I'm the kid in the rain, celebrate the insane. Yeah, never goes my way. Take a shot and fall short, I don't get the support but I guess that's just life. Someone go get me some more confetti, I think I might have hit my peak already. I don't know euphoria, would like to meet her someday. C'est la vie. I don't feel hysteria, she leaves me lonely, c'est la, c'est la vie
Si Albane gagnait correctement sa vie, elle ne roulait pas sur l’or non plus. En conséquent, quand elle avait emménagé en ville avec Blanche, il avait fallu opter pour les quartiers qu’elle pouvait s’offrir. L’appartement qu’elle louait n’était pas excessivement cher et ce pour une raison ; il commençait à se faire vieillot. Jusqu’ici, la française s’en était toujours accommodée. Mais cette fois-ci, c’était le pompon. Toute la tuyauterie de la baignoire avait décidé de sauter, créant un dégât des eaux conséquent chez son voisin du dessous. Il n’avait pas été ravie, son assurance non plus, le proprio également. Encore plus quand le plombier avait décrété qu’il faudrait tout casser pour tout refaire. Albane ne voulait pas savoir à combien s’élevait la facture ; il fallait juste que cela soit fait. Parce que l’air de rien, arriver plus tôt à l’hôpital juste pour pouvoir se doucher n’avait rien de bien glorieux. Et puis, à certaines rares occasions, elle ne bossait pas. Elle avait fait la fête la veille, avait trop bu, trop dansé, trop fumé. Elle avait la tête dans le pâté, une voix de camionneuse, le visage de travers, et une odeur qui lui faisait dire qu’elle changerait ses draps durant la journée. C’était même sans parler de la gueule de bois douce, mais bien présente, qui lui comprimait les tympans. Ah, ça, on l’y reprendrait pas dans l’immédiat. Quoiqu’il en soit, après un café grandement nécessaire, Albane prépara son balluchon. Elle y fourra sa serviette, du linge propre, un tas de flacons, sa brosse, et le tout dans les bras, elle quitta son appartement pour prendre la direction de celui d’Hugo. Ils avaient vécu bien assez de choses ensemble pour qu’elle ne s’embarrasse plus de ce genre d’apparitions. C’était encore la matinée, il devrait être là. En retenant un bâillement, elle toqua à la porte, se balançant d’un pied à l’autre en attendant qu’il lui ouvre. Mais évidemment, ce ne fut pas Hugo qui apparut. Ni même Reese, qu’elle savait dans le coin depuis son retour à Brisbane. C’était une brune totalement inconnue au bataillon. « C’est l’auberge espagnole cet appartement. » Elle soupira Albane, se frotta le visage. « Il m’avait pas dit qu’il était rentré accompagné hier. Désolée. Je suis pas sa copine, c’est pas un connard, ne lui mets pas ta main dans la face quand tu le recroiseras. Sauf s’il te rappelle pas. C’est probable. » Elle parlait machinalement, finit par s’inviter dans l’appartement. Après tout, elle avait pris ses habitudes par ici, assez pour faire comme si elle était chez elle. « Fais pas attention à moi. Problèmes de salle de bain en travaux. » Elle avait trop la tête en vrac pour la politesse, disparut instantanément dans la salle de bain. Et autant dire qu’une fois sous le jet d’eau chaude, la française prit un temps royal pour se défaire de l’odeur de la fête, de la sueur, des traces de mascara qui restaient. Elle reprenait enfin figure humaine. C’était presque aussi efficace qu’un paracetamol, qu’elle avait totalement oublié de prendre avant de venir. Les cheveux humides noués dans un chignon fouillis, un jean et un gros pull blanc, elle sortit finalement de la salle de bain, prête à rentrer chez elle. Mais l’inconnue était encore là, sur le canapé. Elle aussi, faisait comme chez elle. Et maintenant que la tête de Bane était un peu sortie du brouillard, elle remarqua enfin que ce visage était vaguement familier. Elle avait dû la voir quelque part. Des photos ? Une soirée avec un gros groupe ? « Je pensais que tu serais partie. Pardon pour… cette entrée. C’est juste habituel entre Hugo et moi. Tu le connais d’où, d’ailleurs ? T’as un air familier. »
Allumer son ordinateur pendant qu'elle se faisait couler un café, puis actualiser ses mails et les demandes d'emplois des différents cabinets d'architecture de la ville devenait un rituel lassant. Noor avait déjà eu quelques entretiens, mais tout s'était ralenti début juillet, à croire que le froid ayant envahi la ville gelait tout, même les processus de recrutement. Et si au départ, ça avait été amusant d'avoir un peu de temps pour elle, comme des vacances entre sa vie californienne et son arrivée à Brisbane, elle voyait désormais ses économies se réduire, sans savoir si elle aurait vite un travail à la hauteur de son diplôme.
Elle délaissa son ordinateur, et le manque de mails de réponse de sa boite mail, quand elle entendit frapper à la porte. Elle se dépêcha d'aller ouvrir, prête à taquiner Hugo d'avoir encore oublié ses clés, avant de se figer devant l'inconnue. Allait-elle devoir subir une crise de jalousie d'une des conquêtes d'Hugo ? Le visage ne lui disait rien, mais depuis quatre mois qu'elle habitait dans cet appartement, ça faisait un moment qu'elle n'avait pas prêté attention aux femmes que son meilleure ami ramenait - elle savait juste que ce n'était pas Dani, et ça la frustrait terriblement de les voir se tourner autour sans rien faire de plus.
La jeune femme la rassura assez vite sur le fait qu'elle n'était pas une ex d'Hugo, et elle semblait assez connaître le français et son appartement. Ce que Noor trouvait, en soit, assez inquiétant, notamment parce qu'elle n'avait pas vu cette femme en quatre mois de cohabitation avec Hugo. Elle chercha dans sa mémoire toutes les femmes dont son meilleur ami avait parlé, tout en attendant que l'inconnue sorte de la baignoire pour tenter d'en savoir plus. Noor était peut-être curieuse, mais pas assez pour aller squatter la salle de bain pendant qu'une femme qu'elle n'avait jamais vu s'y lavait !
Elle reremplit donc sa tasse de café avant de se remettre sur le canapé, renvoyant des demandes d'entretien à deux cabinets d'architecture. Elle guettait de l'oreille les bruits provenant de la salle de bain, refermant son ordinateur quand l'inconnue sortit de la pièce, avec un visage plus humain et plus avenant - mais toujours complètement inconnu.
« J'ai l'habitude de voir des filles débarquer en me parlant de Hugo. Je suis juste contente de pas avoir reçu de gifles. Ou de cris... » avoua-t-elle, fronçant le nez.
Il était adulte, Hugo, après tout. Il pouvait inviter toutes les filles qu'il voulait - même si la seule importante semblait rester inaccessible. S'il pouvait juste les choisir avec assez de jugeote pour ne pas prendre Noor pour une rivale, ça l'arrangerait énormément !
« Hugo est mon meilleur ami depuis plus de dix ans. On vivait dans la même résidence étudiante, en France » expliqua-t-elle rapidement. « Je suis Noor, je sais pas s'il t'a parlé de moi ? »
La jeune femme avait sans doute vu son visage sur les murs de l'appartement, Noor ayant repéré plusieurs photos s'étalant depuis leur rencontre en 2009, et les ajouts du reste des Five au fur et à mesure. Des photos prises le plus souvent dans le noir, et avec un certain taux d'alcoolémie ne garantissant pas forcément la netteté des images, mais on pouvait quand même y reconnaître leurs visages.
