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La soirée fut extrêmement banale. Comme à chaque fois qu’Alex m’envoie une photo de mes filles, j’ai souris devant ne pouvant même pas m’empêcher de montrer les nouveaux clichés à chacun de mes collègues qui a le malheur de passer à côté de moi toute la soirée. Oui, je suis ce genre de papa complètement gaga de ses filles, mais après tout je n’y peux rien moi, si elles sont toutes les deux adorables et en toute objectivité de loin les plus belles filles de dix-neuf mois du monde entier. Mes collègues n’échappent pas non plus aux vidéos que je reçois, de jour en jour le langage des filles s’améliore elles apprennent des nouveaux mots et je ne peux pas m’empêcher de trouver tout ça terriblement adorable. Ces derniers temps plus que jamais je me sens bien plus heureux que je ne l’ai jamais été. Je m’épanouis dans mon rôle de papa avec Lucy et Lena mais aussi avec bébé numéro trois – ou la petit crevette – pas encore née mais que j’aime déjà tellement et qui me remplit de bonheur tous les jours. Il y a Nathan aussi, et bien que les choses soient beaucoup plus complexes avec lui, chaque minute que je peux passer à ses côtés sont importantes pour moi. Elles me provoquent aussi beaucoup d’anxiété, parce que je veux bien faire et j’ai toujours peur de dire ou faire une connerie qui puisse lui faire beaucoup de mal. Alors je marche sur des œufs avec lui, j’essaie d’y aller doucement afin de ne pas le brusquer alors qu’au fond je ne rêve que d’une seule chose : passer le plus de temps possible avec lui pour rattraper ces dix années que nous avons perdues. Sauf que tout ça n’est pas si simple et je sais que pour lui faire la connaissance de ses parents biologiques ne doit pas être une mince affaire. Mais je ne me plains pas, je ne suis pas en mesure de faire des réclamations de toute façon, la personne à plaindre c’est cet enfant et très clairement pas moi ni même Alex.
Ce soir comme tous les jours maintenant la salle est pleine et les commandes s’enchaînent. Il faut aller vite mais surtout il faut faire bien et c’est toujours en gardant un œil sur chaque assiette qui est envoyée en salle que je m’applique dans mes moindres faits et gestes. Je suis perfectionniste, je suis exigeant et je veux que les clients puissent avoir la meilleure et la plus belle nourriture possible. C’est en étant exigeant avec soi-même qu’on arrive à atteindre ses objectifs ou du moins, moi c’est ainsi que je vois les choses. Comme souvent à la fin du service alors que l’euphorie est redescendue, la salle se vide petit à petit, la pression redescend alors je m’accorde une pause pour sortir fumer. Non pas une cigarette car ma dernière date d’il y a quelques semaines, mais c’est maintenant ma cigarette électronique qui a pris le relai. Alors que je regarde à nouveau les photos de mes filles envoyées par Alex un petit sourire aux lèvres, je reçois un message qui m’étonne mais surtout, qui m’inquiète assez rapidement. Il faudrait être un imbécile pour ne pas comprendre que Deborah ne semble pas être dans son état normal ce soir et ces quelques messages suffisent à m’interpeller. Je demande à mes collègues présents ce soir d’assurer la fin du service et la fermeture du restaurant et avant de monter ma voiture j’envoie tout de même un sms à ma femme pour la prévenir de mon potentiel retard ce soir. On ne s’est pas vu depuis un certain temps mais je ne me voyais pas laisser Deborah se débrouiller pour rentrer chez elle, ça ne me ressemble pas et c’est d’ailleurs assez rapidement que le trajet se fait. À cette heure-ci le bar est blindé ; tout ce que je déteste. La foule et les bars – et je réalise d’ailleurs que je n’ai pas remis les pieds dans ce genre d’endroit depuis quelques années. Je cherche du regard Deborah et bien entendu qu’elle se trouve à l’autre bout de la pièce. Je me faufile entre les gens, je me créais un passage pour essayer tant bien que mal de pouvoir passer. « Deb ? » que je lui demande doucement en tapotant sur son épaule pour qu’elle se tourne face à moi. Il y a du monde, les gens sont tous agités et je me fais même bousculer par quelqu’un qui, heureusement pour moi, avait un verre vide dans les mains. Je grimace un peu et quand Deborah se trouve face à moi je la regarde un instant, sans un mot. Elle a un verre à la main je ne sais pas s’il est vide ou plein et surtout un ventre semblable à ma propre femme sauf qu’Alex, elle, elle est enceinte. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Question quelque peu ridicule dans le fond, la bonne question aurait plutôt été de savoir combien de verres a-t-elle bu ce soir.
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Le tintement des bouteilles vides de chez elle avait poussé Deborah à franchir la porte de son appartement. Embrumée par l’alcool, elle ne s’estimait pas encore assez imbibée pour oublier. Au contraire. Les souvenirs étaient douloureux, le vide au cœur, l’âme en peine. Elle ne savait pas combien de temps elle avait marché pour trouver le premier bar bondé. Se fondre dans la masse, qu’on ne l’emmerde pas, qu’on ne lui pose aucune question. C’était tout ce qu’elle cherchait à faire lorsqu’elle se faufilait entre les gens pour aller s’asseoir au bar. Dans l’ombre du comptoir, elle avait glissé un billet sur le bois, assez pour se payer une bouteille d’un alcool fort quelconque. Pourvu que ça l’enivre assez pour éteindre cette douleur impalpable, invisible. Un verre puis un second et un troisième. Les heures avaient défilé sans qu’elle ne soit capable de les compter. La nuit s’était définitivement installée sur la ville et le bar avait fini de se remplir. L’ambiance était à la fête. Tant mieux. Un bruit entêtant pour l’empêcher de penser, c’est tout ce qu’elle avait demandé. Avec les gens et probablement l’alcool, la chaleur avait augmenté, l’obligeant à retirer son pull pour ne pas s’étouffer. Le sweat attaché autour de la taille, au-dessus de son ventre, le comptoir cachait encore sa grossesse qui n’avait ni début ni de fin. Une rondeur qui la faisait grimacer et se resservir un verre. Lorsque la bouteille était au trois quart vide, elle la glissait sur le bar en direction d’un groupe de jeunes étudiants – il lui semblait en tout cas. Cadeau. Elle se savait à sa limite – peut-être même l’avait-elle dépassé, le temps allait lui donner la réponse – et dans un éclair de lucidité, elle avait contacté Camil pour qu’il vienne la chercher.
C’était ce qu’elle avait cru en envoyant quelques messages et sa géolocalisation. La réalité voulait que le nom de Camil fût tout à côté de celui de Caleb dans son répertoire. Un vieil ami qu’elle n’avait plus vu depuis des années. De ceux qu’on sait tout près mais que la vie ne nous permet pas/plus de fréquenter. Alors forcément, lorsqu’il arrivait dans le bar tandis qu’elle était littéralement étalée sur le comptoir, elle ne réagissait pas de suite à son appel et son tapotement sur l’épaule. La voix de Camil, elle l’aurait reconnue entre milles. Néanmoins, le peu de conscience qu’il lui restait lui faisait relever le buste et se tourner vers son interlocuteur qui semblait la connaitre par la connaissance de son prénom. Quelques secondes de flottement puis un sourire. « Heyyyy Caleb ! » Elle était visiblement ravie qu’il soit là quand c’était, en fait, l’habitude qui lui faisait adopter un sourire de façade. « Bah écoute euh... comme tout le monde ici, je fais la fête ! » lançait-elle en fronçant les sourcils, constatant que son verre était vide, ayant déjà oublié qu’elle avait refilé sa bouteille à d’autres. Son entrain sonnait faux. Elle n’était plus capable de feinter quoi que ce soit à ce stade – d’alcoolisation comme de dépression. « Et toi alors ? D’habitude, tu es derrière le comptoir hein, pas d’avant ! » disait-elle en référence aux fourneaux plus qu’au comptoir, peu consciente que c’était lui qui avait reçu les messages et non Camil, qu’il était là pour venir la chercher, la mettre à l’abris davantage d’elle-même que des autres.
