(mine#2) you took me back but you shouldn't have
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Midas Sterling & @Jo Carter

« Mon père m’en veut à mort d’être partie de la maison et d’avoir brisé ses putains d’espoirs de faire quelque chose de bien de moi et mes frères. Il a pas voulu me reprendre quand je suis rentrée à Dalby après ma foirade avec l’EP. » - « T’as bien plus de talent que tes frères. » Je balaye la bêtise de son père d'une affirmation et d’un geste de la main. Ce genre de discussion, nous l’avons déjà eue et je ressens le besoin de réaffirmer ce que je lui avais dit à l’époque. La brune est un diamant brut, le genre qu’on rencontre une fois dans sa vie, tant pis si je suis subjectif. A mes yeux, son talent transcende la barrière de la langue, les gens et son style musical. N’importe qui fermant les yeux et l’écoutant chanter ne peut qu’être transporté comme je l’ai été la première fois que j’ai réalisé qu’elle était mon âme sœur artistique, j’en suis persuadée. Loin d’être possessif, j’aurais aimé qu’elle ait l’opportunité de montrer au monde ce qu’elle a dans le ventre. Je l’espère toujours pour elle, peut-être même à sa place, au fond.

Son père l’a rejetée alors qu’elle est rentrée la queue entre les jambes et je la connais assez pour savoir que le coup porté à son égo a dû être violent. Elle est fière, Jo. Pour qu’elle soit rentrée à Dalby, pour qu’elle admette que sa tentative de percer avait été un échec, elle a certainement pris sur elle bien plus que je ne peux l’imaginer. Je trouve son paternel cruel, et je suis pris d’une bouffée de colère à m’en donner la migraine. « Il attend que j’admette que j’en peux plus pour intervenir, c’est sa manière de me faire comprendre que j’arrive jamais à grand-chose sans lui. Alors nan, il garde ses distances. » - « C’est pas étonnant finalement, que tu saches pas demander de l'aide. » Vu la façon dont elle a été reçue lorsqu’elle l’a fait. Je pense un instant à Olive, qui se retrouve à faire le service malgré de longues années de médecine. Je me demande si d’une façon où d’une autre, elle pourrait être une partie de la solution et je me promets d’en toucher deux mots à ma cadette. « Je réussis à la caser de temps en temps à St-Luke. Elle y allait avant, rendre visite à des amis qui sont là-bas, et je crois que les employés ont trop pitié de la situation pour me refuser l’accès quand j’ai besoin d’une heure ou deux pour faire ce que j’ai à faire. » Une heure ou deux ? Mais comment fait-elle pour subvenir à ses besoins et ça ceux de sa grand-mère ? Comment se rend-t-elle au boulot ? Comme trouve-t-elle le temps de garder un peu de temps pour elle ? « Nicholas garde un œil sur elle quand je vais bosser. Elles s’entendent bien, avec sa grand-mère, elles se connaissent depuis des années. » - « C’est bien que t’aies quelqu’un pour t’aider. » Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas la moindre trace d’amertume ou de jalousie dans ma phrase. Mes considérations personnelles mises à part, je suis heureux et soulagé de savoir qu’elle n’est pas tout à fait seule. Comment ferais-je s’il arrivait quelque chose à Marley ? Comment pourrais-je gérer mon emploi du temps aussi fourni qu’imprévisible et l'éducation d’un petit être qui dépendrait alors totalement de moi ? Devrais-je moi aussi raccrocher les gants ? Le sacrifice de Jo a-t-il vocation à me rappeler qu’il faut que je dégage du temps pour voir mon bébé, pour voir Posy grandir, au détriment de ces longues soirées que je passe au studio ? Son récit me donne l’impression de devoir revoir mon sens des priorités.

C’est bien, mais il n’en reste pas moins vrai qu’elle ne peut pas continuer. Je devine que pour s’occuper de sa grand-mère, elle passe à côté de toute vie personnelle et dieu que c’est du gâchis. Elle ne les récupérera pas ces années. Et qui sait comment elle le vivra quand l’état de sa grand-mère commencera à se dégrader ? « Je sais. Tu pouvais pas savoir. » Non, je ne pouvais pas. « C’est pas vraiment le problème. Je sais que je pourrais l’emmener, mais elle commence à peine à reprendre pied et à se rendre compte de son environnement ici. J’ai pas envie de tout recommencer, ou de la laisser aux soins de quelqu’un d’autre. » - « Et tu lui en as parlé à elle ? » Dans ses moments de lucidité ? « Tu lui as demandé ce qu’elle en pensait ? » Est-elle encore assez lucide pour ça ? A-t-elle complètement perdu l’esprit ? J’ai peur de sembler indélicat mais je ne peux plus faire grand chose de plus qu’attendre ma sentence. « J’ai pas envie qu’elle me reconnaisse pas. C’est trop tôt. Je veux avoir le temps de me préparer encore un peu à ça et si je fais ça avec toi, je vais avoir d’autres priorités. » - « T’as le droit d’en avoir plusieurs, des priorités. » Je pense à Posy, je me demande si tenir à ce point à ma carrière fait de moi un mauvais père et j’ai envie de croire que non. Ma fille et la musique sont mes priorités, donner du temps à l’un ne me fait pas abandonner l’autre, quand bien même je ressens parfois de la culpabilité à l’idée de passer autant de temps loin d’elle, en tournée ou simplement parce que mes journées sont trop remplies. « Pour l’instant, où en est la maladie ? » Si j’ai de la peine pour sa grand-mère, c’est surtout la charge de Jo au quotidien que je tente d’estimer. Doit-elle gérer la démence de son aînée ou, pour l’instant, vit-elle simplement avec une grand-mère dont elle ne veut pas perturber le quotidien, de peur d’accélérer l’évolution de la maladie ?

« Si je te connaissais pas, je penserais que t’essayes de me flatter pour me faire accepter. Mais je sais que tu crois vraiment à ce que t’es en train de dire. » J’étire un mince sourire, mes mains toujours refermées autour de ma canette de boisson énergisante que je vide d’un trait avant de l’abandonner avec plusieurs autres. A la fin de la semaine, je les sors toutes : c’est promis. « Je sais pas si je peux faire ça. Je réussis à peine à la laisser seule quand je dois aller bosser, c’est devenu une obsession de prendre soin d’elle. Je suis devenue capable que de ça. » - « Tu pourrais envisager de prendre une aide. Une aide professionnelle je veux dire. Par pour se substituer à toi, mais pour t’aider et se faire une place dans le quotidien d’Ava. » Avant qu’Alzheimer ne prenne trop de terrain. Lorsqu’elle en sera à ce stade, avec un soignant comme visage familier, cela ne pourra que l’aider, non ? « Je chante même plus autant que ça. » - « C’est du gâchis. » Je secoue la tête, avant de passer ma main sur ma mâchoire. « Mais ça, on peut y remédier facilement non ? » D’un geste du menton, je désigne la salle d’enregistrement, juste derrière la vitre en verre. Ne sommes-nous pas dans les meilleures conditions possibles pour voir si elle n’a pas perdu la main ? « Me dit pas que t’as le tract. Y’a que moi, et j’enregistrerai pas. » Puis-je pousser le vice jusqu’à lui proposer de l’accompagner ? Bien sûr, l’idée de chanter en duo avec elle me travaille bien plus qu’elle ne peut certainement l’imaginer, mais n’aura-t-elle pas l’impression que je tente de l’amadouer pour la persuader de dire oui ? Que j’essaye de lui rappeler ce que nous étions, et de lui faire miroiter ce que nous pourrions être ? « Je peux même t’accompagner à la guitare. » J’esquisse un sourire provocateur, la tête penchée sur le côté. « Promis, je t’infligerai pas un de mes morceaux. T’as qu’à choisir. »

