Everybody knows that the dice are loaded
Megan Williams & @Damon Williams

Les hématomes autour de mon cou commencent à s’estomper et ne me font plus souffrir depuis plusieurs jours et, pourtant, après la sortie de l’hôpital, j’ai le sentiment que la douleur s’est réveillée. Il n’en est rien mais, pourtant, ma tête rendue lourde et douloureuse par le coup porté par Lawrence et par l’impact avec la porte surtout ne semble plus capable d’encaisser le moindre mal, pas plus que la moindre contrariété. Les questions du chirurgien m’ont agacé. Que son collègue ait eu l’audace de faire appel à lui - certainement interloqué par les différentes blessures que je porte à présent, je l’ai compris après - m’a agacée. Qu’a-t-il pensé, que parce qu’il était plus jeune, je me sentirai par défaut plus proche de lui ?

Je sais que son intervention partait d’un bon sentiment. Je sais que, si j’avais réellement été dans une situation d’abus physiques, sa décision aurait pu sauver mon intégrité ou ma vie. Je sais aussi que, si quelqu’un s’était intéressé à Shiloh comme le médecin s’est intéressé à moi ce soir, peut-être aurait-elle pu être tirée de son horrible situation bien plus tôt. Je sais tout ça et, demain, je m’en souviendrai. Sauf qu’il est deux heure du matin, que j’ai attendu pendant de longues minutes aux urgences et que j’ai l’impression que quelqu’un s’amuse à taper avec un marteau à l’intérieur de mon crâne.

A l’arrière de la voiture, Shiloh a à peine prononcé une demie douzaine de mots depuis que nous nous sommes mis en route. Lorsque la voiture se gare devant la porte de son appartement, je lui demande pour la dixième fois si elle est sûre, si elle ne veut pas dormir chez nous, mais elle me rassure - alors que je sais qu’elle doit se sentir pareille à une épave et descend du véhicule. Sans attendre de voir ce qu’il comptait faire, je mets la main sur la cuisse de Damon pour l’arrêter. « Tu peux attendre qu’elle soit entrée à l’intérieur pour démarrer ? » Je veux m’assurer que personne ne pourra s’engouffrer derrière elle. Je veux m’assurer qu’elle arrive en sécurité chez-elle et puisse s’enfermer à double tour. « J’espère que son colocataire est rentré. » Damon ne doit pas réellement comprendre mon inquiétude, puisqu’il n’était pas avec nous ce soir et n’a été appelé qu’à mon arrivée aux urgences, mais je n’ai de toute façon pas l’intention de faire de ce qu’il s’est passé ce soir un secret. Je n’ai pas envie de faire des cachoteries - j’en ai fait bien assez - et, si je ne lui ai pas parlé de l’ex de Shiloh jusque là, c’est parce que c’était son histoire à raconter, son passé à gérer.


Evidemment, Damon s’exécute et je suis de toute façon presque certaine qu’il aurait eu la même délicatesse si je ne le lui avait pas demandé. Nous sommes au beau milieu de la nuit et je doute qu’il soit du genre à laisser ses amies rentrer seules dans ces conditions. Certainement pas après les avoir ramassées aux urgences et, dans le cas présent, que la blonde soit mon amie plutôt que la sienne ne doit pas avoir grande importance. « Merci d’être venu. Et merci d’avoir accepté de la déposer. » La voiture démarre et je grimace à chaque dos d’âne, chaque à coup à cause de ma blessure au front. « Ils m’ont donné  des anti-inflammatoires là-bas, j’espère que ça va vite faire effet. » Même si je doute que de l’ibuprofène ne change quoi que ce soit dans le cas présent. Je risque de passer quelques jours difficiles, avant que la douleur ne finisse par se calmer et que la plaie disparaisse finalement. Je commence à connaître la chanson. « Tu dois avoir des questions. » N’importe qui en aurait dans ces circonstances. « Et c’est promis, je suis pas responsable de ça d’une quelconque façon. » Je tente de faire un peu d’humour pour alléger l’atmosphère lourde et la soirée pesante que je viens de passer. Il faut dire que, généralement, je ne suis pas la dernière lorsqu’il s’agit de s’attirer des ennuis.

Lorsque son téléphone avait sonné, Damon y avait d’abord jeté un coup d’oeil interloqué; rares étaient les personnes s’osant à passer des coups de fil dans son entourage, préférant simplement les messages écrits. Lorsqu’il avait vu que c’était le nom de Megan qui s’affichait sur l’écran, il avait été d’autant plus décontenancé: il ne se rappelait pas qu’ils se soient déjà appelés, ou pas du moins lorsque cela n’était pas pour simplifier une conversation. Juste à la suite, lorsque la jeune femme lui avait finalement appris qu’elle avait besoin que l’on vienne la chercher aux urgences, rien de grave tout de même apparemment, l’italien avait filé en direction de l’hôpital depuis leur appartement sans attendre un instant de plus.

La jeune femme avait été admise plusieurs heures plus tôt, de ce qu’il apprendrait une fois sur place, et ne s’y était pas rendue seule. Résultat, il se retrouvait à faire le chauffeur dans toute la ville afin de ramener Shiloh chez elle, saine et sauve. Et si ce rôle l’avait très honnêtement embêté lorsque c’était Josephine qui avait été à la place de la blonde, cette fois-ci ramener l’amie de Megan jusque son appartement n’était en rien un supplice; il était hors de question qu’il la laisse se débrouiller seule alors que la nuit était bien avancée et qu’elle était restée sur place afin de s’assurer que Megan ne soit pas seule, supportant les chaises en plastique des salles d’attente et le mauvais café des distributeurs.

« Tu peux attendre qu’elle soit entrée à l’intérieur pour démarrer ? » Le moteur de Damon tournait toujours, mais il n’avait pas avancé de devant l’appartement de Shiloh. Même si Megan ne lui avait pas suggéré, ou en l’occurence demandé, d’attendre un peu avant de partir, il l’aurait fait seule comme un grand - l’idée de la laisser se balader dans le noir, même si elle se trouvait en bas de son immeuble, n’avait pas traversé son esprit. Il considérait qu’il était important de savoir ses proches rentrer correctement chez eux. En guise de réponse à la jeune femme à ses côtés, il était simplement venu hocher la tête. « J’espère que son colocataire est rentré. » Il lui aurait bien suggéré qu’ils pouvaient toujours monter pour s’assurer que tout était en ordre, mais Shiloh était descendue de la voiture en leur assurant que tout allait bien et qu’ils pouvaient rentrer chez eux sans aucune crainte. Pourtant, à la façon dont se tenait Megan à ses côtés, l’italien savait qu’il y avait bien plus à cette histoire; comme par exemple le motif pour lequel sa femme s’était retrouvé aux urgences en plein milieu de la nuit alors qu’elle n’était pas supposée être dans une position dangereuse vis-à-vis de personne - ou du moins, à sa connaissance. Finalement, alors que la porte de l’entrée du bâtiment se refermait doucement, Damon put de nouveau prendre la route pour qu’ils rentrent enfin chez eux. « Merci d’être venu. Et merci d’avoir accepté de la déposer. » - « Tu sais très bien que ça me dérange pas. » Elle n’aurait pas été là qu’il aurait agi de la même façon.

Il ne lui fallut que peu de temps pour s’insérer de nouveau dans la circulation nocturne de la ville. « Ils m’ont donné des anti-inflammatoires là-bas, j’espère que ça va vite faire effet. » Les mots de la blonde confirmaient donc ce qu’il semblait avoir vu dans sa vision périphérique: pour une raison qu’il ignorait, elle avait mal quelque part. Ce n’était pas quelque-chose qui plaisait à Damon. « Tu dois avoir des questions. » - « Plus d’une, oui. » - « Et c’est promis, je suis pas responsable de ça d’une quelconque façon. » Cette fois-ci, ce fut un petit regard en coin qu’il lui jeta - osait-elle réellement s’amuser de la situation de cette façon ? Il espérait bien, en réalité, qu’elle n’était pas responsable de son petit passage aux urgences. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Il avait attendu plusieurs secondes, une bonne poignée de ces dernières même, avant de reprendre la parole. D’autres questions lui venaient à l’esprit, sur des tons plus ou moins alarmés, mais il s’était dit que finalement, cette dernière résumait bien ce qui pourrait lui permettre de comprendre un peu plus en détails la situation. « Parce-que recevoir de tes nouvelles en sachant juste que t’es aux urgences et que t’as besoin qu’on vienne te chercher… J’ai connu plus rassurant, comme coup de fil. »

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Megan Williams & @Damon Williams

Je vais tout lui dire, c’est une promesse que je me suis faite, et dans le cas présent il est plutôt facile de la tenir. La plaie que j’arbore ne me concerne pas directement et je n’ai même pas fait preuve d’excès de culot, zèle ou provocation. Je n’ai fait que tenter de fermer la porte au nez d’un homme sur le point de devenir violent avec quelqu’un que j’aime et, ce faisant, je suis devenue la parfaite coupable à ses yeux. Il s’est imaginé que c’est moi qui lui avait monté la tête, que c’est à cause de moi qu’elle avait pris la décision de porter plainte et, qui sait, peut-être qu’il s’est également dit que c’est moi qui l’avait convaincu de le quitter ou la retenait de revenir avec lui. Je pense que je ne risque pas grand chose : qui pourra me reprocher d’avoir essayé d’aider une amie ? Certainement pas Damon, en tout cas. « Tu sais très bien que ça me dérange pas. » Oui, je le sais. Parce que mon mari a la main sur le cœur et que, même si Shiloh et lui ne se connaissent que peu, il a le sens de l’honneur. A une autre époque, Damon aurait été de ces chevaliers qui possèdent de l’honneur à revendre. Le courage, il sait le trouver dans les moments où ça compte : comme lorsqu’il a chassé Saül qui s’en prenait à moi dans l’enceinte de notre appartement. « Oui. Et j’aime ça chez toi. » Je fais encore partie de ceux qui savent reconnaître de si belles qualités. Je fais partie de ceux pour qui elles comptent.