« Tu veux un verre ? Je te paye un verre, aller. » Instinctivement, elle s’était retournée vers le barman, prête à lui faire signe pour demander deux verres, persuadée que Caleb était simplement ici par hasard. Fausse bonne idée et pas le temps de le faire. Le mouvement brusque lui faisait tourner la tête, la pâleur au visage malgré la chaleur. « Je me sens pas très bien. » Presque un murmure quand son regard vague se tournait de nouveau vers Anderson. Le souffle au bord des lèvres, elle ne savait pas vraiment de quoi elle parlait. Oui, elle se sentait mal. La situation laissait comprendre qu’elle allait potentiellement vomir ou s’évanouir. Sa tête, elle, lui hurlait que la douleur était au-delà du physique, au-delà des mots, au-delà de cette apparence de femme enceinte qui la rendait criminelle d’être à ce point alcoolisée. La poupée se faisait de chiffon au fil du temps et elle cramait ses fils par les deux bouts.
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« Heyyyy Caleb ! » Comme j’en avais l’impression par message, Deborah n’en est pas à son premier verre et elle semble déjà bien alcoolisée. Peut-être un peu trop, et je trouve dommage que nos retrouvailles se font avec un taux d’alcoolémie sans aucun doute supérieur à la moyenne de son côté. Le bar est plein et comme toujours je ne m’y sens pas vraiment à l’aise. Il y a beaucoup de bruit et la plupart des personnes autour de nous semblent elles aussi déjà bien alcoolisées. Un petit sourire sur les lèvres ma main passe dans mes cheveux pour finir sur ma nuque que je masse doucement. Mes yeux quant à eux glissent sur son verre vide et quelque chose me dit qu’il ne restera pas vide encore très longtemps. « Bah écoute euh... comme tout le monde ici, je fais la fête ! » Il n’a pas l’air très sincère, son sourire, et il est assez rare qu’une personne qui sorte seule dans les bars dans le seul et unique objectif étant de boire soit très heureuse. Elle me répondait avec un dynamisme qui a l’air presque forcé ce qui vient renforcer l’impression que j’ai : Deb ne va pas bien je n’en ai plus aucun doute. « Et toi alors ? D’habitude, tu es derrière le comptoir hein, pas d’avant ! » Sa question m’étonne car c’est bien elle qui m’a envoyé le premier message tout à l’heure me demandant ainsi de passer la chercher et si ce premier pas fait vers moi m’a étonné je ne manque pas à l’appel et je suis présent, à ses côtés dans un endroit bien trop peuplé et bruyant pour que je m’y sente à l’aise. Depuis quelques années Deborah fait partie de ce genre de proche dont on surveille les aventures de loin sur les réseaux sociaux sans plus vraiment entrer en contact avec. Moi aussi, j’ai eu une période où je préférais sortir plutôt que rester chez moi mais je n’étais pas heureux et je cherchais à pousser mes limites – bien que je n’y sois jamais allé très loin. « Deb, tu m’as envoyé un message. » Elle a l’air de l’avoir oublié et au vu de son état actuel je ne suis pas vraiment étonné alors comme preuve à l’appui je sors mon portable pour lui montrer nos derniers messages échangés. « T’es sûre que ça va ? » Question assez inutile au fond puisque j’en connais la réponse mais le ton de ma voix montre une réelle inquiétude à son sujet.
« Tu veux un verre ? Je te paye un verre, aller. » Deborah me pose une question mais elle n’attend pas vraiment ma réponse puisqu’elle se retourne rapidement – peut-être trop, d’ailleurs – vers le barman. Je secoue la tête sauf qu’elle ne peut pas le voir puisque son attention est maintenant posée sur le barman. « Non non j’ai pas envie de boire Deb, je conduis. » Et même si je ne conduisais pas je doute que ma réponse aurait été différente. « Je me sens pas très bien. » Et bizarrement je n’en suis pas vraiment étonné. Je regarde autour de nous quelques secondes hésitant entre les toilettes et dehors mais le choix se fait finalement assez rapidement. Je lui fais donc signe de me suivre, j’attrape doucement son poignet et j’essaie de nous frayer un chemin jusqu’à la porte de sortie. Les gens ne font pas vraiment attention aux autres dans ce genre d’endroit et j’ai l’impression d’être le seul à regarder où je mets les pieds mais me voilà rassuré quand je pousse la porte d’entrée attirant Deborah dehors avec moi. « Assieds-toi. » que je lui dis doucement. Il n’y a pas de banc ou de chaise libre mais c’est donc contre les murs extérieurs du bar et par terre que je l’invite à s’installer. L’air devrait lui faire du bien et l’aider à se ressaisir un peu. Je suppose. Je l’espère. Je remarque son ventre caché par un sweat attaché autour de sa taille. Elle semble être enceinte et même si je ne la juge absolument pas je ne comprends pas ce qui a pu la mener à se mettre dans un état pareil alors qu’un bébé grandi en elle. « Tu te sens un peu mieux ? Tu veux que j’aille te chercher un verre d’eau ? » De nouveau c’est avec un ton inquiet que je m’adresse à mon amie, j’ai envie de l’aider ce soir et j’espère y parvenir.
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C’était d’abord la joie de le voir qui s’inviter sur son visage. Elle avait la sensation que ça faisait une éternité qu’elle n’avait pas vu Caleb en personne. Il était de ces gens dont elle avait des nouvelles par ses posts sur les réseaux sociaux (surtout pour alimenter le compte de son restaurant à vrai dire). Maintenant qu’elle l’avait devant elle, elle regrettait immédiatement de ne pas prendre plus de temps pour le voir et se trouvait honteuse d’être ainsi face à lui, dans un tel état. Son masque de joyeuse fille prenait alors le dessus. Feinter le bonheur, faire croire que tout va bien, elle était forte à ce jeu-là depuis des mois. Seulement Caleb était de ceux qui connaissait les différents sourires de Debra. Le sourire sincère qu’elle a pu afficher avec lui quand ils travaillaient ensemble il y a quelques années et le sourire de circonstances, celui qu’elle a pu afficher face à des clients en dépit d’une mauvaise journée. Comme si c’était hier, il distinguait sans mal ce faux sourire forcé, ce masque de faux semblants. La confusion se lisait alors sur le visage de la brune quand elle saisissait le téléphone de son ami pour lire les messages. Sans attendre, elle sortait le sien, comme pour comparer. Un petit tour dans son répertoire et le mystère était vite résolu. « Oui ça va, je me suis juste trompée… » Un mensonge, une vérité. Non elle n’allait pas bien, oui elle s’était trompée. « Je voulais envoyer un message à lui. » lui, Camil, le prénom qui suivait celui de Caleb dans le répertoire de son téléphone. « Pardon, je t’ai dérangé. » Cette sensation d’être un boulet pour tout le monde ne la quittait plus depuis quelques mois – ce qui expliquait aussi sa solitude dans ce bar, elle n’avait pas envie d’entraîner qui que ce soit dans le fond de son trou qu’elle s’évertuait à creuser un peu plus chaque jour.
Instantanément, elle cherchait à ne pas montrer son désarroi et lui proposait un verre, comme si toute cette situation était normale et sonnait comme une habitude. Pourtant elle le savait, elle le connaissait assez pour savoir que s’il était venu la chercher, ce n’était certainement pas pour se mettre une mine avec elle. Caleb était de ces gens que l’ancienne Deborah s’était évertuée à vouloir « décoincer ». Celle qu’elle était aujourd’hui comprenait que Caleb n’avait rien de coincé. C’était simplement une personne posée qui n’avait pas besoin d’artifices comme la fête et l’alcool pour se camoufler derrière. Presque en paix avec lui-même en quelque sorte. De toute manière, son état laissait savoir qu’elle avait bien assez bu, qu’un verre de plus ne ferait que la faire sombrer. Pour cause, un simple mouvement rapide la menait au bord du vomi – ou de l’évanouissement. Si Debra avait posé les mots, Caleb l’avait compris bien avant. Sans attendre, il avait glissé sa main dans la sienne pour l’entraîner avec lui vers l’extérieur. L’air frais de la nuit lui frappait les joues dès l’instant où ils passèrent le seuil de la porte. De quoi lui faire prendre une grande inspiration qui rafraîchissait ses poumons et faisait redescendre son envie de vomir. Sans protestation, elle posait son derrière au sol, le dos en appui contre le mur derrière elle. Ainsi positionnée, son ventre de prétendue femme enceinte était mis en valeur mais sur le moment, elle ne s’en souciait pas. Les paupières closes, elle secouait négativement la tête. Non, elle ne voulait pas d’eau et non, de toute évidence elle n’allait pas mieux. L’inquiétude apparente de Caleb la renvoyait à sa situation, à la réelle raison de son alcoolisation de ce soir. Non, elle ne faisait pas la fête comme elle l’avait prétendue quand il était arrivé. Elle voulait juste oublier et une seule question avait suffit à réveiller sa conscience.
