Nadia, Olive, Emily… Non. Pas Emily. Mia ? Hum… Archie ne sait plus trop le nom de la troisième. C’est de toute façon la moins jolie de la bande. « Trois, deux, un… » Les quatre avalent leur shooter de gin en même temps. Le garçon ne bronche pas au goût amer et se contente d’observer du coin de l’œil la grimace de Nadia tandis qu’elle s’empêche de tousser. Un sourire malicieux soulève la commissure de ses lèvres et il replace l’une des mèches blondes de la jeune femme derrière son oreille. Ils s’échangent un regard gourmand mais, avant qu’ils ne rapprochent leurs sièges, un homme sur scène annonce que la soirée karaoke va commencer. Les trois amies sautent sur leurs talons. « On y va ! » S’exclame l’une d’elle. Nadia attrape la main d’Archie pour l’inciter à se joindre à elles. Malheureusement, il n’est pas assez bourré pour se laisser trainer derrière un micro. Il veut encore préserver son image alors il refuse gentiment en secouant la tête à la négative, les invite à s’amuser sans lui pour les cinq prochaines minutes, puis ne se gêne pas pour se passer la langue sur les lèvres quand il observe les fesses parfaitement sculptées de sa préférée quand elle s’éloigne de leur table. Y’a pas à dire : les robes des années 80 apportent un charme unique même si leur tissu est moins révélateur. Il laisse place à l’imagination.
Archie, quant à lui, s’est vêtu d’une veste universitaire jaune moutarde et noir. Au bout de ses manches et au niveau de son col : deux rayures blanches qui mettent en valeur le grand C, blanc lui aussi, brodé au niveau de sa poitrine. Pour compléter le look, il a choisi une paire de jeans troués et des convers noirs. Ce n’est pas le genre d’accoutrement qu’il arbore dans la rue mais il n’a pas pu résister de le choisir lorsqu’il a appris que la soirée de ce samedi avait une thématique des années 1980. La veste qu’il porte, elle appartenait à son père, et il l’a déjà mise quand il était adolescent. Il n’a pas beaucoup grandi depuis ses jeunes années et elle lui va encore à merveille. Elle était d'ailleurs trop grande à l'époque. Les coudes en cuir sont un peu effrités mais ce détail la rend encore plus unique.
Au son de Don’t stop belivin’ interprété par trois voix cassées et étourdies, il laisse son attention dévier vers le reste de la salle. Les murs ont été décorés de guirlandes, du plafond pendent des néons roses, turquoise et jaunes qui font briller les verres de tous les clients. Les tables sont toutes couvertes de nappes à carreaux qui rappellent le carrelage des vieilles cantines. Ce n’est effectivement pas le genre d’endroit qui attire un homme comme Archie, qui mise sur le luxe et l’élégance, mais il faut dire que Nadia l’avait bien convaincu. Et puis, il porte toujours sa Rolex en or qui peut rappeler à toutes les occasions qu’il vit une vie de luxe.
Faisant signe au serveur de leur rapporter encore quatre shooters, il plonge sa main dans la poche de son jean pour en sortir son portable. Il le garde éteint pour utiliser son écran comme un miroir ; il replace coquettement ses cheveux noyés sous le gel, s’acharne un instant de trop sur une mèche qui refuse de tenir en place puis il abandonne bien rapidement la lutte. Un homme un peu plus vieux que lui s’excuse en passant derrière lui, le frôlant de trop près, puis Archie serre les dents pour retenir un juron en s’empêchant de le regarder. Il relève aussitôt les yeux vers les trois filles qui décident de lancer une deuxième chanson et qui ne tardent pas à casser les oreilles de toute la clientèle du bar une autre fois.
@Bellamy Shin Voilà pour toi ! Hésite pas à me dire si y'a le moindre soucis.
Dernière édition par Archie Kwanteen le Mar 6 Sep 2022 - 20:58, édité 1 fois
Des gouttes de sueur perlaient sur le front de Bellamy et leur éclat rivalisait avec le maquillage qu’il avait appliqué sur ses yeux - un smoky brun qui se voulait assorti à la tenue tout en subtilité (non) qu’il s’était choisie sous les bons conseils de deux de ses amies. Elles avaient insisté pour qu’il enfile un crop top, argumentant qu’il ne pouvait pas aller en soirée 80s sans en porter, alors Bellamy qui leur avait donné raison sans sourciller arborait avec confiance un tank top noir au logo Lucky Strike, le tout avec un jean large et des sneakers rouges qui juraient terriblement avec ses cheveux roses ramenés en demi-queue.
Loin d’être effarouché par les regards qu’il avait pu croiser, Bellamy s'évertuait plutôt à sourire à quiconque regardait dans sa direction, attendant avec impatience le début du karaoké en jacassant avec entrain avec ses deux copines. Ses iris s’étaient déjà égarés de nombreuses fois sur les personnes présentes dans l’établissement, à ce stade, personne n’avait assez attiré son attention pour qu’il ne veuille aller parler à l’un.e plus qu’à l'autre - excepté peut-être ce brun au bar, celui qui était entouré de filles et n’avait même pas jeté un regard du côté de Bellamy dont le rire s’entendait pourtant de loin.
Il s’en désintéressa un moment et tenta de suivre la conversation sans se perdre toutes les deux minutes dans la contemplation de quelqu’un, d’une tâche sur la table ou l’arrivée de nouveaux fêtards - le lancement de la soirée karaoké réduisit ses efforts à néant et son énergie atteignit un pic brutal. Le cri enthousiaste d’une fille lui fit tourner la tête et il remarqua avec ravissement que les trois copines du brun à l’accoutrement de jock le laissaient pour monter sur scène.
Bellamy laissa passer quelques secondes, le temps que son amie termine ce qu’elle disait et qu’il puisse glisser qu’il avait “some businesses to do,” et il traversait le bar sans aucune hésitation, les yeux rivés sur son objectif.
“Si c’est la mèche qui t’inquiète, tu peux te rassurer, c’est pas elle qui t’empêchera pas de te faire la petite blonde, déclara-t-il, lazy smile on his lips en venant poser ses coudes sur le bar, assez près pour se faire entendre, pas assez pour être qualifié d’envahissant (yet.) Ca fait rebelle,” ajouta-t-il avec un sourire en coin alors qu’il faisait signe au barman de s’approcher. Si on lui demandait, il était venu pour commander, certainement pas pour les beaux yeux de l’inconnu.
Pendant exactement trente-deux secondes, Bellamy feignit l’indifférence, ses iris oscillant entre le barman qui préparait son verre et les filles qui chantaient sur scène ; il reporta son attention sur son voisin et laissa ses prunelles s’attarder brièvement sur lui.
“Elle est super jolie, commenta-t-il en reportant son attention sur scène. Celle en bleu,” précisa-t-il en désignant du menton la brune du trio, surveillant du coin de l'oeil la réaction de son interlocuteur. Bellamy admettait volontiers que the average woman was a hundred time prettier than the average man, ce soir par contre, ce n’était pas l’une d’elles qui avait attiré son attention en premier, or Bella préférait se fier à ses premières intuitions.
Une soirée comme les autres. Archie noiera son cerveau d’alcool ainsi que celui de la plus belle des filles et ils repartiront ensemble chez lui, chez elle ou dans un hôtel, pour jouir l’un contre l’autre en même temps que les hauts le cœur provoqués par l’alcool les embrouillent. Une routine ancrée en lui depuis qu’il est assez vieux pour s’acheter des clopes et des capotes. Le plaisir lors des échanges charnels n’a pas changé malgré tout ce temps : seulement, le retour à la réalité est de plus en plus lourd et rempli de regrets.
