Bellamy était si à l’aise avec son orientation sexuelle qu’il en avait presque oublié que ce n’était pas le cas de tout le monde - voir la réaction d’A face à quelque chose qui semblait si simple au danseur était un brusque rappel à l’ordre. Une preuve que non, les relations homosexuelles n’étaient toujours pas entrées dans la norme et que cela continuait à nuire à des membres de la communauté.
Bella voulait l’aider, il voulait lui montrer que ce n’était rien de grave et encore moins en ces murs : ils n’étaient que tous les deux, rien de ce qui se passait ici n’avait à en sortir.
“You should.”
A croire qu’A était un genre de monstre détestable. Certes ses réactions avaient laissé Bellamy dans l’incompréhension, mais ce n’était pas un crime et le danseur n’en gardait aucune rancœur.
“If you’d approached me a year ago at the bar, I probably would have broken your nose. I hurt people because I can’t accept being like them. I’m the asshole you are talking about.”
Ca laissa Bellamy pensif, ses iris observant silencieusement les traits d’A pendant quelques secondes. Il avait déjà fait l’erreur de draguer des hommes de ce genre et ceux-là se sentaient généralement obligés de répondre agressivement comme si se faire aborder par quelqu’un du même genre remettait en cause quoique ce soit chez eux.
“I don’t care, it’s in the past,” répondit-il. Le passé des gens n’était pas important tant qu’ils apprenaient de leurs erreurs et ne les reproduisaient pas. Vraisemblablement, A avait changé puisque Bellamy n’avait pas perdu son nez, c'était tout ce qui lui importait.
“Would you say the same if those people who aren’t happy about with it were your own parents ? Your dad, who thinks the world of you ?”
“Why do you want to tell him? If you don’t live with him or something, it’s easy to hide,” on ne s’inquiétait jamais autant de cacher à sa famille une relation hétéro alors pourquoi serait-il plus compliqué de dissimuler un relation lgbt ? Les chances que des espions rapportent à ses parents quoique ce soit étaient très maigres à leur âge et de toute façon, les familles n’avaient plus leur mot à dire dans leur vie. Your dad is kinda toxic if he thinks less of you after you come out, by the way,” ajouta-t-il avec une petite moue. Les années 80, c’était fini depuis longtemps, on n’était plus censé rejeter son enfant parce qu’il n’entrait pas dans une norme hétérosexuelle.
“Would you say the same if you could lose them, and lose everything you love at the same time ? All that for a stupid crush on a boy.”
Bellamy considéra sérieusement la question en la transposant sur sa grand-mère. Elle n’était pas très à l’aise avec le sujet et le danseur avait décidé de ne plus lui en parler à moins qu’il ne finisse vraiment dans une relation sérieuse avec un homme et atteigne le stade des présentations à la famille (ça n’était jamais arrivé.) Il était convaincu que Jimin, aussi mal à l’aise soit-elle, finirait par se faire une raison et accepter son gendre.
“What you gonna do then? Stay single forever? C’était plus une plaisanterie qu’autre chose, parce que la réponse ne pouvait pas être positive, hein ? Hey you didn’t tell me, d'you identify as gay or bi? Or else?” Ca n’allait vraiment pas révolutionner la vie de Bellamy de savoir ça, mais il était curieux et sûrement que A se sentirait moins condamné aux enfers éternels s’il pouvait aimer une femme. Vu sa réaction, Bella supposait que ce n’était pas le cas, la situation aurait sûrement semblé moins dramatique à A si ça avait été une possibilité à sa portée.
“No. I gotta be the big brother. They count on me. I can’t shut the door in their face like they don’t matter anymore.”
Bellamy était incapable de relate, aussi regarda-t-il A avec de grands yeux ahuris. Il n’avait ni adelphes plus jeunes, ni pression familiale sur ses épaules (sa grand-mère s’estimait heureuse quand il réussissait à faire le strict minimum) alors ce dont parlait l’autre homme lui paraissait aussi invraisemblable que difficile à assumer.
“Aren’t you, like, kinda old to want so much to please them?” le taquina-t-il avec un fin sourire. Un peu culotté de sa part : Bellamy était le premier à faire en sorte que sa grand-mère soit fière de lui. Pour autant, il avait tellement l’habitude de décevoir les gens à un moment ou à un autre qu’il ne se lamentait plus vraiment lorsque ça arrivait, et Jimin elle-même s’était habituée aux déconvenues au point de ne plus avoir d’attentes inatteignables pour son petit-fils.
“I can’t be here. This idea was stupid. I’m sorry I ruined your evening.”