WIN:
Les lèvres pincées, les iris humides, si ses paupières s’étaient ouvertes, elle fuyait volontiers le regard de son ami. Elle le savait sans jugement – parce qu’il n’était naturellement pas homme à juger – mais croiser ses yeux la couperait sûrement dans son élan de confession. « J’arrive plus à dormir… j’arrive plus à rien en fait. » Même vivre lui semblait être un effort quand ça devrait être naturel. Deborah n’était plus que l’ombre d’elle-même et Caleb devait bien s’en rendre compte, lui qui faisait face à une personne totalement différente de celle qu’il avait connu. « Je suis pas vraiment enceinte tu sais... » Elle ne devrait pas en parler, ni à lui ni à personne, encore moins en public ou n’importe qui pourrait l’entendre, pour le bien de Camil et de leur petite mascarade. L’alcool délit les langues et il semblait évident qu’elle avait besoin d’en parler à quelqu’un d’extérieur. « Ça se passe que dans ma tête et je suis même pas foutue de savoir si je fais une grossesse nerveuse parce que j’ai vraiment pas envie d’avoir d’enfant ou parce que j’en veux un absolument. » Deux des raisons qui peuvent expliquer ce phénomène trop peu connu. La réalité voulait qu’à défaut de vouloir un enfant, elle voulait son enfant, le premier, celui qu’elle avait abandonné, mais elle n’était clairement pas prête à poser ce type de mots pour l’instant.
SO CLOSE:
Les lèvres pincées, les iris humides, si ses paupières s’étaient ouvertes et que son regard s’était fixé dans celui du brun, elle était pourtant incapable de se confier. Tout son corps lançait des appels de détresse mais son cerveau refusait l’évidence. Elle avait besoin d’aide au-delà de ce soir mais n’en demandait pas. « Je suis juste fatiguée, tu peux me ramener chez moi ? » Pas tout à fait une vérité, pas tout à fait un mensonge. Une véritable excuse pour esquiver ce qui faisait vraiment mal. « Je peux toujours appeler Camil, il viendra me chercher, t’inquiètes. » Elle n’avait pas de doute là-dessus si jamais Caleb n’avait pas le temps pour ça, ce qu’elle pourrait comprendre après tout, il avait sa propre vie et aujourd’hui le temps était précieux. Elle avait la sensation de gâcher le sien et qu’elle n’en valait pas la peine.
FAIL:
Les lèvres pincées, les iris humides, si ses paupières s’étaient ouvertes, elle se trouvait incapable de dire la vérité. Le mensonge sur les lèvres parce qu’il est toujours plus facile de mentir que de faire face à ce qui lui faisait mal. « Oui ça va mieux. Je veux bien de l’eau s’il te plait. » Juste le temps qu’il s’éloigne, juste le temps de souffler. A l’abri de son regard, elle laissait une larme s’échapper pour faire redescendre la pression mais ne s’autorisait pas plus au risque de s’effondrer. Garder l’illusion pour feinter l’alcoolisation anodine quand bien même être seule dans un bar n’avait rien d’anodin même pour elle, même pour un mec comme Caleb qui l’avait connu fêtarde mais jamais en solitaire. A son tour, elle attrapait le verre d’eau promis et se l’enfilait d’une traite : une bonne méthode pour faire redescendre les sanglots qui menaçaient trop souvent ses yeux ces derniers temps. Elle finissait même par se relever, ne prenant conscience de la visibilité de son ventre qu’à cet instant. Dans un élan de honte, elle détachait son sweat et l’enfilait de nouveau. Cacher ses rondeurs, faire semblant qu’elles n’existent pas pour ne pas en parler.
Dernière édition par Deborah Brody le Lun 2 Jan 2023 - 0:22, édité 1 fois
LE DESTIN
l'omniscient
ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31457 POINTS : 350
TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris.AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014
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Un message envoyé et me voilà de retour dans un des endroits que je trouve des plus oppressants de la ville ; les bars. L’endroit est bien trop souvent rempli à craquer de personnes parlant bien trop fort et ayant un taux d’alcoolémie supérieur aux normes. En résumé c’est ici que je retrouve tout pour me faire fuir rapidement. Je n’ai jamais aimé être entouré de beaucoup de gens, bien plus à l’aise quand je suis seul ou avec seulement une ou deux personnes. Pourtant il y a eu des moments où j’y ai passé du temps, dans ces bars. À essayer de réparer un cœur brisé, à pousser mes limites afin de sortir de ma zone de confort pour cacher derrière ce changement une profonde tristesse et un sentiment insécurité profond. Deborah et moi avons toujours été très différents sur ce point-là et c’est sans doute la raison pour laquelle il fut un temps elle s’était donnée la mission de me pousser à sortir de chez moi plus souvent. En vain. Alex a elle aussi tenté sa chance quand nous étions plus jeunes. Victoria par la suite a également essayé de me faire sortir de mon cocon mais aucune d’entre elles n’y est parvenue. « Oui ça va, je me suis juste trompée… » qu’elle me répond après avoir jeté un coup d’œil aux messages que nous venons d’échanger. Elle me dit aller bien mais ce n’est pas l’image qu’elle me renvoie ce soir. « Je voulais envoyer un message à lui. » lui, je ne sais pas vraiment qui était le destinataire de base de ces messages mais je ne suis pas sûr que ça me regarde, non ? « Pardon, je t’ai dérangé. » « Tu ne me déranges pas. » Je lui réponds presque au tac-au-tac, lui prouvant ainsi que mes mots sont plus que sincères. « Tu sais à quel point j’aime ce genre d’endroit en plus. » Cette fois une réplique remplie d’ironie avec une pointe d’humour. Elle sait mieux que personne que je ne suis pas le plus à mon aise dans des bars.
L’air frais devrait aider Deborah à se sentir mieux. L’air frais pourrait l’aider du moins car son mal-être semble bien plus profond qu’un besoin de sortir prendre l’air. Elle s’écroule par terre laissant glisser son dos contre le mur extérieur du bar cette position laisse son ventre arrondi ressortir encore plus et ne laisse donc aucun doute que la jeune femme attend un heureux événement dans les prochains mois. Heureux peut-être pas finalement si j’en crois la tristesse évidente qui semble émaner de son regard. Elle semble avoir envie de parler, Debbie. Ou peut-être qu’elle en a simplement besoin mais je suis bien placé pour savoir à quel point il peut être énervant ou frustrant quand on se sent poussait à la conversation. Je laisse le silence s’installer entre nous mais m’installe tout de même à ses côtés par terre respectant le temps dont elle semble avoir besoin. « J’arrive plus à dormir… j’arrive plus à rien en fait. » Comme un rappel désagréable des mots que j’ai pu moi-même prononcer il y a des années de ça. je n’arrive plus à dormir, je n’arrive plus à manger, je n’arrive plus à me lever le matin, je n’arrive plus sourire, je n’ai même plus la force de pleurer, je n’arrive plus à vivre tout simplement. Entendre ces mots ressortir de la bouche de mon amie n’est pas simple, c’est douloureux parce que je comprends mieux que personne ce qu’on peut ressentir dans ces moment-là et si j’ai l’impression que Deborah n’allait pas bien ce soir la vérité est encore plus triste que ce que je pensais. « Je suis pas vraiment enceinte tu sais... » Mon visage se tourne pour la regarder simplement quelques secondes respectant son envie de fuir mon regard. Oh comme je peux le comprendre ce besoin également, j’avais le même. « Ça se passe que dans ma tête et je suis même pas foutue de savoir si je fais une grossesse nerveuse parce que j’ai vraiment pas envie d’avoir d’enfant ou parce que j’en veux un absolument. » Une grossesse nerveuse. Ceci explique donc cela et je comprends un peu mieux la consommation d’alcool malgré ce ventre qui annonce en règle générale un heureux événement. Est-ce la grossesse nerveuse qui la fait sombrer dans cette profonde tristesse qui selon mon expérience s’apparente à une dépression ? Ou bien est-ce l’inverse ? Je viens m’humidifier les lèvres tout en frottant mes mains l’une contre l’autre. « Depuis quand est-ce que ça dure ? » ça étant la grossesse nerveuse mais je me reprends assez rapidement. « T’es pas obligée de me répondre si tu le sens pas, t’inquiètes pas. » Parce qu’après tout je ne veux surtout pas qu’elle se sente obligée d’aborder un sujet si délicat pour elle. « Tu en as déjà parlé à quelqu’un de tout ça ? » tout ça c’est-à-dire des troubles du sommeil et de cette sensation qu’elle a de ne plus arriver à rien parce que tout ça je le comprends, je l’ai ressenti aussi et je veux simplement m’assurer qu’elle ne fasse pas les mêmes erreurs que moi j’ai faites ; attendre, garder tout pour soi jusqu’à ce que les émotions ne deviennent trop difficiles à gérer et qu’elle ne fasse une connerie. C’est comme ça que j’ai fait moi, et aujourd’hui je suis sûr que si j’avais accepté d’en parler et de me faire aider plus tôt les choses auraient été bien différentes.
