C'est compliqué. Le genre de phrase qui veut tout et rien dire à la fois, celle qu'on annonce autant pour rassurer que pour inquiéter quelqu'un. Dans la bouche de Jackson, cette phrase a d'autant plus de sens, car je sais comment ils fonctionnent, lui et son esprit critique qui se pose beaucoup trop de question. Mais cette phrase clos aussi notre discussion qui, malgré tout, restera en suspens, me laissant un peu sur ma faim. Et tandis que je me lève du canapé, je me fais la promesse solennelle de reprendre cette discussion là où elle s'est arrêtée lorsque je reviendrais dans le pays.
Car oui, je quitte l'Australie pour bien deux mois pour aller à l'autre bout du globe. Et lorsque j'annonce à Jackson les raisons pour lesquelles je ne serais pas présente lors du dénouement de la justice, celui-ci se précipite vers moi pour me prendre dans ses bras et me soulever dans les airs comme si je n'étais qu'une vulgaire poupée de chiffon. Son excitation, dénotant avec la rage qui l'animait lorsqu'il a débarqué quelques minutes plus tôt, me fait sourire, si bien que j'en oublie presque mon appréhension. Lorsqu'en plus il fait référence à mon film préféré, je laisse échapper un rire et hoche la tête « Elles ne me quittent plus ces lunettes, peu importe où je vais, elles ne sont jamais loin » assurais-je en désignant lesdites lunettes qui trônent le support en bois fabriqué par un de mes collègues.
Toutefois, les questions que je me pose reviennent lorsque Jackson demande si c'est un entraînement de routine ou autre chose, laissant sa phrase en suspens alors que son silence et ses sous entendu veulent tout dire. Pinçant les lèvres, je hoche doucement la tête « La seconde option» dis-je en faisant référence à ce qu'il a passé sous silence « Aucune idée de ce qu'ils attendent de nous, on ne sera briefé qu'une fois sur place » je me recule d'un pas « heureusement, y aura Manchester avec moi. Et quatre autres pilotes de mon escadrille» hochais-je la tête « Donc ... On verra bien» je pince les lèvres et grimace légèrement «L'amiral a quand même laisser sous entendre que c'était assez périlleux comme mission » je hausse les épaules « Enfin bon...au moins j'aurais l'occasion de tester les Thunderbolt. On verra bien s'ils arrivent à la cheville de nos Super Hornet » je laisse échapper un rire, pas forcément heureux, mais qui a au moins l'effet de me détendre un peu.
« La seconde option » Silence. Jackson sent redescendre en lui l'excitation aussi vite qu'elle était montée. La guerre, quelles qu'en soient les raisons, c'est toujours une perte pour ceux qui la font. Et Louisa, en tant que soldat, connait les risques que représente son appartenance à l'armée, tout comme Jackson connait ceux que représente son appartenance au PSI. Apprendre que son amie n'en sait pas plus ne le surprend pas mais cela l'inquiète. Il s'estime mieux placé que quiconque pour savoir que moins il y a de détails, plus la mission est dangereuse. Combien de fois s'est-il fait réveiller en plein milieu de la nuit par une Widow avare de précisions, réclamant de lui qu'il saute dans son slip pour rappliquer fissa sans même savoir ou il se rendait, guidé par Néo à travers le haut parleur de sa Jeep ? Les hauts gradés ont cet amour du catimini que seuls les militaires cultivent jusqu'à l'obsession. La peur de se faire damer le pion, probablement. « ... heureusement, y aura Manchester avec moi. Et quatre autres pilotes de mon escadrille. »« Arrange-toi pour rester avec eux. » Ne peut-il s'empêcher de la conseiller, suspicieux, gardant en mémoire les façons de faire des autorités américaines qu'il a plus d'une fois fréquenté lors de ses formations et convaincu qu'en cas de pépins ces mangeurs de burger n'hésiteront pas à faire passer les australiens après les leurs. C'est ce que les patriotes font et ce que l'on attend d'un soldat obéissant, aussi paradoxal que cela puisse être. Comme tout le reste, les alliances ont leurs limites et le danger a le don de les mettre en lumière ...