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/harley)

Elle ne démentirait pas les propos de Midas comme quoi elle avait plus de talent que ses frères : c’était un fait établi, next. Son père n’était pas un homme bien, il avait pourtant tout fait pour lui faire réaliser à quel point elle était douée, la rendant responsable du succès de son groupe, la portant comme exemple à suivre, celui qui lui permettait d’avoir la main légère sur les gifles et les coups de pieds quand les répétitions ne tournaient pas à son avantage, et qu’il beuglait qu’il fallait faire comme Jo. Elle n’avait pas de doute sur son talent, elle n’en avait jamais eu avant de rencontrer Midas en réalité. Elle savait ce qu’elle valait jusqu’alors, consciente qu’il y avait une petite portion d’individus qui avait la chance de naître graciés d’un don, et elle en faisait partie ; ça ne la rendait pas vaniteuse de le prétendre, pas quand c’était sa réalité. Et puis lui, il était arrivé, et elle avait douté l’espace d’un instant, de ne pas valoir autant que ce qu’il semblait mériter avec toute la modestie qui le caractérisait. Finalement, elle avait compris qu’elle avait simplement rencontré une extension de celle qu’elle était, et au lieu de le craindre, elle en avait fait un allié qui l’avait rendue meilleure sur la durée. Ça avait causé sa perte dans un sens, elle ne pouvait même pas imaginer à quel point d’ailleurs, mais même dans l’ignorance la plus totale, elle savait que s’ils avaient été plus compétiteurs l’un avec l’autre, ils auraient balayé une partie de ce qui faisait qu’aujourd’hui encore, il y avait de la tension entre eux.
Quelque part, elle lui en devait une belle, à Midas. Il lui avait appris plus que son parcours au sein du groupe de son père lui avait jamais appris, et c’était une des énièmes raisons qui rendaient les choses si compliquées quand elle posait ses yeux sur lui. Elle avait de la gratitude pour lui, tout en regrettant ne pas être à sa place. Si seulement il avait été quelqu’un d’autre, ce qu’elle ressentait aurait été tellement plus facile à démêler, putain.

Elle aurait aimé que la conversation prenne un nouvel essor, qu’il ne se répande pas en interlude pour souligner le fait qu’il comprenait qu’elle était comme elle était, ou qu’elle crut percevoir une once de soulagement quand il prit sens qu’elle avait au moins ses voisins pour l’aider. Mais la machine était lancée, et parce que c’était étroitement lié à elle, elle savait que ça le touchait. Elle pouvait être têtue et bornée, Jo, mais elle n’était pas idiote, et si elle faisait semblant de le haïr une fois sur deux, elle avait la certitude de savoir que de son côté, il ne cachait pas que c’était son bonheur qui l’importait. Sa gorge se serra, et elle ne répondit rien à ses deux invectives, concentrée sur le point au-dessus de la tête du jeune homme, cherchant à trouver quelque chose de piquant à lui dire pour ne pas craquer tout de suite, et en revenir à la vraie raison de sa présence ici ; ça semblait dérisoire maintenant, de vouloir repartir pour un tour de chant quand tout était contre elle pour qu’elle l’envisage sereinement.
Elle retrouva les yeux de Midas "Je sais qu’elle est contente que je sois avec elle. C’est pas mon manque habituel de modestie qui me fait dire ça, je sens que j’ai une bonne influence sur elle et sur sa perception des choses. Je la stimule comme je peux." dit-elle, haussant les épaules comme si ce n’était pas grand-chose alors qu’au contraire, c’était tout — qu’il lui pose ces questions là tandis que personne ne l’avait jamais fait auparavant, ça revenait à dire qu’il connaissait assez le rapport qu’elle entretenait avec sa grand-mère pour comprendre qu’elle ne voyait que ses intérêts là-dedans ; il lui donnait l’impression de pouvoir être entendue, Midas, pour de vrai, et c’était aussi réconfortant que ça lui fit peur sur le moment, de lui en donner autant alors qu’elle s’était pointée avec l’idée de le faire culpabiliser d’être revenu vers elle. Il était patient, tolérant… probablement trop, mais qu’est-ce qu’elle pouvait lui conseiller ? De ne pas l’être, parce que ça lui faisait de la peine ? Intérieurement, elle soupira, puis elle marqua un temps de silence, ne tenant pas à faire le point trop longtemps sur ce qu’il avança à propos de son droit d’avoir plusieurs priorités, sautant rapidement sur sa question précédente qui, étonnamment, paraissait plus aisé appréhender que de devoir admettre qu’elle aurait beaucoup aimé, en effet, avoir plusieurs priorités "Elle reste lucide la plupart du temps, mais ça lui arrive d’avoir des moments d’absences assez longs qui la mène à penser qu’elle est capable de faire des trucs qui sont plus à sa portée parce qu’au-delà de sa maladie, elle est vieille." Elle fit glisser ses yeux d’un point à un autre du visage de Midas avant de les détourner, pour dire, avec un léger sourire qui n’était là que pour masquer sa peine "La dernière fois, j’ai dû la récupérer au poste de police à trois heures du mat’ parce qu’elle voulait faire les courses pour le petit-déj." Elle avait été prise en charge rapidement, Charlie s’était assurée que tout aille bien pour elle avant d’appeler Jo. C’était encore elle qui avait le moins bien gérer les retombées de la trouille qu’elle avait eue d’ailleurs, inutile cependant de le lui dire.

