Yeah, you feel right so stay a sec
Midas Sterling & @Jo Carter

Piquer Jo, c’est au moins la certitude qu’elle va réagir et ça n’a pas manqué. Il a suffit que je sous-entende qu’elle était franchement demeurée s’il lui fallait un mois ou plus pour réfléchir à une question simple en apparence et elle a mordu à l’hameçon. Bien sûr, sous la surface les choses sont plus compliquées, et je ne fais que semblant de ne pas le voir. Moi aussi, je ne sais pas vraiment ce que je ressens à l’idée de faire ce foutu revival, et puisque plus rien ne me lie à la production de X-Factor - depuis 2016, j’ai gagné ma liberté, j’aurais pu les envoyer chier sans plus de cérémonial.


C’est ce que j’ai failli faire, à vrai dire. Leur proposition a remué trop de trucs qui auraient mieux fait de rester là où ils étaient et j’ai eu envie de leur dire qu’ils pouvaient se mettre ma participation là où je pense. Je me suis dit que l’émission - ou un simulacre de l'émission - ne serait jamais la même sans Jo Carter. Sauf qu’après, je me suis demandé pourquoi je me passerais d’elle. Après tout, je n’ai rien à perdre à tenter ma chance et, ma propre participation n’est-elle pas un levier suffisant pour convaincre la chaîne ? Je l’ai mise dans la balance. J’ai affirmé qu’ils pouvaient considérer que je participais, mais à une seule condition : que la même proposition soit faite à la brune incendiaire et qu’elle l’accepte. Je me moque de ce qu’ils devront mettre sur la table pour ça : ils me le doivent bien. Mais peut-être ne sont-ils pas les plus durs à convaincre : l’idée de faire revivre notre iconique duo a paru les enchanter au point que je me demande si je n’étais pas tombé dans un piège.

Mais c’est trop tard. C’est trop tard, et surtout je suis prêt à enfiler à nouveau leur costume sur mesure de bad boy si ça peut me permettre de chanter à nouveau avec Joséphine. La jeune femme a beau être une sacrée emmerdeuse, je ne me suis jamais autant senti vivant et bon dans ce que je faisais qu’avec elle et peut-être qu’elle est là, la solution a mon problème de page blanche. Peut-être même qu’après ça, elle acceptera d’enregistrer un duo avec moi pour mon prochain album et que notre duo - quel qu’il soit - survivra à celle-ci, d’émission.

Bien sûr quand j’arrive, elle n’est pas encore là. C’est typique de la jeune femme : elle est de celles qui aiment se faire attendre. Alors plutôt que d’entrer à l’intérieur, je reste devant, à l’extérieur, pour griller une cigarette. Mes mains tremblent - elle fait cet effet là, un peu comme un ouragan - si bien que j’en grille une, puis deux, et je n’aperçois son minois qu’alors que je termine la troisième. Un mince sourire sur les lèvres, je la jette par terre, l’écrase du bout du pied avant de l’approcher. « C’est presque décevant que tu sois si prévisible. J’ai failli me pointer avec un quart d’heure de retard, vu que dans tous les cas que je serais arrivé avant toi. » C’est ma façon de lui dire qu’elle est chiante, mais mon sourire et mon regard doux lui communiquent que je ne saurais lui en tenir rigueur. « Mais t’es là… » Et je ne sais ce que je dois en conclure : ma phrase restera donc en suspens. « J’ai croisé ta copine sur un abribus en venant, au fait. » La blonde que j’ai utilisé pour la houspiller, pour l’emmerder, parce que c’est absolument pas pour cette inconnue - visiblement pas tant que ça puisque son visage trop parfait s’étend sur certains panneaux d’affichage de la ville - que je regarde les photos de Joséphine, mais uniquement pour cette dernière. Parce que je suis un mec simple : et pour cette même raison, j’y dépose un like dès qu’elles me plaisent, sans réfléchir au message que ça enverra. « T’as l’intention de t’enfuir cette fois ? » Puisque l’an dernier, lorsque le hasard - ou pas tout à fait - nous a réuni dans une boîte de nuit où elle bossait, c’est ce qu’elle a fait.

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/crackshipandcrap)

Son regard se posa d’emblée sur la cigarette de Midas, écrasée par sa semelle "On t’a pas prévenu que ça allait niquer tes cordes vocales cette merde ?" Comme entame, c’était à peu près la seule qu’elle avait trouvé à lui claquer dans la tronche, à Midas Timberlake Sterling. S’excusa-t-elle d’arriver avec plus d’une demi heure de retard ? Absolument pas. D’autant que, pour sa défense, ce retard-là ne pouvait lui être incombé que parce qu’elle avait promis à sa grand-mère et à ses copines de leur faire les ongles, et que ça avait pris plus de temps que prévu. D’aucun se demanderait si elle n’avait pas mieux à foutre que de traîner avec des vieilles dames, et d’aucun se prendrait une claque dans la gueule parce qu’elles étaient de bonne compagnie, et qu’à choisir entre ça, et se voir enfoncer de force son passé dans le gosier, son choix était vite fait.
Mais elle avait accepté l’offre de Midas, Josephine. Comme elle avait accepté que ça lui ferait du mal de le revoir après tout ce temps, à croire que Nicholas l’avait rendue masochiste, elle aussi, avec le temps. Elle ne pouvait cependant pas continuer à se mentir, à faire l’autruche, et à prétendre que cette histoire de revival ne la travaillait pas autant que la certitude que, sans son concurrent direct, c’était inutile de compter sur elle. En attendant, elle n’avait reçu qu’un mail type de la production, de quoi la convaincre que ça serait une mauvaise idée tant ils continuaient à la traiter comme le cadet de leur priorité alors qu’elle avait fait les beaux jours de leur franchise, qu’elle avait assez compté pour se voir propulser à une place qui ne lui plaisait guère certes, qu’elle avait tout de même mérité autant que Midas avait mérité sa victoire. Putain de Midas, avec ses grands yeux bleus et sa nonchalance de cow-boy du dimanche, qui avait dû monter à cheval une fois dans sa vie, mais qui se donnait des airs parce que ça faisait bien de coller à l’archétype de l’australien de base ; elle lui avait retiré ça, la production, le rendant digne d’une attention qu’on réservait à ceux qui avaient autre chose à proposer que leur journée au ranch… mais elle n’était pas dupe, elle savait qui il était. Et s’il l’impressionnait sur la forme, sur le fond, elle savait qu’elle n’avait rien à craindre à accepter de lui parler.

Elle était là, en effet, aussi revêche que l’avait été leurs échanges jusqu’ici, par écrans interposés. Elle croisa les bras sur sa poitrine moulée dans une robe aux motifs fruitiers, la rendant presque mignonne pour une visite dans un endroit pareil. Si son attitude pouvait coller à son apparence, Midas aurait son honneur sauf. Mais Jo restait Jo "C’est pas ma copine." qu’elle rétorqua, sans pitié pour Megan et sa photogénie, fixant simplement son regard à celui du jeune homme qui la provoquait parce qu’il savait comment faire, parce qu’elle était, en effet, trop prévisible pour apprécier qu’elle ne fasse pas d’elle le centre de son univers quand il avait pourtant insisté pour la voir. Le regardant encore un instant, à en avoir les yeux qui lui piquent, elle les détourna brièvement en roulant ses lèvres l’une sur l’autre, étalant l’excès de gloss qu’elle avait sur la bouche avant de laisser un léger rire lui échapper, ressemblant davantage à une expulsion de son souffle qu’elle sentait moins régulier qu’à l’accoutumé, un peu plus douloureux à envisager aussi tant elle sentait ses signes vitaux se caler sur un rythme effréné "Dis celui qui a quitté la ville pendant… combien de temps t’es parti faire la tournée des festivals déjà ?" Lui donner l’impression qu’elle s’intéressait à son sort sans pour autant en faire une obsession, c’était aussi puéril que ce refus qu’elle respectait religieusement de le suivre sur les réseaux sociaux alors qu’elle scrollait son profil au moins une fois par semaine. Qu’importait dans le fond, ils étaient devenus des étrangers — des étrangers qui n’avaient pourtant pas besoin de mots pour faire passer des idées, et celle qu’eut Jo quand elle décroisa les bras, fût de bouger de là, l’invitant sans un mot à le faire, se contentant d’un signe de tête qui désignait le portail du jardin de la maison de retraite St-Luke ; un lieu de rendez-vous aussi désuet qu'il était original, qui avait  surtout le mérite d’être assez neutre pour ne pas réveiller des souvenirs.

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Midas Sterling & @Jo Carter

« On t’a pas prévenu que ça allait niquer tes cordes vocales cette merde ? » Je l’entends avant de la voir, Joséphine Carter. Quand c’est le cas avec les animaux sauvages, c’est le moment où n’importe quelle personne avec un peu de bon sens se met à courir le plus loin et le plus vite possible. Jo est un animal sauvage : mais la concernant, je n’ai jamais été capable de faire preuve de bon sens. Elle est bien plus dangereuse qu’un chaton abandonné : elle, elle tient plus du serpent à sonnette. Malgré ça, mes lèvres esquissent un sourire avant que je ne me retourne vers elle. J’ignore comment l’aborder : d’instinct, j’ai envie de lui dire une connerie du genre t’as pas changé mais je suis persuadée qu’elle trouverait le moyen de le retourner contre moi ou de le prendre mal.

Moi, j’ai changé. Posy m’a rendu plus mûr, l’industrie plus désabusé. J’ai eu le temps de nourrir des regrets la concernant aussi, parce que j’ai suivi sa carrière - ou plutôt l’inexistance d’une carrière - de loin, en espérant chaque jour que j’apprendrais une bonne nouvelle, quelque chose qui aurait allégé ma culpabilité. Je me dis que, si malgré sa défaite, elle avait réussi à percer, je m’en serais peut-être moins voulu. Mais ça n’a pas été le cas, et j’ignore si c’est parce qu’elle a baissé les bras ou si une lutte acharnée n’a rien changé. « Parfait. Je veux tester le genre écorché vif. Paraît que ça plaît aux femmes. » Y’a six ans, j’aurais dit aux gonzesses, parce que j’étais un jeune con. Aujourd’hui, je suis un peu moins jeune. Elle a autant de caractère que l’an dernier, quand elle m’a envoyé sur les roses, elle a autant de caractère qu’elle en a toujours eu et j’écrase mon mégot sous ses yeux, avant de le laisser là, par terre. Moi aussi, j’ai du caractère. C’est pas toujours évident mais j’ai toujours su rentrer dans son jeu lorsqu’il était question de provocation. Alors je la pique, parce que si j’en crois sa réaction quand j’ai parlé de l’inconnue tout à l’heure - je n’aime même pas les blondes - c’est que ça l’a emmerdée, au fond. « C’est pas ma copine. » - « Merde. Ça veut dire que t’as pas son numéro ? » J’esquisse un sourire espiègle, le genre qui plaît aux groupies. La blague est inoffensive, du moins je le pense : on sait tous les deux qu’elle l’a, et on sait tous les deux que j’en ai strictement rien à foutre.

