Revenir à Brisbane. Voilà quelque chose que je n’avais pas imagé à dire vrai. Je m’étais pour ainsi dire fait une raison d’une certaine façon. Il est vrai que même si j’appréciais toujours revenir dans la ville qui m’avait vu grandir, les visages avaient changé, les personnes aussi ; après tout, moi-même j’avais changé en décidant de partir à l’autre bout du monde pour cette carrière de danseur étoile. Il est vrai que j’avais eu moins de scrupules à faire de nouveau mes cartons pour partir vers de nouveaux horizons cette fois-là. C’était toujours plus simple de prendre une décision quand vous savez qu’il vous en coutera que peu. Mes petits frères avaient pris en main leur vie, les choses allaient pour le mieux pour chaque personne que j’avais pu (re)voir. Alors pourquoi ne pas saisir l’occasion de fonder une compagnie, une opportunité qui me donnait aussi l’occasion de voir ce que je pouvais faire de l’autre côté de la scène. Une expérience en somme tout à fait enrichissante à tous les points mais qui n’avaient pas été aussi simple non plus. Mais c’était là aussi tout le défi de cette aventure. Pourtant, me voilà de nouveau ici parce que familialement parlant, les choses n’allaient pas forts. Est-ce que je voyais cela comme un retour à la case départ ? Peut-être un peu car je n’avais été un féru de frustration encore moins sur le plan professionnel. Pourtant, il y avait des responsabilités auxquelles je ne pouvais décemment pas me soustraire.
Alors me voilà, marchant dans le quartier de Fortitude Valley, plongé dans mes pensées avec une cigarette à la bouche. Cela n’avait pas changé avec les années. Alors certes, on me dira sans doute que ce serait mieux pour moi d’arrêter mais cela me glissait quand même dessus à force. J’avais besoin de prendre l’air. La réunion avec l’équipe médicale qui s’occupait du cas de maman avait été éprouvante à bien des égards et dans ces moments, je préférais tout simplement prendre le large pour réfléchir ou du moins tenter d’ordonner de façon la plus claire tout ce qui pouvait transiter dans mon esprit. Oh ce n’était pas simple. De toute façon, ce n’est jamais simple de se retrouver face à l’océan de ses propres pensées.
D’ailleurs est-ce un coup du sort que mes pas m’avaient menés devant cet endroit qui ravivait quelques souvenirs agréables ? Le Triffid. Un bar dans lequel j’étais venu plusieurs fois mais la toute première fois, c’était pour voir Asher chanter. Je n’aurais sans doute jamais connu cet homme si je ne m’étais pas retrouvé à danser pour un des clips du groupe. D’ailleurs cela avait été une expérience assez inédite pour le coup. Enfin, je décidais finalement de m’arrêter. Pourquoi ne pas prendre un verre ? oh l’alcool pour te changer les idées. Abel, cela frise le cliché sociologique. Que diable, pour le coup, j’en avais que faire à cet instant de ce qui était bien ou pas bien.