« Plus d’une, oui. » J’en aurais aussi des tas à sa place, je suppose. Alors je me contente de hocher la tête doucement, je le laisse venir vers moi avec des questions concrètes plutôt que de tout lui déballer dans un ordre plus ou moins cohérent, avec un discours décousu. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Parce-que recevoir de tes nouvelles en sachant juste que t’es aux urgences et que t’as besoin qu’on vienne te chercher… J’ai connu plus rassurant, comme coup de fil. » - « Je suis désolée. Je voulais pas t’inquiéter. » Et c’est vrai : j’ai tout de suite précisé que j’allais bien, qu’il n’avait pas besoin de s’inquiéter mais je ne vais pas mentir : je suis touchée qu’il l’ait fait malgré tout. Je suis touchée qu’il ne soit arrivé que quelques minutes après mon appel, et j’y ai vu la preuve que malgré les circonstances et nos désaccords, il tient à moi. Assez pour me vouloir loin de la salle des urgences, en tout cas. « En janvier, Shiloh a porté plainte contre son ex. » Evidemment, je ne trahirai pas la confiance de mon amie au point d’entrer dans les détails, de confier à Damon qu’au delà des violences, elle m’a parlé d’abus sexuels, mais je peux au moins lui donner le contexte, maintenant qu’il est impliqué bien malgré lui. « Elle a rencontré ce type en 2017 et, à partir de là, elle a progressivement coupé les liens avec tous ses proches, moi comprise. Je savais que ça cachait quelque chose mais j’ai compris à quel point que quand elle est revenue. » Et je me suis sentie coupable de ne pas avoir plus insisté, de ne pas être allée jusqu’à Sydney pour la forcer à avoir une discussion. Peut-être que j’aurais pu la sortir de là de plus tôt. « Il la manipulait pour l’éloigner de nous tous. Et il l’a frappée plusieurs fois. C’est pour ça qu’elle est venue se réfugier chez moi, y’a un an et demi. » Et je revois encore l’état dans lequel je l’ai retrouvée, ma douce amie. Elle avait peur du moindre bruit, du moindre geste brusque et j’ai eu mal au cœur. « Il lui fait vivre l’enfer depuis. Mais ce soir, il s’est pointé chez elle et il voulait entrer de force dans l’appartement. Je sais pas ce qui serait arrivé si j’avais pas été là. » Qu’aurait-il fait à Shiloh ? L’aurait-il frappé si fort qu’elle aurait fini par accepter de retirer sa plainte ? De le suivre jusqu’à Sydney ? Ou pire ? Je n’ose même pas y songer. « J’ai essayé de lui parler calmement, mais il a voulu forcer le passage et à partir de là, c’est allé vite. Je crois que j’ai voulu fermer la porte et qu’il l’a repoussée sur mon front. » Il a fini par partir, en voyant que je pissait le sang. Heureusement que la blessure était impressionnante, finalement, bien plus que préoccupante.

« Oui. Et j’aime ça chez toi. » Si la situation avait été toute autre et que cela avait été de même pour la relation qu’ils entretenaient ces derniers temps, il serait venu ajouter là une touche d’humour, une réponse un brin prétentieuse ou qu’importe. Cependant, ce n’était pas dans les plans d’agir de la sorte et ce serait de très mauvais gout que de réagir comme ça. Il préféra laisser le silence s’installer un instant, laissant toute la place dont Megan avait besoin pour lancer la suite de cette conversation - il n’y avait pas besoin de l’annoncer, de la nommer, il savait qu’elle allait arriver. Parce-que appeler votre mari en pleine soirée pour lui annoncer que vous vous trouvez aux urgences soulevait forcément des questions, des inquiétudes - et l’italien était du genre à se faire un sang d’encre assez rapidement, petit coeur trop fragile depuis tant d’années déjà. Alors oui, sans aucune honte il s’était inquiété et avait du prendre son mal en patience pour apprendre les circonstances qui avaient mené à cette scène. « Je suis désolée. Je voulais pas t’inquiéter. » - « Je sais, je sais. » Sa voix était douce, elle contenait toute la compréhension dont il était capable. Il savait parfaitement que là n’avaient pas été les intentions de la jeune femme, mais ce n’était pas pour autant qu’il allait se priver d’une occasion de paniquer seul dans son coin pour des raisons plus que valables, à dire vrai.

« En janvier, Shiloh a porté plainte contre son ex. » Ce fut à cet instant que Damon comprit que son intervention ne serait ni nécessaire ni désirée de suite, et que Megan avait des choses surement sur le coeur à formuler avant qu’il ne donne sa voix à ce chapitre. Alors, il se contenta de lui jeter un regard rapide en coin avant de se concentrer de nouveau sur la route. « Elle a rencontré ce type en 2017 et, à partir de là, elle a progressivement coupé les liens avec tous ses proches, moi comprise. Je savais que ça cachait quelque chose mais j’ai compris à quel point que quand elle est revenue. » Sans émettre la moindre parole, il attrapa la main de la blonde à ses côtés pour glisser ses doigts entre les siens. C’était peut-être la seule chose qu’il pouvait faire en cet instant - ça, continuer de se concentrer sur la route et écouter ce qu’elle avait à lui dire. « Il la manipulait pour l’éloigner de nous tous. Et il l’a frappée plusieurs fois. C’est pour ça qu’elle est venue se réfugier chez moi, y’a un an et demi. » - « Il lui fait vivre l’enfer depuis. Mais ce soir, il s’est pointé chez elle et il voulait entrer de force dans l’appartement. Je sais pas ce qui serait arrivé si j’avais pas été là. » Au delà de l’histoire qu’elle était en train de lui raconter, Damon ne pouvait s’empêcher de faire un parallèle avec la soirée qu’ils avaient eu-même vécu à peine quelques semaines plus tôt. Megan se trouvait en danger - Shiloh se trouvait en danger; Megan était intervenu - Damon était intervenu. Les circonstances n’étaient pas tout à fait le mêmes mais elles étaient assez semblables pour ne pas que cela soit souligné. alors, il resserra la main de la jeune femme un peu plus fermement.

« J’ai essayé de lui parler calmement, mais il a voulu forcer le passage et à partir de là, c’est allé vite. Je crois que j’ai voulu fermer la porte et qu’il l’a repoussée sur mon front. » Un soupire, petit mais bien présent, s’échappa d’entre les lèvres du jeune homme. « Je suis désolé. » Il l’était souvent, Damon - pour tout, pour n’importe quoi, pour beaucoup de fois où il n’avait en réalité pas besoin de s’excuser. « Comment tu te sens ? Que t’ont dit les médecins ? » Parce-que entre Shiloh et sa femme, sa priorité s’en allait d’abord vers une blonde plutôt qu’une autre. Il aurait le temps de s’inquiéter de l’état de santé de la Atkins plus tard, il voulait d’abord avoir tous les éléments pour savoir comment se sentait Megan. Et puis, au delà de ce que les médecins auraient pu lui dire de son état physique - si elle était ressortie des urgences sur ses deux pieds, il ne devait pas avoir de réelles inquiétudes à avoir -, il s’inquiétait surtout de savoir dans quel état émotionnel elle était. Parce-que d’avance, lui, de son côté, il avait un pincement au coeur pour une situation qui ne le concernait pas directement mais dont il ne connaissait que trop bien malheureusement l’impact que cette dernière pouvait avoir. « Est-ce que tu veux qu’on aille ailleurs que chez nous, ce soir ? » Pour éviter de lui ramener de vieilles images sur le devant de la scène, pour éviter que le sommeil lui fausse de trop compagnie.

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« Je sais, je sais. » Evidemment, je ne lui dois aucune excuse : juste des remerciements et, pour cause, je n’ai rien fait de mal ce soir. D’autres me reprocheront peut-être de m’être montrée trop tête brûlée - Joséphine Carter sera certainement la première à le faire - mais je doute que mon mari soit capable de m’en vouloir d’avoir volé au secours d’une amie. Il a le cœur sur la main, le jeune Italien, et il me l’a prouvé une fois de plus en acceptant de ramener Shiloh chez elle sans broncher et sans poser de question.

Mais ce serait mentir que de prétendre que, ces derniers temps, je sais comment agir avec lui, quand je dois m’excuser et quand je ne dois pas le faire. S’il m’a promis qu’il voulait réellement me pardonner et qu’il le ferait, il n’a pas partagé avec moi les différentes étapes de la reconstruction de notre relation et je peine parfois à savoir quel niveau de proximité et de familiarité je peux me permettre d’avoir avec lui. Si bien que, ce soir, je suis soulagée qu’il ne m’ait pas reproché de ne pas avoir appelé quelqu’un d’autre que lui. J’aurais détesté. Je ne me l’explique pas mais je me sens à l’aise avec le blond, assez pour ne pas hésiter plus de quelques secondes à lui raconter l’histoire de mon amie. Je sais qu’il ne racontera ça à personne et que, quel que soit l’état de notre relation et le stade du pardon pour lui, il m’écoutera sans jugement. Aussi, je ne suis pas surprise qu’il attrape mes doigts entre les siens. Il ne quitte pas la route des yeux mais me fait malgré tout comprendre qu’il est là, et mon cœur se serre d’émotion. Moi, je ne dégage évidemment pas ma main : je suis bien trop heureuse de cette proximité retrouvée, peut-être éphémère, mais rassurante étant donné la soirée que je viens de passer. Je suis dans un état différent de ce fameux soir où son père est venu frapper chez nous pour m’agresser. Je n'étais pas la victime visée par le coup de Lawrence, et un coup à la tête est bien différent d’une tentative de strangulation. Je suis loin d’être aussi marquée par ce qui vient de m’arriver mais, malgré tout, j’ai encore une fois l’impression d’être un peu moins en sécurité que la veille.

« Je suis désolé. » Je lui jette un regard peu difficile à interpréter, un qui lui communique ce que j’ai bien assez répété : tu n’as pas à l’être. Trop souvent, il est désolé à cause de choses sur lesquelles il n’a aucune prise, à cause d’actes ou de paroles dont il n’est pas responsable. « Comment tu te sens ? Que t’ont dit les médecins ? » - « J’ai rien de bien grave. Je me sentais bien, j’ai les idées claires, donc ils ont pas estimé nécessaire de me faire passer de scanner. » Mais ce n’est pas tout, et je suis mal à l’aise à l’idée de tout lui expliquer de ma conversation avec le jeune médecin. Pourtant, je n’ai encore une fois pas grand chose à me reprocher. « Mais il a été interpellé par les marques sur mon cou… Je les cache d’habitude. » Je mets du fond de teint pour que personne ne se pose de question, Damon le sait mais sans trop savoir pourquoi je me sens obligée de me justifier. « Mais après deux heures dans la salle d’attente des urgences, me remettre du fond de teint n'était clairement pas la priorité. » Et qui pourrait me le reprocher ? « Je lui ai dit que tu n’y étais pour rien. Que tu ne lèverais jamais la main sur moi. Mais je crois qu’en cas de violences leurs soupçons se portent toujours en premier sur le mari. » Et comment le neurochirurgien aurait-il pu imaginer que le coupable n’était autre que mon beau-père ? « Je suis restée sur mes positions. Mais je savais pas quoi dire pour justifier mes bleus et je pense qu’il écrit quelque chose dans mon dossier. » Quelque chose qui sera sans conséquence non ? Peut-il réellement faire un signalement sans mon accord ? Alors que je m’y suis clairement opposée en lui expliquant que je n’avais pas besoin de son aide ?

« Est-ce que tu veux qu’on aille ailleurs que chez nous, ce soir ? » Je ne sais pas pourquoi, mais la proposition de Damon s’accompagne d’un soulagement que je n’avais pas anticipé. Je n’avais pas réalisé à quel point mon corps se contractait un peu plus à chaque mètre parcouru nous rapprochant de Spring Hill. « Oui. » S’il te plait. « Mais où ? » A l’hôtel ? Je veux que nous nous rendions quelque part où personne ne pourra nous trouver. Quelque part où Damon et moi serons à l’abri du reste du monde, pour une fois.