En réalité, ce n’était pas tant le changement de plans qui chagrinait Bellamy, plutôt le fait de voir quelqu’un triste dans son salon. Il avait l’impression d’avoir fait quelque chose de mal (même s’il était évident, même pour lui, que le problème était intrinsèque à A) et il voulait surtout arranger les choses quand bien même ça n’était pas dans ses capacités.
“You can stay, I don’t mind. I can make some tea,” il avait un nécessaire complet offert par sa grand-mère et qu’il n’utilisait presque jamais (toutes les fois où il l’avait sorti, ça avait été pour Maria.)
Bellamy n’avait surtout pas envie qu’A parte, cela l’obligerait à trouver de nouveaux plans pour ne pas passer sa soirée seul (pas que ce soit un challenge, il avait suffisamment de contacts pour trouver en quelques minutes une personne qui voudrait bien l’accueillir), il aurait surtout l’impression de ne pas avancer dans sa (non)relation avec A or il avait envie que les choses progressent.
Il n’était peut-être pas prêt à ignorer les vingt dernières années, à les balayer du revers de la main comme si elles n’avaient jamais existé et comme si ce n’était pas elles qui l’avait façonné. Ce n’était pas qu’une simple balade en voiture avec le son de la musique réglé au maximum qui l’aurait changé. Il n’avait pas bu, non plus, ce qui était à la fois une bénédiction et un problème. Pendant un instant, il voyait clairement. Il regardait Bellamy sans le craindre, lui et les idées qu’il faisait naître dans sa tête. Il avait presque oublié ce que tout ceci signifiait, que cet intérêt qu’il porte envers les hommes est la chose qu’il méprise le plus chez lui. S’il n’était pas né malade, il n’aurait pas brisé autant de cœurs, écrasé autant de pieds, brisé des crânes pour préserver le sien. Il a toujours mis le blâme sur son homosexualité parce que c’était plus facile d’extérioriser ses problèmes et ses défauts. Ce n’est pas lui. C’est sa malédiction, ainsi que ses parents qui lui ont appris à se cacher pour ne pas déplaire. Et, même si le temps a passé et que les années lui ont fait gagner en maturité, il se considère encore comme le même Archie de seize ans qui se protégeait en attaquant le premier. “I don’t care, it’s in the past,” Mais il ne devrait pas penser cela, B. Il connait à peine Archie. Il ne connait que A et, encore, c’est une hyperbole. Il reconnaitrait son visage au milieu d’une foule, certes, mais il n’entend pas toutes les pensées destructrices qui lui traversent l’esprit jour et nuit. S’il savait, il ne se poserait pas près de lui, ne l’accompagnerait pas dans cette crise de panique seulement provoquée par la haine envers lui-même, envers ceux qui ont le courage de vivre en se fichant de ce que peuvent bien penser les autres. Typiquement, Bellamy est le genre de garçon qu’il déteste. Jalousie. “Why do you want to tell him? If you don’t live with him or something, it’s easy to hide,” Ce n’est pas aussi facile que ça. Il ne connait pas sa famille. « It’s not when you are constantly asked when you’ll find a woman to marry. They want me to be a father. I’m thirty years old, now. I can’t wait any longer. » Il marque une pause, essuie ses yeux, se recache le visage. « Yeah, before you ask, they live in the 18th century. » Une famille conservatrice qui ne pourra pas laisser le progrès et les idées changeantes entrer dans leur foyer. Ils vivent dans le passé, tout comme Archie, qui s’est moulés à leurs valeurs pour ne pas se faire rejeter. “Your dad is kinda toxic if he thinks less of you after you come out, by the way,” Tout comme il approuve ce constat, il le déteste en même temps. Certes, son père a ses failles, mais il reste son père. Il l’a élevé et il lui doit sa carrière, sa richesse, ses victoires. C’est lui qui lui a montré comment faire sa place et il ne serait pas là aujourd’hui sans lui pour le pousser dans cette direction. Mais est-ce que ce serait réellement une mauvaise chose ?