Archie sait qu’il s’empêche de s’épanouir. Il l’a su dès qu’il a posé les yeux sur le torse d’un de ses adversaires sur le ring. Il lui a fait regretter sa beauté et lui brisant la mâchoire, d’ailleurs. Il avait même reçu une pénalité après lui avoir balancé un crachat sale à la gueule. Mais il s’en était complètement foutu, l’adolescent, parce qu’il avait fait payer le prix fort à ce garçon qui avait éveillé en lui de nouvelles sensations interdites. Et puis, il avait remporté la médaille alors rien n’avait eu d’importance après le duel. Il avait combattu ses envies, littéralement, et leur avait brisé les os. Juste sous les yeux de son père qui s’était redressé dans son siège en tapant des mains lorsque son fils avait été nommé vainqueur.
Il le rend fier, Charles, et c’est tout ce qui compte. « Si c’est la mèche qui t’inquiète, tu peux te rassurer, c’est pas elle qui t’empêchera pas de te faire la petite blonde. » La voix de l’étranger ne le sort pas totalement de ses rêveries. Il était trop occupé à imaginer les cuisses de la blonde en-dessous de sa robe dorée. « Hum..? » Il bredouille simplement sans regarder son interlocuteur posé au bar. « Ca fait rebelle. » Il lui accorde un regard, lâchant un ricanement mou et le dévisage avec un certain dédain mélangé à de la curiosité. Quel drôle de type. Il ne saurait dire si c’est son maquillage ou ses cheveux roses néon qui lui brûlent le plus la rétine. Malgré tout, il ne peut dénier que ses traits lissés et sa mâchoire arrondie ne le dégoûtent pas complètement. Il détourne ses yeux marins pour les reposer sur la scène, là où ils seront plus en sécurité. « C’est pas le look que je cherche. Mes compagnes préfèrent les mecs propres. » Il assume, évidemment. Il ne leur a jamais demandé. Il se contente de penser qu’il plaît à toutes les filles du monde parce qu’il est né avec ce don, ce charme, qui a fait son succès. Derrière sa barbe, il se permet de lâcher un « peut-être pas aussi propre que toi » qu’il balaie du revers de la main comme si jamais le commentaire n’avait échappé ses lèvres. Avec un peu de chance, la musique a avalé ses propos déplacés.
« Elle est super jolie. » Il hausse un sourcil et attend la suite qu’il obtient rapidement. « M’ouais. Je suis plutôt fixé sur la blonde. » C’est celle qui rit le plus à ses mauvaises blagues, d’ailleurs. Elle a aussi l’intention de terminer la nuit avec Archie ; elle lui a glissé plusieurs coups d’œil entendus. « Tu peux garder l’autre si tu veux. Ça fera une déception de moins ce soir. » Il plaisante en levant son verre à l’intention de l’asiatique avant de le gober d’une traite, toujours sans grimacer, parce qu’Archie est bien trop fort pour laisser l’alcool lui faire tourner la tête. « Pour l’autre, on peut pas faire des miracles. » Il termine après s’être raclé la gorge pour dissimuler un rire amusé et cruel. Et, sans vraiment s’en rendre compte, il passe ses doigts dans sa chevelure pour briser sa perfection métallique, libérant d’autres mèches qui viennent couvrir son front ici et là comme des stalactites.
Bellamy comptait passer une bonne soirée, ce que ce soit avec ses amies, des gens avec qui il sympathiserait au détour d’un passage aux toilettes ou avec une conquête pour la nuit - son objectif était de s’amuser d’une manière ou d’une autre et probablement que le brun qu’il avait remarqué ferait l’affaire pour un peu qu’il saisisse ses intentions et y soit réceptif.
Bellamy ne les cachait même pas vraiment, le compliment perceptible dans la taquinerie innocente (non) alors qu’il détachait ses yeux de l’homme pour ne pas (trop) en dévoiler. De toute façon, l'inconnu semblait plus occupé à mater les filles qu’à le regarder lui ; Bella en profita pour tirer sur l’épaule de son top et le remonter légèrement sur son nombril.
“C’est pas le look que je cherche. Mes compagnes préfèrent les mecs propres.”
Scoff. Tout le monde savait que le look bad boy faisait l’unanimité, à l’inverse du style jeune premier qui n’était bon qu’à séduire les gosses de riche en quête d’un bon parti à présenter à papa et maman.
“Dommage, souffla-t-il, ça allait bien avec le style, conclut-il avec un mouvement de menton en direction de la veste de fraternité, ça te va bien tout court, implicité. Son sourire en coin ne le quitta pas même lorsque le commentaire marmonné lui arriva entrecoupé par les voix des chanteuses du karaoké. Bellamy le laissa entrer par une oreille et ressortir par l’autre comme la plupart des remarques désobligeantes qu’il avait pu entendre au cours de sa vie - celles qui concernaient son style vestimentaire ou son orientation sexuelle étaient de loin les moins blessantes.
En attendant, Bellamy semblait avoir misé sur le mauvais parti et ses amies allaient probablement se moquer de lui pour le reste de la soirée s’il revenait bredouille si rapidement. Il reporta son attention sur les trois filles, sachant bien qu’aucune ne lui plaisait vraiment aussi jolies soient-elles.
“M’ouais. Je suis plutôt fixé sur la blonde.”
Fair enough. Bellamy préféra dévisager l’homme que le sujet de la discussion. “Tu prends pas de risques,” rétorqua-t-il, challenge perceptible dans la voix. Il avait eu beau regarder dans leur direction très peu de fois, cela lui avait suffit à voir que la blonde était toute disposée à jouer le jeu. C’était presque trop facile, même pour un homme.
“Tu peux garder l’autre si tu veux. Ça fera une déception de moins ce soir.”
Bellamy suivit des yeux le mouvement du verre levé dans sa direction puis porté aux lèvres ; white cismen, pensa-t-il très fort en se retenant de secouer la tête avec dépit. Il n’en perdit pas pour autant son sourire, appuyant plutôt sa joue dans la paume de sa main alors que son verre se faisait attendre.
“Pour elle ou pour moi ? s’enquit-il, pas certain de ce l’autre entendait par là sans pour autant que cela ne fasse flancher sa nonchalance caractéristique ni son sourire tranquille. Le serveur posa son cocktail devant lui, Bellamy paya et leva brièvement son verre, rivant ses pupilles à celles de son interlocuteur. A ma non déception,” lança-il avec un rictus insolent alors qu'il avalait une longue gorgée. Et de reposer son verre à côté de lui.
Bellamy reporta ses iris sur la scène où se produisait encore le trio, “pour l’autre, on peut pas faire des miracles.” Son attention revint sur l’homme ; pas vraiment amusé par la remarque, il détailla le geste qui libéra d’autres mèches de cheveux noirs et vint parfaire le look de bad boy juste comme Bellamy l’aimait.
"Jsuis sûr qu'elle est gentille, répondit-il avec un haussement d’épaules. Probablement qu’elle avait aussi tout un tas d’autres qualités, de toute façon, attaquer sur le physique était nul et non avenu. White cismen, pensa-t-il encore, presque déçu que son premier choix pour la soirée se révèle être un vrai bad boy et pas un bon comédien qui n’aurait pas été intéressé que par la jolie blonde sur l’estrade - mais sur un malentendu ... Bellamy le regarda à nouveau, repensa à cet instinct qui l'avait poussé à venir parler à ce mec là en particulier. Peut-être que son gaydar s'était seulement laissé avoir par une belle gueule (erreur de débutant), ce serait décevant. T'aurais sûrement gagné des points en allant chanter avec elle," commenta-t-il négligemment en reprenant son verre pour agiter le liquide rouge qu'il contenait, son regard s'attardant un instant sur l'homme avant qu'il ne reprenne une gorgée de cocktail.