« Et toi, tu l'as rencontré comment, si t'es pas une de ses conquêtes ? »
C'était surprenant, que Hugo ait des amies filles avec qui il ne s'était rien passé. Surtout que la fille était mignonne, avait un charmant accent français et de grands yeux clairs. Typiquement le genre de Hugo, finalement !
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Même si la douche avait aidé, Albane continuait d’avoir la tête dans le coltar. C’était un de ces matins qui lui faisaient se jurer qu’elle arrêterait de boire, cette même promesse qu’elle tiendrait peut-être quarante-huit heures. Ou une semaine, si elle bossait de nuit et étant donc hors d’atteinte pour les invitations de la part de mauvaises influences. Comme Hugo, par exemple. C’est qu’il n’y en avait pas un pour sauver l’autre sur ce point… C’était aussi pour ça qu’elle n’avait pas pris l’effort de s’étonner ou d’être avenante envers l’inconnue qui squattait son salon. C’était probablement la plus grosse différence entre eux ; leurs deux appartements étaient des moulins, mais celui d’Albane était une ère de passage seulement pour les gens qui avaient la clé, d’habitude. De retour dans le salon, la vue de la tasse de café fit quelque peu loucher la française. Elle avait besoin de ça. Tant qu’à s’imposer, elle ferait tout aussi bien de se servir, non ? Surtout si la discussion s’engageait. Ce n’était donc ni un plan cul, ni une ex. Une bonne nouvelle en soi. « Il choisit toujours les plus tordues. » Elle secoua la tête, s’en désolant. Hugo ne tarissait pas d’anecdotes drôles, bizarres, inquiétantes sur les filles qu’il avait pu draguer ou mettre dans son lit. A croire que son radar était complètement pété, ou alors qu’il s’assurait au maximum de se mettre dans des plans foireux pour ne pas risquer de finir en couple. Une stratégie qui semblait fonctionner car de mémoire, elle ne l’avait que rarement vu dans une relation sérieuse. En tout cas, maintenant que la brune en parlait, Albane était capable de la resituer. Ses années d’études en France, sa bande de potes là-bas, les folles aventures. Ça aussi, il en parlait souvent. Ils avaient cette même nostalgie de leurs années dans leur pays natal, parfois, même s’ils ne regrettaient pas leur expatriation. Le prénom lui était familier en tout cas, fit naître un sourire plus franc chez la française. L’anglais fut immédiatement remplacé par le français. « Si, il m’a parlé de toi ! J’ai juste dû rater la partie où tu avais aussi déménagé à Brisbane. Dani, toi… il vous en manque combien maintenant ? Deux ? » De mémoire, ils étaient une bande de cinq. Tellement attachés aux autres qu’ils étaient prêts à se convaincre de déménager à l’autre bout du monde. Bane aurait aimé avoir cette capacité, même si elle continuait de se convaincre que c’était mieux de laisser son passé bien loin d’elle. Désormais plus détendue, elle finit par se diriger vers la cuisine pour se la servir, sa tasse de café. Elle capta la question d’où elle était, pouffa légèrement jusqu’à revenir s’installer au fond de l’un des fauteuils. Le sien, qu’elle aimait dire depuis qu’elle l’avait irrémédiablement tâché avec du vin rouge. « J’ai jamais dit que j’étais pas une de ses conquêtes. Mais ça fait longtemps, il y a prescription. Il a un passif avec ça, non ? » Ce tombeur. La Dumas ne s’en offusquait pas franchement. Il avait toujours été correct avec elle, ils avaient essayé, ça n’avait pas fonctionné, ils étaient restés amis. C’était presque plus sain ainsi, de savoir à quoi s’en tenir entre eux. « C’était à une pâtisserie française. Il avait beaucoup à redire sur la qualité des viennoiseries, et c’est parti de là. » Elle ne s’égara pas sur les détails, n’essaya pas de se repasser les images où Blanche était presque omniprésente. « Sinon, t’as dû entendre parler de moi comme la voisine. La cool, pas celle qui lui met des mots dans la boîte aux lettres dès qu’il fait du bruit. Je suis Albane, au fait. » Celle qui avait pris le relais pour lui tenir compagnie, de toute évidence. « T’es là en touriste, alors ? Ou tu t’installes ? »
Noor sourit, plus instinctivement qu'autre chose, en entendant le français résonner dans l'appartement. Hugo et elle mélangeaient leurs langues respectives quand ils se parlaient, et l'anglais prédominait dans tous les pays où elle avait vécu depuis qu'elle avait quitté Paris. Elle était pourtant toujours contente de retrouver cette langue qui lui rappelait les bons moments du groupe d'amis, leurs études, les partiels à se taper la tête contre les murs et les soirées d'anthologie qu'ils faisaient derrière.
« Ça fait pourtant plusieurs mois que je squatte son appart. Depuis avril en fait » indiqua-t-elle. « Mais c'est quelque chose qu'il oublie souvent de dire, si j'en crois les visages surpris de ses conquêtes chaque fois que j'en croise une dans l'appartement. »
Enfin, elle préférait encore les visages surpris à celles qui réclamaient Hugo comme leur copain, après juste une nuit en sa compagnie. Des cinglées, que Noor laissait généralement mariner dans leur frustration jusqu'à ce que le jeune homme les jette lui-même de l'appartement - elle n'allait pas s'occuper de ses poubelles après tout !
« Kai vient d'arriver. Il n'y a plus que Yuri qui vit ailleurs qu'en Australie ! »
Noor espérait d'ailleurs que la dernière de la bande les rejoindrait vite à Brisbane. Elle avait hâte qu'ils soient tous là, de nouveau prêts à faire les quatre cent coups. Ou que Yuri, Kai et elle travaillent ensemble, à arranger un peu la relation qu'entretenaient Dani et Hugo, compliquée depuis leur rupture.
Quoi que se revoir les uns les autres permettaient aussi de constater combien certaines choses ne changeaient pas, malgré les années qui passaient. Albane avoua avoir été une des conquêtes de Hugo, et Noor manqua de s'étouffer dans son café en l'apprenant. Elle avait bien remarqué que la jolie jeune femme était tout à faire le genre de son meilleur ami, elle était en revanche étonnée qu'elle soit restée dans les parages après leur aventure.
« T'as découvert le Hugo coureur de jupons et t'es restée dans le coin ? Je trinque à ton courage » avoua-t-elle en levant sa tasse vers Albane.
C'était cool qu'ils soient restés amis, pourtant. Elle se demandait un peu ce qui avait pu les motiver à rester en contact après une nuit ensemble, mais elle n'était pas assez curieuse pour vraiment poser la question à voix haute.
« Le gars peut pas manger deux cuillères de curry sans vider une bouteille de lait, mais bien sûr, faut qu'il fasse des remarques s'il manque trente grammes de beurre dans un croissant » reprit-elle, levant les yeux au ciel.
Pourtant son ton était amusé. Parce que ça restait Hugo, si passionné de fromages et de viennoiseries, Hugo qui était capable de les traîner dans les rues de Paris après une nuit de beuverie juste pour acheter une brioche dans la meilleure boulangerie de la ville dès l'ouverture. Et les brioches de gueule de bois étaient les meilleures du monde selon Noor.
Le gars qui pouvait devenir ami avec n'importe qui en cinq minutes. Et pourtant il ne parlait pas de tout le monde à Noor, qui se contenta de sourire poliment quand Albane avoua être celle qui mettait des mots dans les boîtes aux lettres des gens trop bruyants. Hugo n'avait pas parlé de ça, sans doute par fierté mal placée, ou parce qu'il avait été amusé, mais pas assez pour le partager à ses amis du bout du monde.
