argent que tu ferais enfin, tu pourrais te remplir les poches de ce qui te faisait du bien à toi, quitte à l’investir dans des trucs pertinents, comme ton appartement ou de quoi bouffer.
Tu trempes tes lèvres dans ton généreux verre de whisky - gratuit - et c’est bien malgré toi que tu reviens à la charge au sujet de Cait, cherchant à connaître le comment du pourquoi d’un accident dont tu devrais pourtant te foutre. « Je crois que ça fait deux ou trois jours. Elle est entre de bonnes mains. » « Tu sais ce qu’elle a? » Les blessures, le prognostic, peu importe comment elle voulait l’appeler. Sûrement que son statut d’infirmière pouvait lui permettre de t’en dire bien plus que le peu qu’elle s’acharnait à t’offrir à petites gouttes, comme si elle tentait de prouver un point, ce qui était sans doute le cas à bien y penser. « Il y a une chose que je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que tu t’acharnes à vouloir la détester quand de toute évidence, elle a une place dans ta vie? » « Qui a dit que je la détestais? » Peut-être toi, la dernière fois. Tu n’es pas certaine. Faut dire que tu en perds de plus en plus des bouts, quand tu bois trop, quand tu t’efforces a planer trop haut. « J’essaye de m’en foutre Bane parce qu’elle, c’est ce qu’elle a fait pendant toutes ces années qu’elle savait exactement qui j’étais et peut-être même où j’étais. » Elle entendra peut-être ici que tu essayes, non pas que tu t’en fous comme tu le cries pourtant sur tous les toits. Tu détestes le fait qu’elle soit capable de te lire comme ça, de te faire parler comme ça. « Si t’apprenais que c’est ton demi-frère qui est aux urgences, tu réagirais comment, oh Sainte Albane, celle qui se préoccupe toujours plus des autres que d’elle-même? » Elle aurait sans doute une bien meilleure réaction que la tienne, remplie d’une compassion que tu ne sais pas feindre, quand bien même tu es éprise d’une inquiétude qui t’énerve tant tu préfères prétendre qu’elle n’existe pas. « Tu dis que tu pourrais pas vivre constamment dans la colère comme moi, et bien moi au moins, j’ai pas besoin de geler ma douleur 24h sur 24 pour survivre. » À chacune son mal, à chacune sa façon de gérer et surtout, à chacune ses jugements.
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Il s’agissait certainement d’une perte de temps, de tenter de grapiller un peu de compassion et de compréhension venant de Leo. Albane en avait bien conscience. Pourtant, la blonde était devenue l’une des seules personnes au monde avec qui elle pouvait échanger sur certains sujets. Parce qu’ils étaient secrets, tabous, enterrés. Qu’elle avait son rôle de jeune femme bien dans ses baskets à jouer auprès du reste du monde. Avec la Parker, il n’y avait pas besoin de mentir. Elles étaient toutes les deux en pièces détachées sans même trop savoir pourquoi. Elles se comprenaient à ce niveau, à force de refuser d’admettre combien elles avaient perdu le contrôle sur leur vie. C’était assez tragique, à y réfléchir. Pathétique, même. Un adjectif qui collait bien trop à la peau de la française depuis qu’il avait franchi les lèvres de la blonde, un mot qui revenait souvent résonner dans ses oreilles dès qu’elle se mettait à devenir un poil trop lamentable. Comme quand elle se mettait dans tous ses états concernant Winston par exemple, plutôt que d’enfin se résoudre à passer à autre chose. Au moins n’avait-elle pas à s’encombrer d’épargner le petit cœur de la Parker, puisqu’elle ne savait pas comment l’atteindre. Bien sûr que oui, elle refusait chaque incident entre elles, chaque geste qui l’avaient gravée au fer blanc dans sa mémoire. Elle haïssait toutes ces nuits où elle repensait à Leo au fond de son lit quand elle n’en avait pas le droit. « Et malgré tout, j’ai ouvert la porte. » Elle répéta ces mots avec résignation, renonçant par la même occasion à trouver une excuse, une justification. Elle n’en avait pas. Quand Win lui avait demandé pourquoi une femme, la française avait retourné la question un millier de fois dans son esprit sans savoir comment y répondre. Elle avait directement accusé Leo car c’était bien plus simple, mais alors, pourquoi elle ? « Prévenue de quoi ? » Son cœur fragile rata un battement, son souffle se coupa avant de se faire plus erratique quand la main douce se posa sur sa joue, que ses doigts se mirent à la caresser avec une délicatesse trop rare. Instinctivement, les corps se rapprochèrent, les visages vinrent se chercher. Elle pouvait respirer son parfum avec cette distance comblée, partager le même souffle. Il n’y aurait qu’à tendre les lèvres pour l’embrasser et, stoïque, Albane se rendit compte qu’elle n’attendait que ça. Pourtant, Leo ne céda pas. Elle décida de respecter les règles imposées pour une fois, de reculer en laissant l’infirmière pantelante, frustrée. Indéniablement troublée, aussi. Ravaler sa salive fut difficile mais pas autant que de reprendre contenance. Encore une fois, elle était celle dont on se jouait, était juste déçue que cela n’ait pas continué.
