Et elle est arrivée, feat @Jasper Fowley › Au fur et à mesure qu’elle parlait avec lui, elle en oubliait même qu’il était blessé et que c’était véritablement les circonstances de leur rencontre. C’est lorsqu’ils s’étaient assis sur le banc qu’elle réinspecta une nouvelle fois ses plaies. Il n’y avait pas de signe d’aggravation, une bonne nouvelle malgré la douleur qui risquait de rester encore quelques jours. Il tenait à la rassurer alors que c’était justement son objectif à elle, de quoi la faire sourire en retour. C’est comme s’il prenait ça à la légère, comme s’il avait l’habitude. Elle ne l’espérait pas en tout cas et reprit pour ne pas avoir à y penser. « Dans cet état elle va te prendre pour quelqu’un d’autre, ça c’est sûr. » Elle souffla un rire avant de reprendre. « Ou alors c’est ça ton visage habituel ? » La dérision, une arme qu’elle sait utiliser depuis bien longtemps. Forcément que non, il n’était pas né avec ces tuméfactions mais c’était l’occasion de plaisanter sur une situation qui, au fond, n’avait rien de drôle. Les doigts plaqués contre le gobelet en carton pour se réchauffer, elle enleva le couvercle pour sentir le boisson. Elle voulait être sûre que c’était bien du café et pas de la terre. C’était beaucoup trop amer pour être du café. Mais au final, ça avait bien la même senteur, c’est juste qu’il était préparé d’une manière bien différente de la sienne. Elle aimait le café doux, sucré ou non, souvent aromatisé et avec du lait. Un café d’enfant, comme dirait les puristes et elle assumait. « Et dire que y a plein de gens qui boivent ça tous les jours… » Un sourire en coin, ça se trouve il en faisait partie. Après tout c’est lui qui en avait commandé en premier.
C’est la suite qui l’avait tout d’abord amusé, les paroles de Jasper finirent par tout contraster. Il continua sa tirade d’un ton théâtral par des mots qu’elle n’aurait jamais pensé entendre. Elle sourit involontairement, persuadée que ça faisait partie de sa blague. « Tu déconnes. » Elle pouffa un rire, c’était impossible. Il la bernait encore une fois, parce qu’elle ne faisait que de lui poser les questions qu’elle poserait en temps normal à un patient après un accident. S’il allait bien, s’il était capable de marcher, s’il avait de quoi se soigner chez lui, s’il y avait un entourage à prévenir. Une succession d’étapes qui étaient bien claire dans sa tête et qui pourtant avait pris une tournure comique qu’elle en regrettait pas. Sauf que là, ses paroles ne s’accompagnaient pas de rire, il ne te regardait pas et ça, ça lui donnait suffisamment d’indications pour lui faire comprendre les choses. Soit il prenait un malin plaisir à prolonger la farce, soit il disait la vérité. « … C’est pas une blague. » Elle pinça ses lèvres avant de sombrer dans le silence. Elle mesurait progressivement l’impact des mots qu’il venait de prononcer. Junky. Taule. Pas forcément fréquentable. Elle ne savait pas quoi répondre. « Putain… T’es sérieux ? » Peut-être que c’était le choc qui faisait qu’elle avait besoin d’une confirmation. Elle se tourna à 90° vers lui, un genou fléchi devant elle, à inspecter sa réaction. « Qu’est-ce que t’as fait ? T’es pas obligé de me répondre si t’as pas envie. » Ca serait mentir si elle disait qu’elle était complétement sereine à côté de lui à présent. Mais c’est son éthique et très certainement leurs atomes crochus qui faisaient qu’elle ne pouvait pas le juger, ou en tout cas pas maintenant.
(mars 2022 - au coin d'une rue sombre) Dans cet état, elle va te prendre pour quelqu’un d’autre, ça c’est sûr. Ou alors c’est ça ton visage habituel ? Elle comprend vite la demoiselle et le sourire que je lui adresse, laisse entendre que c’est peut-être bien mon visage habituel. Cette gueule cassée, c’est mon visage. Sa remarque sur le café m’attendrit mais je suis un bien trop grand connard pour l’avouer ou même le lui montrer. Ce café, c’est mon café habituel. Difficile à croire mais c' est bel et bien le café qui me réveille le matin et me permet de mener une vie à contre-courant. Possible que je crève d’ici quelques années parce qu’il doit y avoir des trucs pas nets dedans.
