| yo no soy marinero, soy capitán (noor) |
| | (#)Mer 27 Juil 2022 - 14:59 | |
| « T’inquiète, je gère, » je promets à Dani en déposant un baiser sur sa joue, avant de passer le seuil de son logement afin de me rendre à Toowong et appréhender à la lumière du jour la ville de Brisbane qui m’est encore inconnue. Bien évidemment, la Hwang est bien au fait de mon sens de l’orientation frisant le zéro absolu, mais armé de mon GPS et de ma belle gueule, je ne me fais pas de souci, je trouverais bien mon chemin, que ce soit par la technologie ou en demandant aux passants. De plus, je suis intimement convaincu qu’il n’y a rien de tel que se perdre pour mémoriser au mieux les chemins et découvrir de sympathiques endroits.
Brisbane est belle, d’ailleurs. Je suis charmé par la ville australienne, tant que je ne m’éternise pas à l’université ni à l’hôpital où je me rends dès la matinée afin de me présenter à mes futurs employeurs et collaborateurs. Dès que j’ai usé de toutes mes bonnes manières et qu’il me semble ne pouvoir faire davantage pour offrir une bonne première impression, je fais sauter les premiers boutons de ma chemise, ébouriffe mes cheveux et prends le chemin de Fortitude Valley. Des quartiers que j’ai foulés, il est pour l’instant l’un de mes favoris : il sent la jeunesse et la fête. Je farfouille ma mémoire et Google Maps pour déterminer où se trouve exactement l’appartement de Hugo, qu’il partage avec Noor et, à ce que j’ai compris, Reese. Je pénètre l’immeuble résidentiel que m’a décrit plus tôt Dani et recherche les traces de Blanchard. Lorsqu’il me semble être face à la porte menant à son domaine, je tente la poignée plutôt que de toquer – non seulement je suis conquis par la notion de visite impromptue, mais de plus, la seule fois où j’ai frappé à la porte de Hugo, c’était lorsque j’ai rencontré les five pour la première fois. Ce principe est ensuite devenu un concept des plus superflus. La porte tourne agréablement sur ses gonds et je me faufile, tel un voleur, dans le T2.
Je balaie la place du regard, sourire amusé aux lippes, puis remarque la silhouette de Noor endormie sur le canapé. Il est encore tôt, la veille a été mouvementée et arrosée. Je m’agenouille à côté de mon amie et dégage délicatement une mèche qui barre son portrait, avant de lui susurrer à l’oreille : « J’ai quelque chose qui t’appartient. » Je ne serais pas osé revenir du sud des États-Unis sans faire un stock de piments et épices mexicains pour Lhyb.
@Noor Guerrero |
| | | | (#)Mar 2 Aoû 2022 - 23:02 | |
| Yo no soy marinero, soy capitánLa soirée avait été longue, mais fructueuse. L'arrivée surprise de Kai sur Brisbane était une excellente chose, même si elle restait un peu frustrée et déçue qu'il ne lui ait rien dit. Ils vivaient pourtant près l'un de l'autre en Californie, et elle aurait pensé qu'elle aurait été la première à le savoir, s'il avait été prêt à les rejoindre en Australie. La soirée s'était pourtant bien passée, au point qu'elle se souvenait à peine être rentrée - elle avait juste quelques souvenirs de Hugo et elle marchant péniblement dans les rues de la ville, et manquant plusieurs fois de tomber sur la chaussée. Ils avaient pourtant réussi à rejoindre l'appartement, et elle s'était écroulée contre Reese sur le canapé, ses pieds refusant de la porter plus loin. Et c'est le nez dans un des coussins du canapé, la couette tout autour d'elle maintenant qu'elle était seule à dormir, qu'elle ouvrit les yeux. Dans le brouillard de son cerveau au réveil, elle mit du temps à comprendre ce qui l'avait émerger de son profond sommeil bien alcoolisé. Elle battit plusieurs fois des yeux avant de finir par identifier la silhouette de Kai au-dessus d'elle. Il avait dû lui parler, les mots l'ayant réveillée, mais elle était incapable de savoir ce qu'il avait bien pu dire. « Hey, bel inconnu ! » Est-ce que Hugo avait oublié de fermer la porte à clé en partant au boulot alors qu'elle dormait au milieu de salon ? Apparemment. Est-ce que Noor en était étonnée ? Pas le moins du monde. « T'es déjà debout ? T'as pas assez bu toi hier soir » le taquina-t-elle. Elle s'étira un peu avant de se lever, se dirigeant par automatisme vers la cuisine pour préparer un bon café capable de lui garder les yeux ouverts. « Tu en veux aussi ? Pendant que tu m'expliques ce que tu viens faire ici sans rien me dire avant ! » Elle sortit deux tasses sans même attendre la réponse de Kai. Ils s'étaient assez vu ces dix dernières années pour qu'elle sache comment il aimait son café ! code par drake. |
| | | | (#)Mar 16 Aoû 2022 - 3:20 | |
| Il faut bien quelques secondes à Lhyb pour s'extirper de l'emprise de Morphée. Je souris doucement alors que ses paupières paraissent bien lourdes. La jeune femme bat plusieurs fois des cils, comme si elle voulait balayer les traces de sommeil, puis ses pupilles sombres se fixent sur ma personne. « Hey, bel inconnu ! » « Hola, bella au bois dormant » Je pose mes coudes sur le canapé, appuyant ma tête à côté de celle de Noor. « T'es déjà debout ? T'as pas assez bu toi hier soir » « Je carbure encore à l'adrénaline et à la sérotonine, » je justifie avec malice. Je les sentais néanmoins, les pernicieuses courbatures dues aux festivités de la veille ainsi qu'au long voyage. Une sournoise migraine menaçait de me terrasser également, mais il était hors de question que je m'effondre sur le divan. Ce n'était pas naturellement dans mes cordes, de toute façon, je me plaisais à rester en mouvement.
Noor s'étire et quitte le canapé pour se rendre à la cuisine. Je la suis, inspectant les lieux au passage, avant d'investir une des chaises. « Tu en veux aussi ? Pendant que tu m'expliques ce que tu viens faire ici sans rien me dire avant ! » J'acquiesce, le café constituait une catégorie alimentaire à lui seul dans mon régime, quand bien même la trentenaire a déjà sorti deux tasses du buffet. J'affiche une moue boudeuse, répliquant : « Eh, c'est ta faute mama. Fallait pas décider de crécher chez Hugo. J'ai choisi la personne la plus isolée du groupe comme complice, » j'expliquais, bien qu'en réalité, il n'y avait pas eu tant de réflexion que ça, mise à part mon ardent désir de surprendre le maximum de mes amis de ma venue à Brisbane. Et en effet, dans mon esprit, il était plus simple de faire garder le secret à quelqu'un qui ne vivait pas avec une autre personne aussi dans le secret. « D'ailleurs, j'suis assez surpris que tu vives ici. Des associations, j'aurais plutôt imaginé Hugo et Dani, ou toi et Dani. » Je me permets. « J'avais envie de vous retrouver, en plus que vous êtes tous les trois ici, » je répondais avec plus de sérieux, mon regard tendre et pétillant de sensibilité croisant celui de mon amie ; ce même regard que je décrivais rarement mais qui révélait sans peine mes sentiments - ici toute l'affection que je vouais à l'attention de mes meilleurs amis - mais aussi laissait un avant-goût sur les mystères que je dissimulais. Mes amis me manquaient et je ressentais le besoin de me rapprocher de ceux que je considérais comme ma vraie famille. « Tu m'présentes le mood de la baraque ? » Je sollicite, désignant d'un geste du menton le studio où je soupçonne que le nombre de colocataires est supérieur à deux. Je ne juge pas, mais ma curiosité reste sans égale. |