Le regard que la jeune femme lui jetait était explicite, et il savait qu’il n’avait pas à s’excuser alors qu’il n’était en rien responsable de ce qui avait pu se passer ce soir. Cependant, c’était plus fort que lui, surtout qu’il savait Megan d’autant plus sensible à ce type de situations ces derniers temps. Et puis, Shiloh était une personne importante pour elle, l’histoire qui la touchait elle touchait forcément sa femme en retour - et, par extension, il s’y intéresserait forcément à un moment donné de près ou de loin. Pour l’instant pourtant, il mettait Shiloh de côté pour s’inquiéter uniquement de savoir comment se portait Megan. « J’ai rien de bien grave. Je me sentais bien, j’ai les idées claires, donc ils ont pas estimé nécessaire de me faire passer de scanner. » Sans réellement s’en apercevoir, un léger soupire de soulagement lui échappa d’entre les lèvres. « Tant mieux, c’est le principal. » Même si une grande partie de lui était toujours emplie de rancune envers la blonde, il ne lui souhaitait aucun mal - loin de là. « Mais il a été interpellé par les marques sur mon cou… Je les cache d’habitude. » Afin d’adresser un regard vers Megan, Damon décrocha ses yeux de la route un instant - rapidement, pas assez pour les mettre en danger. Il fronçait doucement les sourcils, attendant la suite de l’histoire. « Mais après deux heures dans la salle d’attente des urgences, me remettre du fond de teint n'était clairement pas la priorité. » Il avait l’impression de savoir vers quelle finalité tendait cette histoire avant même que la jeune femme n’ait le temps de la terminer, et déjà son soupire n’était plus autant soulagé que quelques instants plus tôt. « Je lui ai dit que tu n’y étais pour rien. Que tu ne lèverais jamais la main sur moi. Mais je crois qu’en cas de violences leurs soupçons se portent toujours en premier sur le mari. » Il déglutit difficilement. « C’était à prévoir… » Il s’était exprimé à voix basse, ne sachant trop s’il parlait pour lui-même ou pour rebondir sur les dires de Megan. « Je suis restée sur mes positions. Mais je savais pas quoi dire pour justifier mes bleus et je pense qu’il écrit quelque chose dans mon dossier. » Un silence s’installa un instant entre les deux jeunes mariés, pendant lequel Damon tentait tant bien que mal de mettre de l’ordre dans ses pensées. Il savait que ce type de situation avait toutes chances d’arriver un jour ou l’autre, le temps que l’impressionnant hématome s’estompe de la peau de la demoiselle, mais il avait naïvement espéré qu’ils n’auraient pas besoin de répondre à des questions gênantes de la sorte. Finalement, le feu de circulation repassant au vert, il reprit la parole. « Même quand il est pas là, il arrive à nous pourrir l’existence, c’est incroyable. » Saül avait des pouvoirs magiques qui étaient taillés sur-mesure pour empoisonner l’existence d’autrui. « Je t’avoue que j’ai pas de réponse magique à te proposer. J’avais espéré que personne ne remarque rien jusqu’à temps que les marques partent, en vrai… » Pour ça aussi, il était désolé, mais s’abstient de tout commentaire. « Au moins, ils ont fait attention à toi et à ton état de santé. » Et si des conséquences de cet examen à succès devaient surgir, ils les affronteraient à ce moment là.

Pour l’instant, leur priorité était de savoir vers quelle destination ils s’en allaient de la sorte, s’éloignant autant de l’hôpital que de chez Shiloh. Damon était tout à fait au courant des répercutions qu’avait eu l’agression de son père sur la blonde, et il ne désirait pas lui imposer de tels souvenirs ce soir - cette nuit - suite à l’épreuve qu’elle venait de traverser. Alors, il lui demanda sans détour et avec toute la simplicité dont il savait parfois faire preuve si elle préférait qu’ils découchent pour la soirée. « Oui. » Il put entendre le soulagement rien que dans la prononciation de ce simple mot. « Mais où ? » En réalité, Damon avait déjà sa petite idée avant même de poser la question à la demoiselle. Glissant la main dans la poche de son pantalon rapidement, il finit par mettre le clignotant, par changer de ligne. « Je sais où on va aller. » Cependant, il n’en toucha mot à sa femme, sinon il savait qu’elle allait le dissuader de prendre cette décision. Pourtant, là était leur meilleure chance d’être tranquilles pour la soirée: ils affronteraient de nouveau la réalité quand le soleil serait haut dans le ciel. Et pour ne pas que l’esprit de Megan s’gite de trop à chercher là où il désirait les emmener, il reprit l’interrogatoire là où il l’avait laissé quelques minutes plus tôt. « Comment va Shiloh, de son côté ? » La jeune femme semblait épuisée lorsqu’il l’avait déposé devant chez elle, mais il imputait ça à la longue attente aux urgences de l’hôpital qui n’était jamais une partie de plaisir.

Ils roulaient depuis bien une vingtaine de minutes lorsque Damon finit par arrêter sa voiture sur le bas-côté, devant une maison plongée dans l’obscurité. Tant mieux: il n’aurait pas besoin d’affronter sa mère de suite et lui expliquer à quel point la situation pouvait être compliquée ces derniers temps entre Megan et lui - et les intervenants non-désirés de leur spectacle grandeur nature. Il se contenta de sortir son téléphone portable et de taper sur l’écran un Sois pas surprise, on est venus dormir à la maison avec Megan, on a une fuite d’eau dans la cuisine. Même si Elise ne vendrait jamais la mèche et que le jeune homme avait une confiance aveugle en cette dernière, il sentait qu’un petit mensonge aussi facile à broder et à assumer pourrait leur sauver la mise sur ce coup ci. Alors que le moteur arrêtait de gronder, il tourna in fine son regard vers Megan à qui il devait encore des explications. « On est chez ma mère. » Il leva gentiment sa main devant son visage à elle, avant qu’elle ne dise quoi que ce soit. « C’est le meilleur endroit pour nous pour être tranquilles. Jamais on viendra nous chercher ici, on va pouvoir être tranquilles jusque demain au moins. » Et Elise défendrait bec et ongles jusqu’à sa propre mort sa progéniture si cette dernière lui indiquait avoir besoin d’un coup de main. « Elle dort là, on a pas besoin de la voir ou de lui parler, on peut monter directement dans ma chambre, j’ai les clefs de la porte d’entrée avec moi. » Il avait anticipé cette partie là également.

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Megan Williams & @Damon Williams

Je ne saurais dire pourquoi je me sens si mal à l’idée d’expliquer à Damon ce qu’il s’est passé aux urgences. Je ne suis responsable ni des marques laissées sur mon cou par le père de ce dernier, ni des questions du médecin. Je n’ai pas demandé à être dans cette situation - j’en suis la victime - et je ne devrais pas ressentir la moindre culpabilité. Sauf que ces derniers temps, je ne sais pas ce que je suis supposée ressentir et quand je suis supposée le ressentir, mon esprit est un vrai foutoir dans lequel se mêlent des émotions contraires et mes réactions ne sont plus toujours vraiment bien adaptées à la situation dans laquelle je me trouve. Je crois qu’avant toute chose j’ai peur de la réaction de Damon, pas parce qu’il m’impressionne, mais parce que le voir agacé par la situation me briserait le cœur. Cela me donnerait l’impression que la violence de l’agression de son père n’est qu’un détail, que je ne suis qu’un détail et que les apparences l’inquiètent plus que ma santé physique et mentale. « C’était à prévoir… » En effet : je ne peux pas exiger de Jo qu’elle soit à mon entière disposition afin de pouvoir passer sous ses pinceaux de maquillage tous les jours. Je fais avec les moyens du bord. Heureusement, Shiloh n’a rien remarqué et c’est déjà ça. « Même quand il est pas là, il arrive à nous pourrir l’existence, c’est incroyable. » De mon côté, je me concentre sur Damon et essaie tant bien que mal d’oublier ne serait-ce que l’existence de son paternel. Comme toujours, je fais l’autruche et cette soirée ne m’aide pas à prétendre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et c’est ça, je crois, le pire dans cette situation. Pas les maux de tête, pas la plaie ouverte sur mon front, pas le fait d’avoir attendu plusieurs heures aux urgences, non, le pire, ce sont les peurs irrationnelles qui m'étreignent à nouveau. « Je t’avoue que j’ai pas de réponse magique à te proposer. J’avais espéré que personne ne remarque rien jusqu’à temps que les marques partent, en vrai… » - « Je te le dis pas parce que j’attends que tu m’apporte la solution. » Il n’y en a pas : toute cette situation est hors de notre contrôle. « Je pense pas que ça aura de conséquence. Mais je voulais que tu le saches, au cas où je me trompe. » Un médecin peut-il demander qu’une enquête soit ouverte ? Je l’ignore et note dans un coin de ma tête de fouiller internet à la recherche de la réponse à cette question. « Au moins, ils ont fait attention à toi et à ton état de santé. » Et ça a sincèrement l’air d’être important pour lui. Peut-être le feint-il, mais je choisis d’ignorer cette possibilité puisque je préfère me convaincre du fait que je compte un peu pour lui. Alors, je me contente de hocher doucement la tête.

Je n’avais pas réfléchi aux conséquences qu’un retour à l’appartement aurait sur mon anxiété avant qu’il ne propose d’aller ailleurs. Maintenant que la réflexion est engagée dans mon esprit, l’idée même de mettre un pied là où le patriarche Williams m’a agressée me fait froid dans le dos et tout mon corps tremble. « Je sais où on va aller. » Et il ne tient de toute évidence pas à m’éclairer sur notre destination mystère. Mais après tout, qu’est ce que je risque, à m’en remettre à lui ? Ce n’est pas comme s’il y avait la moindre chance qu’il soit en train de conduire en direction d’un bordel pour me vendre, non ? Connaissant le blond et son goût prononcé pour le luxe et le confort, il y a toutes les chances que, de toute façon, nous allions dans un hôtel de luxe ou dans une résidence secondaire de la famille dont je n’aurais pas encore connaissance. « Comment va Shiloh, de son côté ? » La main toujours serrée dans la sienne, mon regard se perdait dans le vague, observait les rares lumières éclairant les façades des immeubles avant qu’il ne me pose à nouveau une question. Lorsqu’il le fait, je tourne la tête vers lui et lui adresse un sourire qui se veut rassurant. « Elle est surtout morte de peur je pense. » Elle doit aussi se sentir coupable à cause de ce qu’il m’est arrivé, alors que je ne songerais jamais à le lui reprocher. « Je préfère que ce soit moi plutôt qu’elle. » Pas que je sois particulièrement masochiste, mais mon amie est surtout particulièrement fragile. Moi, je sais que je parviendrai à prétendre que rien n’est arrivé. Ou en tout cas je le crois, et je sous estime au passage l’ampleur des peurs qui grandissent au creux de mon estomac. « Elle a assez morflé comme ça. Je comprends pas pourquoi elle doit c’est si long, pourquoi il n’y a pas déjà une injonction d’éloignement contre lui. » La présomption d’innocence est envoyée au feu : je sais que Shiloh dit la vérité. Je la connais depuis toujours.