C’était cruel, de devoir prétendre qu’il ne s’était rien passé. De récupérer son sang-froid pour aborder un sujet délicat qui cette fois, ne la concernait pas du tout. Le seul, en réalité, qu’elle avait vu atteindre la blonde aussi brusquement. Les débordements à l’hôpital étaient pour le moins inoubliables, et les questions sans réponses continuaient de tourner en boucle dans l’esprit de Bane. Évidemment que la Parker serait sur la défensive, qu’elle lui aboierait dessus plutôt que de faire preuve de vulnérabilité. « Je m’en fiche. » Que Leo ne veuille pas entendre son avis, cela lui était égal. Parce que pour une rare fois, elle était en position de force. Il n’y avait que de la bienveillance dans sa réflexion, pendant qu’elle offrait le toit, la boisson, les informations en temps réel sur ce qu’il se passait à l’hôpital. C’était trop important pour qu’elle se taise. Et puis, qu’est-ce qu’elle risquait ? En récupérant distraitement son paquet de cigarettes, en sortant une pour elle-même, la française ne lâchait pas la blonde du regard, à la recherche du moindre indice corporel qui lui permettrait de mieux la saisir. Si elle en voulait de ce whisky ? Non. Il ne fallait pas. Pas en présence de Leo, pas en sachant que le mélange avec la morphine serait probablement abominable. Pourtant, elle hocha la tête. L’alcool était sans doute le moindre de ses soucis en termes de vices. Moins susceptible de lui apporter un tas d’emmerdes sur le long-terme que le tabac ou son régime d’antalgiques qu’elle essayait de contrôler tant bien que mal. Si son corps ne l’en dissuadait pas, elle aurait été ravie de remplacer les cachetons par les joints. « T’es libre d’appeler un fournisseur si tu veux autre chose. » Elle n’avait plus aucune légitimité à être la voix de la raison, après tout.
Si ça pouvait permettre à Leo de mieux digérer les dernières nouvelles concernant Cait, alors c’était à considérer. Aussi indifférente qu’elle veuille paraître, elle revenait à la charge. Le whisky brûla la gorge de la française alors qu’elle accompagnait la blonde, puis qu’elle secoua la tête en signe de négation. « Je pourrai demander si tu veux. » Elles ne se connaissaient pas réellement avec l’interne. Fouiner de ce côté-là aurait sans doute été malvenu. Et très honnêtement, ce serait certainement une meilleure idée si Leo allait prendre des nouvelles elle-même. Aussi tragique que cela soit, l’occasion serait parfaite pour montrer patte blanche, faire un pas vers sa demi-sœur. La hargne ne tiendrait pas éternellement. « Ce n’est pas ce que tu as dit, c’est ce que tu as fait. » A l’hôpital, l’autre soir aux urgences. Elle avait bien trop insisté pour une personne qui lui serait totalement indifférente. « Je ne peux pas prétendre connaître votre histoire. Mais elle est venue aux urgences parce que tu la réclamais quand elle aurait pu prétendre ne pas te connaître. Tu ne t’es jamais dit que ça pourrait être bénéfique, d’abandonner cette rancœur ? » Contre-attaquer avec l’histoire de la française n’était pas la meilleure stratégie, fit hausser un sourcil à Albane. Ce n’était juste pas comparable. « J’irais le voir avec un bouquet de fleurs, j’imagine. » Elle ne releva pas l’attaque, se contenta de répondre comme si c’était la réponse la plus évidente du monde. Elle irait s’assurer qu’il aille bien, proposer son aide en cas de besoin. Cela ne voulait pas dire qu’ils étaient extrêmement proches, juste qu’elle était irrémédiablement humaine. Rien qui ne méritait une contre-attaque aussi virulente. Geler sa douleur en permanence, tourner en junkie plutôt que de laisser les sentiments s’installer trop profondément. « Outch. » Elle observa son verre, la porte de sa chambre où son stock se trouvait. Essayant de déterminer ce qu’elle ressentait, là, tout de suite. C’était vide. Elle déposa finalement son verre sur la table basse, se releva pour aller ouvrir la fenêtre, allumer sa cigarette. Elle détestait l’odeur de tabac dans l’appartement, et pourtant, elle peinait à appliquer ses propres règles. Une taffe pensive partie dans le vide, et elle retourna la tête vers Leo. « Tu fais ce que tu veux, Leo. On n’a pas à en parler si tu n’en as pas envie. J’essaye juste d’aider, comme toujours. » Parce qu’elle pensait pouvoir sauver le monde entier quand c’était elle qui coulait. « Mais si tu n’as pas envie de changer, c’est ton choix. » Elle n’approuverait pas mais comprendrait, parce que c’était aussi celui qu’elle avait pris.
Il n’y avait aucune logique à ce qui était en train de se produire. Aucune façon de faire sens à cette manière que tu avais de constamment retourner près d’elle, à cette façon qu’elle avait de toujours t’ouvrir la porte alors qu’elle aurait dû la garder sceller à double-tour. Il n’y avait rien qui prédisait une quelconque entente entre une fille comme elle et une fille comme toi, si ce n’est tous vos morceaux plus brisés les uns que les autres qui s’étendent sur le sol autour de vous. Le problème, c’est que malgré toutes les bonnes intentions de la française, vous ne vous faites pas de bien. Elle est trop brisée, et toi aussi. Ça ne donne que deux êtres qui ne savent plus sur quoi ni sur qui se raccrocher, qui se font du mal dans le processus. C’est ça, sans aucun doute, la fatalité de ce moment. Quand tu poseras le commentaire ou le geste de trop, comme tu sais toujours si bien le faire. Quand elle te laissera faire trop longtemps avant de s’indigner, parce qu’elle ne cherche même plus à se battre. « Et malgré tout, j’ai ouvert la porte. » À quand le coup d’éclat, à quand la dernière chance de trop? « Prévenue de quoi? » Ton regard ne lâche jamais le sien alors que tu t’approches d’elle, que tes doigts viennent caresser sa joue dans un mouvement qui est à la fois bien trop familier et exaltant pour ce qu’il est, sans jamais toutefois briser toute la distance pour venir poser tes lèvres sur les siennes, même si c’est tout ce que ton corps et ton esprit te dictent de faire dans la seconde. Toujours aussi près d’elle, tes lèvres pratiquement sur les siennes, tu murmures plutôt « Que j’t’apporterais que des ennuis. » avant de te reculer comme si de rien était, comme si ton cœur ne battait pas la chamade et que ton corps n'exigeait pas plus que le peu de contacts que tu venais de lui offrir.