| | | | (#)Sam 20 Aoû 2022 - 0:04 | |
| Yo no soy marinero, soy capitánLa réponse de Kai la fit sourire - ils n'avaient plus vingt ans, et Noor ne doutait pas que la fatigue et l'alcool finiraient par vite le rattraper. Mais la joie de se retrouver avec trois autres membres des Five dans le même pays, pour la première fois depuis des années, ainsi que l'excitation du déménagement, devaient effectivement l'aider à tenir. (Elle ne jugerait pas s'il finissait endormi, à ronfler sur le canapé d'Hugo.) En attendant, ils étaient tous les deux, et Noor comptait bien l'interroger, pas très ravie de ne rien avoir su de sa venue avant que Dani ne le ramène au karaoke. Elle avait toujours détesté être tenue à l'écart des secrets des autres - la pire trahison restant Hugo et Dani se mettant en couple sans rien leur dire des mois durant. Elle n'y pouvait rien, elle réagissait toujours mal quand elle se sentait isolée de ses amis. « Ma faute ? » s'offusqua-t-elle, continuant pourtant de préparer leurs deux cafés. « Hugo, c'est ma famille, comment j'aurai pu aller dormir ailleurs ? » Et puis, avec Hugo, il y avait cette habitude de partager des petits espaces qu'elle n'avait pas vraiment avec Dani. Avec la Coréenne, c'était plutôt des vacances à l'étranger, de jolis hôtels et des vignobles à perte de vue. Mais Hugo, c'était son frère, même dans des appartements minuscules, même quand elle se faisait virer du lit pour des blondinettes n'arrivant pas à la cheville de Dani. « Hugo et Dani, c'est compliqué... Je trouvais que c'était une mauvaise idée qu'il y ait un couple au milieu du groupe d'amis, mais j'étais loin d'imaginer les migraines qu'ils nous colleraient. Franchement, à se tourner autour et se bouffer des yeux tout en assurant ne plus être amoureux... Même les héros des téléfilms de Noël sont moins cuculs ! » lâcha-t-elle en soupirant. Elle savait que Kai appréciait autant qu'elle le couple. Elle avait noté combien il avait vite et bien réagi pour les pousser ensemble la veille, malgré les brumes d'alcool qui l'avaient déjà envahie. Il finirait bien par constater aussi les tentatives de se regarder sans se faire prendre que Dani et Hugo avaient l'un envers l'autre - pire que des adolescents vivant leur premier flirt. Elle posa une tasse de café bien remplie devant Kai, avant d'embrasser sa joue. Un petit geste, habituel quand ils vivaient tous les deux en Californie, mais qui lui avait manqué ces derniers mois. Hugo avait toujours été un morceau de son âme, mais Kai était celui, plus posé et calme, sur qui elle s'était toujours beaucoup appuyé. « Je suis contente que tu nous aies rejoint » avoua-t-elle sincèrement. « Y a plus que Yuri à convaincre de nous rejoindre ! » Yuri, plus indépendante qu'eux. Une qualité que Noor admirait énormément. Elle avait beau être la mama du groupe, elle était aussi celle qui aimait le moins se retrouver seule, consciente qu'elle prenait toujours les pires décisions quand elle n'avait pas un ami pour la retenir... A la demande de Kai, elle lui présenta brièvement la chambre d'Hugo, le salon ouvert et la mini-cuisine - faire du poisson ou des plats épicés signifiait parfumer tout l'appartement, voire même le palier, un fait qui gênait plus les voisins que Noor elle-même. « A la base, j'étais sensée dormir dans le lit avec Hugo. Et son pote Reese avait le canapé. Sauf que quand Hugo ramène de la compagnie, je finis dans le canapé » avoua-t-elle en grimaçant. Qu'Hugo ne vienne pas se plaindre qu'elle était un cœur d'artichaut, après l'avoir littéralement jeter dans les bras d'un homme ! « J'imagine que l'ambiance doit être différente chez Dani ? J'adore ce qu'elle a fait de son vignoble ! » Elle était allée rendre visite à leur amie plusieurs fois, toujours enchantée du O'Reilly Vineyards et de l'atmosphère qui s'en dégageait. Un parfait mélange de tous les endroits qu'elles avaient visité au fil des années, et des choses que Dani avait aimé, noté, puis reproduit ! code par drake. |
| | | | (#)Ven 26 Aoû 2022 - 20:01 | |
| Je suivais Noor dans la cuisine, me hissant sur l'un des tabourets libres. Machinalement, mes doigts vinrent manier les divers documents et babioles reposant sur la table pendant que j'expliquais à l'une de mes meilleures amies ma stratégie d'arrivée à Brisbane. J'avais eu à cœur de surprendre les copains et Dani avait été l'acolyte toute désignée à mes yeux puisque contrairement à Noor et Hugo, elle ne vivait pas avec l'un des five. Le motif était peut-être superflu, mais il m'avait convaincu spontanément et je n'hésitais pas à en abuser face à la Guerrero. « Ma faute ? » Noor emprunta ce ton offusqué qui me fit légèrement rire. C'était plus fort que moi, quand quelqu'un se mettait en colère, ça m'amusait. J'étais vraiment un sale gosse pour ça. « Hugo, c'est ma famille, comment j'aurai pu aller dormir ailleurs ? » Je hausse une épaule innocemment. « Si Dani vivait ici, t'aurais fait comment ? » Question bête, avec des si, on pourrait mettre Paris en bouteille, un adage que j'avais appris à Paris parce qu'on me l'avait maintes fois répétées. Néanmoins, j'étais de ceux qui vivent de "si" et de "peut-être", comme si ma vie n'était pas assez, qu'il me fallait sans cesse m'ériger des mondes parallèles. C'était d'ailleurs ce que j'avais, aussi malsain cela puisse être, avec mes multiples double-jeux.
« Hugo et Dani, c'est compliqué... Je trouvais que c'était une mauvaise idée qu'il y ait un couple au milieu du groupe d'amis, mais j'étais loin d'imaginer les migraines qu'ils nous colleraient. Franchement, à se tourner autour et se bouffer des yeux tout en assurant ne plus être amoureux... Même les héros des téléfilms de Noël sont moins cuculs ! » J'affiche un sourire compréhensif et en accord totale avec mon interlocutrice. J'avais aussi été incertain face à cette union, craignant que le couple tourne mal et que le groupe d'amis en pâtisse. Lorsque Dani et Hugo avaient rompu, j'avais été angoissé à l'idée que les five ne soient plus. Aujourd'hui, j'étais aussi persuadé que Noor que nos deux amis n'avaient pas terminé leur histoire, vu comment ils se tournaient autour. De plus, le fait que je savais que notre clan ne risquait pas sa dissolution si leur relation amoureuse tournait mal m'incitait encore plus à vouloir les pousser dans les bras l'un de l'autre. « Ils ont clairement d'autres choses à vivre en couple, ces deux-là. J'pense qu'il faut juste les pousser ou leur ouvrir les yeux et une fois que le pas aura été fait, ça ira tout seul. » C'est presque ironique comment je parle comme si j'étais un expert de l'amour avec un grand A quand je ne fais que repousser les gens que j'aime réellement et me forcer dans des relations qui ne me conviennent pas. Peut-être que je me reconnais un peu chez Hugo et Dani, je me vois en eux qui freinent des quatre fers alors qu'ils seraient bien mieux en couple et qu'assurément, c'est ce qu'ils désirent au fond de leur cœur, même s'ils se voilent peut-être la face.