La voiture se gare devant une propriété que je ne connais pas, mais qui ressemble à s’y méprendre à toutes ces maisons de personnes pleines aux as. Avant que je n’ai le temps de lui poser la moindre question, Damon éclaire ma lanterne. « On est chez ma mère. » Mes yeux s’écarquillent et je l’observe avec surprise, prête à rétorquer quelque chose, mais il m’en empêchent en levant un doigt au niveau de mes lèvres pour prendre la parole le premier. « C’est le meilleur endroit pour nous pour être tranquilles. Jamais on viendra nous chercher ici, on va pouvoir être tranquilles jusque demain au moins. » - « Mais elle… » - « Elle dort là, on a pas besoin de la voir ou de lui parler, on peut monter directement dans ma chambre, j’ai les clefs de la porte d’entrée avec moi. » Damon a visiblement pensé à tout, ce qui me prouve au moins qu’il s’attendait à ce que j’ai ce genre de réaction. Peut-il réellement me le reprocher ? Peut-il me regarder droit dans les yeux et prétendre que sa mère n’a rien contre moi et que je me fais des idées ? « Elle risque d’être furieuse. » Puisqu’elle me déteste. J’observe la devanture de la ville quelques secondes de plus, avant de pousser un soupir et de me rendre à l’évidence : je suis épuisée et être loin de notre appartement me fait plus de bien que je ne crains le courroux d’Elise Williams. Alors je finis par plonger à nouveau mon regard dans celui de Damon, et je hoche la tête. Il n’a pas menti. La maison est plongée dans le noir et le silence le plus total. Je me déplace presque sur la pointe des pieds, de peur de réveiller le dragon qui vit ici. Finalement, lorsque Damon referme la porte de sa chambre derrière lui, je me sens un peu mieux. « Tu as une chambre chez ta mère ? » Je l’interroge tout de même à voix basse. « Je croyais qu’elle avait déménagé après leur divorce ? » Et donc, alors que Damon était déjà un adulte. Pour moi qui ai toujours grandi dans un environnement dysfonctionnel, cela semble presque incompréhensible. Et je le jalouse en silence, aussi.

Les remarques du médecin n’étaient en aucun cas mal placées, bien qu’intrusives; elles étaient justement malheureusement un peu trop justes. Effectivement, les marques que possédait déjà Megan avant d’arriver aux urgences ce soir était bien dues à un excès de violence de la part d’un tiers, qu’elle avait subi peu de temps auparavant, mais ce n’était pas son mari qui était responsable de ces dernières. Sauf qu’expliquer que c’était le père de ce dernier pour une histoire de secrets de famille… cela n’aurait fait qu’épaissir le nuage de soupçon du médecin et n’aurait en aucun cas été là pour arranger la situation. « Je te le dis pas parce que j’attends que tu m’apporte la solution » Damon pinça les lèvres encore un peu plus. « Je pense pas que ça aura de conséquence. Mais je voulais que tu le saches, au cas où je me trompe. » Et alors, il échappa un soupire. Il espérait sérieusement que ça n’aurait pas de conséquences, effectivement; car s’il ne savait apporter de solution pour le moment, il n’était pas sur qu’en préparant une histoire tissée de mensonges il trouverait une version des faits édulcorée qui pourrait plaire aux médecins. Les traces sur le cou de sa compagne ne laissaient place à aucun doute, et il n’était pas dupe: le docteur qui avait ausculté la jeune femme aux urgences ne l’était pas non plus. Le soin point positif qui semblait ressortir pour le moment aux yeux de l’italien, c’était que la santé de Megan avait été mise sous le feu des projecteurs - pas pour les bonnes raisons, certes -, pendant un moment et il était rassuré de savoir qu’elle n’avait rien. Autant pour les événements de la soirée que pour ceux survenus un peu plus tôt dans le mois au sein même de leur appartement.

Appartement qu’ils n’allaient d’ailleurs pas retrouver pour le reste de la nuit, afin de pouvoir se cacher dans un lieu où ils seraient coupés du monde extérieur au moins le temps d’une journée. Damon ne comptait cependant pas révéler où ils se rendaient à la jeune femme et le ferait uniquement lorsqu’ils seraient arrivés à destination. En attendant, il avait largement le temps de pouvoir prendre des nouvelles de Shiloh, qu’il venait juste de déposer chez elle, épuisée. « Elle est surtout morte de peur je pense. » Sans réellement s’en apercevoir, Damon hocha légèrement la tête. « Je préfère que ce soit moi plutôt qu’elle. » Ce n’était, en revanche, pas forcément le genre d’option qui plaisait particulièrement au jeune homme; dans cette situation, personne ne méritait de se retrouver en position de victime mais s’il pouvait ne pas avoir à récupérer Megan tous les quatre matins aux urgences pour des raisons aussi sordides que celle d’aujourd’hui, il se porterait bien mieux. « Elle a assez morflé comme ça. Je comprends pas pourquoi elle doit c’est si long, pourquoi il n’y a pas déjà une injonction d’éloignement contre lui. » Mais il y avait quelque-chose qu’il avait rapidement compris, à force de côtoyer la blonde: elle tenait à ses amis et ferait tout pour ces derniers. Alors il n’était en rien étonné qu’elle soit inquiète pour la jeune femme, et qu’elle soit soulagée d’être celle ayant reçu les coups plutôt que Shiloh soit victime de cet homme qui semblait lui en avoir déjà fait baver. « La justice est un système compliqué. Un jour, elle obtiendra ce qu’elle mérite. » Ce n’était pas un domaine dans lequel il se sentait à l’aise, et il enfonçait une porte ouverte en avançant une telle affirmation. Néanmoins, si cela pouvait d’une quelconque manière rassurer Megan, il continuerait dans son discours. « En attendant, elle a de la chance de t’avoir à ses côtés. » Une personne veillant sur elle, presque pour le coup se sacrifiant pour elle: ce n’était pas rien, et il était persuadé que Shiloh savait parfaitement la chance qu’elle avait.

Ce ne fut qu’une bonne poignée de minutes plus tard que Damon se rangea le long du trottoir devant la maison de sa mère. Le message rapidement envoyé à cette dernière ne serait lu qu’un réveil, mais ce n’était pas ce qui importait présentement: il devait à Megan une explication quant à son choix d’endroits où ils seraient en sécurité. « Mais elle… » Et il avait anticipé toutes les questions qu’elle pourrait avoir. Il savait son choix controversé, mais il était sur de lui cette fois-ci et camperait sur ses positions s’il le fallait. De toutes manières, il avait de super arguments pour faire pencher la balance en sa faveur. « Elle risque d’être furieuse. » - « Elle dira rien, t’en fais pas. » Il connaissait sa mère et savait qu’elle serait davantage inquiète de savoir qu’ils avaient eu besoin de crécher chez elle plutôt que furieuse qu’ils aient débarqué à l’improviste. Même si elle ne laissait rien paraitre, Elise était du genre à s’inquiéter facilement pour son fils et ferait tout pour l’aider lorsqu’il le demandait. Les deux jeunes gens restèrent plusieurs instants à se regarder dans les yeux, plongés dans l’obscurité de la rue, avant que Megan ne vienne hocher la tête: là était le feu vert pour entre dans la maison. Dans cette dernière, Damon n’eut même pas besoin d’allumer quelconque lumière, connaissant que trop bien le chemin menant à sa chambre pour l’avoir fait des dizaines de fois - et surtout tard alors que la nuit était déjà tombée. Lorsqu’il referma la porte de sa chambre, ses épaules se relâchèrent un peu plus: ils seraient tranquilles ici. « Tu as une chambre chez ta mère ? » La question fit légèrement hausser un sourcil au jeune homme. « Oui. » A ses yeux, la réponse était évidente - mais si la blonde posait la question, c’était que ce n’était pas aussi simple que cela. « Je croyais qu’elle avait déménagé après leur divorce ? » Accrochant sa veste au porte-manteau derrière la porte, il fit ensuite quelques pas légers jusqu’au placard situé sur un pan de mur de la pièce. Dedans se trouvaient des affaires à lui qu’il n’avait pas songé utile d’emporter dans l’appartement que Megan et lui partageait désormais, et cela ferait amplement l’affaire pour la soirée. Il sortit d’une étagère deux ensembles de pyjama. « Qu’importe la situation, elle veut que je puisse me sentir chez moi. » Il se tourna, finissant par déposer les vêtements sur son lit dont les draps étaient tirés aux quatre épingles. « Alors elle a toujours fait en sorte que je puisse être chez moi chez elle, et ça lui semblait évident que je puisse garder ma chambre ici pour que ce soit le cas. » Remontant le regard vers la demoiselle, il esquissa une petite moue. C’était peut-être prétentieux de sa part, mais en réalité Damon avait toujours été reconnaissant envers Elise de toujours l’avoir considéré comme son fils, qu’importe le statut officiel qu’il avait et l’âge qu’il portait. « Je pense aussi que ça lui permet de pas trop se sentir seule parfois, mais ça elle en parle pas. » Parce-que dire que c’était la chambre de son fils revenait à dire, dans un sens, qu’elle n’était pas vraiment seule dans cette grande maison. « C’est ici que je suis venu dormir, la veille du mariage. » Comme pour aujourd’hui, lorsqu’il avait eu besoin d’un endroit où se sentir en sécurité, où les jugements n’auraient pas leur place, il s’était réfugié dans cette chambre autant d’enfant que d’adulte, doux mélange du gamin qu’il avait pu être et de l’homme que le temps avait forgé de lui. Et puis, comme si cela semblait être une ponctuation plutôt qu’un changement de sujet, il tendit l’un des pyjamas à Megan, un petit sourire attendri aux lèvres. « La porte derrière moi donne sur la salle de bain, et y’a des brosses à dents  neuves sous le lavabo si tu veux. »

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Megan Williams & @Damon Williams

« La justice est un système compliqué. Un jour, elle obtiendra ce qu’elle mérite. » J’ignore à quoi je m’attendais mais ce fait là, Damon ne me l’apprend pas. La justice a permis que je sois retirée à ma mère à diverses reprises mais qu’on finisse toujours pas m’y renvoyer, la justice a permis à un père qui n’ignorait rien de mon existence de continuer à agir comme si je n'existais pas. Mais concernant Shiloh, parce qu’il s’agit d’elle et pas de moi, je m’attendais à mieux. J’espérais mieux, plus, j’espérais qu’il soit au moins possible de demander et d’obtenir rapidement une interdiction pour lui de l’approcher, et j’espérais aussi pouvoir l’aider mieux. Ce soir, il m’a frappée mais je ne peux pas aller porter plainte et aider mon amie à cause de raisons égoïstes : parce que j’aurais peur d’avoir des problèmes à cause de Saül. Si elle me le demandait, je ne sais même pas comment je pourrais expliquer mon refus. Damon sait-il lire dans les pensées où bien est-ce écrit dans mon regard que je suis contrariée en proie à un combat intérieur ? « En attendant, elle a de la chance de t’avoir à ses côtés. » - « Si elle avait vraiment de la chance, je serais allée porter plainte ce soir. » J’ai beau être touchée par le fait de ne pas pouvoir le faire, je comprends toutes les raisons qui font que ce serait la pire des idées. Je crois que j’avais simplement besoin de l’exprimer à voix haute et ainsi, l’expulser hors de mon système.