« L'amiral a quand même laisser sous entendre que c'était assez périlleux comme mission. » Jax n'en doute pas. Le simple fait de piloter un avion de chasse lui a toujours semblé être une entreprise périlleuse mais se l'imaginer dans un contexte de conflit avec tout ce que cela peut inclure de manœuvres de dernières minute et de tirs croisés lui donne froid dans le dos. Homme de terrain, c'est les deux pieds sur terre qu'il se sent le plus en sécurité. Mais Aquilla est un aigle guerrier et tout aussi réticent qu'il est de l'imaginer contrainte à sortir son parachute, Mills n'en reste pas moins convaincu que son amie est la femme de la situation. Il ne doute ni de ses capacités, ni de ses réflexes. « La prime sera bonne. » Conclut-il, cartésien. Tant qu'à risquer gros, autant que le chèque le soit lui aussi ... « Au moins j'aurais l'occasion de tester les Thunderbolt. On verra bien s'ils arrivent à la cheville de nos Super Hornet. » Jackson sourit. Entendre parler de Thunderbolt un soir d'orage titanesque sur Brisbane à quelque chose d'amusant à ses yeux.
Retournant se poser dans le canapé, il fait signe à Louisa de le suivre et attend qu'elle s'assied pour poser sur ses cuisses l'arrière de son crâne. Allongé en travers des coussins, genoux pliés par dessus l'accoudoir, il redevient l'adolescent qu'il était vingt années auparavant, alors qu'ils partageaient leurs rêves d'avenir allongés dans les parcs, en comptant les nuages. Ici son regard fixe le plafond, seul le bruit de la pluie continue de rythmer le silence de l'obscurité. « Tu m'écriras ? » Demande-t-il pensivement, tentant de s'imaginer la base militaire et le climat auquel sera exposée Fleming une fois sur place. Soudain, Jackson bascule un peu plus la tête afin de capter, en contre-plongée, le regard de la brune. « Elle sait ? » Erika, évidemment. C'est exactement en ça qu’il voulait dire par '' c'est compliqué ... ''
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Dernière édition par Jackson Mills le Ven 3 Juin 2022 - 2:30, édité 3 fois
Ce n'est pas la première mission que je fais et ce ne sera sûrement pas la dernière non plus et pourtant, aujourd'hui, je ne peux faire taire cette petite voix qui me dis que nous ne serons pas à 5 à revenir en Australie. Ais-je raison d'être autant portée sur le négativisme ? Je ne le saurais qu'une fois sur place, car, comme je l'annonce à Jackson, aucun de nous ne sait de quoi il s'agit exactement. Ça peut être une mission banale de dissuasion, de protection des frontières, destructions des biens ennemis qui pourraient représenter un risque pour nous ou une attaque frontale.
Jackson est silencieux et pourtant, je sais parfaitement qu'il sait exactement ce qui se passe dans ma tête. Non seulement parce qu'il me connaît par cœur, mais aussi et surtout parce que dans son métier, il est aussi souvent confronté à ce genre de décisions. C'est pour cela qu'il ne pose pas de question et que la seule phrase qui s'échappe de ses lèvres vient de son esprit cartésien : la prime sera bonne. « Oh oui, je vais pouvoir faire le stock de Rayban» ajoutais-je avec le même humour avant que mon meilleur ami ne retourne vers le canapé pour s'y installer, m'invitant à le suivre.
Faisant comme lui, je le laisse s'allonger de façon à reposer sa tête sur mes cuisses, allant lui caresser machinalement le peu de cheveux qui lui reste encore. Pensive, j'apprécie le picotement de ses racines contre la paume de ma main , avant de sourire doucement lorsqu'il me demande si je lui écrirais « Des lettres comme à l'ancienne» répondais-je du tac au tac «Cher amour, les troupes ennemies ne sont plus très loin, ce jour est funeste pour tous les soldats. J'espère que les enfants se portent bien, embrasse les de ma part » rayais-je, amusée «A moins que tu préfères le télégramme ? » je baisse mon regard sur mon meilleur ami, laissant échapper un rire.