Lyb pose une tasse fumante devant moi ainsi qu'un baiser sur ma joue. « Merci. » Je lui souris tendrement, trempant mes lèvres dans le liquide obscur. Elle m'avait manqué, tout comme notre colocation en Californie. « Je suis contente que tu nous aies rejoint » « Ha ben quand même ! » Je m'exclame avec une pointe d'humour. « Y a plus que Yuri à convaincre de nous rejoindre ! » Je hoche la tête à l'affirmative. « Je vais lui envoyer un message sur Insta quand j'aurais retrouvé mon compte. »
Je balaie le domicile du regard, questionnant Noor sur son arrangement. « A la base, j'étais sensée dormir dans le lit avec Hugo. Et son pote Reese avait le canapé. Sauf que quand Hugo ramène de la compagnie, je finis dans le canapé » Elle grimace, mon portrait demeure neutre. « J'imagine que l'ambiance doit être différente chez Dani ? J'adore ce qu'elle a fait de son vignoble ! » « Oui, c'est différent, mais c'est super. Ca me fait bizarre de vivre chez quelqu'un de si ordonné, » j'avoue avec un rire. Je ne suis pas de ceux qui sont pagailleurs, non pas parce que je suis spécialement maniaque, mais bien parce que j'ai très peu d'affaires avec moi. C'est une stratégie comme une autre : moins on a de possession, moins on sème le bordel dans son sillon. Après, cela ne m'empêche pas de perdre mes maigres affaires ici et là, mais au moins, je ne mets pas le souk chez Dani. Cependant, je dois avouer que j'aime aussi les endroits comme chez Hugo parce qu'il y a toujours quelque chose qui me stimule, tant l'endroit est vivant. « Tu l'aimes bien, ce Reese ? Il est confortable ? » Je demande avec curiosité, quelques sous-entendus palpables dans mon intonation. Après tout, ils partagent régulièrement un canapé. |
| | | | (#)Mer 31 Aoû 2022 - 0:37 | |
| Yo no soy marinero, soy capitán« J'aurai dormi sur le canapé ? » répondit-elle, haussant les épaules. C'était déjà ce qu'elle faisait la moitié des nuits, de toute façon. Quand Hugo ramenait quelqu'un après ses heures au bar, et qu'elle devait quitter le confort du matelas pour cet horrible canapé trop dur. Dani et Hugo auraient vécu ensemble, Noor aurait sans doute dormi sur un petit nuage, connaissant le goût très sûr de Dani en matière de décoration d'intérieure. Mais il n'y avait que Hugo, et ses filles éphémères que Noor n'appréciait pas beaucoup. Les aventures d'une nuit de Hugo n'étaient pas de celles qui pourraient lui faire oublier Dani. Il avait beau s'en défendre, Noor le connaissait par cœur et savait que la Coréenne n'avait pas quitté ses pensées, même si leur rupture datait de plusieurs années maintenant. « Je t'assure que les pousser ne suffit pas. Ils font comme s'ils ne voyaient pas ce que je veux dire, en mode 'non, non, on t'assure, y a rien entre nous'. C'est ridicule, alors qu'ils se bouffent du regard dès qu'ils sont dans la même pièce ! » Noor en était frustrée, mais l'arrivée de Kai sur le sol australien signifiait qu'elle avait un allié dans la place. A eux deux, ils arriveraient peut-être à faire en sorte que le petit couple ne se reforme enfin. En espérant qu'ils n'empirent pas les choses, maladroits comme ils pouvaient être parfois. Le but n'était pas que Dani et Hugo finissent par se détester ! « Reese est cool. Et tout est infiniment plus confortable que le canapé. Hugo a dû mettre des briques dedans ! » Ou c'était la trentaine qui frappait, la rendant moins souple et plus susceptible de se faire mal au dos quand elle n'était pas parfaitement installée sur un matelas, avec un oreiller de la bonne taille. Elle vieillissait, et elle détestait ça. « C'est juste bizarre de vivre avec eux. C'est cool, mais ça me rappelle un peu l'époque de la fac, et notre coloc d'étrangers. Je crois que je suis un peu nostalgique de cette époque-là ! » Elle était plus innocente à l'époque, croyant naïvement tout ce qu'on pouvait lui raconter. Mais l'avenir lui semblait aussi un peu plus clair... Et ne pas avoir à trop se soucier du lendemain, d'avoir un bon salaire et des impôts à payer lui manquait aussi. L'idée de toute la paperasse qu'elle avait eu à remplir pour mettre un pied sur le sol australien la faisait encore frémir. « Tu comptes reprendre un boulot de biologiste, ici, à Brisbane ? » Elle savait que Kai n'avait jamais aimé cette voie, mais elle ne lui avait jamais demandé pourquoi il y était resté. Elle avait eu de la chance que l'architecture lui plaise et semble honorable aux yeux de sa famille, mais elle se serait forcée à faire médecine ou droit s'ils le lui avaient demandé. Sa famille avait payé ses études, après tout, et elle ne se serait pas vue aller contre leurs demandes. Kai venait comme elle d'une famille où l'on respectait ses aînés et ce qu'ils estimaient être le mieux pour nous. « Ou tu vas tout changer et prendre un nouveau départ ? » code par drake. |
| | | | (#)Mer 31 Aoû 2022 - 3:15 | |
| « J'aurai dormi sur le canapé ? » En effet, ma question était bête et j'offrais un sourire désolé à mon interlocutrice avant de me concentrer sur les pièces de monnaie qui traînaient sur le comptoir, les faisant glisser distraitement sous mes doigts. Le bon sens et la logique n'étaient pas naturellement dans mes cordes, lorsque mon esprit s'enthousiasmait avec frénésie sur nombreux scenarii simultanément ; ce qui pouvait paraître cohérent et automatique pour certains avaient tendance à ne pas me frôler l'esprit, avant qu'on me l'expose et que je réalise à quel point j'ai tendance à errer à des lieux du sujet.
Lyb me relate l'évolution - ou devrais-je dire stand-by - de la relation liant Hugo et Dani. Après une rupture amoureuse, les deux jeunes se sont contentés d'amitié, une base sur laquelle je m'accorde avec la Guerrero ne les correspond pas entièrement. Je suis intimement convaincu qu'il y a encore quelque chose entre eux, qu'ils n'ont pas vécu leur romance comme il se devait. Des maladresses, des impairs, un mauvais timing, plusieurs éléments pouvaient être incriminés et j'étais persuadé qu'il fallait ouvrir un peu les yeux au deux trentenaires pour qu'ils réalisent qu'ils ne se trouvaient pas sur la route la plus optimale pour eux deux. « Je t'assure que les pousser ne suffit pas. Ils font comme s'ils ne voyaient pas ce que je veux dire, en mode 'non, non, on t'assure, y a rien entre nous'. C'est ridicule, alors qu'ils se bouffent du regard dès qu'ils sont dans la même pièce ! » Je ne pus m'empêcher de sourire, à la fois amusé et attendri par la véhémence de Noor. « Faut leur ouvrir les yeux, ils sont dans le déni, » je conjecture, avant d'avancer sur un ton plaisantin : « Ou alors, ils sont secrètement ensemble. » Ce ne serait pas la première fois qu'ils nous font le coup, mais j'avais bon espoir qu'ils ne répètent pas cette expérience, vu comment Lyb l'avait, entre autres, mal pris. « J'rigole, j'rigole, ils feraient pas ça. C'est juste mon humour douteux, » j'assure, ayant l'impression presque de voir mon amie blanchir. Je l'observe quelques minutes, yeux plissés. « Mais attend, ça peut être une idée pour les provoquer, ça ?! » Je me redresse sur le tabouret, malicieux. « Imagine : on agit comme s'ils étaient déjà ensemble. A force, ça va peut-être entrer dans leur crâne qu'ils doivent l'être ? Vu que ça marche pas de leur dire qu'ils se tournent autour et ont le béguin l'un pour l'autre. Autant sauter à l'étape au-dessus. » Je maintiens le regard de Noor. « Une sorte de psychologie inversée. »
Je change de sujet en évoquant Reese, colocataire de canapé de Noor. « Reese est cool. Et tout est infiniment plus confortable que le canapé. Hugo a dû mettre des briques dedans ! » Je ris doucement. « Ou une collection de saucissons ! » Je porte ma tasse à mes lèvres dans une tentative d'arrêter de dire des âneries. « C'est juste bizarre de vivre avec eux. C'est cool, mais ça me rappelle un peu l'époque de la fac, et notre coloc d'étrangers. Je crois que je suis un peu nostalgique de cette époque-là ! » Un sourire tendre sur mes lèvres, je me projette à cette période révolue qui, je dois l'avouer, avait tout son charme. Je ne remonterais pas les horloges du passé mais le rythme et le goût du début de ma vie d'adulte, qui détenait une innocence et impulsivité, me manquaient de plus en plus. « Tu comptes reprendre un boulot de biologiste, ici, à Brisbane ? Ou tu vas tout changer et prendre un nouveau départ ? » Je reviens au présent, lève les yeux vers Lyb, hausse les sourcils d'un air entendu. J'aimerais bien, mon regard clame mon désir de changer de voie. Néanmoins, je formule : « Je suis déjà sur un projet de recherche et on m'a demandé de faire des heures à l'hôpital, apparemment ils ont morflé avec la pandémie et ils galèrent à combler leurs effectifs. J'ai fait la visite de l'université et de l'hosto avant de venir te réveiller, » je lui relatais. « Et toi ? Faut que je m'adresse à qui pour que tu fasses les plans du futur quartier général des five ? » |