Je m’approchais alors de la porte, pourtant alors que j’avais saisi la poigné pour la tirer vers moi, une silhouette sembla se dessiner dans mon champ de vision. Je m’arrêtai alors brusquement pour éviter toute collision malheureuse. Je levais alors mon bras tout en faisant le tour de la personne pour lui laisser le champ libre de pénétrer dans le bar. « Après toi. » dis-je avec un léger sourire, même si mon regard cobalt s’arrêta pour fixer les cheveux blonds qui se trouvaient devant moi. Mes sourcils se froncèrent légèrement… Est-ce qu- ? Non. Le destin n’était pas du genre à cumuler les hasards…
Tu es dans tes pensées aujourd’hui. Les choses sérieuses sont de plus en plus proche. Le temps passe vite. Peut être même trop vite à ton goût. Tu répètes la majeur partie de ton temps. Tu as les doigts qui prennent cher vu comme tu joues de la guitare à profusion. Tu vas jouer sur quelques morceaux cette tournée ci. Juste deux morceaux, mais c’est un début. Tu t’es mis sérieusement à la guitare y’a plusieurs mois de ça et avoir cet objectif là t’a aidé à rester discipliné. Tu peux très certainement jouer ces deux morceaux les yeux fermés vu combien de fois tu les as répété, mais malgré tout, tu restes pas sûr de toi. Tu sais le stresse qui te prend le corps quand il est l’heure d’aller sur scène. Tu sais l’alcool que tu bois - et que tu vas essayer de diminuer - avant de monter sous les projecteurs. Tu sais et il t’est absolument impossible de reproduire cet état avant le jour J. Le premier show pour te mettre dans le bain sera à Brisbane, au Triffid. S’en suivra quelques jours après, un autre show à Melbourne avant de vous envoler pour l’Angleterre et une tournée de deux semaines et une semaine où tu vas rester en plus. Tu as beaucoup d’amis là bas, tu y as presque vécu à une époque. Tu as même prévu d’aller voir un concert à Wembley Arena. Juste pour te redonner ce frisson d’être dans ces murs là. L’endroit où tu t’es dit pour la première fois de ta vie que tu as réussi.
« Après toi. » Tu sors de tes pensées avec cette voix que tu reconnais. Cette voix qui te fait relever la tête et regarder la personne dans laquelle tu as faillit entrer en collision. Je le reconnais. Tu le penses mais tu n’arrives pas tout de suite à mettre un nom sur son visage. Tu ne dis pas merci de sa bienveillance à te laisser entrer le premier car tu es trop occupé à chercher dans les tréfonds de ta mémoire. « Je… » Tu quoi Asher ? « Ca fait très longtemps qu’on s’est pas croisé. » Tu dis ça alors que tu as toujours les yeux tournés vers lui plutôt que devant toi pour regarder où tu mets les pieds par exemple Asher, c’est utile. Tu essaies toujours de remettre son nom sur son visage et tu sais aussi qu’il a joué dans un de vos clips. Tu pourras retrouver ça bien rapidement en pianotant ton téléphone mais tu ne vas pas faire ça tout de suite tout de suite. (outfit)
Mes yeux sont rivés sur les cheveux blonds qui avaient surgi dans mon champ de vision quand j’allais ouvrir cette porte. Le propriétaire n’est guère petit en réalité mais à dire vrai, je n’étais pas vraiment très orienté dans mon environnement ces derniers temps. J’avais fini par baisser les yeux quand je voyais que la personne n'avait pas bougé d'un pouce, l'un des mes sourcils se levant pour exprimer mon interrogation à ce sujet. C’est vrai que ce n’était pas vraiment l’endroit le plus pratique pour demeurer. Mes yeux glissèrent sur les traits de son visage, détaillant ses yeux bleus verts avant de descendre sur son nez droit, s’arrêtant quelques secondes sur ses lèvres avant de détailler la légère barbe qui couvrait le bas de son visage. L’interrogation avait laissé place à la surprise, mes traits se modifiant pour finalement se transformer en une expression plus sympathique – est-ce le bon terme ? – plutôt reflétant une certaine forme de joie. Je n’avais pas buté sur ce début de phrase qui avait semblé s’arrêter plus vite que prévu. « Asher ! » m’exclamais-je alors en reconnaissant finalement le membre de Hurtwave. Mon expression faciale avait pris quelques traits significatifs du sentiment qui transitait en moi à cet instant. « Eh oui cela fait très longtemps. » dis-je alors que je levais ma main encore libre pour venir passer mon bras derrière ses épaules afin de le ramener contre moi, lui offrant une accolade chaleureuse avant de finalement l’amener avec moi à l’intérieur, lâchant la porte dans la foulée.
C’est alors que j’entendis une sorte de juron offusqué. Tournant la tête, je remarquais une demoiselle qui avait failli se prendre la porte à cause du fait que je ne faisais plus office de garde porte. Me retournant, je viens pousser de nouveau la porte et la maintenir ouverte pour que la petite brune puisse rentrer dans le bar. « Désolé, je ne t’avais pas vu. » dis-je en penchant légèrement la tête avec un sourire, appuyant dès lors mes excuses.