Tu le sais parfaitement, que ce que tu viens de faire a laissé son effet sur Albane, de la même manière que ça a laissé un effet sur toi, du genre que tu n’assumes pas très, mais le fait d’être celle en contrôle, encore quelques secondes du moins, sait te satisfaire dans l’immédiat. La discussion autour de Caitriona elle t’évoque plutôt un mix d’émotions que tu ne sais pas toutes identifiées, que tu ne veux pas toutes identifiées tant tu te trouves complètement conne de t’en faire pour cette fille qui n’est rien pour toi, si ce n’est que quelqu’un avec qui tu partages la moitié de tes gènes. Tu sais pourtant mieux que personne que ce n’est pas suffisant pour que ça en fasse ta famille, alors pourquoi est-ce que ça t’inquiète de la savoir à l’hôpital? Au milieu de tout ça, il y a évidemment Albane qui n’avale pas du tout ton jeu de la gamine qui se fiche de tout, et tu voudrais pouvoir lui crier d’arrêter de lire ta tête tant ça t’énerve qu’elle te comprenne si facilement, sans que tu ne lui en aies donné le droit. « Je m’en fiche. » Ça t’arrache un rire mauvais. Évidemment que c’est dans le pire des moments pour toi que Albane décide de ne pas prendre en considération les avis d’autrui. Prendre ton avis en considération, plutôt. Même si comme bien souvent, elle est loin d’avoir tort à ton sujet, la Dumas. Tu prétends encore un peu, te distraits de tes vices, des siens, du manque de weed dans les environs, bien que prête à te contenter d’une simple cigarette simplement pour avoir quelque chose entre les doigts sur quoi passer tes nerfs. « T’es libre d’appeler un fournisseur si tu veux autre chose. » Tu lui lances un regard tout en secouant la tête, un léger sourire au coin des lèvres. « J’vais m’en passer. » Comme si tu avais les moyens de te payer quoique ce soit. Ce qui ne t’empêche toujours pas de te plaindre des quelques gratuités si généreusement offertes par la française, une fois encore. C’est toujours la même routine quand vous vous retrouvez ici toutes les deux. Des vêtements en moins, un peu d’alcool et soudainement, tout fout le camp. La seule et unique recette de votre relation qui n’apporte toujours que la même chose : de gros désastres.
« Je pourrai demander si tu veux. » Ouais, tu veux. Non, tu ne le diras pas à voix haute et elle le sait parfaitement ça. Alors d’un simple haussement d’épaules elle devra se contenter pour toute réponse, la française, à moins qu’une fois encore, elle ne te presse pour une réponse qu’elle connaît pourtant déjà. « Ce n’est pas ce que tu as dit, c’est ce que tu as fait. » Tu bois une autre gorgée de ton verre pour éviter de répondre, pour cesser de te contredire comme tu le fais pourtant depuis le début de cette conversation. Tu n’as pas envie de repenser à ce qui s’est passé l’autre fois, à l’hôpital. Autant avec Albane qu’avec Caitriona. « Je ne peux pas prétendre connaître votre histoire. Mais elle est venue aux urgences parce que tu la réclamais quand elle aurait pu prétendre ne pas te connaître. Tu ne t’es jamais dit que ça pourrait être bénéfique, d’abandonner cette rancœur? » « Non. » La réponse est rapide et sincère. Tes jointures sont blanches de serrer ton verre trop fort alors que tu échappes un énième soupir. « C’est tout ce que j’ai pour me protéger. » que tu avoues sans jamais lever la tête vers la brune. Tu refuses d’être cette gamine vulnérable à la recherche de ses racines, celle qui donne une chance. Ça ne finit jamais bien, dans ces circonstances-là, elle devrait le savoir Albane. « J’irais le voir avec un bouquet de fleurs, j’imagine. » Alors que tu bouilles de rage et que tu fais absolument tout pour l’atteindre, elle se contente de répondre le plus simplement du monde, comme si tout de cette conversation était parfaitement normale et non pas le signe même que vos vies étaient complètement timbrées.
Alors tu mords une fois de plus, attaques les points faibles, à la recherche d’une éternelle réaction de sa part qui ne vient pas, pas comme tu te l’étais imaginée du moins. « Outch. » qu’elle se contente de dire alors qu’elle délaisse son verre pour une cigarette qu’elle allume près de la fenêtre. Tu suis le moindre de ses mouvements, attendant le moment où elle explosera enfin, sans que jamais ce ne soit le cas. « Tu fais ce que tu veux, Leo. On n’a pas à en parler si tu n’en as pas envie. J’essaye juste de t’aider, comme toujours. » Et c’est bien ça, le problème. « Mais si tu n’as pas envie de changer, c’est ton choix. » Tu ris une nouvelle fois devant l’éternelle candeur d’Albane. Tu vois toutes les failles derrière sa logique, comprends qu’elle ne peut pas exiger de toi des changements qu’elle n’est pas elle-même en mesure d’effectuer, mais il te manque toujours le pourquoi. Si elle a peu à peu réussi à t’arracher des parts de ta vérité, tu as l’impression de sombrer constamment lorsqu’il s’agit de comprendre un peu mieux cette fille qui se trouve devant toi. Celle qui cherche à te sauver, mais qui n’a même pas la force de se sauver elle-même. « Tu m’rends complètement folle, tu le sais ça? » Tu passes une main dans ton visage, un nouveau rire nerveux qui t’échappe avant que tu ne viennes voler la cigarette se trouvant entre les doigts de la brune. « Je t’insulte et t’essaye quand même de m’aider. Je suis quoi pour toi? Ton cas désespéré? Celle que tu veux réparer à défaut de vouloir te reconstruire? » Ton corps se penche de manière dangereusement proche du sien alors que tu viens écraser la cigarette seulement à moitié consumée dans le cendrier laisser près de la fenêtre. Tu te retournes vers Albane, plongeant ton regard dans le sien avant de placer tes mains de chaque côté de son visage. « Il se passe quoi là-dedans? » Tes doigts serrent avec force les côtés de son crâne alors que tu sens tout ton être qui tremble sous le coup d’une émotion que tu ne parviens pas à identifier, un coup de folie qui prend soudainement tout le contrôle. « Qu’est-ce qui t’es arrivé pour que t’aies besoin de tout geler comme ça? » C’est qu’elle est presque suppliante ta voix, alors que tu réalises à peine que la française a su devenir une véritable obsession pour toi dans les dernières semaines. Une pensée que tu n’arrives plus à chasser, un tas de questions dont les réponses t’échappent malgré ton besoin cruel de tout savoir. D’un geste vif, tu la retournes, forçant son dos contre le devant de ton corps alors qu’une main glisse autour de sa nuque, l’autre se baladant sans gêne aucune contre son corps, tes doigts glissant contre sa poitrine, le long de son ventre avant de s’arrêter à la barrière de son pantalon. « Et ça, ça te fait quelque chose? » que tu murmures à son oreille, demeurant encore parfaitement immobile, pourtant à deux doigts de craquer, à tous les niveaux.