Rire qui, pourtant, se perd un peu lorsqu'il me demande si elle est courant. Évidemment qu'il parle d'Erika. « oui» répondais-je doucement « Elle était la première au courant, et même si ça ne l'enchante pas des masses ...Elle était au courant des risques que ça représente que de s'engager dans une relation avec quelqu'un comme moi » haussais-je les épaules « Enfin, on verra bien » je croise à nouveau le regard de Jackson « mais ce qui m'importe le plus c'est que je quitte le pays sans qu'on soit fâcher toi et moi » je l'aime ma copine, mais la relation est encore bien trop récente pour que je puisse dire qu'elle va me manquer plus que Jackson.
Jackson pousse un soupire amusé en imaginant Louisa penchée sur son tableau de bord, le casque à moitié vissé sur la tête, gribouillant des mots rassurant sur le coin d’une feuille de papier avant de prendre son envol. Lui qui s’est habitué à être celui laissant amis et proches derrière lui pour partir en mission trouve presque ironique d’être considéré comme la veuve éplorée potentielle de sa meilleure amie. Mais la réalité est toute autre et c’est bien d’Erika dont ils parlent lorsqu’il est question des risques et des conséquences qu’il y a s’engager avec « quelqu’un comme eux ». Ce constat implacable le rappelle inévitablement aux rebondissements de son histoire avec Elizabeth et à la manière dont son activité professionnelle est venue flinguer en bonne et due forme ce début de relation prometteuse entamée avec la brune, en 2020. Qu’ils le veuillent ou non, Louisa et lui doivent dealer avec les impondérables de leurs métiers et lâcher prise sur ce point semble être la meilleure des choses à faire. « Enfin, on verra bien. » Mills acquiesce avec réserve. Depuis qu’il sait pour sa connerie avec Mary, l’animal a pris grand soin de ne surtout pas s’approcher de la nouvelle copine de Fleming. L’ex de Louisa a beau avoir une grande part de responsabilités dans ce qu’il s’est passé ce soir-là, Jax a vu de trop prés la fin de son amitié avec la pilote le frôler pour encore prendre le risque de s’exposer à quelle que tentation que ce soit. Contrairement à Lou, lui ne cherche pas à en savoir davantage sur celle avec laquelle son amie partage son intimité. La vérité cuisante c’est qu’il ne se fait plus confiance sur ses capacités à réfléchir face à une paire de seins volontairement placée sous son nez pour le déconcentrer. Le fiasco Tinder l’amenant à se trouver dans le salon d’Aquilla ce soir en est la preuve : le manque le rend plus con que la moyenne.
« Mais ce qui m’importe le plus c’est que je quitte le pays sans qu’on soit fâchés toi et moi. » Pour toute réponse, Jax lève le bras par-dessus sa tête afin d’attraper la main que Louisa lui passe dans les cheveux. De ses doigts abîmés par la colère violemment exprimée la veille, il exerce une pression autour du poignet de son amie. Un geste vaut mille mots. Se montrer tactile reste le meilleur moyen qu’ils ont de manifester leur affection sans tomber dans les habituelles taquineries ponctuant leurs échanges verbaux. Elle assise et lui allongé dans le noir, chacun profite de ce contact silencieux pour se recentrer sur l’essentiel : ils sont là l’un pour l’autre et qu’importe le niveau d’exaspération que cela peut représenter lorsque la situation ne s’y prête pas car, en définitive, la nature du lien les unissant apporte une bien plus grande valeur ajoutée à leur vie qu’elle ne génère de contrariétés.