| | | | (#)Dim 4 Sep 2022 - 23:29 | |
| Yo no soy marinero, soy capitánNoor se sentit pâlir devant ce qu'impliquait Kai. Bien sûr, elle voulait que Hugo et Dani retournent ensemble, bien placée qu'elle était pour savoir combien ils s'aimaient, même s'ils refusaient de l'admettre. Pour autant, elle refusait de penser qu'ils pouvaient leur avoir de nouveau menti. Elle se souvenait encore de combien elle s'était sentie trahie en apprenant qu'ils étaient en couple la première fois, alors qu'ils se fréquentaient en secret depuis des mois. « J'espère que tu rigoles et que t'es pas au courant d'un truc que tu veux pas me dire » répondit-elle, son accent mexicain se faisant soudainement plus prononcé sous le stress. Elle n'avait jamais aimé se sentir à l'écart des Five, et elle espérait fortement que quoi qu'il se passe entre Dani et Hugo, ils n'aient pas l'idée de le lui cacher, une nouvelle fois. (Quoi que vu le passage dans la chambre du jeune homme, elle doutait qu'il soit de retour avec Dani, qui n'aurait pas apprécié qu'il aille voir ailleurs.) « Ça va pas les énerver encore plus si on fait juste comme s'ils étaient ensemble ? Hugo se crispe dès que j'appelle Dani sa petite-copine » dit-elle, les sourcils froncés. Dani réagissait de manière moins flamboyante, toujours plus discrète et réservée qu'Hugo, mais elle n'appréciait pas pour autant que Noor ne les traite comme le couple qu'ils n'étaient plus. Sauf que jusqu'ici, elle avait été la seule à le faire. Peut-être qu'avec Kai comme allié, ce serait plus simple, ou mieux accueilli. Mais ils n'en étaient pas encore là... Pour l'instant, Noor se partageait entre le lit avec Hugo et le canapé où squattait Reese, Dani vivant encore au loin, dans son appartement. Qu'elle partageait dorénavant avec Kai. Comme un rappel de leurs colocations d'étudiants, dix ans plus tôt, des appartements partagés avec d'autres, de leurs allers-retours entre leurs différentes chambres. Des soirées ensemble, de l'alcool et des partiels. Sauf qu'ils étaient des adultes maintenant, avec des vrais boulots, et assez vieux pour ne plus être fonctionnels après une nuit blanche. Noor sentait encore la fatigue due à leurs excès de la veille, malgré ses quelques heures de sommeil. Elle était donc plutôt contente de ne pas avoir d'entretien ce jour-là, où elle aurait eu du mal à rester concentrée et pro-active. « Pourquoi tu cherches un travail dans un domaine que t'aimes pas ? » Elle savait, Noor. Elle savait combien les Luz, comme les Guerrero, rêvaient d'un emploi stable et rémunérateur. Quelque chose qui permettraient à leurs enfants d'avoir une jolie vie, un mariage en grande pompe, la grande maison et les enfants qui allaient avec. Quelque chose dont elle avait toujours rêvé, mais qui n'avait jamais vraiment été l'objectif d'une vie pour Kai. « On commence une nouvelle vie ici, tu devrais réfléchir à ce que tu voudrais faire. Un truc plus amusant que de la biologie. Et pendant que tu réfléchis à ça, j'aurai tout le temps de nous créer un quartier général au top, avec une cave à vin et des canapés confortables ! » Le bar d'Hugo, en somme, mais plus petit et plus cosy. Un endroit juste pour eux cinq en somme ! code par drake. |
| | | | (#)Mar 6 Sep 2022 - 22:39 | |
| L'accent mexicain prédominant dans les nouvelles paroles de Lyb m'alerte sur le fait que j'ai touché une corde sensible. Je tente d'amoindrir les états d'âme de mon interlocutrice en condamnant mon humour douteux, les pièces de monnaie avec lesquelles je jouais plus tôt roulant néanmoins du comptoir pour glisser au sol, trahissant le sentiment de culpabilité qui m'envahit. Je me lève afin de les récupérer, en profite pour déposer un baiser sur la joue de Noor et l'enlacer brièvement. « J'suis au courant de rien. Je me contente de fabuler. » Les membres de notre groupe d'amis m'avaient bien confié des secrets au fil de nos relations, certains étaient encore sous silence, d'autres avaient été révélés au grand jour par les principaux intéressés, mais une potentielle nouvelle dose de romance entre Dani et Hugo ne reposait pas parmi mes connaissances. Je reprends place sur ma chaise, trempe de nouveau mes lèvres dans le café bouillant, avant de proposer une nouvelle stratégie pour voir nos deux amis en couple. « Ça va pas les énerver encore plus si on fait juste comme s'ils étaient ensemble ? Hugo se crispe dès que j'appelle Dani sa petite-copine » Je considère Noor quelques instants, les yeux plissés, songeur. « On le ferait différemment. On en parlerait pas comme si on voulait qu'ils le deviennent ou qu'on pensait qu'ils devaient le devenir. On en parlerait comme si c'était déjà un fait accompli, une vérité générale. Avec détachement, tu vois. » L'idée possédait des nuances de superflu, j'en convenais, néanmoins, j'étais prêt à la défendre. « Imagine. En ce moment, les signaux qu'on rejette sont ceux qu'on sait qu'ils s'aiment et qu'on aimerait les revoir ensemble. Maintenant, si on change ces signaux pour qu'ils rejettent l'idée que pour nous, dans notre tête, ils sont déjà ensemble de toute façon, quoi qu'ils en disent et quoi qu'ils fassent : ça retire toute la pression qui vient du fait qu'on les incite à former un couple parce qu'on pense que c'est ce qu'il y a de mieux pour eux. On ne les incite plus à rien puisque dans notre esprit, c'est déjà fait. Et ça va peut-être enfin leur ouvrir les yeux et les pousser dans les bras de l'un l'autre. » Nouvelle gorgée de café, la malice se lit aisément dans mon regard, mes méninges tournant déjà à plein régime dans l'idée de mettre en place cette nouvelle technique visant à lever le voile devant la face de Dani et de Hugo.
On parle colocation avant d'aborder le volet professionnel de nos vies. « Pourquoi tu cherches un travail dans un domaine que t'aimes pas ? » Ah, la question fatidique, celle qui me fait plonger au fond de ma tasse presque vide maintenant, avec un petit sourire désolé sur mes lippes. On aurait presque l'impression d'une mère qui positionne doucement son fils devant la vérité qu'il refuse de voir. « On commence une nouvelle vie ici, tu devrais réfléchir à ce que tu voudrais faire. Un truc plus amusant que de la biologie. Et pendant que tu réfléchis à ça, j'aurai tout le temps de nous créer un quartier général au top, avec une cave à vin et des canapés confortables ! » Mes épaules s'affaissent, j'inspire profondément. Noor connait bien mes nombreuses indécisions, mes dilemmes, mes regrets, mes recherches, mes doutes. Elle se doute de la pagaille monumentale qui réside dans ma tête, celle qui m'immobilise encore davantage dans mes tergiversations. « J'sais déjà, Lyb, » je soupire, dépité. « J'voudrais faire du journalisme, mais pas publier des articles scientifiques, celui où j'mets mon nez là où les gens veulent pas pour exposer qu'ils sont pas réglo. » Je baisse les yeux sur les pièces de monnaie que je maltraite. « Comme les articles que j't'envoyais, ceux que j'écrivais sous pseudonyme quand j'étais à New York. » Je marque une pause puis lève les yeux, incertain. « Mais est-ce que c'est raisonnable, en vrai ? » Tout se bouscule dans ma tête, je frotte mon front. « Est-ce que c'est pas un caprice, une lubie de ma part ? Est-ce que ce serait pas plus judicieux que j'continue dans la biologie, qui me fait vivre jusqu'ici de manière plus que correcte ? » Mais je ne suis pas heureux, je ne m'épanouis pas dans ce domaine. Je manque de rien mais mon travail n'est assurément pas ce qui me motive à me lever chaque matin. Toutefois, je ne suis pas le seul dans cette situation ; le taff en règle général n'est pas connu pour être une partie de plaisir. Alors, n'est-ce pas un caprice de changer ? « Puis imaginons j'décide vraiment de lâcher la biologie et entrer en école de journalisme, par exemple. Qu'est-ce qui se passe si j'échoue ? Est-ce que j'vais pas regretter ? Est-ce que j'vais pas me sentir idiot d'avoir lâché une carrière qui me donnait une bonne qualité de vie pour courir après un rêve et que des inconnues ? » Je grimace. « Et si finalement après quelques mois j'me rends compte que c'est pas pour moi ? Que j'aime pas ça ? Que j'me suis planté ? Que j'suis nul ? » Je me gratte nerveusement la tempe. « Je sais pas Lyb. Je sais que j'ai pas envie de passer ma vie à faire de la biologie. Mais je sais pas si j'peux vraiment avoir mieux. Puis j'vais bientôt avoir trente balais, c'est pas trop vieux ça pour se réorienter ? J'ai l'impression d'avoir rien accompli de ce que j'aurais dû de ma vie. » Lire ici : trouver sa moitié, fonder une famille, créer un nid douillet. Sauf que ça non plus, c'est pas dans mes cordes ni dans mes objectifs, pour d'autres raisons. « Si j'me lance dans de nouvelles études, j'mets de nouveau ma vie entre parenthèses, un peu, non ? Est-ce que j'vais pas regretter d'avoir mis plusieurs années dans ça ? De me réveiller à 35 ans avec un reset ? » J'inspire profondément. « J'ai l'impression de me plaindre de problème de gosses de riches. » J'ai la chance de ne pas chômer, de ne pas être malade, de vivre assez librement en somme. Ne devrais-je pas m'en contenter ? |
