Sa tête dit oui mais le reste de son corps dit non. C’est Bernis qui t’aide à le diriger vers le van et c’est Shelley qui te glisse la carte dorée de Jordan dans la main. Tu la mets dans ta poche en les remerciant tous les deux. Shelley et Bernis connaissent bien tes parents, ils ont grandi ensemble et tu as déjà joué avec leur fille quand t’étais petite. Bernis est du genre enveloppé mais au visage sympathique quand Shelley paraît d’une autre époque avec ses cheveux blonds retenus dans un brushing digne des années 50. Ils vous ont vu ici et là ensemble et l’état de ton compagnon les avait suffisamment inquiétés pour te contacter. Tu leur en es reconnaissante, même si tu n’as aucune idée de comment tu vas faire à la maison pour le trimbaler jusqu’à la chambre. En haut. Chaque problème en son temps. Pour l’instant, Jordan est une épave à côté de toi et même le bruit de la voiture ne semble pas le perturber. Tu pries seulement pour qu’iel ne se mette pas à vomir - car il est clair que si ses boyaux se vident dans ton van, ça sera à lui de nettoyer.

Tu as répété mille et une fois à Jordan “need your help”, “come on”, “almost done” sur le trajet du van jusqu’à ta chambre. Pour une fois, tu as maudit sa taille qui est une vraie contrainte alors qu’iel est un poids lourd qui ne met pas beaucoup de bonne volonté. C’est injuste que lui peut te prendre dans ses bras aussi rapidement, aussi facilement tandis que toi, tu peines à le maintenir contre toi. Si Jordan s’endort lourdement, tu peines à trouver le sommeil. Tu tournes un moment, tu le regardes beaucoup. Tu t’attends à ce qu’iel file dans la nuit pour aller merlin sait où. Tu finis par te coller à lui, quitte à supporter ton haleine alcoolisée, mais au moins, t’es sûre qu’iel est là. Sa carte est toujours dans la poche de ton jean utilisé la veille, t’as pas eu la présence d’esprit de la remettre dans son portefeuille. Par contre, tu as pensé à mettre une bouteille d’eau et un cachet sur la table de chevet de son côté du lit. Tu es toujours dans le lit quand t’entends Jordan humer mais tu sens surtout les pattes de Milady qui te passent sur le bras. Tu bailles légèrement en te tournant sur ton flanc, te prenant la fourrure de ta fille en plein visage. Tu frottes ton nez contre en souriant, tendant ton bras pour que ta main aille chercher la présence de Jordan alors que t’as toujours les yeux clos. Elle atterrit sur son torse, tu supposes et tu réalises dans une pensée réconfortante. Tu n’oses juste pas parler si iel dort toujours. Tu n’as pas envie de le réveiller.

Tu bouges pas ou seulement quand Milady est un peu trop sur tes narines et que ça va t’empêcher de respirer son affaire là. T’es plutôt claustrophobe sur les bords et quand tu prends la peine d’ouvrir les yeux tu les refermes aussitôt. Et puis tu sens la main de Birdie sur ta personne alors que Milady est toujours en train de te lécher bon train. Oui, toi aussi t’as envie d’une douche, tu te sens totalement misérable là. Mentalement, physiquement, ça fait bien longtemps que tu ne t’étais pas senti comme ça. Quand tu trouves enfin la force d’ouvrir les yeux tu cherches Birdie du regard. Le dernier truc que tu te souviens c’est commander un n-ième verre au bar en ville. Au village plutôt. Tu peux décemment pas dire ville tellement c’est petit ici. Tu sais pas comment tu as fait pour rentrer mais tu es en vie, elle aussi, donc tout va bien. C’est tout ce qui te préoccupe car ton cerveau n’a pas assez de force pour chercher plus loin que les bases.

Quelques heures plus tard tu auras pris le cachet qu’elle a mis à côté pour toi. Tu auras pris une douche, enfin, et tu seras en train de changer les draps du lit. Tu comptes faire tourner une machine avec ton linge de la veille et les draps. Tu vas mettre des nouveaux draps tout propre aussi et tu vas t’asseoir sur le lit, le regard perdu dans le vide. T’es tristement en train de voir le bon côté des choses, tu n’es plus décalé, c’est tout juste la mi-journée là. Tu restes dans le silence car c’est surtout ça que tu as besoin là. T’as pas honte de t’être mis la mine mais tu te rends bien compte que t’es sur une sale pente. Tu sauras gérer mieux qu’hier soir, tu le sais, tu es en train de t’en convaincre. C’était un truc d’une fois. Tu as pris la liberté de boire jusqu’à la cuite, chose qui ne t’était pas arrivé depuis 2020. Ta règle des un verre par jour était là pendant un bon moment avant que tu ne t’arrêtes complètement. C’est comme en 2016 quand tu as gagné ton fric au poker. Tu t’es fait une dernière soirée avec des substances de qualité avant d’arrêter une bonne fois pour toute. Tu te passes les mains sur le visage alors que tu soupires doucement et tu t’allonges sur le lit tout propre, tout frais. Le lit, et toi t’es propre, mais pas très frais. Tu entends les bips de la machine à laver qui annonce qu’elle est terminée. Tu te lèves pour prendre le tout et tu comptes aller étendre ça dehors.

Tu ne bouges qu’à peine car t’es rassurée de sentir aussi bien Milady que Jordan sous ta main et ton nez. Tu ne vois pas Jordan qui finit par poser ses jolies prunelles claires sur toi mais tu sens sa respiration régulière d’un sommeil fini. Tes nerfs ont visiblement joué sur ton sommeil car tu as l’impression de pouvoir rester écrasée là encore pendant des heures. L’air d’Elimbah, tu te répètes. Ce n’est pas de la faute de Jordan, non. Jordan ne va pas bien, Jordan doit souffrir d’une façon ou d’une autre, Jordan fait du mieux qu’iel peut. Tu n’as pas été mieux dans le passé - mais jamais tu n’as été dans un bar pour te prendre une cuite seule, Birdie. Là n’est pas le sujet, selon toi. Jordan a voulu te préserver. C’est ça que tu te dis. Même si ça n’a pas de sens car au final, tu l’as vu dans un état lamentable comme jamais tu ne l’as vu. Tu te convaincs que ça ira. Tu es là pour lui autant qu’iel a été là pour toi. Tu seras suffisante. N’est-ce pas ?