« Dis celui qui a quitté la ville pendant… Combien de temps t’es parti faire la tournée des festivals déjà ? »
« T’as compté ? »

Je n’ai besoin que d’un signe de la tête pour la suivre. Un pas en arrière, j’en profite pour la détailler sans vergogne. Alors que mes yeux s’égarent sur sa silhouette je me dis que, putain, elle avait vraiment tout pour réussir dans le métier. « Huit mois, ça a duré huit mois. » Huit mois qui m’ont permis de me vider la tête, qui m’ont permis d’oublier que je n’arrive pas à écrire et malgré mon amour de la scène. « Et j’en avais besoin. Pas que t’aies posé la question. » C’est certainement le lien qu’on avait tissé pendant l’émission qui déteint. Parce que sans avoir vraiment eu une relation privilégiée, elle a quelque chose qui me poussait à lui faire confiance, à lui dire ce genre de connerie sur comment je me sentais. « Ils servent du café ici ou je vais devoir me contenter d’eau plate ? » J’observe les lieux, j’essaie d’imaginer à qui Jo a l’habitude de rendre visite ici, parce que je doute qu’elle trouve juste la maison de retraite apaisante et inspirante. Ce genre d’endroit, moi, ça me file des frissons dans le dos. C’est comme une piqûre de rappel, non pas que j’en ai besoin pour me souvenir que j’espère bien crever dans mon lit, dans un ranch et entouré des miens. « Tu t’es mise au bénévolat ? » Je pose la question, même si je l’imagine mal en tenue d’aide soignante en train de distribuer des médicaments ou de chanter pour animer les soirées du troisième âge.

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/crackshipandcrap)

"Tu côtoies pas les bonnes femmes." Pour ce qu’elle en avait à foutre soit dit en passant. Mais c’était plus fort qu’elle : il fallait qu’elle rétorque, comme il fallait qu’il la provoque. C’était ça qui avait de plus rafraîchissant dans la relation qu’ils entretenaient. Midas ne se contentait pas d’accepter qu’elle morde, il mordait en retour, même s’il lâchait prise bien avant elle ; il la marquait quand même, au moins une fois sur deux, et ça lui donnait toujours envie d’aller plus loin, de voir à quel point il pouvait entrer dans son jeu avant de se rendre compte qu’elle sortait toujours vainqueur. Il n’y avait qu’une seule fois où il avait réussi à lui faire lâcher prise, et cette fois lui avait offert une carrière. De quoi la vacciner de l’idée de se placer en antagoniste, et pourtant elle était là, à la toiser en se demandant si elle pouvait anticiper sa prochaine répartie pour dire de la lui retourner à la gueule, comme un boomerang qu’il n’aurait pas démérité de recevoir histoire d’abimer son joli minois "Ça veut dire que je serais pas ta maquerelle. T’as qu’à t’occuper toi-même d’étoffer ton répertoire de nanas à sauter, Midas." Midas. L’accentuation est légère, elle est pourtant assez rauque pour avoir une saveur étrange sur sa langue qu’elle se mordit pour faire passer l’effet, au point que ça lui évita de s’arrêter sur l’idée qu’il laissa poindre de son côté, qu’elle avait compté les mois où il avait été sur les routes, à profiter de son statut de popstar pour vivre le rêve, pour vivre la vie qu’elle aurait aimé avoir.

Elle n’aimait pas le laisser aux conclusions hâtives, mais c’était mieux d’admettre que peut-être que oui, elle avait compté. Elle haussa les épaules pour toute réponse, s’accordant le droit de mener la danse en l’emmenant ailleurs que devant la maison de retraite, à se regarder en chiens de faïence en prétendant que ça ne leur faisant pas un truc — ça faisait un truc à Jo, ça n’était seulement pas assez bien définie pour que ça la mette à l’aise, au moins en marchant, elle pouvait retrouver bonne contenance, ne sachant en vérité pas comment entamer la conversation qui les menait ici, à se revoir, alors qu’elle l’avait fuit.
Mais lui aussi quelque part, elle le savait dans le fond d’elle-même. Se pointer à son boulot dans l’espoir de la croiser, dans son imagination, ça avait dû prendre une autre forme qu’elle avait démoli en un regard posé sur lui. Il aurait dû le savoir, qu’il ne fallait pas précipiter les réactions de Josephine Ophelia Carter tant elle était imprévisible et difficile à cerner. Sans doute qu’il avait sous-estimé l’idée qu’elle lui en voulait… lui en voulait-elle vraiment, d’ailleurs ? C’était un peu la question à laquelle elle refusait de répondre, parce que même si elle campait sur ses positions par fierté, elle n’était pas malheureuse de marcher à ses côtés aujourd’hui. Doucement, elle prit une inspiration "T’en avais besoin. Ça y est, tu parles comme toutes ces vieilles gloires qui ont trop bourlinguées pour se satisfaire d’une vie à la campagne. Encore deux ans, et tu deviens cynique." Comme moi, évita-t-elle d’ajouter, arquant un sourcil en détournant la tête pour se figurer du chemin qu’ils empruntaient, traversant le jardin d’hiver de la maison de retraite, ouvert sur la cuisine commune de l’établissement "T’es devenu capricieux en plus de ça. Qui êtes-vous, et qu’avez-vous fait de Midas Gentil Garçon Sterling ?" Elle aurait pu sourire, mais ça aurait eut le don d’affirmer leur complicité — qui était évidente, mais qu’elle voulait rendre moins acquise juste parce qu’elle pouvait le faire, qu’elle ne voulait pas qu’il croit que les années passées, à ne pas se voir, à ne pas se parler, étaient oubliées.
Elle s’avança vers l’espace réservée aux boissons chaudes, quand sa question lui fit réaliser qu’il ne savait pas pour sa grand-mère. Il l’avait rencontrée à l’époque de The X Factor, étant la seule à assister aux enregistrements avec Leroy "Nan, ma grand-mère rend visite à des amies de temps en temps. Je l’accompagne parfois, c’est tout." Ce n’est qu’en prononçant ces quelques mots qu’elle décida de ne rien lui dire de sa situation, de juste rester sur l’idée qu’elle vivait avec sa grand-mère, point final. Elle sucra de la bonne façon le café qu’elle lui prépara sans s’en préparer un de son côté, et sans réfléchir à deux fois à ce qui lui plairait ou non, elle lui tendit son gobelet en carton avant de croiser les bras sur sa poitrine, la tête inclinée, ses reins se posant sur le bord du meuble derrière elle. Et elle l’observa, Midas ; et le sourire qu’elle retenait depuis tout à l’heure, elle le laissa très subtilement filer "Tu vas encore tourner autour du pot longtemps, ou tu comptes te mettre à me supplier bientôt ?" La supplier de participer à ce revival à la con, la seule raison qui le poussait à revenir vers elle, elle le savait très bien, même si elle évitait de se dire que c’était la seule vraie raison, simplement parce qu’elle avait trop d’ego pour accepter de l’entendre. Le haut de son nez se fronça quand, arrêtant de l’observer, elle le détailla à son tour sans faire preuve de beaucoup de discrétion de son côté, mais en se disant que putain, il avait vraiment tout pour réussir dans le métier. Elle finit par retrouver ses yeux avec les siens, et après une pause inutile durant laquelle elle décroisa les bras, elle lui murmura exagérément, à distance "J’ai jamais été très patiente, ce serait bien que tu t’y mettes tout de suite."

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Midas Sterling & @Jo Carter

« Tu côtoies pas les bonnes femmes. » - « C’est pas faute d’avoir essayé. » Je lui adresse un clin d'œil, du genre typique du beau parleur avant de rentrer mes mains dans mes poches, offrant ainsi un contraste parfait entre ma confiance en moi feinte et la façon dont je me sens en sa présence. Je vis mal le rejet. Je n’ai pas aimé le sien quand je ne comprends pas pourquoi elle a disparu - je l’aurais compris si elle avait su pour ma victoire - alors qu’on aurait pu se tirer vers le haut tous les deux, alors que, musicalement en tout cas, on était fait pour se produire ensemble. Me racheter en lui faisant profiter de ma notoriété et des opportunités professionnelles qui ont découlé de la victoire, c’est tout ce que je demandais. « Ça veut dire que je serais pas ta maquerelle. T’as qu’à t’occuper toi-même d’étoffer ton répertoire de nanas à sauter, Midas. » - « J’ai besoin de personne, mais merci Joséphine. » Ce n’est pas de la prétention : si vous êtes agréable à regarder, avec le succès viennent les groupies et nombreuses prétendantes. Est-ce que j’en profite ? Parfois, peut-être un peu trop parce que je me suis toujours laissé porter, mais certainement pas autant que Jo l’imagine.

Une part de moi espère qu’elle a compté, qu’elle me suit de loin sur les réseaux sociaux sans pour autant s’abonner à mon profil à cause d’une rancœur motivée par je ne sais trop quoi. Je n’ai pas la prétention de m’y connaître en psychée féminine, mais puisque je ne peux m’empêcher de retomber dedans, pourquoi ne serait-ce pas son cas aussi ? Elle n’est pas réellement détachée de tout, la brune. Fût un temps où je l’ai connue mieux que le commun des mortels. Je sais que beaucoup de choses dans son attitude ne sont qu’une façade. « T’en avais besoin. Ça y est, tu parles comme toutes ces vieilles gloires qui ont trop bourlinguées pour se satisfaire d’une vie à la campagne. Encore deux ans, et tu deviens cynique. » - « J’aurais pu me satisfaire d’une vie à la campagne dès le début, et tu le sais. » J’aime la musique, j’ai découvert la scène mais, au fond, je rêve de deux réalités incompatibles à la foi. « T’es devenu capricieux en plus de ça. Qui êtes-vous, et qu’avez-vous fait de Midas Gentil Garçon Sterling ? » Je laisse échapper un rire jaune et, d’un regard en coin, je la détaille. Elle s’est apprêtée, Joséphine. Elle paraît plus innocente qu’elle ne l’est dans sa robe à fleurs mais, comme toujours, elle est à son avantage. Lui arrive-t-il de sortir de chez elle sans avoir minutieusement étudié son look, le tout pour atteindre un but bien précis ?