Et pendant tout ce temps, je n’avais étrangement pas lâché Asher, que je tenais toujours contre moi. Ah mais attendez… est-ce qu’il n’était pas du genre pas du tout friand des contacts physiques ? Cela me heurta presque l’esprit – je dis bien presque – parce que je venais de reporter mon attention sur lui, le fixant comme si j’attendais une confirmation de sa part implicite – ou explicite – alors que la réaction la plus adaptée était sans doute de le lâcher.
« Asher ! »Fuck. Comment il se souvient de ton prénom en plus le gars ? Tu essaies fort fort fort de faire marcher tes méninges même si les chances que tu te souviennes pas du tout sont très grandes. Ca remonte trop loin et l’alcool est toujours à proximité de toi dans ton quotidien, surtout à l’époque. Tout est un peu flou dans ta tête et tu ne saurais dire à part à votre tournage de clip vidéo quelles étaient les autres fois où vous vous êtes vus. Car oui, tu te souviens que vous vous êtes croisés quelques fois. Tu te souviens que vous aviez parlé de ta sexualité et combien tu en avais été dérangé de cette conversation. Mais tu ne te souviens pas où ni quand, ni le contenu exacte. Tu as les émotions du moment qui sont les seules choses qui refont surface aisément.
Le gars est si grand à côté de ton mètre soixante dix, c’est presque ridicule. Peut être quand on est plus grand on a une meilleure mémoire. Ca expliquerait pourquoi il se rappelle de ton prénom et pas toi. « Eh oui cela fait très longtemps. » Tu hoches la tête sans vraiment savoir quoi répondre. Encore plutôt sous la surprise de cette interaction avec lui. Il te fait carrément une accolade et tu n’en demandais pas tant. Mais ok. Si il veut. Il a l’air d’être un gars tactile. Est-ce que c’est une information que tu avais eu à une époque et que tu as oublié également ? Il garde son bras autour de tes épaules en vous dirigeant dans le bar et là t’es quasi sûr qu’il fait exprès. « Désolé, je ne t’avais pas vu. » Et tu profites de ce moment pour prendre le bras de celui dont tu ne te souviens le nom, pour l’ôter de tes épaules. « Ouais t’as l’air distrait. » Que tu dis au passage sans vraiment penser au sous entendu que ça peu vouloir dire. C’est juste la réalité de la situation. « Tu passes souvent ton bras autour des épaules des gens comme ça ? Je me souviens pas qu’on était si proche. » Voilà. Tu le lui glisses doucement mais très sûrement. Parce que t’as pas vraiment envie que ça se reproduise. Il a fait exprès. Tu en es sûr. Tu te souviens trop bien tes sensations lors de vos conversations passées.
Les habitudes ont la vie dure dit-on. Et avec moi encore davantage. Il est vrai que j’avais toujours une manie – appelons cela de cette façon – de me montrer facilement tactile. Est-ce une simple déformation professionnelle ? Non. Je pense que cela est plutôt lié au fait que j’ai peut-être toujours su m’exprimer par le corps que par les mots. Certes, je pouvais être bavard – cela ne fait aucun doute sur la question – mais le contact était une façon pour moi de transmettre aussi ce que je ressentais même si cela ne faisait pas l’unanimité. D’ailleurs alors que je reportai mon attention sur Asher, celui-ci avait retiré mon bras qui avait entouré ses épaules, que je n’avais pas lâchées depuis cette petite altercation avec la demoiselle qui avait voulu rentrer. « Toujours tête en l’air. » répondis-je comme pour plaider coupable alors que j’enfonçai mes mains dans les poches de mon pantalon. La question du chanteur me fit d’ailleurs légèrement pencher la tête, les sourcils se fronçant légèrement dans une expression mêlant à la fois l’interrogation et le scepticisme de la question. Cela sonnait comme un reproche et quelque part, c’est vrai qu’il était justifié quand on y pense. Pourtant alors que j’étais resté silencieux quelques secondes, processant ses mots, une fossette se forma sur le coin inférieur droit de mon visage, signe de mon sourire alors que je haussais les épaules comme pour m’excuser. « C’est quelque chose que je fais fréquemment mais désolé si cela t’a dérangé. » dis-je alors que je lui faisais un signe en direction du bar pour l’inviter à me suivre. Après tout, c’était la raison de ma venue ici initialement parlant.