Alors pourquoi tu continues à enchaîner les cigarettes comme un véritable pompier ? La poitrine camouflée dans une simple brassière, un short ne pouvant camoufler tes jambes de la douceur de la journée, tu es dehors, assise sur un tronc d’arbre coupé, les jambes en tailleur et les yeux fermés. Le seul geste qui prouve que tu n’es pas en train de t’endormir est celui de ta main qui entraîne ton mégot entre tes lèvres. Tu essaies de t’interroger. D’appréhender si oui ou non tu ressens vraiment quelque chose de mauvais en toi. Des ondes négatives apportées par ce décès. De ce corps que tu as vu sans vie. De l’inertie perpétuelle de Jordan depuis des jours. Est-ce qu’iel sera de nouveau comme avant ou c’est foutu pour foutu ? Et toi, où est-ce que tu te places, dans tout ça ? A part être spectatrice, tu n’as pas grand rôle. Tu essaies d’être son pillier au moins. C’est bien. C’est positif.

Tu entends des pas fouler l’herbe non loin de toi et tu ouvres tes paupières pour tourner la tête et voir Jordan qui étend le linge. Tu as envie de lui demander comment ça va mais tu as l’impression de lui demander ça dix fois par jour. Alors tu préfères penser à autre chose. Tu n’aimes pas cette sensation de marcher sur des œufs. De prendre le risque de ne pas avoir de réponse ou pire, d’en avoir une trop virulente. Non, Jordan ne sera pas virulent. Iel ne l’a jamais été. Même dans le mal, c’est impossible, n’est-ce pas ? Tu passes ta langue sur ta lèvre avant de te lever de ton tronc pour t’approcher de lui. Tu as un léger sourire sur les lippes alors que t’y coinces ton mégot, t’adossant bras croisés contre l’arbre le plus proche. “C’est gentil d’avoir changé les draps. J’ai horreur de ça.” Sans déconner, Cadburn, personne ne s’en serait douté. “A propos de la tournée, ça passe par quelles villes ? Y’a combien de concerts ? Petites ou grandes salles ? C’est un groupe ?” C’est le sujet qui te vient en tête rapidement pour ne pas laisser un silence planer. I miss you, que tu penses alors que tes yeux le scrutent. Tu es beaucoup trop sur le qui-vive ces derniers jours. Tu t’attendais à ce qu’iel craque un moment, non ? C’est ce qui s’est passé hier. Tu as la volonté de croire que ce n’était que l’affaire d’une seule fois. On parle de Jordan, après tout.

Tu l’as vu elle est là, pas loin, Birdie. Tu as senti son regard sur toi tout à l’heure. Ce regard remplis d’interrogation et cela à juste titre. Car toi même tu t’en poses un tas de question alors que c’est de toi dont il est question. “C’est gentil d’avoir changé les draps. J’ai horreur de ça.” Toi c’est ce qui te fait du bien là. Comme si tu nettoyais le bordel de la veille. Ca n’efface rien, c’est sûr, mais ça fait du bien dans ta tête. Les tâches ménagères ont toujours eu cette force là chez toi. Faudrait répondre quelque chose Jordan. T’as une langue, t’as plus autant mal à la tête. Mais elle enchaine et ta voix intérieure la remercie car tu ne savais pas quoi dire qui n’aurait pas eu l’air forcé ou pathétique. “A propos de la tournée, ça passe par quelles villes ? Y’a combien de concerts ? Petites ou grandes salles ? C’est un groupe ?” Et le sujet qu’elle choisit est la chose la plus parfaite du monde.

Tellement parfaite que tu es touché en plein coeur alors que tu mets la dernière épingle sur ton bas de jogging. Tu baisses le visage et tu caches tes yeux avec ta main alors que les larmes sont là en un temps record. Quelques gros sanglots sortent de ta personne et si Birdie n’est pas venue jusqu’à toi, c’est toi qui ira vers elle en essuyant tes yeux grossièrement afin de voir où tu te diriges. Ca n’arrête pas les larmes mais tu as besoin d’aller la serrer contre toi car tu l’aimes plus que tout. Elle n’essaie pas de te blâmer pour quoi que ce soit alors que personne n’est dupe de la grosse différence actuelle: tu n’es plus sobre. Tu laisses l’émotion te traverser et tu restes dans ses bras le temps où tu te calmes doucement doucement. C’est la beauté de votre retraite à Elimbah, personne pour vous déranger, ni personne qui vous attend nul part. Vraiment l’impression d’être dans la salle des temps dans Dragon Ball Z ici, pas la première fois que tu le penses, toujours bien trop réel.

Après avoir repris tes esprits tu te détaches un petit peu pour essuyer tes yeux. Tu utilises la manche de ton t-shirt manches longues pour se faire. Le contraste entre tes fringues et ceux de Birdie est saisissant mais c’est pas dans tes journées noirs où tu te sens le mieux dans ton corps oh non. Bien loin de là. Mais y’a tes yeux qui vont chercher ceux de Birdie car t’as pas honte d’avoir replongé, c’est la réalité. « Tu mérites toutes les fraises tagada du monde… » Tu as un sourire aux lèvres et tu renifles légèrement. « I’m sorry I’ve been an asshole… » Que tu ajoutes en même temps que ton sourire se fane. Tu retournes frotter tes yeux de ta manche. Officiellement pour essuyer les larmes qui sont encore un peu dans le coin, officieusement pour te cacher ouais.