« J’peux dormir sur le canap ? » Finit-il par demander, réalisant que le temps qu’il lui reste à partager avec Louisa est désormais compté. Par ailleurs, rentrer chez lui pour faire face aux conséquences de son tempérament impulsif ne lui inspire que de la lassitude. Voir un trou dans la porte de sa chambre chaque fois qu’il ira se coucher seul ne fera que rappeler à Jackson l’ampleur de son échec et de sa crédulité dans toute cette affaire. Mills n’a pas besoin de cela. Pour une fois, il aimerait simplement dormir et récupérer un peu car demain sera un jour de moins au compteur du décompte du procès …
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Dernière édition par Jackson Mills le Mer 8 Juin 2022 - 4:42, édité 1 fois
La simple pression des doigts de Jackson entourant mon poignet me rassure et me fait comprendre qu'il n'y a plus d'animosité entre nous. C'est comme ça, avec nous, ça l'a toujours été et ça le sera toujours : nous nous échauffons, nous gueulons un bon coup et puis le soufflet retombe aussi rapidement qu'il est grimpé. Un doux sourire s'affiche sur mes lèvres alors que je tourne mon poignet dans sa main afin d'entre lacer nos doigts. Serrant les siens dans les miens pendant quelques instants, je finis par reposer mon regard sur lui et arque un sourcil lorsqu'il me demande s'il peut dormir sur le canapé.
«Tu peux même dormir avec moi dans mon lit » haussais-je les épaules « Enfin, seulement après que t’ai pris une douche» précisais-je «Je crois qu'il me reste un pull et un jean à toi que t'avais oublié la dernière fois que t'étais venu donc tu peux aussi te débarrasser de tes vêtements sales là » dis-je en tirant légèrement sur le hoodie mouillé qui lui colle à la peau « De toute façon t'es trop grand pour dormir confortablement sur ce canapé. Et je crois que t'as vraiment besoin d'une bonne nuit de sommeil. Et d'une pizza aussi, non ?» j'arque un sourcil, amusé puis lui tapote la poitrine «Allez debout, faut que je m'habille un peu plus » car depuis avant je ne suis vêtu que des mes sous vêtements et la chemise piqué à Jackson il y a quelques semaines et maintenant que la pression est descendue je dois avouer qu'il commence à faire un peu plus froid que ce que je pensais.
Un chien mouillé. Voilà ce pour quoi le prend Louisa en lui précisant que s'il veut dormir avec elle, ce ne sera qu'à condition d'être propre et de sentir bon. Jackson sourit de biais. Il ne la taquinera pas sur ses attitudes de princesse car la perspective de prendre une douche bien chaude après s'être fait saucer par la pluie le séduit. « De toute façon t'es trop grand pour dormir confortablement sur ce canapé. Et je crois que t'as vraiment besoin d'une bonne nuit de sommeil (...) » Il croirait entendre parler sa mère et mime un '' nia-nia-nia '' silencieux jusqu'à ce que le mot '' pizza '' soit prononcé. Fleming sait clairement comment lui parler : voilà que Jax s'exécute et se redresse afin de la libérer du poids de son dos en appui sur ses jambes. Debout, il plonge la main dans la poche arrière de son jogging dont il sort son portefeuille. Sa carte de crédit finit sur la table basse tandis qu'il tourne les talons en direction de la salle de bain. « Double peppéroni pour moi ! » Lâche-t-il par-dessus son épaule, avançant dans le couloir tout en se déshabillant.
Rendu dans la salle de bain, Jax laisse la douche le laver de ses émotions. Dans la pénombre, il présente ses trapèzes au jet d’eau brûlante et ferme les yeux en tâchant de chasser de son esprit les craintes et les doutes, qu'ils concernent sa vie privée ou le voyage de Louisa. L'odeur floral du gel douche féminin l'apaise tant et si bien qu'une fois sorti de la cabine, l'agent sent que le poids pesant sur ses épaules depuis leur retour de Norvège s’est quelque peu allégé. Pour quelques heures, il s’oblige à exclure Hoover de ses pensées. À tâtons, il trouve une serviette propre dont il s’enroule la taille avant de retourner dans le salon, à la lueur vacillante des bougies. Louisa revient de sa chambre habillée, apportant avec elle les vêtements propres qu’il avait oubliés. Mills la remercie, s’empare du jean et l’enfile sans se formaliser d’être cul nu sous le vêtement. L’intérieur cotonné du pull lui caresse le torse, terminant de faire basculer cette soirée de dispute dans la catégorie cocooning. Son portable, outil du diable, est resté dans la salle de bain avec ses fringues sales. Jax ne veut plus en entendre parler pour le moment.