Tell all my friends that I'm sorry for leading them on. I made 'em think I was fine but I knew something was wrong. I thought that time would prove, it's all in my head. Now I'm in too deep and alone, and more scared than I've ever been. 'Cause it's so hard for me to be honest these days. I tell myself I'm doing okay, I don't want the world to think I'm weak
« J’ai pas besoin de toi pour avoir des ennuis. » Évidemment que Leo ne lui apporterait que des ennuis. Qu’elle viendrait se rajouter à cette liste interminable de tout ce qui déconnait dans la vie de Bane, de tout ce qu’il faudrait bien qu’elle règle avant. Parce que la blonde était tout aussi fracassée qu’elle à bien des niveaux, qu’elle savait comment attirer à la fois la générosité sans bornes de la française et son goût toxique vers l’imparfait. Ça lui offrait un certain réconfort de réaliser qu’elle n’était pas la seule à ne plus savoir où elle mettait les pieds. Elle préférait encore se voiler la face sur le fait qu’un jour, cela se terminerait mal entre elles. Il y avait déjà cette épée de Damoclès qui leur pendait au-dessus de la tête quant à ce secret qu’elles gardaient de Winston. Ça, et les autres choses que la blonde n’aurait jamais dû savoir, qui les rendaient plus proches qu’il ne le faudrait. Peut-être qu’il s’agissait d’un appel à l’aise silencieux au fond, d’une tentative désespérée pour que quelqu’un la pousse à sortir de sa torpeur et de ses addictions. Mais d’une certaine manière, si Albane se décidait à se raisonner, à s’éloigner de tout ce qui la détruisait, alors la Parker en ferait les frais aussi. Elles ne voulaient pas ça, pas alors que leurs lèvres étaient si proches, que leurs corps savaient pertinemment ce qu’ils désiraient, eux. Il n’y avait plus que les esprits pour les contrarier. Au même titre que les informations plus personnelles, que les tranches de vie qu’elle crevaient d’envie de partager sans se le permettre pleinement. Elles semblaient bien incapables de trouver leur équilibre, à tant vouloir étouffer la réalité. C’était pour cette raison aussi qu’elles semblaient adorer les exutoires, n’est-ce pas ? Il n’y avait rien d’autre de que l’alcool et de la nicotine, ce soir, Albane refusant clairement de partager ses stocks de morphine. C’était bien suffisant pour encore faire tomber les barrières, prendre le risque de trop en dire. Elle haussa juste les épaules, indifférente à ce refus d’aller se fournir autre part. Une sage décision.
Surtout vu la conversation qui était sur les rails. L’accident de Cait, l’incertitude quant à son état de santé actuel. Ce n’était pas anodin pour que l’infirmière se sente obligée d’en parler, et malgré elle, il avait fallu qu’elle gratte la surface, essaye de comprendre ce qui pouvait bien se tramer dans l’esprit de la blonde. Parce que cette indifférence n’était qu’une façade bancale, un masque qu’elle tentait d’arborer sans même voir qu’il ne tenait pas la route. Si elle s’en moquait réellement, elle n’aurait même jamais parlé de sa demi-sœur, encore moins sur son lieu de travail. Elle n’aurait rien tenté pour avoir son attention et ne lui aurait pas offert la sienne. En quoi était-ce compliqué d’admettre qu’elle avait une place dans la vie de la Parker, aussi floue soit-elle ? Elle aurait pu être une totale inconnue, garder ce statut. Leo avait juste décidé que ce ne serait pas le cas. Il y avait du progrès à apercevoir cette once de faiblesse chez la blonde, ces mots qui achevaient de la trahir. « Te protéger de quoi ? D’être entourée ? » Il y aurait pire conséquence. Peut-être la française était-elle trop idéaliste, mais elle peinait à voir ce qui pourrait se passer de si grave si Leo posait les armes. Dans le pire des cas, leur relation pourrait ne jamais vraiment décoller, elles pourraient ne pas se trouver d’atomes crochus. Et alors quoi ? Est-ce que cela ne valait pas la peine de tenter ? Car dans sa situation, Albane l’aurait fait. Il lui avait fallu accuser le coup de son côté, mais elle savait qu’elle irait jusqu’au bout avec Eliot, ferait le test ADN et apprendrait à le connaître.