« Qu’est-ce que tu deviens alors ? » demandais-je tout en gardant mes mains fermement enfoncées dans mes poches, ce qui avait l’étrange action de faire ressortir mes épaules, comme si je semblais presque penaud de cette affaire. Le grand gaillard avait été rappelé à l’ordre, que voulez-vous. Mais pour le coup, je n’en restais pas moins content de revoir le chanteur de Hurtwave. Dans mes souvenirs, on avait plutôt bien communiqué même si c’était autour de sujets sensibles.
« Toujours tête en l’air. » Peut être que tu avais eu cette information par le passé. Une chose est sûre, tu t’en souviendras bien à présent car tu n’es pas - encore - cuit. Ce n’est pas non plus le but de la manoeuvre. Tu n’es pas venu au Triffid ce soir pour te mettre la mine, tu es juste venu pour ne pas être seul. Tu connais du monde ici dans le staff à force de jouer sur cette scène en plus d’être un client plutôt régulier. C’est toujours un spot parfait quand tu es seul car dès que tu franchis cette porte, tu ne l’es plus. Encore moins aujourd’hui visiblement vu comme ton camarade a l’air friand de vouloir rester avec toi. Ou pas, car après le petit tacle mérité - à ton avis - que tu viens de lui donner, il pourrait se vexer et aller vivre sa vie ailleurs. « C’est quelque chose que je fais fréquemment mais désolé si cela t’a dérangé. » Mais non, il s’excuse et s’explique même. Tu n’en avais pas demandé tant et t’es peut être un peu déstabilisé par son honnêteté autant que par la facilité qu’il a eu à prendre ta remarque. Il t’indique le bar et ça confirme qu’il est ok pour squatter un peu plus longtemps avec toi malgré ce début plutôt maladroit.
Tu le suis car le bar était effectivement ton point de chute. Ne pas être seul était une autre de tes priorités et lui plus toi ça fait plus que toi tout seul. Ta mission est donc rempli en un temps record ce soir. « Qu’est-ce que tu deviens alors ? » Tu ne remarques pas qu’il garde ses mains pour lui tu es concentré dans qu’est ce que tu vas lui répondre à cette question. « Je joue ici dans quelques jours. » Tu te souviens que vous vous étiez vu avant un show ici même la dernière fois. Tu crois même te souvenir que vous étiez dans le côté extérieur avec le jardin. « Je suis la tête d’affiche cette fois. » Une immense différence car ce n’est pas rien du tout. Surtout quand on sait combien tu rames fort pour revenir au niveau que tu étais avec ton ancien groupe. La route est longue mais elle est également très belle pour l’instant. Elle mène du bon côté, celui que tu convoites depuis que Hurtwave a vu le jour. « C’est complet ça fait beaucoup de bien à mon ego. » C’est que tu en donnes pas mal des détails Asher. Si jamais il veut venir il trouvera certainement une place en revente, tu ne t'inquiètes pas pour ça. Quand on veut, on peut. « Et puis on joue à Melbourne quelques jours après avant de s’envoler pour jouer en Europe. » Tu te rends compte que tu ne parles que du futur Asher alors qu’il te demande qu’est ce que tu deviens ? Ca sous entend des trucs qui se sont passés mais ok, tu fais comme tu le sens. Le futur est plus beau que le passé, c’est certain. Tu n’es pas de ceux qui raconte sa vie au premier venu car oui ce soir il est le premier venu, même si tu sais qui il est. « Et toi ? »
Est-ce que j’étais quelqu’un d’expressif ? Oui, aucun doute là-dessus. Est-ce que je le montrai ? C’était une certitude. Ce n’était pas que j’ignorai décemment les envies d’autrui, mais j’avais l’habitude d’agir de cette façon quand j’étais enjoué, content surtout quand je croisai un visage familier qui m’était resté en mémoire comme quelqu’un d’agréable et avec qui je pouvais établir une relation. Oh non, je ne pensai pas de suite au cul – un peu de tenue – mais j’avais apprécié Asher et les quelques échanges qu’on avait eu. Donc pour les classifieurs invétérés, je considérais cette relation comme quelque chose de relevant de la connaissance ++. Et puis honnêtement, cela me changeait aussi les idées d’avoir mon attention dirigée sur lui plutôt que la raison pour laquelle j’étais revenue à Brisbane.
