'Cause if you don't believe it can't hurt you and when you let it leave it can't hurt you
La matinée me semble interminable aujourd’hui. Comme souvent réveillé un peu trop tôt et autant dire que les jours où je ne travaille pas c’en est réellement frustrant. Mais les filles se couchent tôt alors forcément, rares sont les fois où elles nous laissent dormir jusqu’à huit heures et quand j’entends leurs pleurs via le baby-phone c’est en soupirant que je me réveille moi aussi. Il est hors de question de laisser Alex s’en occuper, la grossesse commence à la fatiguer alors c’est pour moi tout à fait logique que je sois celui qui se lève en premier pour aller voir nos filles. Et c’est ce que je fais. Non sans difficulté pour ouvrir les yeux mais dès que j’entre dans leur chambre et que je vois leur sourire et que je les entends me saluer j’oublie immédiatement toute la fatigue que j’ai pu ressentir en ouvrant les yeux. Elles sont adorables, elles sont parfaites et déjà bien trop pleine d’énergie pour une heure si matinales. Mais j’ai l’habitude avec elles, c’est souvent moi qui m’occupe de mes filles le matin et elles semblent toutes les deux être très matinales. Le petit-déjeuner se passe bien mais je les reprends plusieurs fois en leur demandant de faire moins de bruit pour laisser leur mère dormir. Je sais qu’Alex n’a pas passé la meilleure des nuits, elle doit être encore plus stressée que je ne le suis moi-même et je ne peux que la comprendre. Je suis moi aussi passée par là la première fois que j’ai rencontré Nathan. Oui parce que j’ai reçu un appel de sa part il y a quelques jours et pas simplement pour prendre des nouvelles. Il demande à rencontrer Alex. Ce qui est une bonne chose normalement, pas vrai ? Moi j’ai déjà eu la chance de le voir trois fois et c’est déjà bien plus que ce que j’avais pu espérer. Je sens une certaine appréhension, une certaine angoisse mais pas liée à moi. Surtout pour Alex. Parce que je sais qu’elle a peur elle aussi et je ne sais pas exactement les raisons qui ont poussées Nathan à demander cette rencontre. Peut-être qu’il veut simplement faire la connaissance de sa mère biologique comme c’était le cas pour moi ou bien peut-être qu’il voudrait avoir des réponses aux nombreuses questions qui le hantent depuis son plus jeune âge et si c’est le cas, j’ai bien peur que la rencontre soit très difficile à vivre que ce soit pour ma femme ou pour Nathan. Quand Alex se réveille j’essaie de la rassurer en lui assurant que tout se passera très bien alors qu’après tout je n’en ai pas la moindre idée. Je ne veux juste pas qu’elle soit trop angoissée, ce n’est pas bon pour notre petite crevette. Et c’est seulement quand cette pensée anodine me traverse l’esprit que je réalise une chose : Nathan ne sait pas. Il ne sait pas qu’il a déjà deux petites sœurs qui ont un peu plus d’un an et demi et qu’un autre bébé arrivera avant la fin de l’année. Je ne devrais même pas stresser parce que moi, j’ai déjà vu Nathan trois fois et je lui ai parlé au téléphone deux fois mais je pense que si j’angoisse c’est pour Alex.
Onze heure trente. Je rejoins Alex dans la salle de bain pour voir où elle en est. « Tu es prête bébé ? » Je m’approche de ma femme pour lui déposer quelques baisers dans le cou laissant ma main se poser sur son ventre. « On a rendez-vous dans une demie heure, j’ai vraiment pas envie d’arriver en retard. » Rien de nouveau en soit, s’il y en a un de nous deux qui n’aime pas arriver sur un lieu de rendez-vous avec ne serait-ce quelques minutes de retard, c’est bien moi. Mais heureusement c’est parfaitement dans les temps que nous sommes tous les deux prêts à partir. J’embrasse et serre dans mes bras Lucy et puis Lena qui m’embrassent toutes les deux sur la joue elles aussi et nous les laissons avec Emma, la nounou pour les prochaines heures. C’est dans ma voiture que nous prenons la route vers une destination dans laquelle je n’ai pas mis mes pieds depuis bien longtemps : McDonald’s. « Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas été dans un fast food. » Je dis à Alex en lâchant un léger rire. Des années même. Si on ne compte pas l’ignoble kebab qu’Heather m’avait fait manger lors de notre tournée des bars à la recherche intensive du cocktail parfait pour notre mariage. Je garde de très bons souvenirs de cette soirée. Des souvenirs flous. C’est même avec un peu d’avance que nous arrivons sur place, et pourquoi McDonald’s si ce n’est pas un endroit que j’affectionne ? À la demande de Nathan, tout simplement. Il me disait qu’il n’a pas pu aller dans son fast food préféré depuis longtemps alors que je ne me voyais pas lui refuser ça. De toute manière, disons-le-nous, je ne suis pas en mesure de pouvoir lui refuser quoique ce soit. Ma voiture stationnée je me regarde rapidement dans le rétroviseur de la voiture afin de vérifier l’état de mes cheveux mais c’est assez rapidement que je porte toute mon attention sur ma femme. Je me tourne vers elle et ma main attrape la sienne. « Comment tu te sens ? » Je lui demande en la regardant et j’en profite pour arranger ses cheveux bien que sa coiffure soit parfaite. « Ça va bien se passer t’en fais pas. Et si ça devient compliqué pour toi, prends-moi la main, ou trouve un moyen de me faire comprendre que tu as besoin que j’intervienne, d’accord ? » Je suis nerveux moi aussi, elle doit sans doute le sentir mais avant de sortir de la voiture j’approche mon visage du sien pour y déposer un long baiser plein de tendresse et d’amour. Un petit moyen de lui donner du courage ainsi. Et c’est finalement à midi pile que nous sortons tous les deux main dans la main attendant l’arrivée de Nathan. Assis sur un banc en face du fast food je ne lâche pas la main de ma femme et quand je vois Nathan arriver au loin accompagné de son éducatrice je me redresse serrant doucement sa main dans la mienne. Il est sorti de l’hôpital depuis une semaine et demie et s’il semble toujours un peu fatigué j’ai l’impression de le voir avec une meilleure mine que la dernière fois. Je me lève quand ils s’approchent de nous. « Bonjour. Je suis là juste pour accompagner Nathan, je vais vous laisser tous les trois ne vous en faites pas. Tu es d’accord avec ça ? » Ce n’est pas la première fois que nous voyons Rebecca et j’ai à peine le temps de la saluer qu’elle s’éclipse pour nous laisser seul après avoir eu l’aval de Nathan sur qui mon attention se porte assez vite. « Tu vas bien ? » Nathan me regarde et il hoche la tête de haut en bas avant de me répondre. « Ça va. » Mais c’est assez rapidement que je vois son regard dévier sur Alex. Est-ce que c’est à moi de faire les présentations ? Je n’en sais absolument rien, mais je me lance. « Je te présente Alex, ma…ma femme. » Et ta mère aussi, par la même occasion. Il la regarde toujours, calant ses mains dans les poches de son sweat.
'CAUSE IF YOU DON'T BELIEVE IT CAN'T HURT YOU AND WHEN YOU LET IT LEAVE IT CAN'T HURT YOU
La nuit a été agitée, et c’est le cas depuis quelques jours, depuis que Caleb m’a annoncé que Nathan voulait me rencontrer. Mon sommeil a souvent été à l’image de mon état d’esprit et depuis quelques jours je ne suis pas très sereine. C’est un moment que je redoute mais que j’espérais peut être secrètement aussi alors c’est beaucoup d’émotions d’un coup que je dois gérer mais je sais que Caleb est là pour moi. Il m’a parlé de Nathan. Il m’a parlé de leurs moments qu’ils ont passé ensembles. Et si je sais que ça ne sera pas pareil, pourtant c’est à la fois avec une grande appréhension et un petit espoir que je pense à ce moment. J’essaye de ne pas trop envisager les choses, ni positivement, ni négativement et surtout j’essaye de ne pas me laisser envahir par les doutes parce que Nathan mérite que je puisse lui apporter les réponses qu’il demande et c’est à moi de le protéger, de le rassurer ou que sais je encore. Enfin je ne suis pas sa mère, et pourtant je ressens le besoin de le protéger, sauf que je ne peux pas le protéger des blessures que je lui ai déjà fait et c’est peut être ça qui me fait peur.
Lucy est collée à moi depuis que je les ai rejoins, et sa présence m’apaise beaucoup. Pendant qu’elle est dans mes bras, je me détends un peu. Caleb a dû sentir mon stress aussi puisqu’il me rassure même si je me doute que pour lui aussi ça ne doit pas être très simple. Se retrouver entre nous, il a déjà eu à tenir cette position ou une similaire face à ses parents et je ne veux pas le remettre dans une position délicate alors qu’il commence à peine à gagner la confiance de Nathan. Il tente de m’aider à rester calme depuis que je suis réveillée et j’apprécie énormément son soutien et sa présence. Nathan veut me rencontrer et il veut que Caleb soit présent voilà au moins une chose qui me rassure. C’est moi l’adulte, c’est lui qui a besoin de réponses, qui a besoin de nous et je vais tout faire pour tenter de l’aider du mieux que je peux mais j’ai du mal à gérer le stress que je ressens et pourtant il va falloir que je le gère mais avoir Caleb à mes côtés est un réel soulagement.
« Tu es prête bébé ? » Prête physiquement je le suis. La coiffure est ajustée comme je le veux, le maquillage est léger mais il permet au moins de cacher les marques de fatigue. J’ai essayé beaucoup de vêtements je ne sais pas ce qu’on doit porter pour aller au McDo faire la connaissance de son fils biologique abandonné 10 ans plus tôt. Et je ne trouverais pas de réponse à cette question dans des manuels et malheureusement je crois que je trouverai pas de réponse à toutes les questions de Nathan non plus. En tout cas je sais que je ne les trouverai pas dans mon reflet que je fixe depuis quelques minutes. J’ai peur de ce qu’il va penser en me voyant. Peur de ce qu’il va me dire et me reprocher parce qu’il y a beaucoup de choses qu’il pourrait me reprocher. Caleb me sort de mes pensées en se rapprochant de moi pour venir embrasser mon cou et je le regarde à travers le miroir. Je me colle contre lui quelques instants, ses mains sur mon ventre, je viens prendre appui contre lui mon dos contre son torse. « Je change de haut et on peut y aller. » Je voudrais dissimuler cette grossesse, ou du moins qu’elle passe inaperçue aux yeux de Nathan. C’est lui dont on va parler et uniquement lui et je ne veux pas qu’il puisse être perturbé par d’autres éléments mais je ne trouve rien qui me convienne. Rien qui ne me semble adapté à la situation mais je finis par choisir un chemisier blanc assez ample et je retrouve ma famille dans le salon pour embrasser à mon tour mes filles et faire le pleins de douceur, de tendresse et d’amour avant d’aller se confronter à mon passé qui est aussi désormais un peu mon présent.
Dans la voiture je suis silencieuse. Je joue avec ma montre et ma main se pose sur la cuisse de Caleb, à la recherche d’un contact avec lui pour canaliser mes émotions. « Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas été dans un fast food. » Je souris légèrement à cette remarque de Caleb et je réalise une chose c’est qu’il semble déjà prêt à aller contre ses convictions pour Nathan et si ça fait tellement longtemps qu’il n’a pas été dans un fast food c’est bien parce qu’il le refuse toujours. Mais, c’est Nathan qui aime ça, c’est pour lui faire plaisir et dans un sens l’idée de le voir dans un lieu public est rassurant pour moi. « Et dire que je devais te supplier à l’époque. » Je me rappelle du chantage que j’avais pu essayer de lui faire mais il n’aime pas ça et je le sais. Je me demande si Nathan le sait que Caleb accepte pour lui ce qu’il refuse habituellement. Mais, ça n’est pas vraiment le sujet principal et si pour ma part j’ai jamais eu de difficultés à manger dans des fast-foods aujourd’hui je ne suis pas certaine d’en manger beaucoup. Je stress beaucoup et c’est encore un geste de Caleb qui me sort de mes pensées. Sa main qui prends la mienne. Son autre main qui replace mes cheveux. Un geste d’une douceur et d’une tendresse dont il est le seul à avoir fait preuve à mon égard. Il est là avec moi, là pour moi aussi et il me le prouve à ce moment précis et c’est dans son regard que je cherche du soutien et du courage aussi. « Comment tu te sens ? » Je lui souris pour le rassurer. Je sens qu’il s’inquiète pour moi, il sait que Nathan est sans aucun doute ma plus grande faiblesse. Le sujet est délicat mais il va bien falloir que je commence à m’y faire. « Ça va t’inquiètes pas. » Bien sûr qu’il s’inquiète et je peux pas lui demander de ne pas le faire, même si c’est exactement ce que je viens de faire. Mais, il a déjà beaucoup à gérer de son côté. Pourtant je resserre sa main dans la mienne. J’ai besoin de lui et même si je ne lui dis pas, il le sait. J’ai plus que jamais besoin de lui alors que je sais que Nathan va me mettre face à mes pires choix, ma plus grosse honte et mes plus grands regrets. « Je suis soulagée que tu sois là. J’aurais pas pu le faire sans toi. » Il est ma force et en un sens il le sait puisqu’il me propose d’intervenir si jamais je ne vais pas bien ou si ça devient trop dur. « J’ai mis ta montre et je l’ai réglé pour biper si mon rythme cardiaque s’accélère trop, je veux pas perdre le contrôle face à Nathan. Si tu sens que je craque arrêtes moi.» Je ne veux pas craquer, je ne veux pas que ce truc qui a tant fait de mal autour de moi vienne faire du mal à Nathan. Et c’est autant pour moi que pour Nathan que je demande à Caleb d’intervenir s’il me sent perdre le contrôle. Je lui demande mais j’espère pouvoir tenir bon, j’espère pouvoir assumer enfin ce choix que j’ai fais. J’espère pouvoir être en mesure de ne pas m’emporter, de ne pas craquer. J’espère que ça se passera bien tout simplement même si je ne sais même pas ce que je peux qualifier de bien.
Je suis rarement à l’heure encore moins en avance alors attendre c’est assez rare pour moi et cette attente là est particulièrement longue et stressante. Ma jambe frappe nerveusement contre le sol et mes yeux fixent le sol jusqu’au moment où je sens la main de Caleb serrer un peu plus la mienne. Je relève la tête et je les vois. Je vois Rebecca mais c’est surtout Nathan que je regarde. Nathan que je découvre. Que je rencontre pour la première fois. Il est là devant nous. A quelques mètres. Il n’a jamais été aussi près de moi depuis plus de dix ans et sa naissance. Je le regarde presque incapable de détourner mon regard. Il y a dix ans je n’ai pas réussi à le regarder et aujourd’hui je le fixe, je l’observe, je le découvre avec peut être un peu trop d’intensité. Caleb se lève je l’imite mais je continue à regarder Nathan. Je reconnais les yeux de Caleb sur le visage de Nathan. Je n’ose pas bouger. Caleb échange avec Rebecca mais je n’écoute pas, je me sens submergée par mes émotions, déjà et ma main serre celle de Caleb avec un peu trop de force. Caleb parle avec Nathan, je les écoutes, je le regarde surtout. C’est lui que je regarde et après avoir répondu à Caleb il me regarde à son tour et j’ai l’impression de sentir mon cœur se serrer. J’ai peur de ce qu’il va me dire. Peur de ce qu’il va penser et je n’ose rien dire. « Je te présente Alex, ma…ma femme. » Je reste silencieuse et c’est Caleb qui me présente et si habituellement l’entendre me qualifier comme étant sa femme me fait sourire aujourd’hui je suis tendue, un peu trop sans doute et pourtant si je n’ai pas su me présenter toute seule, je ne peux pas rester silencieuse plus longtemps. « Bonjour Nathan. » Niveau assurance on repassera, mais il va falloir que je trouve un peu de courage pour la suite parce que Caleb ne va pas devoir tout gérer ça n’est pas juste pour lui. Et pour Nathan non plus. « Tu as réussi à faire entrer Caleb dans un mcdo, c’est exceptionnel, même pour moi c'est compliqué tant il n'est pas fan. » J’essaye de sourire, de me détendre en lui disant ça mais si l’idée est là, je n’arrive pas à être détendue. « Tu as faim ? » Il regarde Caleb, il me regarde ensuite et c’est vers Caleb qu’il se tourne avant de répondre. « C’est vrai tu n’aimes pas les mcdo ? Si tu veux on peut aller manger ailleurs. » J’ai l’impression qu’il se sent mal ou qu’il est gêné je sais pas mais j’ai l’impression que ma remarque ne l’a pas rassuré ou détendu au contraire. Je réalise que si je savais que j’aurais besoin de Caleb, je ne pensais peut être pas que j’en aurais besoin autant parce que je me sens perturbée devant le regard de ce garçon qui ressemble tant à Caleb mais qui n’a aucune tendresse dans le regard à mon égard et ça, c’est vraiment perturbant pour moi. « Il te ressemble encore plus en vrai. » C’est à Caleb que je parle alors qu’on se dirige vers l’entrée du McDo. Il le sait, il l’a vu mais pour moi qui le vois pour la première fois c’est une réalité qui est vraiment perturbante. Ma main serre celle de Caleb et je souffle un peu avant d’entrer prête pour faire face à tout ou presque.