“What you gonna do then? Stay single forever?” L’idée lui avait traversé la tête à de multiples reprises. « Thought I would have worked out all this stuff sooner. Thought I would have met a girl and fall in love. But it’s like I can’t really… Love that way. » Il admet à voix haute, une confession qu’il n’avait jamais faite. Il sait au fond de lui que c’est un homme qui arrivera à lui faire vivre de nouvelles choses mais il s’en interdit, se bloque, s’enferme dans sa grotte en croisant les doigts. Mais, ça, il ne l’avouera pas. Personne ne peut savoir. “Hey you didn’t tell me, d'you identify as gay or bi? Or else?” La question lui bande les muscles. Il se crispe, jette un regard noir furtif et rapide à Bellamy. « You really think I thought about that ? I don’t want to. Fuck… I just wanna be like everyone else. » Encore des préjugés et des clichés qui alimentent tous les propos qu’il tient, aussi haineux soient-ils. « Would that really help to know if I’m really weird, or just a little ? » À ce point, c’était comme s’il faisait exprès pour se faire jeter dehors cet appartement où il a le droit d’exister. Combien d’atrocités Bellamy pourrait-il encore supporter ? Il n’a pas invité Archie dans le but de se faire couper la tête. « Would that help ? » Il répète d'une voix moins assumée, démontrant son besoin de connaître la réponse à cette question bien que cette dernière l'effraie.
“You can stay, I don’t mind. I can make some tea,” Mais, bien évidemment qu’il est trop gentil. Il le fait peut-être dans l’espoir de faire un peu de ménage dans l’humanité, nettoyer les gens sales comme Archie et se proclamer bienfaiteur par la suite. Archie est le roi de la jungle, il ne veut pas qu’on prenne soin de lui ou, pire, qu’on essaye de le changer. Ça voudrait dire qu’il ne contrôle plus sa vie. « Are you really stupid enough to invite me to stay ? » Il lâche un rire sans vie. Il s’agit plutôt d’un mécanisme d’autodéfense qu’il ne contrôle plus à ce point. Il est épuisé, il se sent plus ses jambes ni son poids, le sol sous ses fesses s’est dérobé il y a fort longtemps. « Didn’t you captured the signs ? If my father’s toxic, then I’m fucking rat poison. You really wanna have some tea with an homophobic ? » Il soupire lourdement : « I’m pretty sure you have better thing to do. »
“It’s not when you are constantly asked when you’ll find a woman to marry. They want me to be a father. I’m thirty years old, now. I can’t wait any longer.”
Bellamy a l’impression d’échanger avec un mur, or il déteste les discussions qui tournent en rond et s’éternisent. Il ne sait plus trop quoi lui dire, à A, son problème n’a pas l’air si grave mais il insiste pour le compliquer - Bella ne peut pas l’aider s’il ne veut pas, alors il ne dit rien et se contente de l’observer.
“Yeah, before you ask, they live in the 18th century.”
Il n’allait pas demander et il n’y avait pas vraiment pensé non plus. C’est compliqué les familles, il a eu de la chance que sa grand-mère soit plus attachée à son bonheur qu’à son homophobie latente alors elle se garde de faire des remarques, mais il n’irait certainement pas en parler à son père. D’un côté, il peut comprendre, ne pas en parler à ses proches, ça fait sens, mais s’empêcher de vivre sa vie malgré tout ? Ca il ne comprend pas.
“Okay,” dit-il sans grande éloquence. Il essaye quand même de signaler que dans un monde idéal, les parents devraient accepter leurs enfants comme ils sont et pas vouloir leur imposer une norme dommageable pour eux, il essaye aussi de dire à A que sa technique est nulle et qu’il ne pourra pas la tenir sur le long terme. Il peut bien faire ce qu’il veut pour avoir l’air hétéro, marier une femme si ça lui chante, mais il n’en reste pas moins qu’il ne sera jamais heureux, avec le sentiment de ne jamais avoir été accepté pour qui il est, mais qui veut finir ses jours malheureux ?
“Thought I would have worked out all this stuff sooner. Thought I would have met a girl and fall in love. But it’s like I can’t really… Love that way.”
“That’s called being gay, qu’il dit avec un petit rire. C’est pas vraiment drôle, A lui fait même franchement pitié, mais il vaut mieux en rire qu’en pleurer nan ? Or aromantic, il pense à voix haute. Maybe that’s it? If it’s love the problem?” Il n’en sait rien, il essaye juste de trouver une solution pour A - peut-être que sa vie serait plus facile s’il était plus aro que gay. Puis Bella se rend compte qu’il ne fait que des présupositions mais qu’il ne sait même pas si A est au fond du gouffre parce qu’il sait qu’il n’aimera jamais une femme ou si l’hypothèse est sur la table.
“You really think I thought about that ? I don’t want to. Fuck… I just wanna be like everyone else.”
A son grand âge, Bellamy se dit que oui, il aurait sûrement dû essayer d’y réfléchir, mais apparemment ce n’est pas le cas. Est-ce qu’A s’est déjà vraiment introspecté même ?? Il n’a pas vraiment l’air du genre de personne encline à la pratique. Bon, Bella non plus, mais au moment où il a commencé à croire qu’il pourrait être queer, il s’est empressé de se pencher sur la question jusqu’à obtenir sa réponse. Il n’a pas particulièrement besoin d’étiquettes pour fonctionner, mais la sienne s’est imposée à lui d’elle-même.