« Nan, ma grand-mère rend visite à des amies de temps en temps. Je l’accompagne parfois, c’est tout. » - « Je savais bien que tu finirais vieille-fille, mais je pensais pas que tu te mettrais à fréquenter le troisième âge avant d’avoir trente ans. » J’esquisse un sourire, me demandant toutefois si je peux toujours m’autoriser ce genre de familiarité avec elle, si je suis toujours en droit de la taquiner comme si nous étions autre chose de deux vieilles connaissances. Le jardin où elle m’entraîne est si paisible que je me demande si nous sommes toujours à Brisbane. « J’aurais préféré t’inviter à boire un verre, mais si y’a bien un truc que je changerais, c’est les hordes de photographes. » A nouveau, si je pourrais passer pour un beau parleur, le genre qui se plaint de sa réussite et d’être reconnu dans la rue, mon visage affiche une tristesse qui n’est pas feinte, qui n’a pas vocation à me faire plaindre. Je suis né pour la scène, mais je déplore qu’elle s'assortisse de célébrité. Les Daft Punk avaient raison, putain. « Tu vas encore tourner autour du pot longtemps, ou tu comptes te mettre à me supplier bientôt ? J’ai jamais été très patiente, ce serait bien que tu t’y mettes tout de suite. » Pour temporiser, je porte ma tasse de café à mes lèvres. J’esquisse un sourire en réalisant qu’il est préparé selon mes goûts, qu’elle n’a rien oublié de nos répétitions qui s'éternisaient souvent assez tard pour qu’il nous faille boire des litres et des litres de cette boisson pour rester éveillés. « T’as reçu l’offre officielle de la chaîne ? » Je sais que oui : c’était l’une des mes exigeances et je me suis assurée qu’ils tiennent parole. « T’as ouvert le mail ou bien tu l’as supprimé sans même lire ce qu’ils te proposent ? » J’espère qu’ils ne se sont pas foutus de sa gueule. La carrière de Jo n’a jamais décollé, mais revoir notre duo sur les chaînes nationales, ça doit valoir son pesant d’or non ? « On s’en branle des caméras. T’as jamais eu envie de chanter à nouveau avec moi ? » Moi si. J’ai même pensé que ce serait possible, après l’émission, avant de tomber de haut.

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/crackshipandcrap)

"Peut-être. Mais t’es une star, maintenant." Une star qui n’avait besoin de personne pour faire se glisser dans son lit des groupies dont la seule idée, c’était de pouvoir se vanter d’avoir été tringlé par le mec qu’elles écoutaient avant de s’endormir, sûres que c’était à elles qu’il pensait en écrivant ses couplets. Jo mima les applaudissements d’une foule en délire, ne lésinant pas sur les oh et les ah en faisant éclater des feux d’artifices invisibles, ses longs ongles devenant bouquet final quand elle s’arrêta en riant doucement, ses yeux retrouvant ceux du jeune homme sans savoir si c’était une vraie bonne idée de le regarder de cette manière. C’était à double-tranchant avec Midas, et c'était aussi douloureux que c’était agréable, de l’avoir en face d’elle quand elle essayait de repousser tous les souvenirs qu’ils avaient en commun, toutes les conversations qu'ils avaient eu quand ils étaient encore persuadés d’avoir l’avenir devant eux, à se promettre monts et merveilles en prétendant qu’ils ne deviendraient pas ce genre de personnes, à s’oublier quand ils deviendraient célèbres. Elle avait pris ses distances avec lui parce qu'elle avait réalisé qu’elle ne réussirait pas à atteindre son niveau, qu’elle avait été son faire-valoir, celle qui l’avait aidée sciemment à atteindre le sommet tout en espérant naïvement rivaliser. Oh, elle l’avait fait, et avec un talent qu’on ne pouvait pas nier… mais une fois la soupape The X Factor dégonflée, elle avait dû traiter avec l’idée que ça ne lui avait jamais plu, de chanter de la pop, d’être considérée comme un ersatz de chanteuse américaine mignonne, à la queue de cheval assez haute pour vous faire croire que son charisme était à la hauteur de sa prestance. Elle avait toujours était petite, Josephine, elle l’était redevenue quand son premier EP s’était ramassé à une place peu enviable dans les Charts, simplement parce qu’elle avait osé déroger au style que la production de l'émission avait voulu lui fourrer dans les pattes. Presque seule aux commandes, son public n’avait pas accroché — mais il avait reporté son attention sur Midas qui avait continué sa route, l’imaginait-elle, parce qu’elle n’avait jamais voulu écouter ses chansons, ne voulant encore moins se dire qu’il souffrait peut-être, lui aussi, de ne pas vraiment faire ce qu’il avait envie de faire.
Il avait évolué sur ce point, se dit-elle en le regardant tourner en dérision sa présence ici, dans une maison de retraite au sein duquel elle ne passait jamais inaperçue. Elle avait des admirateurs ici, ne lui en déplaise "T’es jaloux parce que je sais m’attirer leur sympathie, quand t’en es encore à être catalogué comme le premier pour qui les gamines de 15 ans trempent leur culotte. Mon pauvre, j’ai tellement de choses à t’apprendre." Ça manquait de conviction, mais elle avait le mérite d’essayer au moins.

Elle se décolla du coin de meuble qu’elle avait investi, se tournant vers le réfrigérateur pour se prendre un soda à la cerise dont le pschitt de la capsule permit à Midas de prendre le temps de se plaindre de sa condition de célébrité "Oh, c’est le moment où je me mets à chialer sur ton sort, c’est ça ?" C’était le propre des nouvelles stars, à pleurer sur leur notoriété quand ils avaient tout fait pour la gagner. Elle sirota une première gorgée de sa boisson fraîche, ne s’arrêtant pas cette fois quand elle reprit sa marche, faisant de nouveau un signe de tête au jeune homme pour l’emmener ailleurs que dans la cuisine, dans ce jardin luxuriant d’où émanait une sérénité dont elle avait besoin pour affronter ce qui l’attendait, et qui ne serait pas de tout repos, elle le savait.
Le goût de la cerise sur sa langue, se joignant à celui du prénom de Midas qu’elle avait prononcé un peu plus tôt lui donnant l’énergie nécessaire pour s’amuser de l’idée qu’il n’était là que pour la supplier, elle secoua la tête ; il ne lui donna pas vraiment tort, quand bien même sa première invective lui fit hausser les sourcils et tourner la tête vers lui "J’ai reçu un mail-type. Du genre, on a un projet de revival, t’es sur notre liste de candidats à contacter… la suite au prochain épisode." Officiellement, on ne lui avait donc rien proposé. Mais parce que Midas était ici, et qu’elle n’était pas idiote, elle savait que son nom pesait assez lourd dans la balance pour faire retarder l’échéance ; elle ne s’en priverait pas, comme elle ne se priva pas de ne pas ouvertement lui faire savoir qu’effectivement, elle avait lu le mail.
A la place, elle s’installa sur le premier banc qu’ils dépassèrent, entre deux arbres dont elle ne connaissait pas le nom, et cala sa cannette de soda entre ses cuisses, la morsure du froid contre le métal comme une décalcomanie qui poinçonna sa peau, de la tête aux pieds ; une excuse plus valable que d’admettre que c’était la question du jeune homme qui la fit frissonner. Elle décida d’être franche "Tu sais que si. Je vais pas te caresser dans le sens du poil en te disant que ça me manque. Parfois." Parfois. Elle aspira délicatement sa lèvre inférieure pour ne pas sourire, ayant déjà l’impression d’en avoir trop dit quand elle tourna de nouveau la tête vers lui pour, d’abord l’observer encore une fois, puis ensuite lui demander "Mais tu gagnerais quoi à participer à un truc pareil ? T’es déjà au summum de ce qu’on peut espérer quand on veut faire carrière. T’en es à quoi, quatre albums ? T’as pas besoin d’aller t’enfermer dans un studio télé pour remporter un truc que t’as déjà." Ça faisait trop de compliments en une seule phrase, elle s’en rendit compte un peu trop tard, mais comme elle n’était pas du genre à reprendre ce qu’elle donnait, elle fit mine de pas grand-chose en ajoutant, presque en minaudant, levant sa cannette de soda pour la porter à ses lèvres, la laissant à quelques millimètres à peine pour qu’il l’entende dire "Me dis pas que c’est pour pouvoir chanter de nouveau avec moi." Me dis pas que c’est pour moi tout court, qu’elle aurait pu lui dire, mais sa malice s’arrêta-là, tandis qu’elle prit enfin sa gorgée, lentement, son regard détaillant son visage en suivant le même tempo.

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Midas Sterling & @Jo Carter

« Peut-être. Mais t’es une star, maintenant. » - « Venant de toi, ça a presque un goût d’insulte, ça. » Mon sourire - ravageur et amusé - prouve que je ne lui en tient pas rigueur à Joséphine. Quand bien même sa remarque aurait été teintée d’amertume ou de jalousie - celle de ne pas être à ma place - je ne lui en aurais pas voulu parce qu’au fond, je sais qu’elle le méritait elle aussi, peut-être plus encore que moi. « Mais visiblement, à en croire mon manager, on peut pas être une star - » Que je déteste ce mot. « - et rester chez soi à composer. Les soirées de bienfaisance, les remises de prix et les cocktails mondains, t’aurais été bien plus à l’aise dans l’exercice que je le suis. » Moi, je me tends toujours quand un inconnu pose sa main sur moi pour me féliciter, échanger quelques mots avec moi, et je déteste toujours autant le fait de devoir paraître sympathique quand une fan m’approche pour me faire poser sur la dix-huitième photo de la journée. Jo quant à elle, elle aurait adoré.