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Habituellement, elle aurait ri ou au moins sourit. Pour les souvenirs qu’ils partageaient dans les bars, à tenter de le faire sortir et lui faire apprécier ces endroits, au détriment du principal intéressé. Le pauvre. Elle avait heureusement fini par comprendre qu’il était casanier dans son caractère et pour dire vrai, elle n’aurait peut-être pas tant aimé le voir changer. Caleb était très bien ainsi. Après tout, ils étaient devenus amis en dépit de leurs différences. Aujourd’hui, elle était bien contente de retrouver un Caleb sérieux, celui qui écoute sans interrompre, celui qui cherche à comprendre sans jugement. A défaut de faire baisser son envie de vomir, l’air frais avait au moins le mérite de lui remettre les idées en place. Pendant un instant, elle avait hésité parce qu’elle avait bien vu son regard sur ses rondeurs, quand bien même Caleb ne la dévisageait pas non plus. Mentir, minimiser, dire la vérité. Alcoolisation et/ou besoin de parler, c’était la troisième option qui s’exprimait. La douloureuse. Celle dont elle ne devrait pas parler pour le bien de tout le monde – sauf le sien, vraisemblablement.
Les mots s’alignaient tout de même, signe de confiance impossible à remettre en cause. Ils ne s’étaient pas réellement parlés depuis des mois et pourtant, c’était limpide, comme une évidence. Si elle ne pouvait pas se confier à quelqu’un comme Caleb, elle ne pourrait se confier à personne. Jamais dans l’excès – de son point de vue en tout cas. Toujours dans la mesure, dans la bienveillance, dans l’entraide à l’autre. Jamais un mot de travers, ni plus haut que l’autre. Le diamant brut de l’humanité, c’était un peu comme cela qu’elle se représentait son ami et qui lui donnait assez de force pour lui répondre. « Cinq... six mois peut-être. » Sept en réalité. « Depuis trop longtemps en tout cas. » et c’était en train de la ronger de l’intérieur.
La lassitude pointait le bout de son nez, exprimé dans un lourd soupir qui passait le seuil de ses lèvres. Une larme silencieuse chassée de sa joue droite, elle essayait de reprendre constance, de paraitre un peu moins pathétique. « Oui, ça fait quelques mois. » dès lors que Camil était parvenu à la convaincre que les choses ne s’arrangeraient pas toutes seules, qu’elle avait besoin d’aide bien au-delà de celle qu’il était capable de lui fournir lui-même. « Je suis fatiguée de tout ça, j’ai l’impression de faire ça pour rien. » parce qu’elle avait cette sensation de ne pas avancer, voire même de reculer. L’impatience faisait partie de ses principaux défauts et ça se retournait contre elle. Le travail qu’elle devait faire sur elle-même ne pouvait pas se faire en un claquement de doigts ni en quelques séances avec un professionnel.
Il fallait du temps, beaucoup de temps, de la patience et surtout de l’indulgence envers soi-même, ce qui semblait être le plus difficile la concernant. « C’est pas comme si ça étonnait qui que ce soit de toute façon, il faut se rendre à l’évidence, je n’ai jamais rien réussi de concret. » Des faux-semblants, à tout bout de champs. Une belle image quand l’envers du décor n’est que décombres. Les faits étaient là. Elle n’avait jamais rien réussi d’extraordinaire, pas même capable de tenir longtemps dans un boulot, Caleb en premier témoin. Aucun investissement, dans la pierre ou ailleurs. Un cœur d’artichaut mais jamais bien amouraché longtemps, parfois par crainte, parfois par réelles blessures. Des pleurs dans les bras de Camil, bien camouflés dans ses sourires publiquement affichés. Des amitiés brisées ou perdues, la déception et la peine en bout de course.
Pathétique incapable jusqu’à ne plus savoir vivre sans se ruiner le moral et la santé. « Je sais pas si je serais capable de me relever cette fois. » Ce soir mais surtout les jours suivants. Indirectement, elle lui avouait ses craintes et ça n’avait rien à voir avec l’idée de se redresser du sol et savoir marcher. C’était plus profond que ça. Ça touchait son âme, l’absence d’envie de tout et le besoin express que tout s’arrête. « Ça me fait flipper de penser comme ça, putain. » Un hoquet d’horreur à ce constat : il n’y avait que la peur qui la retenait à ce semblant de vie. La peur de ne pas savoir faire autrement que d’arrêter de vivre tout court. Qu’adviendra-t-il quand elle n’aura plus peur de voir la mort en face ?
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Deborah ne sourit pas. Deborah ne rit pas. Deborah va mal. Il faudrait être complètement aveugle pour ne pas s’en rendre compte, et c’est avec un grand sentiment d’impuissance que je l’écoute me parler. Dans sa voix on peut déceler de la tristesse et certainement quelque chose qui ressemble à du désespoir. Ses yeux brillent mais ce n’est pas la joie qui les font rayonner ainsi. La tristesse, encore et toujours. C’est toujours vers ce mot que Deborah semble se diriger. Pas volontairement. Certainement pas volontairement, non. « Cinq... six mois peut-être. Depuis trop longtemps en tout cas. » Et quand la tristesse et le désarroi deviennent les maîtres mots de notre existence le temps est long, interminable. Les minutes semblent être des heures et les journées des semaines. Ma langue vient humidifier mes lèvres sans prononcer un mot. Je respecte son silence me doutant qu’elle aura certainement besoin si elle choisit de poursuivre ses aveux et quand il me semble voir du coin de l’œil un mouvement de main pour chasser une larme coulant dangereusement le long de sa joue je ne la regarde pas, ne voulant pas l’intruser. « Oui, ça fait quelques mois. Je suis fatiguée de tout ça, j’ai l’impression de faire ça pour rien. » Cette impression dont parle Deborah je la comprends tout simplement parce que je la connais mais aujourd’hui alors que je vais bien et que j’ai réussi à retrouver le chemin du bonheur je sais que tous ces efforts fournis n’étaient pas dénués de sens. À vrai dire, je suis même réellement heureux de m’être battu contre toutes ces pensées. Je secoue simplement la tête en signe de désaccord avec ses propos. « C’est pas comme si ça étonnait qui que ce soit de toute façon, il faut se rendre à l’évidence, je n’ai jamais rien réussi de concret. » Elle est très dure avec elle-même, c’est presque douloureux de l’entendre dire tout ça alors que je suis persuadé qu’elle en a accomplies, des choses. Ou que de belles choses l’attendent pour les années futures. Mais en ce moment elle ne doit certainement pas pouvoir se projeter dans le futur ni même le vouloir. « Non tu peux pas dire ça, Deb. » que je lui réponds simplement. Les grandes leçons de morale, je sais que ça ne sert pas à grand-chose alors je ne compte pas lui en donner. « Je sais pas si je serais capable de me relever cette fois. » Entendre ces mots ressortir de la bouche d’une amie est difficile, elle ne semble plus avoir d’espoir et j’aimerais pouvoir l’aider à retrouver son sourire et une quelconque joie de vivre. Mais je sais que je n’ai pas ce pouvoir et qu’il n’y a certainement personne qui l’aura, c’est un travail à faire sur elle-même qu’elle seule pourra accomplir. Des séances chez des professionnels pourraient aider. Des médicaments aussi, mais ce n’est malheureusement pas en un claquement de doigts qu’elle s’en sortira. Je ne doute pas qu’elle finira par aller mieux, dans quelques semaines ou quelques mois parce qu’elle est bien plus forte qu’elle ne le pense, j’en suis persuadé. « Ça me fait flipper de penser comme ça, putain. » Je déglutis et si depuis tout à l’heure je l’écoutais avec attention tout en fixant un point imaginaire dans la rue, cette fois je me tourne vers Deborah pour lui répondre. « Tu vas réussir à te relever, moi j’en ai aucun doute. » Mais après tout est-ce que mon opinion a une réelle importance ? Non pas vraiment. « Je sais que c’est dur de combatte tout ça. Je sais que tu as l’impression de ne pas voir le bout du tunnel et que tu n’arriveras plus à retrouver la Deborah d’avant mais je t’assure que c’est faux. Je sais qu’aujourd’hui tu es fatiguée de te battre contre tes monstres et que ta tristesse et cette peur, cette boule au ventre que tu ressens constamment est plus forte que tout mais je t’assure que c’est passager. C’est une longue épreuve que la vie t’oblige à surmonter et oui, c’est injuste mais tu vas te relever. Et quand tu seras de nouveau sur tes deux jambes c’est une Deborah bien plus forte qui renaîtra de ses cendres. Et je sais que tout ça c’est difficile à concevoir pour le moment mais crois-moi. Tu vas t’en sortir. Tu es forte. Moi j’en doute pas, je crois en toi. » Mes mots n’ont sûrement que peu de valeur mais je sais que quand j’étais au plus bas j’aurais aimé que quelqu’un me dise tout ça, mais encore faut-il que je ne laisse mes proches s’approcher de moi et si pour moi tout ça, c’est du passé ce n’est pas le cas pour Deborah. C’est son présent et son futur également, malheureusement. « Tu veux que je te raccompagne chez toi ? » Je lui demande d’une petite voix, et de toute façon je ne la laisserai pas finir la soirée seule dans cet état-là.