« Jenga ? » Sans électricité, adieu chaîne sportive et commentaires enflammés de supporters assis face à l’écran, bière à la main. Ce qui n’est pas plus mal, dans un sens. Le temps que le livreur arrive avec leur plat, Louisa et lui ont le champ libre pour partager une dernière soirée en tête à tête avant son départ. L’occasion peut-être de se parler plus, comme elle lui reprochait de ne pas le faire assez ces derniers mois.
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Dernière édition par Jackson Mills le Jeu 9 Juin 2022 - 5:10, édité 1 fois
Je savais que la perspective de manger une pizza réveillerait quelque chose en Jackson, car il se redresse bien plus rapidement que si je ne lui avais dit d'aller se coucher tout simplement. Lorsque la carte de crédit du jeune homme tombe sur la table basse, je m'en empare en même temps que j'attrape mon portable et hoche la tête « Double pepperoni, okay c'est noté !» Lançais-je alors qu'il se dirige vers la salle de bain.
Pour ma part, après avoir commandé nos deux pizza, je file dans ma chambre d'où je ressors pieds nus, mais vêtue d'un jogging et d'un débardeur à l'insigne de la RAAF ainsi que les habits de Jackson. Celui-ci me rejoint quelques minutes plus tard et décide de s'habiller devant moi -comme d'habitude, finalement- avant de me proposer une partie de Jenga. « Tu sais très bien que je déteste ce jeu » soupirais-je, dépitée. J'ai beau avoir un sang-froid dans énormément de situations et j'ai appris à être d'une précision extrême, ce jeu-là met bien trop souvent mes nerfs à rude épreuve et je m'énerve beaucoup trop rapidement donc ce n'est pas forcément très bénéfique pour aujourd'hui.
« Tu ne veux pas plutôt qu'on se raconte des histoire d'horreur ?» Je lève un sourcil vers Jackson «J'en connais quelques-unes de bien sympathique » je lui souris de biais puis hausse les épaules « Mais si t'es une p'tite flippette on peut aussi jouer à Jenga » ce qui, en soit, nous permettrait, en vrai, de discuter un peu plus sérieusement que si on se racontait des histoires qui font peur.
Jackson ravale un sourire en entendant Louisa se plaindre du Jenga. Évidemment qu'il sait que ce jeu l'exaspère. La voir s'énerver contre des morceaux de bois récalcitrant à toujours été l'un de ses petits plaisirs sadiques. De son côté, Mills a appris à apprécier ce jeu de patience et de précision. A sa sortie du coma, alors qu'il savait à peine tenir sa brosse à dents et s'alimenter seul, le Jenga était l'activité préférée des infirmières se relayant bénévolement à ses côtés après leurs gardes pour l'aider à retrouver ses capacités et ce malgré son caractère épouvantable d'homme blessé dans son ego autant que dans son corps. Depuis, et avec tout le chemin de rééducation parcouru, cette pyramide en bois trouée est passée du statu de source d'agacement à celui de totem à la valeur affective indescriptible.