“Well yes but- qu’il commence avant de s’interrompre quand la fin de la phrase d’A lui monte enfin au cerveau. It’s boring to be like everyone else!” non il n’est pas offensé par la remarque, à vrai dire, il ne l’analyse pas suffisamment pour lui trouver un quelconque caractère vexant, il la prend juste comme elle vient. Il ne voit pas pourquoi A voudrait se fondre dans le moule, lui, il préfère se démarquer en parlant fort, en portant des couleurs de cheveux chatoyantes et des tenues qui sortent du lot, il aurait l’impression de mourir, si on ne le voyait pas.
“Would that really help to know if I’m really weird, or just a little ?”
“Wow man, that’s you who come from the 18th century! répond-t-il, toujours avec le même petit rire amusé. Toujours pas vexé, juste un peu surpris de voir qu’A, trente piges, pense comme les boomers sur facebook. Never say that on internet though, you’ll get cancelled so, so fast, il prévient même avec un rictus.
Bellamy, il s’en tape de ce que les gens pensent, mais ce n’est pas le cas de tout le monde alors A devrait se sentir privilégié d’être tombé sur un interlocuteur patient.
“Would that help ?”
Il lui en pose de ces questions. Bellamy est un peu pris au dépourvu, d’habitude, les gens s’en fichent de son avis. Il hausse les épaules. “I guess?” Dans le cas d’A, ça l’est un peu, ça devrait le rassurer de pouvoir se dire que s’il est bi/pan/else, il a une chance de pouvoir trouver l’amour et de satisfaire sa famille. Et puis sinon, il n'aura plus qu'à se rendre à l'évidence et faire son deuil de sa "normalité."
Puis il a une pensée qui passe alors que la phrase d'A se répercute encore un peu dans son cerveau avant de disparaître. Il la formule à voix haute sans même y réfléchir: “That’s funny you said weird ‘cause queer, it means weird so, like, it’s only offensive if you say it to be offensive. Is it offensive?” cette fois il s’adresse bien à A, il le regarde même dans les yeux. La réponse ne lui importe pas tellement de toute façon, si le type fait partie de la communauté, il ne fait que s’insulter lui-même en insultant le groupe.
Bellamy n’est pas aveugle, il voit bien qu’il y a quelque chose qui cloche chez A (et ce n’est pas son orientation sexuelle) pour autant, il n’a pas envie de le mettre à la porte. Déjà parce que ce serait méchant, ensuite parce que malgré tout, il sympathise avec lui. Il voit bien aussi qu’il n’y a pas de formule magique pour l’aider, Bellamy n’a même pas envie d’être le bon Samaritain qui lui ouvrira les yeux (il n’est pas un héro, du tout), pourtant il ressent quand même le besoin de lui prouver quelque chose.
“Are you really stupid enough to invite me to stay ?”
“I don’t know about stupid but yes, you can,” il répond tranquillement. A est triste, Bella n’aime pas voir les gens tristes, les calculs sont vite faits.
“Didn’t you captured the signs ? If my father’s toxic, then I’m fucking rat poison. You really wanna have some tea with an homophobic ? I’m pretty sure you have better thing to do.”
Oh, Bella a vu les red flags. Il les a vu et il les a ignorés. A la base, il voulait juste un plan cul avec un mec qui lui plaisait, puis c’est devenu un jeu parce que l'inaccessible est attirant (seulement sur le court terme, parce qu’il finirait bien par se lasser), et voilà que maintenant, c’est pour ne pas laisser A tout seul avec ses pensées autodestructrices qu’il est là. En soi, il ne lui doit rien du tout, à ce type, mais bon, quitte à avoir perdu sa soirée à l’attendre puis à la consoler…
“I don’t know what you want me to say, admet-il. Oui A est homophobe, non Bella ne peut rien y faire, il ne voit qu’un point positif : A en a conscience, c’est un grand pas vers une amélioration. I mean, if you know you’re homophobic, then stop being homophobic right? après tout, la déconstruction, c’est qu’une question de volonté. Also I told you I’m bi so if it’s a problem, you can leave, the door’s open, continue-t-il avec un bref haussement d’épaules ; il en profite pour s'appuyer sur ses mains, légèrement basculé en arrière, plus confortable maintenant qu'A n'a plus l'air prêt à éclater en sanglots. C’est loin d’être une remarque faite pour le faire partir, il ne fait que souligner l’évidence. Après tout, A n’a pas encore pris la porte donc on se demande s’il le veut vraiment. I don’t have anything else to do anyway, I’ve cancelled my plans already,” enfin ça, c’est pas une formalité, Bellamy est connu dans le milieu pour toujours trouver un plan auquel se greffer s’il le veut vraiment, peu importe si c’est à la dernière minute ou pas (l’avantage de connaître tout Brisbane.)