« J'espère qu'à trois dans l'appart, on est pas trop bruyant ! Quoi que celui qui fait le plus de bruit, ça reste Hugo quand il ramène ses conquêtes ! Reese et moi, on doit passer inaperçus ! »
Même s'ils étaient condamnés à se partager le canapé quand Hugo avait une visiteuse. Un fait que Noor trouvait extrêmement drôle vu comme son meilleur ami tentait de la protéger des hommes - et il avait du travail vu comme elle enchaînait les relations toxiques -, mais qu'il la poussait néanmoins facilement dans le lit de Reese dès qu'il en avait besoin...
« Je m'installe. Enfin, si j'arrive à trouver un poste. Je postule depuis quelques mois, mais j'en suis encore au stade des entretiens de sélection. Et disons que mes économies vont pas durer longtemps à ce rythme ! Enfin, au pire, j'essaierai de faire des trucs en freelance en attendant. »
Elle savait qu'elle pouvait décocher des contrats en Californie, mais le décalage horaire était un peu rebutant. Elle n'avait pas envie de veiller toute la nuit pour pouvoir faire des facetime avec ses clients, surtout alors qu'elle partageait un tout petit appartement mal insonorisé avec deux personnes n'ayant pas forcément envie d'être dérangés pendant leurs nuits !
« Et toi ? Qu'est-ce qui t'a donné envie de vive en Australie ? »
Il fallait aimer l'aventure pour quitter l'Europe et venir vivre à Brisbane. Noor commençait déjà à en avoir marre des insectes énormes et des araignées assez grandes pour être érigées au rang de colocataires... Mais elle aimait le climat, et le côté facile à vivre des brisbaniens. Sans compter la présence de Hugo et Dani, qui l'avaient beaucoup aidé à se sentir chez elle depuis son arrivée.
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Entre Dani et Hugo, Albane avait eu mille opportunités d’entendre parler des five. C’était à se demander comment elle avait pu passer à côté de l’information que l’équipe australienne s’agrandissait. Avec sa langue déliée, le français le lui avait probablement dit à un moment. Elle devait juste avoir la tête dans les vapes à ce moment-là, que ce soit à cause des cachetons ou à cause de tout ce qui avait le don de la distraire. Enfin, elle était au courant, maintenant. « Ca explique pourquoi il est venu squatter chez moi aussi souvent récemment, il devait avoir peur de ce qu’on pourrait comploter sur son dos. J’admire son je m’en foutisme ceci dit, j’oserais jamais ramener une conquête en ayant quelqu’un chez moi. » Elle était trop pudique pour cela. Un sentiment qui était certainement complètement inconnu au Blanchard. Mais oui, à y penser, elle n’avait pas souvent mis les pieds dans cet appartement récemment. De facto, cela réduisait les chances d’être mise au courant des derniers résidents semi-permanents… Et si la rencontre avec Noor avait été une surprise, la mention d’un autre arrivant à Brisbane surprit la française au point que ses yeux se transformèrent en soucoupe. « Faites-vous engager par le ministère du tourisme australien ! Comment vous faites pour convaincre des gens de partir vivre à l’autre bout du monde comme ça ? » Albane tenta d’ignorer le pincement de jalousie qu’elle ressentit à cet instant ; si les Five étaient reconstitués, est-ce qu’elle aurait toujours sa place auprès de Dani et Hugo ? Une pensée qu’elle préféra occulter, se cachant derrière son mug de café désormais. Bien sûr que tout irait bien. S’ils avaient survécu à un ‘c’est pas toi c’est moi’ avec le Blanchard, survivre à d’autres amis serait un jeu d’enfant. Y repenser la fit sourire. « Pour un coureur de jupons, il avait fait de sacrés efforts quand même. Il sait être romantique quand il veut. » Mais ils avaient été comme une musique jouée avec les mauvaises notes. Il y avait l’idée générale, pas la forme. Ils étaient bien mieux avec cette amitié sans ambiguïté. Cependant, de plus en plus, Albane comprenait pourquoi il y avait eu cette tentative subtile de ne pas la mettre avec Noor dans la même pièce. Alors comme ça, le français ne supportait pas la moindre épice, hein ? Bien évidemment qu’elle retiendrait cette information. « Si je savais cuisiner, sois sûre que je ferais exprès de charger le prochain plat en épices… j’pourrai toujours me rabattre sur l’huile piquante sur la pizza quand il aura le dos tourné. » Elle pencha légèrement la tête, considérant ce plan. Elle devrait se faire pardonner ensuite, très certainement. Peut-être avec des croissants, pour la forme. Si encore elle savait où en trouver des bons… Elle pouvait s’habituer à la nourriture locale, pas aux viennoiseries qui laissaient à désirer. « J’avais pas le souvenir que Hugo faisait tant de bruit que ça dans la chambre. Désolée pour vous. » S’il voulait rentrer pour sauver son honneur, il ferait bien de se ramener immédiatement. Mais Albane ne releva pas. Elle bossait toute la journée, avait le sommeil lourd à cause des cachetons, devait déjà composer avec Leo au quotidien… Autant dire que l’activité de ses voisins de pallier était son dernier problème. Elle hocha distraitement la tête. Elle se souvenait parfaitement du moment où elle avait décidé de s’installer pour de bon à Brisbane, le stress qui était venu avec la paperasse administrative. Heureusement, elle avait trouvé un poste rapidement, après des mois à galérer avec les équivalences de diplôme et d’expérience. « Ils aiment prendre leur temps pour le recrutement, oui… Tu cherches dans quel domaine ? Parce que après, si t’es pas difficile, c’est facile de trouver des petits postes en attendant. Je suis sûre qu’Hugo adorerait t’avoir à la fois au boulot et à l’appartement. » De quoi faire rentrer des sous en attendant que les choses se mettent en place. Durant leur road trip dans le pays, à quelques reprises, les sœurs Dumas avaient été amenées à s’arrêter quelques semaines pour redorer leurs finances. Ça avait toujours été chaotique, mais enrichissant. « J’ai passé un an en PVT dans le pays et j’ai voulu pousser l’aventure plus loin en m’installant. Ça va fait six ans, au final. » Et elle ne savait plus pourquoi, quand c’était le rêve de Blanche et pas le sien. Mais rentrer aujourd’hui serait bien plus difficile que de rester. Ici au moins, elle n’était pas seule.
« J'avoue que je ramènerais pas un mec dans un appart qu'on partage à plusieurs et où y a qu'une seule chambre... Après, j'ai vécu en coloc avec Hugo quand on était étudiant. Chacun sa chambre, et à l'époque, ça défilait déjà dans la sienne ! »
Hugo n'était pas pudique. Un point que Noor avait dû rapidement apprendre à tolérer, elle qui venait d'une famille où l'on s'habillait le matin avant le petit déjeuner - elle n'était pas sûre d'avoir vu le pyjama d'un seul des membres de sa famille, à part sa mère quand l'une ou l'autre était malade... Elle s'était habituée au caractère plus libertin d'Hugo, mais n'aimait pas pour autant se faire virer du lit confortable pour une nénette de passage. Surtout quand elle voyait ensuite les regards amoureux que Hugo et Dani se lançaient tout en évitant que l'autre ne les voit.