« Dommage, ça allait bien avec le style. » Ah bon ? Vraiment ? Archie hausse un sourcil en interrogeant du regard l’étranger à la chevelure licorne puis il entrouvre les lèvres avant de s’empêcher à la dernière seconde de le remercier. Il se contente de passer sa langue sur ses dents pour ravaler les mots qui le chatouillent. Heureusement, il n’est pas du genre à rougir pour si peu. Il arbore même sans problème son air de je-m’en-foutisme qui le caractérise si bien quand il veut faire comprendre qu’il n’a pas de temps à perdre avec des gens qui ne l’intéressent pas. Et, pourtant, il continue à lui parler comme si ça l’amusait de frôler les limites des possibilités. Ce sont les consommations qu’il a absorbées sans compter qui ont chassé le naturel ; toujours blâmer l’alcool quand c’est nécessaire de le faire.
Mais, ce qui devait arriver n’arrive pas et le jeune homme commente son intérêt pour la brune qui se casse les cordes vocales derrière le micro. C’est avec un ton surpris qu’il entre dans son jeu et lui fait savoir qu’il a plutôt tout misé sur la blonde. « Tu prends pas de risques. » Un sourcil intrigué s’hausse et Archie dévisage le garçon de bas en haut, ne laissant pas ses yeux tarder à la hauteur de son ventre partiellement dévoilé. « Qu’est-ce que tu racontes ? » Il souffle derrière un sourire atteint. « Je peux choper n’importe quelle femme dans ce bar, crois-moi. » Il se permet de préciser, comme une vanterie, une provocation, alors qu’il lâche un gloussement ennuyé. Sa posture sur sa chaise se fait un peu plus ramollie quand il ajoute : « J’ai choisi la blonde parce que c’est elle qui me plaît le plus. Cherche pas plus loin, Rose Bonbon. » Un surnom qui pourrait presque paraître affectueux s’il n’avait pas été accompagné d’un roulement d’yeux. « C’est moi qui serais surpris si tu arriverais à sortir d’ici avec la brune. » Il renchérit pour lui renvoyer la balle. Perché dans le haut de son château qui surplombe la Terre entière, il croit encore que les standards de beauté masculins tournent autour de ses cheveux mi long, sa barbe soignée et l’odeur de testostérone qui s’émane de son cou découvert. Une vraie publicité de Axe ambulante. « Pour elle ou pour moi ? » Pour les deux, en fait. Mais il ne prend pas la peine de lui répondre, se contentant de lui faire un signe de tête discret quand il trinque à son tour. Inutile de faire un pas en sa direction ; il n’a pas envie d’être son ami. C’est pour son bien – mais surtout pour le bien de ses parents qui ne supporteraient pas de voir un garçon vêtu ainsi sans se chuchoter des remarques désobligeantes dans les oreilles. Archie a appris des meilleurs.
« Jsuis sûr qu'elle est gentille. » Ouais, bon, ce n’est pas trop la gentillesse qui l’intéresse. Le millionnaire n’a pas beaucoup d’amis. Ses relations sont limitées. Il s’est mis dans la tête que personne ne pourrait réellement s’intéresser à lui, que c’est son portefeuille qui appâte les gens, qu’il ne sera jamais rien d’autre. Et, pourtant, Licorne ne sait pas qu’il est venu à la rencontre d’un homme qui pourrait acheter une île et lui donner son nom. Les trois filles, c’est une autre histoire. « T'aurais sûrement gagné des points en allant chanter avec elle. » Il s’esclaffe sans prendre la peine de cacher sa bouche avec un verre ou sa main. Un soupir amusé dégonfle ses poumons : « Ou, au contraire, je lui aurais brisé les tympans et elle aurait fait un tour à l’hôpital plutôt que chez moi. » Archie se croit le meilleur dans de nombreuses choses mais il est assez lucide pour se rendre compte que sa voix ne s’harmonise avec aucune mélodie. Ses forces sont ailleurs.
Et la scène devient silencieuse, les trois filles redescendent sur Terre puis… tournent des talons pour disparaitre dans la foulée. Ah. Elles vont certainement à la toilette. Elles vont revenir. Un rictus embarrassé retrousse le nez d’Archie. Il force un ricanement pour cacher son inquiétude derrière une assurance fausse. « Oh, les filles. Elles doivent toujours aller à la toilette ensemble. T’as remarqué ? Je me demande bien ce qu’elles dont, là-bas. » Le serveur lui apporte enfin son sixième shooter qu’il avale de la même façon que les autres.
@Bellamy Shindésolée pour la vitesse, je m'amuse trop
A lazy smile on his lips, Bellamy regarda celles de l’homme s’ouvrir puis se refermer sans en tirer plus de conclusions que celle qu’il lui avait coupé le sifflet. Cela lui fit plaisir, il était toujours plus agréable quand les compliments n’étaient pas balayés d’un revers de la main.
Enfin l’autre homme prit la peine de le regarder et Bella se sentit plus léger, certain qu’il était que son apparence attirerait l’attention de l’inconnu si le petit jeu auquel ils jouaient depuis peu ne l’avait pas encore fait. “Qu’est-ce que tu racontes ? Bellamy prit un air innocent en soutenant le regard de son interlocuteur. Je peux choper n’importe quelle femme dans ce bar, crois-moi”
“J’en doute pas une seconde, répondit-il, son regard s’attardant un instant de trop sur les traits charmants de celui dont il n’avait toujours par le nom. Et même pas que les femmes,” ajouta-t-il en détournant les yeux l’air de rien pour observer le travail du barman.
“J’ai choisi la blonde parce que c’est elle qui me plaît le plus. Cherche pas plus loin, Rose Bonbon.”
Bellamy trouvait louche le besoin qu’avait l’autre de lui prouver qu’il n’avait pas fait le choix de la simplicité ; le danseur se félicita d’avoir apparemment trouvé le corde sensible (rien de bien compliqué, il s’agissait juste de l’égo masculin), un sourire narquois au coin de ses lèvres alors que son attention se reportait sur son vis-à-vis. “Bellamy, corrigea-t-il au surnom. Non mais je t’embête, elle est très bien ta blonde,” concéda-t-il finalement avec une pointe de sarcasme et beaucoup d’amusement. Finalement il n’avait pas perdu son temps, leur petite discussion était au moins aussi divertissante que le récit des aventures de ses amies.
Et il put récupérer son verre qu’il leva en son propre honneur, décochant un joli sourire lorsque l’autre hocha la tête dans sa direction. Cela aurait pu sonner le moment de son départ mais l’homme allait un peu trop dans le sens de Bellamy pour que celui-ci se résolve à lâcher l’affaire si tôt. Il continua la conversation, vaguement surpris d’entendre l’autre s’esclaffer comme s’il venait de dire une blague hilarante. “Ou, au contraire, je lui aurais brisé les tympans et elle aurait fait un tour à l’hôpital plutôt que chez moi.”
“Hmm, commença-t-il autour d’une gorgée de sa boisson. Mais finalement, venir pour un karaoké sans vouloir chanter c’est un peu comme aller à un concert où aucun des artistes a de talent, c’est perdre son temps,” pas comme discuter avec lui pour ne pas entendre le MC négocier avec les nouveaux participants le prochain son qu’ils souhaitaient chanter.