“That’s called being gay, ” Serait-ce possible d’arrêter de prononcer ce stupide mot qui lui hérisse les poils sur les bras ? Il a tellement appris à le détester que sa seule utilisation le crispe des orteils jusqu’à la pointe des cheveux. Il s’est lui-même conditionné à réagir de la sorte en l’entendant ou, même, juste en le pensant. “Or aromantic, Maybe that’s it? If it’s love the problem? ” S’attend-il réellement à ce qu’Archie ait déjà entendu ce terme et puisse s’y identifier ? « I don’t know what it is. » Il bafouille. « But, yea, we can see love was always a problem. I broke many hearts and I used to be… proud of it. » Ce n’est sûrement pas quelque chose qu’il aurait dû admettre, ceci dit. Personne ne devrait tirer du plaisir dans le malheur des autres. Archie est un spécimen bien unique, ou, alors, un spécimen complètement brisé. Comme un Lego, il a été déconstruit puis reconstruit à l’envers. « I mean, I’m not proud of it anymore, before you start lecturing me. » Il ne semble pas avoir compris que Bellamy n’est pas comme ça et n’a pas l’intention de lui fouetter les doigts ou lui faire la morale. Il s’est montré passif depuis le début de cette discussion, ne se laisse pas écraser par toutes les insultes que lui balance indirectement Archie. Il est bien plus solide que lui, alors.
Le plus jeune ne voit pas de problème là où Archie s’en imagine un. Un énorme problème, d’ailleurs, qui le guette, le foudroie de ses yeux, le cloue toujours au sol sur un plancher qui ne lui appartient pas, dans un appartement où il a l’impression d’étouffer. Devant lui se dresse le garçon qu’il aurait pu devenir s’il avait décidé de ne pas lutter contre sa nature. Il représente une meilleure version de lui, sans aucun doute, une version qui voit le positif là où l’actionnaire voit le négatif. “Well yes but - It’s boring to be like everyone else!” Il serait d’accord si ça n’impliquait pas la différence qu’il avait, lui. Il s’est toujours pris pour ce qu’il n’était pas, a grimpé sur le podium sans se soucier de piétiner ceux qui tentaient aussi de l’escalader, s’est différencié de ceux qui, il pense, ne sont pas nés pour réussir – contrairement à lui. “Wow man, that’s you who come from the 18th century! Never say that on internet though, you’ll get cancelled so, so fast, ” Son sourcil s’hausse. Visiblement, il ne capte rien. Il n’entend pas la gravité de ses paroles parce que, ce discours, il est collé à sa peau. « Well, I wasn’t planning on doing that. » Il n’a jamais été un grand bavard sur les réseaux sociaux, d’ailleurs. C’est peut-être ça qui l’a sauvé d’une bêtise d’ordre internationale. « I missed your generation by a few years. » La génération technologie, la génération qui passe autant de temps à se créer un monde qu’à vivre dans la réalité. Il l’a vu, l’instagram de Bellamy, et tous les efforts qu’il y consacre pour le rendre parfait. Une manière différence de travailler qui ne vient pas le chercher, lui, et ses habitudes tirées du dix-huitième siècle.