Elle n’était pas sotte au point de croire que c’était viable, sur la durée, d’être la seule responsable de la santé, et de la sécurité, d’Ava "Tu m’apprends rien, Midas." commença-t-elle, sentant son regard se raffermir quand elle eut l’impression qu’il lui faisait la leçon ; elle se radoucit assez rapidement parce qu’elle le connaissait suffisamment pour se dire qu’il ne pensait pas à mal en se plaçant en conseiller de bas-étage, et elle reprit après un long soupir "Je cherche des colocataires en ce moment, juste pour dire d’avoir une présence quand je suis pas à la maison. C’est tout ce que je suis prête à envisager pour l’instant, et tant pis si ça me fait passer pour l’égoïste de service ; je veux pas qu’elle d’habitue à quelqu’un d’autre qu’à moi, j’ai laissé trop de choses de côté pour accepter que ce soit normal qu’elle s’en remette à un inconnu." Jo dans toute sa splendeur — moi, moi, moi "Je te demande pas de comprendre mon raisonnement. Tout ce que  je sais, c’est que tant que c’est pas invivable, je vois pas pourquoi j’engagerais un professionnel." Mais la donne changeait, avec la proposition de Midas, et il le savait autant qu’elle le savait.
Elle se leva pour échapper à ses yeux, et à ce sourire qu’elle vit poindre en passant, alors qu’il reprenait la parole pour appuyer l’idée que c’était du gâchis qu’elle ne chante plus vraiment "Dis-moi quelque chose que je sais pas." répondit-elle dans un murmure, plus pour elle-même que pour lui, ses yeux rivés sur la guitare au mur, quand ce qu’il ajouta la pivoter sur elle-même, et le gratifier d’une inclinaison de tête, puis d’un regard fixe qu’elle rendit suspicieux comme elle l’observait presque sans ciller. Une, deux, trois secondes à le fixer sans rien dire, et elle finit par reprendre la parole, glissant ses mains dans son dos pour mieux le contourner et retourner près de la table de mixage, là où elle voyait un peu mieux la cabine d’enregistrement "T’es pas obligé de tourner autour du pot tu sais, tu peux ouvertement me dire que tu crèves d’envie de chanter de nouveau avec moi." Sans la caresser dans le sens du poil, ça n’avait jamais fonctionné comme ça entre eux ; ils savaient qu’ils étaient talentueux, ce n’était pas obligatoire d’étirer la complaisance pour qu’ils se sentent obligés de s’harmoniser — ça paraissait juste naturel, et qu’il pense que ça, ça avait changé, ça la força à se retourner, ses reins se posant contre le bord de la console, se taisant de nouveau pendant ce qui lui parut un temps infini, avant de reprendre "T’es quand même un putain de vicieux." Il l’était, sous ses airs de gendre idéal, qui tringlait la fille du patron en secret, mais qui disait amen pendant le bénédicité. Toujours appuyée contre la table de mixage, elle croisa les chevilles sans le quitter des yeux "T’es conscient qu’à la seconde où on s’y remettra, je pourrais plus dire non parce qu’il y ce truc entre toi et moi." Et au mot truc, elle claqua des doigts, chassant l’un des derniers souvenirs qu’elle avait de lui au passage, sa bouche contre le sienne, son nez plongé dans la courbe de son cou ; peu importe les difficultés qu’elle rencontrait avec sa grand-mère, elle serait prête à risquer quelque chose parce ce qu’il ressentait, elle le ressentait aussi. Le manque, l’absence, la nostalgie… c’était casse-gueule de s’y confronter, comme c’était casse-gueule de s’évertuer à soutenir son regard alors qu’elle était clairement en mauvaise posture ; pour y remédier, elle finit par lui dire, levant un index devant son propre visage, feignant la résignation quand l’excitation s’enclenche à la seconde où elle réalisa que l’occasion était trop belle "Rien qu’une chanson, et je t'interdis de sourire." qu’elle le prévint avant qu’il ne le fasse, se décollant enfin de la console pour se diriger vers la porte de la cabine d’enregistrement.

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« Tu m’apprends rien, Midas. » Et je le sais, autant lorsqu’il est question de son talent que de sa grand-mère et de ce qu’il convient de faire. Ce serait prétentieux que de tenter d’expliquer à Jo comment faire les choses alors qu’elle est certainement la mieux placée pour avoir une vision d’ensemble de la situation, mais cela serait à mes yeux insensible de l’écouter me confier quelque chose d’aussi intime sans la moindre réaction. Sans lui rappeler que même en s’occupant d’Ava, elle ne doit pas oublier Joséphine. C’est peut-être con, c’est certainement le genre de phrase bâteau qu’elle a déjà entendue, mais je tente malgré tout de le faire sans sembler moralisateur ou mâle alpha certain de détenir la vérité qui aidera sa femelle. Je ne suis pas comme ça. Et Jo n’a rien d’une damoiselle en détresse. Sauf que peu le savent, mais elle a un grand cœur, la brune. Ava en possède certainement une grande partie et j’ai la sensation que son combat entre ses rêves, ses responsabilités et ce qu’elle ressent pour sa grand-mère la bouffe de l’intérieur. Ce que je tente réellement de faire, c’est la débarrasser d’une part de sa culpabilité : ce n’est pas une trahison envers son aînée que de se rêver dans une autre existence, que de vouloir autre chose pour sa vie. Sauf que pour l’exprimer en ces termes, il faudrait que je sois éloquent et sur ce point, je n’ai pas gagné à la loterie : je me sens bien souvent démuni pour trouver les mots justes, ceux qui conseillent, aident et guérissent. « Je cherche des colocataires en ce moment, juste pour dire d’avoir une présence quand je suis pas à la maison. C’est tout ce que je suis prête à envisager pour l’instant, et tant pis si ça me fait passer pour l’égoïste de service ; je veux pas qu’elle s'habitue à quelqu’un d’autre qu’à moi, j’ai laissé trop de choses de côté pour accepter que ce soit normal qu’elle s’en remette à un inconnu. » C’est peut-être égoïste, mais qui suis-je pour la juger ? Et surtout, n’est-elle pas en droit de l’être un peu après avoir tant sacrifié ? De toute façon, je suis incapable de faire preuve d’objectivité la concernant, je trouverais un moyen de justifier pas mal de crimes tant que c’est Jo la coupable. « Je te demande pas de comprendre mon raisonnement. Tout ce que  je sais, c’est que tant que c’est pas invivable, je vois pas pourquoi j’engagerais un professionnel. » Je lève mes paumes vers le ciel en signe de reddition. Je n’ai pas l’intention de tenter de lui imposer mon point de vue. Je n’ai pas non plus l’intention de la rallier à ma cause maintenant que je sais quelles sont les choses qui l’empêchent de dire oui sans réfléchir à l’offre de Revival. Est-ce que je cesse pour autant d’espérer qu’elle le fasse ? Bien sûr que non. Je ne suis pas assez altruiste pour souhaiter qu’elle trouve en elle la force de passer à côté de ça. Sans Jo, je n’en veux même pas, de ce programme idiot. Si ce n’est pour chanter à nouveau en duo avec elle, je n’ai pas la moindre envie de rapporter à nouveau de l’argent à ces producteurs véreux.