Arrivé dans la petite cuisine attenante au jardin, j’attrape une tasse vide que je fais tourner entre mes doigts. La nervosité aidant, j’ai besoin d’occuper mes mains et je ne me rends même pas compte que tout mon langage corporel témoigne du fait que oui, je ne sais pas comment je dois me conduire avec elle. « T’es jaloux parce que je sais m’attirer leur sympathie, quand t’en es encore à être catalogué comme le premier pour qui les gamines de 15 ans trempent leur culotte. Mon pauvre, j’ai tellement de choses à t’apprendre. » Théâtralement, je pose une main sur mon cœur, faisant mine d’avoir été gravement blessé. « Touché. Tu me fais du mal, Jo. » La vérité est un peu différente : je me moque du public que je rencontre, ce qui me chagrine, c’est le genre musical qu’on veut me coller. Alors oui, les deux vont certainement de pair et, comme toujours, Joséphine Carter tire à balles réelles. « Oh, c’est le moment où je me mets à chialer sur ton sort, c’est ça ? » - « Tu peux ? J’avoue que ça me ferait du bien. » Pudique et peu habitué à exprimer aux autres comment je me sens, je m’enferme dans l’humour, je fais le malin et m’attends presque à recevoir n’importe quel projectile qui lui tomberait sous la main en pleine figure.

« J’ai reçu un mail-type. Du genre, on a un projet de revival, t’es sur notre liste de candidats à contacter… la suite au prochain épisode." » Certainement aurait-elle préféré quelque chose de plus personnel. Quelque chose qui aurait témoigné du fait que c’est elle qu’ils veulent, et pas une autre. Je ne suis pas stupide, je sais que leur souhait, c’est de réunion notre duo à l’écran et qu’en tant qu’individu, je pèse peut-être dans la balance un peu plus qu’elle, mais nous sommes tous remplaçables. « C’est sûrement un stagiaire à la con qui a envoyé ça. J’ai reçu pareil. » Faux : on m’a appelé et mon manager a organisé une réunion avec la chaîne. Sauf que ça, plutôt crever que de l’avouer, ce serait la braquer directement et je n’en ai pas envie. « Tu sais que si. Je vais pas te caresser dans le sens du poil en te disant que ça me manque. Parfois. » Face à sa confession, je redeviens sérieux, je cesse de prétendre qu’avec elle, je suis toujours un adolescent taquin. « Mais tu gagnerais quoi à participer à un truc pareil ? T’es déjà au summum de ce qu’on peut espérer quand on veut faire carrière. T’en es à quoi, quatre albums ? T’as pas besoin d’aller t’enfermer dans un studio télé pour remporter un truc que t’as déjà. » - « Trois. Et dire que je pensais que tu t’intéressais à ma carrière. » A nouveau, je suis taquin parce que c’est plus facile que de répondre à sa foutue question. « Me dis pas que c’est pour pouvoir chanter de nouveau avec moi. » - « Je te le dirai pas alors. » Je passe une main dans ma nuque avant de m’appuyer contre la table, mon café dans une main et l’autre enroulé autour de mon bras. « Mon manager pense que ça serait bon pour ma carrière. De rappeler aux gens d’où je viens. » Moi, je me moquerai de l’époque X-Factor si elle n’y était pas liée, c’est une certitude, mais une certitude difficile à assumer. « Moi, je me dis que ça pourrait être sympa de faire les choses comme j’aurais voulu les faire y’a six ans. Et de voir si en étant moi, ça peut se passer de la même façon. » Je sais que cette émission sera certainement aussi biaisé que la première, voire plus puisqu’à présent, je suis quelqu’un. « Qu’est ce que t’as à perdre ? T’es même pas obligée de participer à toute l’émission. Tu peux négocier pour être une invitée lors d’un prime ou quelque chose du genre. » He ne le précise pas mais il va sans dire que si c’est la seule chose qu’elle accepte, c’est également la seule chose que je ferai aussi. « Me dit pas que t’as peur des finalistes des années précédentes. Je suis certain qu’ils sont tous devenus ringards avec le temps. » J’esquisse un sourire malicieux, avant de terminer mon café d’une traite et de plonger mon regard dans le sien.

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Elle aurait pu lui dire que tout ce qu’elle disait n’avait pas vocation à être perçu comme une insulte, mais elle s’abstint parce que dans le fond, elle savait que Midas avait conscience de l’affection qu’elle lui portait. Ce n’était pas pour rien qu’ils avaient été proches à l’époque, même saupoudrée d’amour-vache, ce qu’ils avaient, c’était le genre de trucs qu’on ne vivait qu’une seule fois. Qu’importe ce que c’était vraiment, ça restait gravé quelque part, comme tous les souvenirs qu’ils avaient en commun et toutes ces pensées qu’ils avaient partagées quand ils n’avaient plus qu’eux deux en lice, à faire mine de vouloir laminer l’autre quand, de son côté en tout cas, Jo avait essayé de le porter plus haut qu’elle n’avait jamais porté n’importe qui. Ouais, il savait, Midas. Qu’il était spécial, que malgré toute la volonté qu’elle déployait à vouloir le juger, l’insulter, l’ignorer, il y avait toujours un moment où son regard permutait pour se poser sur lui avec une douceur qu’elle tachait de faire passer pour de la moquerie, ajoutant un sourire pour faire bonne figure et ne pas lui donner l’impression qu’elle l’appréciait pour de vrai ; elle le détestait, d’être aussi sûr de pouvoir la faire flancher quand elle avait passé six ans à mûrir tout un discours à lui faire péter à la tronche, pas très sûre des raisons qui la pousseraient à le faire, simplement persuadée de pouvoir le faire parce qu’elle n’avait pas mérité d’être ici, à maquiller des vieilles dames pour se donner de l’importance dans une vie passée à vivoter. Elle pencha la tête, l’entendant se plaindre de la vie qu’elle aurait dû mener, et il l’agaça si fort qu’elle en roula des yeux. Inutile de lui dire encore une fois que c’était indécent de se plaindre, quand elle, elle avait cessé de faire partie de ce monde-là à la seconde où elle avait fait son choix, où elle avait posé ses valises chez Ava, tournant le dos à tout un tas d’opportunités qui auraient pu fonctionner cette fois. Elle aurait été prête à changer rien qu’un peu pour ça, pour assister aux soirées de bienfaisances, aux remises de prix, et aux cocktails mondains ; au lieu de quoi, elle faisait ce qu’il rêvait de faire en secret : elle composait des trucs qu’elle ne chanterait jamais, si ce n'était qu’en fredonnant pour se donner bonne conscience, et pour vérifier si elle n’avait pas perdu son talent. Au fond, ça répondait à la question qu’il lui posa quelques instants plus tôt quand il ironisa sur sa capacité à pleurer sur son sort. Il pouvait aller se faire foutre, elle ne le consolerait pas d’avoir réussi. Il l’avait bien mérité, ce petit enfoiré.

Le sujet qui l’amenait, c’est elle qui le mentionna, peut-être pour anticiper le mal de bide que ça lui causa de se rendre compte qu'il était sans doute au courant d’une bonne partie des projets de la chaîne qui avait accueilli leurs meilleurs moments, la reléguant à un détail qui ne méritait pas autre chose que trois lignes sur un fond blanc "Prends-moi pour une conne, bien sûr que t’as pas que reçu ce mail. Tu pèses des millions, Midas." Et la succession de mots qu’elle laissa poindre aurait pu être une blague qu’elle faisait souvent à l’époque, s’amusant du patronyme du jeune homme pour se foutre de sa gueule, mais ça n’en fut pas une. Son soda qu’elle avala par petite gorgée tenu dans sa main, elle se laissa basculer en arrière pour mieux poser sur lui un regard nouveau, sa perspective s’agrandissant en même temps que ses yeux bruns quand elle haussa les sourcils pour lui répondre, ses épaules suivant le mouvement "Si je dois être honnête, j’ai pas écouté un seul de tes albums. Tu me connais, c’est pas mon style ce que tu fais." Ce n’était même pas le sien, alors à quoi bon ? Ceci dit là, c’était sa mauvaise foi qui parlait — ou sa sensibilité, parce que la voix de Midas la touchait, que son talent avait un effet sur elle qu’elle n’expliquait pas, et qu’elle ne voulait pas s’imaginer l’accompagner sur des titres qu’il a sans doute écrit sous la pression d’une maison de disque trop gourmande.
Elle affronta son regard une seconde, puis elle s’anima de nouveau pour se caler sur la position qu’il avait prise, posant sa canette de soda sur la table, ses bras en parfaite symétrie inversée avec ceux du jeune homme "Tu me le diras pas, mais c’est ça, hmm ? Je te manque." Et le chuchotis était exagéré parce que le sentiment était mutuel, mais qu’elle ne le lui avouerait pas autrement qu’en tournant en dérision ce qu’il ne lui disait pas vraiment, qu’elle entendit tout de même, s’en félicitant un peu lorsqu'il reprit la parole, et qu’elle l’écouta la tête penchée sur le côté, ses yeux suivant les mouvements de ses lèvres jusqu’à ce qu’ils remontent pour sonder son regard, un oeil à la fois. Elle plissa les paupières après une seconde "Et tu crois vraiment qu’ils vont te laisser l’opportunité d’être qui tu veux être cette fois, alors que ton image est bâtie sur qui ils ont voulu que tu sois ? Y a d’autres moyens de prendre un virage pour faire ce que t’as envie de faire, t’as pas besoin de repasser par tout ça, tu le sais aussi bien que moi." Le principe de l’émission serait revu, elle n’en doutait pas. Mais ses obligations alors, sa carrière qu’il mettait en stand-by pour se caler sur le cahier des charges d’une grosse machine comme celle-ci ? De nouveau, Jo fronça les sourcils quand il lui fit une semi-proposition bien trop précise pour que, comme elle le soupçonnait, il ne soit pas au courant de plus de détails qu’il voudrait lui faire croire "Et faire tapisserie ? J’ai perdu une première fois, j’ai pas envie de faire une apparition pour ensuite être cataloguée de couilles molles quand la majorité des anciens candidats sera là pour toute la saison." qu’elle lui fit avec fierté. Cependant, elle finit par lâcher, détournant brièvement la tête et harponnant sa cannette à moitié vide pour en secouer le reste de son contenu, sa bouche marquant une fatalité douloureuse qu’elle prononça sur l’air de ne pas y toucher "Je peux pas laisser ma grand-mère toute seule de toute façon." Ce serait son argument principal, celui qu’elle s’imposait pour ne pas s’arrêter sur l’idée qu’elle avait… peur — il prononça le mot au même moment où il lui frôla l’esprit, et la rebuffade fût immédiate "Ta gueule, tu sais bien que j’ai peur de personne." Sauf de toi, sans aucun doute. Il ne payait pas de mine, Midas, de prime abord, avec sa belle gueule et ses sourires, mais il avait une force qui l’avait permis de remporter la gagne sans en avoir l’air. Alors non, elle n’avait pas grand-chose à perdre, c’était un fait ; sauf sa dignité qui ne résumait à presque rien depuis qu’elle avait pris conscience qu’elle n’était personne sans lui.