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La journée devrait être bien plus stressante pour Alex que pour moi. J’ai déjà rencontré Nathan à trois reprises mais pourtant l’angoisse est bien présente à l’instant même où j’ai ouvert les yeux ce matin. J’ai peur que Nathan n’apprécie finalement pas la présence d’Alex aujourd’hui. J’ai peur qu’il soit trop dur avec elle, je sais à quel point il peut se montrer froid distant avec des propos durs, il l’a été avec moi alors qu’il n’était pas réellement en colère contre moi-même. Je sais qu’il doit en vouloir à Alex, il doit avoir tout un tas de questions pour elle et sans aucun doute Nathan reste encore à l’heure aujourd’hui le point faible de ma femme. Il peut la faire flancher à tout moment, il peut la faire plonger dans des souvenirs douloureux qu’elle s’efforce d’oublier depuis des années. Mais Alex en est consciente ou du moins, je l’espère. Cette rencontre entre un petit garçon entre fragile et sa mère biologique l’ayant abandonné il y a dix ans de ça pourrait aisément tourner à la catastrophe. Je sais que les réponses qu’Alex a à lui donner ne vont pas faire plaisir à Nathan. Il va vouloir savoir pourquoi elle a pris la décision d’abandonner : elle ne sait pas. Il va certainement lui demander pourquoi elle a décidé de me mettre à l’écart de tout ça : elle va lui dire que j’aurais pu lui faire changer d’avis et qu’elle ne voulait vraiment pas cet enfant. Des réponses extrêmement difficiles à entendre pour un petit garçon de dix ans. Dans la voiture je la sens stresser, elle ne parle pas beaucoup ce qui m’oblige moi à essayer de faire la conversation et tout le monde sait que je ne suis pas très doué pour ça. « Et dire que je devais te supplier à l’époque. » Je n’ai rien contre les hamburgers les frites voire même les nuggets. Au contraire, j’aime ça. Mais cuisiné avec des produits de qualité c’est cent fois meilleur et je préfère largement manger un burger dans un diner plutôt qu’aller dans un fast food. C’est plus cher, certes, mais la qualité ça se paye. C’est dans le silence que le reste de la route se déroule et assez rapidement, nous arrivons sur place. Je balaie le parking d’un regard cherchant Nathan quelque part mais il ne semble pas encore arrivé alors j’en profite pour essayer de rassurer Alex au mieux. « Ça va t’inquiètes pas. » Mais mes efforts ne semblent pas être très concluants. Elle dit aller bien mais le ton de sa voix et son comportement me prouvent le contraire. Les pensées se bousculent dans mon esprit, j’essaie de trouver un autre moyen pour l’apaiser mais rien ne me vient. « Je suis soulagée que tu sois là. J’aurais pas pu le faire sans toi. » J’hoche doucement la tête tout en fronçant légèrement les sourcils. « Bien sûr que tu aurais pu. » Comme à son habitude elle me donne bien trop d’importance et ne se fait pas assez confiance pour ce genre de chose. « J’ai mis ta montre et je l’ai réglé pour biper si mon rythme cardiaque s’accélère trop, je veux pas perdre le contrôle face à Nathan. Si tu sens que je craque arrêtes moi. » Je doute fortement qu’une montre qui sonne si son rythme cardiaque s’accélère ne l’aide vraiment. Bien au contraire. Mais je ne dis rien, bien sûr que si je la sens craquer je ne la laisserais pas couler.
Quand Nathan et Rebecca s’avancent vers nous, je sens Alex se tendre. Elle ne bouge plus, son visage est figé et aucun mot ne ressort de sa bouche. Pourtant Nathan la regarde, je pense qu’il attendait à ce qu’elle fasse le premier pas. Je peux comprendre la réaction d’Alex, moi aussi il y a quelques semaines quand je me suis retrouvé pour la première fois face à Nathan il a été compliqué de garder la tête haute, mais la différence étant que j’étais seul et que je n’avais pas d’autre choix que de me débrouiller et de parler pour montrer à Nathan que si je suis là, c’est pour répondre à toutes les questions qu’il pourrait potentiellement avoir. Je présente Alex à Nathan, il la fixe toujours et c’est enfin après de longues secondes de silence qu’Alex ne se décide à parler. « Bonjour Nathan. » Nathan la regarde toujours et je me rends compte que me retrouver entre les deux est une situation vraiment gênante pour moi. « Tu as réussi à faire entrer Caleb dans un mcdo, c’est exceptionnel, même pour moi c'est compliqué tant il n'est pas fan. » Alex essaie de sourire, je perçois les efforts que tout cela lui demande mais le problème étant que le semblant de sourire qui s’étire sur ses lèvres est tout sauf naturel et ça, je suis persuadé que Nathan pourra le ressentir. « C’est vrai tu n’aimes pas les mcdo ? Si tu veux on peut aller manger ailleurs. » Mon attention se reporte sur Nathan quand je sens son regard vers moi et je secoue la tête de gauche à droite avant de lui répondre. « Non, non ça devrait aller, t’en fais pas. » Nathan bouge la tête et avoir de tourner les talons pour entrer dans l’établissement il regarde à nouveau Alex et c’est en passant sa main dans ses cheveux qu’il nous suit à l’intérieur. « Il te ressemble encore plus en vrai. » Je me penche vers elle pour lui murmurer quelques mots. « Il va falloir que tu sois plus naturelle que ça. » Un petit conseils que je lui donne tout en tenant la porte pour Nathan, le laissant entrer en premier. Puis je laisse Alex pénétrer à l’intérieur du fast food avant moi avant de refermer la porte une fois tous les trois dedans. Je laisse Nathan nous guider, il semble avoir bien plus l’habitude que moi de ce genre d’endroit et c’est vers une borne qu’il s’arrête. « Qu’est-ce que tu veux manger ? » Il n’hésite pas une seconde avant de me répondre. « Un burger végétarien, frites et coca. » Je découvre ces bornes qui ne me semblent clairement pas pratique. En me voyant galérer je crois entendre Nathan se moquer un peu de moi. « Tu veux un dessert ? » « McFlurry KitKat nappage peanut butter. » Grâce à Nathan j’apprends que McDo propose également des glaces. « J’ai pas été dans un Mcdo depuis…des années. Tu me conseilles quoi ? » Le yeux de Nathan s’écarquillent. « BigMac, c’est un classique. » Je l’écoute puisque je n’y connais tout simplement rien et après avoir galéré pour trouver le BigMac je me commande moi aussi une glace parce que, pourquoi pas ? J’essaie de me prêter au jeu. « Tu veux quoi ? » Cette fois c’est à Alex que je m’adresse, je sais qu’elle connait bien mieux que moi la carte de ce restaurant et que son choix sera plus rapide.
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« Bien sûr que tu aurais pu. » Je ne crois pas en ses mots, mais je ne dis rien ne voulant pas lui montrer à quel point je me sens fébrile parce que je ne veux pas l'inquiéter plus qu'il ne l'est déjà. Caleb pense que je me sous-estime et moi je suis persuadée qu'il me surestime, mais une chose est certaine néanmoins ; sa présence m'aide énormément à ne pas complètement paniquer. Je sais qu'il est là à mes côtés. Je sais que même si pour lui toute cette situation est compliquée, il est présent pour me soutenir, pour m'épauler et sa main dans la mienne me donne de la force et me rassure. Je ne sais pas comment ça va se passer, je n'en ai aucune idée, j'ai tendance à penser au pire, mais je n'ai pas voulu cette fois me laisser envahir par mes pires pensées. Je n'ai pas cherché à envisager le pire des scénarios, mais tout l'inconnu autour de cette rencontre m'angoisse et Caleb le sait, Caleb le sent et il est présent pour moi depuis ce matin et encore dans la voiture et sur le parking alors que l'on attends Nathan. Il est là pour moi, il est toujours là pour moi et je tente de me dire que quoiqu'il arrive il sera là pour empêcher que les choses ne dégénèrent totalement. Il sera là pour protéger Nathan si je me laisse submerger par mes émotions et c'est sans doute pour ça que sa présence me rassure aussi en quelque sorte.
Il est face à moi. Cet enfant que j'ai porté, à qui j'ai donné naissance avant de le laisser tout seul, il y a de ça plus de dix ans maintenant. Il est là devant moi et il me regarde et ce regard me désarçonne, mais fait perdre le peu de confiance et de courage que je pouvais avoir. L'idée d'avoir abandonné un bébé, de l'avoir laissé seul au moment ou il était le plus vulnérable. L'idée de ne pas avoir été là pour lui quand il est tombé malade. L'idée d'avoir laissé un bébé privé de ses parents, d'amour. C'est des idées difficiles à gérer, une culpabilité qui pèse lourd sur mes épaules mais voir Nathan devant moi rends tout ça encore plus fort. C'est lui ce bébé, enfin cet enfant maintenant. C'est sa vie que j'ai gâché. C'est lui que j'ai fais souffrir et il est là devant moi et quoique je dise, rien de ce que je pourrais dire ne pourra un jour venir rendre sa vie meilleure. Caleb m'a déjà dit que ce n'était pas ce qu'on me demandait, mais c'est moi et moi seule qui lui ait détruit sa vie, mais je ne suis pourtant pas en mesure de l'aider réellement et c'est dur à porter ça aussi. Le silence n'est jamais bon signe chez moi, et je finis par parler après un long moment à regarder Nathan. Je le salue et il ne me réponds pas. Voilà qui est une première preuve qui montre qu'il n'est pas prêt à faire les efforts et ce n'est pas à lui de les faire de toute manière. J'essaye de lui parler, de sourire, de rendre tout ça un peu moins sérieux mais ça ne marche pas et je semble réussir à faire l'inverse. Il ne me réponds toujours pas quand je lui demande s'il a faim, s'inquiétant plutôt de savoir si Caleb veut aller manger ailleurs. « Non, non ça devrait aller, t’en fais pas. » Voilà c'est à Caleb de le rassurer déjà. Ça ne fait que deux minutes et je m'y prends déjà mal. Il me regarde à nouveau et quand nos regards se croisent je sens mon cœur se serrer légèrement. Il passe sa main dans ses cheveux et c'est fou comme ce geste me fait penser à Caleb quand il est stressé et j'imagine aisément que pour Nathan rien de tout ça ne doit être simple aussi et je ne réussis même pas à rendre tout ça plus simple. Je me sens nulle mais comment je peux gérer ça alors que j'ai peur de chaque mot que je peux dire et pire encore, que j'ai peur de chacun des mots de Nathan. Nous nous dirigeons tout les trois vers l'entrée. Tout les trois, c'est très étrange de se dire que nous sommes tout les trois. « Il va falloir que tu sois plus naturelle que ça. » Je sais qu'il essaye de m'aider avec ce conseil, et je sais que je ne peux pas rester dans cet état encore très longtemps sinon je risque de craquer et Nathan mérite bien mieux que ça. Je suis là pour lui et je ne dois pas l'oublier ça. « Je vais essayer, vraiment je vais essayer de me détendre, mais c'est difficile j'ai peur de le blesser. » Il doit le savoir il est passé par là mais si je suis plus sociable que Caleb, il est bien plus doué que moi pour gérer les moments de tensions comme ceux ci. Mais je vais essayer, je vais vraiment essayer pour Nathan, et pour Caleb. Je souffle doucement avant d'entrer dans le Mcdo, j'essaye d'évacuer le stress que je ressens mais pour l'instant c'est toujours un peu compliqué, j'espère que le stress va finir par diminuer après quelques minutes. Je l'espère et pour le moment c'est un peu en retrait que je les observe tout les deux. Nathan a l'air à l'aise avec Caleb, il n'hésite pas à lui parler, et il se moque même légèrement de Caleb quand il le voit cliquer plusieurs fois sur la borne sans comprendre ce qu'il fait. Je souris doucement en les regardant, et ce sourire est sincère parce que je sens qu'ils s'entendent bien et j'ai presque envie de les laisser tout les deux pour ne pas tout gâcher encore. Mais, je sais que Caleb m'en voudrait de fuir encore et Nathan aussi sans doute, alors je reste là avec eux. Ici avec eux et pourtant si loin dans un sens, mais Nathan a tenu à ce que Caleb soit là et c'est sans aucun doute parce qu'il a confiance en lui et qu'il se sent bien avec lui ce qui n'est pas le cas avec moi parce que je représente tout ce qui va mal dans sa vie. Enfin ça c'est comme ça que je me vois, je ne sais pas comment il me voit et je crois que j'ai bien trop peur pour lui demander ça. « Tu veux quoi ? » Je mets quelques secondes à répondre à Caleb, non pas que j'hésite sur ce que je vais prendre mais parce que j'étais un peu perdue dans mes pensées. « Je vais prendre un p'tit wrap au poulet, un ice-tea et un McFlurry Kitkat moi aussi. » Caleb galère un peu à comprendre que je ne demande pas un menu et le voir galérer à au moins le mérite de me faire penser à autre chose quelques secondes. « Tu aurais du le faire, il est vraiment pas doué avec la technologie. » C'est à Nathan que je m'adresse alors que je le vois toujours se moquer un peu de Caleb. Sauf qu'il ne rit pas à ma remarque, c'est à peine s'il me regarde et c'est vers Caleb qu'il se tourne. « Tu veux que je t'aide ? » Nathan aide Caleb et il semble heureux de lui montrer comment faire et de pouvoir apprendre des choses à Caleb et encore une fois je réalise que s'il a accepté de me voir, il ne fera pas l'effort de me parler alors qu'il est bien plus à l'aise avec Caleb et qu'il semble vouloir me faire comprendre qu'il m'en veut. « Tiens prends ça c'est pour qu'on soit servis à table, on s'assoit et on nous sert, c'est comme un vrai resto. » Je doute que Caleb puisse entendre cet argument ou qu'il puisse considérer un jour un fast food comme étant un vrai resto. « Tu sais que Caleb a un vrai restaurant, tu vas le vexer si tu dis que c'est la même chose. » Caleb m'a demandé d'être plus naturelle et j'essaye, j'essaye sincèrement mais la réponse de Nathan n'est pas celle que j'attendais. « Oui je sais il me l'a déjà dit. » Il est froid, direct et quand il parle à Caleb juste après le ton de sa voix est totalement différente. « Tu pourras me faire visiter ton restaurant un jour ? Et me refaire des cookies ? » Les fameuses cookies, ceux que Caleb lui a apporté à leur première visite. Je n'ai rien pour lui moi, je ne suis même pas certaine d'avoir les réponses qu'il attends mais je ne suis même pas certaine qu'il ait réellement des questions puisque pour le moment il semble pas vraiment avoir envie de me parler et je me demande si c'est pas Caleb qui lui a demandé de me rencontrer, mais je sais qu'il aurait pas fait ça. Ni forcé Nathan à faire ça, ni même me mentir sur une chose aussi importante donc j'en déduis juste que Nathan ne veut pas me rendre les choses plus simples et je vais devoir lui montrer que je suis prête à subir sa colère qui est justifiée. La commande est passée et je trouve une table au fond du mcdo, je m'installe dans le fond et je regarde Nathan s'installer sur la banquette d'en face mais il se place devant Caleb. « Tu sembles bien connaitre, tu viens souvent ici ? » J'essaye de faire la discussion malgré l'attitude peu ouverte de Nathan, j'essaye de ne pas baisser les bras et d'accepter que pour lui toute cette situation soit difficile. « J'suis en foyer et c'est pas le truc qu'on propose la bas donc non plus maintenant. » Le positif c'est que cette fois il me réponds, le négatif c'est que sa réponse n'est clairement pas tendre mais il ne fait que me répondre et si sa réponse fait mal c'est uniquement parce qu'elle rappelle la situation dans laquelle il est, par ma faute. « Tu allais pas au mcdo quand tu avais mon âge avec tes parents ? » Il s'adresse à Caleb à nouveau comme si de rien était, comme si sa réponse ne venait pas de jeter un froid. Je serre les poings sous la table pour cacher comme la froideur avec laquelle il me parle me met mal mais je dois encaisser et accepter qu'il soit en colère. Accepter qu'il m'en veuille, accepter qu'il me déteste aussi, accepter ses remarques. Le serveur arrive avec notre commande et c'est au moment ou Caleb distribue les repas et que Nathan saute sur ses frites que je profite de ce moment pour m'adresser à Nathan une nouvelle fois. « Si tu as des questions, je suis là pour y répondre, quoique tu aies à me demander, tu peux le faire. » Caleb m'a demandé d'être plus naturelle, et pour le coup je ne le suis pas, je suis tendue en lui disant ça et la montre bip même tant prononcer ces mots me mets dans un état de fragilité et de fébrilité énorme et sans plus attendre, je l'enlève de mon poignet parce que je réalise que face à Nathan je ne peux pas rester impassible, je ne peux pas ne rien ressentir et cette montre risque de me stresser plus qu'autre chose.