Mais il fallait lui rappeler qu’elles étaient différentes, n’est-ce pas ? Que la brune était le chiot piteux pathétique dans leur duo. Celle qui préférait encore s’amputer de tout ressenti plutôt que de faire face. Elle n’avait pas tort ; c’était certainement hypocrite de la part de la française ne prodiguer des conseils qu’elle était incapable d’appliquer. Tellement déconnectée de ses valeurs qu’elle ne parvenait plus à voir combien elle avait dérivé. Elle aurait pu s’énerver, hausser la voix, lancer des reproches à son tour. Mais ce que Leo ne voyait pas, c’était combien elles fonctionnaient différemment. Là où la blonde s’acharnait à garder ses distances, Albane cherchait à régler les problèmes des autres. Ils semblaient bien plus simples quand ils n’étaient pas les siens. Pour autant, elle ne pouvait rien faire d’autre que d’offrir sa sagesse bienpensante. Elle aurait dû savoir depuis le temps que c’était peine perdue avec la Parker. Que cela ne servait probablement à rien. Si bien que cela parvint à l’amuser le temps d’une seconde. « Je sais que je te rends folle. T’y reviens à chaque fois. » Elle ne savait pas pourquoi spécifiquement, ou ce que Leo pouvait bien attendre d’elle. Mais la voir se rapprocher pour lui voler sa cigarette et la gaspiller au fond du cendrier la fit grimacer silencieusement. « T’as vraiment envie qu’on parle de ce qu’on est pour l’autre ? Tu veux t’engager sur ce terrain ? » Elles n’auraient pas de réponse. Ce serait des bribes de vérité comme d’habitude, qui ne sèmeraient que davantage de confusion. Pas autant que le contact de ses mains contre son visage cependant, ou de son regard dardé dans le sien avec un sérieux qu’elle ne lui connaissait pas. Bane en resta muette, oublia de respirer alors qu’elle se sentait sondée, analysée. Bien trop vulnérable, déchirée entre l’envie de répondre et de juste s’échapper. Il était là, leur principal point commun. Elle voulait tout enterrer au plus profond d’elle-même plutôt que de prendre le risque de revivre sa douleur à nouveau. Elle était pas de taille pour tout ça. « Attention, je vais presque finir par contre que tu en as quelque chose à faire. » Est-ce qu’elle l’admettrait ? Est-ce qu’elle ouvrirait un peu son cœur juste pour avoir des réponses ? Le regard planté dans le sien, elle attendit, pendue à ce défi. Jusqu’à ce que le contact se rompe, que le jeu de l’honnêteté soit remplacé par la traîtrise des corps. L’alcool qui commençait à se répandre dans son sang, les résidus de morphine, tout la disposait à ne pas opposer de résistance. Alors sentir la poitrine et le vendre de Leo contre son dos, sa main sur sa nuque, l’autre qui glissait contre son ventre non sans lui arracher un frisson. Sa voix dans son oreille. Si ça lui faisait quelque chose ? Comment n’avait-elle pas compris encore que c’était bien le cœur du problème ? En sachant pertinemment qu’elle le regretterait amèrement, les doigts d’Albane glissèrent sur son bas-ventre, effleurant les doigts de la blonde. Elle défit le bouton de son pantalon, sa braguette, faisant disparaître cette barrière. « T’as qu’à venir vérifier. » Une invitation plus qu’une provocation, une résistance de plusieurs mois qui était en train de se casser la gueule. Mais elle était fatiguée de se battre, de se détruire quand elle avait un moyen bien plus agréable de décoller sous la main. Subitement, elle se retournera, sans toutefois briser la distance entre elles. « C’est pour ça, que tu viens ? » Leurs visages se rapprochèrent encore jusqu’à n’être plus qu’à quelques millimètres de l’autre. Elle pouvait sentir son souffle. « Parce que tu sais que tu peux profiter de moi comme t’en as envie ? » Prendre ce qu’elle avait à donner, et même ce qu’elle lui refusait ? « Au final, ça a même pas d’importance. T’as raison, j’ai besoin de tout geler. » Et comme d’habitude, ce serait le regret d’un autre jour. Cédant à cette tentation insoutenable, Albane fut celle qui vint embrasser fougueusement la blonde, se remémorer le goût de ses lippes quand ses doigts s’emmêlèrent dans ses cheveux, que son bras vint s’enrouler autour de sa taille. Elle se haïrait un autre jour de faire cela, encore plus d’adorer chaque seconde de ce qui était en train de se passer. « Mais cette fois tu l’fais en connaissance de cause. » En sachant qu’il y aurait des retombées, inévitablement. Qu’elles ne s’en sortiraient pas indemnes.
Ce n’était jamais simple, entre Albane et toi. Tu en étais parfaitement consciente et pourtant, c’est chez elle que tu avais choisi de te réfugier. Inconsciemment, c’est auprès d’elle que tu te sentais le mieux, comme si au milieu de tous vos travers et de toutes les conneries qui découlaient de chacune de vos rencontres, tu trouvais tout de même chez elle un confort que tu ne savais plus où chercher. Peut-être que si vous étiez moins brisées, peut-être que si vous étiez moins différentes ou même que tu décidais simplement de baisser ta garde légèrement, les choses pourraient être tout autre. Peut-être que vous seriez en mesure de partager un verre et une clope sans que tout ne prenne un penchant extrême, sans que la discussion ne glisse sur des sujets trop dangereux. Mais ce n’était pas le cas, pas ce soir du moins, alors que les vérités continuaient de filer, comme des contre-coups que tu ne savais plus retenir. Tu ne voulais pas penser à Caitriona Regan, mais elle comme la française, savait trop facilement habiter tes pensées depuis que tu avais appris pour son existence. Si Albane voyait bien que tes paroles ne concordaient pas avec tes actions, elle semblait avoir du mal à comprendre le raisonnement derrière ton besoin incessant de te protéger constamment, d’imposer cette énorme barrière entre toi et le reste du monde. « Te protéger de quoi? D’être entourée? » Tu échappes un rire tout en secouant la tête. « C’est tout le contraire. » N’a-t-elle pas encore compris que si tu gardes cette distance avec la terre entière, c’est simplement parce que tu ne peux pas risquer d’être abandonnée encore? Cruellement lâchée, délaissée, oubliée. Trop souvent dans ton histoire, c’était arrivé et encore aujourd’hui, avec la disparition subite de Reese, tu en subissais les conséquences. Même après toutes ces pertes, tous ces proches qui t’avaient été arrachés comme ceux qui étaient partis comme des voleurs, tu gérais toujours aussi mal avec la colère, la tristesse et cette horrible vulnérabilité qui en découlait, celle qui semblait rebondir constamment sur les murs de l’appartement autour de toi, incapable de s’échapper. « J’refuse de laisser quelqu’un d’autre entrer dans ma vie simplement pour mieux le voir en sortir. » Et si c’était facile de comprendre que tu parlais là de Caitriona, cela ne valait pas simplement pour la rouquine, mais bien pour Albane aussi, même si tu commençais à réaliser peu à peu qu’il était peut-être bien trop tard pour cela, désormais. Qu’elle en faisait partie, de ta vie, et que tu redoutais le jour où tout se détruirait autour de vous.