Et maintenant, l’homme semblait plus intéressé par ce qu’il se passait derrière Bellamy que par Bellamy lui-même. Celui-ci jeta un oeil par dessus son épaule et vit les trois filles disparaître dans la foule. C’était un bon point pour lui. Il reporta son attention sur son interlocuteur. “Oh, les filles. Elles doivent toujours aller à la toilette ensemble. T’as remarqué ? Je me demande bien ce qu’elles dont, là-bas.” Il haussa les épaules, plutôt désintéressé par la question dont il connaissait déjà la réponse pour l’avoir déjà demandée aux principales intéressées.
“C’est toujours dans les toilettes qu’il se passe les meilleurs trucs,” répondit-il avec le détachement habituel et un nouveau sirotage de cocktail. Il laissa l’implication couler sans rien ajouter de plus, laissant à l’autre le loisir de décider s’il parlait juste des discussions à cœur ouverts avec des inconnu.e.s dans la file d’attente pour les wc.
Tout est une compétition. Archie a été conditionné à imaginer des podiums partout où il s’implique. Il veut grimper jusque dans le haut et cracher sur ceux en bas qui ne connaissent pas la réussite comme la lui connait. Il veut aussi arracher la médaille des mains du juge pour s’en parer lui-même. Il n’a besoin de personne. Il est maître de sa propre vie et, s’il doit piétiner les autres pour se retrouver en premier rang dans la course, il le fait sans hésiter. Éduqué avec de telles valeurs, il était obligé de devenir l’homme qu’il est aujourd’hui. Et l’homme qu’il est n’a qu’à claquer des doigts pour que la femme dans son point de mire se pende à son cou (ahahahahahahah). Que celui qui en doute aille se jeter en bas d’un pont. « J’en doute pas une seconde. » Parfait. Une victime de moins ce soir. « Et même pas que les femmes. » Ou pas ?.. Cette fois, le visage d’Archie se referme un peu, ainsi que sa poigne autour de son verre vide. Il fixe la table avec la concentration d’un guépard qui traque une gazelle. Le rythme de son cœur s’accélère et il se refuse de voir la vérité en face. Plutôt l’ignorer et faire comme s’il n’avait pas entendu. Cet étranger n’est pas en train de le draguer. Non. Il fait tout en son pouvoir pour cacher la lumière rose au fond de son ventre, là où personne ne pourra l’apercevoir. Par conséquent, il n’attire pas les hommes, seulement la jolie blonde. Il vaut mieux parler de cette dernière, d’ailleurs, plutôt que de laisser le silence peser plus longtemps sur lui. « Bellamy. » Qu’importe. Ils ne se reverront plus jamais une fois qu’Archie lui aura bien fait comprendre qu’il n’a pas intérêt à…
À…
À… Quoi déjà ?
Eum. Pourquoi ne s’est-il pas déjà dressé sur ses jambes pour lui coller une droite en plein milieu du visage et faire saigner son nez ? Pratique, d’ailleurs, que ses godasses soient déjà rouges.
Frisson. Nouveau shooter commandé au barman qui a fait de lui son client préféré puisqu’il ne prend jamais la peine de limiter les pourboires. « Non mais je t’embête, elle est très bien ta blonde. » Seulement maintenant il repose ses yeux sur son interlocuteur et il acquiesce, le regard entendu. Il s’empêche de trop le regarder parce qu’il a beau lutter contre son attirance envers la gente masculine depuis qu’il a affronté sa puberté, il se connait assez pour savoir que son masque est fragile comme la fine couche croquante qui recouvre une crème brûlée. S’il se savait réellement maître de tous ses gestes, la situation actuelle ne le mettrait pas dans un tel état. Il doit se concentrer, maintenant, et justement les filles terminent leur chanson pour mieux… fuir à la salle de bains. “C’est toujours dans les toilettes qu’il se passe les meilleurs trucs,” Il roule des yeux, passe sa carte de crédit au-dessus de la machine et récupère sa (sixième ?) consommation. « Ah ouais ? Bah elles ont oublié de venir me récupérer avant d’aller pratiquer les meilleurs trucs, comme tu dis. » Il ricane mollement, sentant lentement l’assurance lui quitter la poitrine. Ce ne serait pas la première fois qu’une fille lui fausse compagnie ainsi. Malgré tout, il continue à se trouver des raisons pour expliquer ces malentendus. Elle est malade. Elle a reçu un appel important de l’hôpital. Son chien est mort.
Il devrait se lever et partir à son tour. Laisser Rose Bonbon stagner seul au comptoir. Ce serait plus prudent. Mais alors, pourquoi ne le fait-il pas ? Les minutes s’écoulent et les espoirs de l’actionnaire se décomposent pour ne devenir que poussière. Ses compagnes ne reviendront pas. Trois chiens ont rendu l’âme ce soir. « Tu serais pas venu avec des copines, par hasard ? » Il reprend en haussant les épaules. « T’sais, celles qui t’ont fait ton maquillage et teint tes cheveux entre deux épisodes de La petite maison dans la prairie. » Certes, le propos est désobligeant mais, ce qui est plutôt étrange, c’est qu’il n’est pas exprimé avec du dégoût. Seulement avec une tinte d’amusement, de moquerie légère. Encore une fois, et Archie sera le premier à le dire et à insister : s’il n’avait pas la tête qui tourne à cause de l’alcool, il aurait quitté depuis longtemps le bar pour préserver sa carapace.
Il n’avait pas choisi l’homme le plus loquace du bar, Bellamy avait même l’impression qu’il parlait moins qu’au début et il s’interrogea brièvement sur ce qu’il avait pu dire de si terrible. Bellamy l’observa commander un nouveau verre, s’arrangea pour détendre l’atmosphère et enfin, l’autre homme sembla reporter son attention sur lui. C’était mieux comme ça, Bellamy détestait être ignoré.
Ou peut-être qu’il allait juste être laissé en plan maintenant que la voix des filles s’était éteinte, remplacée par celle du MC de la soirée. Bellamy jeta un oeil en arrière là où elles disparurent en abandonnant leur ami (triste pour lui, beaucoup moins pour Bella) avant que ses pupilles ne reviennent se poser sur son interlocuteur qui posait des questions idiotes.
“Ah ouais ? Bah elles ont oublié de venir me récupérer avant d’aller pratiquer les meilleurs trucs, comme tu dis.”
“Ca c’est parce qu’elles ont jamais eu besoin de mecs pour s’amuser,” l'informa-t-il avec un sourire amusé.
Bellamy avait compris ça en suivant des pages féministes et lgbt ; peut-être qu’il devrait relayer les infos à ceux qui ne les avaient pas encore eues - il verrait ça plus tard, ce soir n'était pas propice à l'éducation.
“Tu serais pas venu avec des copines, par hasard ? T’sais, celles qui t’ont fait ton maquillage et teint tes cheveux entre deux épisodes de La petite maison dans la prairie.”
"Sois pas jaloux, je te fais le même makeup la prochaine fois si tu veux, rétorqua-t-il avec un sourire narquois. La pique avait encore une fois eu très peu d’impact, Bellamy la voyait presque comme une preuve que son maquillage était réussi et que ses cheveux étaient remarquables. Il conserva son sourire tranquille et passa à autre chose pour plutôt jeter un oeil derrière lui à la table où ses copines discutaient toujours ; il les désigna d’un signe du menton. Elles sont là-bas, répondit-il, sourire en coin et prunelles revenant sur son interlocuteur dont le nom lui restait inconnu, à son grand désarroi. Mais elles jouent dans ton camps, elles aussi c’est les copines des gens qui les intéressent.”
Il reposa son menton dans sa main, se dit qu'il était vraiment dommage que l'autre ait l'air si certain de jouer dans le même camps que ses amies. Vingt secondes après s'être installé, il se redressait avec une nouvelle idée : "Tu fais un shot avec moi ?" lança-t-il alors même que son verre était encore à moitié plein. Il n'attendit pas de réponse et commanda deux shooters, un pour lui, un pour son voisin qui ne semblait pas s'être mis de limite de consommation pour la soirée. Pour un peu, Bellamy aurait proposé un tequila paf mais il doutait d'être bien reçu, le shot de jagger semblait plus pertinent pour ne pas le froisser.