'Cause if you don't believe it can't hurt you and when you let it leave it can't hurt you
Cette situation n’est facile pour personne et je pense que Nathan est de loin celui qui reste le plus à plaindre. Il se retrouve à présent face à la personne qui a pris la décision de ne pas lui laisser une chance, de ne pas l’aimer et par conséquent celle qui détient toutes les réponses aux questions qu’il se pose depuis des années. Il est perturbé et même sans le connaître très bien je pense que l’on peut s’en rendre compte en le regardant. Il ne maintient jamais très longtemps le contact visuel avec elle et je suis persuadé qu’il attend qu’elle fasse le premier pas d’elle-même. Mais elle ne le fait pas vraiment ou du moins ses paroles ne suffisent pas à Nathan pour qu’il y porte une vraie attention. Il était comme ça avec moi aussi au début. S’il me répondait il se contentait de simples mots ou de phrases très courtes sur lesquelles il m’était impossible de rebondir et j’ai bien peur qu’avec Alex l’entrée en contact soit encore plus compliquée pour lui que ce ne l’a été avec moi. Après tout, il savait que moi je n’avais pas plus de réponses que lui à lui donner et que je n’ai pas pris la décision de l’abandonner à sa naissance, tout ça repose sur les épaules d’Alex alors c’est en lui glissant un conseil aux oreilles que nous entrons dans l’établissement me confirmant que tout ça est compliqué pour elle. Ce dont je me doutais et ce que je peux comprendre mais il ne faut pas qu’elle oublie que pour Nathan cette situation est encore plus difficile pour lui. J’essaie de comprendre comment la prise de la commande se passe et je me demande depuis quand tout ça fonctionne avec de la nouvelle technologie. Un grand écran tactile sur lequel il faut appuyer pour trouver le hamburger que nous voulons et si j’ai du mal à m’y retrouver j’entends à côté de moi Nathan qui semble s’en amuser. « Je vais prendre un p'tit wrap au poulet, un ice-tea et un McFlurry Kitkat moi aussi. » Et voilà que j’apprends que McDo fait également des wrap, je clique partout, j’essaie de trouver où ils se trouvent mais je n’y parviens pas et cette fois Nathan se met même à rire un peu, ce qui me fait sourire un peu quand je réalise qu’il s’agit de la première fois que je l’entends rigoler ainsi. « Tu aurais du le faire, il est vraiment pas doué avec la technologie. » C’est à Nathan qu’elle s’adresse et il la regarde rapidement avant de s’approcher un peu de moi. « Tu veux que je t'aide ? » Je trouve enfin le menu des wraps. « Ça va c’est bon, j’ai enfin trouvé. » Il était temps, me diriez-vous. « T’as quel âge pour galérer comme ça ? » Cette fois c’est sur un ton légèrement moqueur qu’il me pose cette question. « 33 ans. » Les yeux se Nathan s’écarquillent et il me répond presque au tac-au-tac. « T’es vieux. » Si je ne m’attendais pas à une réflexion de ce genre de sa part celle-ci me fait tout de même réagir. Je regarde Alex quelques secondes, puis Nathan. « Je sais. » Je suis vieux. Voilà la conclusion à laquelle il est arrivé et je trouve ça presque drôle mais bien heureusement nous ne nous attardons pas sur mon âge. « Tiens prends ça c'est pour qu'on soit servis à table, on s'assoit et on nous sert, c'est comme un vrai resto. » Je prends la petite pancarte qu’il me donne sur laquelle est écrit un numéro après avoir payé pour la commande. « Tu sais que Caleb a un vrai restaurant, tu vas le vexer si tu dis que c'est la même chose. » La réflexion d’Alex m’arrache un rire tant elle a raison et j’ouvre la bouche pour lui répondre mais Nathan me devance. « Oui je sais il me l'a déjà dit. » Nathan est froid avec Alex et je lance à mon femme un regard désolé. Je sais très bien que ce comportement va lui faire beaucoup de mal, mais j’espère qu’elle se souvient quand je lui ai dit que lors de notre première rencontre Nathan se comportait de la même manière avec moi. « Tu pourras me faire visiter ton restaurant un jour ? Et me refaire des cookies ? » Le regard de Nathan est levé vers moi pour me regarder et la différence entre le ton de sa voix quand il s’adressait à Alex et la manière avec laquelle il me parle est flagrante. « Si tu veux un jour je t’emmène visiter mon restaurant et on pourra même cuisiner les cookies tous les deux là-bas. Tu verras c’est vraiment pas difficile. » Donc ça veut dire qu’il voudrait me voir encore une fois après aujourd’hui et cette pensée me fait vraiment sourire. M’imaginer lui faire visiter l’Interlude, lui donner accès aux cuisines et pâtisser des cookies avec lui me feraient tellement plaisir. Je m’installe à côté d’Alex et j’en profite pour prendre sa main en dessous de la table, essayant ainsi de lui donner un peu de force, je sais qu’elle en a cruellement besoin. « Tu sembles bien connaitre, tu viens souvent ici ? » « J'suis en foyer et c'est pas le truc qu'on propose la bas donc non plus maintenant. » Sa réponse jette un froid qui me fait baisser les yeux quelques instants. Alex fait des efforts, je le sais, je le sens, mais en vain. Mon pouce caresse le dos de sa main et quand j’entends Nathan me poser une question je relève le regard vers lui. « Tu allais pas au mcdo quand tu avais mon âge avec tes parents ? » La commande arrive et je lui réponds tout en donnant à tout le monde son menu. « De temps en temps, si. Mais j’ai grandi dans une petite ferme à deux heures de Brisbane. Et j’ai trois sœurs, donc quand on allait au McDo ça revenait un peu cher pour mes parents. » En lui parlant de Warwick et de mes parents je suis à deux doigts de lui proposer de l’y emmener un jour pour qu’il puisse rencontrer ses grands-parents s’il en a envie. Mais je me dis qu’il est peut-être un peu prématuré pour ce genre de chose, alors je me rétracte. « Si tu as des questions, je suis là pour y répondre, quoique tu aies à me demander, tu peux le faire. » Alors que la discussion était plutôt légère et bonne enfant je suis à peu près sûr que cette remarque d’Alex va jeter un énorme froid et déstabiliser Nathan. Je grimace légèrement et prends une première frite. Nathan quant à lui semble effectivement perturbé, il sort son hamburger de son emballage et croque une première fois dedans. « Vous alliez à McDo avec vos parents quand vous étiez petite ? » Il la vouvoie, il me tutoie. Il me vouvoyait aussi au début et je suis sûr que ça pourrait suffire à déstabiliser Alex. Par la réponse de Nathan je comprends qu’il n’est pas prêt à lui poser la moindre question sérieuse et j’espère qu’Alex le comprendra aussi. « Alex est Anglaise tu sais. » En commençant cette phrase j’avais dans l’idée de lui apprendre donc qu’il avait donc des origines Anglaises, mais bien heureusement je me suis rendu compte que ce n’était certainement pas une bonne idée. « Oh donc c’est ça l’accent bizarre. » Je fronce légèrement les sourcils. « Je l’aime beaucoup moi cet accent. » Nathan lève les épaules tout en menant son hamburger vers sa bouche. « Ça va. » C’est que ça pourrait presque être un compliment de sa part, non ?
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Etre au Mcdo avec Caleb c'est déjà en soit quelque chose d'exceptionnelle, on est bien plus habitués aux restaurants gastronomiques désormais. Mais, être ici à choisir des menus en compagnie d'un petit garçon de dix ans, c'est une situation plus qu'inédite et incroyable. C'est aussi une situation déstabilisante et je sais que si ça l'est pour moi, ça l'est aussi pour Caleb et surtout pour Nathan. Il a dix ans, il ne devrait pas avoir à gérer tout ça, mais ce n'est même pas la chose la plus difficile qu'il ait déjà eu à gérer dans sa vie. Et quand on le regarde choisir son menu, conseiller Caleb et surtout se moquer de Caleb, on pourrait presque penser qu'il vit bien le moment. Je l'entends même rire ce qui semblait être une chose improbable. Je ne pensais pas l'entendre rire, je ne pensais pas le voir sourire, je ne sais pas ce que je pensais mais ce qui est assez rassurant c'est qu'il semble se sentir à l'aise quand il est avec Caleb. Il semble être bien quand il le regarde lui, quand c'est avec lui qui parle, et ça contraste énormément avec l'attitude qu'il a envers moi. « Tu veux que je t'aide ? » « Ça va c’est bon, j’ai enfin trouvé. » Je les regarde tout les deux n'osant pas intervenir dans leurs échanges. « T’as quel âge pour galérer comme ça ? » J'ai envie de sourire à la question pleine de moquerie de Nathan mais je suis beaucoup trop figée et stressée pour ça. C'est leur moment et j'ai l'impression que si je dis quelque chose, si j'interviens je vais gâcher ce moment. « 33 ans. » « T’es vieux. » Ils se parlent, et surtout Nathan réponds avec facilité et naturel à Caleb, en toute décontraction et je me sens presque chanceuse de pouvoir les observer tout les deux. Chanceuse mais aussi légèrement de trop quand même. « Je sais. » Caleb me regarde et je lève les épaules en tentant de lui sourire. « Me regarde pas comme ça, je suis d'accord avec lui, t'es plus vieux que moi. » Oh j'aurais pu le taquiner bien plus que ça mais il y a Nathan avec nous et je me sens pas vraiment à l'aise pour le faire. Je suis encore tendue, beaucoup trop et pourtant j'essaye d'être naturelle, j'essaye de ne pas montrer que la situation est stressante. J'essaye mais on peut pas dire que les réactions de Nathan m'aident à me détendre, bien au contraire.
Nathan est froid avec moi et chaque paroles, chaque regards qu'il le lance ne sont que des rappels douloureux de la colère qu'il ressent envers moi. Une colère justifiée et parfaitement légitime mais qui reste douloureuse à gérer alors que j'essaye vraiment d'être naturelle comme me l'a conseillé Caleb. Il me regarde d'ailleurs, et je sens qu'il est désolé de la façon avec laquelle Nathan me parle mais il n'y peut rien. Je sais que je mérite la froideur de Nathan, je sais que je mérite qu'il me déteste et même s'il n'a rien dit de tel, je sais qu'il est en colère et qu'il ne compte pas me le cacher. Je vais devoir faire avec, ou plutôt faire face et gérer mes émotions ce qui est loin d'être mon point fort donc tout est rassurant. Ou pas... Ce qui fait mal aussi, c'est la façon avec laquelle il change de comportement entre le moment ou il s'adresse à moi et le moment ou il parle avec Caleb. Ils ont déjà un lien tout les deux, ils s'entendent plutôt bien, enfin ce n'est pas difficile de penser ça quand on compare avec la façon avec laquelle il se comporte face à moi. « Si tu veux un jour je t’emmène visiter mon restaurant et on pourra même cuisiner les cookies tous les deux là-bas. Tu verras c’est vraiment pas difficile. » J'hésite à intervenir à nouveau, à rappeler à Caleb que si ce n'est pas difficile c'est parce qu'il est chef cuisinier lui, mais je ne veux pas intervenir entre eux, je ne veux pas risquer de jeter un froid à nouveau alors qu'ils parlent avec facilité et naturel tout les deux. « Tu me laisserai cuisiner dans ta vraie cuisine ? Ce serait trop cool. » J'ai envie de lui demander s'il aime cuisiner, s'il est doué mais je n'ose pas. Et je préfère plutôt les laisser finir de passer la commande et c'est en silence que je m'installe à une table. Je sens la main de Caleb qui vient chercher la mienne pour la serrer doucement et ce geste peut paraître simple mais j'en ai sincèrement besoin. Je baisse les yeux, je fixe mes cuisses, enfin plutôt nos mains entrelacées et je souffle discrètement pour évacuer le stress que je ressens et retrouver un semblant de force pour oser parler avec Nathan. Pour essayer aussi d'être naturelle. Sauf que ma tentative de dialogue est repoussée très vite par Nathan. Mes doigts se resserrent autour de la main de Caleb quand Nathan me réponds avec une froideur qui fait mal. Il ne fait qu'évoquer une réalité que l'on connaît déjà tout les trois. Nathan est en foyer, Nathan n'a pas de famille, je lui en ai privé mais la violence de ses mots restent difficile à encaisser et si les mots font mal, j'imagine bien que la vérité est encore plus douloureuse pour lui. Il pourrait continuer avec ses remarques et ses piques glaciales mais non, il parle avec Caleb comme si de rien était. « De temps en temps, si. Mais j’ai grandi dans une petite ferme à deux heures de Brisbane. Et j’ai trois sœurs, donc quand on allait au McDo ça revenait un peu cher pour mes parents. » Il ne quitte pas des yeux Caleb, enfin si juste pour s'assurer que ce qu'il y a sur nos plateaux corresponds bien à ce qu'il a commandé, mais il n'y a aucune froideur dans son regard, aucune gêne, ni de retenue dans sa voix. « Tu as trois sœurs ? C'était pas trop dur de grandir avec toute ces filles ? C'est chiant les filles. » Il arrive même à sourire à Caleb en posant cette question qui semble être plus une remarque rigolote qu'une vraie question. « Tu as grandis dans une ferme, tu as trop de la chance. C'est trop bien, tu avais quoi comme animaux ? » Il est enthousiaste en prononçant ces mots et après le froid que sa dernière remarque a laissé entre nous c'est presque assez fou de le voir changer autant en fonction de la personne à qui il s'adresse. « J'ai eu une famille d'accueil qui avait une ferme, j'aime trop les animaux, ils avaient un chien, il était trop gentil. » Il ne me regarde pas mais moi je le regarde et quand il parle des animaux je vois à son regard que quand il dit qu'il aime les animaux, il le pense vraiment. Sauf que si lui parle des animaux, de la ferme, moi je retiens surtout qu'il a évoqué l'une de ses familles d'accueil. On sait de part son éducatrice qu'il en a connu beaucoup trop pour un garçon de 10 ans, et c'est difficile de l'imaginer devoir changer encore et encore de lieu, de changer de repères, de ne pas avoir de stabilité et surtout de ne pas avoir d'amour dans sa vie. C'est dur d'être naturelle quand on fait face aux conséquences de ses propres choix, mais j'essaye de garder en tête les mots de Caleb, j'essaye de penser que tout ce que je ressens, ça ne doit être rien à côté de ce que Nathan doit ressentir. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi il a voulu que je sois là ? Je me demande pourquoi il a tenu à me rencontrer si c'est pour me toiser du regard et me répondre qu'avec des phrases plus froides les unes que les autres ? Ils sont bien tout les deux, et j'ai l'impression de gâcher leur moment et je sais plus, ou je sais pas ce qu'il attends de moi plutôt. Je ne sais pas comment me comporter face à lui et quoique je dise, soit il m'ignore, soit il me réponds froidement. Je sais que c'est à moi de faire des efforts, de lui montrer que je peux encaisser, que je suis là pour répondre à ses questions, mais il ne semble même pas en avoir. Ou alors il a peur de les poser ? Je finis par lui dire aussi calmement que possible, je finis par lui dire que je suis là pour répondre à ses questions, quoiqu'il ait comme question. Et si jusqu'à présent c'était Nathan qui jetait un froid avec ses remarques, ma question semble perturbée tout le monde autour de cette table. Un silence s'installe quelques instants, Caleb mange ses frites, Nathan se concentre sur son menu et moi, je m'en veux d'avoir encore tout gâché. Ils parlaient bien tout les deux et j'aurais du me taire et rester dans mon coin à attendre qu'il soit prêt à me parler. « Vous alliez à McDo avec vos parents quand vous étiez petite ? » Je relève les yeux vers lui, je suis à la fois perturbée par le vouvoiement mais aussi un peu soulagée de l'entendre me parler, enfin. De l'entendre me questionner même si ce n'était pas du tout à ce genre de questions que je m'étais préparée. Pas grave, je crois que c'est bien plus simple ce genre de questions même si je doute que ce soit réellement les réponses dont il a besoin, je ne vais pas le forcer à parler d'un sujet que j'ai moi même éviter de parler durant des années. « Tu peux me tutoyer, enfin seulement si tu le veux, tu n'es pas obligé, si tu préfères me vouvoyer tu peux aussi. » Je parle, pour ne rien dire encore. Je voudrais que tout soit plus simple mais je ne fais rien pour rendre les choses plus simples. Il ne me réponds pas, et finalement c'est pas plus mal parce qu'il aurait pu encore se montrer froid et dur avec moi. « Mais pour te répondre, non je n'allais pas à McDo avec mes parents, j'ai du y aller une fois ou deux en cachette avec l'une de mes nourrices quand j'avais à peu près ton âge mais c'était pas vraiment le genre de mes parents. » En terme de sujet pour être à l'aise y'a bien mieux que mes parents mais Nathan ne peut pas savoir que la relation que j'ai avec eux est très compliquée et que je les déteste. J'en viens à penser que ce que je ressens envers mon père et ma mère, c'est peut-être ce qu'il ressent envers moi finalement. Peut-être que je suis pour Nathan ce que mon père est pour moi et je déteste cette pensée. Je lâche la main de Caleb pour le laisser déballer son menu et ma main vient se poser sur sa cuisse, juste pour maintenir le lien avec lui, je lui vole une frite dans son menu pour essayer de manger un peu. « Alex est Anglaise tu sais. » Caleb reprends la parole, c'est rare que ce soit lui qui fasse la discussion mais je le remercie du regard de parler et de ne pas laisser le temps au silence de s'installer. « Oh donc c’est ça l’accent bizarre. » Ca fait longtemps que j'ai accepté l'idée que mon accent était encore bien trop prononcé et qu'il le serait sans doute pour longtemps. Je suis Anglaise et je n'en ai pas honte, je n'ai pas envie de le cacher et pourtant quand la remarque vient de Nathan je ne sais pas réellement comment la prendre. « Je l’aime beaucoup moi cet accent. » Je souris en entendant les mots de Caleb. Je sais qu'il a toujours aimé mon accent, même s'il peut parfois s'en moquer. « Ça va. » C'est déjà assez étrange de les voir parler tout les deux mais ça l'est encore plus quand ils parlent de moi alors que je suis présente. Enfin, ils parlent de mon accent mais je retiens surtout que Nathan ne s'est pas montré froid ou méchant avec moi, il aurait pu. Il aurait sincèrement pu dire à Caleb qu'il s'en foutait d’où je venais. Que mon accent le saoulait. Ou que sais-je encore d'autres. Mais il n'a rien dit de tels et je me dis que c'est un peu positif non ? Peut-être qu'il y a moyen de discuter un peu avec lui tant que je n'aborde pas des sujets qui fâchent. « J'ai appris que tu aimais le sport, tu joues d'un sport en particulier ? » Il me regarde, il mange quelques frites avant de me répondre, je me demande s'il va me répondre ou s'il va ignorer ma question, et peut-être qu'il hésite aussi encore de son côté. « Oui j'aime le sport. » Une réponse pas froide mais qui n'aide pourtant pas réellement à lancer la discussion. « Tu as un sport préféré ? » J'essaye de le questionner un peu, de faire la discussion, de lui montrer que je m'intéresse à lui et que je ne vais pas baisser les bras malgré ses remarques pas toujours agréables. « J'aime bien le soccer et le rugby, et je fais du skate aussi. Enfin c'était avant que je sois malade. » Il lève les épaules et il en parle comme si c'était presque rien alors qu'il aurait pu mourir, mais ce n'est pas la chose à lui rappeler non ? Je ne sais pas comment il a vécu tout ça, je ne le sais pas puisque je n'étais pas là pour lui et il a du se débrouiller tout seul, il a du tout gérer et je réalise que l'une des premières choses que j'aurais du lui demander je ne l'ai pas fais. « Tu vas mieux aujourd'hui ? » Il a dix ans, et je vois bien que ma question le perturbe et le questionne. Il fronce les sourcils et bien sur qu'il ne sait pas ce qu'il doit répondre à ce genre de question. « Ba oui, je suis sorti de l’hôpital grâce à Caleb, c'est que je vais mieux. » Ba oui Alex voyons ça coule de source comme réponse. Je le regarde avec une certaine tendresse dans les yeux et pourtant je n'en ai pas le droit, je n'ai pas le droit de le fixer ainsi, je n'ai pas le droit de ressentir de la tendresse pour ce petit garçon, je n'ai pas le droit de m'inquiéter pour lui. « Au foyer ils ont une activité musique et je me suis inscrit, ils ont un piano, un pas très beau mais je vais pouvoir rejouer un peu et je crois qu'on peut apprendre à jouer de la guitare, comme ça je pourrais jouer comme toi et même être meilleur que toi. » Il mange tout en parlant avec Caleb, il est bien plus expressif avec lui, mais je ne lui en tiens pas rigueur, et il y a au moins une chose qui me rassure, il semble avoir comprit que Caleb n'était pas responsable de sa condition et ça me rassure un peu même si je n'arrive pas à me détendre, lui semble à l'aise avec Caleb.