“I guess?” Ça ne l’aide pas. “That’s funny you said weird ‘cause queer, it means weird so, like, it’s only offensive if you say it to be offensive. Is it offensive?” Ça ne l’aide toujours pas. « At this point, I don’t know what’s offensive anymore. » Il répond en expirant lourdement. Et, ce qu’il comprend encore moins, c’est l’hospitalité de Bellamy malgré les insolences qu’il vient de se prendre en plein dans le visage, ainsi que les cinquante drapeaux rouges que brandit Archie afin de se saboter. Il veut se faire jeter à la porte, avoir une bonne raison de partir. Il n’est pas tombé sur la personne qui lui fera regretter ses propos. “I don’t know what you want me to say” Lui non plus, en réalité. Il nage dans l’inconnu. Cette nuit ne marque pas seulement son premier baiser avec un garçon, sa première perte de contrôle ou sa première crise de panique devant un public : elle ouvre aussi un autre monde devant ses pieds, un endroit où, peu importe les conneries qu’il raconte, il ne se prend pas une claque en plein milieu du front. “I mean, if you know you’re homophobic, then stop being homophobic right? ”Il ne peut s’empêcher de glousser. Ça semble si facile, simplifié de cette manière. “Also I told you I’m bi so if it’s a problem, you can leave, the door’s open, ” Il relève ses yeux humides pour les accrocher aux siens. Non, ce n’est pas lui le problème. Ce n’est pas ses attirances, sa sexualité. C’est la jalousie qu’il fait naître dans son ventre. Ça a toujours été la source de sa haine. Détester ceux qui se sentent bien dans leur peau pour feindre de l’être tout autant. Mais il y a de nombreuses failles dans ce système, surtout si la personne qu’il agresse lui tend sa main plutôt que de le fuir comme tous les autres avant. Bellamy est-il stupide ou trop intelligent pour lui ? C’est difficile à dire. « It’s not. » Il murmure pour ne pas laisser son silence se faire interpréter de la mauvaise façon. “I don’t have anything else to do anyway, I’ve cancelled my plans already,” Serait-ce de la culpabilité qu’Archie sent pulluler dans son ventre ? « Really ? Fuck, I’m sorry. » Il ne lui aura pas offert la meilleure des soirées en échange de son sacrifice. « I didn’t mean to fuck up your plans like that. Thought I could do it. » Conduire jusqu'ici, fermer la porte de l'appartement derrière lui et goûter à ce plaisir qu'il d'interdit depuis toujours. Et, déglutissant, il retient une question qui lui chatouille la gorge, se pince les lèvres, les entrouvre, les referme, puis finit par la poser : « How did you know ? When did you know ? I mean… That you were bi. » Il déteste se placer dans la position de l’élève mais… il le fait. Et c’est un énorme pas pour lui. « Did you feel some kind of shame ? »
“I don’t know what it is. But, yea, we can see love was always a problem. I broke many hearts and I used to be… proud of it. I mean, I’m not proud of it anymore, before you start lecturing me.”
Bellamy le dévisage, interdit. Il se demande bien pourquoi il apprécie A alors que plus ils échangent, plus il devient évident que l’homme devant de lui est tout sauf un enfant de cœur. Bellamy n’en est pas un non plus, mais A a l’air d’être du niveau supérieur, celui où l’on prend tout simplement plaisir à faire souffrir autrui. Bellamy devrait définitivement le mettre à la porte, mais A a parlé au passé alors il est sur la voie de la rédemption n’est-ce pas ?
“I’m glad I met you just recently you know,” il dit avec un petit rire entre l’amusement et le rire jaune. A l’a dit lui-même, s’ils s’étaient connus un peu plus tôt, leur rencontre ce serait très mal passée, pour Bellamy.
Plus la conversation avance, plus A révèle ses biais si bien ancrés qu’il peut les dire à voix haute sans sourciller. Ça n'offusque pas Bellamy qui est au dessus des propos homophobes des gens (not his circus, not his monkey), il se retrouve plutôt à réfléchir au sujet comme s’il avait devant lui un pièce à analyser. A est comme une oeuvre contemporaine dont les intentions sont trop tortueuses pour être comprises sans que l’on creuse le sujet, Bellamy a du mal à le cerner et il est même prêt à laisser tomber ses tentatives parce qu’il n’aime pas se compliquer la vie pour rien. C’est ce qu’il avoue, qu’il ne sait pas pourquoi A est venu s’il est encore si triggered par la simple idée d’admettre à voix haute où vont ses préférences, qu’il ne sait pas ce qu’A veut entendre et pourquoi il se confie à lui. Le problème ne semble pas si compliqué que ça à ses yeux : A est en chemin pour se déconstruire, sinon il ne lui aurait pas dit tout ça, alors il n’a qu’à continuer comme ça et il finira par peut-être s’autoriser à être heureux avec la personne qu’il veut.
“It’s not.”
“It really is, insiste-t-il. I follow a lot of activists on social medias, I can send you their accounts so you can read and stuff,” Bellamy déteste lire et cela consiste même en une petite torture pour lui, mais il réussit quand même à y trouver du plaisir lorsqu’il s’agit du contenu de ses militants préférés, alors si lui y arrive, A peut forcément le faire aussi.
“Really ? Fuck, I’m sorry. Bellamy hausse les épaules, prêt à répéter que vraiment, ce n’est pas si grave. Il sort en permanence, une soirée de plus ou de moins … I didn’t mean to fuck up your plans like that. Thought I could do it.”