« Dis-moi quelque chose que je sais pas. »
« Prétentieuse. »

J’esquisse un sourire provocateur, certain qu’elle va accepter la proposition que je ne cache pas plus longtemps. Je désigne le studio d’un geste du menton, mais la brune est plus rapide que moi. « T’es pas obligé de tourner autour du pot tu sais, tu peux ouvertement me dire que tu crèves d’envie de chanter de nouveau avec moi. » - « Minute, j’y viens. Tu sais ce que c’est ton problème ? T’as toujours besoin de me couper la parole. » Ce n’est pas un vrai reproche et je ne considère pas le moins du monde ça comme un défaut. Au contraire, j’ai l’impression de retrouver notre complicité d’antan au travers de ces chamailleries. Je joue mes cartes : je lui propose de tester ses cordes vocales ici et maintenant puisque jamais de meilleures conditions ne seront réunies. « T’es quand même un putain de vicieux. » - « Mais ça te déplaît pas.  » Au contraire, elle fixe bien trop intensément la salle d’enregistrement, de l’autre côté de la vitre. « T’es conscient qu’à la seconde où on s’y remettra, je pourrais plus dire non parce qu’il y ce truc entre toi et moi. » - « Si t’es nulle c’est promis, j’arrêterai d’insister et t’entendra plus jamais parler de moi ou cette foutue émission. » Une promesse que je fais dans le vent puisqu’il n’y a pas la moindre chance qu’elle le soit. « Rien qu’une chanson, et je t'interdis de sourire." » Elle a à peine le temps de finir sa phrase qu’un grand sourire béat étire mes lèvres, allant à l’encontre de l’unique consigne qu’elle vient de me donner. Je m’en moque, elle ne fera pas marche arrière et, déjà, je me lève pour attraper ma guitare. « Après toi. » Je m’assure d’allumer la console et d’activer l’enregistrement avant de rejoindre Jo de l’autre côté de la baie vitrée. Elle n’a pas précisé que je n’en avais pas le droit, c’est bien trop tard à présent. Je me pose sur un tabouret, ma guitare sur les cuisses et un micro devant moi, tandis que la brune se tient bien droit devant le sien. Elle n’a même pas commencé à chanter que j’ai déjà des frissons, bon sang, je suis foutu et elle l’est autant que moi, nous le savons tous les deux. « C’est toi qui choisis. » Ma guitare est parfaitement accordée, si bien que je ne quitte pas la chanteuse des yeux pendant sa brève réflexion. Je hoche la tête, signe que je suis capable de l’accompagner sur la chanson sur laquelle elle a arrêté son choix. Du reste, je n’ai plus d’yeux que pour elle.

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C’était important qu’elle soit si ouverte à propos d’Ava avec Midas, ça lui permettait de lui faire comprendre les choses et de remettre le tout dans son contexte quand elle était persuadée dans le fond, que la distance qu’elle avait prise avec lui durant toutes ces années, il l’avait très longtemps considérée comme une démonstration éclatante de sa fierté. Il y avait un peu de ça, c’était aussi vrai qu’elle lui en voulait de mener la vie dont elle avait tant rêvée, sauf que ce n’était pas la plus grosse part de sa décision de rester à l’écart de lui et de ce qu’il représentait. Elle ne tentait pas de redorer son blason en utilisant la maladie de sa grand-mère, seulement elle comptait quand même un peu dessus pour, que même si ce n’était qu’à demi-mot, il sache que malgré tout, la promesse qu’ils s’étaient faite ce soir-là, dans sa loge, elle l’avait respectée au moins un peu en acceptant de le respecter comme quelqu’un qui avait réussi et qu’elle jugeait comme méritant, même si c’était admettre dans la manoeuvre qu’elle, elle ne l’était pas. Bien sûr, il ferait ce qu’il voudrait de toutes ces infos, il pouvait même s’en cogner royalement si ça le chantait. Mais elle savait que non, Jo, et que maintenant qu’il avait une vue d’ensemble de la situation dans laquelle elle se trouvait, il lui laisserait le temps de voir, de contempler pour agir plus sereinement, l’encourageant à se sentir moins coupable de vouloir se créer quelque chose à la hauteur de ses ambitions. Avec la production, il tiendrait le rôle de catalyseur, comme il l’avait souvent fait à l’époque, sauf que maintenant qu’il avait vraiment du poids, il était en droit de faire valoir son avis sans qu’on le targue d’être une diva ; comme on l’avait fait pour elle à l’époque, et c’était apaisant d’une certaine façon, qu’il retrouve cette place rapidement, sans même qu’elle ne s’en vraiment compte en vérité.
"Mais ça te déplaît pas." qu’elle lui rétorqua quand il souligna sa tendance à lui couper la parole. Et qu’il lui renvoie sa défense juste après, ça la fit sourire sous cape, et regretter au moins au centuple d’avoir laissée filer des occasions au cours des dernières années.
Parce que c’était là, ce qu’il y avait entre eux, quand bien même ça voulait dire quelque chose ou pas, c’était assez palpable pour qu’elle sache, et qu’il sache aussi, que le temps de réflexion qu’elle marqua pour se laisser le temps d’accepter sa proposition ou pas, il était complètement inutile : elle était cuite, et elle s’en voudrait probablement atrocement après avoir quitté le studio, de s’être laissée avoir comme une bleue face à cet élan de fausse compétition qu’il mit en avant pour la faire réagir alors qu’il n’en pensait pas un mot, qu'il savait qu’elle ne serait pas mauvaise, comme elle savait qu’il ne le serait pas non plus, et que l'anticipation de pouvoir à nouveau mélanger sa voix à la sienne lui laisserait de quoi méditer de longues heures après ça.
Connard, qu’elle pensa en secouant la tête, faisant poindre à nouveau sa langue sur sa rangée de dents du haut pour retenir le sourire qu’elle sentait vouloir percer quand elle lui dit en retour "Fais pas de promesse que tu peux pas tenir, Sterling." Et le sentiment de déjà-vu était assez fort pour qu’elle veuille quitter la pièce avant lui, échappant au sourire qu’il laissa filer même si elle lui interdit de le faire.