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Midas Sterling & @Jo Carter

« Prends-moi pour une conne, bien sûr que t’as pas que reçu ce mail. Tu pèses des millions, Midas. » Ouais, le mensonge était peut-être un peu gros, j’en conviens. Parce que je ne sais pas quoi répondre autant que parce que je déteste le fait d’être réprimandé comme un enfant de cinq ans, je me contente de hausser les épaules, en guise de réponse. Il faudra que ça lui suffise, puisque je n’ai pas l’intention de développer. Développer, cela voudrait dire admettre qu’il y a eu des réunions et que j’ai glissé le nom de la brune sur la table, que j’ai même fait de sa participation à elle une condition à la mienne, et je n’ai pas l’intention de dire un mot là-dessus. Pour éviter de faire face à ma culpabilité, je me répète que notre expérience X-Factor n’est déjà qu’un ramassis de mensonges alors, un de plus ou un de moins ne changera rien à la face du monde.

« Si je dois être honnête, j’ai pas écouté un seul de tes albums. Tu me connais, c’est pas mon style ce que tu fais. » Le jazz non plus c’était pas mon style. Pourtant, je l’ai acheté et offert à mes proches, celui de Joséphine. Mais plutôt crever que de l’admettre alors je secoue la tête, avant d’ajouter. « Tu devrais. J’ai bossé avec des paroliers talentueux et certaines chansons valent vraiment le coup. » Pas toutes. Mais j’ai appris à être fier de mon boulot malgré tout, sans ça, comment pourrais-je être capable de me réveiller tous les matins, et de chanter mes chansons sur les scènes du monde entier ? J’ai besoin d’être capable de me regarder dans le miroir. Alors j’ai choisi de trouver du plaisir dans des sons qui ne me ressemblent pas forcément, mais qui font celui que je suis.

« Tu me le diras pas, mais c’est ça, hmm ? Je te manque. » - « C’est ton talent qui me manque, te mets pas d’idée étrange dans le crâne. » Sauf que je bougonne trop pour qu’il ne soit pas aisé de voir clair dans mon jeu. « Tu vas attraper la grosse tête et t’as pas besoin de ça. » Qu’on soit clair : je m’attends à ce qu’elle m’offre son majeur en guise de réponse, mais je ne m’en préoccupe guère. Avec Jo, ce genre de houspillage inoffensif a toujours été notre mode principal de communication. Ai-je besoin de mettre des mots sur quelque chose qui fait office d’évidence pour elle comme pour moi ?

« Et tu crois vraiment qu’ils vont te laisser l’opportunité d’être qui tu veux être cette fois, alors que ton image est bâtie sur qui ils ont voulu que tu sois ? Y a d’autres moyens de prendre un virage pour faire ce que t’as envie de faire, t’as pas besoin de repasser par tout ça, tu le sais aussi bien que moi. » Elle a raison, bien sûr qu’elle a raison. Sauf que tenir la tête à la chaîne est une chose, le faire avec mon label et mon manager en est une autre. Participer au revival et explorer d’autres styles, ça n’engage à rien, c’est anodin, sans danger. Ce n’est pas une prise de position et s’il y a bien une chose que je suis incapable de faire, c’est de défendre mes envies et ambitions sans me soucier des conséquences. « Je crois que eux ils auront pas le choix, parce que rien m’oblige à participer à leur émission. » Et certes, c’est là la différence entre elle et moi : le rapport de force entre la chaîne et moi est en ma faveur. « Et si t’étais prête à défendre ta place, tu pourrais aussi leur montrer qu’ils ont tout intérêt à accepter tes conditions. » Parce que notre duo, notre histoire qui n’en est pas une malgré ce foutu baiser, elle vaut de l’or aux yeux de la production. C’est bien pour ça qu’ils nous ont emmené tous les deux en finale, non ? « Et faire tapisserie ? J’ai perdu une première fois, j’ai pas envie de faire une apparition pour ensuite être cataloguée de couilles molles quand la majorité des anciens candidats sera là pour toute la saison. » - « T’es allée en finale. C’est déjà mieux que la majorité des crétins qui participeront. » Je doute qu’ils n’obtiennent que des gagnants au casting. La plupart n’auront sans doute aucune envie d’entendre parler de X-Factor qu’ils aient une carrière ou au contraire qu’ils aient décidé de se ranger et de vivre une vie loin des projecteurs. « Tu vois que le pire qui pourrait arriver. Et si tu gagnais ? » Je doute que ce soit possible, je doute que ça fasse partie des plans de la production et je m’en veux d’utiliser ce levier là avec elle, par conséquent.

« Je peux pas laisser ma grand-mère toute seule de toute façon. » Surpris, je lève un sourcil. « Ta grand-mère est une adulte non ? Je crois pas qu’elle ait attendu que t’en deviennes une pour apprendre à s’occuper d’elle. » Evidemment, si je savais, j’aurais fermé ma gueule. « Ta gueule, tu sais bien que j’ai peur de personne. » - « Ça, c’est ce que tu dis. » Un sourire amusé se dessine au coin de mes lèvres. « Mais moi, je vois juste pas d’autre raison de refuser. T’as pas répondu à ma question : qu’est ce que t’as à perdre ? »

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/crackshipandcrap)

"Je les écouterais quand je serais sûre que c’est ce que tu veux vraiment produire et chanter." Parce qu’elle n’avait pas envie de l’entendre beugler comme un veau dans le micro, forcé de s’approprier les mots des autres sur une musique qui ressemblait davantage à un concerto d’ongles sur un tableau. Il dirait ce qu’il voudrait, Midas, seulement elle le connaissait assez pour savoir que se cacher derrière le talent de ses paroliers, c’était un peu près tout ce qu’il était capable de faire pour se donner l’impression de mener sa carrière comme il l’entendait. Non, elle n’avait pas envie de se laisser avoir par la soupe pop qu’on lui avait foutu entre les pattes histoire de soulever les foules et soulever les jupes des minettes qui avaient quinze ans de moins que lui et qui étaient prêtes à dépenser leur argent de poche dans tout son merchandising chaque fois qu’il sortait un nouvel album. Il méritait mieux et l’expertise de Josephine aussi, alors il pouvait bien se défendre comment il l’entendait, elle consentirait à se laisser avoir elle aussi quand elle serait sûre que les mots qu’il chantait venaient de lui, de ce qu'il ressentait, et de ce qu’il était vraiment capable de proposer en tant qu’artiste. Et tant pis s’il se figurait déjà qu’elle n’était qu’une grosse conne sans cœur, qui prenait leur expérience commune par-dessus la jambe parce qu'elle avait la défaite amère. On avait déjà poli son armure avec autre chose que des louanges, elle n’était plus à ça près, vraiment pas.
Et les taquineries allaient de plus belles. Elle n’essayait même plus de prétendre qu’elle n’était pas heureuse de le voir, encore qu’elle maintint une expression sans nuance quand il releva la grosse tête qu’elle aurait s’il admettait qu’elle lui manquait autrement que par son talent. Il n’avait pas besoin de rentrer dans les détails pour qu’elle s’aperçoive que sa propension à nier ne faisait qu’en fait monter tout ça en épingle au point qu’au bout de quelques secondes, ça la gêna peut-être un peu d’avoir osé relever l’évidence sans avoir eu le temps de prévoir une défense de son côté. Pourtant, il ne lui demanda pas si la réciproque était vraie, et c’était probablement cette absence de soupçon qui la fit remuer sur sa chaise le temps d’un très bref moment, sa canette de soda entre ses bras, et ses doigts se joignant entre eux par le bout de ses ongles soignés : il savait, et ça ne lui plaisait pas. Ça lui donnait un pouvoir qu’il ne se vantait pas d’avoir comme elle était tentée de le faire, et c’était ça qui rendait dangereux Midas : à son contraire, il ménageait ses effets… et si elle prétendait le connaître par cœur et avoir réussi à mettre le doigt dans l’engrenage de la machine qu'il était pour mieux anticiper ce qu’il avait dans le ventre, il y avait des aspects de sa personnalité dont elle ignorait tout finalement. Mais plutôt crever que de l’admettre ça aussi, et elle reprit de sa superbe en s’enfonçant plus loin dans les termes d’une discussion qui pesait lourd sur son cœur, qui ne l’empêcha pas de rester qui elle était cependant.