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D’après Nathan, je suis vieux et je me demande très sérieusement s’il pense sincèrement ce qu’il vient de me dire ou bien s’il cherchait simplement à me taquiner à ce sujet-là précisément ? Je n’en ai pas la moindre idée mais je retiens en tout cas qu’Alex semble être d’accord avec lui. « Tu me laisserai cuisiner dans ta vraie cuisine ? Ce serait trop cool. » Il ne semble pas contre l’idée de me revoir bien au contraire, j’ai même l’impression que c’est quelque chose qui lui plairait beaucoup et c’est réciproque. Pourtant il n’aime pas spécialement cuisiner ou du moins il ne m’en a jamais parlé. J’ai maintenant l’image de Nathan découvrant l’Interlude. Peut-être que je pourrais l’invite à venir y manger une fois s’il semble intéressé par mon restaurant. Encore une idée qui me plaît beaucoup et j’ai l’impression qu’à chaque fois que nous nous voyons je m’attache petit à petit à ce garçon. J’ai envie de lui faire découvrir le monde et de lui montrer qu’il n’est peut-être pas trop tard pour que la vie ne commence à lui sourire. « Oui bien sûr. » De toute façon je commence à me dire que Nathan pourrait me demander n’importe quoi (ou presque) ; je risque d’accepter. Lui montrer mes cuisines et mon environnement me ferait beaucoup plaisir. « Tu as trois sœurs ? C'était pas trop dur de grandir avec toute ces filles ? C'est chiant les filles. » Encore une réaction de sa part qui me fait rire. Il n’a que dix quand Nathan, c’est finalement presque logique qu’il me dise que les filles sont apparemment, chiantes. « On s’y fait. Maintenant j’ai plus l’habitude d’être entouré de filles que de garçons. » Je lui réponds en haussant les épaules. Il suffit d’observer mon entourage proche pour comprendre que je suis en règle générale, bien plus à l’aise en présence de femmes plutôt que d’hommes. « Tu as grandis dans une ferme, tu as trop de la chance. C'est trop bien, tu avais quoi comme animaux ? » Je mange quelques frites et avant de lui répondre je regarde rapidement Alex comme pour m’assurer qu’elle n’est pas en train de se décomposer sur place. Même si elle ne participe pas à la conversation elle semble tenir le choc pour le moment alors je me tourne de nouveau vers Nathan. « Vaches et poules pour la plupart. Alex adorait nos vaches. » J’insiste volontairement sur le verbe afin de taquiner un peu ma femme et surtout, je cherche à la faire réagir et à l’inclure à la conversation. « J'ai eu une famille d'accueil qui avait une ferme, j'aime trop les animaux, ils avaient un chien, il était trop gentil. » Ce n’est pas la première fois qu’il me parle de son amour pour les animaux et nous avons tous les deux ça en commun. Moi aussi j’aime les animaux et nous trouver des points communs me plait toujours autant. Je souris quand il me parle du chien de l’une de ses familles d’accueil. J’essaie de me concentrer sur l’information principale – le chien – plutôt que la tristesse et le pincement au cœur que je peux ressentir quand il évoque ses familles d’accueil. « Il faudra vraiment que tu rencontres notre chien et notre chat, je suis sûr que tu les adorerais. » Ce qui voudrait donc possiblement dire que nous pourrions l’emmener chez nous mais avant ça il me semble primordial que nous lui parlions des filles. Ses sœurs, en soi. Mais j’ai encore bien peur de sa réaction pour ça et la boule au ventre que j’ai à chaque fois que j’y pense le prouve.
La main d’Alex qui se pose sur ma cuisse pendant que je mange mon hamburger et si je jette quelques coups d’œil à son plateau, le sien ne bouge pas. Elle ne semble pas y avoir touché depuis tout à l’heure et je sais très bien ce que ça signifie pour elle : elle est stressée, mal à l’aise et donc elle ne mange absolument rien. « Tu peux me tutoyer, enfin seulement si tu le veux, tu n'es pas obligé, si tu préfères me vouvoyer tu peux aussi. » Moi aussi il me vouvoyait au début et si c’était très perturbant pour moi, il a suffi que je lui autorise le tutoiement pour qu’il oublie le vous et j’espère que ce sera de même pour Alex. « Mais pour te répondre, non je n'allais pas à McDo avec mes parents, j'ai du y aller une fois ou deux en cachette avec l'une de mes nourrices quand j'avais à peu près ton âge mais c'était pas vraiment le genre de mes parents. » J’essaie toujours d’inclure Alex à nos conversations, je parle de ses origines et si Nathan y réagit un peu ce n’est clairement pas le cas d’Alex qui ne rebondi sur aucune de mes tentatives et j’avoue commencer réellement à être à court d’idée. Je sais très bien que cette situation est loin d’être simple pour elle, je n’en doute pas une seconde mais son silence ne m’aide pas du tout au contraire. Et je doute que ça aide Nathan non plus. « J'ai appris que tu aimais le sport, tu joues d'un sport en particulier ? » Je crois que c’est la première fois qu’elle lui parle réellement – si on oublie son bonjour et son intervention gênante et évitable quand elle lui a dit qu’elle pouvait répondre à toutes ses questions. « Oui j’aime le sport. » Si elle est à présent dans un sujet qu’elle maîtrise c’est loin d’être mon cas, mais c’est un sujet qui la lie fortement à Nathan. Je sais qu’il aime beaucoup le sport, en particulier le foot comme Alex. Alors qu’ils finissent par parler de sport tous les deux ne m’étonne pas. « Tu as un sport préféré ? » « J'aime bien le soccer et le rugby, et je fais du skate aussi. Enfin c'était avant que je sois malade. » Il nous parle de sa maladie sans tabou et d’un air si enfantin et innocent que ça me fait mal. Parce qu’il est bien trop jeune pour avoir connu une maladie pareille, bien trop jeune pour avoir été confronté à la mort. « Tu vas mieux aujourd'hui ? » Nathan lève les yeux vers Alex en entendant cette question et je crois même voir ses sourcils se froncer. « Ba oui, je suis sorti de l’hôpital grâce à Caleb, c'est que je vais mieux. » Grâce à Caleb. Est-ce que c’est sa manière de lui dire qu’il lui en veut qu’elle n’ait pas fait ce don ? « Tu sais si Alex avait été compatible elle aurait fait le don aussi. » Une information que je lance, comme ça. Juste pour être sûr qu’il ne s’imagine pas qu’elle refusait ce don de moelle osseuse. « Au foyer ils ont une activité musique et je me suis inscrit, ils ont un piano, un pas très beau mais je vais pouvoir rejouer un peu et je crois qu'on peut apprendre à jouer de la guitare, comme ça je pourrais jouer comme toi et même être meilleur que toi. » Je lui souris tout en terminant mon burger. Je m’essuie les mains avec une serviette – et voilà une autre raison pour laquelle je n’aime pas les fast food : c’est gras. « Oh je suis sûr que tu seras bien meilleur que moi. Je ne suis clairement pas un musicien professionnel. » Que je lui dis en faisant un mouvement de la main. « Alex m’a offert un piano pour Noël. Peut-être que tu pourrais m’apprendre un peu ? Et moi je t’apprends à jouer de la guitare. » Nathan se redresse, ses yeux s’arrondissent comme des billes. « C’est vrai tu voudrais bien m’apprendre ? » J’hoche positivement la tête. Bien entendu que j’aimerais lui apprendre. Je le trouve vraiment adorable et je ne peux m’empêcher de sourire un peu. « Je veux bien t’apprendre le piano mais ça fait longteeeeeemps que j’ai pas joué. » Je continue à picorer petit à petit mes frites. « Je suis sûr que tu seras un super prof. » Il hoche positivement la tête. « Je pense aussi. » De nouveau je lâche un petit rire et juste après je me penche vers Alex. « Ton menu va refroidir bébé. » Une façon pour moi de la solliciter à manger sans le lui dire clairement. « Pourquoi tu manges pas ? » C’est à Alex qu’il s’adresse en plissant les yeux, comme si le comportement de cette dernière l’intriguait.
'CAUSE IF YOU DON'T BELIEVE IT CAN'T HURT YOU AND WHEN YOU LET IT LEAVE IT CAN'T HURT YOU
« Oui bien sûr. » Je les entends se parler, je les entends faire des projets. Découvrir l'interlude, cuisiner avec Caleb dans les cuisines de son restaurant et je sais que ça doit faire énormément plaisir à Caleb, lui qui n'osait pas envisager une seconde rencontre de peur d'être déçu si Nathan ne voulait pas. Les voilà en train d'imaginer des choses à faire ensembles. Ils semblent bien s'entendre, c'est du moins l'impression que j'en ai. Je les regarde parler ensemble avec une facilité qui pourrait presque me rendre jalouse, mais je ne le suis pas. Je suis juste heureuse pour Caleb et un peu soulagée aussi de savoir que Nathan ne tient pas Caleb pour responsable. Il n'a que dix ans, mais il semble avoir comprit que j'étais la seule et unique responsable de toute cette situation. Il m'en veut, il me le montre et je le mérite, mais quand il est avec Caleb, la discussion semble facile pour lui. « On s’y fait. Maintenant j’ai plus l’habitude d’être entouré de filles que de garçons. » Il suffit de voir chez nous déjà, Caleb est tout seul avec trois filles et pas les plus simples niveau caractère puisque je fais partie de ces trois filles. Je suis leur conversation, je les écoute sans rater une miette de ce qu'ils se disent mais je n'ose pourtant pas m'immiscer dans leur discussion. Ce n'est pas que je n'ai rien à dire, bien au contraire. Rien qu'à cet échange de phrases, j'ai eu plusieurs pensées, plusieurs réactions que j'ai gardé pour moi. Alors comme ça chéri, les filles c'est chiant? Fut l'une des remarques que j'ai gardé pour moi alors que Caleb n'a pas réagit aux mots de Nathan. Mais, je ne dis pourtant rien et c'est rare que je ne parle pas mais je crois que moins je parle et plus je me sens stressée et je n'ose désormais plus intervenir entre eux. Et puis à quoi bon que je parle alors que Nathan semble avoir envie de parler qu'avec Caleb ? Ils ont encore beaucoup de choses à apprendre l'un de l'autre et je n'ai pas envie que ma présence vienne gâcher ce moment. Je sens le regard de Caleb sur moi, je sais qu'il s'inquiète pour moi, je sais qu'il doit avoir tout aussi peur que moi que les choses ne se passent pas bien, mais je vais bien. Je vais aussi bien que possible dans les circonstances actuelles et je les écoutes parler de ferme et d'animaux. « Vaches et poules pour la plupart. Alex adorait nos vaches. » La remarque de Caleb me fait sourire légèrement parce que je sais qu'il essaye de me détendre un peu en faisant référence à mon grand amour pour les vaches et je repense à ces quelques moments ou j'ai eu à faire face à ces animaux répugnants à mes yeux. « Tu oublies aussi que j'adorais les poules. » Il se veut ironique, j'essaye de l'être aussi sauf que je ne suis pas certaine que Nathan puisse comprendre le comique de nos remarques. « Caleb se moque de moi en disant ça, je n'aime pas trop les vaches, je ne suis pas vraiment à l'aise avec les animaux. » C'est à Nathan que je parle cette fois, et si la discussion n'est pas évidente, j'essaye d'être naturelle, c'est le conseil à suivre pour aujourd'hui. Il trouve que grandir dans une ferme c'est une chance, alors peut-être que j'aurais du garder ma précision pour moi finalement. Je sais qu'il ne m'appréciera pas et pourtant je me retrouve à réfléchir à ce que je peux dire pour qu'il puisse m'apprécier un peu au moins. C'est peine perdu je le sais, mais c'est ce que je ressens et je me sens conne quand il dit qu'il aime trop les animaux. J'aurais du me taire plutôt que de lui dire ça, mais c'est trop tard et je les regarde manger sans vraiment m'intéresser à mon repas. Je les écoute à nouveau parler, sans réellement participer à leur échange, et de nouveau je me sens mal à l'aise et stressée. « Il faudra vraiment que tu rencontres notre chien et notre chat, je suis sûr que tu les adorerais. » Je suis presque heureuse d'avoir eu l'idée d'enlever ma montre parce que je n'ai pas besoin d'une montre pour sentir que mon cœur s'est mit à battre un peu plus vite en réalisant que Caleb vient d'inviter Nathan chez nous. Je ne sais pas ce que je ressens réellement mais je me sens submergée par beaucoup d'émotions d'un coup. Pourtant ça n'a rien de très étonnant non ? Mais imaginer Nathan dans notre maison, à jouer avec nos animaux, à rencontrer nos filles, à être là à l'endroit ou notre famille vit, c'est étrange, très étrange et j'ai l'impression d'assister à quelque chose d'important sans réellement savoir quoi. « Déjà ton chien il s'appelle Dobby je ne pourrais que l'aimer. Tout le monde aime les Dobby non ? » Je sais qu'il parle d'Harry Potter, je comprends la référence mais ce que je retiens surtout c'est qu'il semble plutôt ouvert à l'idée de rencontrer nos animaux, et je ne sais pas s'il a conscience que s'il vient chez nous, je serais surement là moi aussi, mais je n'ai pas envie de perturber leurs plans, ou de geler leur enthousiasme. Ou même de questionner Caleb sur ce que représente son invitation. Je ne veux pas savoir à quoi il pense, je ne veux pas savoir s'il est lui aussi en train de réaliser que ses mots sont pas anodins. Je ne veux pas me dire que peut-être Caleb est en train de se projeter dans une quelconque relation avec Nathan. J'essaye déjà de gérer mes émotions sans me laisser dépasser et c'est déjà pas mal, croyez moi.
J'essaye de parler un peu avec Nathan et je parle de l'une des rares choses que je maitrise et que je sais qu'il aime un peu ; le sport. J'essaye de le faire parler, j'essaye de me montrer ouverte et naturelle et de me montrer intéressée par ce qu'il peut aimer. Ce qui ne devrait pas être dur à faire puisque je suis sincèrement intéressée par ce que Nathan peut nous dire et nous apprendre sur lui. Que ce soit quand il parle de sport avec moi ou quand il parle de musique avec Caleb. Je l'écoute, je le regarde, je prends soin de noter tout ce qu'il peut dire de lui. Dans quel but ? J'en sais rien, aucun en particulier sans doute. J'ai juste l'envie, le besoin même, de l'entendre parler de lui. Rencontrer cet enfant, mettre un visage sur ce bébé que j'ai abandonné, apprendre à le connaître, tout ça, ça m'a longtemps terrifié. Jusqu'à encore peu j'étais presque incapable de dire si je voulais le connaître ou pas, mais devant lui, je réalise que j'ai besoin d'en apprendre davantage. Et c'est rare que je sois celle qui écoute sans parler mais c'est bien ce qui se passe aujourd'hui. « Tu sais si Alex avait été compatible elle aurait fait le don aussi. » La vérité n'est pas tout à fait aussi simple et Caleb le sait. Il sait que si j'avais été compatible, je n'aurais sans doute rien pu faire mais je sais aussi qu'il tente de me valoriser devant Nathan. C'est ce qu'il fait Caleb et pas que devant Nathan. Il me défends. Il mets en évidence mes rares qualités quand il parle de moi, et je sais qu'il le fait parce qu'il veut que les gens m'apprécie et là c'est peut-être encore plus important pour lui. « Si j'avais pu, je l'aurais fais oui, mais le plus important c'est que tu ailles mieux désormais. J'étais contente d'apprendre que tu allais pouvoir quitter l’hôpital. » J'ai aussi été énormément soulagée quand on a apprit que la greffe avait fonctionné, que les premiers résultats étaient positifs. Mais il n'a pas à savoir que je me suis inquiétée pour lui, il a déjà eu beaucoup à gérer tout seul, et tout ce qui compte aujourd'hui c'est qu'il aille mieux et que la peur de le voir mourir ne soit plus qu'un souvenir, ou une crainte beaucoup moins réelle et d'actualité. Il va mieux, il va aller bien et j'espère de tout cœur qu'il pourra être heureux à l'avenir. Il nous parle de son foyer, ou plutôt d'une activité au foyer, une passion pour la musique qu'il partage avec Caleb. Nathan joue du piano, Caleb de la guitare et je sens déjà la complicité entre eux, et peut-être aussi l'envie de Nathan de partager ça avec Caleb. « Oh je suis sûr que tu seras bien meilleur que moi. Je ne suis clairement pas un musicien professionnel. » « Il fait le modeste, il est vraiment doué à la guitare. » Il n'a sans doute pas le niveau d'un musicien professionnel mais en même temps ce n'est pas son métier non plus. Mais, moi je le trouve doué et j'aime toujours autant l'écouter jouer de la guitare. « Alex m’a offert un piano pour Noël. Peut-être que tu pourrais m’apprendre un peu ? Et moi je t’apprends à jouer de la guitare. » Et à nouveau, les voilà en train de faire des plans. Enfin Caleb en fait et Nathan semble plus qu’intéressé par l'idée. « C’est vrai tu voudrais bien m’apprendre ? Je veux bien t’apprendre le piano mais ça fait longteeeeeemps que j’ai pas joué. » Il est souriant, il est enthousiaste, il est bien loin de l'attitude qu'il a pu avoir au tout début, ou qu'il peut avoir avec moi et je réalise à ce moment qu'ils n'ont pas fini de se voir ces deux là. Qu'ils n'ont pas fini de tisser des liens et que pour eux, pour leur relation et leur entente, il va bien falloir que Nathan arrive à me parler, et surtout que j'arrive à lui parler sans me sentir si stressée et si anxieuse face à lui. « Rassures toi tu dois être meilleur que lui au piano pour le moment il fait un peu mal aux oreilles, il a bien besoin de cours. » Je pose ma main sur l'avant bras de Caleb que je caresse un peu, à la recherche d'un contact physique avec lui, d'un contact rassurant. Je lui souris aussi pour la rassurer sur mes propos qui ne sont pas sérieux, j'aime l'entendre jouer, que ce soit de la guitare ou du piano même s'il y a un instrument ou il a bien plus de pratique. « Je suis sûr que tu seras un super prof. » Je ne sais pas si Nathan peut être un super prof, je sais en revanche que Caleb en sera un parce qu'il a tout pour être un bon prof. Il est calme, il est patient, il essaye toujours de valoriser les autres et il est très doué. Mais c'est Nathan qui réponds le premier et il me fait rire. « Je pense aussi. » Un petit rire mais qui a le mérite d'être sincère, devant l'assurance qu'il dégage avec cette repartie et qui prouve qu'il est vraiment à l'aise non ? Bien plus que moi en tout cas. « Ton menu va refroidir bébé. » C'est à moi que Caleb parle et je réalise que si j'ai mangé deux trois frites, je n'ai pas touché à mon wrap et je sais que ça ne va pas plaire à Caleb si je ne mange pas un peu. En temps normal il n'aime déjà pas ça, mais quand je suis enceinte c'est encore pire et je sais qu'il a raison, que je dois manger mais mon estomac ne semble pas de cet avis. « Pourquoi tu manges pas ? » Et si je regardais Caleb, c'est la voix de Nathan qui cette fois m'interpelle. Sa question mais surtout le tutoiement qu'il emploi pour la première fois en me parlant. C'est d'un coup beaucoup moins solennel, beaucoup moins froid, et sa question ne semble être ni un reproche, ni une façon détournée de me faire comprendre qu'il m'en veut. Je le regarde et je vois bien qu'il attends une réponse ce qui en soit ne devrait pas me surprendre puisqu'il a posé une question donc la réponse est attendue mais il ne semblait pas vraiment très intéressée par ma présence jusqu'à présent. Et si la question semble anodine, voilà que je me mets à réfléchir à ce que je peux lui répondre. Version honnête ou non ? Il n'a que dix ans et je ne sais finalement pas comment on parle à un enfant de cet âge, mais je décide d'être honnête avec lui. « Je suis un peu stressée. » Il me regarde toujours avec cet air un peu intrigué sur le visage. « C'est bizarre. Moi aussi j'étais stressé et je mange quand même. » Il a raison, c'est bizarre, mais ce que je retiens surtout c'est qu'il avoue qu'il était stressé. « C'est vrai tu as raison c'est bizarre, Caleb me le dit tout le temps aussi et je crois que je vais devoir manger si vous êtes deux contre moi. » Je lève les épaules et j'ouvre mon wrap pour en manger un peu, une ou deux bouchées en les regardant. Je me détends un peu en mangeant et je me sens un peu moins tendue et moins stressée. Peut-être que l'attitude de Nathan, le tutoiement m'a un peu débloqué ? J'en sais trop rien mais mes épaules sont moins tendues et je me sens moins anxieuse. « Voilà, je mange, vous pouvez être fiers de vous tout les deux. » Je souris en disant ces mots en réalisant que l'idée de les avoir contre moi pour ce genre de petit détail de la vie ne me déplairait pas. Mais je ne peux pas penser à ça. « Tu as dis que tu étais stressé, ça va mieux maintenant ? » C'est à Nathan que je m'adresse et il lève les épaules en hochant la tête, sans doute qu'il l'est encore un peu mais qu'il ne veut pas le dire une seconde fois. Je ne sais pas vraiment mais je sais qu'il y a beaucoup de choses à dire encore sur le passé, mais pendant quelques minutes je décide de ne penser qu'à l'instant présent. Je décide de saisir la chance que j'ai de l'avoir face à moi, pas prêt à aborder le passé mais visiblement prêt à nous parler de tout et de rien et je me dis que finalement c'est peut-être la meilleure chose à faire. Lui parler, oublier le passé, ne penser qu'à ce moment sans me prendre la tête, sans trop réfléchir. « Tu as réussi à faire venir Caleb dans un Mcdo, tu veux pas lui demander d'aller voir un match, j'arrive plus à le faire venir au stade, je suis sure que toi tu y arriverai. » Je regarde Nathan puis Caleb en souriant, un sourire plus franc que les précédents encore, je suis un peu plus naturelle désormais mais je ne fais plus forcément attention à ce que je dis ou à ce que je fais. « Tu as déjà été au stade ? » Ne pas le couvrir de cadeau ce sont les mots de Caleb mais ce n'est pas un cadeau non ? C'est une proposition et c'est sans doute pire. « Non jamais, c'est trop cher. » Il est un peu direct dans sa réponse, et je suis surprise par cette réaction, sans doute qu'il n'est pas encore prêt de réagir à mes mots comme il le fait à ceux de Caleb, avec enthousiasme mais il me réponds déjà et il ne me reproche pas directement le fait qu'il n'ait jamais été au stade. Je pose mon wrap au trois quart mangé et après avoir bu quelques gorgées de mon ice-tea, je joue avec ma bague quelques secondes et c'est en poussant mon wrap vers Caleb que je finis par lui dire doucement. « J'ai mal à l'estomac tu veux le finir ? » Une main qui se pose sur mon ventre par réflexe, par habitude aussi tant ce geste est devenu quotidien depuis que mon ventre s'est un peu arrondi. Et je vois Nathan me regarder en fronçant les sourcils. « T'es enceinte ? » Ma main ne bouge plus sur mon ventre, et je regrette d'avoir relâché la pression pendant quelques secondes. « Oui, je suis enceinte, mais c'est pas important. » Je dis n'importe quoi. « On est là pour parler de toi. » Je regarde Caleb l'air perdue, et j'appréhende énormément la réaction de Nathan, et dire que je commençais à me sentir à l'aise face à lui. « Tu me l'avais pas dis. » Cette fois c'est à Caleb qu'il s'adresse et je sens de la déception dans sa voix.