En parlant de la tournée, tu aurais pensé avoir une réaction de sa part. De l’entendre s’enjailler sur ce qui vous attend. Sur ce qui est prévu. Que Jordan te liste avec entrain ce que vous allez faire, les endroits que vous allez voir. Mais à la place, tu l’observes passer sa main sur son visage, ses épaules redescendre et son dos se voûter ; Jordan est en train de se mettre à pleurer. Ton être tout entier dégringole de nouveau de l’intérieur, t’en voulant d’avoir provoqué une telle réaction chez lui alors que tu souhaitais seulement le distraire. “Jor… I’m sorry, I didn’t…” Tu n’as même pas le temps d’arriver à lui que ton partenaire est déjà contre toi. Tu rages silencieusement encore une fois sur votre différence de taille qui t’empêche de l’atteindre comme tu le souhaites. Tu as écarté ton mégot de la trajectoire et tes bras le tiennent fermement contre toi autant que Jordan le désirera. Tu n’aimes pas le voir pleurer mais c’est un mal nécessaire. Tu préfères le voir pleurer qu’ivre comme hier. Sarcastique et cassant comme hier. Tu ne vas pas le blâmer car il n’y a rien à blâmer. C’est compliqué, c’est dur mais c’est le meilleur moment où vous avez besoin l’un de l’autre. Les célébrations pour votre première réelle année ensemble auraient pu être meilleures que ça mais tu n’y penses pas. Tu embrasses son torse avant de poser ta tête contre lui, le berçant maladroitement de ta petite taille dans la sienne si grande.

Quand iel se détache, c’est pour mieux essayer son visage avec sa manche. Il fait frais mais Jordan avait réussi à faire des efforts à Elimbah. Une technique de protection, t’en es persuadée. Tu lèves tes prunelles sur lui, ne quittant rien de ses gestes, laissant ta cigarette mourir et se sécher entre tes doigts. « Tu mérites toutes les fraises tagada du monde… » Tu sais très bien de quoi Jordan parle. A quoi iel fait référence. Pour la nervosité que tu as eu hier soir, il est clair que tu les aurais mérité. « I’m sorry I’ve been an asshole… » Tu soupires légèrement en passant ta main libre sur son torse pour l’y caresser doucement. “Yeah, you were. But I was too here and there. It’s only fair and square.” Tu lui as dit des choses bien plus cruelles sous l’effet de la colère. Tu as fait amende honorable. “Tu vis un moment délicat. Ne te blâme pas pour ressentir les choses comme elles viennent. Il te faut du temps.” Même si tu ne sais pas combien de temps ou à quelle hauteur vu que tu ne sais toujours rien sur son histoire avec son père. Tu ne vas certainement pas poser la question maintenant. “Tu veux en parler ?” Tu ne sais pas trop de quoi mais tu lui laisses le choix. Du oui ou du non. Du peut-être ou du probablement. Du sujet aussi. De ce qui se trame dans sa tête. Dans son corps. Dans ses pensées, ses incertitudes, ses larmes. Tu poses juste ça là, tranquillement. Notant que la situation s’inverse ; toi qui as peur que Jordan se ferme comme une huître. C’est étrangement plus simple quand c’est la situation inverse. C’est plus facile d’être la tortue qui se replie sur elle-même que le bâton qui vient la titiller.

“Jor… I’m sorry, I didn’t…” Si tu l’entends c’est à peine et c’est bien rapidement que tu te retrouves dans ses bras à pleurer pour changer. Mais tu as raison, ça doit sortir. Il ne faut pas bloquer tes émotions ou ce sera encore pire. Tu te laisses traverser comme tu as appris à le faire depuis des années. C’est encore mieux quand on a une Birdie Cadburry qui vous tient contre elle. Elle te berce, elle est la plus douce de tout Elimbah. Faut dire qu’ils doivent être 16 à tout casser - not really.

Tu t’excuses et elle vient poser sa main sur toi alors que tu es encore à te frotter les yeux. “Yeah, you were. But I was too here and there. It’s only fair and square.” Tu hoches la tête par automatisme et lui faire comprendre que tu l’as entendu que réellement pour confirmer qu’elle a été une bitch elle aussi. Même si oui, c’est vrai. Tu trouves ça vraiment trop beau que ce soit ça sa réponse à tes mots. Elle te jette aucune pierre et vous met dans le même sac. The best bag. Parce que vous y êtes ensemble. T’es cheesy Jordan…“Tu vis un moment délicat. Ne te blâme pas pour ressentir les choses comme elles viennent. Il te faut du temps.” Tu l’aimes si fort c’est incroyable. Elle est parfaite et tu comprends pas dans quel monde tu as une chance pareille… Tu sais pas quoi répondre à tout ça car t’es fortement touché et y’a juste rien à ajouter. Ses mots te font du bien.

“Tu veux en parler ?” Ceux là tu pensais pas qu’ils viendraient mais elle ose Birdie. Tes yeux qui vont retrouver les siens alors que tu as arrêté de te frotter les paupières. Elles sont bien rouges ouais, tu fais bien d’arrêter de les torturer. « I just… I wanted to get a few bottles for here instead of going into your stuff I mean… I don’t even know if it’s your stuff, it could be your siblings’. » Yep yep yep Jordan, continue, c’est bien. « I just needed a few drinks so I can sleep… » Tu soupires en ayant l’impression d’avoir ôter un truc énorme de tes épaules sans véritable raison. Oui, tout ça a commencé à cause de ces quelques verres volés au milieu de la nuit l’autre soir. Ces verres qui t’ont autant reposé que brisé ta sobriété. Pour la bonne cause. « Anyway, I’ll go get some today. » Que tu annonces pour que ce soit établit que nope, tu ne vas pas chercher à arrêter pour l’instant. Tu en as besoin. « I’ll get your sweets too. » Que tu ajoutes alors que tu vas prendre doucement sa main. « And I come back right after. » Que tu ajoutes pour la rassurer… Tu ne vas pas te cacher pour boire, c’était pas le plan du tout. T’as juste vrillé.