L’ambiance des cabines d’enregistrement, c’était un peu intimidant pour les autres tant c’était silencieux, vous forçant à prendre conscience de tout vos sens, et de la manière dont le bruit se diffuse quand vous bougez, quand vous respirez. Mais pas pour Jo. Les artistes comme elle, ils aimaient dire que c’était la scène qui les faisait vibrer, et c’était son cas aussi bien sûr, mais elle aimait enregistrer autant que se produire sur des scènes, devant un parterre de gens prêts à écouter ce qu’elle avait à dire. C’était en totale contradiction avec qui elle était, bruyante et un peu rustre, mais elle devenait quelqu’un d’autre dans la cabine d’un studio ; plus délicate, mesurant la taille qu’elle mesurait sans chercher à se grandir tant elle avait du respect pour ce que ça représentait d’être ici, bien qu’elle n’était pas moins sûre d’elle.
Elle savait exactement ce qu’elle avait à offrir. Elle s’installa sur un tabouret quand elle posa son regard sur Midas au travers de la vitre, puis elle stabilisa ses pieds sur les barreaux quand il la rejoignit avec sa guitare à la main "Je croyais que t’enregistrerais pas." qu’elle lui fit remarquer, comprenant que ça ne serait sans doute pas une vraie session d’enregistrement, mais qu’il archiverait leur prestation en laissant courir la bande sans discontinuer — pour en faire quoi, lui seul le savait, et elle était prête à lui laisser le loisir de préserver son secret tant sur le coup, elle se sentit un peu fébrile. Pas parce qu’il l’impressionnait, encore que c’était secrètement un peu le cas, après tant d’années. Mais parce que ça signifiait quelque chose d’être là, avec lui, s’apprêtant à faire quelque chose qu’elle ne faisait que de temps en temps maintenant, et jamais dans les bonnes conditions — avec tout le respect qu’elle devait à Nicholas et sa peur du grand monde, son studio d’enregistrement-maison ne valait pas celui dans lequel elle était maintenant, et l’excitation s’empara d’elle en même temps qu’un sentiment étrange qu’elle ne réussissait pas à déterminer exactement, sentant les yeux de Midas peser sur elle pendant un moment.
Et l’effet du studio se répercuta sur sa perception des choses, sur l’accélération effrénée de son rythme cardiaque, et sur cette sensation de sécheresse qu’elle avait dans la gorge et qui lui fit regretter de ne pas avoir exigé un verre d’eau avant toute chose. Instinctivement cependant, elle affronta son regard, se calant une fesse après l’autre sur son tabouret, les mains jointes sur ses genoux comme une enfant de choeur, prête à dégueuler son Ave Maria avec la grâce des anges. Jo se décala de trois-quart pour que sa bouche frôle le nylon du micro qu’elle avait face à elle, n’annonçant pas son choix de chanson tout de suite, commençant les premières notes de la chanson qu’elle avait en tête acapella, plus que sûre que Midas saurait enchaîner les accords sans qu’elle ne soit forcée de lui donner le titre — puisqu’il s’agissait de l’un des siens, et que laissant sa première volée de mots s’échapper de ses lèvres à cet instant, elle se demanda si c’était lui qui les avaient écrites ou si c’était quelqu’un d’autre "Sunrise with you on my chest…" Elle ne pourrait plus jamais prétendre ne pas avoir écouté ses albums, et dans la foulée du premier couplet qu’elle chanta en le regardant dans les yeux à distance, laissant un sourire filtrer quand il commença à jouer de son côté pour l’accompagner quand il comprit enfin sur quelle chanson son choix s’était porté, elle ne songea pas au fait que c’était un aveu de faiblesse, et que ça la faisait passer pour une conne d’avoir voulu le piquer dans sa fierté en déclarant qu’elle n’avait pas eu envie d’entendre ce qu’il avait enregistré jusqu’à aujourd’hui.

Elle chanta tout simplement, avec lui, avec une facilité qui lui faisait un peu de mal, sans réussir à refouler vraiment ce que ça lui faisait de vouloir jouer le risque en choisissant l’un de ses titres, et pas celui de quelqu’un d’autre. En fait, elle ne pensait pas à grand-chose à ce moment-là, juste à l’effet que ça lui faisait de s’apercevoir que, si les années s’étaient étirées, il n’y avait pas grand-chose qui avaient changé quand il s’agissait de partager une chanson avec lui. La fluidité de la découpe des phrases qu’ils chantaient sans avoir répétés au préalable, l’intensité du contact visuel et la justesse des harmonies, l’intention mise sur chaque mot qui lui rappelait des situations… c’était assez émouvant, d’une manière qui lui fit réaliser à nouveau que c’était une évidence, et qu’elle était foutue, putain.
Elle continua pourtant jusqu’à la fin, s’autorisant une ou deux fois à fermer les yeux en se balançant de gauche à droite, et couvant Midas d’un regard brillant d’admiration quand elle le laissa chanter seul la dernière reprise du refrain, pour lui dire quand le silence retomba, et qu’elle fut assez sûre de contrôler le phrasé de sa voix parlée "C’est une jolie chanson." C’était sincère. Elle n’avait pas le compliment facile, Jo "Mais le type qui la chante d’habitude, il a pris un de ces melons…" Il fallait bien donner le change, alors qu’elle sentait ses genoux très subtilement cogner l’un contre l’autre et des fourmillements parcourir tout son corps tandis qu’elle le regardait en prenant une mine exagérément agacée par le type en question ; lui, donc, à qui elle finit par demander, d’une voix plus fragile qu’elle ne l’aurait voulu, tranchant avec la force de celle dont elle avait usée pour faire honneur aux mots de Midas — ou de ses paroliers "Tu te sens capable de les faire patienter encore un peu ?" Sous-entendue : les gros bonnets de la production du revival, qu’il tenait par les couilles en prétendant avoir besoin de temps pour réfléchir à sa participation, quand cette dernière n’était liée qu’à une seule chose en vérité : à elle, et à la réponse qu’elle lui donnerait "J’ai envie de le faire. Je crois que t’as compris, ça sert plus à rien que je fasse comme si tu me tendais pas la seconde moitié du ticket d’or." La première, elle l’avait reçue il y avait six ans de ça "Je dois m’organiser." Elle marqua une pause, toujours assisse sur son tabouret, sa tête s'inclinant sur le côté pour mieux faire dériver ses yeux de ceux de Midas aux mains qu'il avait posé sur sa guitare, et qui représentaient une source de chaleur dans laquelle elle avait puisée, à un moment donné "Je peux pas te faire de promesses ce soir et te dire que ma décision est vraiment prise. Ça dépend pas que de moi. Je sais que ça aussi, t’as compris, t’es pas si idiot que ça." Ta gueule, Jo, qu’elle se dit intérieurement, remontant enfin ses yeux pour lui assurer, sérieusement, sa bouche se pinçant juste un instant au préalable "Je suis pas en train de faire ma diva, c’est ce que je suis en train de te dire."

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Midas Sterling & @Jo Carter

Bien sûr que son arrogance et son insolence ne me déplaisent pas. Peut-être est-ce la preuve d’un manque de force de caractère, peut-être est-ce parce que c’est elle, mais qu’elle me reprenne ne m’a jamais dérangé. Je ne me suis jamais rebiffé, ou pas de façon authentique. Parfois, j’ai feins être vexé qu’elle tente d’avoir toujours le dernier mot, mais jamais je n’ai trouvé que c’était un défaut, bien au contraire. Toutefois, plutôt que de lui faire le plaisir d’admettre que j’aime ça, je me contente de soupirer en secouant la tête de droite à gauche, mais avec un mince sourire sur les lèvres.

« Fais pas de promesse que tu peux pas tenir, Sterling. » - « Je fais jamais de promesses que j’ai pas l’intention de tenir. » Ni aujourd’hui, ni hier puisque ses mots me renvoient six ans en arrière, la veille de la finale de l’émission qui m’a consacrée. Je lui ai promis d’être là pour elle quoi qu’il arrive, et elle m’a dit exactement la même chose. Toutefois, la suite des événements a fait que nous avons perdu le contact sans que je ne sois capable de dire si c’est elle ou moi qui a trahi la promesse faite à l’autre. Je crois que nous sommes, au fond, tous les deux un peu responsables. Avec le souvenir de cet échange vient forcément le souvenir de notre baiser et j’ignore si elle l’a fait exprès, Jo. Je me contente de déglutir un peu plus difficilement, ayant toutefois l’impression soudaine que le studio manque d’air frais.