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« Tu oublies aussi que j'adorais les poules. » La répartie de ma femme me fait sourire parce que je sais pertinemment qu’elle n’a jamais aimé les animaux, en particulier ceux de la ferme contrairement à moi qui suis proche de la nature depuis mon plus jeune âge. Avoir grandi dans une ferme a sûrement aidé, quoi que je ne suis pas franchement sûr que mes trois sœurs soient comme moi sur le point-là. « Caleb se moque de moi en disant ça, je n'aime pas trop les vaches, je ne suis pas vraiment à l'aise avec les animaux. » J’observe un court instant la réaction de Nathan en écoutant les précisions d’Alex. Il la regarde les yeux grands ouverts comme s’il était choqué par ce qu’il venait d’entendre. « T’aimes pas les animaux ? » Également avec une pointe de jugement dans la voix, d’ailleurs. Nathan est un amoureux des animaux, un amoureux de la nature. Tellement alors qu’il n’a que dix ans, il a décidé d’arrêter de manger de la viande depuis une année déjà. Il n’avait que neuf ans à l’époque certainement un poil trop jeune pour prendre ce genre de décision ou du moins, c’est ce que la plupart doivent penser. Moi je suis plutôt fier de le voir aussi engagé à son si jeune âge. « Déjà ton chien il s'appelle Dobby je ne pourrais que l'aimer. Tout le monde aime les Dobby non ? » J’hoche la tête avec vigueur parce que oui, il a raison, il est pour moi impossible de ne pas aimer Dobby que ce soit l’elfe de maison ou même Dobby mon chien que j’aime énormément. « Ils sont adorables. » Et surtout, dans Harry Potter, Dobby est un des plus fidèles amis du sorciers, raison pour laquelle il est impossible de ne pas l’apprécier.
Malgré l’atmosphère qui aurait pu être encore plus lourde je sens qu’Alex ne parvient pas à se détendre alors je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour l’aider, bien que je n’ai pas l’impression que ce soit un franc succès. Nathan parle de la greffe et je veux qu’il comprenne que si Alex avait pu, elle l’aurait aidé tout comme je l’ai fait moi. « Si j'avais pu, je l'aurais fais oui, mais le plus important c'est que tu ailles mieux désormais. J'étais contente d'apprendre que tu allais pouvoir quitter l’hôpital. » On était tous les deux soulagés d’apprendre que son corps ne rejetait pas la greffe et qu’il semblait se rétablir. Il aura des médicaments à prendre et ça, encore pour un long moment je pense. Mais aujourd’hui il va mieux et c’est le principal. « Il fait le modeste, il est vraiment doué à la guitare. » J’hausse doucement les épaules ne me trouvant pas spécialement vraiment doué avec une guitare à la main. Depuis quelques années je trouve bien moins le temps avec ma guitare que je ne le faisais quand nous étions plus jeunes mais ça ne m’empêche pas d’avoir l’envie d’apprendre un autre instrument : le piano. Instrument, que Nathan maîtrise parfaitement, apparemment. « Rassures toi tu dois être meilleur que lui au piano pour le moment il fait un peu mal aux oreilles, il a bien besoin de cours. » Ses mots me font doucement rire, je sais qu’elle a raison et que pour l’instant mes talents de pianiste sont largement discutables mais Nathan n’a pas l’air de comprendre ou d’apprécier la blague puisque je le vois froncer les sourcils. « Bah c’est normal s’il commence tout juste à apprendre. C’est pas facile le piano, tu sais. » Le voilà, le Nathan sur la défensive dont je lui avais parlé. Ma main se pose sur la cuisse d’Alex comme pour la rassurer avant qu’elle ne s’en veuille pour cette réflexion qui, n’avait rien de méchant. « Elle me taquinait juste... » C’est la première fois que j’ose le reprendre, bien que je ne sois pas très confiant dans ma prise de parole mais pour le coup je ne l’ai pas trouvé très juste avec Alex.
Une toute autre conversation s’installé et cette fois-ci nous nous concentrons sur l’appétit de moineau de ma femme qui est actuellement enceinte. En temps normal je n’apprécie pas de la voir laisser son assiette pleine mais pendant une grossesse, je n’aime pas du tout savoir qu’elle ne se nourrit pas. Elle le sait, et la réaction authentique de Nathan m’amuse beaucoup. « Je suis un peu stressée. » Qu’elle lui avoue. Et je pense que c’est plutôt une bonne chose qu’elle ose lui dire que cette rencontre n’est pas facile pour elle non plus. « C'est bizarre. Moi aussi j'étais stressé et je mange quand même. » Son innocence est vraiment touchante et il a raison, cette fâcheuse habitude qu’Alex a de ne pas manger à la moindre petite contrariété est bizarre, et aussi énervante pour moi. Un autre point qui nous éloigne ma femme et moi : elle n’a absolument aucun amour pour la nourriture contrairement à moi. « C'est vrai tu as raison c'est bizarre, Caleb me le dit tout le temps aussi et je crois que je vais devoir manger si vous êtes deux contre moi. » Elle prend son wrap pour enfin commencer à manger un peu mais je ne me fais pas d’illusion, elle ne le terminera pas. « Je ne comprendrais juste jamais comment c’est possible de ne pas aimer la nourriture. » J’avoue moi aussi en haussant les épaules, terminant min hamburger pour m’attaquer à nouveau aux frites, qui sont d’ailleurs congelées et encore une fois je trouve ça vraiment dommage que les fast food ne prennent pas la peine de faire au moins des frites maison. Alex lui parle encore un peu et cette fois j’ai l’impression qu’au son de sa voix, elle semble plus détendue et bien moins stressée que tout à l’heure. Peut-être qu’elle avait aussi simplement besoin de manger un peu. « Tu as réussi à faire venir Caleb dans un Mcdo, tu veux pas lui demander d'aller voir un match, j'arrive plus à le faire venir au stade, je suis sure que toi tu y arriverai. » Sa réflexion me fait doucement sourire, elle sait très bien que si elle me le demandait je l’accompagnerais au stade mais je comprends bien qu’elle essaie de faire la conversation avec Nathan bien que la question qui suit et sa réponse me font grimacer. Bien sûr que c’est cher, mais Alex n’en a peut-être pas vraiment conscience, elle n’a aucune notion de l’argent puisqu’elle n’a jamais eu à s’en soucier. Et comme je m’en doutais sans l’avoir mangé entièrement elle me demande de terminer son wrap pour elle. La nourriture ici n’est pas délicieuse, loin de là et devoir terminer son menu pour elle ne m’enchante pas du tout. « T’es enceinte ? » Sa question me coupe immédiatement l’appétit. Je relève le regard vers lui, posant le wrap sur mon plateau. « Oui, je suis enceinte, mais c'est pas important. On est là pour parler de toi. » « Tu me l'avais pas dis. » Je sens la déception dans sa voix et tout un tas de reproches. Beaucoup de reproches. J’ouvre la bouche pour lui répondre, mais je me détracte. Je commence à paniquer alors que j’avais l’impression que la tournure de la conversation ne pouvait que bien terminer. Alex se détendait et je suis sûr que ça aurait fini par aider Nathan à le faire également. « Pourquoi tu m’as menti ? » C’est officiel : je panique. Je ne sais pas quoi lui répondre parce qu’il a raison, j’aurais probablement dû lui en parler il y a un petit moment maintenant. « Je… » Le silence s’installe, je joue avec mes doigts sous la table. « Je suis désolé. J’aurais dû t’en parler avant. T’as raison. » La panique ne redescend pas, bien au contraire. Je me mords l’intérieur de la joue et j’ose enfin affronter de nouveau son regard. « Tu m’en veux ? » Autant lui poser la question directement, non ? Bien que le ton de sa voix me montre que oui, il doit m’en vouloir. « Un peu oui, je croyais que je pouvais te faire confiance. » Sa réponse me brise le cœur et j’ai l’impression d’avoir tout raté avec lui. Je suis nul. Vraiment très nul. « Tu vas l’abandonner lui aussi ? » Cette fois c’est à Alex qu’il s’adresse et sa question me glace le sang bien qu’elle soit légitime de la part d’un petit garçon de dix ans qui vient d’apprendre que sa mère biologique qui n’a pas voulu de lui à la naissance est à nouveau enceinte.
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« T’aimes pas les animaux ? » Il semble surpris d'entendre que je n'aime pas les animaux et si pour les gens qui me connaissent cette révélation n'aurait rien de surprenante pour Nathan ça l'est clairement. J'aime même l'impression qu'il juge le fait que je n'aime pas les animaux, au point que je me sente obligée de me justifier face à ce petit garçon de dix ans, dont l'avis semble compter énormément pour moi. « J'ai pas grandis avec des animaux, j'en ai un peu peur, mais j'aime bien les chiens, les chats, et même les koalas. » Je repense à la journée d'anniversaire de Caleb, cette matinée au milieu des animaux et si Lena a adoré, j'en viens à penser que Nathan aurait lui aussi sans doute beaucoup aimé ce genre de sortie. Mais à défaut de lui proposer de l'emmener voir des koalas, Caleb l'invite à venir voir nos animaux, un chien et un chat qui font partie de notre famille et dont Nathan connaît l'existence puisqu'il évoque de lui même notre chien dont il a sans aucune difficulté retenue le nom puisqu'il évoque une autre de ses passions ; Harry Potter et je les écoutes parler de cette passion qu'ils ont en commun. Ou plutôt de deux passions, puisqu'ils parlent de l'elfe et du chien, et si pour le chien je connais bien notre Dobby, je ne suis pas assez calée en Harry Potter pour réagir au sujet de l'elfe. « Ils sont adorables. » Caleb parle des Dobby, de notre chien, de l'efle mais moi ce que je trouve adorable c'est la manière avec laquelle ils se parlent tout les deux. La manière avec laquelle Nathan et Caleb semblent trouver des facilités pour se parler, pour se rapprocher l'un et l'autre et je trouve ça réellement adorable.
Ils ont été privé l'un de l'autre pendant dix ans, par moi. Caleb a continué sa vie sans savoir qu'il avait un fils et Nathan a grandi en pensant que son père n'avait pas voulu de lui. Mais, aujourd'hui, ils semblent tout les deux avoir envie de partager des choses. Déjà trois rencontres ont eu lieu entre eux et ça se ressent dans la manière avec laquelle ils échangent. Ils se connaissent déjà un peu, ils ont trouvé des centres d'intérêts communs et la musique en est un. Tout deux jouent d'un instrument, ce dont je suis incapable ou du moins je n'ai jamais eu la patience pour tenter d'apprendre malgré les quelques cours que Caleb a pu me donner à l'époque, mais j'aimais nettement mieux l'écouter jouer que d'apprendre à jouer. Parce qu'il est doué avec sa guitare, il en doute, comme de beaucoup de choses le concernant, mais il arrive à me détendre en jouant, il arrivait même à calmer les filles sur la fin de la grossesse. Il a une âme de musicien Caleb, mais il est bien trop timide et trop réservé pour oser montrer ses talents à un grand nombre de personnes. Ca ne me dérange pas d'être la seule à pouvoir en profiter mais j'aimerai qu'il réalise qu'il est doué mais c'est pas aujourd'hui qu'il va l'accepter je crois. « Tu devrais l'écouter jouer et lui dire peut-être qu'il finirait par le croire. » C'est à Nathan que je parle alors que Caleb hausse les épaules et je sais bien que c'est sa manière pour éviter d'avoir à contredire un compliment tout en montrant qu'il n'est pas totalement d'accord avec ça. « On pourrait jouer ensemble, toi à la guitare, moi au piano et je pourrai te dire si tu es bon. » Je le sens presque lancer un petit défi à Caleb l'air amusé à l'idée de tester le niveau de Caleb. Et s'il veut vraiment tester Caleb, il devrait le faire au piano, il aurait sans doute aucun mal à être meilleur, mais puisqu'il lui a proposé d'être son prof, je me dis que ça peut-être un moyen pour eux de se rapprocher encore et aussi pour Caleb de prendre le temps d'apprendre le piano lui qui jongle entre tellement de chose que je me demande comment il tient le coup. Mais c'est un autre sujet. Ma petite remarque sur le niveau de Caleb fait rire le principal concerné, mais pas Nathan visiblement. « Bah c’est normal s’il commence tout juste à apprendre. C’est pas facile le piano, tu sais. » Il est direct, pas du tout réceptif à ma tentative d'humour et qu'il calme assez vite l'idée que j'avais de participer à leur échange avec légèreté. Je sens la main de Caleb se poser sur ma cuisse et il prends ma défense. Ou du moins il réagit le premier en expliquant à Nathan mes intentions. « Elle me taquinait juste... » Nathan le regarde, il lève les épaules et il réagit assez vite. « Oui ba c'est pas drôle de se moquer des autres. » Il ne me regarde pas, mais il ne regarde plus Caleb non plus, il se concentre sur ses frites et sa boisson comme si la remarque de Caleb avait quelque peu perturbé Nathan. Je pose ma main sur celle de Caleb, j'ai besoin de son soutien et c'est une manière aussi pour moi de lui montrer comme j'apprécie qu'il soit là. « Tu as raison, c'est pas drôle de se moquer des autres. Mais, je ne me moquais pas de Caleb, enfin pas de façon sérieuse. J'aime taquiner les gens que j'aime mais je ne me moquerai jamais de lui méchamment. » Caleb le sait, il a souvent été la cible de mes taquineries, parfois maladroites d'ailleurs, mais il sait aussi que je l'aime et que je le respecte bien trop pour me moquer vraiment de lui, chose que Nathan ne peut pas savoir.