Damon nous conduit chez sa mère et je n’en crois pas mes yeux et mes oreilles. De mémoire, Elise n’a jamais démontré la moindre sympathie à mon égard, ne m’a pas adressé un mot au mariage et n’a jamais étendu à ma personne les invitations à dîner chez elle qu’elle adresse à Damon. Je suis persona non grata, le message est parfaitement passé. « Elle dira rien, t’en fais pas. » Je n’ai pas envie de remonter en voiture et je ne me sentirais pas à l’aise sans Damon ce soir, de toute façon. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de me plaindre une dernière fois, avec plus d’humour cependant. « Tu plaisantes ? Que quelqu’un d’autre imparfait que moi ait mis les pieds dans son château ? Une fille aussi vulgaire et quelconque ? » Ces deux derniers qualificatifs, elle ne les a jamais employés pour me désigner ou en tout cas, pas à voix haute ou en face de moi. Mais je l’ai lu dans ses yeux, lorsqu’elle a insisté pour m’emmener essayer des robes de mariée. J’esquisse malgré tout un petit sourire puisque Damon ne peut pas le prendre mal : il me semble aberrant qu’il ne soit pas conscient de comment se comporte sa mère avec tout le monde n’étant pas lui. Malgré tout, je le suis sans faire un bruit - il serait tragique de réveiller la bête et lorsqu’il referme la porte de sa chambre derrière nous, je m’étonne qu’il en possède une. « Qu’importe la situation, elle veut que je puisse me sentir chez moi. » Ce me semble être une chance inouïe semble si naturel pour lui que c’en est déconcertant. « Alors elle a toujours fait en sorte que je puisse être chez moi chez elle, et ça lui semblait évident que je puisse garder ma chambre ici pour que ce soit le cas. » Il a beau s’agir d’Elise fucking Williams, je suis attendrie par ce que je lis dans les yeux de Damon. En bon enfant choyé, il aime sa mère, mais il est surtout immuablement certain qu’elle sera toujours là pour lui, pour le protéger et avoir ses arrière. Il sait qu’elle fera toujours partie de sa vie et qu’elle choisira toujours son camp et, au-delà d’être attendrie, je ressens une jalousie dévorante. Je crois qu’elle a beau être la pire des garces avec un balais dans les fesses, j’aurais tué pour avoir une mère qui ressemble à Elise Williams. « Je pense aussi que ça lui permet de pas trop se sentir seule parfois, mais ça elle en parle pas. » J’esquisse un sourire amusé, complice et tendre à la fois, avant d’avouer. « T’as de la chance de l’avoir. » Son père est peut-être la pire des ordures, mais sa mère, aussi imparfaite soit-elle, a ses intérêts à cœur.

« C’est ici que je suis venu dormir, la veille du mariage. » La confession est inattendue, surprenante, et je ne sais pas ce que je dois en faire ou où il veut en venir. Veut-il me rassurer en me disant que, s’il était là, c’est qu’il n’était pas ailleurs, auprès de quelqu’un d’autre ? A mes yeux, il se moquait bien de ce que je pouvais penser de tout ça. « D’accord. » Je hoche la tête doucement, tentant d’imaginer le blond dans la chambre dans laquelle nous nous trouvons, en train de se préparer à me dire oui. « Elle a essayé de te convaincre de faire marche arrière ? » J’esquisse quelque chose qui avait pour but de ressembler à un sourire mais qui a surtout des airs de grimace. « Du genre, ”si t’as le moindre doute, je t’attendrai en voiture à la sortie de l’église et tu pourras sauter en marche” ? » J’imagine Elise comme étant restée très en retrait des décisions prises par son ex-mari, mais peut-être est-il possible que je me trompe. D’une main, il me tend un ensemble de pyjamas à rayures qui correspond parfaitement à l’image que les gens doivent se faire de nous - petit couple de jeunes riches parfaits sous toutes leurs coutures - et je l’attrape en le remerciant. « La porte derrière moi donne sur la salle de bain, et y’a des brosses à dents  neuves sous le lavabo si tu veux. » Je n’ai pas la force de me traîner sous la douche, pas alors que mon front me fait mal et que la plaie me semble encore si douloureuse que j’ai l’impression qu’elle est toujours ouverte, mais je n’ai rien contre l’idée de me rafraîchir. Je m’y emploie donc dans la pièce désignée par l’italien, et j’en profite pour troquer mes vêtements tâchés pour le pyjama avant de le retrouver dans la chambre. L’ensemble est trop grand - Damon est loin d’être un morveux - si bien que j’ai retroussé les manches plusieurs fois et noué le bas de la chemise, ce qui me donne l’impression d’être parfaitement ridicule. « C’est agréable non, d’avoir un endroit comme celui-ci où tu peux venir quand tu as besoin de te sentir en sécurité ? » Et entouré d’amour et d’attentions. Les serviettes dans la salle de bain étaient propres et fraîchement repassées, et je doute que ce soit l'œuvre du blond. Sa mère est bien du genre à ne rien laisser au hasard. « Je me sens plus en sécurité dans l’appartement. » Je le confie à voix basse, presque honteuse de l’avouer. « Je me sens plus en sécurité nulle part, à vrai dire. » Entre Lawrence, la tentative de meurtre au mariage mais surtout l’agression de Saül et la crainte qu’il me fasse suivre pour me confondre en pleine faute, j’ai toujours l’impression d’être surveillée et de vivre sur le fil du rasoir. Qui pourrait me le reprocher ?

« Si elle avait vraiment de la chance, je serais allée porter plainte ce soir. » Aux paroles de la jeune femme, Damon ne fut trop que faire d'autre que de pincer ses lèvres sans ajouter le moindre mot. Que pouvait-il se permettre de dire, de rétorquer, alors qu’il était parfaitement au courant que si elle ne l’avait pas fait c’était en grande partie à cause de lui - ou de sa famille, mais par extension les choses se mêlaient finalement ? Si Megan était allée aux urgences plutôt qu’au commissariat, c’était parce-que les enjeux de son côté étaient trop importants; cela risquait de porter le soupçons sur d’autres aspects de leur vie privée et ni l’un ni l’autre n’avait besoin de ça en ce moment.

Damon avait attendu qu’ils soient devant la porte de chez sa mère afin de révéler à Megan où ils se trouvaient. Il savait d’avance que l’idée n’allait pas lui plaire, mais c’était peut-être la chose la plus logique à faire pour ce soir; il fallait qu’ils rechargent leurs batteries, surtout la blonde, et ils ne pourraient le faire s’ils se sentaient en permanence sur leurs gardes. Au moins ici, personne ne les embêterait - et Elise ferait tout pour aider son fils, il n’y avait même pas besoin de tergiverser sur la question. Certes, il ne venait là pas seul, mais aux yeux de l’italien c’était là un détail. « Tu plaisantes ? Que quelqu’un d’autre imparfait que moi ait mis les pieds dans son château ? Une fille aussi vulgaire et quelconque ? » Heureusement, il perçut à temps la pointe d’humour que la demoiselle avait insufflé à ses paroles - mais il ne s’empêchait pas pour autant de lever les yeux au ciel. « Elle s’en remettra, t’en fais pas. » Peut-être effectivement qu’elle ferait un commentaire, mais ce n’était pas pour autant que cela l’empêcherait de continuer de vivre. Damon avait parfaitement compris que le choix de femme n’était pas ce que Elise aurait espéré pour lui; mais ce n’était pas à elle de décider - ou peut-être qu’elle aurait du être seule décisionnaire, finalement, dans cette histoire: il aurait peut-être existé une finalité qu’il aurait aimé voir se réaliser cette fois-ci. Parce-que lorsqu’il s’agissait de son fils, l’ancienne dame Williams faisait toujours en sorte que tout soit pour le mieux, que tout soit fait pour lui plaire à lui et lui servir à lui plutôt qu’à elle. Il était peut-être et surement la seule personne sur cette planète pour qui elle se mettrait réellement en quatre - pour les autres, la plupart du temps, elle faussait son enthousiasme. « T’as de la chance de l’avoir. » Il esquissa une légère moue. « Je sais. » Il était sincère.

Et peut-être était-ce le fait de revenir ici après ne pas y avoir mis les pieds pendant des mois qui faisait remonter certains souvenirs plus que d’autres, plus que d’ordinaire. Comme le fait qu’effectivement, la dernière fois qu’il avait dormi ici c’était la veille de leur mariage, à Megan et lui. Il ne saurait trop définir si le commentaire avait été fait à haute voix pour lui seul ou pour réellement s’adresser à la jeune femme, mais à la façon dont il s’était finalement exprimé les soupçons portaient sur la seconde option. « D’accord. » Il releva légèrement le regard. « Elle a essayé de te convaincre de faire marche arrière ? Du genre, ”si t’as le moindre doute, je t’attendrai en voiture à la sortie de l’église et tu pourras sauter en marche” ? » Le sourire que portait Damon en cet instant était sincère et amusé. « Tu veux connaître le plus étonnant ? » Après tout, même s’il ne s’attendait pas à dériver vers ce sujet là, il était celui l’ayant amené sur le tapis. « Même pas. Je veux dire, elle s’est assurée que j’étais sur de mon choix et tout ça, oui. Mais elle a pas proposé de porte de sortie comme ça. » Celle qu’elle avait mise en avant ce soir là allait à l’encontre du mariage, certes, mais n’était pas composée d’une voiture qui lui permettait de fuir à tout moment. A dire vrai, il ne se rappelait pas de la dernière fois qu’il avait vu sa mère conduire.

« C’est agréable non, d’avoir un endroit comme celui-ci où tu peux venir quand tu as besoin de te sentir en sécurité ? » Les yeux du blond se relevèrent de son téléphone lorsque Megan sortie de la salle de bain, habillée de son pyjama - trop grand pour elle. Si la question de la jeune femme n’avait pas été chargée de ce sérieux qu’il percevait, il aurait souri attendri par l’image qu’il avait devant lui. Bien sur que là était le type de moment qu’il aurait aimé sincèrement vivre, quelques années en arrière. Damon s’était imaginé plus d’une fois dans un mariage heureux, où les moments de complicité ne manquaient pas et où ces derniers fournissaient la boite à souvenirs pour les jours pluvieux, les jours plus vieux. Les choses étaient toutes autres, le contexte était bien différent. Peut-être que dans dix ans, cela représenterait l’un de ces souvenirs dont il aimerait pouvoir faire référence; aujourd’hui, il retint la moindre réaction attendrie alors que la situation ne s’y prêtait en rien. « C’est agréable, oui. » Il posa l’appareil électronique sur le bord du lit, portant son attention entière sur la blonde désormais. Il n’allait pas lui mentir: cette porte de sortie là, cette possibilité de retourner chez sa mère s’il en avait besoin, quand il en avait besoin, n’avait que du positif. « Je me sens plus en sécurité dans l’appartement. » Les mots furent dits à voix basse, comme une confession un brin trop dure à avouer. Et cela baissait le coeur de Damon, de savoir ça - même si c’était une éventualité à laquelle il s’était préparé. « Je me sens plus en sécurité nulle part, à vrai dire. » Soupirant légèrement, il se releva du bord du lit sur lequel il s’était posé afin de faire les quelques pas qui le séparait de Megan. Et laissant son instinct agir, il passa ses bras autour des épaules de la blonde afin de l’attire à lui, déposant un baiser sur son front dans le mouvement. « Je suis désolé. » Un jour, promis, peut-être, il arrêterait de s’excuser alors qu’il n’était pas la source du problème. Mais les mauvaises habitudes avaient la peau dure et bien plus résistante que n’importe quelles autres habitudes. « Est-ce que tu veux que je t’aide à trouver une solution pour que ça continue pas comme ça ? » Parce-qu’il n’étiat pas le mieux placé pour trouver comment faire pour que les choses s’arrangent. Par contre, il pouvait se montrer présent pour la jeune femme - ce qu’il n’avait surement que trop peu fait ces derniers temps.