« Je dirai qu'on a pas vraiment besoin de se convaincre ? Il suffit qu'on parle d'alcool et de canapés confortables pour qu'on débarque les uns chez les autres ! »
Après plus de dix ans d'amitié, de trajets dans la vieille 205 de Hugo, de nuits passées ensemble dans des endroits improbables, et de disputes mémorables... Ils étaient soudés, qu'ils vivent dans le même appartement minuscule ou qu'ils soient à des milliers de kilomètres les uns des autres. En témoignaient les facetime avec Yuri, tous les quatre collés les uns aux autres pour que leurs visages apparaissent tous sur l'écran !
Déménager en Australie quand sa vie californienne avait commencé à se déliter avait paru être une évidence. Et le lit d'Hugo une étape obligatoire - elle n'était même pas sûre que son meilleur ami l'ait laissée dormir chez Dani, voulant l'épauler pour réparer son cœur brisé. Et puis, ce n'était pas la première fois que Noor changeait de pays sur un coup de tête, alors ça ne lui avait jamais fait peur de tout quitter pour prendre l'avion, toute sa vie tenant dans une valise dépassant à peine le poids maximum autorisé.
Cohabiter avec Hugo n'était peut-être pas le meilleur choix des derniers mois, par contre. Surtout maintenant qu'elle devait déranger quelqu'un d'autre quand on l'envoyait sur le canapé... Elle en était gênée pour Reese, qui ne s'attendait sans doute pas à partager autant leur intimité quand il avait accepté le toit que lui proposait le Français.
« Je pense pas qu'on fasse très gaffe à son volume sonore quand on est dans l'action » souligna Noor en grimaçant, repensant avec un brin de dégoût aux activités nocturnes de son meilleur ami. « Et honnêtement... Certaines filles ont l'air d'être bruyante juste pour montrer qu'elles sont dans le lit, alors que Hugo vient de m'en virer. En mode compétition et tout... »
Noor y était habituée, à toutes ces filles qui la détestaient juste pour la proximité qu'elle avait avec Hugo. Elle avait appris à les ignorer, s'amusant de leurs tentatives de ne faire qu'un avec lui alors qu'il ne voyait pas un avenir de plus de quelques nuits avec elle. Secrètement, elle appréciait même de voir leurs visages se décomposer quand elles comprenaient que Hugo les congédiait après quelques heures de plaisir.
« Tu veux boire un truc ? » proposa-t-elle à Albane, alors que leur conversation s'allongeait, un fait un peu surprenant alors qu'elles étaient deux inconnues squattant un appartement qui n'était pas le leur. « Et je suis architecte, donc je cherche surtout dans ce domaine. Je ferai une bien mauvaise barmaid, à boire autant que mes clients ! »
Et puis avoir Hugo au travail et à l'appartement... Ils finiraient sans aucun doute par se porter sur les nerfs ! Au pire, si elle venait à manquer d'argent, elle pourrait toujours prendre quelques projets en freelance pour son ancienne entreprise - pour l'instant, la perspective des papiers à remplir pour travailler aux Etats-Unis tout en vivant en Australie suffisait à la retenir, surtout qu'il lui restait encore quelques économies.
« Mais j'ai quelques entretiens. C'est juste que le processus de recrutement est plus long que ce à quoi je m'attendais ! »
Elle y croyait, les prochains entretiens auxquels elle avait été convoquée semblant plutôt prometteurs. Elle espérait juste pouvoir vite signer le contrat et commencer à travailler, histoire de ramener des sous et de pouvoir louer son propre appartement. Un petit cocon rien qu'à elle et un vrai lit lui ferait le plus grand bien.
« C'est cool que le PVT t'ait permis de découvrir un pays dans lequel tu t'es senti assez à l'aise pour vivre ! Pas trop le mal du pays ? »
Un vrai questionnement pour Noor, à qui Guadalajara manquait énormément, même si elle n'avait jamais osé y remettre un pied. Même à l'époque où elle vivait en Californie et n'était qu'à quelques heures de road trip de la ville de son enfance. Quelque chose la retenait loin, sans doute le fait que la petite Noor innocente et naïve qui avait quitté le Mexique n'existait plus, remplacée par une femme plus libre et plus blessée, moins prête à se laisser faire et être l'enfant modèle d'une famille lui ayant mis trop de pression sur les épaules...
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Les Five étaient une sorte de légende urbaine dont Albane avait entendu parler déjà quelques années plus tôt, mais en rencontrer ses membres était une expérience à part. Un sourire aux lèvres, la française écoutait les histoires avec attention, imaginant déjà comment elle pourrait les mettre à profit. Elle savait que le Blanchard était libéré, mais au point de virer ses invités de la chambre pour faire son affaire ? Elle admirait le culot. « Le coloc idéal. » commenta-t-elle avec amusement. Elle ne se formalisait pas vraiment d’avoir fait partie de ce défilé à un moment donné. C’était le passé maintenant, et ils y avaient gagné une chouette amitié. Cela valait le coup d’avoir dû passer par une partie de jambes en l’air qui n’avait pas mené à la grande histoire d’amour. Surtout que la concernant, aucun de ses amis n’aurait passé le cap de déménager jusqu’en Australie, surtout pas pour elle. Cela la fascinait encore davantage que Noor en parle comme si c’était la chose la plus naturelle à faire quand on recevait une invitation. Ce n’était pas rien de partir à l’autre bout du monde. « Je dis juste que c’est un sacrément long et coûteux trajet pour de l’alcool et des canapés. » Mais si c’était le prix de leur amitié, alors ils avaient sans doute tout gagné. La française se demanda un instant si le détail de Hugo et de ses activités nocturnes était inclus dans la proposition. Un commentaire qu’elle garda pour elle, même si l’exaspération de la brune quant au volume sonore des visiteuses temporaires était relativement amusante. « Tant qu’il change les draps ensuite. » A sa place, la Dumas aurait certainement acheté un matelas gonflable qu’elle aurait posé dans un coin.
« J’aurai rien contre un deuxième café. Mais j’irai me servir, je connais le chemin. » Elle leva son mug pour illustrer sa phrase. Elle avait ses aises dans l’appartement également, ne se priverait pas d’aller faire le frigo et les placards quand bon lui semblerait. Même si connaissant les habitudes alimentaires de Hugo, elle doutait de trouver autre chose que des chips et du saucisson. Il était un peu tôt pour ça. Elle hocha doucement la tête. Architecte, c’était bien loin des petits boulots qui se dégotaient à tous les coins de rue, en effet. « Tu viens indirectement de traiter Hugo de mauvais barman, sache-le. » Bane le soupçonnait de ne pas savoir terminer un service sobre. « Oui, ça peut être assez long… mais je suis sûre que tu trouveras. De toute façon, je doute qu’on te laisse repartir trop facilement. » Connaissant Hugo, il opterait probablement pour le chantage affectif afin de garder ses amis près de lui. Et l’Australie seule avait ses arguments, ce côté séduisant qui laissait entrevoir une vie passée ici. « J’avais le mal du pays au début, mais j’ai ma vie ici maintenant. Je n’ai plus beaucoup de raisons de rentrer. » Elle n’en avait aucune envie. Quand elle était partie en Australie, Blanche était avec elle, exaltée à l’idée de finalement vivre son rêve. Tout quitter, et surtout rentrer seule, n’était juste pas une option. Albane aurait la sensation de la trahir. « Et puis regarde, j’ai bien réussi dans la vie, j’ai même des résidences secondaires. » Elle étendit les bras comme si elle présentait son palace, un amusement évident aux lèvres. « Mais plus sérieusement, je suis infirmière. S’il y a besoin de premiers soins un jour, je suis à côté. » Comme la fois où Hugo s’était profondément entaillé en cassant une bouteille, ce grand nigaud. « Tu viens d’où, au fait ? J’entends un accent, mais je n’arrive pas à trouver lequel c’est. »
Noor avait envie de crier qu'elle ne venait pas que pour l'alcool gratuit et le canapé inconfortable. Mais même si Albane avait l'air adorable, elle ne la connaissait pour autant pas, et n'était pas assez à l'aise pour expliquer la véritable raison de son départ hors de Californie. Elle se contenta donc d'esquisser un sourire face au résumé hâtif de la Française, sans rien dire de plus.