Le regard est assuré et fixé sur lui mais l’intérieur est incertain. Est-ce que Jordan va se rebiffer ? Est-ce qu’iel va se remettre dans sa coquille et redevenir muet ? Tu espères qu’iel va s’exprimer. Tu as besoin qu’iel parle, tu as besoin de savoir ce qu’il se passe dans sa jolie tête pour pouvoir comprendre, appréhender, accepter. Surtout pour pouvoir t’attendre à ce qui peut arriver. Tâter le terrain pour jauger à quel niveau Jordan peut être, même si tu ne peux que suggérer sans savoir réellement. Tu n’es toujours pas voyante et bordel que t’aimerai l’être maintenant plus que jamais. Alors tes yeux levés vers lui sont teintés d’une lueur d’espoir face à cette porte ouverte que tu lui donnes. A lui de rentrer dedans ou de la renfermer comme iel a refermé la porte hier soir.

En tout cas, tu sais qu’iel t’a entendu car son frottement sur ses yeux s’arrêtent et tu peux constater à quel point ils sont rouges. Tu fais une moue en levant ta main de son torse à sa joue ; voir sa moitié en détresse n’a rien d’amusant. « I just… I wanted to get a few bottles for here instead of going into your stuff I mean… I don’t even know if it’s your stuff, it could be your siblings’. » Tout appartient à tout le monde, outre indication contraire et les chambres sont la limite. Mais tu ne dis rien car là n’est pas le sujet. Jordan voulait spécifiquement acheter des bouteilles. Pas une, oh non. Quelques unes. « I just needed a few drinks so I can sleep… » Mais est-ce que tu peux le blâmer quand tu l’entends dire ça ? Le moment d’aller dormir est toujours le plus compliqué. C’est là où la garde se baisse et où les voix, les mauvaises, les perfides, viennent s’insinuer dans votre cerveau pour vous propager leur poison. Ce n’est pas pour rien que tu détestes ce moment. Que tu as des lumières allumées. Que tu te raccroches à tes peluches ou à un corps solide. Et quand la pression est trop forte, c’est par un petit joint que tu calmes tout ça. Tu sais ce que c’est. Ce n’est pas pour autant que ça apaise tes craintes. Même si vous pouvez trouver d’autres solutions, non ?

« Anyway, I’ll go get some today. » Ton intérieur a l’air de se décomposer de nouveau ; ce n’était pas l’affaire que d’une seule soirée ? Que d’un moment fugace ? Ça peut sûrement se voir sur tes traits que ton visage aussi se décompose un peu. « I’ll get your sweets too. » Oh mais tu t’en fous, de tes bonbons, tu peux aller les chercher toute seule. Visiblement, tu vas en avoir besoin. I’m stress eating, oui, je sais. « And I come back right after. » “You promise ?” Ta voix est si petite. Mais quitte à boire, tu préfères que Jordan soit dans la sécurité de ta maison. Là où tu peux veiller sur lui. Là où le monde ne peut pas lui faire de mal, même par mégarde. Il y a une voix qui te dit que tu n’es pas suffisante mais qu’il ne faut pas être égoïste. Ça n'a rien avoir avec toi, même si tu ne sers visiblement à rien. A part garder un œil sur lui. Tenter de lui prouver que t’es là - mais c’est pas suffisant, apparemment. Oh les insécurités reviennent, ce n’est vraiment pas le moment.

Tu déglutis en baissant la tête. “I don’t like this road, Jordan. I respect it but I don’t like it.” L’utilisation de son prénom n’est pas anodine. Jamais ça ne l’est. Tout d’un coup, tu aurais envie de retourner à Brisbane. Tu as des aides, là-bas. Tu as du soutien qui peut arriver en un coup de fil. J’espère que Jordan ne va pas ternir le havre de paix qu’est Elimbah. Tu ne sais pas à quoi t’attendre. Alors forcément, la positivité se barre et tu crains le pire. Mieux vaut dans ce sens que l’inverse de toute façon. “T’as fait tellement d’efforts pour en arriver là où t’en étais et tu laisses tout vriller pour… Je sais même pas pourquoi, d’ailleurs. Je ne cherche pas à te pousser à me le dire, tu peux m’en parler quand t’en ressentira l’envie. Mais je sais pas quoi faire. Et là, tu me dis que t’as besoin de picoler pour aller mieux et je… J’aime vraiment pas ça.” Mais tu vas l’accepter car tu n’as pas le choix. Jordan a choisi son arme, son vice, sa solution. Ce n’est pas toi, ce n’est pas sain, ce n’est pas tranquille. Ce n’est pas non plus la musique. Tu te demandes si ça a été une bonne idée de venir à Elimbah, finalement. Pour une fois, tu te dis que ça a eu l’effet inverse que souhaité. Tu n’aimes pas ces pensées. Tu ne veux pas qu’Elimbah soit terni dans ta tête. Tu finis par poser ton front contre son torse en fermant les yeux. “I need you, Jor. And you need me. Don’t let your demons tear us apart.” Après tout, c’est bien ta peur la plus fondamentale, là, n’est-ce pas ? Que Jordan devienne une autre personne, qu’iel s’éloigne de toi, que tout ce que vous avez bâti jusqu’à présent parte en fumée. C’est impossible que toi tu le laisses partir, pas après tout ce que vous avez traversé. Mais toi, tu sais gérer tes démons, maintenant. Tu apprends à vivre avec. Jordan aussi mais là, iel a l’air de tout faire vriller. Tu espères que ce n’est que pour un temps. Seul l’avenir pourra le dire. Jordan est trop précieux et important dans ta vie pour que tu le laisses s’envoler. Tu te battras avec et contre lui s’il le faut. Mais c’est ton partenaire. Ta moitié. Tu l’aimes pleinement et entièrement. Avec ses forces et ses faiblesses. Tu ne le laisseras pas tomber. Qu’importe ce qui arrivera. Tu as déjà connu cette situation avec d'autres personnes avant. Mais c'est la première fois que ça arrive avec quelqu'un que tu aimes. Et c'est là toute la différence.