Pour autant, toutes les ressemblances qui pouvaient exister entre vous deux n’aidaient en rien pour réellement vous comprendre. Tu t’emportais, elle restait de marbre, avec cette éternelle bienveillance alors que tu aurais de loin préféré qu’elle s’enflamme avec toi, qu’elle te donne une bonne raison de lui faire mal alors qu’au fond, elle ne faisait que te donner constamment des raisons de lui en demander toujours plus. « Je sais que je te rends folle. T’y reviens à chaque fois. » Et sans doute qu’il était là le problème, qu’il y ait sans cesse de nouvelles fois. Tu étais là. Tu étais revenue vers elle, encore. Tu revenais tout le temps. « T’as vraiment envie qu’on parle de ce qu’on est l’une pour l’autre? Tu veux t’engager sur ce terrain? » « Ça t’arrive de répondre autrement qu’en posant d’autres questions? » Est-ce que tu voulais vraiment t’engager sur ce terrain? Non, pas vraiment. Ça s’était mal terminé la dernière fois et tu ne doutais pas un seul instant que ce serait encore le cas aujourd’hui si vous preniez vraiment ce chemin-là. Toutefois, tu avais besoin de réponses. Tu avais besoin de comprendre. Bien plus que la simple nature de votre relation, mais les motivations derrière ces actions, les évènements qui avaient su la briser au point qu’elle n’était plus qu’une pâle copie d’elle-même. Tu ne l’avais pas connu autrement, et pourtant, tu savais que cette version gelée de la française n’était pas réellement qui elle était, qui elle pouvait être. Tes doigts sur son visage s’accrochent à elle, comme si tu étais soudainement celle qui avait peur de chavirer à force de te perdre dans les questions sans réponse. « Attention, je vais presque finir par croire que tu en as quelque chose à faire. » Tu demeures silencieuse quelques secondes à peine, incapable de d’affirmer ni de nier les paroles de la brune. Tu ne serais pas là, si tu te foutais d’elle comme tu voulais lui faire croire, te le faire croire. Mais être capable de l’admettre, sans aucune ambiguïté était une tout autre histoire, un tout autre défi qui même dans le feu de l’action, te semblait impossible. « Peut-être. » C’est tout ce que tu pouvais lui offrir, quand bien même le moindre de tes gestes lui prouvaient sans l’ombre d’un doute que tu t’inquiétais pour elle, bien plus que tu ne t’étais inquiétée pour qui que ce soit depuis bien longtemps.
Tu n'allais pas laisser les mots prendre toute la place quand ton corps lui savait dire l’essentiel bien plus facilement. Quand la sensation de tes doigts contre sa peau elle criait mille et une choses sur laquelle il n’était pas essentiel de mettre une définition. Reprendre le contrôle t’étais nécessaire, et c’est exactement ce que tu cherchais à faire alors que tu laissais tes doigts glisser contre son ventre, à la recherche de toujours plus de sensations. Les doigts d’Albane qui viennent frôler les tiens t’arrachent un frisson, et ton regard les suit défaire le bouton de son pantalon et la braguette, une réponse de sa part qui ne cesse de te surprendre. « T’as qu’à venir vérifier. » Ton visage se loge contre son épaule, ton souffle contre la peau de son cou alors que tu glisses tes doigts contre la barrière de son sous-vêtement, sous son invitation. Tu n’as pas le temps de redécouvrir quoique ce soit qu’elle se retourne, son visage soudainement bien trop près du tien. « C’est pour ça que tu viens? » Son souffle contre tes lèvres, l’odeur de son parfum, tes doigts toujours immobiles contre son sous-vêtement, les mots peinent à se faire un chemin dans ton esprit, son regard insistant te faisant perdre le peu de moyens qu’il te reste. « Parce que tu sais que tu peux profiter de moi comme t’en as envie? » Si seulement il ne s’agissait que de cela, tu n’aurais pas eu de mal à le lui confirmer. Si tu ne voulais que son corps, tout serait bien plus simple. Tu prendrais ce que tu veux une dernière fois et tu disparaîtrais, te foutant complètement des possibles conséquences. Mais c’était bien plus que cela. Bien plus qu’une histoire de corps qui savent se compléter, qui savent se faire du bien. « Au final, ça a même pas d’importance. T’as raison, j’ai besoin de tout geler. » Et ce soir, tu serais sa drogue de choix alors qu’elle vient finalement réduire à néant le peu de distance existant encore entre vous, ses lèvres s’emparant des tiennes dans un baiser qui t’enflamma sur place. Ses doigts dans tes cheveux, son corps pressé contre le tien, tu en oubliais absolument toutes les raisons qui t’avaient mené jusqu’ici ce soir. « Mais cette fois, tu l’fais en connaissance de cause. » « Arrête de parler. » Tu ne voulais pas penser aux futures conséquences, à ce qui pourrait se passer se passer si Winston venait à l’apprendre, ni même à ce que ça voulait dire, tout ça. Tu ne voulais que reprendre possession de ses lèvres, laisser ta langue danser contre la sienne dans une danse qui semblait cruellement familière alors que tes mains se faisaient avides de redécouvrir la moindre de ses courbes. Impatiente, tu pousses le dos d’Albane contre le mur le plus près avec force et envie, tes lèvres quittant les siennes seulement pour mieux se loger dans son cou. D’un geste assuré, tu lui enlèves son top, tes lèvres venant redécouvrir la saveur de sa peau, ta langue titillant avec envie chaque parcelle de sa poitrine.