Il voit où la discussion le mène. Il le sent, le piège qui se referme autour de lui. Il sent les barres en métal doucement mais sûrement broyer ses os mais il n’essaye pas de s’échapper. Il devrait sentir la douleur et pourtant cette dernière le caresse dans le sens des poils.
Oui, Rose Bonbon le drague. Il n’est pas assez con pour ne pas le remarquer. Il voit ses regards furtifs, ses lèvres qui s’entrouvrent parfois un peu trop longtemps avant qu’il ne porte son verre à celles-ci. Il y a trois raisons qui l’empêchent de se jeter sur lui pour lui casser les dents. La première : il ne fait jamais la sale besogne lui-même. La seconde : il a perdu une amie la dernière fois qu’il s’est montré trop fermé et effronté. La troisième : Bellamy ne l’a pas approché en sachant qu’il est riche. Il ne connait rien de son statut, seulement que les cheveux rebelles collent bien à son style vestimentaire actuel. Et, des gens qui le complimentent en ayant pas l’intention de glisser leur main dans son portefeuille, ça n’arrive jamais. Archie ne peut pas se résoudre à tout ruiner comme il l’aurait fait autrefois.
Mais ce n’est pas parce qu’il n’a pas l’intention de faire saigner le jeune homme qu’il entre trop facilement dans son jeu. S’il ne se ferme pas complètement, il n’est pas réceptif. Pas vraiment. Il détourne les yeux à la moindre occasion, ferme même les paupières de temps en temps, ne relance pas, n’offre pas son prénom ni la moindre information à son sujet. Même, il continue à mentionner les filles qui l’accompagnaient avant alors que ces dernières ont disparu. « Ca c’est parce qu’elles ont jamais eu besoin de mecs pour s’amuser. » Sa mâchoire se serre mais, quand il le remarque, il fait l’effort de la détendre. Non, Archie n’est pas ce genre de mec qui fantasme à l’idée d’imaginer deux filles ensemble. Il pense que c’est tout aussi mal que deux garçons qui se tiennent la main. Ce n’est pas comme ça que ça devrait fonctionner. À force de faire tourner en boucle cette idée dans sa tête, il a réussi à se convaincre. Ses parents ont raison. Il trouvera une femme, se mariera avec elle et ils auront des enfants. Même si l’idée ne l’a jamais fait rêver, il se dit qu’un jour viendra et il se réveillera avec l’envie de fonder une famille. Il n’est simplement pas encore prêt…
« Sois pas jaloux, je te fais le même makeup la prochaine fois si tu veux. » Il mériterait pourtant de se faire casser le nez…
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« Hilarant. » Il marmonne sans le regarder, l’air détaché, même absent. Quand Bellamy désigne enfin ses copines, il tend le cou pour mieux les analyser mais ses espoirs sont rapidement détruits par la prochaine précision qu’apporte le jeune homme. « Mais elles jouent dans ton camps, elles aussi c’est les copines des gens qui les intéressent. » Super. Il est entré par erreur dans un bar LG… T… BT truc… ou quoi ? « J’éviterai d’aller me ridiculiser, alors. » Inutile de les insulter. Il ravale ses jugements. « À moins qu’elles soient toutes les deux intéressées à tester de nouvelles choses. » Là, il parle de lui. Non, deux filles ensemble ça ne l’excite pas, mais deux femmes qui s’occupent de lui, c’est autre chose. Hypocrite et macho, vous dites ? Il ne l’a jamais caché.
« Tu fais un shot avec moi ? » Non. « M’ouais. Pourquoi pas. » Ah, ce n’est pas ce qu’il devait dire. Tendant la main verre sa consommation, il est bien obligé d’approcher légèrement son tabouret de Bellamy pour se joindre à la buverie. Du bout du nez, il flaire son parfum et s’empêche de trop l’avaler. Il remplit plutôt son estomac du énième shooter et, cette fois, seulement cette fois, son visage se déchire : « Pouah. C’est quoi ce truc ? » Question rhétorique. Il n’a pas besoin de savoir ce qui lui a piqué la gorge et retourné l’estomac. Le lendemain sera difficile.
« Au fait. » Archie bredouille, toujours en fixant tout sauf Rose Bonbon. « Tu sais que tu perds ton temps, pas vrai ? » Il fallait peut-être lui rallumer sa lanterne avant qu’il ne fasse un fou de lui. « T’as bien vu que je suis venu ici avec l’intention de repartir avec une meuf. » Alors pourquoi perdait-il lui-même son temps avec Bellamy s’il n’avait pas le moindre intérêt ? Voici un mystérieux mystère.
Bellamy était persévérant mais il savait généralement très exactement quand il franchissait les limites de l’acceptable - souvent, il s’amusait à ignorer lesdites limites, ce soir la situation ne s’y prêtait pas tellement, question de sécurité et de respect (et d’intérêt, parce que qui savait s’il n’obtiendrait pas ce qu’il voulait en feignant de ne pas le vouloir.)
Bella étudia les traits de son interlocuteur lorsque celui-ci détourna (encore) les yeux, il n’en perdit pas pour autant son air malicieux quand bien même l’autre homme n’avait pas eu l’air d’apprécier la remarque. Bellamy ne la regrettait, ce n’était que la vérité. Il ne regrettait pas non plus sa vanne qui lui valu le “hilarant” le plus froid qu’il ait jamais entendu, n’en perdit pas même son sourire en coin que l’autre ne voyait même pas puisqu’il ne le regardait toujours pas. Bellamy avait déjà décidé de penser que c’était parce qu’il le troublait ; de toute façon, il ne voyait pas d’autre explication au phénomène pour le moins intriguant.
“J’éviterai d’aller me ridiculiser, alors. À moins qu’elles soient toutes les deux intéressées à tester de nouvelles choses.”
Pourquoi aller chercher plus loin ce qu’il avait à côté de lui - Bellamy s’abstint de faire le commentaire à voix haute et ne releva pas, se contentant de siroter son cocktail en attendant que l’attention se reporte sur sa personne. Un court moment de battement plus tard, il provoquait sa chance comme un grand et proposait un verre. Son sourire s’étira d’une oreille à l’autre lorsqu’il obtint une réponse positive (avec un manque d’entrain certain qu’il n’eut aucun mal à ignorer.)
Quel ne fut pas son ravissement lorsque l’autre homme se décala vers lui (la manœuvre était inespérée) ; Bella lui fit passer son shot en lui décochant au passage la risette la plus charmante de sa panoplie, et il vida son propre verre sans pouvoir retenir le froncement de nez qui accompagna la dégustation.
“Pouah. C’est quoi ce truc ?”
La réaction arracha un rire franc à Bellamy. “Du jagger, répondit-il. Pourquoi, tu bois quoi d’habitude ?” et il reposa sa joue sur sa main, les yeux toujours rivés sur son interlocuteur dont il cherchait le regard sans le trouver. Il ne lui facilitait pas la tâche mais Bellamy était doué pour jacasser tout seul, ce n’était pas parce qu’on refusait de le regarder et était avare en paroles qu’on allait le rebuter.