Ce n'est pas facile de rencontrer pour la première fois l'enfant que l'on a abandonné il y a dix ans, et si j'essaye de ne pas trop laisser transparaître l'état de nervosité dans lequel je suis, ça se ressent pourtant ou ça se voit à la manière dont je délaisse complètement mon plateau repas. Une chose que Caleb remarque, il le remarque toujours et je sais qu'il apprécie pas et même que ça peut l'inquiéter et l'agacer surtout alors que je porte notre enfant. « Je ne comprendrais juste jamais comment c’est possible de ne pas aimer la nourriture. » Je tourne la tête vers mon mari quelques secondes. « J'aime la nourriture surtout la tienne chéri, mais je n'ai pas toujours un grand appétit. » Et encore, il m'a connu alcoolique et je mangeais encore moins à cette période. Et j'aime vraiment la nourriture, juste je mange moins que lui et mon appétit est très étroitement lié à mon état d'esprit. Je mange un peu, je me détends aussi légèrement. J'ai surmonté les premières minutes de la rencontre, les premières piques de Nathan, sa froideur aussi. J'ai tenu le coup et je relâche un peu la pression et j'en avais besoin. Je parle un peu plus librement, un peu plus naturellement aussi et si je n'arrive pas à faire sourire Nathan, je fais sourire Caleb c'est déjà ça. Caleb m'a raconté sa première rencontre avec Nathan, et je trouve que ça se passe pas si mal et même si ses remarques sont pas agréables, elles restent gérables, tant par les mots que par le sujet. La présence de Caleb permet même de faire parler Nathan alors j'en apprends pas mal sur lui et surtout je le découvre tels qu'il est vraiment ou presque, alors que Caleb avait du faire face à un petit garçon fatigué et très renfermé. Je l'observe un peu et je vois qu'il me regarde aussi. C'est assez rare qu'il me fixe aussi longtemps, sauf que ce qu'il regarde ce n'est pas vraiment moi mais plutôt ma ventre qui est posée sur mon ventre. Il me regarde et il pose une question sur un sujet que je pensais pas aborder aujourd'hui. La détente aura durée que quelques minutes. Je lui réponds comme je peux et il ne me regarde plus, il fixe Caleb désormais et c'est un regard différent de celui qu'il avait en le regardant jusqu'à maintenant. Il semble déçu, et peut-être même en colère en regardant Caleb et si je me sens vraiment mal à l'aise, c'est à Caleb que je pense en réalisant à quel point il doit se sentir mal alors que Nathan s'adresse à lui. « Pourquoi tu m’as menti ? » Caleb est un mauvais menteur, il n'aime pas le mensonge, je le sais et si Nathan connaissait Caleb comme je le connais, il saurait que s'il ne lui a pas dit c'était parce qu'il avait de très bonnes raisons de ne pas lui dire. Mais la voix de Nathan est pleine de reproches et je sens Caleb paniquer. « Je… » Ses mains s'agitent sous la table et je viens prendre l'une de ses mains dans la mienne, pour lui montrer que je suis là pour lui. Il n'a pas à porter la responsabilité tout seul. Je suis même prête à parler pour lui mais il reprends la parole. « Je suis désolé. J’aurais dû t’en parler avant. T’as raison. » Je me sens coupable de la situation, coupable d'être là, parce que c'est ma présence qui a jeté un froid entre eux. Pas par ma faute, mais je suis là, je suis enceinte et c'est ça qui fait que Nathan semble s'éloigner de Caleb, et c'est exactement ce que je ne voulais pas. Je ne voulais pas être un frein entre eux, être un obstacle pour leur entente et au vue de la tournure que prennent les événements, c'est un échec total. Je serre toujours la main de Caleb dans la mienne, à la fois pour l'aider à ne pas paniquer mais aussi parce que je ne veux pas paniquer moi non plus. J'essaye d'être là pour lui, de lui donner de la force, comme lui me donne de la force en étant là pour moi depuis tout à l'heure. « Ca n'a rien à voir avec toi Nathan, c'est pour ça qu'il ne t'a rien dit. Il ne t'a pas vraiment menti. Il ne t'a rien dit parce que c'est de toi dont il voulait parler, il voulait apprendre à te connaître et ça c'était pas important. » Bien sur que ça l'est, ce n'est pas rien, ni pour nous, ni pour Nathan finalement mais c'est dur de reprocher à Caleb de ne pas lui en avoir parler alors que ça aurait été évoquer un sujet délicat dès le début et c'était déjà assez compliquée non ? Nathan me regarde à peine, juste ses yeux qui me toisent quelques secondes avant de soupirer. « Tu m’en veux ? » Je sens Caleb vulnérable quand il ose poser cette question, et je sais que la réponse peut possiblement lui faire énormément de mal et j'ai déjà peur de la réponse de Nathan. Ma main libre caresse son avant bras, je ne peux pas faire grand chose pour l'aider et je me sens impuissante alors que la réponse de Nathan ne se fait pas attendre et s'annonce sans doute dur à encaisser pour mon mari. « Un peu oui, je croyais que je pouvais te faire confiance. » Son éducatrice nous a dit qu'il avait énormément de mal à faire confiance, alors l'entendre remettre en question la confiance qu'il peut porter à Caleb n'est pas un élément anodin. « Tu peux avoir confiance en lui, j'ai vu comme vous vous entendez bien, ça ne change rien pour vous. C'est la personne en qui j'ai le plus confiance, il tient à toi tu sais et il voulait juste te protéger et te donner toute l'attention que tu méritais. » J'aimerai que mes mots aient un impact, aient un poids quelconque mais je sais que Nathan n'a aucune raison de m'écouter, pourtant je ne peux pas m'empêcher de réagir quand je sens toute la tristesse de Caleb. « Tu vas l’abandonner lui aussi ? » J'ai toujours pensé que les mots pouvaient avoir plus d'impact que les coups, j'ai pris des coups dans ma vie, j'ai même déjà été presque KO quand j'ai fais un peu de boxe, mais ce que je ressens en entendant sa question est telle d'une violence que je reste quelques secondes incapable de réagir et j'ai même l'impression d'avoir le souffle coupé. Ce n'est qu'une impression, mais je me sens oppressée et c'est encore plus douloureux de le voir me regarder avec un regard qui en dit long sur ce qu'il me reproche à travers cette question. « Non, je ne vais pas l'abandonner. » Ce sont les premiers mots que je suis en mesure de prononcer. La question est dure, mais elle est légitime et je me doute qu'au fond il se moque de savoir si je vais abandonner ce bébé ou non et que ce n'est qu'une manière d'évoquer son passé et son abandon. « Alors, pourquoi moi tu m'as abandonné et pas lui. » Je sens toute sa colère, mais je sens aussi la douleur quand il me dit ces mots avec une froideur dans la voix, mais c'est la première fois qu'il parle directement de cet évènement qui a quand même construit tout le reste de sa vie. « La situation est différente. » C'est vrai, mais est-ce que c'est quelque chose qu'un enfant de dix ans a envie ou besoin d'entendre, j'en doute beaucoup, même moi je suis pas convaincue par mes mots. Pourtant tout est différent, mais Nathan soupire à nouveau et s'agite sur son siège. « C'est pas juste. » Il cherche du regard Rebecca et j'ai peur qu'il décide de partir et de ne plus jamais nous revoir. Je grimace sentant un mal de tête m'envahir, je lâche la main de Caleb pour venir frotter mes tempes. Je sais que je dois répondre à Nathan, que je dois le faire vite, mais je ne sais pas comment expliquer à un enfant de dix ans que je n'ai pas voulu de lui et qu'aujourd'hui je suis prête à aimer un autre bébé. Son frère ou sa sœur biologique finalement mais c'est pourtant le moment d'assumer, le moment de lui parler de ce choix que j'ai fais, des regrets que j'ai, et surtout de lui expliquer à quel point je suis désolée de l'avoir laissé seul. « Je suis désolée Nathan, je le suis vraiment. Je n'ai jamais voulu que tu sois seul. J'étais jeune, je pensais que tu serais adopté par une famille qui saurait te protéger et t'aimer, que tu aurais une mère qui saurait être là pour toi. Je pensais que tu serais plus heureux sans moi, je suis sincèrement désolée. » Est-ce que le fait que je sois désolée va l'aider ? Je ne pense pas non. Il a dix ans, qu'est-ce qu'il peut comprendre de tout ça ? Sans doute rien, mais en même temps, la plupart des adultes qui ont apprit mon choix n'ont pas comprit, et j'ai moi même encore du mal à comprendre ce choix que j'ai fais alors demander à Nathan de comprendre c'est impossible. « Je sais aujourd'hui que mon choix n'était pas le bon pour toi et pour Caleb et je suis sincèrement désolée pour le mal que je t'ai causé. » Je le regarde là devant moi, et je ne sais pas si c'est ma propre émotion qui m'émeut et me donne l'impression qu'il est lui aussi très ému, mais j'ai envie de le prendre dans mes bras, de lui dire à quel point j'aurai aimé être là pour lui, à quel point je me déteste de l'avoir laissé livré à lui même. Mais, ce n'est pas ce que je fais. « Tu méritais pas ça Nathan, tu es un petit garçon fort et incroyable. » Je ne le connais pas du tout ou presque mais tout ce que j'ai entendu sur lui, sur son parcours, sur la force dont il a fait preuve depuis qu'il est tout petit, ça me conforte dans l'idée que cet enfant aurait mérité une famille parfaite pour lui. « T'en sais rien tu me connais même pas. Je suis pas assez bien pour qu'on m'aime en tout cas. » Croyez moi quand je vous dit que cette réflexion est presque aussi douloureuse que sa première question. Je sais ce que ça fait de grandir en ayant l'impression de ne pas être assez bien pour être aimer et savoir que je suis responsable de ce sentiment chez Nathan c'est dur à accepter et cette fois je baisse les yeux sentant la honte et la culpabilité venir me peser sur les épaules, je suis devenue tout ce que j'ai combattu, je suis devenue mes parents aux yeux de Nathan et c'est tout ce que j'ai voulu éviter en le laissant à l'adoption. Je ferme les yeux et à nouveau d'une main je viens frotter mes tempes quelques secondes avant de passer une main dans mes cheveux totalement démunie face à des paroles aussi pleine de tristesse de ce gamin de dix ans.
'Cause if you don't believe it can't hurt you and when you let it leave it can't hurt you
J’aurais dû m’en douter. J’aurais dû y penser. Bien entendu que Nathan allait finir par remarquer le ventre arrondi de sa mère et nous poser des questions à ce sujet et c’est totalement légitime de sa part. Sa question nous a prise de court bien que la réponse soit assez logique et ne nécessite pas spécialement une grande réflexion, j’ai besoin de mal à savoir quoi lui répondre. Comment est-ce qu’on est censés expliquer à un petit garçon de dix ans que ses parents biologies attendent un nouvel enfant alors que sa mère l’a abandonné à la naissance ? C’est délicat, c’est compliqué et je doute qu’il voit cette grossesse d’un bon œil. La façon qu’il a de me regarder est toute nouvelle, et clairement pas en positif au contraire. Je crois apercevoir de la déception dans son regard, des interrogations et peut-être même de la colère. La main d’Alex qui vient se lier à la mienne me donne un peu de force mais clairement pas assez pour me préparer à la conversation qui va suivre. Nathan nous en veut, et c’est normal. Nathan est en colère et ça aussi c’est normal pour moi. Je commence par m’excuser mais je vois bien que ça ne change pas grand-chose et j’ai la désagréable sensation que quoi que je dise et quoi que je fasse, je viens de gâcher ma seule et unique chance avec mon fils. « Ca n'a rien à voir avec toi Nathan, c'est pour ça qu'il ne t'a rien dit. Il ne t'a pas vraiment menti. Il ne t'a rien dit parce que c'est de toi dont il voulait parler, il voulait apprendre à te connaître et ça c'était pas important. » C’est à moitié vrai. Jamais je ne pourrais dire que la grossesse n’est pas importante parce que c’est totalement faux. Alex est enceinte, dans quelques mois un nouvel enfant va venir agrandir notre famille et j’en suis réellement comblé. Sauf que tout le reste de sa phrase est vrai. Je ne voulais pas lui en parler parce qu’aujourd’hui le plus important, c’est Nathan et jamais je n’aurais voulu dire ou faire quelque chose qui aurait pu lui faire du mal. Il me confirme m’en vouloir et ajoute même remettre en cause la confiance qu’il commençait à avoir en moi et autant dire que ses mots me font beaucoup de mal. Je baisse les yeux pour essayer d’encaisser tout ça. Il m’en veut. Il a raison. Il ne me fait plus confiance. Il a raison aussi. J’ai été nul, j’aurais dû lui en parler avant, je me déteste tellement. « Tu peux avoir confiance en lui, j'ai vu comme vous vous entendez bien, ça ne change rien pour vous. C'est la personne en qui j'ai le plus confiance, il tient à toi tu sais et il voulait juste te protéger et te donner toute l'attention que tu méritais. » Alex essaie de trouver les mots pour prendre ma défense mais je n’ai pas l’impression qu’elle pense à essayer de se défendre elle-même. Est-ce qu’on compte abandonner cet enfant ? Bien sûr que non, et voilà encore une fois une nouvelle réponse qui risque de lui faire beaucoup de mal et surtout, qu’il risque d’avoir du mal à comprendre. Je vois Nathan se décomposer à la réponse de Nathan et cette image me brise le cœur. Il a mal, il ne comprend pas pourquoi Alex a décidé de l’abandonner lui et pas cet autre enfant et son interrogation reste légitime. Il ose même formuler cette question. « Alors, pourquoi moi tu m'as abandonné et pas lui ? » Son regard et sa question me font atrocement mal pour lui. « La situation est différente. » C’est vrai, mais pour un petit garçon de dix ans, les situations ne doivent pas lui sembler si différentes que ça. « C'est pas juste. » Cette fois ce n’est pas vraiment de la colère que je perçois dans sa voix mais une grande tristesse. Du coin de l’œil je le vois s’agiter sur sa chaise certainement à la recherche de Rebecca et cette scène que j’aperçois me fait paniquer puisque je ne veux surtout pas qu’il parte. « Nathan je t’assure, ça n’a rien à voir avec toi… » Il ne va sans aucun doute pas me croire. Lui, tout ce qu’il voit c’est que s’il était arrivé quelques années plus tard sa vie entière aurait été sans aucun doute bien différente. Ce qui est sans doute vrai. Si Alex était tombée enceinte à vingt-cinq au lieu de vingt-et-un an, elle n’aurait peut-être pas paniqué autant et peut-être que nous serions installés dans ce McDo avec Nathan, notre fils plutôt que ce petit garçon seul, perdu et sans parents. « Je suis désolée Nathan, je le suis vraiment. Je n'ai jamais voulu que tu sois seul. J'étais jeune, je pensais que tu serais adopté par une famille qui saurait te protéger et t'aimer, que tu aurais une mère qui saurait être là pour toi. Je pensais que tu serais plus heureux sans moi, je suis sincèrement désolée. Je sais aujourd'hui que mon choix n'était pas le bon pour toi et pour Caleb et je suis sincèrement désolée pour le mal que je t'ai causé. Tu méritais pas ça Nathan, tu es un petit garçon fort et incroyable. » Je laisse Alex parler et ses mots me touchent beaucoup. Je reprends sa main dans la mienne comme pour lui donner le courage de continuer à parler et c’est ce qu’elle fait. Elle lui dit ce qu’elle a sur le cœur et je me dis que ça ne peut qu’être une bonne chose, pas vrai ? « T'en sais rien tu me connais même pas. Je suis pas assez bien pour qu'on m'aime en tout cas. » Je ne suis pas assez bien pour qu’on m’aime. Comment est-ce qu’il est possible qu’un enfant de dix ans ait ce genre de pensée à propos de lui-même ? C’est injuste et beaucoup trop triste. Encore une fois, mon cœur se brise. « C’est pas vrai. » Que je commence à lui répondre d’un ton certes, peu assuré mais pas pour autant moins authentique. « On ne se connait pas encore très bien et je sais qu’on ne s’est pas vus tant de fois que ça mais si tu savais à quel point je tiens déjà à toi. » Il aurait mérité une toute autre vie, Nathan. Aucun enfant ne mérite de tomber malade comme lui et ils méritent tous d’avoir une famille qui les aiment et les protègent de tout. Sauf que Nathan n’a rien eu de tout ça. « Tout ce que je t’ai dit tout à l’heure je le pensais sincèrement. J’ai vraiment envie de t’emmener dans mon restaurant et qu’on y cuisine tous les deux des cookies. Je veux aussi que tu puisses rencontrer Dobby et Nala, tu les aimeras beaucoup. » Je réalise qu’il faudra aussi lui parler de Lucy et Lena, aujourd’hui de préférence, pour ne lui cacher la moindre chose. Je veux qu’il soit au courant de tout mais pour le moment je ne sais vraiment pas comment aborder le sujet. « Tu sais, quand Alex est tombée enceinte on était jeune et pas prêt à accueillir un bébé. Surtout Alex. Elle avait encore beaucoup de choses à découvrir sur elle-même et je t’assure que quand elle te dit qu’elle pensait faire la meilleure chose pour toi, c’est la vérité. » Je sais qu’Alex est sincère en disant tout ça et les probabilités pour qu’il fasse partie des rares enfants à ne jamais avoir été adopté étaient très faibles. « Mais ça change rien tout ça. Vous avez d’autres enfants, moi j’ai toujours pas de parents et je suis toujours tout seul. C’est pas juste. » Il a raison. mais j’ai envie de lui dire que s’il me laisse encore une chance moi, je veux bien être son père. Sauf que ce ne sont pas des paroles anodines et avant de lui dire ce genre de chose, je pense que je devrais en parler avec ma femme, non ?