Elle eut un léger rire "Défendre ma place, accepter mes conditions… j’ai reçu un mail de trois lignes, tu crois qu’ils en ont quelque chose à foutre de ce que j’ai à dire ? J’ai pas de carrière." Et s’entendre dire ce genre de choses, c’était plus difficile encore que d’être confrontée au contraste d’influence qu’il y avait entre elle et le jeune homme qu’elle regarda bien en face, laissant entrevoir une légère brèche dans la panoplie qu’elle avait sur le dos, elle qui défendait sa vie actuelle avec une force trop brute pour être honnête. C’était peut-être la première fois qu’elle osait être aussi tranchante avec ce fait, qu’elle mettait le doigt sur l’idée qu’elle avait échoué, pas seulement lors du télé-crochet où ils s’étaient rencontrés, mais après aussi… et c’était putain de douloureux, assez pour qu’elle opère un temps de silence et qu’elle reprenne, un peu plus doucement, sa tête se baissant sur le fond de sa canette de soda qu’elle reprit entre ses mains "J’ai été finaliste, mais je suis retombée à la même place que tous les autres à l’instant où ton nom est apparu à l’écran. Ils auraient déjà essayé de savoir si ça m’intéressait vraiment si j’avais ne serait-ce qu’un peu d’influence sur leur décision, et j’en reviens pas que tu puisses penser que je suis assez conne pour pas m’en rendre compte." Enfin, elle pencha la tête, la  remontant dans la foulée, peut-être un peu blessée qu’effectivement, il puisse la juger assez stupide pour ne pas comprendre que c’étaient les vainqueurs qui auraient le dernier mot, pas les secondes places.
Finalement, elle fit un signe de dénégation, cessant de l’observer pour mieux se réimplanter dans le moment présent "Je vois le pire parce qu’on a pas la même vie, que j’ai pas le luxe de me dire que ça serait une nouvelle opportunité quand ça m’a menée à rien la première fois." Elle enchaîna, presque sans s’arrêter "Si je perdais encore ? Tu viendrais faire le suivi post-défaite, tu viendrais me dire que c’était la faute à pas de chance, qu’au moins j’aurais essayé ?" Elle eut un sourire amer et elle lâcha sa cannette de soda, s’inclinant en arrière pour que son dos touche le bois épais de la chaise sans rien ajouter d’autres, pas même quand il souleva l’idée que sa grand-mère était assez grande pour s’occuper d’elle-même. Rapidement, elle décida qu’elle ne lui dirait pas pour sa maladie, elle ne lui dirait pas non plus de la fermer encore une fois alors que son regard se perdait dans le sien avec la volonté de ceux qui veulent faire passer un message ; qu’elle bazarda en venant de nouveau se pencher sur la table, décidant de prendre sa question autrement pour ne pas avoir à y répondre, son insolence refaisant surface à la seconde où elle vit son sourire fendre son visage, et sa goguenardise poindre "Et toi, t’as quoi d’autres à gagner ? Tu me connais, tu sais que je déteste qu’on insiste quand j’ai pas envie de faire un truc… mais t’es là, à essayer de me convaincre que ce serait la décision de ma vie." Elle eut un très léger sourire, ses lèvres s’étirant à l’instant où ses yeux glissèrent des siens au bas de son visage pour vite en remonter quand elle lui demanda, tout bas, les paupières se plissant imperceptiblement "Qu’est-ce qu’ils t’ont promis ?"

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Midas Sterling & @Jo Carter

« Je les écouterais quand je serais sûre que c’est ce que tu veux vraiment produire et chanter. » - « Si tu les as pas écoutées, qu’est ce qui te fait dire que j’ai pas envie de les produire et de les chanter ? » Un sourire victorieux étire mes lèvres et pour cause : je suis certain que, pour affirmer ce genre de chose, Jo a au moins prêté une oreille. Elle ne peut se prononcer sur la qualité de mon œuvre sans n’avoir ne serait-ce qu’entendu l’un ou l’autre des mes morceaux à la radio, ou dans n’importe lequel de ces clubs dans lesquels elle a travaillé depuis la fin de l’émission. Je suis, en toute humilité, dur à manquer, surtout dans mon pays d’origine. Je jouis du luxe de me dire que pendant tous ces mois où elle cherchait à m’éviter, elle m’entendait forcément à la radio de temps en temps. Que ressentait-elle en ces moments ? De la peine ? De la colère ? Du dégout ? Je me le demande et la réponse compte vraiment, saleté de bonne femme.

« Défendre ma place, accepter mes conditions… j’ai reçu un mail de trois lignes, tu crois qu’ils en ont quelque chose à foutre de ce que j’ai à dire ? J’ai pas de carrière. » Si elle avait gagné, est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Jo a tenté de faire carrière, après X-Factor. Elle a sorti quelque chose qui s’éloignait trop de l’image que le public avait d’elle, celle que les producteur avait bien voulu lui coller, et elle était tombée dans l’oubli. Avec une victoire, les choses auraient-elles été différentes ? Se serait-elle fondue dans le moule ou, comme bien d’autres vainqueurs avant elle, aurait-elle pris la poussière sur les étagères des disquaires de la ville ? Je l’ignore mais, à mes yeux, tout reste ma faute puisque c’est parce que j’ai gagné sans le mériter que nous ne le saurons jamais. « J’ai été finaliste, mais je suis retombée à la même place que tous les autres à l’instant où ton nom est apparu à l’écran. Ils auraient déjà essayé de savoir si ça m’intéressait vraiment si j’avais ne serait-ce qu’un peu d’influence sur leur décision, et j’en reviens pas que tu puisses penser que je suis assez conne pour pas m’en rendre compte. » - « Tu vas vraiment m’obliger à le dire ? Je le sais justement, que t’es pas conne. Alors tu sais comme moi que c’est notre duo qu’ils veulent reformer à l’écran. » Nous étions les chouchous du public et, de toute évidence, la production pense que nous pouvons encore l’être. « T’as certainement aucune envie de leur faire plaisir ou de te plier en quatre pour eux. Mais oublie ce qu’ils veulent, ça te tenterait pas ? » Gagner, perdre, on s’en fiche, non ? Est-ce parce que j’ai une carrière et que ce Revival n’y changera rien que je me moque de ce genre de détails ?

« Je vois le pire parce qu’on a pas la même vie, que j’ai pas le luxe de me dire que ça serait une nouvelle opportunité quand ça m’a menée à rien la première fois. » Elle a raison, Jo. Nous n’avons pas la même vie. Moi, je sais que je peux me pointer sur scène et reprendre des tubes de mon propre répertoire. Je ne suis pas idiot au point de ne pas savoir que, cette fois encore, magouilles ou pas magouilles, il y a de fortes chance que je remporte tous les suffrages. Alors, est-ce égoïste d’insister pour qu’elle me rejoigne dans l’aventure ? Est-ce uniquement une perte de temps et d’énergie pour elle ? Ai-je la moindre de chance de changer ça ? Je le note dans un coin de ma tête, pour plus tard, pour quand les négociations avec la production commenceront réellement. Cette fois, je ne suis plus un jeune premier qui n’a pas la moindre idée de là où il met les pieds. « Si je perdais encore ? Tu viendrais faire le suivi post-défaite, tu viendrais me dire que c’était la faute à pas de chance, qu’au moins j’aurais essayé ? » - « Si tu perdais encore Jo, je serais là. Comme j’ai essayé de l’être la première fois. » Seulement, elle ne m’y a pas autorisé. Nous avons tenté de maintenir l’illusion d’une proximité entre nous après la défaite, mais l’échec de son premier album a signé la fin de notre relation, quelle qu’elle ait été. « Mais ce serait grave ? Ça te ferait du mal ? » La question est sincère et dénuée de toute ironie ou jugement. Comment peut-elle être si ignorante de sa propre valeur ? Comment peut-elle laisser X-Factor ou les chiffres des ventes de son premier et unique album l’aveugler à ce point ? Je la vois telle qu’elle est Jo. Magnifique, bourrée de charisme et, surtout, dotée d’un talent qui dépasse l’entendement.

« Et toi, t’as quoi d'autre à gagner ? Tu me connais, tu sais que je déteste qu’on insiste quand j’ai pas envie de faire un truc… mais t’es là, à essayer de me convaincre que ce serait la décision de ma vie. Qu’est-ce qu’ils t’ont promis ? » Elle s’appuie sur la table, et un sourire espiègle au coin des lèvres, je l’imite. J’y dépose mes avants bras, face à elle, et j’accroche mon regard au sien. « Rien. On m’a rien promis. Mais tu me croiras pas sur parole, je me trompe ? » Je lève un sourcil, conscient que Jo a besoin de voir pour y croire, qu’elle est méfiante de nature. « Viens me voir au studio. » Je sors mon téléphone de ma poche arrière, et je lui envoie l’adresse de l’endroit. « Peut-être que tu comprendras. » Cela n’influera en rien sa décision, mais peut-être comprendra-t-elle alors la mienne.

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/crackshipandcrap)

Le problème avec une grande gueule comme Jo, c’était qu’elle avait l’habitude de dire tout ce qui lui passait par la tête sans y réfléchir, s’auto-piégeant sur certaines choses qui la faisaient passer pour une idiote aux yeux de ceux qu’elle tentait de berner. Ça ne prenait pas avec Midas, et elle le fusilla du regard pour ça. Prise à son propre piège, elle le fixa sans ciller le temps de faire le point sur le fait qu’elle venait de marquer contre son propre camp.
Si elle avait cessé d’écouter la radio et de regarder la télévision, c’était parce qu’il était immanquable, que sa gueule d’ange s’étalait partout, que sa voix grave résonnait avec force, et que ça lui tordait les entrailles de s’imaginer que c’était ce qui aurait dû lui arriver à elle aussi. Elle avait entendu peut-être deux ou trois de ses titres en se disant que ça aurait pu être mieux, qu’il méritait mieux, et puis elle avait décidé qu’elle n’en avait plus rien à cogner étant donné ça lui faisait de la peine de constater son évolution d’artiste au sens large, sentant un relent de jalousie se perdre dans la masse de choses qu’elle ressentait déjà pour lui, quoi que ce fût vraiment. Alors elle ne lui répondit pas, elle ne lui dit pas qu’elle en savait quelque chose parce que du peu qu’elle avait entendu ici ou là, ça ne lui correspondait pas, que ça ne collait pas aux discussions qu’ils avaient eues dans le passé, celles qui lui tournaient dans la tête plus que de raison quand elle pensait à lui, quand elle pensait à ce qu’ils avaient vécu.