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La fatigue se mêlait à la lassitude. Celle qui d’ordinaire ennuie et agace mais pour une personne dans l’état de Deborah, elle s’y complaisait et ce n’était pas la meilleure des solutions. Dès l’instant où Caleb la contredisait, elle n’arrivait pas à se dire qu’il avait raison. Tu ne peux pas dire ça… hum. Si elle ne répondait pas vraiment, elle n’en pensait pas moins. Elle ne voyait dans cette exclamation qu’un moyen de la rassurer alors qu’il suffisait d’observer sa vie pour se rendre compte qu’elle avait raison. C’était comme dire à une personne grosse qu’elle ne l’était pas pour lui faire plaisir alors que cette personne était parfaitement capable d’observer son reflet dans un miroir. Deborah était une femme de plus de trente ans qui avait, certes, vécue beaucoup de choses mais dont les traces n’étaient que des souvenirs dans son esprit. Rien de concret comme elle l’avait si bien dit. « S’il te plait… Je sais que c’est dans ta nature profonde d’être gentil mais il faut savoir aussi se montrer réaliste sur ce coup-là. Je n’ai rien de concret entre les mains et aucune garantie d’avenir sur aucun plan. C’est comme ça. » Elle mettait un point final à cette discussion dans un soupir douloureux – comme la majorité de ses respirations ces derniers temps, vivre étant devenu douloureux tout court. Il la savait assez têtue pour savoir qu’elle ne démordrait pas. Elle avait beau être rongée par les idées noires, elle s’en tenait simplement aux faits.
Elle y tenait tellement aux faits qu’elle avouait à demi-mots sa crainte de ne pas savoir se relever cette fois. Elle avait peur. Peur d’elle-même, de ses propres réactions. Peur des médicaments et de l’alcoolisation qui se montraient de plus en plus omniprésents dans son quotidien pour soulager le temps de quelques heures une peine qui ne pouvait pas se réparer – pas par ces moyens en tout cas, ne lui donnant que quelques heures de répit factice. Etrangement, avec Caleb, elle n’avait aucune peur de l’avouer quand bien même elle n’était pas capable de le regarder dans les yeux – et elle le bénissait un peu de ne pas la regarder non plus, toujours plus encline à s’exprimer dès lors qu’on ne l’observait pas dans sa tristesse débordant de ses iris. Elle n’avait pas peur d’être jugée non plus, alors même qu’elle était bien ignorante quant au fait qu’il avait traversé la même pénombre, jonchée évidemment de différents démons. Elle tiquait néanmoins un peu sur ses mots. Elle s’y retrouvait si bien qu’elle se posait naturellement la question du pourquoi et du comment il savait si bien décrire ce qu’elle ressentait actuellement. Elle n’allait pourtant pas demander, de peur de le blesser en le replongeant dans ce genre de souvenirs – même si c’était déjà le cas bien malgré elle.
Ses mots la faisaient davantage pleurer, plus vraiment capable de se retenir. Pas de tristesse pourtant mais d’un certain soulagement. Il n’était pas le premier à lui dire qu’il croyait elle, qu’elle était assez forte pour surmonter ça et en ressortir plus grande. Cette cohésion de paroles avec celles de Camil qui lui avait dit la même chose se faufilait dans sa carapace et la touchait droit au cœur. Tous les deux n’étaient pas hommes à mentir et c’était apaisant qu’à défaut de croire en elle-même, d’autres pouvaient le faire à sa place et lui donner la force de continuer. « Tu as pas idée comme ça fait du bien de l’entendre. » avouait-elle dans un rire en chassant ses larmes, se trouvant ridicule de pleurer pour ça, d’autant plus pour des paroles positives et si réconfortantes mais emprise par sa détresse et ses hormones ne la rendant que plus sensible encore. « Tu resteras avec moi ? Juste le temps que je m’endorme, j’ai peur de faire une bêtise. » Si elle n’avait plus d’alcool chez elle (expliquant sa présence dans ce bar ce soir), elle avait encore des somnifères. Naturellement, elle craignait que le mélange de l’alcool à haute dose et celle des somnifères ne fasse pas bon ménage et pourtant, elle savait intérieurement qu’elle ne pourrait pas s’en empêcher si personne n’était là pour la raisonner. L’appel des tripes, à la limite de l’addiction prise dans les mauvaises habitudes. « Je crois qu’il faut pas que je reste toute seule. » Pas seulement ce soir mais au quotidien. Peut-être devrait-elle en parler à Camil, quand bien même elle ne cessait de se dire qu’il avait autre chose à faire que de prendre soin d’elle.
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« S’il te plait… Je sais que c’est dans ta nature profonde d’être gentil mais il faut savoir aussi se montrer réaliste sur ce coup-là. Je n’ai rien de concret entre les mains et aucune garantie d’avenir sur aucun plan. C’est comme ça. » Est-ce réellement si mal de ne pas avoir encore accompli de grandes choses à l’âge de Deborah ? À mon sens, non. Mais ça ne me concerne pas directement, j’ai l’esprit clair aujourd’hui et non parasité par des idées et pensées négatives comme cela a pu être le cas autrefois. J’hausse les épaules tout en venant frotter mes mains l’une contre l’autre. Je n’ai pas vu l’Irlandaise depuis longtemps alors peut-être qu’elle a raison. Peut-être qu’elle n’a rien accompli de concret mais je ne vois pas vraiment le mal dans tout ça bien qu’évidemment, je peux tout à fait concevoir. « Et même si c’était vrai, est-ce que c’est réellement si grave ? Tu es encore jeune, t’as que 34 ans tu as encore tout le temps du monde devant toi. » La vie est courte, certes. La vie peut être courte. Certaines personnes n’arriveront jamais à l’âge de Deborah. Comme Victoria par exemple, décédée avant même d’avoir trente ans. La vie est injuste parfois mais si Deborah a du mal à s’imaginer dans le futur aujourd’hui quand elle aura passé cette période bien trop compliquée que la vie lui impose actuellement, le plus dur sera derrière elle et elle pourra être fière d’avoir réussir à se battre et se relever de cette épreuve. Moi je le serais, en tout cas. Parce que je sais à quel point c’est difficile. Je sais comme on est persuadé de ne jamais pouvoir s’en sortir mais pourtant tout un tas de personnes guérissent de la dépression. Moi y compris. On en ressort changé, de cette maladie. En bien ou en mal je n’en sais trop rien mais je ne suis plus la même personne que j’étais il y a quelques années. La maladie m’a changé. Le deuil et la perte de Victoria ont également modifié quelque peu ma personnalité. Plus fragile mais en même temps plus fort, c’est contradictoire mais pourtant exactement la façon dont je perçois les choses. Cette maladie a en quelque sorte réveillé certaines choses en moi comme une anxiété maintenant plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était auparavant. Une peur bleue de la mort et de tout ce qui s’en rapproche plus ou moins c’est en ces petits points que je me sens plus faible qu’avant. Mais aussi plus fort parce que la bataille a été difficile à surmonter et également très longue mais j’y suis pourtant parvenu. Grâce à l’aide de mes proches sans qui je ne serais sûrement pas là avec Deborah ce soir.