“You promise ?” Elle est inquiète, à juste titre vu ce que tu lui as fait vivre la veille. « I promise. » Et tu ne fais jamais de promesses à la légère. Surtout qu’en y repensant ton départ hier sonne plutôt similaire à la dernière fois que tu as vu Rosa dans toute sa santé. Heureusement que la suite n’est pas aussi tragique. Birdie est toujours bel et bien là. Saine et sauve. Mais inquiète et elle ne cache rien sur l’expression de son visage qu’elle est en train de dérober à toi en l’inclinant vers le bas. I’m sorry baby… “I don’t like this road, Jordan. I respect it but I don’t like it.” Ah. Comme si tu l’aimais toi cette route là.  “T’as fait tellement d’efforts pour en arriver là où t’en étais et tu laisses tout vriller pour… Je sais même pas pourquoi, d’ailleurs. Je ne cherche pas à te pousser à me le dire, tu peux m’en parler quand t’en ressentira l’envie. Mais je sais pas quoi faire. Et là, tu me dis que t’as besoin de picoler pour aller mieux et je… J’aime vraiment pas ça.” Tu restes interdit face à ses mots. Tu préférais quand elle faisait genre y’a rien à mentionner et parler de la tournée à venir. Elle se cale un peu plus contre toi. “I need you, Jor. And you need me. Don’t let your demons tear us apart.” Pourtant vous êtes dans les bras l’un de l’autre là ? Qu’est ce qu’elle raconte ? Tu sais même pas quoi dire là pour être honnête.

« I’m sorry you don’t like it cos I truly love it myself for sure. » Oh. Le sarcasme qui est de retour. Pas bon ça. Pas bon du tout. Tu soupires et va te frotter les yeux. « You really think I’m happy I threw away 258 days of sobriety ? Really ? I just needed a few drinks to sleep, I’m not gonna go dead drunk everyday. It was not planned, I just snapped yesterday ok ? » Un peu comme là Jordan non ? Fuck you. « Why are you talking about us being torn apart ? Is this a threat? Like you can tell me horrible things when you’re mad and you can get drunk and I come pick you up but as soon as it’s me it’s tearing us apart ? That’s not fair Bird. Why you telling me this ?? Is this a warning you’re gonna leave soon? Cos ok thanks for the heads up. I appreciate it. »  Jordan, tais toi. Tu ne pourras pas la blâmer si elle ne sait pas gérer et qu’elle ait envie de s’éloigner de toi. I’m the worst.

« I promise. » Tu as un léger sourire, celui qui veut être rassurant. Tu le crois. Tu l’aimes donc tu le crois. Ce n’était qu’une erreur, hier. Ça ne recommencera pas. Tu as foi. Même en lui. Toujours en lui. Ton nez contre lui, contre l’odeur du shampoing, contre sa fraîcheur nouvelle qui a effacé toutes les traces de sa déchéance d’hier. Jordan a le droit de vriller. Ce n’est pas interdit. Tu aimerais seulement qu’il n’y ait pas cette vibration autour de vous.

« I’m sorry you don’t like it cos I truly love it myself for sure. » Et là, ce n’est plus une vibration. C’est carrément un virage pris par son ton qui t’indique avec toute la froideur possible à quel point tes propos sont stupides. Une phrase et tu te détaches de lui pour lever tes prunelles sur son visage. L’incompréhension se lit sur le tien. L’air change. Tu n’aimes pas ça non plus. Tu as été maladroite. « You really think I’m happy I threw away 258 days of sobriety ? Really ? I just needed a few drinks to sleep, I’m not gonna go dead drunk everyday. It was not planned, I just snapped yesterday ok ? » Tu serres tes lèvres. Il est hors de question de te mettre à pleurer. Est-ce que la colère serait mieux ? Non plus. Tu déglutis. Tu hoches silencieusement la tête. Oh Birdie. Tu as été stupide. Evidemment que Jordan n’aime pas non plus cette trajectoire. Seulement, tu ne t’attendais pas à avoir une réponse aussi acerbe. Aussi cassante. Ce n’est pas le Jordan que tu fréquentes depuis un an. C’est une partie de lui que tu ne connais pas, celui d’avant. Tu es arrivée au meilleur moment de sa vie mais là, ça s’assombrit. Tu mords ta joue et tu ne répliques pas. Tu ne veux pas qu’iel se casse de la sorte trop souvent. Mais c’est nécessaire visiblement. Juste pour dormir.

« Why are you talking about us being torn apart ? Is this a threat? Like you can tell me horrible things when you’re mad and you can get drunk and I come pick you up but as soon as it’s me it’s tearing us apart ? That’s not fair Bird. Why you telling me this ?? Is this a warning you’re gonna leave soon? Cos ok thanks for the heads up. I appreciate it. » Mais ça, par contre… Ca, tu ne peux pas rester silencieuse. Tu ne peux pas le laisser croire que tu vas partir. Ni même que sa comparaison est juste. “Jamais tu n’as eu à venir me chercher parce que je me suis enivrée toute seule au bar.” Ta voix est posée et ta tête baissée alors que tu repenses à tous ces instants où tu avais effectivement trop bu. Jamais ce n’était juste pour boire. Jamais tu n’as utilisé l’alcool pour éteindre les voix dans ta tête. C’est toujours en soirée. Accompagnée. Jamais seule. Il n’y a rien de plus triste. Ton coeur commence à s’accélérer autant que tes poumons se compressent mais tu trouves quand même la volonté de lever les yeux vers lui. “If you think I'm gonna leave you because of all this shit, it means you don’t know me that well.  I don’t care if I'm going to be a pain in the ass but I care about you. I'm fucking here and I won’t let you fall without doing nothing. Because I fucking love you and I don’t abandon people I love.” Tu déglutis alors que ta voix se voulant posée vibre quelques instants ici et là. Tu recules d’un pas. Comment iel peut penser que tu vas l’abandonner ? Le laisser sur le carreau ? C’est une de tes craintes mais certainement pas une de tes aptitudes. “Maintenant, je vais fermer ma bouche car j'ai l'impression que tout ce que je dis est mal interprété. Je veux seulement que tu sois en sécurité et garder un œil sur toi. Parce que je me soucie pour toi et que t’es pas seul.” Mais ça, iel le sait. Tu recules encore en levant ta cigarette à ta bouche avant de réaliser qu’elle est éteinte. Tu fouilles dans ta petite poche pour prendre ton briquet - le bleu que tu as confectionné avec le rose que vous vous échangez avec Jordan - afin de le rallumer. “Mais je veux pas t’étouffer. Donc fais ce que tu penses être le mieux pour toi. Je serai là quoiqu’il arrive.” Parce que si tu ne peux pas supporter Jordan à son pire, tu ne peux pas non plus l’avoir à son mieux. Et ça, ce n’est pas possible. Tu le veux entièrement.  