Tu déconnes. C’est pas une blague. Et le silence prend place entre nous. Un silence de plomb auquel je m’habitue toujours rapidement. Les paupières closes, je m’installe davantage confortablement sur mon minable blanc tout en imaginant la scène au cours de laquelle cette demoiselle prend ses jambes à son cou. Peut-être qu’elle laisse même son café immonde à côté de moi ; si c’est le cas, ce sera du win-win, deux pour le prix de … deux. OK. j’y gagne rien mais je cherche le positif. Putain… t’es sérieux ? Elle s’en offusque presque apparemment. J’ouvre un œil et tourne la tête vers elle pour analyser sa réaction. Elle n’a pas bougé. Elle est choquée, ça on le voit mais elle n’est pas levée ou sur le départ. Elle est toujours là. Mais, c’est qui ? Le fait qu’elle ne parte pas me plaît un peu trop, plus que je ne voudrais l’avouer. Alors, en guise de réponse, j’acquiesce car ce n'est franchement pas le truc avec lequel on a pour coutume de faire des blagues ou de s'amuser. Du moins pas de mon monde, peut-être en école de médecine. Qu’est-ce que t’as fait ? T’es pas obligé de me répondre si t’as pas envie. Elle est polie. Elle est toujours polie alors que je suis la dernière raclure de cette société. J’appartiens à la dernière couche d’humanité, celle que l’on piétine et elle est toujours polie. Elle ne me regarde pas avec dédain ou dégoût. C’est le genre de truc qui a une importance ? Je lui demande avec un fin sourire aux lèvres. Après tout, ça devrait suffire … peu importe la raison, j’ai été banni de ce bas monde pour quelques années. Mais, je sais combien les humains aiment classifier les erreurs. On aime faire des classements : un taulard mais pas si grave.
Je me tourne alors davantage vers elle, calant mon coude sur le dossier du banc pour pouvoir être réellement de côté et la regarder dans les yeux sans avoir à tordre mon buste. J’ai tué personne si jamais c’est ce à quoi tu penses … Un haussement d’épaule. Vol avec circonstances aggravantes, je crois que c’est comme ça que disent les juristes. Le gars était là au mauvais endroit, au mauvais moment … L’est pas mort. Je précise en levant mon index pour la précision. Mais, comme tu vois, je suis devenu un vrai pacifiste … l’index levé est désormais pointé vers mon visage. T’es vraiment quelqu’un de spécial …. Margot. Est-ce que tu en as au moins conscience ? je lui demande en me penchant vers elle.
Et elle est arrivée, feat @Jasper Fowley › Ce qu’elle aimait dans les nouvelles rencontres, c’est le fait qu’elles soient toutes différentes les unes des autres. Certaines se passaient bien, d’autres un peu moins, dans des contextes plutôt similaires. Mais il y avait toujours un détail, un élément qui rendait le moment particulier, qui le contrastait pour le rendre inoubliable. C’est grâce à ce point notable que Margot se souvenait aussi bien des rencontres qu’elle faisait. Peut-être qu’elle avait des facilités de mémorisation, peut-être qu’elle avait un don pour reconnaître les visages. En réalité, c’est surtout son astuce qui lui permettait de le faire puisqu’elle pouvait oublier tout le reste. Pour ce qui était de Jasper, le fait marquant serait sûrement la façon dont leur chemin se sont croisés. Ou même ce qu’il était en train de lui raconter. Il était dépendant à la drogue, premier problème. Mais ce qui attirait surtout son attention était le moment où il lui avouait qu’il avait fait de la prison. Pour le coup, elle ne s’y attendait pas du tout. En même temps, y avait-il seulement un moyen d’y être préparé. « Je… Je sais pas quoi dire. » Pour le coup, elle était honnête, comme lui l’avait été avec lui, peut-être même un peu trop. Elle n’avait jamais été confrontée à cette situation et quand ça arrive, elle se repose sur la fiction pour la guider. Avec le nombre de séries policières qu’elle avait vues, elle pensait tout de suite au pire. Parce que c’est plus théâtral, ça pose une atmosphère plus tendue pour la résolution et ça marque les esprits. Sauf que la vie n’était pas une série et la plupart des délits étaient mineures, et heureusement d’ailleurs. Elle ne put s’empêcher de se sentir rassurée alors que son histoire n’avait rien d’élogieux. Au moins, ce n’était pas un psychopathe. Au mieux, il avait changé, surtout qu’il se considérait lui-même comme pacifiste dorénavant.
« C’est tout à ton honneur. » Elle lui sourit à nouveau, peut-être pas un sourire aussi enjoué que ceux d’avant mais il était sincère. Elle n’était pas juge, pas étudiante en droit. Elle serait mal placée pour le pointer du doigt, surtout maintenant. Au final, ça restait conforme à l’image qu’elle avait de lui. Un garçon qui a des soucis – des mauvaises fréquentations et maintenant la drogue – mais foncièrement gentil et intéressant. Sa question vint la prendre au dépourvu mais sans effacer son sourire amusé. « Euh merci. Je te retourne le compliment, je crois ? » Maladroite comme à son habitude, elle ne savait pas si de la bouche de Jasper, être spécial était péjoratif ou non. Pour elle, quelqu’un de spécial était quelqu’un qui parvenait à se démarquer, quelqu’un dont on pouvait facilement se souvenir. « Alors là, c’est sûr qu’ils vont jamais me croire. » Elle essayait de détendre l’atmosphère en faisant référence à ses camarades de médecine qu’elle retrouverait les prochains jours. Si déjà elle avait des doutes avec l’histoire du garçon blessé dans la ruelle qui l’avait invitée boire un café, là avec ses nouvelles informations ils lui diraient qu’elle avait déliré à cause de l’alcool et de la fatigue. Mais ça, au final, ça n’importait pas vraiment. Margot détendit sa jambe pour cette fois-ci s’asseoir en tailleur avant de reprendre. « Pourquoi tu me dis ça ? Surtout à moi et maintenant. » Elle ne lui en voulait pas d’être honnête, elle se demandait juste quelles étaient les motivations derrière ses aveux.