D’une promesse brisée à une autre, je m’arrête juste avant de passer la porte en direction de la salle d’enregistrement pour faire marche arrière, et enclencher le programme d’enregistrement de la cabine. « Je croyais que t’enregistrerais pas. » Je n’ai pas promis après tout ? La sémantique est importante, ou en tout cas elle le devient puisque je veux être capable de l’écouter dès que j’en aurais besoin, si toutefois elle devait dire non et disparaître à nouveau. « J’ai affirmé. Pas promis. Fallait faire attention aux mots, Joséphine. » Un sourire insolent sur les lèvres, je me hisse sur mon tabouret et j’attends. Les yeux vrillés dans sa direction, la main en suspension au-dessus des cordes de ma guitare, j’attends sa décision, un choix de chanson, quelques mots pour qui m’aideront à poser des accords de grattes pour accompagner sa jolie voix. « Sunrise with you on my chest… » Oh, que ces mots sont familiers. Si le choix me surprend, ce n’est pas tant puisqu’il s’agit de l’une des miennes, mais parce que Fallin’ all in you ne fait pas partie des chansons choisies par le label pour devenir un single. La douce mélodie de ce titre n’est pas passée en boucle à la radio, autrement dit, pour la connaître, il faut avoir écouté mon album en entier. Je me moque qu’elle l’ait acheté ou écouté sur une plateforme de streaming : elle a cherché et m’a accordé une heure trente de sa vie. Peut-être un peu plus, puisqu’elle semble connaître les paroles sur le bout des doigts. Si je suis touché, c’est parce qu’il s’agit de l’une des miennes avec tout ce que ça implique de plus qu’un à l’arrière d’un album. Celle-là, c’est l’une des rares que j’ai écrite et composée en intégralité juste après ma sortie de X-Factor, à l’époque où ça ne m’était donc permis que rarement. Depuis, j’ai gagné un peu mou à ma laisse mais, en 2016, bien plus de choses m’ont été imposées. Mais pas ce titre. Je ne l’accompagne pas tout de suite Jo, la faute à la surprise et l’émotion qui me paralysent quelques secondes, jusqu’au premier refrain. Là, je laisse mes doigts glisser sur les cordes et, si je ne l’ai pas jouée depuis des années, je connais toujours les accords par cœur. Les paroles aussi et mue par un brin d’audace, je l’accompagne d’abord timidement sur les refrains, avant de chanter seul le dernier couplet qu’elle m’offre en cadeau. Lorsque mes doigts s'immobilisent et que la chanson se termine, je reste muet quelques secondes, tout à mon émotion. Mes poils se sont soulevés sur mes avant-bras et mon estomac s’est retourné dans mon ventre. Bien sûr qu’elle est toujours aussi douée qu’à l’époque. Le mot est même insuffisant pour évoquer son talent. Mais je crois que j’avais oublié ce que c’était, que de chanter en parfaite harmonie avec elle. J’ai revisionné plusieurs fois nos performance, mais je crois que je ne me souvenais pas à quel point c’était parfait. « C’est une jolie chanson. » J’esquisse un sourire, pensif, avant de répondre. « Je voulais que ce soit un duo quand je l’ai écrite. » Évidemment, il est inutile de préciser avec qui je voulais la chanter. « Et j’avais raison. Elle est bien mieux comme ça. » Peut-être qu'un jour, lorsque je serai entré dans la légende, me permettra-t-on de sortir une réédition de mes plus vieux albums ? Peut-être ce jour-là pourrais-je faire rentrer les choses dans l’ordre, faire en sorte que tout soit comme c’était supposé être ? « Mais le type qui la chante d’habitude, il a pris un de ces melons… » - « M’en parle pas. T’as vu son compte instagram ? » Si je me permets d’en rire, c’est bien parce que ce n’est pas moi qui le gère (ou pas entièrement). Je poste encore ce que j’ai envie de poster mais, lorsque Cassie souhaite prendre la main, je la laisse faire sans protester : elle est bien plus douée que moi là-dedans. « Et sa voiture, tu verrais sa putain de bagnole de prétentieux. » Étonnamment, avec elle, ce n’est même pas désagréable de se moquer de l’homme que je suis en partie devenu. Avec elle, ça a un goût de nostalgie agréable.

« Tu te sens capable de les faire patienter encore un peu ? » Lorsqu’elle brise le silence, mon menton est posé sur ma guitare et, pensif, je pense à ce que nous aurions pu être. A partir de là, il n’y a rien de surprenant au fait qu’elle aussi soit chamboulée et qu’elle aussi veuille retrouver un peu de ce que nous étions. Je relève la tête, et l’interroge d’un regard. « J’ai envie de le faire. Je crois que t’as compris, ça sert plus à rien que je fasse comme si tu me tendais pas la seconde moitié du ticket d’or. » - « La production ? Oui, pas des mois, mais je crois que deux ou trois semaines, c’est faisable. » Au-delà de ce délai, c’est moi qu’on qualifiera de diva et à raison. Je ne profite que rarement de mon statut pour faire des caprices mais, pour Jo, je n’ai pas l’impression que ça en soit un. Ou en tout cas, elle en vaut la peine. « Je dois m’organiser. » - « C’est évident. » Je ne peux plus faire comme si je ne savais pas ce qui la retient. Je ne peux plus au risque d’être qualifié d’insensible. « Je peux pas te faire de promesses ce soir et te dire que ma décision est vraiment prise. Ça dépend pas que de moi. Je sais que ça aussi, t’as compris, t’es pas si idiot que ça. » - « Fais attention, si tu me fais trop de compliments, je vais finir par croire que tu perds la tête. » J’esquisse un sourire, avant de hocher la tête en guise de réponse plus sérieuse. J’ai compris. Voilà ce que ça dit. « Je suis pas en train de faire ma diva, c’est ce que je suis en train de te dire. » - « Je t’autorise à faire ta putain de diva en toute impunité Jo Carter alors prends, t’en as toujours rêvé. » Elle n’a pas attendu mon autorisation pour ça, cela dit. Mais je sais que, cette fois, il y a bien plus qui est en jeu. « Moi aussi j’ai besoin de m’organiser, de toute façon. » Pas de la même façon, mais parce qu’il y a Posy et que Posy est à Brisbane. Je n’envisage pas d’accepter sans solution pour la voir régulièrement puisque je me suis promis d’être plus là pour elle que je ne l’ai été ces dernières années. J’ai besoin de plus de liberté que nous en avions lorsque nous étions des inconnus. J’ai besoin d’un jet à ma disposition pour faire l’aller-retour dès que j’en aurais envie, et d’un logement pour elle le week-end : autant de conditions que j’ai l’intention de poser sur la table. « Mais d’ici-là, t’es pas obligé de réfléchir dans ton coin. Mon studio t’est ouvert, tu l’utilises quand tu veux. » Quand je suis là ou quand je ne le suis pas. « Y’a une seule consigne. Tu touches pas à la guitare sur le mur, celle avec la signature d’Angus Young. Je veux pas la retrouver sur ebay. Je préfère encore que tu prennes Oli en otage si tout ça c’est pour l’argent. » Une main sur le coeur, dans un geste parfaitement théâtral, je lui adresse un sourire de parfait insolent, conscient que je risque une frappe derrière la tête, et bien incapable de m’en soucier ou de m’en formaliser.