« Je suis trop maniaque pour attendre qu'il le fasse. Du coup je fais les draps et le ménage. Et je suis sûre que tout est bien fait ! »
Un brin de ressemblance avec Bree van de Kamp, il fallait l'avouer. Mais Noor aimait quand tout était fait à sa manière, et faire le ménage l'empêchait de penser à ses envois de CV et ses entretiens à préparer, au moins pendant un temps. Et ce n'était pas comme si Hugo était une fée du ménage lui-même... Il était bien content de pouvoir lui laisser cette partie-là.
Noor regarda un instant la tasse d'Albane, un peu étonnée de tant d'aise de la part d'une personne qu'elle croisait pour la première fois. D'un autre côté, elle ne pouvait qu'être contente que Hugo ait commencé à se faire des amis en Australie. Elle était juste surprise de ne pas les avoir rencontrés avant, et de ne pas en avoir vraiment entendus parler.
Elle se servit un café tout en écoutant la jeune femme lui expliquer brièvement ce qu'elle faisait et comment elle appréciait la vie en Australie. Noor avait passé sa vie d'adulte à changer régulièrement de pays, et elle était toujours curieuse envers les autres expatriés, cherchant à savoir s'ils vivaient bien leur vie à l'autre bout du monde, souvent dans une autre culture, parfois dans une autre langue.
« J'essaierai de penser à venir frapper à ta porte si besoin ! Mais généralement, soit j'arrive à garder la tête froide et à gérer, soit je panique et je suis bonne à rien ! Y a pas d'entre eux ! »
Elle pouvait facilement guérir les blessures d'une bagarre ou tous les petits bobos du quotidien. Mais face à quelqu'un saignant vraiment beaucoup ou hurlant de douleur, elle n'était pas très aidante, paniquant facilement. Elle n'était clairement pas faite pour être infirmière, préférant de loin son travail dans un bureau. Plus calme, moins de pression et d'urgences, et pas de sang ou de personnes en détresse.
« Je suis née au Mexique, mais j'ai fait mes études en France. Et j'ai aussi vécu en Angleterre et en Californie. Je pense que mon accent est un mélange de tout ça » reprit-elle ensuite.
Elle savait qu'elle n'avait plus son accent mexicain de base, pour avoir rencontré des concitoyens quand elle vivait près de la Silicon Valley. Elle parlait anglais d'une façon totalement différente, mâtiné d'un peu d'accent londonien. Il avait fallu qu'elle retourne à l'espagnol, les sonorités de Guadalajara colorant sa langue maternelle, pour qu'ils la croient quand elle disait venir du Mexique elle aussi. C'était donc peu étonnant qu'Albane ait été incapable de reconnaître avec précision d'où elle venait.
« J'ai beau avoir grandi là-bas, j'ai jamais voulu y retourner. C'était dur quand je suis arrivée en France. La pluie tout le temps, le froid, les gens qui parlent vite et qui ne sont pas très polis... »
Hugo avait beau dire que c'étaient juste les Parisiens qui étaient hautains et désagréables... Les personnes de la campagne avaient aussi tendance à grimacer devant son accent à couper au couteau et ses expressions directement traduites de l'espagnol parce qu'elle ne connaissait pas les équivalences françaises !
« Mais finalement, je me suis habituée à vivre ailleurs, à tout le temps parler une autre langue. Et j'espère me sentir bien ici, et y vivre au moins quelques années ! »
Plus qu'à trouver un travail, histoire de justifier son visa et de pouvoir trouver son propre appartement, sans doute dans Fortitude Valley pour ne pas être loin de Hugo et Jiyeong qui y vivaient tous les deux.
I'm the kid in the rain, celebrate the insane. Yeah, never goes my way. Take a shot and fall short, I don't get the support but I guess that's just life. Someone go get me some more confetti, I think I might have hit my peak already. I don't know euphoria, would like to meet her someday. C'est la vie. I don't feel hysteria, she leaves me lonely, c'est la, c'est la vie
C’était quelque chose qu’elle appréciait assez chez Hugo, finalement. C’était une personne franchement authentique. Plus elle parlait avec Noor, plus elle réalisait qu’elles connaissaient bien le même type, le coureur de jupons aussi adorable que chaotique. Bane ne put s’empêcher de rire à la mention du ménage fait, qui justifia un coup d’œil plus attentif dans le salon. Pas de vaisselle sale qui déborde de l’évier, pas de cadavres de bière dans un coin, pas de bordel qui n’avait rien à faire dans la pièce. « Maintenant que tu le dis, je trouvais ça suspicieux que son appart’ soit plus clean que le mien. » C’était inhabituel mais pas désagréable. Elle notait qu’il faudrait faire l’effort de laver son mug avant de partir, juste histoire de bien se faire voir. La brune en face d’elle ne resterait peut-être pas chez Hugo éternellement, mais Bane avait la sensation qu’elles auraient l’occasion de se recroiser. Pas en permanence, car après tout, l’infirmière faisait partie d’une autre sphère d’amis. Mais si la soirée se déroulait chez le Blanchard… ils avaient pris l’habitude de toquer à la porte de l’autre. Qui plus est, elle ne le laisserait pas l’oublier de sitôt. Et ce pas uniquement pour répondre aux urgences bobo. Il s’agissait probablement de déformation professionnelle, mais un sourire plus empathique vint étirer ses lèvres. La panique face au danger et aux moments d’urgence était plus que légitimes. « Dans le pire des cas, plus qu’à espérer que l’instinct de survie fera le travail. » Même les gens les plus balisés finissaient par avoir le réflexe d’appeler à l’aide. A un moment donné. Le nez dans sa tasse de café, Albane opina lentement de la tête. Mexique, France, Angleterre et Californie, rien que ça. « C’est assez impressionnant. » Surtout qu’elles devaient approximativement avoir le même âge. Certaines personnes avaient la bougeotte et les capacités d’un caméléon. Si Blanche avait encore été là, la française aurait mis sa main à couper qu’elle aurait voulu s’envoler vers de nouveaux horizons depuis. Elle lui aurait sans doute parlé des États-Unis ou du Pérou, malgré son espagnol désastreux. Une nostalgie que Bane préféra ravaler immédiatement plutôt que de se laisser happer par le sentiment. Elle se reconcentra sur le cliché français, celui qui titillait son esprit patriote. « Si tu étais à Paris aussi, pas étonnant que tu en gardes un mauvais souvenir ! Tout le monde déteste les parisiens. » L’infirmière n’avait pas non plus l’intention de retourner vivre en France, ou d’y retourner tout court ces derniers temps. Les raisons étaient juste bien différentes ; elle l’aimait quand même, son pays. « Tu devrais te plaire en Australie. Les gens sont plutôt accueillants, le climat doux. Je me suis toujours pas faite au décalage des saisons par contre, fêter Noël en robe d’été et voir des Père-Noël surfer, ça me dépasse toujours. » Elle secoua la tête. Si au quotidien, l’habitude vestimentaire se créait, ce n’était pas le cas pour l’adaptation des traditions. « Et je doute pas que Hugo se décarcassera pour te faire te sentir comme à la maison. Ceci dit, si j’ai un conseil pour toi, si tu vas au Saucibar… refuse son saucisson au roquefort. Il veut le faire goûter à tout le monde mais c’est une horreur. Je le soupçonne d’avoir une prime s’il arrive à refourguer les stocks. » Elle espérait que c’était le cas car il était doué dans l’exercice.