« Tu ne veux pas plutôt qu'on se raconte des histoires d'horreur ? » Un classique des coupures d'électricité et des soirées d'Halloween qu'ils avaient pour habitude de partager lorsqu'ils étaient ados, bien souvent déguisés en binôme pour braquer les bonbons des autres enfants et effrayer leurs voisins plus jeunes. Sans le savoir, Louisa vient de le rendre nostalgique. Un rictus aux lèvres, Jax lui bouscule gentiment l'épaule. « C'est ta mère la flippette ! » Rétorque-t-il en prenant place sur le tapis du salon, le dos en appui contre le canapé après avoir soufflé trois des quatre bougies présentes sur la table afin de les plonger dans une obscurité la plus dense et anxiogène possible. Dehors, l'orage s'est éloigné et les éclaires ne déchirent plus le ciel mais la pluie continue de tomber et la luminosité différente de celle à laquelle tous deux sont habitués témoigne que d'autres blocs alentours sont touchés par la panne de courant. Nul doute que, demain, les journaux parleront des dégâts provoqués par cette quasi tempête ayant foudroyé la ville.
« Alors ? » Provoque-t-il, peu impressionné. « Fais-moi peur ! »
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Dernière édition par Jackson Mills le Ven 10 Juin 2022 - 5:49, édité 1 fois
J'éclate de rire lorsque Jackson s'insurge en insultant ma mère de flippette tout en m'envoyant son poing dans mon épaule « Le pire c'est que c'est vraiment vrai !» lançais-je « Y a pas plus flippette que Dana» je rigole doucement, amusé « Tu te rappelle de sa tête lorsqu'on a mis une araignée en plastique dans son son mug de café ? »je secoue la tête «Et quand on lui a dit que les bruits de la fouine c'était le fantôme d'un enfant qui était mort dans notre maison et qui marchait dans le grenier » je soupire sans pour autant perdre mon sourire alors que Jackson se laisse glisser sur le sol après avoir éteint trois des quatre bougies, donnant une ambiance encore plus sombre.
M'installant à ses côté et calant un coussin dans mon dos, je me penche en avant pour attraper la bougie lorsque mon meilleur ami me donne la permission de commencer. «Très bien. Je vais commencer soft » dis-je en hochant doucement la tête, prenant la bougie en main « Une femme âgée vivant seule décide de faire un puzzle dans son salon pour passer la soirée. Dehors, c'est la noirceur totale. Au fur et à mesure qu'elle assemble les pièces, une impression étrange la saisit : elle reconnaît peu à peu dans son puzzle le décor de son salon, puis sa télévision, puis elle-même vue de face! De plus en plus fébrile, elle continue. Les dernières pièces du puzzle qu'elle assemble sont celles de la fenêtre derrière elle. La toute dernière pièce du coin de la fenêtre montre le visage terrifiant d'un homme la regardant »
Je laisse ma voix en suspens, ne donnant pas fin de la fin de l'histoire ce qui est encore plus flippant car au final celui qui écoute peu s'imaginer tout et n'importe quoi et plus on y pense plus on imagine des scénarios atypiques et on se fait des films.
PS:
Aussi contradictoire que ça puisse paraître, je suis hyper fan de Call of Cthulhu et les parties de JDR sur ce thème font parties des meilleures que j'ai jamais faite ! Donc vas-y, go ! Lâche toi
Ils passent des rires moqueurs à l'attention de Dana aux regards suspicieux de ceux qui se racontent des histoires inquiétantes. Attentif, Jackson écoute et laisse son imagination faire le reste. Louisa le connait bien, elle sait que les images concrètes l'effraient bien moins que les films qu'il est capable de se faire dans sa propre tête. Chacun est tributaire de ses propres cauchemars, c'est bien connu, raison pour laquelle les nuits de Mills en sont peuplées depuis son accident : c'est le fait de ne pas savoir qui le rend si paranoïaque. Son esprit, habitué à se perdre dans les spéculations bancales, n'a aucun mal à se prêter au jeu des récits horrifiques. Il lui suffit de fermer les paupières pour visualiser la vielle, le puzzle et la fenêtre derrière laquelle rode le danger.