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“Jamais tu n’as eu à venir me chercher parce que je me suis enivrée toute seule au bar.” Oh so we’re making a real list now? Parce que tu en as des trucs que tu peux y mettre s’il faut commencer à vous comparer tous les deux. “If you think I'm gonna leave you because of all this shit, it means you don’t know me that well.  I don’t care if I'm going to be a pain in the ass but I care about you. I'm fucking here and I won’t let you fall without doing nothing. Because I fucking love you and I don’t abandon people I love.” Ok. Là. Elle te coupe le sifflet parce que ces mots là sont inespérés sachant que tu as réellement cru qu’elle te disait qu’elle allait filer juste avant. Tu sias pas quand car tu ne lis toujours pas l’avenir mais vu comme t’es le.a pire là tu ne pourrais pas lui en vouloir nan. Est-ce que tu essaies de vous saboter Jordan ? Envie d’être encore plus misérable que misérable ? Peut être. Tu sais pas. Ton cerveau ne fonctionne pas correctement. Tu n’as pas eu une journée correct depuis la mort de ton père avec ton manque de sommeil. Les quelques verres que tu as bu l’autre nuit étaient parfait. Aussi parfait que le sexe que vous avez eu ensuite car tu te sentais bien et puis y’a tout qui a vrillé… “Maintenant, je vais fermer ma bouche car j'ai l'impression que tout ce que je dis est mal interprété. Je veux seulement que tu sois en sécurité et garder un œil sur toi. Parce que je me soucie pour toi et que t’es pas seul.” Les larmes qui reviennent dans tes yeux alors que tu l’entends et tu la vois se reculer aussi. “Mais je veux pas t’étouffer. Donc fais ce que tu penses être le mieux pour toi. Je serai là quoiqu’il arrive.” Tu ne la vois pas se remettre à fumer parce que ton visage est baissé et les larmes sont de retour. Tu vas la perdre Jordan si tu continues comme ça. Elle vient de dire l’inverse mais ok. Ton esprit part trop loin. T’es fatigué.e émotionnellement. Tu veux revenir à ce moment avant que vous ne fassiez que du beau sur ce banc dans ce même jardin.

I really need a drink. Ou des comprimés pour te calmer Jordan, ça marche aussi. Fuck you. Tu verras les choses plus sensées plus tard, t’as pas la tête, t’as pas la proximité d’une ordonnance et tout le bordel qui va avec. Ta gueule de bois actuelle n’aide absolument en rien du tout. I really need a drink. C’est vital à ce niveau là. Tu exploses en un temps record sans depuis que tes lèvres ont repris goût à ce liquide miraculeux. Toi aussi tu viens de décider de fermer ta bouche car y’a rien de bon qui en sort. Tu te détestes plus que tout là et tant pis si les bouteilles présentes ici sont pas les tiennes, tu iras te servir un verre ou deux. Tu n’es plus en train de vriller tu es juste profondément déçu de toi même et partir encore en claquant la porte - un de tes signature move visiblement - est bien la dernière chose que tu comptes faire une nouvelle fois. Tu es en train de peser le pour et le contre dans la mesure de tes capacités là. Debout dans le jardin, est-ce que tu retournes à l’intérieur en prenant au passage une bouteille dans la cuisine ? Cette image te retourne le ventre autant qu’elle te fait envie. Tu sais que deux ou trois verres vont résoudre tous les problèmes qui sont présents là maintenant. Tu aurais du aller au shop avant de faire la lessive. Tu n’as pas eu tes priorités dans le bon ordre une nouvelle fois. T’as l’impression d’être dans un putain de cauchemar où tu essaies d’acheter de l’alcool et absolument tout se met au milieu de ta route. Après les mots de Birdie tu as honte d’aller et boire simplement. T’as pas prévu de te mettre une nouvelle mine. Tu veux juste t’apaiser l’esprit c’est pas bien compliqué ? Pourquoi elle comprend pas ça ? Elle te remerciera quand tu seras bien plus agréable grâce à l’alcool même si elle n’aime pas cette route… Et voilà, c’est comme ça que d’un pas lourd, tu retournes à l’intérieur de la maison. Direction la cuisine. Tu te serres un verre mais qui en vaut deux vu la dose. T’as assez honte comme ça, tu vas pas en plus laisser une opportunité qu’elle te voit te servir plusieurs fois. Car tu ne te caches pas nope. T’es pas là pour lui mentir. Jamais. Même dans le pire.

Tu as fini par te détourner. Tu ne veux pas te battre contre le vent. Encore moins contre un Jordan qui pique et qui attaque. Tu ne peux pas lui en vouloir mais au fond de toi, sa remarque te semble injuste. Les situations ne sont pas pareilles. Tu ne remarques même pas que Jordan s’est remis à pleurer, silencieusement. Tu as la tête baissée, concentrée sur ton mégot à allumer dans une main peu rassurée. Il va te falloir passer à l’étape supérieure si ça continue comme ça. Tu as de l’herbe qui dort tranquillement dans ta chambre. Ce que tu sors à de rares occasions pour t’apaiser l’âme. Jordan a l’alcool, tu as tes joints. A chacun son poison. Tu pourrais lui en proposer, trouvant l’herbe plus saine que l’éthanol. Plus apaisante. Mais tu crains de lui rajouter des vices. Alors tu n’en fais rien. Tu ne dis rien. Tu le laisses planter dans le jardin alors que tu retournes sur ton tronc. Tu aurais besoin de marcher. D’aller te baigner dans le lac derrière la colline. De contempler les paysages d’automne que tu aimes tant. Elimbah guérit tous les maux.