“No but stop apologizing it’s fine,” assure-t-il avec un sourire. Il tendrait bien la main pour lui tapoter l’épaule mais il a peur de le faire paniquer maintenant, alors Bellamy garde ses mains derrière lui en guise d’appui sur le sol. Il regarde A, le voit qui semble hésiter à dire ce qu’il a sur le cœur ; Bella attend, sourcils légèrement froncés. Il n’est pas du genre patient, s’il s’écoutait, il lui aurait déjà demandé de parler, mais on lui a toujours répété de ne pas couper les gens et d’attendre son tour pour parler et parfois, les instructions lui reviennent en mémoire.
“How did you know ? When did you know ? I mean… That you were bi.”
Bellamy adore parler de ce genre de sujets, ceux qui tiennent d’anecdotes le concernant mais qui ne sont pas assez personnels pour qu’il ne veuille pas en parler. “I found out on tiktok, répond-t-il avec un grand sourire. I mean, it didn’t tell it to me but I kinda related too much to the queer tiktoks and when I started thinking about it, it occurred to me that I was spending too much time on tiktok and also that I was stupid to think I was acting straight when I used to think about - you know - with men. Like Ryan Gosling, my gay awakening seriously, dit-il avec emphase. People often say Ryan Gosling is theirs too. Do you like him?” s'enquiert-il ensuite, sourire en coin flottant sur les lèvres, prêt à taquiner A avec ça s’il répond à l’affirmative.
“Did you feel some kind of shame ?”
“No, why would I? It's not shameful,” Il avait surtout été content de devenir partie d’un tout, d’une communauté ; de la honte, ça ne lui avait même pas traversé l’esprit. Peut-être un peu d’inquiétude lorsqu’il imaginait son coming out, mais même ça avait vite laissé place à la joie d’avoir enfin complété son identité.
Archie n’est pas fier de ce qu’il raconte. Pour la première fois de sa vie, il montre sa vulnérabilité et, tandis que sa carapace se fissure, goutte par goutte s’échappe la vérité de sa bouche. Bellamy ne lui a pas demandé de s’expliquer ; il le fait parce qu’il refuse de le blesser, de faire lui la centième victime de sa haine. Mais certaines choses ne peuvent pas être pardonnées. Il n’aura jamais l’opportunité de recoller les morceaux des vases qui ont été cassés des années auparavant, mais il peut faire des efforts pour ne plus occasionner tant de bris. Ce ne sera pas chose aisée pour lui puisque ses défauts ont construit sa personnalité plus que ses qualités. Les cacher revient à se cache, lui, le temps qu’il apprenne à redevenir le garçon qu’il était avant qu’il ne prenne la décision de ne plus jamais se laisser marcher sur les pieds, par autrui ou par lui-même. “I’m glad I met you just recently you know,” Il a conscience qu’il ne doit pas en rire mais Bellamy le fait comme s’il ne réalisait pas l’ampleur du problème – mais c’est certainement mieux ainsi. Lui non plus n’aurait pas aimé le rencontrer plus tôt. Il l’aurait brisé, comme tous les autres. Une victime de plus sur sa longue liste, un prénom et un visage qu’il oublie, fusionnés à tous les autres prénoms et visages pour ne former qu’une immense masse indescriptible.
“It really is, I follow a lot of activists on social medias, I can send you their accounts so you can read and stuff,” Conditionné à réagir ainsi, il grimace. Mais il détend rapidement ses traits pour contrer cet automatisme, pour prouver qu’il est plus fort que ces derniers. Il n’est pas une machine qui a été programmée. « Yea… Yea, that’a a good idea. » Il s’efforce à dire, puisant dans toute son énergie pour arriver à prononcer ces quelques mots qui ne le ressemblent pas. Un mois plus tôt, il lui aurait ri au visage, l’aurait envoyé voir ailleurs. Ce soir, il ne peut que s’excuser, encore et encore, et aussi quand le garçon lui confie qu’il avait changé ses plans pour s’adapter à lui et sa visite improvisée. “No but stop apologizing it’s fine,” C’est parce qu’il ne sait pas faire autrement. Il est sorti de sa zone de confort et a laissé tomber les armes, devra en trouver de nouvelle pour arriver à mener une bataille dans ce tout nouvel univers. D’ailleurs, s’il y a moyen de dévier la discussion, il le prend : ainsi, il se voit demander à Bellamy comment il a su, lui, qu’il était différent des autres. Lui ça s’était passé comme un choc électrique, un souffle manqué, un battement de cœur en moins. Il avait croisé le regard d’un garçon qu’il avait trouvé beau, avait suivi sa silhouette des yeux quand elle tournait au coin, puis l’angoisse s’était agrippée à ses tripes. Les questions et la honte avaient rapidement suivi, ainsi qu’une sorte de panique qu’il avait réussi à dissimuler de justesse.