Arrivant au bar, je restai pour le coup debout, attendant qu’un des membres du bar vienne à notre rencontre pour nous demander ce que nous désirions. Néanmoins, cela ne m’avait pas dérangé d’embrayer directement sur la suite, lui demandant ce qu’il devenait. C’est vrai que cela faisait peut-être deux ans que je n’avais pas eu de discussions avec lui de façon physique. Mon visage vint à prendre une expression ravie, mes yeux cobalts pétillaient presque face à son annonce. « Oh mais c’est formidable ça ! » dis-je alors que l’une de mes mains sortait de sa poche pour venir lui faire une petite tape sur l’épaule. Pourtant, je ne m’attardais pas non plus ; ma main reprit rapidement sa place. Souviens-toi Bel, il n’était pas friand de ce genre de contact. Mais j’étais ravi pour lui et je ne refreinai en rien la façon de lui montrer. En tant que danseur, je savais le sentiment que cela procurait de savoir quand la prochaine représentation affichait complet. Cela voulait dire que le public avait décidé de prendre le temps pour venir voir ce que j’allais produire, ce que j’allais proposer. Cela était certes un gain de pression supplémentaire, mais c’était ô combien motivant d’obtenir la reconnaissance de son travail quand on est un artiste. « Il va falloir que je me débrouille pour trouver le moyen de venir ici. » ajoutai-je en bougeant la tête avec un petit sourire.
Je n’avais jamais oublié sa façon de chanter. Quand vous connaissez la personne qui a composé les paroles, que vous l’écoutez tout en la connaissant, cela frappe autrement. Croyez-moi. « Une belle tournée en prévision alors. Je compte sur toi pour en profiter comme il se doit. » Qui étais-je pour lui demander pareille chose ? Personne mais dans mes souvenirs, le Buckley était plutôt quelqu’un de réservé, qui semblait en décalage avec ce qu’il pouvait vivre ou qui le vivait différemment. Après nous avions chacun notre vision des choses aussi… Enfin, je n’étais pas là pour lui dicter quelque chose non plus.
Il ne tarda pas à me retourner la question. C’est vrai que je n’attendais pas à une liste exhaustive de ce qu’il avait pu vivre et puis ce n’était pas le but de la question, mais plutôt une façon d’engager celle-ci. « Et bien de retour à Brisbane depuis deux jours. J’ai décidé de prendre un poste de chorégraphe et de professeur de danse à la Northlight Theater Compagny, de passer de l’autre côté de la scène pour une fois. » indiquai-je avec un léger sourire. Quoi je n’allais pas m’étaler sur pourquoi j’étais là ? Bien sûr. Je n’avais pas envie d’y penser et encore moins d’en visualiser toutes les conséquences que cela avait engendré.