“Au fait. Bellamy se redressa légèrement, témoignage de tout l’intérêt qu’il portait à ce qui allait être dit. Tu sais que tu perds ton temps, pas vrai ?T’as bien vu que je suis venu ici avec l’intention de repartir avec une meuf.” Un nouveau rire échappa au danseur dont le regard s’attardait toujours sur le visage détourné qu'on lui présentait. L’autre homme insistait tant sur son hétérosexualité que Bella ne pouvait pas ne pas penser qu’il compensait autre chose - même le regard qu’il lui soustrayait depuis le début de leur discussion l’amenait à penser qu’il le mettait mal à l’aise, maintenant, ne restait qu’à déterminer si c’était positif ou négatif. Bellamy penchait pour la deuxième option ; l'inconnu avait eu toutes les occasions de l'envoyer bouler, pourtant, il n'en avait rien fait.
“Ca j’aurais pas pu le louper, rétorqua-t-il, l’amusement flottant dans sa voix. Puis qu’est-ce qui te dit que je suis pas juste venu pour parler ?" Cela venait peut-être du regard qu’il posait sur l’autre homme ou de sa manière de se tenir et de battre des cils - il n’aurait pas besoin de trop se creuser la tête pour trouver une excuse à son comportement, rien que l’alcool ferait l’affaire.
« Du jagger. Pourquoi, tu bois quoi d’habitude ? » Il ne se rend même pas compte qu’il est en train de faire la discussion. Il répond parce qu’il aime parler de lui. Il est le centre du monde alors il peut bien en profiter pour étaler sa vie sur le comptoir du bar. Tout ce qu’il dit intéresse tout le monde, et il n’a aucun intérêt à entendre ce que les autres ont à dire. À force de se persuader que c’est le cas, il a réussi à s’en convaincre et, pour capter l’intérêt d’Archie, il faut longuement travailler. « J’étais sur le gin avant que tu débarques. » Et c’était lui qui avait choisi la boisson parce qu’il tient les rênes. Dommage que toutes celles qu’il conduisait jusqu’au paradis se sont échappées par la porte arrière. Elles ne savent pas ce qu’elles manquent.
Un premier hoquet contracte sa gorge et un ricanement suit : les deux alcools se rencontrent dans son estomac et ne sont pas de bons amis. Ils devront apprendre à cohabiter. Il voit déjà les regrets à l’autre bout de la salle et pourtant il ne fait rien pour les éviter. Il les regarde dans le blanc des yeux comme une proie qui défit son prédateur, tête et dos droits, cornes bien aiguisées et sabots limés. Il est confiant que l’alcool ne prendra pas le dessus sur lui. Il la bat à tous les coups ; sauf les fois où il oublie la soirée. C’est arrivé combien de fois ? Deux ? Trois ? Dix ? Vingt ? Dieu sait ce qu’il a bien pu faire lors des longs blackouts.
Mais, comme s’il craignait de rencontrer le vingt-et-unième blackout, il s’assure de présenter la frontière à ne pas dépasser. Il n’est pas intéressé par Bellamy (qui essaye-t-il de convaincre, cette fois ?) et ce dernier ne tirera rien de cet échange. « Ca j’aurais pas pu le louper. » Tant mieux, alors. Il ressemble encore à un hétérosexuel. C’est déjà un bon début pour celui qui s’efforce d’être le plus mâle des mâles dans l’espoir de le devenir réellement un jour. Seulement, il ne remarque pas son talon qui s’agite au sol et ses ongles qui ne tapent pas au rythme de la musique à chaque fois qu’un silence s’installe entre les deux hommes. « Puis qu’est-ce qui te dit que je suis pas juste venu pour parler ? » Il ne peut retenir le pouffement qui s’échappe par ses narines et il regarde Rose Bonbon du coin de l’œil. « Unh unh. » Il commence pour lui faire savoir qu’il n’est pas aussi naïf qu’il peut le croire. Il n’est pas tombé sur un novice de la drague, au contraire. Il connait toutes les techniques, tous les regards, tous les mots, tous les gestes. Il les a appris, les a religieusement notées dans un calepin quand il était gamin, parce qu’il voulait devenir le meilleur le plus rapidement possible. Sa vie a été sculptée par son désir de plaire et d’obtenir. Entre deux devoirs de maths, il jetait des regards aux filles pour voir leurs réactions à chacun d’entre eux. « Tu es venu te faire un ami ? » Hélas, il ne peut pas être qualifié ainsi. Toutes ses amitiés, il les ruine. C’est plus fort que lui. Il met la faute sur les autres parce qu’il est incapable d’admettre qu’il est un faux cul, même s’il est au courant depuis toujours. Après tout, c’est lui-même qui a choisi le masque qu’il porterait. « Je ne veux pas te décevoir mais tu n’es pas tombé sur la bonne personne pour ça. » Il reprend. « C’est pas ma tasse de thé, les amis. » La fin de sa phrase s’évapore en crescendo alors qu’il peine à prononcer le dernier mot. Autumn. Jo. Il est tellement con. Ses lèvres s’entrouvrent et il appuie sur ses paupières avec ses pouces pour se garder sur Terre. Il s’arme d’humour pour reprendre le contrôle de ses émotions chamboulées par l’alcool : « Je crois que je tuerais pour une clope, là. » Sa façon de dire qu’il va aller prendre l’air. Il glisse sa main dans la poche de sa jacket et en sort son paquet de cigarettes dans lequel il trouve deux bâtonnets de poison. Il déglutit, expire doucement, et se jure qu’il n’aurait pas fait ça s’il était à jeun : il extirpe une première clope et tend la seconde à Bellamy, sourcil relevé par l’interrogation. Tu fumes ou pas ?
“J’étais sur le gin avant que tu débarques.” Il y avait presque du progrès dans leur échange, Bellamy s’en satisfit.
“Fancy,” commenta-t-il en prenant une gorgée de sa propre boisson. Il se demandait encore s’il devait se retirer, si sa présence était gênante ou pas - l’inconnu ne lui avait pas demandé de partir mais il ne semblait pas non plus vouloir discuter ; Bella décida qu’il ne faisait pas de mal et resta exactement où il était.
Il réussit à arracher un rire à son interlocuteur, cela fit naître un sourire ravi sur ses propres lèvres et il haussa les sourcils. “Quoi ? rétorqua-t-il sur un ton taquin. Ca aurait pu. Ca aurait pu mais ce n’était pas le cas, dommage que ça ait été si évident. J'aime bien rencontrer des gens."
“Tu es venu te faire un ami ?”
Non. “Exactement,” et il flasha un grand sourire de ceux qui raflaient le cœur de la plupart de ceux qui le recevaient.
“Je ne veux pas te décevoir mais tu n’es pas tombé sur la bonne personne pour ça. C’est pas ma tasse de thé, les amis.”
Il était mignon, Bellamy avait envie de lui tapoter l’épaule en lui assurant que ça ne pouvait pas être vrai, que tout le monde pouvait se faire des amis parce qu'il suffisait de trouver les bonnes personnes.
“On peut changer ça si tu veux, dit-il, son sourire retrouvant sa nonchalance plus caractéristique. Et puis la risette s’effaça alors que ses iris se faisaient inquiètes. Ça va ?” Bella supposa que l’autre homme avait trop bu, espéra par la même occasion qu’il n’allait pas vomir. Il attendit patiemment que l’inconnu enlève ses mains de son visage pour l’observer à nouveau à la recherche de tout signe de mauvais augure.
“Je crois que je tuerais pour une clope, là.”
Bellamy ne savait pas si cela sonnait le moment pour lui de partir, il sirota la fin de son verre et le reposa sur le comptoir une fois certain qu’il ne restait que la glace pilée. Lorsqu’il releva les yeux vers l’inconnu, ce fut pour le voir sortir un paquet de cigarette et lui en tendre une. Bella secoua la tête. “Non, je fume pas, dit-il, se retenant d’exprimer ce qu’il pensait de la consommation de tabac et de ses effets. Par contre je veux bien t’accompagner,” et juste comme ça, il récupéra sa petite risette signature, prêt à aller dehors ou au fumoir ou n'importe où où l'autre homme déciderait de partir.