Elle se concentra sur le reste, sur l’entreprise qu’il semblait avoir à cœur de réussir, s’étant pointé la fleur au fusil en prétendant n’être rien d’autre que celui qu'il était — ou alors, une version pimpée de celui qu’elle avait connu, ce qui lui fit dire avec un léger sourire, son regard perdu dans la somme de ses traits qu’elle observait à distance sans pouvoir se figurer exactement sur lequel s’arrêter "T’es différent, tu sais." Il n’était plus le petit gars un peu gauche qu’il avait été dans le passé, il avait pris de l’assurance, et ça avait quelque chose de déstabilisant, mais pas de désagréable. Plus subitement que voulu, Jo rompit brièvement le contact visuel, s’intéressant à sa cannette de soda vide. De l’autre côté de la table qu’ils partageaient, elle l’entendit alors admettre l’évidence, celle qu’elle avait déjà comprise en prenant sens de ce qui lui demandait vraiment, et son cœur se mit à battre si fort dans sa poitrine qu’elle ne réussit pas à se dire que ça ne lui faisait rien de redevenir la seconde moitié du tout qu’ils formaient à une époque.
Mais Jo restait Jo, et sa fierté était ce qu’elle était, comme sa manie de faire preuve d’une mauvaise foi patentée pour sauver les apparences, et contrôler son environnement avec la dextérité d’une souveraine. Elle arqua un sourcil, relevant la tête pour l’interroger du regard d’abord, formulant ses mots ensuite "Alors quoi, on participerait en duo, ou chacun de notre côté ?" La question était justifiée, elle l’était d’autant plus que si la production voulait faire d’eux leur meilleur atout, ils n’avaient qu’une chose à faire, et c’était de gommer la ligne qui avait fait d’eux des concurrents pour enfin en faire de vrais alliés. Mais elle le savait, ça ne se passerait pas comme ça : c’était la tension qu’il y avait entre eux qui avaient fait les beaux jours de leur duo qui n’en était pas un, alors il en serait de même cette fois-là aussi, si elle acceptait. Ses lèvres saturées de gloss se frottèrent l’une contre l’autre, sa bouche finissant par marquer une sorte d’expression de réflexion inutile quand Midas l’interrogea encore, et qu’elle lui répondit par anticipation en haussant les épaules, puis en lui disant enfin "Peut-être. Je peux pas te donner une réponse sans savoir ce que ça veut vraiment dire, je peux pas me lancer dans tout ça sans savoir ce qui va se passer, et si je vais pas me retrouver à faire ce qu’ils ont envie que je fasse juste parce que ça sert tes intérêts." Parce que le plus gros problème de Jo, ce n’était pas tant son envie de faire payer à la production l’image qu'ils avaient voulu lui donner, c’était de réussir à concourir pour elle, et uniquement pour elle, en laissant Midas de côté. Il n’avait clairement pas besoin d’elle aujourd’hui, alors pourquoi c’était si important pour lui ?
Ça lui échappait, comme lui échappa le léger rire qu’elle laissa filer quand il souligna ses efforts pour être là après sa défaite. Elle rentra le menton, le fixant avec le genre de regard qu’on offre à ceux qu’on ne veut pas blesser, mais qui déconnent clairement sur leur façon de réécrire l’histoire. Il se donnait le beau rôle "Si t’avais vraiment essayé, t’aurais réussi à être là. Me fais pas passer pour celle qui a coupé les ponts, j’en ai marre de tenir le rôle de celle qui fait pas d’effort." Auprès de lui, auprès des autres aussi "Tu me poses vraiment la question ? T’as vu ce que je fais de mon temps libre ?" D’un regard circulaire, elle désigna l’environnement qui les entouraient pour au moins lui expliquer que ça l’était déjà, grave : si elle n’accédait pas au sommet encore une fois, la chute ne serait pas moins difficile parce qu’elle avait revu ses ambitions à la baisse, et même si c’était une certitude ancrée en elle, elle ne la formula pas à Midas quand il lui demanda si ça lui ferait mal — oui, atrocement, comme la première fois.
Il connaissait la réponse, sinon il ne prendrait pas la peine de vouloir la lui faire prononcer, et un peu plus encore, elle le détesta "Je te déteste de me faire ça." qu’elle lui dit alors, secouant la tête, sans que sa voix ne démontre rien d’autre que de la sincérité à ce sujet-là ; sauf qu’elle disait je te déteste comme elle disait je t’aime, Jo, mais personne ne la connaissait assez pour savoir décrypter son langage en prétendant avoir le bon code, et Midas avait probablement perdu la notice il y avait bien longtemps maintenant. Un instant, elle détourna les yeux pour les poser ailleurs, méditant sur ce qui lui répondit à propos de l’absence de contrepartie dont il lui faisait part après qu’elle l’eut soupçonné du contraire. Est-ce que c’était utile de lui répondre qu’effectivement, elle ne le croirait pas sur parole à cause du fait qu’ils ne se connaissaient plus vraiment aujourd’hui, qu’elle ne pouvait pas se permettre de prendre ses paroles pour argent comptant ? Etonnamment, elle choisit l’économie de mots et garda ses états d’âme. Jo retourna son regard vers lui pour lui dire presque doucement "J’ai pas mon téléphone sur moi, je regarderai plus tard." Elle ajouta, peut-être un peu trop précipitamment "Ça veut pas dire que j’accepte de venir, ou que j’accepte quoi que ce soit d’autre." Elle vrilla son regard pour qu’il tombe directement dans le sien tandis qu’elle ajoutait dans une démonstration de mauvaise foi dont elle seule avait le secret "Je suis pas sûre d’avoir envie de comprendre quoi que ce soit, c’était il y a longtemps tout ça." C’est si important pour toi ? qu’elle aurait pu ajouter, mais elle se tut encore une fois, simplement pour se murer derrière ce qu’elle ne préférait pas lui dire pour expliquer que sa présence, mais aussi que son obstination à la convaincre, lui faisaient plaisir, mais qu’elles lui faisaient du mal en même temps.

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Midas Sterling & @Jo Carter

« T’es différent, tu sais. » Mon sourire est mince et, au terme d’une minute durant laquelle je me demande ce que je dois répondre à ça, je finis par hocher la tête. A quoi bon la houspiller, lui demander de préciser le fond de sa pensée et de détailler son propos quand je suis parfaitement conscient de ce qu’elle pointe du doigt ? Il faudrait que je m’explique et je n’ai pas envie d’avoir à le faire et pour cause : elle s’interrogerait sur le pourquoi. Peut-être pense-t-elle que c’est ma nouvelle vie de célébrité qui m’a transformé mais il n’en est rien : Posy a transformé l’adulescent qui se cherche que j’étais en adulte. Pour elle, pour qu’elle ait un père digne de ce nom - et pas ce moins que rien que fréquente sa mère - j’ai dû apprendre à prendre mes responsabilités. « Je sais. » Je me passe la main dans la nuque en signe de malaise : j’ai beau ne pas vouloir m’appesantir sur ce point, je me demande si pour elle le constat est posi

« Alors quoi, on participerait en duo, ou chacun de notre côté ? » - « Je… » Je n’ai pas réfléchi jusque-là. « Qu’est ce que tu voudrais toi ? » Moi, je n’avais même pas envisagé autre chose qu’une participation en solo puisque c’est tout ce que je connais de X-Factor. Certainement aussi parce que je n’avais pas pensé qu’elle pourrait envisager un duo, étant donné l’amertume dont elle a fait preuve à mon égard lors de nos retrouvailles, l’an dernier. « Peut-être. Je peux pas te donner une réponse sans savoir ce que ça veut vraiment dire, je peux pas me lancer dans tout ça sans savoir ce qui va se passer, et si je vais pas me retrouver à faire ce qu’ils ont envie que je fasse juste parce que ça sert tes intérêts. » - « Peut-être, c’est déjà très bien. » Je lui adresse un sourire un peu gauche avant de me lever pour mettre ma tasse dans l’évier, en jeune homme bien éduqué que je suis. « Y’a une heure, t’avais même pas lu le mail. Alors peut-être, c’est déjà un grand pas. » Une sacré avancée en faveur de la cause Sterling, donc.

« Si t’avais vraiment essayé, t’aurais réussi à être là. Me fais pas passer pour celle qui a coupé les ponts, j’en ai marre de tenir le rôle de celle qui fait pas d’effort. » - « J’ai jamais dit que t’avais pas fait d’effort. » Et je ne le pense pas. Je suis en revanche persuadé que me côtoyer est devenu un désagréable rappel de sa défaite. Je pense aussi qu’elle n’a pas manqué de faire des efforts mais qu’elle n’en avait simplement pas envie. Qu’elle a œuvré au contraire pour que je la laisse tranquille et que, mal à l’aise, j’ai jeté l’éponge. Tout devenait si facile à l’époque - le succès, l’argent et les femmes - que me battre est devenu quelque chose de désagréable. Aujourd’hui, je réalise que tout ce qui est précieux ne se ramasse pas sans avoir d'efforts à fournir.

« Tu me poses vraiment la question ? T’as vu ce que je fais de mon temps libre ? » Est-elle malheureuse, Jo ? J’ai du mal à imaginer que ce soit possible, tellement elle se pare toujours de son plus bel air revêche et fier et il est difficile d’envisager qu’elle ait le moindre doute, le moindre regret ou la moindre blessure. A l’époque de l’émission, je pensais être capable de voir au delà de sa carapace, mais j’ai perdu cette prétention il y a des années. « Je te déteste de me faire ça. » - « Je te demande juste de l’envisager Jo. » Sans fierté et sans égo mal placé. « Si tu réalises que c’est trop difficile, je serai le premier à soutenir ta décision. » Et à la soutenir auprès de la chaîne. Je serais déçu, fatalement, mais le mal être qui semble émaner d’elle alors qu’elle s’autorise à être vulnérable - je sais que ça ne durera pas - mais fait l’effet d’une gifle en plein visage.

« J’ai pas mon téléphone sur moi, je regarderai plus tard. » J’esquisse un sourire, conscient d’avoir en partie gagné cette bataille. Elle va garder l’esprit ouvert. « Ça veut pas dire que j’accepte de venir, ou que j’accepte quoi que ce soit d’autre. » - « Ça va de soi. Faut que tu me trouves une place dans ton emploi du temps de ministre. » Quoi que je dise, j’attendrai. Je dirai à la production de l’émission d’aller se faire foutre s’ils me pressent pour une réponse. « Je suis pas sûre d’avoir envie de comprendre quoi que ce soit, c’était il y a longtemps tout ça. » - « C’est toi qui a posé la question. » Je plonge mon regard bleu dans le sien, laisse le silence retomber et, finalement, je me lève et enfonce mes mains dans mes poches. « Je t’enverrai l’adresse. T’auras qu’à m’appeler avant de venir, je ferai en sorte qu’on te laisse monter. » Parce qu’elle viendra, j’ai envie d’y croire.