Car si la rancoeur était toujours présente dans le coeur de l’italien, il savait revoir ses priorités lorsque cela était nécessaire - et il pouvait comprendre que la situation actuelle lui demandait de mettre de côté son ressenti pour se concentrer sur celui de Megan. « Parce-qu’on peut toujours déménager, tu sais. Ca résoudra pas tous les problèmes, mais ça pourrait être un début. » Un appartement n’était qu’une transaction immobilière, après tout, du côté des choses légales à faire. Certes, c’était l’endroit où ils s’étaient installés pour la première fois ensemble, mais des souvenirs ils pourraient en faire dans tous types d’endroits. Et puis de toutes façons, Damon avait été habitué à déménager plus d’une fois, année après année, que c’en était devenu quelque-chose de presque normal pour lui. « On peut revendre l’appartement, acheter autre chose, trouver un endroit où tu te sentirais mieux. »

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Megan Williams & @Damon Williams

Je doute que Damon ne soupçonne que je la jalouse pour l’existence d’une Elise dans sa vie. Je n’ai jamais fait un secret de ce que sa mère trop protectrice m’inspire, et du peu d’affection que je lui porte. Je considère que je n’y suis pour rien, que je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce et que je suis en droit de ne pas la porter dans mon cœur tant que je ne tente pas d’éloigner son garçon d’être en le montant contre sa mère. Pourtant, si je ne veux pas de ma belle-mère dans ma vie, j’envie ce que cela dû être que de grandir avec une femme comme elle comme modèle. Je crois qu’on ne fait pas plus différentes qu’Elise Williams et Billie Monroe. L’une est trop collée aux basques de son fils, l’autre avait certainement oublié que j’allais me marier quelques heures seulement après l’avoir appris. Lors de sa remise des diplôme, voir tous ces parents observer leur enfant les yeux remplis de fierté m’a filé la nausée. J’ai eu une boule dans la gorge et envie de m’enfuir en courant. Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que j’étais la seule personne présente pour Damon, et qu’il méritait que quelqu’un le regarde comme ça, lui aussi.

Il n’y a rien de bien étonnant à ce que je suppose que sa mère a tenté de tout faire pour s’opposer à notre union, par instinct de protection. « Tu veux connaître le plus étonnant ? » Je hoche la tête, mais en ai-je seulement en vie ? Difficile de deviner ce qu’il s’apprête à me confesser. « Même pas. Je veux dire, elle s’est assurée que j’étais sur de mon choix et tout ça, oui. Mais elle a pas proposé de porte de sortie comme ça. » - « Elle l’aurait fait si elle avait pu. » Si elle n’avait pas resté un pantin de Saül malgré le divorce. « C’est agréable, oui. » - « Quel âge tu avais quand tu as pris conscience de la chance que tu avais ? » D’être né dans une famille riche, de pouvoir claquer des doigts et d’avoir ce qu’il voulait, d’avoir une mère prête à sortir les griffes et les dents pour le protéger lui ? Ma curiosité est sincère. Je crois que je ne me suis jamais posé de question sur l’anormalité de ma situation avant d’être retirée à ma mère. Je crois qu’il m’a fallu voir les autres enfants du foyer pour réaliser que j’avais tous les droits d’être en colère.

Lorsque j’ai quitté ma famille d’accueil pour voler de mes propres ailes, je me suis promis que jamais plus je ne me sentirais en danger dans ma propre maison. Que jamais plus je laisserais la vie me malmener comme un personnage secondaire. Je croyais que c’était ce que je faisais, en accepter le marché de Saül, m’assurer la sécurité et un statut. Seulement, dans ma quête de devenir un personnage principal, j’ai renoué avec la précarité, une précarité différente, mais qui a malgré tout réveillé de vieilles blessures. « Je suis désolé. » Il n’y est pour rien. Il est dur avec moi ces derniers temps, froid aussi. Mais il a fait ce qu’il avait à faire lorsque son père m’a agressé. Il s’est interposé et personne n’était en droit d’exiger plus de lui. Malgré tout, il n’en reste pas moins vrai que la distance qu’il a mise entre nous n’aide pas. Je me sens parfois comme une étrangère dans mon propre environnement. « Est-ce que tu veux que je t’aide à trouver une solution pour que ça continue pas comme ça ? » Trouver une solution, c’est bien le genre de comportement typique des gens réfléchis, comme Damon, ce que je ne suis pas. C’est certainement aussi pour ça que je lui lance cet appel à l’aide, parce que j’ai besoin de quelqu’un comme lui pour m’aider. « Tu sais, certains jours je me dis qu’il méritait la prison, et que j’aurais dû l’y envoyer. » Je pousse un soupir et frotte mes yeux du plat de ma main. « Mais il aurait eu une armée d’avocats. » Moi, il m’aurait enterrée. Je réalise qu’il a peut-être toujours su qu’il ne risquait pas grand-chose, qu’il a peut-être vu ma cupidité comme une manière de régler deux problèmes en un seul. J’ai été naïve. Je n’ai pas pris du recul pour voir la situation sous tous ses angles. « Et je t’aurais pas rencontré. » Peut-être maudit-il le jour où j’ai décidé de faire chanter Saül. Moi, je choisis de le voir lui, Damon, comme la lueur d’espoir de cette situation.

« Parce-qu’on peut toujours déménager, tu sais. Ça résoudra pas tous les problèmes, mais ça pourrait être un début. » Je ne crois pas que ce soit une question de lieu, mais de contexte. Je crois que c’est la mainmise de Saül sur tous ses gestes et actions qui me terrorise plus que les quatres murs de notre appartement terrasse. « On peut revendre l’appartement, acheter autre chose, trouver un endroit où tu te sentirais mieux. » - « C’est gentil de ta part… » Assise contre la tête de lit, je recouvre ma main de la sienne et je serre ses doigts. « Mais je crois qu’on sera jamais assez loin de lui. » Je crois qu’il faudrait traverser l’Australie pour ça, pas changer de quartier, et je n’ai pas envie d’en demander tant à Damon puisqu’il ne me doit rien, tout du contraire. « Je crois qu’il faut que je m’endurcisse. » Rien de surprenant au fait que je vois ça comme la solution : c’est ce que j’ai toujours fait, me construire au carapace. Néanmoins, je m'interroge : contre mon silence, pourrais-je obtenir quelque chose de la part du patriarche Williams ?

« Elle l’aurait fait si elle avait pu. » Le petit sourire qui ornait les lèvres du jeune homme était sincère, un brin amusé; mais il y avait une sorte de résignation dans ce dernier également, qui n’apparaissait pas depuis bien longtemps dans la façon de réagir de Damon. Quelques mois plus tôt encore, il n’aurait pas autant accepté le destin qui lui tombait dessus de la sorte - ou tout du moins, pas de la même façon qu’il avait pu le faire pendant des années. Jusqu’alors, il n’était pas autant conscient de ce qu’il se passait autour de lui; ces derniers temps, tout était différent. Il y avait des choses pour lesquelles il s’était battu à son échelle, et d’autres pour lesquelles il avait simplement accepté la fatalité de la réalité. « Quel âge tu avais quand tu as pris conscience de la chance que tu avais ? » Si le regard de l’italien accrocha celui de Megan un instant, il le détourna assez rapidement par la suite. Il n’y avait aucun reproche, ou sentiment s’y apparentant, dans la question de la blonde; simplement de la curiosité. Cependant, s’il était honnête, Damon était quelque peu honteux de la réponse qu’il s’apprêtait à donner - et c’était pour cette raison que ses joues furent un instant un peu plus rouges que la normale. « Honnêtement ? » Ne l’avait-il pas toujours été avec elle, de toutes façons, honnête ? « J’étais déjà trop grand. » Parce-qu’il avait fallu attendre qu’il se retrouve livré à lui-même - si on pouvait qualifier sa façon de vivre de cette façon - pour se rendre compte à quel point la vraie vie n’avait pas du tout la saveur que ses parents lui avaient inculqué. « J’habitais déjà à New-York quand je me suis rendu compte que c’était pas vraiment normal, de vivre comme ça. » Parce-qu’il avait toujours tout eu sur un plateau d’argent, que cela avait toujours été considéré comme normal, que ce soit le cas. Ce fut uniquement lorsqu’il fut confronté à des personnes ne partageant en rien le train de vie que lui pouvait mener qu’il s’était rendu compte que peut-être, les autres étaient la normalité et lui l’exception. « J’aurais pu le découvrir plus tôt, si j’avais ouvert les yeux de moi-même. Mais bon, c’était pas vraiment quelque-chose à laquelle j’étais habitué non plus. » Saül ayant eu la main-mise, le contrôle, sur bien des aspects de la vie de sa progéniture pendant trop longtemps - et encore aujourd’hui.

Et c’était d’ailleurs parce-qu’il s’octroyait toujours un droit de présence dans le quotidien de Damon et de Megan qu’il réussissait à semer la pagaille de la sorte, se permettait un comportement qui n’était pas digne d’être mentionné à haute voix, qu’il abusait de ce statut de père qu’il avait pourtant volé. « Tu sais, certains jours je me dis qu’il méritait la prison, et que j’aurais dû l’y envoyer. » Le soupire de Damon fit parfaitement écho à celui de la jeune femme. « Mais il aurait eu une armée d’avocats. » Il avait su, depuis le début, qu’un temps viendrait où il aurait envie de finalement voir Saül derrière les barreaux; ça n’aurait pas été la première fois qu’il en serait venu à regretter d’avoir agi d’une façon plutôt que d’une autre. Il était persuadé depuis le premier jour où il avait appris pour le pacte qui avait été décidé entre Megan et son paternel que l’envie de sauver la peau de ce dernier ne serait plus autant urgente, serait bien moins pressante. Il ne s’était juste jamais imaginé que ce serait par rapport aux agissements de l’italien sénior envers sa femme - il avait toujours parié qu’il aurait fini par lui taper sur le système, littéralement ou au sens figuré les deux fonctionnaient. Finalement, il n’avait pas été la victime de la situation - pas uniquement, en tous cas. « Il mérite. » Même si ce n’était pas là bas que Damon souhaitait envoyer son père et que c’était pour cette raison qu’il campait sur ses positions et qu’il tentait d’assumer son choix aussi bien que possible. Cependant, c’était bien moins simple d’agir de la sorte lorsqu’il agressait la jeune femme à ses côtés, désormais sa femme. « Et je t’aurais pas rencontré. » Et cette dernière avait beau lui avoir menti pendant des mois, avait beau avoir tourné la situation uniquement à son avantage pendant bien trop longtemps, lorsqu’elle lui adressait des mots de cette sorte, Damon avait du mal à lui en vouloir encore autant que la veille. Le temps faisait des miracles, et pouvait réparer bien des choses; peut-être que c’était effectivement leur cas, à eux. Alors, même s’il n’ajouta ici mot, le sourire que portaient ses lèvres parlait pour lui: il était également heureux que les choses se soient passées de cette façon, in fine, d’une certaine sorte. Il était au moins certain d’une chose: rencontrer Megan n’était pas la partie qui posait soucis dans toute cette mascarade.