Tu as les yeux ouverts devant toi, le buste droit, alors tu vois Jordan rebrousser chemin vers la maison. Tu es déçue. Tu aurais pensé qu’iel serait venu.e à toi. Mais non. Après la conversation que vous venez d’avoir, il ne fait nul doute que ce n’est pas le piano qu’iel va chercher. Oh que ça te manque de l’entendre jouer. Tu donnerais tout pour qu’iel soit accro de son piano plutôt que des bouteilles. Tes sœurs s’étonneront sûrement si les bouteilles sont ravagées mais t’en as à faire. Au pire, tu en racheteras ; ni vu ni connu.

Les minutes puis les heures passent. Tu es allée manger tout ce que tu pouvais grignoter ici et là, la bouffe étant un refuge comme un autre quand tu es nerveuse. Tu n’as pas adressé la parole à Jordan. Le voir avec son verre te brise le cœur mais iel est un adulte. Tu ne vas pas le materner. Tu veilles au grain. C’est déjà bien. Et puis, si tes paroles sont détournées, mal interprétées et finissent en attaque gratuite - tiens tiens, ça te dit quelque chose ? - tu préfères choisir le silence. Tu finis enfin à lui parler alors que l’envie d’aller faire un tour devient pressante. Derrière lui, tu glisses ta main de son épaule à son torse en te penchant vers sa joue que tu embrasses. “J’aimerai bien aller faire un tour au lac. Tu veux venir ?” Dis oui, dis oui, dis oui. Tu pourrais faire une plaisanterie en disant que l’eau est peut être fraîche mais que vous pourrez trouver un moyen de vous réchauffer mais le cœur n’y est pas.

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Tu sais pas si c’est volontaire de sa part mais qu’elle reste dehors alors que tu es dans la cuisine t’enlève un poids des épaules. Tu veux pas te cacher mais tu ne veux pas qu’elle te voit non plus. Tu la prends cette bouteille dans le placard. Tu le prends le verre, car non, tu vas pas boire comme ça directement. Tu te sers une double dose dans un verre. Puis un deuxième verre tout aussi chargé. La sensation du liquide qui brule ta gorge est comme un tapis de fleurs qui est en train d’entrer en toi tellement ça te fait du bien. Tu rajoutes une dose de plus au cas où. Tu veux être sûr que l’effet soit là. Et puis tu vas ranger la bouteille, laver le verre, le sécher, le remettre dans le placard lui aussi. Ni vu ni connu ? Sauf que tout le monde sous ce toit savent et personne n’aime ce qui se passe. Mais tu n’as pas à t’en faire car ton esprit s’apaise. Les voix se taisent et tu montes dans la chambre pour aller écrire dans ton carnet. Tu en as bien des choses à sortir de ta tête.

Une chose très importante reste à ce que tu ailles acheter d’autres bouteilles. Tu veux être préparé au cas où. Au cas où quoi Jordan ? Au cas où y’a une apocalypse et vous devez rester enfermé dans la maison et survivre avec ce que vous avez dans les placards ? Oui. Tu t’es installé.e dans la pièce que tu avais utilisé comme bureau la dernière fois que vous êtes restés ici longtemps. T’as pris ton ordi portable avec toi aussi là mais il est fermé sur le bureau alors que ton carnet l’est aussi à présent. Ton stylo posé devant toi, t’es en train de scroller ton téléphone au milieu de tes réflexions internes. Tu es apaisé mais tu sais que t’as pas été correct avec Birdie et tu préfères rester seul là.

Sauf que tu entends la porte de la pièce où tu te trouves qui s’ouvre et puis sa main à elle sur ton épaule et ses lèvres sur ta joue. You’re too good for me. “J’aimerai bien aller faire un tour au lac. Tu veux venir ?” Ton bras qui va derrière toi pour aller attirer Birdie sur tes jambes alors que tu recules un peu ta chaise de la table. Tes bras enroulés autour de sa personne tu colles ton visage au sien. « Are you driving us or we walk there? » Jordan. Dis les choses telles qu’elles sont au lieu de chercher des détours pour y arriver. « Can we go to the shop on the way back? » Que tu dis alors que tu vas respirer son odeur comme pour te donner du courage de redire ces mots là. Elle sait pourquoi tu veux aller au shop et tu veux lui prouver que tu sais être raisonnable. Tu vas pas vomir tes tripes tous les jours. Tu veux lui montrer que tu fais tout ça sous ses yeux, tu ne caches rien. Ca n’a jamais été ton intention. Là ça y est. Ton esprit est à un niveau optimal. Tu sais que c’est temporaire mais si tu as la promesse d’avoir de quoi en revenant. Tu dirais pas non d’avoir des bières avec vous en y allant mais y’a aussi une partie de toi qui ne veut pas croire que tu sois un alcoolique. Tu as juste besoin de ça pour calmer ta tête. Pas pour t’assommer et ne plus être du tout fonctionnel nope.

Il ne faut pas se le cacher, tu as eu un peu peur de devoir essuyer un refus et un rejet pur et simple. Cinglant et piquant. Est ce que c'est à ça que ça va ressembler entre vous à présent? Toi prenant des pincettes et Jordan mordant comme jamais avant? Non, tu ne veux pas le croire. Ce n'est que temporaire. C'est une transition nécessaire pour ton partenaire. Tu te répètes encore une fois que les circonstances ne sont pas les meilleures. D’où cette balade que tu suggères - tu iras quoiqu’il arrive mais ça serait mieux si Jordan est avec toi. Tu ignores combien de temps iel est resté.e à boire ni en quelle quantité. Tu ne vas pas non plus le fliquer. Tu n’aimerais pas ça. Et c’est gérable. La preuve, Jordan n’a pas l’air si à côté de la plaque quand tu vas le voir. Ça va aller.