| | | | (#)Mar 13 Sep 2022 - 22:06 | |
| Yo no soy marinero, soy capitánLa petite blague de Kai angoissa Noor plutôt que de l'amuser. Elle détestait l'idée d'être mise de côté par l'un des Five, et le rappel des cachotteries de Dani et Hugo quand ils avaient commencé à sortir ensemble passait très mal. Heureusement, Kai comprit rapidement combien ça la touchait, arrêtant de la taquiner et venant plutôt l'enlacer à la place. Elle se détendit un peu, alors qu'il retournait s'asseoir pour siroter son café. Si Kai ne savait rien de ce qui pouvait se passer entre Dani et Hugo, ils pouvaient donc continuer tous les deux à œuvrer pour que leurs amis ouvrent les yeux. Si la stratégie du jeune homme lui paraissait bien compliquée, son cerveau encore embrumé par l'alcool de la veille, elle essaya cependant d'y réfléchir, histoire de savoir comment agir. « En pratique... On aurait juste à dire des trucs du genre "ton copain m'empêche de dormir la nuit", et "t'as bien dit à quelle heure ta petite-amie devait venir demain ?", de façon naturelle ? » Elle n'était pas sûre que Hugo ou Dani apprécient beaucoup tout ça. Mais si ça pouvait les aider à arrêter de se tourner autour sans aller plus loin, Noor était prête à tout tester. Surtout si les Five agissaient de concert, en faisant mine de ne pas comprendre ce qui pouvait gêner dans la formulation de leurs phrases. La conversation finit par dévier loin du petit couple, Dani devant être au vignoble à travailler et Hugo étant parti en vadrouille elle ne savait où en ville - s'il pouvait acheter du café et de la tequila sur son chemin, elle lui en serait infiniment reconnaissante. Ce serait une petite compensation par rapport aux nuits inconfortables sur le canapé et cette intimité forcée avec Reese ! Mais en attendant que Hugo ne revienne, elle avait toujours Kai avec elle. Juste pour elle, et elle se permit donc d'aborder le sujet de son travail. Elle savait combien il était sensible pour lui, d'une manière qu'elle comprenait totalement, pour avoir été élevée dans le même genre de famille. L'objectif d'un métier rémunérateur et d'une belle famille avait été implantée en eux dès leur plus tendre enfance - mais vivre à l'étranger avait changé leurs valeurs d'enfance. « Depuis quand on est raisonnable ? » souffla-t-elle, amusée. Passer d'un pays à l'autre, comme ils le faisaient depuis l'université, n'était pas spécialement raisonnable, il fallait le reconnaître. A chaque fois, ils devaient faire l'équivalence de leurs diplômes, retrouver un travail, prendre de nouvelles marques, souvent dans une langue étrangère. Sans compter le fait qu'ils n'évoluaient jamais vraiment dans leurs professions respectives, puisqu'ils ne restaient pas plus de quelques années. « J'ai lu tout ce qui tu as écrit, Kai. Je sais que tu as du talent » reprit-elle, posant sa main sur celles du jeune homme, pour qu'il arrête de les crisper en jouant avec ses pièces de monnaie. « Et avant de quitter ton boulot stable, y a peut-êtremoyen de faire du cinquante-cinquante ou je ne sais quoi ? Ou de publier quelques articles, histoire de voir comment s'est reçu ! » Elle n'y connaissait pas grand chose en journalisme, mais elle savait que Kai savait enquêter, construire un argumentaire et faire un résumé synthétique et compréhensible. Elle avait lu ses articles, et avait adoré la façon qu'il avait de rédigé, claire et allant droit au but. « Même si tu te plantes à la fac... On sera là pour t'aider à te remettre sur pieds. Et t'auras toujours ton diplôme de biologiste, tu pourras toujours reprendre un emploi dans cette voie, si ça marche pas dans le journalisme ! » Peut-être avec un peu de difficultés, s'il arrêtait pendant quelques années. Mais ce ne serait certainement pas plus compliqué qu'en venant d'un autre pays, comme c'était le cas actuellement. « Et puis, t'as pas peur de regretter si tu tentes pas ? A t'embourber dans ce boulot que t'aimes pas... Et t'as que trente ans, mec. La vie devant toi ! » C'était un peu hypocrite, alors que Noor sentait elle aussi le poids de la trentaine, de sa famille qui se demandait pourquoi elle était encore célibataire et sans enfants. (D'elle, qui culpabilisait de ne pas se trouver un compagnon qui ne soit pas toxique avec elle.) Mais elle considérait encore que Kai avait le temps de changer de métier, de reprendre des études. Sa vie n'était pas finie, elle venait tout juste de commencer. Surtout qu'il avait les capacités et la possibilité de retourner sur les bancs de l'université. « Peut-être que c'est un problème de riche. Mais t'as un boulot qui paye bien, et qui te permet d'être à l'aise financièrement. Et même si tu veux pas tout lâcher, des fois que tu te plantes ou que finalement, écrire professionnellement te plaise pas... Tu peux toujours faire des cours du soir ? Comme ça tu gardes ton boulot et tu te formes sur ton temps perso. Ou tu prends un mi-temps, histoire d'avoir du temps pour toi. » Noor avait du mal à comprendre qu'il s'attache tellement à son travail. Il détestait être un biologiste, elle le savait pertinemment. Et certes, il avait une grande sécurité financière, mais elle imaginait qu'il devait avoir des économies de côté, de quoi changer de vie sans trop se serrer la ceinture. Surtout ici à Brisbane, entouré des Five qui n'hésiteraient jamais à l'aider s'il en avait besoin. « T'es pas obligé de te décider aujourd'hui... Mais tu peux me promettre d'y réfléchir ? » code par drake. |
| | | | (#)Mer 5 Oct 2022 - 4:52 | |
| Je reconnaissais que mon idée pouvait être aisément définie de saugrenue. Néanmoins, j'étais intimement convaincu qu'agir comme si Dani et Hugo étaient en couple à nos yeux composait un élan supplémentaire en vue de concrétiser le retour du caractère romantique dans la relation de nos deux amis. A mes yeux, cela permettait de retirer la pression potentiellement générée par cette notion d'amour entre les deux jeunes adultes vis-à-vis de laquelle ils se voilaient la face ou qu'ils préféraient fuir en affirmant purement qu'ils l'étaient à nos yeux, tout en gommant par la même occasion nos volontés exprimées de les voir cesser se tourner autour et rendre leurs vœux réalité. C'était certes une drôle de psychologie mais je pensais qu'elle valait le coup d'être tentée. Après tout, nous n'avions rien à y perdre, n'est-ce pas ? « En pratique... On aurait juste à dire des trucs du genre "ton copain m'empêche de dormir la nuit", et "t'as bien dit à quelle heure ta petite-amie devait venir demain ?", de façon naturelle ? » Je lâchais un petit rire en hochant la tête à l'affirmative avec entrain. « Exactement ! On fait comme si pour nous, c'est déjà le cas et c'est naturel, peu importe ce qu'ils nous chantent ! » Je me redressais sur mon siège. Je visualisais déjà les têtes que nous tireraient Dani et Hugo au début de ce manège. « L'objectif c'est de leur ouvrir les yeux sur le fait qu'ils sont les deux seuls à se freiner et se voiler la face en leur montrant que pour nous, il n'y a pas de mascarade qui tienne. » J'explicitais. « Et puis je trouve que présenter les choses comme actées ça a un côté un peu soft aussi, dans le sens où on ne leur demande plus d'ouvrir les yeux ou on ne les pousse plus l'un contre l'autre puisqu'on fait genre que pour nous ils sont déjà en couple. Qui sait, ça pourrait leur retirer une éventuelle pression qu'ils pourraient se mettre et expliquerait pourquoi ils n'osent plus se toucher autrement qu'avec leurs yeux. » Je haussais une épaule, hypothétique.