'CAUSE IF YOU DON'T BELIEVE IT CAN'T HURT YOU AND WHEN YOU LET IT LEAVE IT CAN'T HURT YOU
De toutes les discussions que l'on pouvait avoir, celle là je ne l'avais pas envisagé. Je m'étais préparée au reproche de Nathan. A ses questions sur son abandon aussi sans doute. A sa colère, à sa froideur, même à ce qu'il me dise qu'il me déteste et que je lui ai gâché la vie. Oui, même ça, je l'avais au moins une fois envisagée, mais ses questions sur ma grossesse, je ne l'avais pas préparé. C'est pour lui que l'on est ici et je ne voulais pas parler d'un autre bébé que lui, pas aujourd'hui du moins. Sauf qu'il l'a fait et j'aurais pu lui mentir, j'aurais peut-être du d'ailleurs, mais ce n'est pas la bonne chose à faire, je le sais. Pourtant dire la vérité aujourd'hui, ne semble pas non plus être la meilleure chose. Il en veut à Caleb de lui avoir caché. Il m'en veut de l'avoir abandonné et ça c'est plus que compréhensible, mais j'ai l'impression que sa colère et sa tristesse est renforcée quand il apprends que je ne compte pas abandonner l'enfant que je porte. Pourquoi lui ? Je comprends sa question, je comprends son incompréhension et sa colère. Je comprends qu'il puisse être jaloux, qu'il puisse se dire que ce n'est pas juste vis à vis de lui. Et ça ne l'est pas du tout en effet. Je sens toute sa tristesse, je sens toute sa souffrance aussi, et ça me fait mal de savoir que tout ce qu'il ressent n'est que le résultat de la somme de toutes mes erreurs. Et j'ai mal aussi pour Caleb qui a fait tant d'efforts, qui a tant fait pour essayer de bâtir un lien avec Nathan et qui voit son fils biologique tout remettre en cause en quelques minutes. « Nathan je t’assure, ça n’a rien à voir avec toi… » Devant l'agitation de Nathan, Caleb prends la parole et je sens bien qu'il panique, qu'il est vraiment mal devant la tournure que prends la situation. Nathan soupire à nouveau, Nathan secoue la tête et il ne nous regarde plus et si moi j'ai l'habitude qu'il évite mon regard, je sais que pour Caleb ça risque d'être difficile à gérer. Je regrette déjà d'avoir proposé de le rencontrer, je regrette de ne pas les avoir laissé seuls tout les deux. J'aurais du faire croire à Caleb que je me sentais pas bien et que j'étais fatiguée, il aurait été déçu de voir que je me dégonfle mais au moins il aurait passé un bon moment avec Nathan. Un tout autre moment que celui que l'on est en train de vivre. Je gâche tout, c'est un fait et aujourd'hui je me sens tellement mal de rendre Nathan aussi triste et de voir Caleb aussi mal. Cette grossesse est ce qui m'a fait tenir quand on a apprit pour Nathan, c'était ma petite étincelle de vie quand à côté la peur de voir Nathan mourir revenait me faire paniquer. Mais cette grossesse c'est aussi ce qui m'a empêché d'aider Nathan, et c'est aussi ce qui l'éloigne encore un peu plus de nous et je voudrais que tout soit plus simple pour une fois. C'est peine perdue je crois, la simplicité c'était quand j'ai appris pour ma grossesse que j'aurais du y penser. J'ai tout rendu compliqué et je dois assumer. Pour Nathan, et pour Caleb. Je dois assumer et c'est ce que j'essaye de faire malgré que je me sente vraiment mal, ce n'est rien comparé à comment Nathan doit se sentir. Je lui parle, j'essaye de rester calme, de ne pas parler trop vite, d'utiliser un langage adapté mais tout me semble douloureux. Je sens la main de Caleb qui vient serrer la mienne, il est là, il est toujours là et c'est aussi pour lui et grâce à lui que je trouve la force de faire face à cette situation sans fuir malgré l'intensité des émotions que je suis en train de ressentir. Et ça ne diminue pas au moment ou Nathan, dix ans, annonce n'être pas assez bien pour qu'on l'aime. C'est violent d'entendre de tels mots dans la bouche d'un enfant si petit encore mais ce qui est encore plus violent et douloureux c'est de voir qu'il semble penser ce qu'il dit. Qu'il semble réellement penser qu'il n'est pas assez bien pour qu'on l'aime et ça me brise le cœur. « C’est pas vrai. » C'est Caleb qui lui réponds en premier, c'est lui qui réagit aux mots de Nathan. « On ne se connait pas encore très bien et je sais qu’on ne s’est pas vus tant de fois que ça mais si tu savais à quel point je tiens déjà à toi. » J'entends la sincérité de Caleb, j'entends aussi son émotion et je réalise encore un peu plus à cet instant comme Nathan est déjà si important dans la vie de mon mari. Il tient à lui, je le savais avant de l'entendre le dire, mais pourtant ce ne sont pas des mots anodins. « Tout ce que je t’ai dit tout à l’heure je le pensais sincèrement. J’ai vraiment envie de t’emmener dans mon restaurant et qu’on y cuisine tous les deux des cookies. Je veux aussi que tu puisses rencontrer Dobby et Nala, tu les aimeras beaucoup. » Caleb se projette, Caleb lui parle de ce dont il a envie et j'imagine que ça ne doit pas être évident pour lui non plus. Il n'a rien demandé de tout ça, il n'a rien choisit, il a subit la situation et il fait tout pour tenter de créer un lien avec Nathan et il y arrivait avant tout ça. « Quand tu auras ton bébé, tu vas encore me laisser. » Je secoue la tête et même si ce n'est pas à moi qu'il parle, je suis la première à réagir. « Caleb ne t'a jamais laisser Nathan, s'il avait eu le choix sache qu'il aurait tout fait pour toi, alors crois moi quand je te dis qu'il ne te laissera jamais. » Je ne peux pas laisser Nathan faire porter mes erreurs à Caleb. Il n'a jamais choisi d'abandonner son fils, et il ne l'aurait jamais fais, je le sais, Caleb le sait et il faut que Nathan le sache lui aussi. Ça ne changera pas son passé, ça le fera peut-être me détester un peu plus mais il doit pouvoir avoir confiance en Caleb. « Il tient énormément à toi, il n'a pas hésité une seconde quand il a su que tu avais besoin d'aide, il était tellement heureux de pouvoir te rencontrer, ce bébé ne changera rien entre Caleb et toi. » Nathan ne me regarde toujours pas, mais il regarde Caleb. Quelques secondes avant de baisser les yeux, et de recommencer à plusieurs reprises. « Tu sais, quand Alex est tombée enceinte on était jeune et pas prêt à accueillir un bébé. Surtout Alex. Elle avait encore beaucoup de choses à découvrir sur elle-même et je t’assure que quand elle te dit qu’elle pensait faire la meilleure chose pour toi, c’est la vérité. » Caleb prends ma défense, Caleb essaye de justifier ma décision et j'apprécie sincèrement ce qu'il essaye de faire, mais je ne veux pas qu'il ait à assumer pour moi. Nathan a besoin de lui, Nathan a besoin d'avoir quelqu'un qui puisse le comprendre, le soutenir, le rassurer, il en a bien plus besoin que moi. Je pose ma main sur la cuisse de Caleb, je voudrais lui faire comprendre, que même si ça me touche beaucoup, je voudrais qu'il ne pense qu'à Nathan et si pour ça. « Mais ça change rien tout ça. Vous avez d’autres enfants, moi j’ai toujours pas de parents et je suis toujours tout seul. C’est pas juste. » Il me bouleverse Nathan. Par sa sincérité, par son émotion, par ses mots. « Tu as raison, quelques soient les explications, ça ne changera rien à ce que tu as du vivre tout seul et c'est pas juste. » J'essaye d'être la plus calme possible alors que je sens mon cœur qui bat vite, que je le sens venir cogner contre mes tempes et je pense que ma tension doit être beaucoup trop élevée tant je me sens mal. Mais, il a raison Nathan. Ce n'est pas juste pour lui. J'ai peur de lui apprendre pour Lucy et Lena, j'ai peur de devoir lui expliquer que j'ai accepté d'autres enfants mais pas lui. Mais, s'il a raison sur le fait que la situation n'est pas juste, il y a une chose sur laquelle il n'a plus tout à fait raison. « Tu as toutes les raisons du monde de me détester et de ne pas me croire, mais crois moi quand je te dis que tu peux compter sur Caleb. Tu n'es plus tout à fait seul, Caleb est là et tant que tu accepteras qu'il fasse partie de ta vie, tu peux être sur qu'il sera toujours là pour toi. » Caleb tient à lui, je le sais, il suffit de voir comment il parle de lui, comment il est quand il a pu lui parler au téléphone, il suffit aussi de voir comment il le regarde. Caleb tient à lui et même si je ne sais absolument pas ce que cela va signifier pour l'avenir, je sais qu'il sera toujours là pour Nathan. « Et si tu as peur qu'il t'oublie à la naissance du bébé, je peux t'assurer que ça n'arrivera pas. On a deux petites filles, des jumelles et pourtant Caleb a toujours eu envie de te rencontrer, toi. C'est avec toi qu'il veut cuisiner, avec toi qu'il veut jouer de la musique, tu comptes pour lui, alors ne laisse pas mes erreurs vous priver d'une relation dont vous avez tout les deux besoins. » Je parle, beaucoup, trop encore. Et je m'arrête, je me tais, je lutte pour arrêter de parler, pour éviter de l'inonder de paroles sans doute incompréhensibles pour un enfant de dix ans. Je m'arrête aussi parce que je sens que mes émotions deviennent de moins en moins contrôlables et je ne veux pas craquer, je ne veux pas être faible face à Nathan. « Tu aimes tout le monde sauf moi, si je suis tout seul c'est ta faute. » Je ferme les yeux quelques secondes, je serre les poings pour canaliser mes émotions. Sur ça aussi il a raison Nathan, il aurait pu être dur avec moi et si ses mots font mal, je sens surtout qu'il est perdu, qu'il a mal lui aussi et il a raison, tout ça, c'est ma faute. Je soupire doucement. « Tu as raison, c'est ma faute Nathan et je suis tellement désolée. Mais si tu as besoin, si tu as envie un jour, sache que désormais moi aussi je suis là pour toi. » Il va me repousser sans aucun doute mais il fallait que je lui dise, que je le dise à voix haute, que j'assume l'idée que cet enfant fait parti de notre vie et que le savoir seul me fait du mal. Savoir qu'il pense qu'il ne mérite pas d'être aimé me bouleverse, cet enfant me bouleverse et si au début je ne voyais qu'un mini-Caleb de part la ressemblance, aujourd'hui je vois Nathan. Je vois un enfant, notre enfant biologique et je vois tout le mal que je lui ai fais et je me déteste.
'Cause if you don't believe it can't hurt you and when you let it leave it can't hurt you
Je m’en veux de devoir imposer tout ça à Nathan. Il ne mérite pas ça. Personne ne mérite d’avoir à se retrouver face à la femme qui a décidé de l’abandonner il y a dix ans de ça, et d’apprendre que cette même personne est dorénavant capable d’aimer d’autres enfants. Il n’a eu aucune chance, lui. On ne lui a pas laissé sa chance faire fondre le cœur de ma femme comme nos filles l’ont fait des années après lui, et comme la petite crevette fait déjà avant même sa naissance. Ses mots et son regard me brisent le cœur. J’ai envie de lui montrer que moi je l’aime, même si on ne se connait pas encore très bien, même si nous avons encore de nombreuses choses à découvrir sur l’un et l’autre. C’est donc ce que j’essaie de lui dire, je lui dis que je tiens déjà beaucoup à lui et je tente de lui montrer que tout ce que j’ai pu lui dire un peu plus tôt, j’en pensais tous les mots. J’ai envie de pouvoir lui montrer qu’il est important et que la grossesse d’Alex ne change rien aux projets que nous avons pu faire il y a quelques minutes. L’idée de lui apprendre la guitare et qu’il en fasse de même pour le piano me tente toujours, et je veux toujours pouvoir lui faire visiter l’Interlude et ses cuisines pour que nous puissions faire des cookies tous les deux. S’il a d’autres envies ou d’autres choses qu’il aimerait que l’on fasse je serai prêt à les faire aussi parce que plus j’apprends à le connaître, plus je veux passer du temps avec lui et moins j’ai envie de le laisser s’éloigner. « Quand tu auras ton bébé, tu vas encore me laisser. » Tu vas encore me laisser, sauf que techniquement je ne l’ai jamais abandonné moi et c’est immédiatement que je secoue la tête avec énergie sauf qu’Alex est plus rapide que moi pour lui répondre. « Caleb ne t'a jamais laisser Nathan, s'il avait eu le choix sache qu'il aurait tout fait pour toi, alors crois moi quand je te dis qu'il ne te laissera jamais. » Elle a raison. Même si perdre Alex m’aurait brisé le cœur je n’aurais jamais pu me résoudre à abandonner Nathan. C’est mon fils, et c’est quelque chose dont je ne doute plus depuis que nous avons eu les filles. Je les aime plus que tout au monde et j’aurais ressenti la même chose pour Nathan en le voyant pour la première fois à sa naissance. « Je ne pourrais jamais t’abandonner. » J’insiste sur le mot jamais afin de lui montrer la sincérité de mes propos. « Il tient énormément à toi, il n'a pas hésité une seconde quand il a su que tu avais besoin d'aide, il était tellement heureux de pouvoir te rencontrer, ce bébé ne changera rien entre Caleb et toi. » J’échange un long contact visuel avec Nathan, je ne le quitte pas des yeux afin de pouvoir lui montrer ô combien les propos d’Alex sont vrais. Mais quand il finit par baisser les yeux j’en fais de même. J’ai l’impression que le lien que je commençais à construire avec lui est en train de s’effondrer petit à petit et j’ai peur de le voir s’éloigner de nous. « Tu as raison, quelques soient les explications, ça ne changera rien à ce que tu as du vivre tout seul et c'est pas juste. » Nathan secoue la tête et croise ses bras sur son torse. Il a raison, rien de tout ça n’est juste et malheureusement il n’y a rien que l’on puisse faire qui viendra arranger ou apaiser les maux qu’il a pu ressentir dans le passé. Tout ce que nous pouvons faire c’est lui montrer qu’à compter d’aujourd’hui il pourra compter sur nous s’il le souhaite, et s’il l’accepte. « Tu as toutes les raisons du monde de me détester et de ne pas me croire, mais crois moi quand je te dis que tu peux compter sur Caleb. Tu n'es plus tout à fait seul, Caleb est là et tant que tu accepteras qu'il fasse partie de ta vie, tu peux être sur qu'il sera toujours là pour toi. » Elle se descend pour me mettre en valeur aux yeux de Nathan et je n’aime pas du tout ça. J’aimerais qu’elle aussi elle puisse entretenir une bonne relation avec cet enfant et si elle maintient ce genre de discours, j’ai bien peur que ce soit compliqué. « Et si tu as peur qu'il t'oublie à la naissance du bébé, je peux t'assurer que ça n'arrivera pas. On a deux petites filles, des jumelles et pourtant Caleb a toujours eu envie de te rencontrer, toi. C'est avec toi qu'il veut cuisiner, avec toi qu'il veut jouer de la musique, tu comptes pour lui, alors ne laisse pas mes erreurs vous priver d'une relation dont vous avez tout les deux besoins. » Ma main ressert celle d’Alex afin d’essayer de lui faire comprendre que je veux qu’elle arrête de se dévaloriser face à Nathan. Bien qu’en soit, tout ce qu’elle lui dise soit plus ou moins vrai. Si nous sommes dans cette situation aujourd’hui c’est parce qu’elle a décidé de me tenir à l’écart de cette première grossesse, mais je ne veux pas qu’elle mette en avant ses erreurs pour me revaloriser aux yeux de Nathan. Lorsqu’elle évoque Lucy et Lena je ne le quitte pas des yeux pour guetter sa réaction. J’ai peur de le voir encore plus s’effondrer en apprenant que nous avons déjà deux petites filles, mais il ne réagit pas vraiment. « Tu aimes tout le monde sauf moi, si je suis tout seul c'est ta faute. » Réflexion plutôt légitime et adaptée pour un enfant de son âge, bien qu’elle soit douloureuse à entendre. Il semble avoir une estime de lui-même si faible. « Tu as raison, c'est ma faute Nathan et je suis tellement désolée. Mais si tu as besoin, si tu as envie un jour, sache que désormais moi aussi je suis là pour toi. » J’attends. Je laisse la possibilité à Nathan de réagir, ce qu’il ne fait pas vraiment pour dire vrai. J’ai même l’impression de voir ses yeux remplis de larmes qui menacent de couler à tout moment. Encore quelque chose qui me fait beaucoup de mal. « Je suis vraiment désolé que tu aies eu à vivre tout ça. Tu as raison, c’est pas juste. Aucun enfant de ton âge ne mérite tout ça. » C’est à mon tour de m’excuser de la vie si triste et si difficile qu’il a eu à vivre depuis sa naissance. « Mais s’il te plaît, laisse-nous faire partie de ta vie. Laisse-nous t’aider. » Il me regarde avec ses yeux remplis de tristesse mais il ne dit rien. Un peu comme s’il attendait plus d’explications de ma part, alors c’est ce que je vais essayer de faire. Je me redresse sur ma chaise, et je reprends. « Je ne travaille pas lundi prochain, si tu veux je peux te faire visiter mon restaurant ? On pourra même faire les cookies tous les deux pour que je t’apprenne la recette. » Il me regarde toujours, il renifle et après quelques minutes de silence de sa part il reprend la parole. « On verra. » Il hausse les épaules et a maintenant perdu son enthousiasme qu’il avait tout à l’heure alors que nous parlions que nous revoir pour cuisiner ces fameux gâteaux que je lui ai amenés la dernière fois et qu’il avait particulièrement apprécié. « Tout à l’heure t’as dit que vous aviez déjà des petites filles. Elles ont quel âge ? Elles s’appellent comment ? » C’est à Alex qu’il pose cette question puisque c’est elle qu’il regarde, alors je la laisse répondre bien que je sois étonné qu’il cherche à en savoir plus sur ses sœurs – ou sœurs biologiques, du moins. Puisqu’aux yeux de la loi, aucun de nous deux ne sommes ses parents.