Tell all my friends that I'm sorry for leading them on. I made 'em think I was fine but I knew something was wrong. I thought that time would prove, it's all in my head. Now I'm in too deep and alone, and more scared than I've ever been. 'Cause it's so hard for me to be honest these days. I tell myself I'm doing okay, I don't want the world to think I'm weak
Peut-être que c’était ce qui les reliait finalement, leur solitude. Ce sentiment d’abandon qu’elles portaient sur leurs épaules sans même réaliser son poids. L’unique différence était que Albane ne parvenait pas à composer avec. Elle ne savait pas vivre seule, redoutait par-dessus tout l’idée de se retrouver seule. Sans cela, peut-être qu’elle prendrait de meilleures décisions, s’entourerait des bonnes personnes plutôt que de céder à des vices de ressemblance. Elle ne plierait pas l’échine sous les coups, serait capable de tenir tête au reste du monde. C’était ce qui rendait leur relation aussi bancale, finalement. Elles ne voulaient pas s’attacher à l’autre, parce que ce n’était ni bien ni bon. Elles auraient dû s’éviter, se tenir à leurs principes. A la place, la française se retrouvait à observer la blonde avec cette envie viscérale aux tripes de lui prouver que ce n’était pas si terrible de s’ouvrir. Qu’elle pourrait le faire, au moins avec elle. « J’irai nulle part. » C’était une dangereuse promesse à faire, une qui n’avait guère de valeur vu combien elle était instable récemment. Pourtant, c’était un engagement qu’elle voulait tenir, en dépit de tous les efforts qu’elle avait fait pour se tenir le plus loin possible de la Parker. Force était de constater qu’elle n’y parvenait pas, qu’elle revenait inévitablement pour creuser un peu plus cette carapace bien trop installée. Cela en devenait presque une obsession malsaine, de vouloir à ce point voir combien Leo pouvait être vulnérable. La voir humaine, même si ce n’était que le temps d’un instant, afin de justifier cet acharnement qu’elle mettait à briser la distance. Tout ceci sans réaliser qu’elle-même était celle qui mettait les murs en place, décidait implicitement des règles. Albane réclamait mais ne donnait que rarement, l’hypocrite cachée sous ses meilleures intentions. Elle voulait une vulnérabilité qu’elle n’était pas prête à offrir. Par pudeur, par peur d’admettre que tout déraillait dans sa vie, par manque de confiance. Car s’il y avait une personne au monde capable de la comprendre et donc de la pousser dans ses retranchements, c’était bien la Parker. Elle n’était juste pas prête à cette intimité.
A sa manière tordue, avoir l’attention complète de Leo n’allait pas l’aider à s’ouvrir, bien loin de là. Parce que les mains de la blonde sur ses joues, son regard planté dans le sien, Albane savait qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait et qu’elle s’en tirerait. Elle savourait bien trop cette tension qui était à son paroxysme, cette douce chaleur qui lui envahissait le corps. Le retour de ce désir qu’elle étouffait en permanence plutôt que de devoir essayer de le comprendre. « J’ai pas envie de te donner les réponses. » souffla-t-elle, à mi-chemin entre une provocation assumée et une fermeté définitive qui mettait le point final sur cette discussion. Ce n’était pas ce soir que Leo apprendrait quoique ce soit sur elle, qu’elle aurait enfin les pièces manquantes du puzzle. Peut-être un jour, si l’envie lui prenait. Mais pour l’heure, tout ce qui accaparait son attention était la manière qu’elle avait de sonder son âme à la recherche de réponses, de goûter toute cette résistance tandis que Albane envisageait les scénarios sur le point de se dérouler. Elle imaginait céder, imaginait la rendre folle, lui donner ce qu’elles désiraient toutes les deux rien qu’un instant. La française n’avait pas besoin de plus qu’un peut-être pour être satisfaite, pour sentir ce frisson se répandre dans sa colonne vertébrale. Elle était là, la faille qu’elle recherchait. Ce semi-aveu sur l’intérêt qu’elle lui portait. Le problème étant que c’était bien réciproque, et que cela anéantissait toute volonté de parler davantage.