Je portais mon café de nouveau à mes lèvres et mes mains demeuraient en suspens lorsque le sujet sensible de mon travail était évoqué. Je sentais mon cœur tomber telle une pierre dans mon organisme, ce sournois sentiment de doute, de regret et d'indécision m'étreignant froidement sans merci. Noor me connaissait et me comprenait mieux que beaucoup, elle avait conscience à quel point mon domaine professionnel n'était pas celui au sein duquel je m'épanouissais mais auquel je me soumettais en honneur à des valeurs et des attentes familiales inculquées dès mon plus jeune âge. Évidemment sa présentation de nouvelle vie me séduit sans vergogne mais je n'ose pas m'extraire de cette zone de confort dans laquelle je me cloître à m'en asphyxier. Était-ce vraiment raisonnable ? N'était-ce pas un caprice, une folie, une stupidité de changer de métier alors que la biologie me fait vivre plus que correctement depuis des années et que j'y ai consacré une bonne partie de ma vie ? N'est-ce pas mettre des années de labeur en l'air au nom d'un inconnu charmant duquel je ne dispose aucune certitude totale ? N'avais-je pas passé l'âge des réorientations et des changements radicaux ? Ne devrais-je pas plutôt me poser quelque part et fonder quelque chose de concret au niveau personnel ? Cette simple idée me fait grincer des dents, mes pensées voltigeant malgré moi vers Ryan. Et si vraiment j'osais vivre sans penser à demain, si vraiment je me lançais dans un chapitre tout neuf de ma vie, ne regretterais-je pas la vue d'ensemble du parcours de ma vie ? Ne serais-je pas honteux d'être un trentenaire novice, d'être un homme avec des années de retard sur sa profession ? Est-ce que tout ça compte vraiment, en réalité, si en bout de ligne on fait ce que l'on aime ?
J'exprime mes doutes, mes dilemmes, mes appréhensions à Noor dans un franc dégueulis de mots. La jeune femme m'écoute, attentive, avant de souffler : « Depuis quand on est raisonnable ? » Un fin sourire apparaît sur mes lèvres et je soupire doucement, mes épaules s'affaissant. Mes doigts continuent de triturer les pièces de monnaie sur le comptoir, mes pudiques pupilles incapables de croiser celles de mon interlocutrice. « J'ai lu tout ce qui tu as écrit, Kai. Je sais que tu as du talent. Et avant de quitter ton boulot stable, y a peut-être moyen de faire du cinquante-cinquante ou je ne sais quoi ? Ou de publier quelques articles, histoire de voir comment c'est reçu ! » La main de Lyb' immobilise les miennes et tout en appréciant son compliment, j'étudie sa suggestion. Je grimace doucement. Un cinquante-cinquante présente un bon compromis mais la vérité est que je fonctionne beaucoup au tout ou au rien. J'avais précédemment adopté cette option de me prêter au journalisme d'investigation à côté de ma profession première, elle s'était avérée judicieuse et sensée. Mais le désir de refaire ma vie se voulait de plus en plus ardent à mesure des semaines qui défilaient.
« Même si tu te plantes à la fac... On sera là pour t'aider à te remettre sur pieds. Et t'auras toujours ton diplôme de biologiste, tu pourras toujours reprendre un emploi dans cette voie, si ça marche pas dans le journalisme ! » Je lève discrètement les yeux vers Noor, envisageant ce scénario. Le soutien des five est inestimable et ça me conforte comme me procure de la vaillance de savoir qu'en effet, mes meilleurs amis seront là en cas de souci si j'échoue prodigieusement. De plus, Noor a raison : ce n'est pas comme si je changeais totalement de cerveau, je pourrais toujours faire marche arrière, même si j'aurais alors un goût cuisant d'échec en bouche et que cette simple idée me provoque un rictus. « Et puis, t'as pas peur de regretter si tu tentes pas ? A t'embourber dans ce boulot que t'aimes pas... Et t'as que trente ans, mec. La vie devant toi ! » Je laisse échapper un léger rire avant de libérer mes mains et les poser sur mon visage. « J'ai l'impression que c'est horrible, trente ans. J'ai cette liste en tête de tout ce que j'aurais dû accomplir pour avoir une vie normale et j'ai quasiment rien coché dessus. » Parce qu'elle ne me correspond pas, parce que je n'ai même pas envie de m'investir dans ces items. Epouser une femme, construire une maison, avoir des enfants : très peu pour moi. « J'ai l'impression que je stagne en fait. Ou que genre, si j'étais un arbre, j'ai planté ma graine dans le mauvais sol et je suis là à m'entêter de le faire devenir quelque chose qu'il ne peut pas devenir dans ce sol-là. » Et ça semble totalement loufoque, dit comme ça. J'inspire profondément. On passera sur le fait que j'ai toute les misères du monde à l'accepter, mon arbre. « J'suis terrifié de regretter, » je lui avoue. « J'ai peur de me réveiller un jour et de me dire que j'ai rien fait comme j'aurais dû. Que j'ai fait que des âneries et que j'ai un peu gaspillé ma vie pour des mauvaises raisons. »
« Peut-être que c'est un problème de riche. Mais t'as un boulot qui paye bien, et qui te permet d'être à l'aise financièrement. Et même si tu veux pas tout lâcher, des fois que tu te plantes ou que finalement, écrire professionnellement te plaise pas... Tu peux toujours faire des cours du soir ? Comme ça tu gardes ton boulot et tu te formes sur ton temps perso. Ou tu prends un mi-temps, histoire d'avoir du temps pour toi. » Je pose mon visage dans mes mains, coudes sur le comptoir. Encore une fois, la mama du groupe parle avec raison, mais ma première impression est que je traîne la patte, encore une fois, à faire les choses à moitié. Pourtant, c'est mieux que rien, je devrais m'en contenter ? Puisque je n'ose pas me jeter dans le vide, autant y aller pas à pas ? Puis qui sait, peut-être que ce serait l'origine d'un déclic ? « T'es pas obligé de te décider aujourd'hui... Mais tu peux me promettre d'y réfléchir ? » Je lève les yeux vers Noor puis lui offre un sourire en coin avant d'acquiescer. « Promis. » J'inspire profondément, laisse planer quelques secondes avec d'exprimer ma gratitude avec honnêteté : « Merci Lyb. » Sans réellement le réaliser, j'avais accumulé beaucoup ces dernières semaines et pouvoir discuter avec mon ancienne colocataire m'avait autant manqué que me faisait énormément de bien. « Et toi, tu en es où, dans le boulot ? Tu as des pistes ? » |
| | | | (#)Dim 9 Oct 2022 - 22:07 | |