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/crackshipandcrap)

Il sait qu’il est différent, elle sait qu’il n’est là que parce qu’il y a quelque chose à récolter derrière. Au moins, ils étaient clairvoyants sur ce qu’ils étaient, sur ce qu’ils retireraient de cette conversation qu’elle avait l’impression d’avoir eu des centaines de fois avant, dans ses songes les plus vaporeux. Ses retrouvailles avec lui avait été désastreuses parce qu’il l’avait pris par surprise, alors dans le fond, elle avait espéré que s’ils se revoyaient encore, ils pourraient discuter pour de vrai sans qu’elle ne se sente obligée de se protéger de l’ascendant qu’il avait toujours eu sur elle. Alors, c'était vrai, elle avait fantasmé des répliques à lui cracher à la gueule, des regards noirs à opposer à la douceur du sien… elle se rendait compte que ça avait été une perte de temps de songer à tout ça puisque la réalité était bien différente du point de vue duquel elle avait anticipé les choses à l’époque : c’était lui qui dominait le dialogue à cet instant présent, quand bien même il lui donnait une carte à jouer pour reprendre la main, elle se rendait compte qu’elle n’avait pas envie de le faire parce que ce serait écourter ce moment-ci, et qu’elle n’en avait pas vraiment envie, malgré tous les signaux contradictoires qu’elle lui renvoyait par fierté mal placée.
Jo secoua la tête, la baissant pour suivre les lignes du bois de la table en se traitant de grosse conne de ne pas savoir comment se positionner sur ce qu’elle ressentait vraiment pour lui : aussi bien de l’attirance que de la répulsion, aussi bien du respect que de la jalousie… ce qui lui fit lui répondre, quand il lui demandait comment elle envisageait sa participation, mettant en lice l’idée qu’ils pourraient le faire en duo "J’ai envie de te laminer comme jamais t'as été laminé, Midas." Comme la première fois, aurait-elle pu ajouter, sauf qu’il avait gagné la première fois, alors elle pouvait bien fermer sa gueule, à jouer les challengers de pacotilles tandis que ses yeux ne se décrochaient pas des siens, reflétant une ambition qui lui était propre quand il s’agissait de montrer de quel bois elle se chauffait : et il l’avait sa réponse en vérité, celle qu’elle lui donnerait quand elle accepterait enfin de le rejoindre dans l’aventure, d’être celle sur qui il pourrait compter pour revivre l’expérience de leur vie. Bien sûr qu’elle allait dire oui juste pour avoir la satisfaction de jouir de ce qu’il y avait entre eux, et qui était là, dans l’espace qui les séparait, et qui était si dense que ça la troubla juste assez pour qu’elle batte en retraite et détourne le regard encore une fois.
Dans un sens, il avait eu ce qu’il était venu chercher. Il la connaissait assez pour savoir qu’elle aimait se faire désirer, alors le peut-être qu’elle lui donna, c’était une victoire en plus à ajouter à son palmarès. Elle était putain de prévisible, et autant qu’elle le détestait de lui imposer ce genre de réflexion, autant elle se détestait de ne pas avoir changé autant qu’il semblait avoir changé, le rendant capable de savoir d’avance ce qui se passerait avant même qu’ils échangent un traitre mot. Soudain, elle croisa les bras sur sa poitrine, se protégeant autant de ses propres pensées que du regard de Midas qu’elle sentit posé sur elle après qu’il fut revenu d’avoir débarrassé sa tasse vide, accompagné de ses bons sentiments à la con. Elle ne sut pas quoi lui répondre quand il prétendit qu’il la soutiendrait dans sa décision, et égoïstement, elle finit par lui demander, d’une voix aussi blanche qu’elle était sérieuse "Tu participeras quand même si je décide de refuser leur proposition ?" Du plus profond de son être, elle espérait que non, il ne participerait pas ; parce que ça voudrait dire qu’ils essaieraient de lui mettre une autre concurrente entre les pattes, et qu’elle n’avait pas envie de voir ce que ça donnerait avec une autre. Elle était celle qui lui fallait, rien que pour ça, elle savait d’emblée qu’elle accepterait.

Les yeux de Midas, c’était comme l’aimant auquel elle essayait d’échapper chaque fois qu’elle passait devant, et elle ne mit pas longtemps à les retrouver avec les siens, quand bien même elle garda sa posture défensive, les bras croisés sur sa poitrine, assise sur cette chaise qu’elle ne quitta pas, même quand il le fit de son côté ; elle se retrouva à devoir lever la tête pour le regarder, et elle n’aima pas la position dans laquelle ça la plaçait, quand bien même se lever ne changerait pas grand-chose finalement puisqu’elle était plus petite que lui.
Elle le fit cependant. Moins bien élevée que lui, elle laissa sa cannette de soda vide sur la table, et osa un pas dans sa direction. Sa main trouva le bord de la table pour s’y appuyer, se déhanchant subtilement pour maintenir sa position, quand, la tête penchée sur le côté, elle lui répondit, presque tout bas "Ça prendra le temps que ça prendra." Le fait qu’elle accepte de venir le voir au studio, là où il régnait en maître, là où elle savait qu’elle ne pourrait pas résister bien longtemps, surtout s’il lui proposait de passer en cabine, surtout s’il lui parlait du passé qu’ils avaient partagé, surtout s’il s’obstinait comme il le faisait. Son visage opposé au sien, elle prit un temps inutile pour mûrir l’observation qu’elle fit de ses traits — encore et encore, elle avait du mal à se raisonner sur l’idée de le fixer de cette manière —, et finit par lui dire sans se sentir honteuse de le faire, lui donnant sans doute l’impression de retrouver un peu de la Jo qu'il avait connu — même si avec elle, un compliment cachait bien souvent une saloperie, et ce fût le cas, là aussi "C’est bien que tu sois venu. commença-t-elle, faisant opérer à ses yeux une remontée de son visage pour raffermir le contact de ses yeux avec les siens "Mais j’aurais préféré que tu le fasses de toi-même, et pas en tant qu’émissaire de la production." Parce que c’était avant tout ce qu’il était, à en juger par la détermination avec laquelle il assurait ses intérêts, non ?

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Midas Sterling & @Jo Carter

« J’ai envie de te laminer comme jamais t'as été laminé, Midas. » Pas de participation en duo, donc. Si l’envie de le lui proposer m’a effleurée dès que Jo a évoqué la possibilité, elle s’efface aussi rapidement qu’elle est apparue. Jo est revancharde et, au fond, je me moque de gagner où de perdre. Sa revanche, je veux qu’elle l’ait, parce que j’aurais ainsi le sentiment d’avoir rattrapé en partie un tort que j’ai envers elle depuis des années. Mais mon label me laissera-t-il participer sans la certitude que je remporterai l’édition ? Vont-il se battre avec la production pour quelque chose qui m’a autrefois été offert sans que je ne le désire ? Je suis peut-être naïf, mais pas idiot. Je sais qu’ils ne laisseront rien faire qui pourrait mettre en péril la côte de popularité de leur poule aux œufs d’or, et à cause de mon contrat, je serais pieds et poings liés face à leur décision. « Je préfère ça. » J’esquisse un sourire amusé et pour cause : elle a réveillé mes instincts de compétiteur. J’étais bourré d’esprit de compétition autrefois, avant que ma victoire arrangée ne détruise ma confiance en mon art. Peut-être que cette part aussi de moi-même je pourrais la retrouver, avec une nouvelle compétition bien plus propre et noble. Si je dois gagner, je veux le mériter. Si je dois perdre, au profit de Jo cela va sans dire, je n’accepterai pas que quiconque d’autre qu’elle me ravisse ce qui m’appartient, je l’accepterai avec le sourire.

« Tu participeras quand même si je décide de refuser leur proposition ? » Le son étouffé qui m’échappe ressemble plus à un grognement qu’à une phrase construite. Ce hmpfr, il témoigne du fait qu’elle me pose une question à laquelle je n’ai pas envie de répondre. Par fierté - en partie - mais surtout parce que j’ignore comment elle le prendrait. Jo Carter n’est pas une romantique. Détestera-t-elle l’idée que je fais tout ça pour elle et uniquement pour elle si je l’avoue à voix haute ? Je tranche en faveur de l’honnêteté, je me dis qu’elle ne pourra pas nous faire de mal à tous les deux. « Si tu refuses, leur proposition perdra une bonne partie de son intérêt. » Je me décide pour un entre-deux. Je n’avoue pas que sans elle à mes côtés, je ne participerai pas à l’émission, mais j’en dis à mon sens assez pour qu’elle comprenne que c’est pourtant ce qui se passera.

« Ça prendra le temps que ça prendra. » - « J’ai tout mon temps. » Mon manque d’inspiration et les preuves de son existence disséminées ici et là dans le studio ne vont pas s’envoler d’un jour à l’autre. J’ai cessé d’espérer surmonter le phénomène de la page blanche en claquant des doigts depuis un moment, maintenant. « C’est bien que tu sois venu. » J’ai essayé de venir, Jo, après ma victoire. J’ai essayé d’être là pour toi et l’ami - au moins ça - dont tu avais besoin. J’ai essayé mais je sentais que tu me rejetais et, un jour, je n’ai plus trouvé la force de l’affronter parce que ça me faisait mal. C’est ce que je devrais dire. A la place, mes lèvres s’étirent en un mince sourire. « Mais j’aurais préféré que tu le fasses de toi-même, et pas en tant qu’émissaire de la production. » Je laisse échapper un rire jaune, bref, mais je ne me démords pas de mon sourire d’apparât. « Si tu crois que je suis là en tant qu’émissaire de la production, t’as pas écouté grand chose, Jo. » Mais je ne lui en veut pas le moins du monde pour autant. « Mais c’est pas grave. » J’ai l’habitude : avec la renommé, j’ai découvert beaucoup de choses. Entre autres, le fait que beaucoup pensent que chaque action de ma part est calculée dans le but d’augmenter ma côte de popularité. « T’as le temps de comprendre. » Je me redresse et je tire mon téléphone de ma poche pour l’agiter devant moi. « J’attends ton coup de fil. » J’ai beau avoir envie de la revoir, je n’insisterai pas si je suis le seul de nous deux qui nourrit ce désir. Donner un coup de pouce au destin ne me dérange pas, mais je ne veux pas avoir l’impression que je lui force la main.