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Jo Carter & @Midas Sterling (crédit gif/harley)

Sa mauvaise foi, elle l’avait forcée à rendre Midas responsable des années qu’ils avaient passé à ne pas échanger, pas même un pauvre texto comme rappel  timide que hey, je suis là. Mais si une partie du gâchis qu’avait été les six dernières années devait être partagé, elle savait qu’elle en méritait une part, et pas la plus petite. C’était probablement trop tôt pour l’admettre de vive voix cependant, et l’envie de passer à ce qui les attendaient maintenant balaya, le temps de trois minutes et cinquante-cinq secondes, à peu près tout ce qu’elle regrettait de ne pas avoir fait avec lui, ou pour lui.
Et bien sûr qu’à l’avenir, elle se réjouirait de pouvoir glisser des sous-entendus qu’il comprendrait, et qui lui feront réaliser qu’elle n’avait absolument rien oublier ce qu’ils avaient vécu ensemble, que ce soit filmé ou pas, et peut-être que ce serait abuser sur l’idée qu’il y avait eu quelque chose entre eux quand elle avait toujours été sûre, sans chercher à amenuiser la tension qui régnait, que ce n’était que l’effervescence du monde dans lequel ils étaient tombés qui avait provoqué l’évidence. Là, maintenant, ses mains posées sur ses genoux, à le regarder redescendre en douceur, tout comme elle était en train de le faire, elle n’en était plus si sûre, Jo ; pas quand elle se retrouvait à le regarder comme elle le faisait maintenant, à devoir calmer sans en avoir l’air ses signes vitaux parce que le trop-plein d’émotions était si fort sur le moment, qu’elle aurait pu quitter son tabouret pour au moins le prendre dans ses bras et lui avouer qu’il lui avait trop manqué. Et pas uniquement parce qu’il y avait une alchimie musicale évidente entre eux, et que ça avait fait la blague quelques temps de les désigner comme le tout de quelque chose qui faisait fantasmer les adolescents à l’époque, sans jamais que qui que ce soit ne se sente assez à l’aise à l’idée d’avouer qu’il y avait plus que les regards en coin lors des interviews, ou des chamailleries hors-champ, pointées du doigt par des fans invétérés qui s’extasiaient devant ces contacts volés en dégueulant leur volonté, un peu malsaine au demeurant, de les voir être ensemble pour de vrai. Mais entre ce qu’elle était capable de s’avouer à elle-même et aux autres, il y avait des pas à faire qu’elle n’était pas prête à envisager tout de suite, Jo, pas quand ça nécessitait d’être un peu fragile, et d’admettre quelle avait mal agi, qu’elle avait mal réagi, lui demandant dans une supplique maladroite s’il voulait bien reprendre là où tout s’était arrêté.
Elle ne le ferait pas, pas même là, et ça, ce n’était pas du bons sens, celui qui lui soufflait qu'il avait une vie désormais, et qu’elle en avait une aussi, quand bien même elle était différente de la sienne ; c’était bien sa fierté de femme, et ça lui jouerait des tours, mais au point où elle en était, de toute façon. Elle fronça le nez, l’entendant rebondir sur son compliment, et rentrant le menton en même temps pour presque murmurer "Personne n'a voulu la chanter avec toi ? Quelle humiliation." Jouer à la sotte, ça faisait partie de son charme, mais elle comprenait où il voulait en venir, et ce n’était pas si agréable que ça ; ça la rendait juste un peu plus coupable d’avoir tenu à rester à l’écart pendant que sa carrière prenait l’eau, et que la sienne grimpait pour atteindre une apogée qui, même à elle, lui donnait le vertige. Elle pencha la tête sur le côté, cherchant à reprendre au moins un peu le contrôle de la situation en tournant en dérision la situation, en le désignant comme la diva qu’elle savait très bien qu’il n’était pas, parce que dans leur duo, c’était elle qui tenait ce rôle. Ça ne l’empêcha pas de grossir très légèrement les yeux, et de profiter qu’il rentre dans son jeu pour lui dire, avec pointe de déception surjouée dans son ton, mais aussi dans l’expression qu’elle lui renvoya à distance, toujours assise sur son tabouret, transi de la crainte de chanceler si elle se levait maintenant, toujours sur le coup de ce qu’il venait se passer, ses genoux cognant discrètement l’un contre l’autre "Me dis pas que t’as un coupé-sport ? Ou non, non, non, attends…" Elle avait tendu le bras devant elle pour le désigner d’un index, comme si une illumination venait de la frapper en même temps qu’elle voyait le tableau d’ici "Le genre de grosse cylindrée dans laquelle je peux monter que s’il y a un marche-pied, avec vitres tintées et carrosserie renforcée pour empêcher tes fans de te reconnaître, ou de se jeter sous tes roues ?" Sérieux, Midas, que lui renvoyèrent ses yeux quand elle cessa enfin sa comédie, et qu’elle se décida à se lever de son tabouret avec l’hésitation d’un bébé qui apprenait à marcher.