| Yo no soy marinero, soy capitánKai avait beau être persuadé que sa technique marcherait, Noor n'arrivait pas à être aussi convaincue. Elle avait l'impression que s'entêter à les faire se mettre ensemble risquait surtout de se retourner contre eux. (Et elle était plus partisane d'une technique plus grossière, genre les enfermer ensemble et attendre qu'ils communiquent avant de les libérer, puisque ça avait toujours été le point faible de leur relation.) « Ils sont plus que têtus tous les deux, j'ai peur qu'à faire comme s'ils étaient déjà de nouveau ensemble, on ne fasse qu'empirer les choses. Genre qu'ils décident que par principe, ils ne se remettront pas ensemble, juste pour nous prouver qu'on a tort. » Hugo comme Dani pouvaient se révéler de vraies têtes de mule quand ils s'y mettaient. Quoi que Noor n'ait jamais vraiment eu affaire à ce genre de réactions de la part de son frère de cœur, de part leur relation si particulière, et que Dani soit généralement plutôt douce et cherchant à éviter le conflit... Ils avaient tous les deux de forts caractères, qui se révélaient particulièrement quand ils étaient bornés sur une idée. Quoi que d'une certaine manière, tous les Five étaient têtus. C'était peut-être ça qui les avaient rapproché à la base, ou qui expliquaient qu'ils étaient toujours amis près de dix ans après leurs premières rencontres. Parce qu'on disait toujours que les amis de l'université disparaissaient sitôt l'entrée dans la vie adulte, alors qu'eux se retrouvaient même dans le même pays, une nouvelle fois, prêts à recommencer une vie ensemble. Et malgré les années dans des pays, voire des continents, différents, ils étaient toujours aussi proches. Noor savait voir les doutes et les frustrations de Kai, même quand il n'était pas prêt à se les avouer à lui-même. Comme le sujet délicat de son travail, pris pour apaiser ses parents qui voulaient pour lui un bon diplôme et un salaire plus que confortable, sans prendre en compte ce qu'il aimait vraiment. Elle qui avait un métier qu'elle adorait avait du mal à le voir si malheureux dans le sien... « T'es pas le seul à avoir l'impression d'avoir raté ta vie, tu sais... Quand j'ai ma famille au téléphone, ils me demandent tous quand est-ce que je vais enfin me marier et avoir des enfants. Toutes mes cousines ont eu les leurs en début de vingtaine, et moi, je suis là, avec mon travail et mes jolis appartements, mais toute seule. » Parce qu'au Mexique, la valeur d'une femme se mesurait plus à ce qu'elle investissait dans sa famille qu'à ce qu'elle pouvait gagner. Elle était sensée avoir un mari qui assurerait le train de vie de la maison pendant qu'elle s'occuperait des enfants. Et Noor voulait des enfants, vraiment, rêvant à de petites têtes brunes l'appelant "maman", ruinant ses nuits et l'obligeant à partager son temps entre son travail et la maison. Elle voulait aussi un mari qui prendrait soin d'elle, et qui serait un père présent. Là, il lui fallait reconnaître que trouver l'homme idéal était le plus compliqué, vu comme elle semblait attirer tous les plus toxiques, laissant les mecs bien être juste ses amis. « Tu gâches rien du tout Kai. T'as toute ta vie devant toi. Tu gaspilles ton talent à rester dans un laboratoire toute la journée. » Elle glissa sa main dans les cheveux de Kai, pour le réconforter et lui promettre d'être toujours là pour lui. Il n'y aurait pas eu le comptoir entre elle, elle aurait pu se mettre sur la pointe des pieds pour embrasser son front, mais là, il lui manquait plusieurs centimètres pour atteindre son ami. Mais ça ne l'empêchait pas de l'encourager, d'essayer de trouver des pistes pour résoudre le problème. Comme toujours, elle était infiniment plus douée pour les problèmes des autres... « J'ai envoyé des candidatures à plusieurs cabinets, j'ai des entretiens dans les semaines qui arrivent. Et va y avoir un congrès d'architecture en septembre, si j'ai pas de poste d'ici là, je pourrais y aller pour rencontrer directement les gens. » Elle n'avait pas encore passé beaucoup d'entretiens, mais les rares qu'elle avait eu lui avaient laissé une mauvaise impression. Elle s'était sentie jugée sur sa couleur de peau et ses origines, même si ça avait été fait de manière très subtile. L'idée de devoir chercher un cabinet pas trop raciste lui donnait des aigreurs d'estomac, elle qui avait pensé l'Australie plus accueillante que la Californie de ce point de vue là. Elle s'était trompée, ou les cabinets avec la meilleure réputation étaient des nids à bourgeois intolérants. code par drake. |
| | | | (#)Dim 6 Nov 2022 - 1:54 | |
| Lyb ne semble pas des plus convaincus par ma proposition de stratégie pour rabibocher amoureusement nos deux amis, Hugo et Dani. « Ils sont plus que têtus tous les deux, j'ai peur qu'à faire comme s'ils étaient déjà de nouveau ensemble, on ne fasse qu'empirer les choses. Genre qu'ils décident que par principe, ils ne se remettront pas ensemble, juste pour nous prouver qu'on a tort. » Un sourire narquois apparaît sur mes lippes, mes doigts continuent de malmener les quelques pièces égarées sur le comptoir. Je lorgne malicieusement vers mon interlocutrice, entendant et réfléchissant à ses paroles, bien que n'y adhérant pas totalement. « Tu le penses vraiment ? J'aurais plutôt l'impression que ce serait ta manière de réagir, ça, » je fais doucement, sur un ton amusé qui ne signifie aucune offense, bien que je continue de défendre ma stratégie. « Je te propose qu'on essaie un peu et si on voit que c'est contreproductif, on s'arrête là. Deal ? » Je suggère. Mon souhait n'était pas de courroucer les deux exs ni de nuire à leur relation. Bien au contraire, je désirais les voir heureux et selon moi, ils seraient bien plus comblés en couple qu'à se manger du regard à chaque fois qu'ils partageaient un périmètre commun. Noor partageait mon vœu, à mon grand ravissement, et j'étais confiant qu'à nous deux, nous pourrions réussir à remettre nos deux meilleurs amis dans les bras l'un de l'autre.
Lorsque Lyb évoque ma vie professionnelle, une boule se forme immanquablement dans ma gorge tandis que mon estomac se tord. Ma nervosité se lit dans tous mes gestes, que ce soit ma jambe qui s'agite sous le tabouret ou mes doigts qui font tourner le moindre objet présent sur le comptoir. Le contenu de ma tasse se vide à la même mesure de mon cœur. Cela me fait un bien fou de pouvoir discuter de nouveau en direct avec la Guerrero et force m'est de constater que j'en avais accumulé depuis la dernière fois que nous nous étions enlacés, en Californie. Au sein des five, Lyb est notre figure maternelle. Pour moi, elle me fait me sentir en sécurité, elle est celle qui m'aide à ouvrir les yeux ou éclairer un peu plus mon chemin lorsque je redoute l'inconnu ou en ai peur. Elle est celle avec qui j'ose avoir les paroles les plus crues, les plus sincères, parce que mon cœur est persuadé qu'elle sait naturellement y réagir comme j'en ai le plus besoin. J'ai la chance d'avoir quatre meilleurs amis hors pair, mes rapports étant bien différents avec chacun d'entre eux. Si je fais confiance à tous les membres de notre groupe d'amis, je ne discute cependant pas des mêmes choses avec eux et ne recherche pas non plus les mêmes réactions. Jiyeon est celle que je contacte pour alléger les tracas, Hugo est le bro avec qui toute frustration peut être évacuée, Dani est celle que je tente de protéger comme une petite sœur tout en abordant des sujets qui me restent souvent abstraits. « Tu gâches rien du tout Kai. T'as toute ta vie devant toi. Tu gaspilles ton talent à rester dans un laboratoire toute la journée. » Je soutiens quelques instants le regard de la latine avant de le reposer sur la surface du comptoir. Je soupire doucement. Noor a raison, pourtant, je me sens si vieux, si pris au piège, si ancré dans ce stand-by toxique que je m'impose.