« Oh mais c’est formidable ça ! » Tu confirmes d’un hochement de tête. Il met une petite tape d’encouragement sur ton épaule alors que ça se voit que tu pars légèrement dans tes pensées. La tournée se rapproche. Ce n’est pas négligeable du tout pour ta petite tête qui cogite de ce fait de plus en plus. Tu sais que ça ira car tu bosses dur, mais quand même, ça reste beaucoup de stresse. Tu veux trop que tout soit parfait même si parfait n’existe jamais réellement. « Il va falloir que je me débrouille pour trouver le moyen de venir ici. » Un léger sourire se forme sur ton visage alors que tu le relèves vers lui. Lui qui est considérablement bien plus grand que ton mètre soixante dix. « Ils vont peut être remettre une poignée de places en vente la veille. » Tu l’as entendu mais ça ne se fait pas systématiquement. Ca dépend de la liste des invités de l’industrie de la musique qui ont répondu présent. « Une belle tournée en prévision alors. Je compte sur toi pour en profiter comme il se doit. » Tu hoches la tête. Oui tu vas en profiter. Tu es aussi très nerveux de retourner jouer en Angleterre. La dernière fois ton frère et ta soeur étaient encore de ce monde. Tu penses à eux de plus en plus à chaque moments de ta vie. Comme s’ils t’accompagnaient. Ces pensées te font souvent beaucoup de bien. Tu as hâte autant que tu appréhendes comment seront tes ressentis car tant de chose ont changé.
« Et bien de retour à Brisbane depuis deux jours. J’ai décidé de prendre un poste de chorégraphe et de professeur de danse à la Northlight Theater Compagny, de passer de l’autre côté de la scène pour une fois. »Oh ? Tu hoches la tête pour confirmer que tu l’as bien entendu, qu’il a ton attention. « Je me souviens pas si t’es natif d’ici. T’as de la famille dans le coin ? » Car tu penses à toi et le fait que Brisbane est ton point de chute pour les nouveaux départs. Tu te demandes si c’est aussi son cas. Y’a aussi son prénom dont tu te souviens pas Asher, mais pour l’instant tu slalomes bien. Tu retrouveras son nom à un moment ou un autre. Tu sais. Même si c’est en retournant dans les échanges d’emails qui datent de y’a deux ans quand il a fait parti de votre clip vidéo. Tu sais qu’il te suit sur instagram mais c’est un coin que où tu ne mets plus les pieds depuis longtemps. « Et alors ? Comment ça se passe ? Tu préfères la scène ou chorégraphe ? » Car oui, ça doit être absolument le jour et la nuit à ton avis. Et puis vient votre tour de commander au bar et tu demandes un whisky. Dans ta petite tête t’es déjà en train de te dire que tu t’autoriseras un deuxième et puis ce sera bière. Tranquille, tu veux pas te mettre la mine.
Pour le coup, c’était bien vrai : j’étais ravi pour lui. Quand je l’avais rencontré, il n’était pas à ses débuts dans le monde de la musique à en juger parce que j’avais pu lire dans les médias ou encore en me retrouvant sur la page Wikipédia qui lui était dédiée. Mais force est de constater qu’il avait continué à faire son bonhomme de chemin, se retrouvant bientôt à faire une tournée qui allait l’amener en dehors des frontières de l’Australie. Ce n’était pas rien, et cela à tous les niveaux. D’ailleurs j’avais hâte de le voir sur scène, voir ce qu’il allait présenter ; je n’avais pas été déçu la première fois, peu de chance que cela arrive pour une deuxième fois. « J’espère ! Cela m’embêterait beaucoup de louper ça. » avais-je répondu face à son commentaire alors que je le fixai toujours, la tête légèrement baissée. C’est vrai que du haut de mon mètre quatre-vingt-huit, sa tête se retrouvait plus au niveau de mes pectoraux que de mon visage. Visage qui s’était d’ailleurs mis à acquiescer face à mes propos.