L’appel de la chair fut fatal pour l’ordre de ses pensées, la proximité également. Elle avait passé tellement de temps à résister que céder semblait d’une facilité déconcertante, au même titre qu’endormir son esprit plutôt que de réfléchir aux conséquences de ses actions. Elle crevait d’envie de s’abandonner à la blonde ici, d’avoir son attention contre sa chair, de ne laisser plus que son prénom sur ses lèvres. Sauf que cette fois-ci, elle partagerait le fardeau de cette bêtise, aussi égoïste que cela soit. Pour la première fois, Albane avait l’impression de savoir exactement ce qu’elle faisait, que ce soit dans ce qu’elle susurrait ou dans la manière qu’elle avait d’offrir son corps. La barrière de la résistance n’était plus qu’un lointain souvenir quand leurs lèvres se lièrent à nouveau, que leurs langues vinrent se rencontrer sans la moindre timidité. Il ne fallait pas plus pour perdre le sens de réalités ; une invitation pure à briser chaque barrière. Albane ne tenta pas de résister, fit ces quelques pas en arrière jusqu’à heurter le mur derrière elles. Elle devint docile quand il fallut lever les bras pour aider la Parker à lui retirer son haut, fondit d’envie dès que la bouche exploratrice s’attaqua à sa poitrine. Ses doigts dans la chevelure de sa vile tentatrice, rester sur ses deux pieds releva du miracle. Elle imaginait déjà ces lèvres glisser plus bas, venir la conquérir. Cela releva de la torturer de tirer sur les mèches blondes pour l’inciter à arrêter, l’attraper par ce tee-shirt trop encombrant pour la guider vers la chambre. Pas la sienne, mais l’autre. Celle qui avait servie aux absents. Bane ne voulait pas réfléchir, tout comme elle ne voulait pas des souvenirs de ce moment dès qu’elle irait se coucher. Probablement parce que cela achèverait de la rendre folle.
Et sans surprise, ce fut l’effet que cela lui fit. C’était ce qu’elle ressentait quand enfin les corps s’écroulèrent chacun de leur côté du matelas. Épuisés, transpirants, le rythme cardiaque encore palpitant. Même sans se toucher, Albane pouvait sentir le contact de Leo sur elle ; son parfum collé à sa peau, le souvenir du parcours de ses doigts, le tiraillement de la peau qu’elle avait mordillée. Elle se sentait comme un terrain conquis et plutôt que d’en réclamer davantage, la française ressentait la distance dans chaque fibre de son être. Elle se sentait ivre, incapable de dire si c’était d’alcool ou de plaisir essoufflé. Il lui aurait suffit de tendre le bras pour réclamer une étreinte supplémentaire. A la place, elle se redressa silencieusement, s’assit sur le bord du matelas en récupérant en vitesse son pantalon, sa culotte, maudissant son top qui était resté dans le salon. L’orgasme passé, la pudeur reprenait le dessus. « Tu peux dormir ici ce soir. Y a des draps dans le placard au besoin. » Si elle voulait aussi se défaire des traces de leur méfait.
« J’irai nulle part. » Est-ce que c’était une promesse? Une menace? Une envie à demi-avoué d’être près de toi? Un peu des trois? Comme toujours avec Albane, tu ne savais pas à quoi t’en tenir et tu n’étais même plus certaine de vouloir toutes les avoir, les réponses. Plus tu posais des questions, moins tu avais l’impression de la comprendre. Elle attendait de toi une vulnérabilité qu’elle n’était pourtant pas en mesure de t’offrir en retour, poussant à un jeu de "push and pull" dont il n’y avait jamais aucun gagnant. Tu avais beau la sonder de la tête aux pieds, ton regard plongé dans ses iris clairs, elle ne démordait pas la blonde, bien moins perturbée que tu n’avais voulu te l’imaginer. « J’ai pas envie de te donner les réponses. » C’était la fin de la discussion, il n’y aurait pas d’autres confidences échangées ce soir, aucun avancement dans ton besoin obsessionnel de faire sens des agissements de la française. Tu ne lui demanderais pas non plus si elle les avait donner à quelqu’un d’autre, les réponses à toutes ses questions. Est-ce que Winston avait eu droit à des parcelles d’elle qu’elle te refusait, du temps où ils étaient ensemble, ou peu importe ce qu’ils étaient ou n’étaient pas l’un pour l’autre? Est-ce qu’il y avait quelqu’un d’autre, quelqu’un à qui elle s’ouvrait avec plus de facilité, quelqu’un qui pourrait l’aider? Ça n’aurait jamais dû être des questions dans ton esprit, et pourtant, tu peinais à t’en débarrasser. La seule chose qui pouvait réellement te faire tourner la tête désormais, c’est cette certitude que les envies du corps allaient prendre le dessus sur tout le reste.
Les avertissements de la française tombent dans l’oreille d’une sourde quand tes doigts sont déjà trop occupés à arpenter ses courbes, quand tes lèvres ne demandent qu’à retrouver les siennes. La suite des événements est tout aussi prévisible qu’électrisante, quand les pulsions guident le moindre de vos mouvements et que tu te perds dans la redécouverte de sa peau, de son odeur et de sa chaleur. Aucune parcelle de sa peau n’est à l’abri de tes mains, de tes lèvres et les soupirs et les gémissements s’accumulent quand elle semble parfaitement se souvenir de tes points faibles. Ton corps tombe mollement contre le matelas une dernière fois, ta respiration haletante, ton regard plaqué sur le plafond alors que tu sens Albane à tes côtés dans un état que tu devines similaire. Pendant quelques secondes, ni elle ni toi ne faites le moindre mouvement, avant que la blonde ne décide de se redresser et de s’asseoir sur le bord du lit, à la recherche des vêtements que tu lui as arraché. D’un geste machinal, tu te couvres légèrement du drap qui a accueilli vos ébats, ton regard posé sur son dos alors qu’elle évite de se retourner vers toi. « Tu peux dormir ici ce soir. Y a des draps dans le placard au besoin. » Elle s’apprête à se lever, tu le sais, et il y a quelque chose qui t’empêche de la laisser faire. D’une douceur qui contraste cruellement avec vos ébats d’il y a quelques instants à peine, tu attrapes son poignet et l’incite à se retourner vers toi. « Reste. » S’il-te-plait qu’il supplie, ton regard alors que tu imagines déjà la nuit d’insomnie, incapable de t’endormir dans cette chambre qui était celle de ton meilleur ami il n’y a pas si longtemps, ce mec qui a disparu du jour au lendemain. Toi qui jures pourtant n’avoir besoin de personne, tu dormirais tellement mieux, si elle restait près de toi. Même pas besoin de te prendre dans ses bras, tu ne veux tout simplement pas faire face à la nuit toute seule.