Son bras autour de toi t’approchant de lui pour t’inciter à t’asseoir sur ses cuisses est presque une bénédiction que tu n’attendais pas. Tu ne te fais pas prier pour le faire, pour te lover de nouveau contre lui dans une proximité qui te rassure. Est-ce que tu vas encore faire l’éloge sur la distance physique et mentale que tu ne peux pas supporter ? Non. Tu profites de l’instant. « Are you driving us or we walk there? » Jordan pue l'alcool mais tu dois puer la nicotine donc vous formez une belle team. Même dans cette configuration. « Can we go to the shop on the way back? » Tu fermes brièvement les yeux en lâchant une petite expiration que tu ignorais retenir jusqu’à présent. Tes doigts vont contre la racine de ses cheveux pour l’y caresser. “J’aimerai marcher.” Que tu dis dans un premier temps. Mais ton cerveau est déjà en train de faire le trajet dans ta tête jusqu’au lac à pied puis au centre ville, qui n’est pas du tout la même direction. Il se la joue conciliant et tu te laisses prendre à sa requête beaucoup trop facilement. Tu n’as pas envie de te battre. Tu veux juste profiter. “Mais on aura pas le temps d’en profiter et de passer chez Stan si on le fait à pied alors je peux conduire.” Tu veux profiter de ton lac. De nager comme tu as appris à le faire. Sans peur ni crainte. Ton visage est coincé à mi-chemin entre son cou et son épaule alors que tes mains le tiennent contre toi. Tu aurais aimé avoir le retourneur de temps afin de revenir avant tout ce merdier. Jordan dans l’ignorance aurait été une meilleure alternative, finalement. Au moins, tu as pu lui avoir annoncé de la façon la plus arrondie qui soit.

Son corps sur le tiens, son odeur, sa présence, tout te fait du bien. Vraiment tu apprécies plus que tu ne lui as dit combien elle revient vers toi après tes pétages de durites. Elle comprend que tu vas pas bien, que tout ça c’est temporaire, que tu vas trouver un moyen d’aller mieux. Tu l’as trouvé d’ailleurs. “J’aimerai marcher.” Ca ne t’étonne pas car la vérité c’est que tu as envie de marcher toi aussi.  Ses mains dans tes cheveux te font te détendre encore plus. “Mais on aura pas le temps d’en profiter et de passer chez Stan si on le fait à pied alors je peux conduire.” Tu la gardes tellement contre toi là, comme si elle était ton baby. She is. Mouais ok. Ton nez dans ses cheveux, tu es en train de réfléchir car tu veux trouver une solution pour tout le monde.

« Je voudrais marcher aussi… » Tu commences. « Tu peux me conduire là vite fait et on revient poser les trucs ici et on part à pied ? » Tu te mords la lèvre car tu as l’impression que c’est la meilleure configuration mais tu n’as pas envie d’être chiant non plus de changer les plans. « Le lac va pas bouger nan ? » Que tu ajoutes dans une petite tentative d’humour ? Ouais on dirait que c’est ça effectivement. Tes lèvres sur sa tête tu la gardes bien proche de toi et les baisers que tu y déposes sont tout autant d’excuses et de déclarations de ton amour pour elle. Tu as été horrible tu le sais, mais ça va aller, tu le penses. Tu l’espères. Tu le veux. « Et ça veut dire des fraises tagada au lac… I’m just saying… » Ton sourire se fait un peu plus sincère sur ton visage car celle ci tu sais que ça va la titiller. Autant que tu sais que ça veut aussi dire que tu vas apporter des bières au lac également. Ca va rendre ce passage au lac encore plus parfait à tes yeux. Ca ne sont que des bières. Tu ne vas pas te vider une bouteille de vodka en une descente nope.

« Je voudrais marcher aussi… » Marcher, ça fait du bien. Marcher à Elimbah, il n’y a rien de mieux. Les forêts, les champs, les collines, le lac, les petites routes sinueuses, il y a tout qui aspire à la tranquillité, une invitation simple à la détente. Ce n’est pas pour rien que même Jordan est allé.e marcher plusieurs fois seul.e ici et là. Tu préférais quand c’était ça, sa façon de faire. Mais tu ne vas pas chercher le conflit là où il n’y en a pas. « Tu peux me conduire là vite fait et on revient poser les trucs ici et on part à pied ? » Tu n’avais pas pensé à ce sens-là. L’impatience est réelle pour aller nager, visiblement. C’est rare. Assez inédit. Tu es presque fière de toi car ça prouve que tu as fait des progrès sur ta phobie de te noyer. Il faut dire que tu as fait assez de thérapies pour t’en guérir. Et le lac a un aspect réconfortant. Sûrement parce que tu le connais depuis que t’es gosse. « Le lac va pas bouger nan ? » Son étreinte est si forte autour de toi, tu te sens être bercée par sa respiration et ses baisers - si vous ne bougez pas maintenant, tu vas finir par t’endormir, tu ne rigoles qu’à peine. Mais t’as quand même un léger sourire amusé qui naît sur tes lèvres. “Sait-on jamais. Il peut être à un endroit maintenant et à un autre l’heure prochaine. Personne ne sait réellement.” Tu n’es jamais la dernière pour rendre ton lieu favori sur la planète plus mystique qui ne l’est réellement. Les non habitués pensent que le lac n’est jamais au même endroit mais c’est seulement parce que les chemins sont nombreux et les paysages variés. Alors tu en joues et tu t’en amuses. C’est le lieu idéal pour ton imagination fertile. « Et ça veut dire des fraises tagada au lac… I’m just saying… » Tu fronces le nez en relevant ton visage pour voir le sien. “Ca, c’est bas.” Mais Jordan n’a pas tort et ça serait plutôt sympa.

“Ok then.” Tu es en train d’accepter à ce que Jordan se ravitaille en alcool et tu ignores si c’est une bonne chose ou non. Mieux vaut qu’iel fasse ça avec toi et que tu sois au courant, non ? Ça ira, ça ira, ça ira. “On y va maintenant. Le plus tôt on sera revenu, le plus tôt on sera au lac.” Et t’es vraiment impatiente. Au point où tu commences à te lever en te dandinant entre ses bras pour que Jordan te lâche. “En plus, je prends même pas de maillot de bain.” Et ça, c’est juste une information que tu poses-là avec malice mais l’air de rien. Birdie Cadburry, nue dans un lac ? Quelle surprise!