Ils seront malhonnêtes tous les deux, alors. Mais, même si Archie a pleinement conscience que l’autre garçon ne l’a pas approché pour qu’ils deviennent d’inséparables amis, il ne lui en veut pas de ne pas révéler ses véritables intentions. Ses sourires taquins et son ton amusé le détendent ; il n’y a rien de bien sérieux qui se passe. Bellamy est seulement maladroit et a décidé de tourner autour de la mauvaise personne dans ce bar. Heureusement pour lui, Archie n’a pas la tête à défendre son honneur parce que l’alcool a détaché certains des fils qui alimentent en électricité sa cervelle. Dans le but de lui éviter de perdre trop de temps, il prend quand même le temps de préciser qu’aucune amitié ne fleurira entre eux pour des dizaines de raisons, la première étant son incapacité à prendre soin de ces dernières. Il brise tout ce qu’il touche, que ce soit volontaire ou pas. « On peut changer ça si tu veux. » On implique qu’il y aura un travail à faire à deux et l’idée ne lui plaît pas. Il est un solitaire et ça ne changera jamais. Il ne sera jamais mieux servi que par lui-même. C’est bien l’une des seuls dictons qu’il suit à la lettre. « Ça va ? » Et Archie déteste cette facilité qu’a Bellamy à lire la confusion dans son regard embrumé. Non, ça ne va pas. Ça ne va jamais vraiment. Il arrive inconsciemment à se faire croire le contraire de temps en temps mais un boulet est toujours attaché à sa cheville. « Ça ne pourrait pas aller mieux. » Il ironise d’une voix forte et pleine d’assurance tout en tapant ses poches à la recherche de son paquet de cigarettes. Il vaudrait mieux pour lui d’aller respirer un peu d’oxygène avant de tomber de son tabouret. Dieu sait pourquoi il offre une clope à Rose Bonbon qui la refuse sans tourner autour du pot. Coinçant la sienne entre ses lèvres avant de se lever, il ne fait qu’acquiescer vaguement quand il lui offre un peu de compagnie. S’il était assez lucide, il lui demanderait d’attendre quelques secondes avant de le suivre jusqu’à l’extérieur, histoire de laisser personne les voir partir ensemble mais…
Il n’est pas lucide.
Et, quand il arrive à l’extérieur, il sent enfin les effets alourdissant du trop-plein de consommations qu’il a bues. Il se pose sur le mur pour se donner un style, mais c’est plutôt pour ne pas trébucher et se casser les palettes sur le béton. « Urgh. » Il laisse s’échapper, posant l’arrière de son crâne sur la façade en briques rouges. En-dessous de l’embout de son bâton de tabac, il fait craquer une flamme, tire une première latte qu’il avale pour mieux se tuer à petit feu. Ironique, comme comportement, pour un garçon qui craint de se faire emporter par le cancer qui lui a volé sa sœur. Rouvrant les paupières, il croise le regard de Bellamy. Il l’observe en silence, plus aucune once d’animosité contractant les traits de son visage étrangement serein. Dans ce costume qui ne lui ressemble pas, dans ces convers un peu sales et cette veste qui le ramène quinze ans en arrière, il n’a pas l’impression d’être lui-même. Discrètement, dans l’intention de dissimuler sa véritable identité, il remonte sa manche sur sa montre en or en même temps qu’il y cache son prénom, son statut, son identité. « Tu peux m’appeler A, au fait. » L’idée lui semble soudainement alléchante. Il n’est pas Archie, ce soir. Il est A. Après avoir bouffé un autre nuage de fumée, il désigne le C brodé sur son poitrail et il marmonne : « Elle appartenait à mon père, alors ce n’est pas la bonne lettre. Charles, qu’il s’appelle. » Ça explique tout. Quoique Bellamy n’avait probablement pas besoin d’apprendre ce détail futile. « Il était capitaine de son équipe de football alors il avait réussi à convaincre tous les autres de porter un C eux aussi. Il doit y avoir une dizaine de vestes comme celles-là. La majorité s’est probablement retrouvée dans une vente de garage ou un thrift shop. » Ça aussi, il s’en fiche. Pourquoi A parle-t-il autant ? Peut-être parce qu’il n’a jamais l’occasion de le faire de cette manière, trop occupé à raconter des mensonges pour plaire. Parce qu’il a peur que son véritable visage ne plaise pas, lui. Comme s’il réalisait pour la toute première fois de sa vie qu’il n’a rien d’intéressant à raconter (qu’il croit), il est frappé par un éclair de lucidité : « Tu as encore le temps de faire demi-tour pour trouver un autre mec, si tu veux. La soirée est encore jeune. » Il préfère ensuite fermer les yeux pour ne pas le voir partir, ou rester. Il est terrorisé à l’idée que l’une ou l’autre des possibilités ne se réalise.
Bellamy était loin d’être le plus perspicace, souvent, il passait à côté de ce qui sautait aux yeux par manque de concentration ou d’intérêt, ce qui n’était vraiment pas un côté de sa personnalité qu’il appréciait sans qu’il puisse y changer grand chose même quand il essayait. En revanche, quand il canalisait suffisamment son attention sur quelqu’un ou quelque chose, certaines choses ne lui échappaient pas, même à lui. C’était le cas du changement dans le comportement de l’homme qu’il observait avec soin depuis qu’il s’était échoué près de lui. Sa consommation d’alcool aurait été plus grande qu’il l’aurait aussi remarquée ; tout reposait sur le geste (de fatigue ?) et de la réplique tonitruante qui l’avait suivi. Mais si l’autre affirmait que ça allait, Bellamy n’allait certainement pas protester.
Il suivit plutôt l’inconnu à l’extérieur, attirant l’attention de ses copines en agitant la main dans leur direction pour leur signaler qu’il sortait. Il y gagna deux thumbs up et son visage se para d'un sourire amusé qu’il conserva jusqu’à se retrouver sur le trottoir. Là, il se retrouva distrait par les taxis garés à proximité du bar, et par le groupe de jeunes qui zonait tout près, et par l’ombre d’un chat qui disparut au coin de la rue. Enfin, il se souvint pourquoi il était là et interrompit ses questionnements sur le meilleur moyen de rentrer chez lui plus tard dans la nuit (uber, à pieds, en bus ? Tel était le dilemme qui se répétait chaque soirée) ; son regard accrocha celui de son accompagnateur et il lui sourit. Il décida de se rapprocher, mais pas trop, l’odeur du tabac l’indisposait et il ne voulait pas se trouver dans la trajectoire de la fumée.
“Tu peux m’appeler A, au fait.”
“A ? répéta-t-il. Un surnom pour Abraham ? Ne pas savoir était un peu troublant mais aussi un peu excitant ; Bella se satisferait de ‘A’. Ok. Enchanté officiellement,” lança-t-il en lui tendant la main, son sourire flottant toujours sur ses lèvres.
“Elle appartenait à mon père, alors ce n’est pas la bonne lettre. Charles, qu’il s’appelle.”
Les iris de Bellamy se tournèrent vers la lettre brodée à laquelle il n’avait pas prêtée la moindre attention jusque là (il n’avait pas vraiment le sens du détail) avant de revenir trouver celles de A.
“Et ? C’est ton deuxième prénom ?” Il ne savait pas trop pourquoi l’autre homme lui racontait ça mais au moins il lui faisait grâce de lui parler. Bellamy avait l’impression d’avoir gagné.