Preuve en était: il se proposait pour trouver la solution qui conviendrait le mieux pour que la jeune femme se sente de nouveau en sécurité chez eux. Ce n’était pas simple affaire, il l’avait parfaitement compris dès l’instant où il avait mis son père à la porte de chez eux, ce soir là; mais il avait en réserve la patience et l’envie de faire en sorte que les choses s’améliorent. « C’est gentil de ta part… » Les doigts de Megan attrapèrent les siens, mais il attendait tout de même le mais qui s’en venait. « Mais je crois qu’on sera jamais assez loin de lui. » Oh, elle ne pouvait savoir à quel point elle avait raison: aucun endroit porté par cette planète se trouvait assez loin pour ne pas être agrippés par les griffes de Saül Williams. Il avait tenté, Damon, de faire en sorte ne plus être dans son radar; il avait à peine effleuré la zone d’ombre, et ce même en ayant vécu des années entières loin de ses parents il n’avait su leur échapper. Il avait fini même par retrouver leur filet. Alors, il soupira une nouvelle fois. « Keep your friends close and your enemies closer, après tout. » Ce n’était pas sur cette finalité qu’il aurait voulu atterrir, mais c’était peut-être la réalité à laquelle ils devaient s’habituer - ou se réhabituer, il ne savait plus et perdait le compte à force. Quand le Williams sénior avait décidé de quelque-chose, il mettait tout en oeuvre pour y arriver; le fuir n’était pas une solution définitive mais aurait pu permettre de faire tampons entre deux temps importants de leur histoire commune. En gardant Saül à leurs cotés - à distance raisonnable, cela s’entendait -, ils pourraient au moins anticiper ses gestes et décisions, et éviter de tomber de nouveau de haut comme cela avait été le cas ces derniers temps. « Je crois qu’il faut que je m’endurcisse. » Damon plissa légèrement le nez: ce n’était pas le genre de solutions qu’il portait dans son coeur, mais ce n’était pas à lui de décider ce qui était bon ou non pour la jeune femme. Il serra un brin davantage les doigts de la jeune femme entre les siens. « Je t’aiderai. » Il esquissa un fin sourire. « J’ai aucune idée de comment je peux faire ça, mais je t’aiderai. » Ce n’était peut-être pas grand chose, vu de l’extérieur, et même fut-elle une réponse plutôt attendue: après tout, ils étaient mari et femme désormais. Cependant, en regard de la situation dans laquelle ils évoluaient dernièrement, cela paraissait presque exceptionnel qu’il réplique de la sorte face à Megan. Il pourrait fuir, et la laisser se débrouiller avec la situation. Il avait repoussé Saül une fois, cela avait été suffisant pour qu’ils n’entendent plus parler de lui depuis. Il pourrait laisser tomber et se contenter de prendre des nouvelles de temps en temps.

Mais Damon restait Damon, et le coeur tendre qui battait dans sa poitrine n’était pas près de quitter ce lieu, justement, ni de changer de composition. Alors bien sur que le temps faisait déjà son effet et qu’il serait leur meilleur atout dans toute situation; car s’il en voulait encore à la demoiselle de lui avoir autant menti, de s’être autant jouée de lui, ce n’était plus oppressant au point où il ne voyait plus autre chose que ses mensonges lorsqu’il la regardait. Ce soir, et ce pour la première fois depuis la fois où son père avait été mis à la porte de chez eux, il voyait à quel point une certaine détresse animait toujours la jeune femme. « Je prendrai le temps d’écouter ce que tu as à me dire, et je ferai en sorte d’agir comme il faut pour que tu te sentes mieux. » Il haussa document les épaules, laissant son regard accrocher toutes les formes de sa chambre plutôt que de croiser celui de Megan. « C’est… Comme je te dis: je sais pas comment je vais faire ça. Mais je vais faire mieux. »

Everybody knows that the dice are loaded
Megan Williams & @Damon Williams

« J’habitais déjà à New-York quand je me suis rendu compte que c’était pas vraiment normal, de vivre comme ça. » Devant cet aveux, et alors qu’il m’expose sa vulnérabilité, j’esquisse un sourire et je hausse les épaules. « La normalité c’est quoi finalement ? Je crois pas qu’on puisse dire que ce soit ma famille à moi non plus. » Peut-être un juste milieu. Peut-être rien de tout ça, Damon a de la chance, c’est le terme que j’ai employé et je ne voulais rien dire de plus, certainement pas faire naître chez lui une sorte de culpabilité, ou en tout cas de légère honte à admettre qu’il n’a pris conscience de ses privilèges que trop tard. « J’aurais pu le découvrir plus tôt, si j’avais ouvert les yeux de moi-même. Mais bon, c’était pas vraiment quelque-chose à laquelle j’étais habitué non plus. » - « C’est pas mal tu sais. » Que je réponds, en le rejoignant au lit et en me glissant sans un bruit sous les draps. « Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu conscience d’être différente. Et c’est pas drôle, de grandir en étant différent. » Je me tourne sur mon flanc pour plonger mes yeux bleus dans les siens. « Alors c’était peut-être pas la meilleure leçon d’humilité que tes parents auraient pu te donner, mais dans un sens, peut-être que ça t’a protégé aussi. » J’aurais tout donné pour naître dans une famille comme la sienne. Ce serait parfaitement hypocrite que de le pointer du doigt. Ma question n’avait pas du tout ce genre de vocation : je voulais simplement savoir ce que ça faisait, lorsqu’on est enfant puis adolescent, de grandir en étant certain qu’il ne nous arrivera jamais rien.

« Il mérite. »
« Oui, il le mérite. »

Pas de certainement, ni de peut-être ou de mais. Si Damon lui-même le pense et l’avoue, je n’ai pas besoin de tourner autour du pot pour enjoliver la vérité. Malgré toutes ces choses, cela ne change rien au fait qu’à mon échelle, j’aurais certainement été un vulgaire insecte : Saül aurait pris un malin plaisir à m’écraser sous son talon, moi, l’audacieuse gamine qui a eu le culot de le faire chanter. « Tu sais s’il a arrêté ? De faire ce dont je l’ai accusé ? » A savoir, voler dans les caisses de sa propre entreprise ? Je pose la question à voix-basse, à demi-mots, parce que j’ignore ce que je peux demander à Damon et ce qui doit rester tabou, lorsqu’il est question de son père. Mais je suis curieuse de savoir si Saül se pense assez au-dessus des lois pour avoir poursuivi son larcin, même après avoir été pris une fois la main dans le sac. Et après tout, un scandale le concernant rejaillirait sur nous tous à présent, moi également. « Keep your friends close and your enemies closer, après tout. » Je laisse échapper un simple rire teinté de plus de tristesse que de joie, presque un soupir. « Si on pouvait aller vivre sur Mars, je serais dans les premières navettes. » Mais certainement que Saül Williams trouverait un moyen de se faire couronner roi, là-bas. Ou bien deviendrait-il également un magnat des affaires intouchables.

« Je t’aiderai. J’ai aucune idée de comment je peux faire ça, mais je t’aiderai. » Doucement, je tends une main dans sa direction pour effleurer sa joue du bout des doigts. Merci, lui dis-je silencieusement et au travers de ce simple geste tendre. Il peut reculer, s’il le souhaite. Je ne serais pas surprise, pas après le froid polaire qu’il a soufflé dans notre mariage depuis qu’il sait que je ne suis pas une blanche colombe. « Je prendrai le temps d’écouter ce que tu as à me dire, et je ferai en sorte d’agir comme il faut pour que tu te sentes mieux. » Il tourne la tête et ses yeux m’échappent. J’ignore ce que ce geste trahit, si c’est de la honte, un manque de confiance en lui ou bien un manque de foi en moi. J’ignore s’il trahit l’affliction de ne pas être arrivé plus tôt pour me protéger de son père, ou s’il se lamente de devoir prendre soin d’une femme qu’il n’aimera de toute évidence jamais vraiment. « C’est… Comme je te dis: je sais pas comment je vais faire ça. Mais je vais faire mieux. » Dans un cas comme dans l’autre, je comprendrais. Il n’a jamais demandé à me protéger, Damon. Je ne suis pas une fille qu’il a choisie dans la rue pour la prendre sous son aile : je lui ai été imposée. Mais je ne suis pas capable d’assez de recul pour refuser la main qu’il tend dans ma direction, parce que j’ai attendu qu’il le fasse pendant des semaines même si je n’en avais pas le droit. « Je sais qu’il peut pas me tuer. » Mais j’ai du mal à savoir où est la limite du mal qu’il peut s’autoriser à me faire sans avoir peur que cela se voit. « Je le sais. » Et de fait, je ne devrais pas être inquiète. Ce n’est même pas sa faute si j’ai visité les urgences ce soir, il n’a aucun rapport avec cette histoire et pourtant c’est au traumatisme de son agression à lui que celle de Lawrence m’a renvoyée. « Mais je l’oublie. Et dès que j’entends un bruit dans l’appartement, ou derrière moi quand je marche dans la rue, je sursaute et mon cœur donne l’impression qu’il va s’arrêter. » Pendant quelques secondes, j’expérimente une peur bien plus réelle et difficile à gérer que toutes celles que j’ai connues avant. « C’est pire quand je suis seule. » Et malheureusement, sans que ce ne soit la faute de qui que ce soit, je suis souvent seule à l’appartement. Damon a un travail aussi stable que prenant, et mes horaires sont variables, je me cherche encore beaucoup trop pour parvenir à garder mon esprit occupé.

Il s’était rendu compte bien tard qu’il vivait dans un monde très privilégié, et que la plupart de la population ne pouvait se permettre d’avoir un train de vie comme le sien. Pas qu’il n’avait pas eu les moyens de le faire bien plus tôt, mais disons que les occasions avaient rapidement été effacées pour se concentrer sur tout le reste, et surtout ce qui était attendu de lui. « La normalité c’est quoi finalement ? Je crois pas qu’on puisse dire que ce soit ma famille à moi non plus. » Elle était touchante, Megan, dans la façon qu’elle avait de tenter de le rassurer à sa manière. Peut-être que cette dite-normalité n’était pas dans sa famille à elle non plus, mais c’était quelque-chose qui était davantage habituel comparée à la façon dont Damon avait grandi. « C’est pas mal tu sais. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu conscience d’être différente. Et c’est pas drôle, de grandir en étant différent. » Il pinça un petit peu ses lèvres. Il savait qu’elle n’ajoutait pas là cette précision pour l’inciter à la pitié - pas aujourd’hui, pas ce soir. Elle expliquait simplement sa façon d’avoir vu les choses et comment cela avait pu l’impacter, à un moment ou à un autre. « Alors c’était peut-être pas la meilleure leçon d’humilité que tes parents auraient pu te donner, mais dans un sens, peut-être que ça t’a protégé aussi. » Il échappa un sourire, haussa un peu maladroitement les épaules. « Surement. » Que ça l’avait protégé; mais à quel prix ? « Je regrette juste parfois d’avoir l’impression d’avoir grandi à côté de la plaque. » Parcourir le globe aller et retour, connaître les plus belles plages du monde et certains des meilleurs hôtels, accéder à des écoles qui en faisaient rêver plus d’un sans grande envie ni motivation. Etait-ce donc ça, la réalité à laquelle il avait été préparé pour la suite ? « J’aurais aimé que ma réalité soit moins copiée sur la leur. » A ses parents. Il aurait préféré bien d’autres choses, égoïstement, là où ils étaient ceux l’ayant peut-être sauvé d’une vie comme celle de Megan, justement. Un jour, peut-être qu’il expliquerait à la jeune femme qu’ils auraient pu être bien plus semblables, tous les deux. Un jour.