Une soirée difficile pour Deborah. Ce qui me semble être une soirée doit en réalité durer depuis des semaines, un cauchemar dans lequel elle s’est enfermée et perdue alors je lui tends la main. Au moins pour ce soir. « Tu as pas idée comme ça fait du bien de l’entendre. » Un petit sourire qui s’étire sur mes lippes alors que je tourne enfin le regard sur la brune en train d’essuyer ses larmes. « Tu resteras avec moi ? Juste le temps que je m’endorme, j’ai peur de faire une bêtise. » Sans la moindre hésitation j’hoche la tête lui signifiant que oui, je resterai avec elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme. « Je crois qu’il faut pas que je reste toute seule. » À cause de cette bêtise dont elle parlait il y a quelques secondes ? « Je vais rester avec toi, tu peux compter sur moi. » Ce soir mais pas que. Tous les autres jours ou elle pourra en avoir besoin aussi, et c’est sur ces mots que je me lève pour lui tendre la main afin de l’aider à se relever. Sa tête va sûrement tourner, je ne sais pas combien de verres Deborah a bu mais certainement assez pour avoir du mal à le faire toute seule. Son alcoolémie venant s’ajouter à son ventre arrondi de femme enceinte. Avant de monter dans la voiture je préviens ma femme par message que je rentrerai sans aucun doute plus tard que d’habitude. Dans ma voiture il y a les sièges auto des jumelles à l’arrière et le doudou de Lucy posé sur le siège côté passager que je lance dans son siège avant que la brune ne vienne s’y installer. « Désolé, c’est un peu le bordel. » Pas du tout en réalité. Simplement un doudou qui n’était pas à sa place mais Deb me connait assez pour se souvenir de mon côté maniaque. « Tu habites toujours au même endroit ? » que je lui demande en réglant mon GPS et si je ne me suis pas rendu chez elle depuis longtemps je pense me souvenir de l’immeuble mais vu l’heure tardive – et l’état d’ébriété de la jeune femme – un GPS ne sera pas de trop. « Par contre, évite de vomir dans ma voiture. » J’essaie de rendre ma conduite la plus douce possible mais c’est bien entendu sur un ton humoristique que je lui fais cette demande bien qu’elle soit tout de même assez sérieuse. J’essaie de voir si je peux lui décrocher un petit sourire.
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Parce que Caleb était son ami et qu’elle n’avait aucune envie de le blesser en étant trop directe – et surtout en se laissant submerger par sa négativité tirée directement de sa dépression – elle se retenait de dire que c’était facile à dire pour une personne plus jeune et ayant déjà tout. Non, elle n’était plus « encore jeune ». Non, elle n’avait pas tout le temps du monde. Pas pour les projets de famille qu’elle nourrissait sans se l’admettre depuis des années et qu’elle voyait s’égrainer anniversaire après anniversaire. Si Caleb était discret sur sa vie, la liaison entre réseaux sociaux et algorithme pour proposer des amis à ajouter avait fait en sorte que Deborah était tombée plus d’une fois sur le profil de sa femme. Femme, enfants, maison, entreprise. Caleb avait tout oui et si Deborah se retenait de lui faire remarquer c’était parce qu’elle avait conscience malgré tout qu’il s’était battu corps et âme pour avoir cette vie-là. Ça ne lui était pas tombé tout cuit dans le bec. Sa réussite, il la méritait plus que quiconque et elle était admirative pour ça. Seulement moins réceptive à ces généralités qui ne semblaient pas s’appliquer dans son cas, étant dans l’impossibilité de se projeter plus loin que le bout de son nez.
Une fois de plus, elle se terrait dans le silence. Bouger d’ici et couper court à cette discussion était le mieux à faire – de son point de vue biaisé. Elle avouait néanmoins sa peur de rester toute seule. La peur de l’abandon l’habitait depuis des années, sans savoir d’où elle venait, mais elle se retrouvait exacerbée par sa dépression et cette sensation de perdre les siens un par un. Joseph, qu’elle ne voyait plus autant. Camil, fort occupé par les élections à venir. Jackson, n’en parlons pas. La solitude grignotait son espace vital alors qu’il s’agissait bien du pire moment pour ça. Heureusement, et même si cela résultait d’une erreur de destinataire de la part de Deb, Caleb se montrait présent et n’hésitait pas à lui confirmer qu’il resterait avec elle. « Merci. » disait-elle dans un soupir où il était aisé d’entendre son soulagement. Avec son aide, elle se redressait, le tournis reprenant quelque peu, le besoin de s’accrocher à lui se faisant ressentir – dans tous les sens du terme. « Je me sens nulle de ne pas avoir pris de tes nouvelles avant et qu’on se revoit dans ces circonstances. » Sans filtre, la honte dans les mots qu’il la voit dans cet état, la peine entre les dents d’avoir été si égoïste dans son comportement de ne prendre de nouvelles au-delà de celles qu’elle peut apercevoir de loin de temps en temps.
Stratégiquement, même en voyant le mouvement donné par Caleb pour jeter le doudou à l’arrière de la voiture, elle ne détournait pas le regard pour suivre ledit mouvement. Elle savait et elle ne tenait pas franchement à se plonger dans un univers de bambin ce soir – ni même les jours suivants. « On a jamais eu la même notion du bordel toi et moi. » vraiment pas, tandis qu’elle se contentait d’un léger haussement de tête lorsqu’il lui demandait si elle habitait toujours au même endroit. Triste constat ça aussi, définitivement, elle n’évoluait sur aucun plan. « Promis, je te ferais t’arrêter si besoin. » Elle souhaitait en avoir le temps en tout cas, il était toujours compliqué de coordonner les pensées et la réalité lorsqu’on était ivre. « Tu sais qu’elle est vachement belle ta femme ? » Changer de conversation, reporter l’attention sur lui, ne plus penser à elle-même. « On a les mêmes goûts toi et moi en fait. Sans bague au doigt… » L’alcool la poussait un peu trop loin dans sa franchise, son regard devenant légèrement rêveur. Est-ce qu’elle fantasmait sur la femme de son ami ? Un peu. Heureusement qu’il la connaissait assez pour savoir que l’alcool jouait un fort rôle là-dedans, Deborah n’étant pas femme à vouloir attiser une quelconque jalousie et encore moins à se faufiler au milieu d’un couple.
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Cette envie de toujours vouloir aider les autres a toujours été là, enfouie quelque part. Leur tendre la main, montrer que tout n’est pas fichu. Parce qu’il y a toujours espoir d’arranger les choses. Aujourd’hui ce sont des pensées bien plus positives que je suis capable de percevoir l’avenir mais ça n’a pas toujours été le cas. J’ai eu mal moi aussi. J’ai cru ne jamais pouvoir m’en sortir et de toute façon pour dire vrai, je ne voulais pas m’en sortir. Si cette période de ma vie fut éprouvante et un peu trop longue j’espère sincèrement que les choses finiront par s’arranger pour Deborah. Nous nous sommes quelque peu perdu de vue ces dernières années mais elle reste mon amie et je pense toujours qu’elle mérite le bonheur. « Je me sens nulle de ne pas avoir pris de tes nouvelles avant et qu’on se revoit dans ces circonstances. » Ses excuses vont dans les deux sens. Moi aussi j’aurais pu lui envoyer un message pour prendre de ses nouvelles mais je ne l’ai pas fait. Pas que savoir ce que Deborah devient ne m’intéressait pas. Sûrement par manque de temps et bien trop obnubilé par mon propre bonheur depuis la naissance des jumelles, j’ai souvent l’impression d’avoir été le pire ami possible. Un égoïsme que je ne me connaissais pas, le bonheur m’a enfin tendu les bras et c’est comme si j’en oubliais tout le reste. Moi aussi je m’en veux de ne pas avoir pris des nouvelles de l’Irlandaise, j’aurais pu lui tendre la main avant si j’avais su la détresse dans laquelle elle se trouve. C’est d’abord avec un simple haussement d’épaules que je lui réponds. Elle n’a pas à porter toute la culpabilité seule sur ses épaules, je ne la laisserais pas faire. « J’aurais pu le faire moi aussi, tu sais. Je crois qu’on a tous les deux été nuls dans ce cas. » que je lui réponds d’un ton qui se veut tout aussi rassurant que léger. Oublions nos erreurs passées. Ce soir j’ai répondu présent à ses messages de détresse bien qu’ils ne m’étaient à l’origine pas destinés, et c’est peut-être sur ça qu’on devrait se concentrer.