“Il était capitaine de son équipe de football alors il avait réussi à convaincre tous les autres de porter un C eux aussi. Il doit y avoir une dizaine de vestes comme celles-là. La majorité s’est probablement retrouvée dans une vente de garage ou un thrift shop.”
Il fallait bien un moment dans la soirée où les confidences s’échangeaient, apparemment, le moment était maintenant. Bellamy était justement une commère avérée et les discussions sans queue ni tête étaient sa spécialité.
“T’as suivi ses traces dans le foot ?” demanda-t-il. Techniquement, ça ne l’intéressait pas, il ne ferait strictement rien de l’information et l’oublierait probablement d’ici deux jours, mais il avait envie d’en savoir plus sur le si mystérieux A. Qu’il ne le revoit plus jamais après ce soir n’était qu’un détail, Bella vivait dans le présent et le présent voulait qu’il apprécie suffisamment la compagnie de l’autre homme pour s’intéresser à sa vie.
“Tu as encore le temps de faire demi-tour pour trouver un autre mec, si tu veux. La soirée est encore jeune.”
Bellamy ne comprenait décidément pas A. Il avait l’impression d’avoir affaire à deux personnes différentes qui échangeraient leur place régulièrement ; cela piquait sa curiosité, il voulait percer le mystère et savoir quel comportement collait réellement à la personnalité de l’autre homme. Il supposait que c’était celle-là, la plus vulnérable, parce que les gens n’avaient aucun intérêt à feindre ça.
Bellamy était aussi tout à fait conscient qu’il pourrait trouver un autre homme ou une autre femme s’il voulait, il pourrait aussi rejoindre ses amies et s’éviter un mal de crâne causé par trop d’analyses du comportement de son interlocuteur. Bella en était tout à fait conscient mais il n’en avait pas envie, il le dit : “oui mais j’ai pas envie, il marqua une brève seconde de pause, le temps qu'il lui fallut pour se demander si A essayait de lui faire passer un message. Après si tu veux vraiment que je parte, je peux mais ce serait dommage nan ?” Lui trouvait que ça le serait. Il n'attendait plus grand chose de la part de l'autre homme mais ça n'empêchait pas qu'il voulait rester avec lui. Après tout, le courant avait l'air de passer, mieux, il avait l'air de passer de mieux en mieux. Bellamy était curieux de savoir à quel point il réussirait à dérider son interlocuteur.
Il remarqua alors que A avait les yeux fermés, eut tôt fait d’en revenir à ses inquiétudes sur les conséquences de l’excès d’alcool. “Mais t’es sûr que ça va ? Je peux demander à Maria si elle a quelque chose pour la nausée -” il sortait déjà son téléphone, prêt à écrire à son amie.
« A ? » Ouais. Il sonne bien, ce surnom. C’est bien lui, sans être tout à fait lui. Le A, c’est la première lettre. Celle qu’on tamponne sur un examen complété avec justesse. Le A c’est une preuve de succès, c’est ce que cherchent les hommes friands de victoires, et, des victoires, c’est ce qu’Archie a collectionné toute sa vie. Marrant, que l’autre s’appelle B. « Ok. Enchanté officiellement. » Et il lui tend la main, Rose Bonbon, prêt à serrer celle d’un garçon qui refuse de se montrer tel qu’il est ce soir. Il la lorgne, cette main et ces doigts étirés vers lui comme des flèches menaçant de lui transpercer la poitrine, puis il finit par y glisser les siens dans un mouvement lent, calculé, tout sauf professionnel comme il le ferait normalement. C’est de cette manière que A serre les mains.
Puis il se met à radoter comme un grand-père dans sa chaise berçante qui ne sait plus trop ce qu’il a dit ou pas dit. L’idée lui passe dans la tête comme une étoile filante qu’il attrape puis relâche aussitôt. « Non. Pas du tout, même. Je ne crois pas en avoir. » Et il ouvre un œil pour observer Bellamy. « J’imagine que toi tu meurs d’envie de me donner le tien. Bellamy, ça ne fait pas très asiatique. T’as été adopté ? » Il demande sans gêne, ne mâchant pas ses mots, cherchant seulement à mettre la main sur la réponse, peu importe le politiquement correct. Archie vit pour lui, pas pour les autres. A aussi. Naturellement, le plus jeune l’interroge un peu plus au sujet du football, qu’il a lui-même apporté et qu’il regrette déjà puisque, non, il n’a pas su rendre son père fier de lui dans ce domaine-là. « J’ai essayé. J’étais rapide, habile, mais pas assez costaud. Tous les autres mecs étaient trois fois plus imposants que moi. » Il ricane derrière le bout de sa clope qu’il picore une énième fois. « J’ai préféré casser des dents à la boxe. C’était fait pour moi, pas le football. » Il prend même la peine de préciser, pour la boutade : « Alors tâche de ne pas m’énerver, je sais décocher les meilleurs coups. » Au fond de A, Archie ne sera jamais bien loin pour vanter ses milles et un succès.
Réalisant que la discussion commence à s’enraciner pour mieux s’étendre sur le territoire, le jeune homme préfère l’interrompre un moment. Il s’assure que Bellamy a bien envie de rester avec un mec comme lui, qui ne démontre clairement aucun intérêt (ou alors ??..), mais au fond il le demande parce qu’il souhaite inconsciemment que l’autre tourne des talons pour éviter le pire scénario. A n’aurait peut-être pas peur d’aller plus loin. C’est ce qui effraie le plus Archie qui ne lutte pourtant pas plus que nécessaire. Il s’est niché au creux de son ventre et regarde la scène silencieusement, à la fois craintif et envieux. « oui mais j’ai pas envie. » Il se pince les lèvres, paupières closes, toujours. Au bout de sa cigarette, la braise orangée s’accumule pour former un astre. « Après si tu veux vraiment que je parte, je peux mais ce serait dommage nan ? » Il le coupe presque quand il répond vivement, presque sèchement : « Non, reste. » Et il se ferme la gueule avec sa clope, constatant ses doigts légèrement tremblants quand il les appuie sur le rebord de ses lèvres chaudes. Il est heureux de ne pas être seul avec Bellamy ; il y a d’autres paires d’yeux qui les guettent dans les parages. Des témoins. Il souffle la fumée vers le haut, cette fois, pour envoyer un signal de détresse. À qui ? « Mais t’es sûr que ça va ? Je peux demander à Maria si elle a quelque chose pour la nausée - » La proposition le fait rire et il ne retient pas une note de s’échapper de sa gorge. Il secoue la tête à la négative. Oui, il a la nausée, mais cette dernière ne l’inquiète pas autant que la situation dans laquelle il s’est mis. « Petite nature. » Il se moque faussement. « Quand j’aurai envie de gerber, je gerberai. Si l’alcool demande à sortir, c’est parce que c’est l’estomac qui l’oblige. À moins que tu voulais demander à Maria parce que c’est toi qui veux un cachet. » Voyant le téléphone allumé dans les mains de Bellamy, il s’en empare et scroll dans ses contacts quelques secondes pour finalement appuyer sur le petit + en haut. Il ajoute son numéro de téléphone, ou plutôt celui de A, et il se punira de le faire plus tard. « Surtout, ne me contacte jamais. » Qu’il dit en lui glissant un sourire, peut-être le premier de la soirée. « Je ne voudrais pas que tu t’attaches trop à moi. » C’est le contraire. « Mais je crois qu’il faudra pas que tu t’en fasses trop pour ça. Tu ne supportes pas la fumée, alors tu ne me supporteras jamais. Pas vrai ? » Il demande en haussant un sourcil avant de tirer la dernière latte de sa cigarette, l’écrasant ensuite avec sa semelle.