« Oui, il le mérite. » Il n’y avait pas à tergiverser sur cette question. « Tu sais s’il a arrêté ? De faire ce dont je l’ai accusé ? » Son regard fut moins assuré, alors qu’elle demandait à demi-mots des vérités qu’il n’osait affronter. « J’en sais rien. » Le même ton fut employé pour répondre à sa question, que celui qu’elle employait. « J’ai pas osé regarder, après que tu l’aies démasqué. S’il avait continué. » Et cela le faisait se sentir idiot, en cet instant. A l’époque, il n’avait pas souhaité mener le moindre enquête puisqu’il avait eu trop peur des répercutions qu’un tel comportement pouvait avoir; après tout, il n’y avait qu’à voir vers quoi l’imprudence de Megan les avait conduit. Maintenant que cette couche de crainte était en train de se dissiper face à son paternel, il se rendait compte qu’il aurait du jeter un coup d’oeil ici et là pour savoir comment les choses avaient tourné. Ce n’était cependant pas spécialement sur ça qu’il souhaitait ce concentrer ce soir, mais le sujet resterait dans un coin de son esprit et il jouerait les curieux plus tard, dans les semaines à venir. Le rire de Megan suite à sa remarquer le fit sortir de cette élève ambiance morose dans laquelle il glissait lentement. « Si on pouvait aller vivre sur Mars, je serais dans les premières navettes. » Une esquisse de sourire étira ses lèvres. « Et je serais juste à tes côtés. » Dans un autre monde, celui où il aurait su se détacher complètement de cet homme ayant abusé, quelque soit la façon, de lui toute sa vie.

Le contact de la main de Megan sur sa peau n’était en rien désagréable, et pour une fois il n’eut pas de mouvement de recul ou un geste qui trahissait sa surprise. Etonné, il l’était bien sur; mais il devait se rappeler qu’en réalité, c’était lui qui avait mis cette distance entre eux et en rien le contraire, et que cela n’avait en rien était au goût de la blonde - il se rappelait parfaitement la lune de miel. Il avouerait sans peine que cela faisait du bien, de retrouver quelques gestes tendres l’un envers l’autre; lui qui avait toujours été de ceux qui prônaient ce type de comportement plutôt que celui qu’il avait du endosser depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Il n’en était pas à retourner la pareille, mais au moins il appréciait l’affection et il ne reculait plus devant un contact physique qu’elle aurait initié: une première depuis des mois maintenant. « Je sais qu’il peut pas me tuer. » Ce n’était pas ce type de phrases qui allait lui donner le courage de relever son regard de suite vers la jeune femme. « Je le sais. » - « Mais ? » Il y avait toujours un mais. « Mais je l’oublie. Et dès que j’entends un bruit dans l’appartement, ou derrière moi quand je marche dans la rue, je sursaute et mon cœur donne l’impression qu’il va s’arrêter. » Et Dieu que cela le peinait de savoir à quel point cela pouvait être vrai. Les choses n’étaient pas supposées tourner de cette façon: s’ils avaient accepté cet accord entre eux tous, c’était justement pour éviter de se retrouver dans cette situation là. Que Damon soit intimidé par son père n’était qu’un détail: c’était là quelque-chose qu’il avait connu toute sa vie. Cependant, cela n’était pas une situation nécessaire pour personne d’autre. « C’est pire quand je suis seule. » - « Même lorsque Bowie est avec toi ? » Ce n’était pas une solution miracle - il n’en existait aucune -, mais il était curieux de savoir si au moins la présence désormais quotidienne du chien était quelque-chose qui l’aidait ou non.

« On peut faire installer des caméras de surveillance, tu sais. » Palier au problème sans pouvoir complètement le résoudre, puisqu’il aurait fallu éliminer Saül pour ça et ce n’était même pas ce père là qui avait été visé au mariage. « On a un système d’alarme, mais c’est quelque-chose de basique. On peut prendre quelque-chose de plus sophistiquée. On peut aussi donner un pourboire généreux au gardien pour qu’il fasse des rondes plus souvent à notre étage. » Il laissait les idées qui lui traversaient l’esprit sortir, être entendues. Parce-qu’il savait qu’il ne pouvait être présent tout le temps à ses côtés, autant par obligation que par envie. Il avait promis de faire des efforts, mais il ne pouvait pas couper toute une partie de sa vie - qui comprenait son éducation - pour être aux côtés de Megan. « Tu pourrais assister à certains cours en amphi avec moi. C’est pas spécialement intéressant, mais c’est un endroit où il ne se passera rien. » Il ne mentionna même pas la MHI, c’était là l’antre du loup.

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Megan Williams & @Damon Williams

« Surement. Je regrette juste parfois d’avoir l’impression d’avoir grandi à côté de la plaque. » - « C'est pas trop tard pour changer de perspective. » Je ne parle pas de vendre notre magnifique appartement terrasse et de se laisser mourir de faim simplement pour l’expérience, mais de mettre son train de vie luxueux en pause pour se mélanger au reste du monde. « J’aurais aimé que ma réalité soit moins copiée sur la leur. » - « Pour ça non plus c’est pas trop tard. Ça l'est même encore moins. Tu viens à peine de commencer ta vie, t’es libre de faire tes propres choix et de pas vivre en fonction d’eux. » Et surtout, pas en fonction de Saül. Seulement pour ça, il faudrait qu’il ait un peu plus de courage, Damon. Loin de moi l’idée de l’insulter, mais rien ne le force à rester dans l’entreprise de son père. Rien ne le force non plus à faire sa vie en fonction de ce que voudrait le patriarche pour lui ou non. Même son choix de dresser un mur infranchissable entre nous, de manière à ne jamais s’attacher réellement à moi, il lui a été dicté par l’envie d’aller à l’encontre de ce qu’a décidé Saül. Sauf que ce n’est pas réellement, ça s’émanciper. S’émanciper, c’est faire exactement ce que lui a envie de faire et construire ce que lui veut construire. Mais de toute évidence, il est loin d’être prêt et il me le prouve une fois de plus en avouant qu’il n’a jamais cherché à creuser les affaires de détournement de fonds. « J’en sais rien. J’ai pas osé regarder, après que tu l’aies démasqué. S’il avait continué. » Je ne comprends pas trop pour moi, mais Saül n’est pas mon père. De fait, je n’en ai même pas, alors je me garde de tenter de me mettre à sa place. Je me contente de ne pas - trop - laisser ma surprise se peindre sur mon visage. Je crois que si l’un de mes parents s’était rendu coupable de ce genre de crime et si la seule solution de le protéger avait été de sacrifier mon propre bonheur, j’aurais estimé qu’il avait des comptes à me rendre. Je considère que, continuer, c’est cracher sur le choix de Damon de le protéger alors qu’il ne le méritait pas. Peut être qu’il l’a fait. Mais je mettrais ma main à couper que, dans ce cas, c’est plus à cause de la peur suscitée par le fait d’avoir failli avoir des ennuis que parce qu’il se sent coupable vis-à-vis de Damon. Alors oui, il n’y a rien de surprenant au fait que, dans ses fantasmes, il puisse fuir son père sur une autre planète ou dans une autre galaxie. Venant de moi, c’est presque hypocrite : j’aurais pu.

« Même lorsque Bowie est avec toi ? » - « Si l’appartement se faisait cambrioler, ce gros lourdeau serait capable de faire la fête aux cambrioleurs. » J’esquisse un sourire amusé en pensant à mon chien, supposé être là pour que je me sente plus en sécurité, mais amical et affectueux en en mourir. Il ne mérite pas la réputation de sa race, mais je l’adore. « Si c’est vrai. Mais seulement un peu. Tu l’as laissé seul chez nous ? » Pour une nuit, il devrait survivre. Ce qu’il faut espérer, c’est qu’il ne retourne pas l’appartement à cause de sa peur évidente de l’abandon. Je ne sais pas ce qu’a vécu cette pauvre bête avant d'atterrir chez nous, mais certainement rien de réjouissant. « On peut faire installer des caméras de surveillance, tu sais. » Allongée sur le dos, je tourne ma tête dans sa direction pour l’observer alors qu’il développe. « On a un système d’alarme, mais c’est quelque-chose de basique. On peut prendre quelque-chose de plus sophistiqué. On peut aussi donner un pourboire généreux au gardien pour qu’il fasse des rondes plus souvent à notre étage. » Dans le cas présent, loin de moi l’idée de lui faire remarquer que ce sont des solutions auxquelles seuls ceux qui ont de l’argent peuvent se permettre de faire appel. Il est question de ma sécurité et de ma tranquillité d’esprit et je ne fais pas la fine bouche. « Tu me surveilleras quand je serai à l’appartement ? » Je sais bien que non et le but n’est pas de sous-entendre le contraire, mais simplement de ramener un peu de légèreté et d’humour dans une discussion bien trop lourde et trop grave pour des gens de notre âge. « Je te vois venir. Si y’en a dans ma chambre, j’irai me changer dans la salle de bain, ou dans la tienne. » Je le dépeins en voyeur - il est loin de ça, le doux jeune homme qui a rougi devant mes clichés osés - pour réussir à lui soutirer un rire ou au moins un sourire. « Tu pourrais assister à certains cours en amphi avec moi. C’est pas spécialement intéressant, mais c’est un endroit où il ne se passera rien. » Songeuse, je réfléchis à sa solution. « Je tiendrai pas en place, je pense. Et comment me regarderont tes amis ? » Que penseront-ils de moi, de lui ? Que je suis une potiche, un trophée au point de parader avec lui jusque sur les bancs de l’université ? Que lui ressent le besoin de m’avoir proche de lui et de me surveiller en permanence. « J’ai l’impression qu’on est à un tournant. Que je vais devenir la ridicule riche femme au foyer désoeuvrée qui s’investit dans des associations et fait du bénévolat pour avoir l’impression qu’elle a quelque chose à faire de ses journées. » Sa mère donc. Je réalise mon manque de délicatesse et étouffe un éclat de rire. « Pas que y’ai le moindre mal à ça. » Mon hilarité, j’ai du mal à la cacher. « Mais tu me vois dans ce genre de rôle ? » Sauf que me concernant, il n’est pas question de trouver un sens à ma vie mais de ma protection, je redeviens plus grave lorsque je m’en rappelle. « On pourrait essayer. » Je conclus, sans grande conviction. « Tu sais ce qui me ferait me sentir en sécurité ? » J’ajoute, d’une voix plus mielleuse, sur un ton plus calculé. « Que tu me prennes dans tes bras. » Je ne lui demande rien de plus que ça.