'CAUSE IF YOU DON'T BELIEVE IT CAN'T HURT YOU AND WHEN YOU LET IT LEAVE IT CAN'T HURT YOU
« Je ne pourrais jamais t’abandonner. » Il n'a pas toujours tenu ce discours Caleb, mais aujourd'hui qu'il est père, qu'il a découvert ce rôle qui lui va à merveille, il sait qu'il n'aurait jamais pu abandonner Nathan. Qu'il ne m'aurait pas laissé faire si je lui en avais parlé et c'est une chose qu'au fond de moi je savais sans doute à l'époque. Je l'ai privé de son fils, j'ai privé Nathan d'un père qui l'aurait aimé et aurait tout donné pour lui. J'ai tout gâché et si j'en avais déjà conscience, se retrouver face aux conséquences de ses choix n'est jamais évident. Surtout quand les conséquences ont rendu un enfant malheureux, mon enfant. Il souffre Nathan, et peut-être encore plus que ce que jamais pu imaginer. Et si avoir grandi seul, sans amour n'est pas suffisant, il découvre que je suis enceinte et que je suis prête à garder cet enfant ce qui semble lui faire encore plus mal. Je lui fais du mal, encore et toujours, sans le vouloir, mais la réalité est la même. Il souffre et tout ce que je dis ou fais ne semble pas pouvoir l'aider, je lui ai fais trop de mal pour pouvoir réussir à lui apporter un peu de réconfort. Moi je ne peux pas, mais j'ai vu que Caleb le pouvait. Du moins jusqu'au moment ou Nathan a découvert la grossesse. Ils faisaient des plans ensembles. Ils souriaient ensembles. Ils avaient l'air de bien s'entendre et la présence de l'un et de l'autre semblait leur faire du bien. Je ne veux pas que tout soit gâché par cette grossesse et par ma présence, je ne veux pas qu'il se referme alors que Caleb a besoin de connaître encore Nathan et surtout que Nathan a besoin de Caleb. Je ne veux pas qu'ils s'éloignent à nouveau l'un de l'autre, et je prends sur moi. Je gère comme je peux mes émotions pour réussir à assumer, pour accepter de porter la responsabilité de la situation et défendre Caleb auprès de Nathan. Il peut me repousser, il peut même me détester, je le mérite mais Caleb ne mérite pas ça. Nathan ne mérite pas non plus d'être seul alors que Caleb est là pour lui. Moi je peux gérer. Moi, je peux faire face. Je ne sais pas comment, mais je peux. Après tout, les parents de Caleb me détestent bien, ou en tout cas ne veulent plus me voir et je fais avec. Ou plutôt sans eux. Et pour eux deux, je suis prête à m'effacer pour que leur relation puisse perdurer dans un climat moins compliqué. Je ne veux pas renoncer à Nathan, je ne veux pas le laisser une seconde fois, mais prendre la responsabilité de sa douleur, de sa colère et de sa tristesse, je peux le faire. Parce que tout est ma faute finalement. Je sens la main de Caleb qui resserre la mienne, il pourrait s'éloigner de moi lui aussi en voyant à quel point ce que j'ai fais à fait du mal à Nathan. Il pourrait m'en vouloir de rendre leur lien plus difficile, il pourrait se sentir mal et éviter de me soutenir face à Nathan, mais on parle de Caleb là. Il est là et il me fait comprendre qu'il ne me laissera pas et je pense que si je tiens le coup depuis le début de cette discussion c'est bien parce qu'il est là. Sa main dans la mienne, sa présence juste là à côté de moi, je n'ai pas le droit de craquer alors que lui supporte tout ça sans n'avoir jamais rien demandé. Je leur dois bien ça, à lui et à Nathan. Pourtant, je me sens de plus en plus fébrile devant le regard brillant d'émotions et de tristesse de Nathan. Il a les larmes aux yeux et je sens que ma gorge se noue, que l'émotion commence à m'envahir et je lutte pour ne pas pleurer. Je suis là pour lui, s'il le veut, s'il a besoin, je serais là et je dois le prouver aujourd'hui en restant forte. Il ne me réponds pas, et si j'aurais aimé qu'il réagisse, qu'il dise quelque chose, le fait qu'il ne me repousse pas est finalement quelque chose que je veux prendre de manière positive. « Je suis vraiment désolé que tu aies eu à vivre tout ça. Tu as raison, c’est pas juste. Aucun enfant de ton âge ne mérite tout ça. » Aucun enfant ne mérite d'être abandonné comme je l'ai fais. Aucun enfant ne mérite de tomber malade aussi jeune, d'être rejeté par une possible famille d'adoption, d'être baladé de foyer en foyer, de famille d'accueil en famille d'accueil. Personne ne mérite de passer plusieurs mois à l’hôpital avec la peur de mourir. Mais Nathan il a déjà du vivre tout ça, et ce n'est clairement pas juste. « Mais s’il te plaît, laisse-nous faire partie de ta vie. Laisse-nous t’aider. » Ce n'était pas prévu, pas calculé, pas même discuté entre nous avant finalement, mais pourtant les mots de Caleb ne m'effraient pas. J'aurais pu paniquer à l'entendre demander à Nathan de nous laisser faire partie de sa vie mais ça me semble si logique finalement. Et c'est en caressant le dos de sa main avec mon pouce que je lui montre que je le soutiens, que quoiqu'il décide, quoiqu'il dise, je suis là pour lui et pour Nathan. Je ne sais pas ce à quoi Caleb pense réellement, mais après à peine une heure avec lui, je ne m'imagine plus laisser seul Nathan désormais. Il souffre de cette solitude, il souffre du manque d'amour et d'attention, il souffre tout simplement et je sais que ça ne me laisse pas indifférente. Je n'ai pas su l'aimer il y a dix ans, je n'ai pas pu l'aider il y a dix ans, mais aujourd'hui tout est différent. Je lui ai dis, la situation est différente pour ce bébé que je porte, mais aussi pour lui et aujourd'hui, je suis une mère. Pas la sienne, pas réellement mais j'en suis une et je ne peux pas rester insensible à sa tristesse. « Je ne travaille pas lundi prochain, si tu veux je peux te faire visiter mon restaurant ? On pourra même faire les cookies tous les deux pour que je t’apprenne la recette. » Caleb essaye de lui montrer que tout ce dont ils ont parlé est toujours d'actualité, qu'il a toujours envie de passer du temps avec lui, mais Nathan semble bien moins réceptif ou enthousiaste désormais. Cette grossesse ne devait rien changer entre eux, et pourtant, ça semble avoir des répercussions directes sur leur relation et je ne peux rien faire pour arranger ça visiblement. Mais il ne lui a pas dit non. Il n'a pas refusé la proposition de Caleb, et ça aussi j'ai envie de le voir comme quelque chose de positif finalement. Je m'accroche à tout ce que je peux pour garder un peu d'optimisme mais ça reste compliqué de ne pas ressentir toute l'émotion qu'il y a entre nous. Je ressens celle de Caleb, je vois celle de Nathan et il y a toujours la mienne qui menace de s'exprimer et de me faire perdre pied. « Tout à l’heure t’as dit que vous aviez déjà des petites filles. Elles ont quel âge ? Elles s’appellent comment ? » A nouveau je me sens déstabilisée par Nathan. Sa question me surprends énormément et voir son regard posé sur moi en attente d'une réponse me rends fébrile. C'est à moi qu'il parle. C'est à moi qu'il demande de lui parler de nos filles, de ses sœurs biologiques et si je suis surprise, je dois lui apporter les réponses qu'il demande. C'est aussi pour ça que je suis là. « Elles s'appellent Lucy et Lena, elles ont un an et demi. » Elles ont dix neuf mois mais je doute que Nathan ait envie d'une telle précision. Je doute même qu'il ait envie d'en entendre plus et pourtant c'est lui qui a abordé le sujet et il continu à me regarder sans que je ne sache réellement ce que je peux lui dire de plus sur nos filles. Parler de Lucy et Lena n'a jamais été difficile pour moi, je suis tellement fière de mes filles, je les aimes tellement que je pourrais en parler pendant des heures, mais face à Nathan, il y a quelque chose qui me retient. « Tu pourrais les rencontrer si tu le souhaites. » Pourquoi il le voudrait ? J'en sais rien, j'ai pas réfléchis, il continuait à me regarder et je devais parler sauf que je doute qu'il ait envie de les connaître vu comme il a réagit face à ma grossesse et au fait que j'accepte cet enfant, je me dis qu'il doit vraiment pas avoir envie de rencontrer nos filles. Mais à nouveau il ne me réponds pas, il se contente de lever les épaules et de passer une main dans ses cheveux en fixant la table. « Depuis que tu m'as abandonné, tu m'as oublié ou tu as pensé à moi quand même ? » Je n'hésite pas une seule seconde pour lui donner une réponse. « J'ai énormément pensé à toi Nathan. » J'ai pensé à lui souvent malgré moi, mais j'ai pensé à lui, beaucoup. J'ai essayé de toutes mes forces de l'oublier, d'oublier mon passé, mes choix, ma culpabilité et ma honte. J'ai tenté de l'oublier mais je n'ai jamais pu. Ni la distance, ni l'alcool, ni la drogue, ni les soirées ne m'ont permis de tourner la page, mais les détails il n'a pas besoin de le connaître. « Et je ne pourrais jamais t'oublier. » Tu es mon premier fils, je t'ai porté, je t'ai senti en moi, je t'ai mis au monde, et aujourd'hui je te découvre. 10 ans plus tard, 10 ans trop tard. « Caleb te l'a déjà dis, et je sais qu'il va te falloir du temps, mais si tu acceptes, j'aimerais avoir la chance de te connaître et de faire partie de ta vie. Je sais que je ne pourrais pas faire oublier tout le mal que je t'ai fais, mais je ne veux plus te savoir seul désormais. » Je ne supporterai plus de le savoir seul dans un foyer à se dire qu'il ne mérite pas d'être aimé. Qu'il n'est pas assez pour mériter qu'on l'aime. Je ne supporterai pas de savoir mon fils livré à lui même alors que désormais je suis en mesure de lui donner tout ce dont il a besoin et l'amour qu'il mérite. C'est toujours dix ans trop tard, mais je le savais. Je le craignais aussi un peu. Je l'ai vu, son visage est ancré dans ma mémoire, sa tristesse me serre le cœur, chacun de ses mots vient raviver la culpabilité, la honte et surtout le sentiment d'avoir fait la pire erreur de ma vie. Nathan est réel. Nathan n'est pas qu'un souvenir. Nathan n'est pas heureux. Nathan est seul et on peut lui proposer mieux, on doit lui proposer mieux, après tout c'est notre fils quoiqu'en dise les autorités. Et de toute façon il n'est l'enfant de personne d'autre, tout seul à dix ans et ce n'est pas acceptable. « J'ai fais une erreur Nathan, mais je donnerais n'importe quoi pour essayer de me faire pardonner et pour t'aider. J'ai fais l'erreur une fois de te laisser, je ne referais pas cette erreur à nouveau. » Je le sens ému alors que de mon côté, une larme glisse le long de ma joue et je l'essuie rapidement du revers de la main. « C'était y'a dix ans que j'avais besoin de toi, c'est trop tard, je peux me débrouiller tout seul maintenant. » Je ne le connais pas beaucoup, mais je sens qu'entre les mots qu'ils utilisent pour se montrer grand et fort et l'émotion dans sa voix qui elle laisse transparaitre une fragilité indéniable, il y a un gouffre entre les deux. Mais, je n'insiste pas, je comprends qu'il a besoin de temps, qu'il a sans doute aussi besoin de me montrer que je ne peux pas revenir du jour au lendemain dans sa vie aussi facilement. « Tu me promets de ne jamais m'abandonner ? » C'est à Caleb qu'il s'adresse, le regard brillant, je crois sentir un mince espoir alors qu'il semble avoir besoin de cette réponse alors que Caleb lui a déjà dit. Mais, par ma faute, il risque d'avoir besoin d'être énormément rassuré et ça c'est une chose que je peux comprendre. Rebecca arrive vers nous, elle s'adresse à Nathan. « Ca va mon grand ? Tu es fatigué ? Tu veux qu'on rentre ? » Elle est inquiète pour lui, elle a du le voir s'agiter, elle doit aussi savoir que pour lui ce moment est loin d'être évident et son inquiétude est sincère mais je ne veux pas qu'il s'en aille, pas encore et je redoute sa réponse. Une main sur l'estomac, j'ai comme la sensation douloureuse que l'on me tord l'estomac, mais je sais que ce n'est que le résultat de l'émotion et du stress que je tente tant bien que mal de contenir. « Ca va, on peut rester encore un peu, j'ai pas mangé ma glace encore. » Il est vrai qu'il n'a pas mangé sa glace encore mais il aurait très bien pu demander à partir et le fait qu'il ne le fasse pas me rassure quelque peu parce que si avant de le rencontrer j'avais peur de le voir, désormais j'ai peur qu'il s'en aille et cette pensée me fait peur. @Caleb Anderson
'Cause if you don't believe it can't hurt you and when you let it leave it can't hurt you
Alors que je pensais que cette rencontre était à présent complètement gâchée, voilà que Nathan commence à poser des questions au sujet de Lucy et Lena. Il veut connaître leurs prénoms et leur âge et autant dire que le voir s’y intéresser est extrêmement étonnant de sa part. Il aurait pu les renier, ne rien vouloir savoir de ces petites filles qui elles, ont tout ce qu’il aurait pu avoir si Alex avait pris ne serait-ce qu’une seule décision différente. Sa vie aurait été totalement différente et pour ça, il pourrait ressentir comme une sorte de jalousie à l’égard de celles qui sont ses sœurs biologiques. C’est étonnant mais tout de même assez plaisant de le voir s’intéresser aux jumelles, bien qu’il est impossible de savoir ce qu’il a derrière la tête en posant à Alex ces questions. Je laisse le soin à Alex d’y répondre puisque c’est à elle qu’il demande tout ça. « Tu pourrais les rencontrer si tu le souhaites. » Cette proposition, de la part d’Alex est complètement inattendue et je ne peux m’empêcher de cacher mon étonnement en l’entendant lui proposer de rencontrer Lucy et Lena. Alex a toujours été du genre à baisser la tête et ne prendre que très peu de décision quand il s’agit d’évoquer des erreurs ou des choses dont elle n’est pas très fière, alors l’entendre proposer à l’enfant qu’elle a abandonné de rencontrer les autres enfants qu’elle a accepté et aimer et très étonnant. Tellement que même Nathan n’y répond pas. Il ne réagit pas et c’est totalement compréhensible. Il doit encore accepter tout ça, digérer toutes ces informations et s’il n’a même pas accepté ma proposition de se revoir tous les deux la semaine prochaine pour cuisiner ces cookies il me semble logique qu’il n’accepte pas avec entrain la rencontre de ces enfants qui ont la chance d’avoir tout ce qu’il aurait pu obtenir lui aussi : une famille et des parents. « Depuis que tu m'as abandonné, tu m'as oublié ou tu as pensé à moi quand même ? » Je n’ose pas le regarder mais pourtant j’entends dans sa voix une pointe d’hésitation et surtout beaucoup de peur. La réponse à cette question doit l’angoisser et je peux tout à fait le comprendre. « J'ai énormément pensé à toi Nathan. Et je ne pourrais jamais t'oublier. Caleb te l'a déjà dis, et je sais qu'il va te falloir du temps, mais si tu acceptes, j'aimerais avoir la chance de te connaître et de faire partie de ta vie. Je sais que je ne pourrais pas faire oublier tout le mal que je t'ai fais, mais je ne veux plus te savoir seul désormais. » Je les laisse discuter tous les deux. Nathan a l’air d’avoir besoin d’être rassuré sur les intentions d’Alex et sur son positionnement aujourd’hui vis-à-vis de la décision qu’elle a prise il y a plusieurs années. Étant donné que je ne savais même pas qu’Alex était enceinte quand elle m’a quitté, je ne suis pas du tout concerné par cette conversation. Je n’apprends rien, je sais qu’elle a toujours regretté sa décision, même si en soit elle n’a pas toujours tenu ce discours-là devant moi. Elle m’a plusieurs fois dit qu’elle ne regrettait pas l’abandon de Nathan et que le seul regret qu’elle avait était de m’avoir mis à l’écart de cette grossesse et de cette décision qui, normalement, se prend à deux. « J'ai fais une erreur Nathan, mais je donnerais n'importe quoi pour essayer de me faire pardonner et pour t'aider. J'ai fais l'erreur une fois de te laisser, je ne referais pas cette erreur à nouveau. » Est-ce qu’elle est en train de lui dire qu’elle voudrait réellement faire partie de sa vie ? Alex est toujours restée très vague à ce sujet-là. Certainement parce qu’elle ne savait elle-même pas ce dont elle avait envie et j’apprends donc aujourd’hui que ma femme veut elle aussi créer un lien avec Nathan et que s’il lui laisse la possibilité elle ne compte pas ressortir à nouveau de sa vie. « C'était y'a dix ans que j'avais besoin de toi, c'est trop tard, je peux me débrouiller tout seul maintenant. » Et je suppose donc que cette remarque compte pour moi aussi. C’était il y a dix ans qu’il avait besoin d’un père et aujourd’hui il n’a besoin de personne et peut se débrouiller tout seul. Bien que le ton de sa voix reste assez peu assuré, je suis persuadé qu’il a raison et qu’il n’a plus besoin de qui que ce soit aujourd’hui. Son passé l’a forcé à mûrir et à se montrer indépendant bien trop rapidement pour un enfant de son âge. « Tu me promets de ne jamais m'abandonner ? » Depuis plusieurs minutes maintenant, j’ai la tête baissée fixant mes doigts sous la table et je ne réalise même pas tout de suite que c’est à moi que Nathan parle. Ils discutent tous les deux depuis tout à l’heure alors je suis persuadé que cette question est pour ma femme et non pour moi. Sauf que le silence qui s’installe m’intrigue et me fait enfin lever la tête. Je remarque alors que c’est bien sur moi que l’attention de Nathan est portée alors je me redresse et ne perd plus une seconde pour lui répondre. « Je te le promets. J’ai jamais abandonné qui que ce soit. » C’est plutôt l’inverse qui s’est produit pour moi et ça, pas qu’à une seule reprise. On m’a abandonné plus d’une fois, je sais ce que ça fait, je sais ô combien ça fait mal et jamais je ne pourrais faire souffrir quelqu’un ainsi. C’est bête parce qu’aujourd’hui nous sommes mariés et nous avons des enfants mais il y a toujours une petite voix dans ma tête qui ne cesse de me mettre en garde, Alex l’a déjà fait une fois alors elle pourrait très bien m’abandonner une seconde fois. Rebecca arrive vers nous, et j’avais presque oublié qu’elle se tenait à quelques mètres de nous. On en est là, pas autorisés à rester seul avec cet enfant qui partage pourtant notre ADN. « Ca va, on peut rester encore un peu, j'ai pas mangé ma glace encore. » Au moins il ne lui dit pas qu’il veut rentrer, même s’il ne semble pas très ravi de rester avec nous mais je ne peux que le comprendre. « Tu veux qu’on aille chercher les glaces tous les deux ? » que je lui demande avec une pointe d’espoir. Je fais un pas vers lui malgré la mauvaise tournure de ces dernières minutes, j’essaie de lui montrer que malgré tout, je suis là. « Non c’est bon je peux y aller tout seul, je suis pas un bébé. » qu’il dit en prenant le ticket de caisse et il part seul vers le comptoir. Il a raison, j’ai été bête, il l’a dit à Alex qu’il n’avait besoin de personne. Il n’a pas besoin de moi et c’est donc en silence et sans un mot de plus que je reste là, assis sur cette chaise, le regardant tout de même afin de m’assurer que tout se passe bien pour lui et il a vraiment l’air de se débrouiller il a raison. Il donne le ticket de caisse à la vendeuse au comptoir je le vois lui parler un peu – il lui demande sûrement les glaces. « Ça va, il n’est pas trop difficile ? Il n’a pas toujours un très bon caractère. » Dit Rebecca à l’attention d’Alex.