« On a jamais eu la même notion du bordel toi et moi. » Une phrase que pourrait me dire ma femme, Alex. Nous sommes sur bien des points de parfaits opposés et le rangement ne fait pas exception. Alex a toujours été légèrement bordélique alors que de mon côté j’ai toujours largement préféré quand tout est parfaitement rangé à sa place. « Promis, je te ferais t’arrêter si besoin. » C’est donc sur ses mots que la voiture démarre en direction du logement de Deborah. « Tu sais qu’elle est vachement belle ta femme ? » Une réflexion à laquelle je ne m’attendais pas et qui me surprend grandement. Jusqu’à présent concentré sur la route je finis par y détourner les yeux simplement quelques secondes pour poser mon regard sur la brune. « Oh que oui je le sais. » Je réponds un peu bêtement laissant même un petit rire s’échapper. Elle est même bien trop belle pour être avec moi, c’est une certitude clairement indéniable. « Il m’arrive encore d’avoir du mal à réaliser qu’elle est vraiment ma femme. » que je lui confie d’une petite voix. Sans aucun doute justement parce qu’elle est à mes yeux beaucoup trop sexy pour avoir accepté de passer le reste de sa vie avec moi. Elle aurait pu avoir n’importe quel homme mais pour des raisons qui me sont toujours obscures c’est moi qu’elle a choisie, alors tous les jours je m’efforce d’être à la hauteur. « On a les mêmes goûts toi et moi en fait. Sans bague au doigt… » Encore une réflexion qui me fait légèrement rire. Jusqu’à ce que je ne décèle cet air rêveur sur son visage qui me fait finalement froncer les sourcils. La voiture arrêtée à un feu mon poing vient frapper doucement son épaule. « Hey ! Je ne sais pas à quoi tu penses là mais arrête ça, c’est ma femme je te rappelle. » Pas réellement en colère contre elle. Pas du tout même. Mais mon côté bien trop jaloux et possessif peut très vite prendre le dessus, ce qui nous a plusieurs fois confrontés à des disputes entre Alex et moi-même. « Mais oui je sais elle est…incroyable. Vraiment. Je suis sûr que vous pourriez bien vous entendre d’ailleurs. » Quelques secondes de silence mais je reprends rapidement. « amicalement, bien sûr. » je me sens obligé de préciser tout de même légèrement amusé. « Comment tu sais à quoi elle ressemble, d’ailleurs ? » que je lui demande réellement intrigué par la réponse. Les réseaux sociaux et l’algorithme sont des choses que je ne comprendrai définitivement jamais.
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« Je t’en veux pas, c’est pas grave, je te sais occupé. » disait-elle lorsqu’il avouait à son tour avoir manqué l’occasion de la contacter pour prendre des nouvelles. La différence était là : il avait de très bonnes excuses (qui n’en étaient pas du coup, plutôt des raisons) qui justifiaient qu’il n’avait pas pris de nouvelles avant. Peu de temps était la première : son travail, sa famille, le quotidien sûrement réglé comme du papier à musique. Elle pouvait comprendre que le moindre temps libre était consacré à autre chose et puis n’était-ce pas humain que de ne pas prendre de nouvelles de quelqu’un qui n’en demande pas non plus ? Elle n’avait pas d’excuse de son côté. Pas depuis plusieurs mois en tout cas, elle aurait très bien pu faire la démarche. Donnant-donnant n’est-ce pas ? C’est ainsi que Deborah voyait les échanges humains. Le manque d’interaction les avait menés à ce soir : se revoir sous couvert de honte, sous-jacente d’une sévère dépression.
Dans l’objectif de l’oublier un peu, cette dépression, Deborah switchait complétement de sujet. Son intérêt se portait sur Caleb et plus précisément sur la femme de Caleb : Alexandra. Un petit bout de femme au caractère bien trempé (il en fallait de toute façon pour sortir un peu Caleb de sa coquille) et à la plastique sommes toute avantageuse. Loin d’être outrageuse tout en étant en capacité de faire tourner bien des têtes. Y compris celles des femmes à priori. « Tu es sûrement le seul à avoir du mal à réaliser qu’elle est ta femme. » Deborah haussait un peu les épaules à son tour avant de justifier son propos. « Toi aussi tu es beau. C’est surtout ça que tu n’arrives pas à réaliser. Et dans tous les sens du terme en plus. Il faudrait être idiote pour ne pas sauter sur l’occasion d’être ta femme. » Beau à l’extérieur comme à l’intérieur, c’était là qu’elle voulait en venir. Il avait ce charme tout spécifique aux timides inconscients de leur potentiel et en plus il était tendre, gentil, compréhensif et beaucoup trop de qualités pour que l’esprit embrumé de Deborah soit capable de les énumérer.
Un rire court mais sincère sortait de la bouche de Deborah quand son ami la frappait à l’épaule pour avoir osé fantasmer quelques secondes sur elle. « Tu sais exactement à quoi je pense mais promis j’arrête. » assurait-elle en levant les mains innocemment. « C’est qu’il est jaloux le Anderson, un tigrou qui peut mordre finalement. » disait-elle en pensant à l’expression « jaloux comme un tigre » mais c’était Caleb… clairement plus la tronche d’un tigrou mignon que d’un tigre mais c’était ce qui pouvait rendre sa riposte conduite par sa jalousie surprenante. « Tu me connais, je suis une fouine et l’algorithme des réseaux sociaux sont de mon côté pour étancher ma soif de curiosité. » Voilà comment elle savait à quoi elle ressemblait. « Ca me ferait plaisir de la rencontrer un jour, en tout bien tout honneur évidemment. » précisait-elle comme il avait pu le faire. « et de vous jalouser un peu, je dois l’admettre. » qui ne jalouserait pas ce bonheur touché du doigt ?
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« Je t’en veux pas, c’est pas grave, je te sais occupé. » L’arrivée toujours assez récente de Nathan dans ma vie, sa maladie, la greffe de moelle osseuse, voir les filles grandir et devoir commencer à leur inculquer de bonnes valeurs dès maintenant, la naissance de Mael sans oublier devoir gérer l’Interlude. Oui, mes journées sont généralement bien remplies et n’ayant que très peu de temps libre, dès que j’arrive à me libérer pour avoir du temps pour moi c’est généralement avec ma femme que j’ai envie d’être. Deborah a avancé dans sa vie et moi également, et nos occupations ont fait que nous n’avons pas franchement eu le temps de maintenir le lien. C’est la vie malheureusement, mais cette soirée nous permettra sûrement de ne pas refaire la même erreur. « Tu es sûrement le seul à avoir du mal à réaliser qu’elle est ta femme. » Je pense que la plupart des gens qui nous aperçoivent dans la rue doivent avoir du mal à croire que nous sommes mariés. Alex est belle. Alex est sexy, elle est rayonnante et nombreux sont les regards qui se tournent vers elle. Ce qui ne me plait pas, je dois bien l’avouer. Je suis jaloux, je l’ai toujours été mais je pense qu’avec Alex je le suis d’autant plus parce que je me suis toujours rendu compte à quel point elle mérite mieux. « Toi aussi tu es beau. C’est surtout ça que tu n’arrives pas à réaliser. Et dans tous les sens du terme en plus. Il faudrait être idiote pour ne pas sauter sur l’occasion d’être ta femme. » Je n’ai jamais été très à l’aise avec les compliments, sûrement parce que j’ai beaucoup de mal à voir en moi ce que les autres semblent voir. Contrairement à ce que Deborah me dit j’ai pour moi une liste de défauts interminable alors que celle de ma femme est toujours vide. Un petit rire s’échappe de la barrière de mes lèvres, un rire gêné sans aucun doute alors que je secoue doucement la tête. « Tu es sûre que c’est bien de moi dont tu parles ? » que je lui demande d’un ton léger. Non je ne me trouve pas beau. Clairement pas, et j’ai toujours eu beaucoup de mal à croire qu’on puisse le penser.