Une jambe à la fois, elle quitta l’assise de son tabouret, entamant la conversation sur ce qui l’intéressait vraiment au final, et qu’elle lui donna sans faire plus sans le suspens, encore qu’il y avait des clauses à sa réflexion qu’il devait prendre en compte. Et il le fit avec une délicatesse qu’elle ne pouvait pas lui enlever, encore une fois. Elle s’approcha assez de lui pour constater, trouvant rapidement son regard, qu’il comprenait pourquoi elle lui faisait part maintenant de son envie de repartir pour un tour, et c’était ce genre de connexion, celle qui l’exemptait de devoir s’humilier en étant trop émotive, qui la rendait reconnaissante du fait qu’il la comprenait si bien : s’ils n’avaient pas chanté ensemble, elle aurait pu refuser tout net d’avoir de nouveau quelque chose à tenter, et ses souvenirs seraient restés des souvenirs, se sensations se seraient envolées sans qu’elle ne puisse vraiment savoir si elles les avaient exagérées ou pas. Elle savait que non, plus maintenant, et c’était ce qui la perdait sur l’instant, de s’être de nouveau laissée atteindre si fort que ça lui faisait du bien, dans tous les sens du terme. Même elle n’était pas assez orgueilleuse pour ne pas savoir que ça deviendrait bientôt un besoin de pouvoir envisager de chanter de nouveau avec lui sur une base plus régulière.
Elle eut un très léger sourire quand il l’autorisa à se comporter en diva. Sa réplique était toute trouvée, et elle pointa son doigt vers la vitre qui les séparait de l’autre côté de la cabine d’enregistrement "Attention à ce que tu dis, tout est enregistré." Ça valait pour elle, alors elle se tut un instant, simplement pour incliner la tête, reprenant sur elle au fur et à mesure qu’elle l’entendait parler, et qu’elle lui dit avec provocation, venant faire vibrer les cordes de sa guitare d’un ongle passé très furtivement sur les cordes. Elle se tenait juste en face de lui, presque à sa taille pour une fois, avec une distance de sécurité visible — à distance de bras, celui qu’elle avait tendu pour toucher les cordes, en vérité "T’organiser de quoi, t’as pas une équipe de larbins derrière toi, prêts à répondre à tous tes caprices et à te donner l’impression d’être le roi du monde ?" Elle soupira, laissant ses épaules s’affaisser, et par la même occasion, la pression dans sa poitrine filer doucement, quand toupillant sur ses talons, elle murmura "C’est vraiment plus ce que c’était, la célébrité." Aussi, ce qu’il ajouta lui fit tourner la tête vers lui, parée à le contourner pour rejoindre la porte du studio qu’il mettait à sa disposition dans une démonstration de pure gentillesse — ce qu’elle n’était pas capable de faire, alors elle ne répondit pas, laissant planer le doute quand à l’idée qu’elle se pointerait de temps à autre. Elle trouva cependant très opportun de rouler des yeux quand il parla des trésors dont recelaient sa planque, et s’arrêta juste à ses côtés pour lui dire, penchée très légèrement sur lui pour que son murmure l’atteigne "Tu sais ce qui me rapporterait une petite fortune, hm ?" Elle n’attendit pas qu’il lui réponde, elle lui chopa l’arrière de la tête pour lui tirer les cheveux assez fort pour qu’il croit qu’elle en avait arraché une poignée qu’elle fit mine de tenir fermement dans sa main quand, gardant son sérieux, se redressant en même temps, elle lui dit en le quittant pour rejoindre la porte séparant la cabine d’enregistrement du studio "Tu le mérites, t’as souri, abruti."

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Midas Sterling & @Jo Carter

« Personne n'a voulu la chanter avec toi ? Quelle humiliation. » J’esquisse un sourire amusé, avant de secouer la tête. « Si, Kylie Minogue. Mais c’était surtout parce qu’elle rêvait secrètement d’avoir une liaison avec moi et, jeune pourquoi pas, mais le genre cougar m’excite pas trop. » Dieu soit loué, Jo n’a pas le moindre objet sous la main à m’envoyer au visage puisqu’il va sans dire qu’avec mon sourire de crâneur, je l’aurais mérité. La vérité c’est que, lorsque j’ai écrit cette chanson, je sortais à peine de X-Factor et qu’il n’y a qu’avec mon ancienne concurrente que j’aurais voulu la chanter. Mais puisque les choses étaient ce qu’elles étaient, c’est resté un rêve, pas même un projet : je ne voulais pas donner l’occasion au label de me mettre une starlette en vogue dans les pattes. Jo ou personne d’autre. « Me dis pas que t’as un coupé-sport ? Ou non, non, non, attends… » Elle fait mine de réfléchir et j’esquisse un sourire. Je ne devrais pas : la chanteuse est le chasseur et je suis sa proie, mais j’ai toujours été bien incapable de résister à l’envie de rentrer dans son jeu. « Le genre de grosse cylindrée dans laquelle je peux monter que s’il y a un marche-pied, avec vitres tintées et carrosserie renforcée pour empêcher tes fans de te reconnaître, ou de se jeter sous tes roues ? » J’éclate d’un rire bien plus sincère que celui que je distribue sur les plateaux d’interview ou lorsqu’une fan m’arrête dans la rue pour me demander une photo. « Un coupé-cabriolet allemand. T’aurais dû rester sur ta première intuition. » La Mercedes dernier cri est la seule excentricité que je me sois permise. En dehors de ça, je suis globalement resté le même, avec une immense villa bien trop grande pour moi seul en prime. Il fallait bien un garage dans lequel garer ma bagnole de luxe. « Pour les fans, j’ai des agents de sécurité. Je suis pas un barbare. » Est-ce que la brune s’interroge sur ce à quoi ressemble ma vie ? Est-ce qu’elle se demande ce que c’est que d’être à ma place ?

Alors qu’elle se lève, je me fige, incapable de la quitter du regard. Elle m’hypnotise alors qu’elle se déplace dans la pièce et, plus elle s’approche, plus j’ai le souffle court. Il y a bien longtemps que je n’ai plus été si sensible au magnétisme d’une femme, et Jo n’est que ça, magnétisme. « Attention à ce que tu dis, tout est enregistré. » Ses doigts s’amusent avec les cordes de ma guitare et il va sans dire que, même si elle en cassait une avec ses ongles manucurés, je n’aurais pas le coeur à le lui reprocher. Pendant l’espace de quelques secondes, je ne suis rien qu’à elle. Elle n’a qu’un mot à dire et j’exaucerai le moindre de ses caprices. Lorsque l’ambiance change, que la discussion devient à nouveau plus sérieuse et qu’elle s’éloigne, je respire mieux et plus mal à la fois. Chaque bouffée d’air est plus terne, à présent qu’elle n’est plus qu’à une distance de bras de moi. J’aurais pu l’attraper par le poignet et l’attirer plus près. J’aurais pu.

« T’organiser de quoi, t’as pas une équipe de larbins derrière toi, prêts à répondre à tous tes caprices et à te donner l’impression d’être le roi du monde ? C’est vraiment plus ce que c’était, la célébrité. » - « Un artiste de ma trempe se doit de cultiver son jardin secret, tu sais ? » Elle n’aura aucune réponse plus concrète ou précise. Posy est un secret, un qui lui est inaccessible, même à elle, puisqu’il n’est pas question de moi mais du bien-être de ma gamine. Que ce sera dangereux, que d’être près d’elle pendant le tournage du Revival sans avoir envie de cracher le morceau. « Des proches à prévenir. Je vis pas seul dans un palais de cristal. » Si, à vrai dire, c’est exactement comme ça que je vis, le cristal en moins. « Par contre, si tu veux faire le trajet jusqu’à Sydney en jet, faut pas te priver de te mettre à genoux pour me demander. » J’esquisse un sourire malicieux, un sourire d’adolescent insouciant, conscient que je viens de lui apporter une raison de plus de lever les yeux au ciel et de me frapper à l'arrière de la tête. Ca viendra, je lui fais confiance. « Tu sais ce qui me rapporterait une petite fortune, hm ? » - « Ma soeur ou la guitare ? » Je joue au con, à l’imbécile, et je récolte ce que je mérite : pas une claque, mais sa main autour de plusieurs mèches qui me tire la tête en arrière. Je crie un aïe bien trop théâtral avant de me tourner vers elle. « Tu le mérites, t’as souri, abruti. » - « J’expliquerai à mes fan que c’est toi, la calvitie. » Qui ne me menace pas le moins du monde, si j’en crois mon implantation capillaire ainsi que celle de tous les hommes de ma famille. Mais dieu que c’est bon, de retrouver ce jeu innocent - ou pas tout à fait - avec Jo Carter.

RP terminé