Cependant, l’histoire de Bellamy est tout à fait différente. Archie lâche un ricanement à peine perceptible quand il mentionne Tiktok. Il n’a pas l’impression d’appartenir à la même génération que lui et, pourtant, seulement quatre années les séparent. Il considère que ce genre d’application est une perte de temps et, le temps, c’est son argent. Et, l’argent, c’est sa façon de gagner au jeu de la vie. Lèvres pincées, il retient un sourire tandis que les yeux du jeune homme s’illuminent à la mention d’un nom qu’il ne connait pas et, quand il lui demande s’il le reconnait, il se mord le bout de la langue. « Naaaa, I don’t. Sorry. I’m not into… internet and all. I use my phone to work or to read the news but, otherwise, I don’t have time for tiktok or else. But I guess he’s an actor, or someone from a band. » Il se pince les lèvres, hésite, mais finit par abdiquer : « Show me. » Et il est certain que Bellamy prendra un malin plaisir à lui montrer ce fameux symbole, cette personne qui, selon-lui, ouvre les yeux d’une grande partie des garçons. Il peut jouer le jeu, pour cette fois.
“No, why would I? It's not shameful,” Il déglutit, se bat contre les reproches qui tournent en boucle dans sa cervelle et qui sont prononcées par la voix de son père. « Well, I mean, you won’t have your own kids if you live your life with a boy. » Il n’a pas le droit de dire ça. Il n’a lui-même jamais voulu d’enfant. C’est hypocrite de sa part de relever ce point alors que, gay ou pas, il n’a jamais été question de fonder une famille. Il vit pour lui-même, il n’a pas assez à offrir. « But I guess it’s another old-fashioned prejudice. » Relevant son regard vers le sien, il marque une pause, détaille son visage, s’abstient de le faire trop longtemps, plonge à nouveau ses yeux ailleurs. Cette fois, en direction de la cuisine. « Is the tea offering still relevant ? »
@Bellamy Shin Je me suis dirigée vers la conclusion si ça te va ?
Bellamy parle, parce que Bellamy aime bien parler - le sujet lui plaît bien, c’est pas souvent qu’il a l’occasion d’être celui qui détient le plus de connaissances sur un sujet, généralement, les gens le battent à plate couture dans le domaine du plus cultivé. Pas cette fois, ça lui fait plaisir, ça a l’air de vraiment intéresser A., à croire qu’il a vraiment envie de passer un cap.
“Naaaa, I don’t. Sorry. I’m not into… internet and all. I use my phone to work or to read the news but, otherwise, I don’t have time for tiktok or else. But I guess he’s an actor, or someone from a band.”
“You act like such an old man,” pouffe-t-il. C’est pas la première fois qu’il se fait la réflexion, A. semble bien décidé à endosser le rôle d’homme mûr alors qu’il a affirmé n’avoir que trente ans.
“Show me.”
Bellamy s’illumine à la requête, s’empressant d’attraper son téléphone et de venir s’asseoir à côté d’A. alors qu’il tape le nom de l’acteur dans la barre de recherche. “Are you not watching movies? I mean, I don’t watch many movies either but like, deadpool? I’m sure you know him, look,” et de montrer la galerie d’images de Ryan tout en observant attentivement le visage d’A. pour y déceler un quelconque signe qu’il a bien déjà vu l’homme.
Une fois son téléphone rangé, la bonne humeur retombe et A. semble à nouveau plongé dans ses pensées. “Well, I mean, you won’t have your own kids if you live your life with a boy.”
Bellamy aime les enfants, il s’imagine en avoir deux, mais pas tout de suite - mais il ne s’est jamais vraiment vu en couple ou marié dans le futur, il n’a jamais rencontré personne avec qui c’était assez sérieux pour qu’il puisse se projeter aussi loin. Il ne sait pas s’il finira avec un homme ou un femme, ça lui est sincèrement égal, tout ce qu’il veut, c’est être bien avec la personne, qu’elle lui donne envie de rester avec ellui pour la vie et dans un cas comme dans l’autre, il est presque sûr qu’il y aura une solution pour enfanter. “You can adopt though, et avant même qu’A. puisse ouvrir la bouche pour dire une bêtise, il reprend : even if you adopt it’s still your own kid, like, it doesn’t matter if it’s your genes or not, nobody really cares about that,” il pense à sa mamie qui l’a élevé au décès de sa mère et à la désertion de son père. Elle l’appelle bien son petit-fils mais il est certain qu’elle le considère comme her own kid.
“But I guess it’s another old-fashioned prejudice. Bellamy acquiesce, croise le regard d’A. à qui il sourit. Is the tea offering still relevant ?”
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