C’est avec un petit rire que Deborah me répond et si cela peut sembler anodin je le prends pour une petite victoire. « Tu sais exactement à quoi je pense mais promis j’arrête. » Sa réponse me fait sourire oui, mais il y a bien des choses auxquelles elle pourrait être en train de penser. « Je ne suis pas sûr de vouloir savoir exactement ce qui te fait fantasmer chez ma femme même si je pense avoir une petite idée. » Ses yeux, sa poitrine ou ses fesses, ces parties de son corps que j’aime tout particulièrement et il y a clairement de quoi. « C’est qu’il est jaloux le Anderson, un tigrou qui peut mordre finalement. » Sa réponse me fait doucement rire. « Oh si tu savais… D’ailleurs je crois que c’est l’un de mes plus gros défaut. Je suis très jaloux. » Et possessif. Mais ça, Caleb, c’est directement lié à ton manque cruel de confiance en toi. Chaque homme un peu trop proche de ta femme est perçu comme étant une potentielle menace. Pourtant tu sais que ta femme t’aime mais c’est plus fort que toi. « Tu me connais, je suis une fouine et l’algorithme des réseaux sociaux sont de mon côté pour étancher ma soif de curiosité. » J’hoche doucement la tête, n’y connaissant de toute façon rien au monde des réseaux sociaux. « Ca me ferait plaisir de la rencontrer un jour, en tout bien tout honneur évidemment. Et de vous jalouser un peu, je dois l’admettre. » « Pour que tu puisses fantasmer en direct live ? » C’est bien évidemment sur le ton de l’humour que je lui pose cette question et présenter les deux femmes me ferait aussi extrêmement plaisir. Arrivés devant l’immeuble de mon amie, une fois la voiture garée je descends rapidement pour ouvrir la portière à Deborah et l’aider à ressortir de la voiture sans tomber. « Attention au trottoir. » je la mets en garde afin d’éviter qu’elle ne perde l’équilibre. Afin de m’assurer qu’elle rentre chez elle en toute sécurité je décide de la raccompagner jusqu’à son appartement. « J’espère que tu as de l’aspirine pour demain matin. » Parce que sinon la matinée risque d’être bien compliquée pour la jeune femme.
Like a question without an answer, like music without its dancers. Like a bird without a song, tell me where did it all go wrong. Like a frame without a picture, like God without a scripture, like me when I know you're gone, tell me where did it all go wrong.
C’était à son tour d’avoir un léger rire qui passait le seuil de ses lèvres. En lui demandant si elle était sûre qu’elle parlait bien de lui… « … tu ne fais que confirmer ce que je viens de dire. Tu es le seul à ne pas le voir. » et elle ne comptait pas sur ce soir pour tenter de le convaincre. Déjà parce qu’elle n’avait pas toute sa tête pour ça, ensuite parce que la fatigue commençait sérieusement à se faire ressentir (donc loin d’elle l’idée de vouloir débattre sur quoi que ce soit) et enfin parce qu’elle savait qu’un manque de confiance en soi ne pouvait pas se soigner avec les mots des autres. C’était un travail à faire sur soi, souvent de longue haleine. Certes, les autres autour de lui pouvaient aider mais ils n’étaient pas les déclencheurs principaux de ce genre de changement. Il faut le vouloir et travailler dessus pour y parvenir. Drôle de pensée quand elle se sentait incapable de le faire pour elle-même ces derniers temps.
« Je ne dirais rien sans la présence d’un très bon avocat. » disait-elle en le pointant du doigt, d’un air convaincu d’être dans son bon droit de ne pas révéler ce qui la fait fantasmer chez la femme de Caleb. Il était, de toute façon, préférable de ne pas trop s’y attarder. Comme il le soulignait si bien, il était très jaloux (maladif peut-être ? Son manque de confiance en lui-même y était pour quelque chose en tout cas, c’était certain) et ce n’était pas le but de Deborah de le mettre dans un tel état. Pour blaguer oui, pousser trop loin, non. En avait-elle un, de but, de toute façon ? Le doute était permis. Cette conversation avait commencé sur base de rien. Elle lui avait balancé cela de but en blanc, sans aucun lien avec la conversation précédente. Parler d’autre chose que de sa dépression, ne pas s’y attarder, feinter son esprit en glissant sur d’autres sujets loin d’elle-même. Il était sûrement là son but. « Noooooon, j’oserais pas. » Fantasmer en direct live, comme il dit… pas en sa présence en tout cas, elle aurait au moins cette décence-là. « Je me contenterais de jalouser votre amour, promis. » disait-elle avec un peu trop d’honnêteté probablement, son cœur d’artichaut en manque cruel d’un compagnon ou d’une compagne.
Parler d’autres choses lui faisait du bien. Pourtant, chassez le naturel et il revient au galop, n’est-ce pas ? En se rendant compte qu’ils étaient déjà dans sa rue et qu’elle se réveillerait seule le lendemain, une fois de plus, Deborah se refermait de nouveau comme une huître. Un huis-clos qui la bouffait de l’intérieur mais qu’elle ne savait pas comment gérer autrement. Avec l’aide de son ami, elle sortait du véhicule et faisait attention au trottoir comme il le lui demandait (trop sûrement puisqu’elle mettait bien dix grosses secondes à positionner ses pieds correctement pour être sûre de ne pas chuter. Comportement résultant de son alcoolisation, sans aucun doute). Bras dessus, bras dessous, les deux comparses prenaient le chemin de l’appartement de Deborah. Non sans envie de vomir sous l’effet de l’ascenseur, ils arrivaient tout de même à bon port face à sa porte d’entrée, la difficulté se trouvant à présent de trouver ses clés dans son sac. « Très sincèrement, j’en sais rien. » parce que son esprit, depuis des semaines, se contentait d’alcool pour oublier et de somnifères pour endormir son corps mais aussi ses maux. Tant qu’elle avait les deux en quantité, c’est tout ce qui lui importait. Le reste, elle n’était pas sûre de l’avoir dans son armoire à pharmacie.
Le cliquetis de la porte se faisait enfin entendre. Elle entrait en première, laissant la porte ouverte derrière elle pour que Caleb la suive : elle n’avait pas oublié, il avait pour mission de rester avec elle le temps qu’elle s’endorme. « J’aurais préféré que tu ne vois pas ça. » La honte se lisait avec aisance sur son visage : l’appartement était dans un bazar général. Les bouteilles d’alcool vides s’accumulaient sur la table basse, cachant un cendrier trop plein (alors qu’elle ne fumait jamais dans son appartement habituellement). La cuisine ouverte était un peu plus ordonnée, dans le sens où rien ne traînait sur les comptoirs mais le tout était sale dans un évier vomissant un trop plein de vaisselle (majoritairement des verres pour être exact). N’y prêtant pas attention, elle se dirigeait naturellement vers la chambre. L’état n’était franchement pas mieux. Si les draps n’étaient pas sales, le lit n’était pas fait pour autant. Des vêtements s’accumulaient au sol dans un coin. Elle ne prenait même pas le temps de les porter jusqu’à sa machine à laver (il fallait dire qu’elle était déjà tout aussi pleine que son évier).
Pas pudique pour un sou, elle se débarrassait de ses vêtements, ne gardant que sa culotte avant d’enfiler un t-shirt bien trop grand pour elle mais qui lui permettait, encore une fois, de cacher ses formes de femme enceinte qu’elle ne voulait pas voir. Elle ne prenait pas le temps, une fois de plus, de passer par la salle de bain pour aller voir si elle avait des aspirines ou même encore pour se laver les dents et le visage. A quoi bon ? Si elle s’y rendait, elle serait de toute façon incapable de résister à l’appel des somnifères pour s’endormir au plus vite et même alcoolisée, elle avait bien conscience que le mélange de ces derniers et de l’alcool n’était pas idéal (quand bien même, elle se surprenait parfois à penser que ça serait une bonne chose de s’endormir sans savoir se réveiller le lendemain). « Si je mets vraiment trop de temps à m’endormir, te sens pas obligé de rester surtout. J’imagine que ta femme t’attend avec impatience. » Et ça lui serrait un peu le cœur de penser que personne ne l’attendait de son côté désormais.
nightgaunt
@Caleb Anderson Je pense que tu peux conclure à ta réponse suivante si tu le souhaites Je voulais le faire de base mais le rp allait faire trois kilomètres