Les doigts de Lyb qui se faufilent dans mes cheveux me font doucement sourire, davantage par gratitude que par joie. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète non plus pour moi et j'ai conscience qu'il me faut encore du temps pour qu'un déclic s'opère, pour que je change de vision, pour que je me libère de ces liens que je m'impose inutilement. Je change de sujet en questionnant, avec sincère intérêt, mon amie sur ses propres pistes professionnelles. « J'ai envoyé des candidatures à plusieurs cabinets, j'ai des entretiens dans les semaines qui arrivent. Et va y avoir un congrès d'architecture en septembre, si j'ai pas de poste d'ici là, je pourrais y aller pour rencontrer directement les gens. » Mon rictus est plus franc, teinté d'encouragements. « Je croise les doigts pour toi. Si tu as besoin d'un soutien moral à ton congrès d'architecture, tu peux compter sur moi. Je sais faire bonne impression, » je propose avec légèreté. Je n'y connais malheureusement rien dans le domaine de prédilection de Noor mais je connais très bien la jeune femme et n'aurait aucun scrupule à la mettre en valeur en enclenchant toute tentative de séduction vis-à-vis de futurs employeurs. « J'pourrais en faire tomber sous ton charme, » je lance avec un clin d'œil complice. |
| | | | (#)Sam 12 Nov 2022 - 23:49 | |
| Yo no soy marinero, soy capitánNoor esquissa une moue dubitative. Elle était peut-être un peu trop du genre à faire le contraire de ce qu'on lui demandait, surtout en matière de relations amoureuses. Plus on lui déconseillait un garçon et plus elle fonçait tête baissée, convaincue qu'elle saurait faire de lui un homme bien. (Elle finissait le cœur brisé à chaque fois, mais ça ne l'arrêtait pas pour autant...) Mais Hugo était son jumeau, et ils réagissaient souvent de la même façon, s'enfonçant dans leur fierté plutôt que d'avouer leurs torts. Peut-être que Dani, douce et charmante Dani, pourrait réfléchir à sa relation avec le Français si le reste des Five en parlait comme si c'était officiel. Mais Hugo ? Il était capable du pire, par pur esprit de contradiction ! Elle haussa donc les épaules, laissant Kai faire ce qu'il voulait. Elle, elle continuerait de critiquer les filles que Hugi ramenait dans l'appartement, les voleuses de lit qui la faisait atterrir sur le canapé. Avec la pensée que cinq ou six ans plus tôt, ça l'aurait à peine dérangée, mais que maintenant, son corps avait vieilli et lui réclamait un matelas confortable et un oreiller à mémoire de forme si elle ne voulait pas se réveiller avec une lombalgie et des cervicales en compote. Vieillir, c'était définitivement très nul. Elle choisit donc de laisser tomber le sujet du petit couple à recaser, pour aborder leurs objectifs professionnels. Malgré dix ans d'amitié, elle avait toujours du mal à comprendre que Kai ne se renferme dans une carrière de biologiste qu'il n'avait pas choisi et qu'il n'appréciait pas. Même si elle savait quelle pression sa famille pouvait faire peser sur ses épaules, puisqu'elle vivait la même chose. Mais ils vivaient loin de chez eux, assez pour pouvoir travestir la vérité et faire ce qu'ils voulaient sans que leurs parents ne le sachent. « Je vais décrocher un super job en archi, et je gagnerai assez pour que tu puisses tout laisser tomber et te lancer dans l'écriture » lui promit-elle. Elle se pencha par dessus le comptoir pour embrasser sa joue, dans une promesse de jours meilleurs. Et parce qu'elle serait toujours là pour lui, quoi qu'il lui arrive. « Et je devrais pouvoir m'en sortir seule pour vendre mon CV ! Je sais qui mettre en valeur ! » Et éviter d'évoquer ses déménagements fréquents, sauf pour insister sur l'expérience que ça avait pu lui apporter, en apprenant des manières différentes de travailler, et en prenant en compte des esthétiques variées. Même si elle savait qu'elle allait devoir ralentir les changements si soudains de pays, pour ne pas paraître trop instable dans sa vie personnelle. « Mais si tu as besoin que je te fasse rencontrer mes collègues une fois que j'aurai signé mon contrat, y a pas de soucis ! Je t'inviterai aux soirées du boulot, histoire que tu puisses les rencontrer, et plus si affinités ! » Elle n'avait pas vu souvent Kai en couple, et elle se doutait qu'il ne disait pas tout sur ses préférences en matière de relation. Elle n'osait pourtant rien dire, attendant qu'il se décide à faire le premier pas. Elle savait d'expérience que rien ne servait de le forcer à parler d'un sujet qu'il ne voulait pas aborder, et elle en avait sans doute déjà assez fait en abordant sa situation professionnelle ! code par drake. |
| | | | (#)Mer 30 Nov 2022 - 5:05 | |
| Je me sens plus léger d'avoir pu expliciter mes dilemmes à Noor, ainsi qu'une partie des appréhensions, regrets et culpabilité qui me taraudent sans vergogne. C'est avec attention que j'écoute les remarques et conseils de mon amie, qui me procurent de surcroît le sentiment d'être entendu et compris, quand bien même je ne me sens pas entièrement prêt à oser franchir le pas d'initier le moindre changement sur le volet professionnel de ma vie. C'est ridicule, je me voile la face quant à ce qui me retient et je déteste cette part de ma personne qui cherche sans nul doute des excuses pour se conforter dans ce cadre qui certes fut confortable pendant un temps mais est désormais de plus en plus étouffant. J'ai conscience qu'il faut que je prenne ma vie en main, qu'il faut que je me bouge parce qu'à laisser le temps qui passe ainsi, cela risque de devenir réellement trop tard pour moi pour que je puisse réellement m'orienter vers le domaine qui me passionne, aussi fou cela soit-il.
« Je vais décrocher un super job en archi, et je gagnerai assez pour que tu puisses tout laisser tomber et te lancer dans l'écriture, » conclut Lyb et son attention me touche, arrache un sourire en coin sincère sur mes lippes. Je me connais trop fier et orgueilleux pour accepter véritablement une telle offre de la part de la jeune femme si jamais elle se présentait réellement, mais je suis sincèrement reconnaissant de son intention, tout comme la confiance qu'elle me dédie. « Ca sonne comme un beau plan, » je valorise néanmoins, espérant ardemment que Lyb décroche ce super job en archi qui la passionnera et l'animera pour son bonheur à elle. Lorsque la latine m'indique se rendre à un salon afin de se créer un réseau, spontanément, je lui propose mon aide et soutien, sous quelque forme soit-il. « Et je devrais pouvoir m'en sortir seule pour vendre mon CV ! Je sais qui mettre en valeur ! » Mon sourire s'élargit, légèrement narquois. Bien sûr, je ne doute pas des capacités de Noor à se mettre en valeur, mais son caractère fort m'amuse toujours immanquablement. Parfois, je me dis qu'on se ressemble sur cette manière de vouloir prendre les choses qui nous concernent en main sans l'aide de personne, cette forte indépendance et autonomie protégée, bien qu'en l'occurrence, Lyb gèrera certainement mieux seule. « Tu me raconteras comment ça s'est passé, » je sollicite, intéressé. « Mais si tu as besoin que je te fasse rencontrer mes collègues une fois que j'aurai signé mon contrat, y a pas de soucis ! Je t'inviterai aux soirées du boulot, histoire que tu puisses les rencontrer, et plus si affinités ! » Si j'avais esquissé un léger rire en entendant Noor me proposer son réseau pour me socialiser, je résiste péniblement à la tentation de poser ma tête sur son comptoir, face cachée, lorsqu'elle prononce les termes "plus si affinités". J'apprécie une nouvelle fois le geste mais la seule idée de romance m'est devenue difficile. Lorsque je ne suis pas mordu par les remords, le désespoir ou la culpabilité viennent m'envahir. En somme, je n'associe pas spécialement le fait d'être en couple à quelque chose d'épanouissant. « C'est vrai que j'fais un bon parti, » je réplique néanmoins avec une dose de dérision et de fausse fierté, fuyant allégrement ce sujet tout en tentant de masquer au maximum mon inconfort. Les rares fois où j'ai parlé de ma vie sentimentale se concentrent sur des relations que j'avais eues avec des femmes, et aussi clairement que tristement, je ne parle pas de mes meufs de la même manière que les autres five parlent de leur partenaire ou conquête. J'ai toujours apprécié les personnes avec qui je me suis mis en couple, j'ai toujours eu de l'affection pour elles, néanmoins, clamer que j'étais en amour avec elles constituerait un honteux mensonge. Mais ce point, je ne l'avais avoué qu'à demi-mot, et les raisons l'expliquant restaient proscrites. Je refusais de confronter ma vérité, je rejetais qui j'aimais réellement et je n'espérais qu'une chose : qu'un tour de magie vienne me métamorphoser en un homme que j'aurais beaucoup moins de mal à accepter. Le refus de cette part d'identité était si féroce que je m'interdisais même de le formuler à voix haute, comme si cela équivalait à donner du pouvoir à une part de moi-même que je tentais d'étouffer en vain. Ainsi, je me contentais du rôle du célibataire de plus en plus endurci du groupe, n'ayant même plus fréquenté une femme depuis assez longtemps maintenant. Ironiquement, j'avais néanmoins cessé de croire qu'une d'entre elles parviendrait à m'envoûter au point de changer mes attirances et avec la déchéance de cette espérance était venu mon refus de faire perdre du temps à quelqu'un, de mentir à une femme dans une relation qui ne serait intime que par des faux-semblants et des doubles-jeux. Je jetais un coup d'œil à ma montre et je me levais du tabouret pour laver ma tasse dans l'évier. Tout en l'essuyant et en la reposant dans le buffet où Noor l'avais prise plus tôt, j'annonçais : « Je dois y aller. » Je me rapprochais de Lyb pour l'enlacer et déposer un baiser sur son front tout en frottant son dos. « On se voit bientôt. » Je me détachais un peu, lui adressant en prenant la direction de la porte de l'appartement : « Merci pour le café. Et tout le reste. » Je lui dédiais un sourire aussi sincère qu'entendu : pour son écoute, son soutien, ses conseils, son amitié, son authenticité. |
| | | | | | | | yo no soy marinero, soy capitán (noor) |
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