Noor étouffa un sourire. Elle ne savait pas à quel point Albane nettoyait son propre appartement, mais c'était difficile de faire pire que Hugo, qui ne voyait généralement pas l'intérêt de faire la vaisselle tant qu'on avait pas épuiser toutes les possibilités de récipients que contenait sa cuisine. Quoi que si la jeune femme était infirmière, elle était sans doute sensibilisée à l'importance de l'hygiène, même sans être aussi maniaque que Noor !
« On va surtout espérer ne pas en arriver aux urgences » souffla-t-elle, pas sûre de savoir gérer dans une situation de vie ou de mort.
Albane avait beau parler d'instinct de survie, Noor restait persuadée que sa panique pouvait gagner et l'empêcher de bouger. Elle ne saurait pas quoi faire pour aider et finirait sans doute par angoisser dans son coin sans aider personne... Elle admirait ceux qui savaient garder la tête froide en toute circonstance, mais elle n'était clairement pas de ce bois-là.
Elle, elle était plutôt une voyageuse capable de partir au bout du monde sur un coup de tête, et juste un guide glissé rapidement dans son sac à dos. Ça supposait plutôt des capacités d'adaptation, mais pas vraiment la réflexion nécessaire devant une urgence. Chacun ses spécialités !
« Hugo nous a fait visiter un peu partout, surtout dans sa campagne, mais oui, j'étais à la fac à Paris. Mais c'est plus le temps pluvieux et gris qui m'a marqué, que les gens. Des désagréables, il y en a partout ! »
Même si la ville du romantisme avait perdu un peu de ses lumières quand elle était partie vivre à Londres. Elle se souvenait des odeurs d'urine quand elle prenait le métro tôt le matin, et des gars qui venaient la draguer lourdement, s'amusant de son fort accent mexicain.
Albane la rassura cependant sur le fait que l'Australie devrait mieux lui convenir niveau météo. Plus chaud et ensoleillé encore que son Mexique natal, la possibilité de passer Noël en robe d'été la comblait plus que la Française, visiblement pas encore habituée aux fêtes de fin d'année en période estivale.
« Au Mexique, il fait une quinzaine de degrés en décembre. Quans j'étais petite, je regardais les films de Noël avec ma mère, et je rêvais de neige et de jolis manteaux » avoua-t-elle, souriant doucement. « Et puis Hugo nous a emmené dans les Alpes... Et j'ai découvert que la neige, ça glace jusqu'aux os, tellement c'est froid et humide ! Noël en jupe et t-shirt, c'est un rêve qui devient réalité pour moi ! »
Londres et Paris n'avaient pas suffi à l'habituer aux températures négatives, aux manteaux lourds et inconfortables, et aux gerçures sur les mains quand elle oubliait de prendre ses gants. Elle avait adoré vivre en Californie justement parce que ça lui permettait de renouer avec des hivers plus doux !
« Le roquefort, c'est le fromage verdâtre, c'est ça ? »
Hugo ne lui avait pas encore proposé le fameux saucisson dont parlait Albane, sans doute parce qu'il savait que Noor n'était pas si fan de fromage que ça. Quoi qu'elle se souvenait de la petite fromagerie pas loin de leur colocation, et de son chèvre aux épices, entouré d'une délicieuse couche de poivron qui piquait la langue...
« Il a dû comprendre que s'il n'y a pas d'épices, je mange pas ! » reprit-elle en souriant. « Il déteste ce que je cuisine, parce que ça lui détruit l'estomac... »
Il fallait dire que son curry, qu'elle trouvait pourtant plutôt neutre, avait plutôt tendance à transformer Hugo en dragon cracheur de feu. Mais le français avait bien mal choisi ses amis - entre les deux coréennes, le brésilien et la mexicaine, la cuisine du groupe d'amis était plutôt très épicée, loin des plats en sauce que Noor trouvait très fade.
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Cela ne faisait que quelques minutes qu’elles se connaissaient et pourtant, Albane comprenait déjà pourquoi Hugo et Dani étaient amis avec la brune. Elle avait peut-être la tête sur les épaules en comparaison avec le français, mais elle n’en restait pas moins pleine de surprises. Le genre capable de suivre Hugo dans n’importe quel plan foireux, à n’importe quelle heure de la nuit s’il le fallait. Bane ne broncha pas mais son sourire amusé parlait pour elle ; elle était convaincue qu’un jour, quelqu’un dans cet appartement finirait aux urgences pour un motif qu’il n’oserait même pas avouer au personnel hospitalier. L’appartement n’était pas dangereux en soi mais les idées qui pouvaient y naître, elles… Disons juste que le jour où le Blanchard déciderait de déménager, elle serait la première étonnée s’il réussissait à récupérer l’entièreté de sa caution. Ils n’en étaient de toute façon pas là. Il avait l’air bien installé dans cette routine et prêt à y rester aussi longtemps qu’il en aurait la chance. De mémoire, jamais l’infirmière ne l’avait entendu parler de rentrer définitivement en France. Un pays qui, aussi incroyable soit-il, avait besoin de l’aide de ses patriotes pour se faire défendre sur beaucoup de points. Ceci dit, aucun argument ne pourrait rien faire contre le climat. « Je maintiens qu’on a aussi de quoi faire rêver. » Ce qui était un combat perdu d’avance visiblement car Noor ne semblait pas du tout disposée à retourner y vivre elle non plus. Tant mieux, elle s’épargnerait un trajet en avion absolument interminable, resterait plutôt découvrir cette île océanique où une grande partie de la ville semblait se passer sur la plage et où les tongs étaient un accessoire indispensable. Bane n’avait jamais eu de préférence entre le chaud et le froid, étant surtout du genre à s’habituer à tout. A part probablement à cette sensation que le monde fonctionnait à l’envers ici. Ce fut pour cette raison que l’anecdote de la mexicaine la fit sourire, amusée à imaginer le gouffre entre le rêve et la réalité quand cela touchait à la neige. Non, ce n’était pas juste du coton qui tombait du ciel et de grandes étendues blanches. « La neige c’est chouette. Pour moi, c’était surtout le verglas le problème… tu risques pas d’avoir ça ici. Certains font même la dinde de Noël au barbecue. » Elle secoua la tête, pas encore remise de cette absurdité. Qui avait envie de manger de la dinde farcie sous 30 degrés déjà ? Ceci dit, c’était de bonne guerre. Elle ne pouvait pas vraiment juger les choix culinaires locaux quand elle enchaînait directement en parlant de roquefort. Un fromage qu’elle défendrait jusqu’à son dernier souffle, juste… pas mélangé à du saucisson. « Celui-là même. » Elle hocha la tête, lisant déjà le jugement dans le regard de la brune. Oui, ce fromage avait du moisi dedans. Oui, le concept était peu ragoûtant. Mais le goût le valait bien. Quoiqu’il en soit, elle ne cesserait jamais de trouver drôle le fait que le Blanchard ne puisse pas supporter les épices. Elle ne l’aurait jamais imaginé être une petite nature pareille. « C’est à tes risques et périls, c’est toi qui subis les conséquences de son estomac contrarié. Mais c’est un peu ingrat de sa part, y a pire que d’avoir quelqu’un qui cuisine décemment dans l’appartement. » Il ne pourrait pas se réfugier chez elle pour ça. Ils étaient doués pour se nourrir comme des adolescents laissés sans supervision et même leur meilleure volonté se terminait souvent en plat surgelé ou en take out. « D’ailleurs, pourquoi t’as choisi de venir ici et pas chez Dani, par exemple ? »
« Y a des tas de jolies choses à Paris, et en Europe hein. Mais juste... Il fait tellement mauvais temps ! »
Noor n'était pas prête à retourner vivre là-bas. Ou peut-être en Espagne ou en Italie, bien dans le sud, où les températures étaient plus chaudes. La pluie et le froid, ce n'était définitivement pas pour elle. Les matins dans le brouillard, la neige qui tombait au sol et devenait noire sous la pollution et les pas des passants... Elle détestait l'hiver en Europe.