« Pas mal. » Admet-il en s'emparant de la bougie. « Mais écoute un peu celle-ci. Elle me vient de Washington, c'est un ranger du parc national qui me l'a racontée ... » 2014, année de son premier déplacement aux États-Unis. A cette époque, l'agent avait profité d'un jour de repos dans son programme de formation pour randonner à travers les étendues immenses de forets et de montagnes de l'ouest américain. Une expérience mémorable. « Un matin d'avril, alors que la neige recouvre encore le sol de la foret bordant le Mont Rainier, un homme se présente au chalet d'accueil. Il est nu et couvert de sang, ses propos sont incohérents, il parle de secte, d'incantation et de diable. On contacte les secours, on essaye de le réchauffer et l'on découvre des traces de morsures sur ses membres couverts d'engelures. Des pans entiers de chair manquent à l'appel. Les rangers pensent tout d'abord à des coyotes ou des loups mais les traces de dents ne correspondent pas ... » Jax mime de ses doigts rétractés une mâchoire imaginaire venant mordre l'avant bras d'Aquilla. « Le malheureux décède dans l'ambulance. L'autopsie révèle qu'il s'agit d'un randonneur disparu des semaines plus tôt avec sa compagne et que les blessures ont été causées par une mâchoire humaine. » L'agent marque une pause pour donner de l'effet à cette révélation glaçante. « Une battue est organisée dans le secteur ou l'homme est réapparu. Les rangers ont peu d'espoir de mettre la main sur sa femme, mais ce qu'ils découvrent dépasse toutes leurs spéculations ... » Il la laisse retenir son souffle, plaçant la bougie sous son menton pour donner à son regard le bénéfice des ombres projetées au plafond par son nez. Ses yeux ne sont plus que des billes scintillantes dans le noir ; sa voix se fait plus grave, plus menaçante. « Des murs entiers recouverts de symboles ensanglantés dans un grotte fermée au public et pour ainsi dire impossible d'accès. » Glauque à souhait, mais ce n'est pas tout : « Pendue à une racine centenaire, le cadavre de l'épouse balance tristement. Elle a dans l'estomac les morceaux de chair manquant à son défunt mari. »
Les conclusions de l'enquête, parait-il, font référence à deux individus perdus et déshydratés, probablement empoisonnés par des baies toxiques qu'ils auraient ingurgitées en pensant se nourrir. Les faits de cannibalismes et les traces de pratiques occultes furent imputées à la folie du désespoir et à la fièvre démentielle ...
Lorsque Jackson s'empare de la bougie, je me redresse et me tourne complètement vers lui, lui offrant l'entièreté de mon attention. Sans le quitter des yeux, je l'écoute me parler d'une histoire dont il avait eu vent lors d'un déplacement aux USA et grimace à la conclusion. «Ah putain, ouais quand même ... » Soufflais-je «Et t'es sûr que ... » je ne peux en dire davantage que mon portable sonne. A l'autre bout du fil, c'est la voix du livreur qui m'indique être devant la porte d'entrée qui se fait entendre. Ni une ni deux, je me lève, sort de mon appartement et dévale les quelques marches pour récupérer nos deux pizza.
C'est, avec une grande hâte tant j'ai le ventre qui gargouille, que je retourne dans le salon, me prenant, toutefois, encore le temps de passer par la case cuisine pour récupérer deux bières et des couverts «Bon ap' » lançais-je avant de couper le premier bout à la seule lumière de la bougie.
Des histoires de fantômes nous passons à nos souvenirs communs de la Norvège, puis nous échangeons sur nos différents entraînements, nous nous lançons dans le petit challenge de celui qui fera le plus de pompe en 2 minutes -autant dire que, même si l'écart n'était pas si énorme que ça, Jackson est clairement arrivé en tête- et finalement nous nous retrouvons tous les deux dans mon lit. Et, tandis que je m'endors contre mon meilleur ami, je me rends compte de la chance que j'ai de l'avoir à mes côtés, me faisant, en plus, la promesse solennelle que je ne ferais plus rien qui risque de mettre à mal cette magnifique amitié qu'est la nôtre.