Retrouver des températures élevées, même à Noël, elle ne pouvait donc qu'apprécier l'idée. Même si elle comprenait que pour quelqu'un ayant grandi en France, comme Albane, ce soit étrange d'être en maillot prêt à aller surfer, au milieu du réveillon.
« J'avais jamais pensé à la faire au barbecue, mais ça doit être tellement bon... »
Un peu mijotée dans une marinade pimentée - pas trop pour préserver Hugo -, et cuite directement sur un barbecue... Il allait falloir qu'elle recherche quelques recettes locales d'ici décembre. Et qu'elle mette la main sur un barbecue aussi, histoire de pouvoir expérimenter.
Noor aimait goûter les spécialités locales, toujours ravie d'expérimenter de nouveaux goûts. Surtout quand on lui promettait que les piments allaient lui brûler la gorge. C'était souvent des hommes qui lui disaient ça, avec des airs goguenards et un brin supérieurs. C'était oublié qu'elle était indienne et mexicaine, et qu'elle avait croqué dans son premier piment avant son deuxième anniversaire.
« J'aime bien le saucisson, et la charcuterie et tout ça... Mais le fromage, c'est pas vraiment un truc qui me plaît. J'aime ceux dont le goût est assez doux » avoua-t-elle.
Les noms se mélangeaient dans sa tête, après toutes ces années loin de la France, et elle préféra ne pas tenter de les prononcer. Elle n'était pas sûre qu'Albane comprenne de quoi elle parlait, entre le nom approximatif et son accent assez fort, de toute façon.
Hugo, lui, détestait la cuisine épicée. Chacun ses tares, sans doute. Même si c'était plus facile d'éviter le fromage, que les Français mangeaient avant le dessert, que les épices, avec lesquelles Noor cuisinait.
« C'est-à-dire aussi qu'il n'y a qu'une seule toilette dans l'appartement. Du coup, faut bien que je fasse attention à son estomac tout fragile ! Mais toi, tu manges épicé ? »
Elle était curieuse, Albane semblant amusée de l'état de Hugo plutôt que compatissante. Elle devait donc les tolérer un peu mieux que lui, peu-être habitée plus tôt ou ayant juste un organisme plus tolérant envers ce type de nourriture.
« Depuis notre première rencontre, dans la coloc d'étudiants, Hugo c'est devenu comme un frère pour moi » reprit-elle, après quelques gorgées de café, pour répondre à la question d'Albane. « C'est la famille, c'était plus logique de vivre avec lui. »
Ils étaient habitués à partager un petit espace, n'avaient pas de mal à dormir ensemble ou à partager la salle de bain. Ils se connaissaient par cœur, et il n'y avait jamais rien eu d'ambigu entre eux. Et si elle adorait Dani et qu'elles étaient devenus proches au fil des années, partant régulièrement en vacances ensemble, il n'y avait pas cette complicité qu'elle avait avec Hugo.
« Et puis, je me suis dit que c'était criminel de le laisser vivre seul. C'est un grand enfant ! Il lui fallait bien quelqu'un pour faire le ménage et la cuisine. Des fois, quand je vois les choix qu'il fait, je me demande comment il a fait pour survivre jusqu'ici. Parce que je suis sûre qu'il y a eu des moments où il se nourrissait juste de son saucisson au roquefort et d'alcool, et comment on peut ne pas tomber malade avec ça ?! »
Quoi qu'Albane avait peut-être veillé un peu sur lui, empêchant Hugo de faire trop de bêtises. Noor n'en était absolument pas certaine cependant, consciente que pour que les deux s'entendent si bien après l'échec de leur aventure d'une nuit, c'était qu'ils étaient sans doute aussi casse-cou l'un que l'autre.
« Mais t'es amie aussi avec Dani ? Tu les connais depuis longtemps tous les deux ? »
Albane était une présence extérieure au groupe d'amis, et Noor avait très envie de lui demander ce qu'elle pensait de la relation qu'entretenaient Hugo et Dani. Elle aurait sans doute un avis plus neutre que Kai, Jiyeon ou elle sur la question, puisqu'elle les avait rencontrés bien après leur rupture...
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Albane secoua la tête, un léger sourire aux lèvres. Elle abandonnait le fait de présenter les avantages de son pays natal si sa météo ne pouvait pas le sauver. La française n’avait jamais été le genre à baser son moral sur la présence de soleil ou non, il suffisait de voir sa peau pâle. Mais elle voulait bien comprendre. En Australie, Noor n’aurait clairement pas ce problème. Il faudrait juste apprendre à vivre avec tout à l’envers, littéralement. Pour Albane en tout cas, le tel écart dans les célébrations avait été l’un des plus gros chocs culturels. « Je n’en ai aucune idée, je n’ai jamais essayé. Mieux vaut me tenir loin des barbecues. » Avec sa maladresse, qui sait quelle catastrophe elle pourrait causer. Elle se contentait de se reposer sur quelqu’un d’autre pour gérer la cuisson, et le repas dans son ensemble en fait. Cela lui avait permis d’expérimenter avec les plats locaux plutôt que de se cantonner à ce qu’elle connaissait, comme elle le faisait d’habitude. Le saucibar, aussi beauf puisse-t-il sembler, n’aurait pas autant son cœur sinon. « Je tuerais pour un fromage de chèvre bien sec. » lâcha-t-elle. C’était bien ses racines qui parlaient, car aucune personne ne serait supposée avoir ces envies le nez dans son café un matin, et la gueule de bois martelant encore. Ça se finirait probablement en plat de pâtes, un des rares plats qu’elle pouvait réussir. C’est que ça lui faisait envier Hugo et la présence d’une personne capable de cuisiner chez lui. Quoique la question sur les épices la fit grimacer. « Tant que j’ai pas l’impression de me transformer en dragon, j’aime bien ça. » Elle ne comprendrait jamais les personnes capables d’avaler des piments jusqu’à ce que ça en devienne douloureux. Très peu pour elle. Mais pour l’heure, sa curiosité allait à la relation entre Hugo et Noor. Elle entendait parler des Five comme un groupe, elle ne comprenait juste pas encore les dynamiques entre chacun. Fraternelle entre Noor et Hugo, donc. Elle hocha la tête, saisissant la logique. En revanche, que Noor se sente obligée de préciser que leur ami en commun était comme un gosse à surveiller la fit franchement glousser. Elle n’allait pas dire l’inverse, selon les jours, cet appartement donnait l’impression qu’un gosse avait été laissé voué à lui-même durant une semaine. « J’ai aucune idée de comment il a fait, mais ça fonctionne. Je ne l’ai jamais vu malade, pas une fois. Soit il est construit différemment, soit il a trouvé une recette de longévité miracle. » Et dieu sait que Bane et la nutrition, cela faisait deux. Mais éventuellement parfois, elle finissait par ingérer des fruits, légumes, et boire de l’eau entre deux cafés. Elle n’allait pas se ranger dans cette case cependant, préférant faire bonne impression. Puis, le sujet Dani vint sur le tapis. Albane avait beau être proche des deux, elle ne se souvenait en réalité plus de la dernière fois qu’elle les avait vus dans la même pièce. « Oui, Dani est une amie proche. Je la connais depuis peut-être deux ans ? Hugo, ça date d’il y a un peu plus longtemps. Je ne savais pas qu’ils se connaissaient au début, je l’ai appris sur le tard. Et je crois que ça boucle ce que je sais des Five. »
Voir Albane refuser de s'approcher d'un barbecue la fit sourire. La jeune femme devait pourtant tout avoir dans son appartement en terme de produits pour soigner les brûlures, elle devait même avoir assez de dextérité pour faire des pansements, mais visiblement, s'occuper de la viande cuisant sur le feu, c'était trop pour elle !
« Je m'occuperai du barbecue, si tu veux ! » proposa Noor. « Et si jamais je me brûle, tu seras pas loin et tu pourras me soigner ! »
Elle avait appris à griller ses repas quand elle était adolescente, à l'époque où elle vivait encore au Mexique. Pour autant, elle n'avait jamais été très à l'aise face au feu. Il ne lui était jamais rien arrivé, mais elle se méfiait des flammes, toujours inquiète de ce qui pourrait arriver. Et puis, ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu de barbecue sous la main - et quand elle vivait en Californie, elle n'en avait vu que dans des restaurants ou quand elle était invitée chez des collègues, et était donc restée éloignée, attendant de recevoir sa part.
Même si Albane risquait de ne pas apprécier sa dinde au barbecue, Noor la faisant mariner dans des épices avant de la cuire. Et la Française semblait plus à l'aise face au chèvre bien fort dont le goût restait des heures en bouches, plutôt que face à quelques épices pour assaisonner un plat.
« Hugo, on lui fait parfois des portions à part, comme les enfants. Le pauvre, il supporte pas non plus tout ce qui est épicé, et il a que des amis qui mangent des piments comme si c'étaient des cacahuètes ! »
C'était drôle de le voir passer par toutes les couleurs quand il goûtait à un de leurs plats, mais le voir passer le reste de la journée malade, tordu de douleur... Ils préféraient tous éviter et lui donnaient donc une portion fade, qu'il appréciait généralement bien mieux.
« A croire que son corps peut vivre de tout sauf d'épices. Mais oui, c'est terrible d'aller bien avec si peu de légumes et autant d'alcool ! »
Elle ne devrait peut-être pas trop insister sur le dernier point, elle qui pouvait se révéler être une énorme buveuse quand elle était avec ses amis. La tequila, ça se buvait aussi facilement que de l'eau à ses yeux, et elle n'avait aucun mal à bien taper dans la bouteille même quand elle était seule. (Mais elle contrebalançait au moins un peu avec des plats équilibrés.)
Mais chacun des Five avait une bonne descente. Et si Noor avait presque été biberonné à la tequila, son séjour en France lui avait appris à apprécier les bons vins. Un amour du raisin que Dani avait ensuite ancré en elle après trop de vacances à visiter différents vignobles, entre une virée à la plage et une visite culturelle.
« C'est drôle que tu les aies rencontrés à des moments différents et sans savoir qu'ils se connaissaient depuis longtemps. Tu les vois souvent ensemble, ou tu traînes plutôt soit avec l'un, soit avec l'autre ? »
Noor était curieuse de savoir ce que Albane pouvait penser de la relation entre Hugo et Dani, mais elle ne savait pas trop comment poser la question. Surtout si la Française avait appris par hasard qu'ils se connaissaient, mais ne les avait que rarement vu interagir l'un avec l'autre. Et puis, c'était un peu étrange de poser toutes ces questions à une inconnue, comme si elle allait découvrir une autre facette de ses meilleurs amis.
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Même si ce n’était sans doute pas la première raison qui avait justifié cette colocation temporaire, Albane aurait pu se retrouver quelque peu envieuse. Elle aurait trouvé plus que pratique d’avoir une colocataire qui cuisinerait, ferait le ménage… lui serait complémentaire pour toutes les taches adultes auxquelles la française manquait un peu trop souvent. Ce n’était pas Leo qui la sauverait sur le sujet. Ceci dit, elle nota mentalement que Noor se voyait déjà passer son prochain Noël ici, autour d’un barbecue. Il fallait croire que les plans étaient faits. L’infirmière tenta d’ignorer le pincement au cœur qui la prit en réalisant qu’elle n’avait de toute façon plus de raisons de rentrer en France pour les fêtes, alors autant essayer de nouvelles choses. « Je m’assurerai que mon kit de premiers secours est complet. » répondit-elle simplement avec un léger amusement. Ironiquement, ce n’était probablement pas le cas, contrairement à son placard à pharmacie qui lui était à bloc. Elle pouvait par exemple traiter les brûlures d’estomac, devrait probablement se tenir prête à secourir Hugo s’il risquait désormais de manger un peu trop épicé, et ce par inadvertance. Albane ne pouvait pas dire qu’elle comprenait. Elle aimait les épices, oui, mais son choix était souvent très limité et n’incluait rien qui risquait de lui arracher la bouche. Elle ne comprenait pas comment est-ce que relever un plat jusqu’à la limite du soutenable pouvait le rendre plus goûteux de quelque manière que ce soit. « En même temps, je le comprends. Le menu enfant nuggets et frites, c’est parfait. » Elle opterait peut-être pour cette option un peu plus tard dans la journée. « Évitez juste de le tuer par inadvertance. Après autant d’années à se garder en vie tout seul comme un grand, ce serait vraiment con. » Elle eut un léger sourire, notant mentalement de demander à Hugo son point de vue sur cette colocation d’ici quelques semaines, juste pour voir.
Il lui offrirait certainement une version sans filtre de la vie avec Noor. Mais s’ils étaient devenus très proches, il n’était pas forcément ouvert à la discussion sur tous les sujets non plus. Dani était un parfait exemple des fois où elle l’avait vu chercher ses mots, tourner autour du pot avant de juste… changer de sujet. « J’ai appris qu’ils se connaissaient un peu plus tard. Je n’ai juste pas le même genre de relation avec les deux. C’est bizarre de les avoir dans la même pièce, si ça a du sens. » Elle ne saurait pas trop comment se comporter, quels sujets aborder, quelles cachotteries dissimuler. C’était déjà arrivé à quelques rares opportunités pourtant. « Et puis je sais pas… il y a cette tension entre eux qui fait que je me sens de trop. Pas comme si je tenais la chandelle, mais plutôt comme si je devais m’asseoir entre eux sur le canapé et faire l’intermédiaire. Je sais juste que c’est une histoire d’exs. » Elle haussa les épaules. Hugo n’avait pas eu l’air trop motivé à en parler et elle n’avait pas trop creusé auprès de Dani. Comme si au fond, la française ne voulait pas vraiment savoir. « Je n’ai toujours pas réussi à déterminer s’ils voulaient désespérément se remettre ensemble ou s’ils ne savent juste pas se comporter comme de simples amis avec l’autre. »