Pourtant, la question d’Asher me surprit légèrement. Sans doute parce que je ne faisais pas le rapport entre l’annonce de ma situation professionnelle et ma famille. D’ailleurs, la famille était un sujet quelque peu sensible pour la simple et bonne raison que son évocation suffisait à s’associer à tout un tas de choses qui n’étaient pas des plus agréables. Mes traits s’étaient mués en une expression pensive pendant quelques secondes. Des pensées qui n’étaient guères joyeuses pourtant mon visage reprit une expression plus neutre, bien qu’un petit sourire se trouvait sur mes lèvres. « Je le suis. J’ai grandi à Brisbane jusqu’à mes dix-huit ans. Et j’ai encore de la famille par ici. » Oui, je n’avais pas envie de m’étaler sur le sujet. Encore moins que c’était justement par rapport à ma famille que je me trouvais là, en particulier ma mère. Je n’aurai jamais imaginé que pareille chose lui arrive à dire vrai. Enfin, je crois que c’est comme pour tout. On peut redouter le pire mais cela ne permet pas pour autant d’être capable de l’affronter.
Sa question eut néanmoins le mérite de me tirer de mes réflexions. Mon regard reprit un peu plus de vie alors que je le plongeai dans les deux perles azurées qui me fixaient. « C’est difficile à dire pour être honnête. J’ai toujours adoré proposer quelque chose en tant qu’artiste, que sa création soit interprétée par d’autre à un côté gratifiant. Je crois que ce qui est bizarre pour moi, c’est d’être officiellement chorégraphe. Auparavant, cela était plus implicite… enfin peut-être je vais m’habituer à un moment même si je pense que je ne serai jamais loin pour retourner sur la scène. » Je restais un danseur, quoi qu’on en dise et la scène faisait partie de moi. La quitter définitivement pour rester dans les coulisses demeurait quelque chose d’impossible à mes yeux mais j’avais besoin de voir vers d’autres horizons, au moins pendant un temps.
Imitant Asher dans ma commande, je vins à m’accouder sur le bar, venant laisser mon menton reposer sur mes mains croiser. « C’est peut-être tôt pour aborder le sujet mais… autant mettre les pieds dans le plat, je pense que tu ne veux pas en entendre parler pour l’instant ? Histoire que je ne fasse pas une boulette. » Il était bien sûr question de ce que j’avais pu voir par inadvertance concernant sa relation avec un certain Levi. Et bien sûr, tout ce que cela pouvait impliquer.
« J’espère ! Cela m’embêterait beaucoup de louper ça. » Ah oui ? Pourtant si vous ne vous vous étiez pas entré l’un dans l’autre devant le bar il n’en aurait jamais eu connaissance. Vous n’êtes pas resté en contact tous les deux et son retour a un goût un peu étrange dans ta gorge depuis qu’il s’est permis de garder son bras autour de toi comme si vous étiez de bons amis. Tu te montes la tête pour rien moi je dis, il est juste tactile avec le premier venu et ce soir c’étai toi. C’est tout. Il n’en reste que la sensation t’a mis très peu à l’aise d’entré de jeu.
Tu as touché un point sensible ? Tu sais pas mais l’expression de son visage parle pour lui. Ta question a l’air correct à ton sens. Il est de retour depuis seulement deux jours. Il va et vient à Brisbane visiblement. Il doit avoir une sorte d’attache dans le coin pour toujours y repasser. C’est ta logique mais est ce que c’est la réalité ? « Je le suis. J’ai grandi à Brisbane jusqu’à mes dix-huit ans. Et j’ai encore de la famille par ici. » C’est effectivement la réalité. Tu es certain que cette fois ci tu te souviendras de l’information.
Parler de son boulot a l’air d’être une zone bien plus sûre vu comme il en parle longuement. Tu l’écoutes avec attention car ça t’intéresse. Vos métiers se rejoignent d’une certaine manière. C’est de l’art. « C’est difficile à dire pour être honnête. J’ai toujours adoré proposer quelque chose en tant qu’artiste, que sa création soit interprétée par d’autre à un côté gratifiant. Je crois que ce qui est bizarre pour moi, c’est d’être officiellement chorégraphe. Auparavant, cela était plus implicite… enfin peut-être je vais m’habituer à un moment même si je pense que je ne serai jamais loin pour retourner sur la scène. » Il n’a pas encore été assez longtemps dans les baskets d’un chorégraphe pour savoir réellement. C’est ce que tu entends dans ses mots en tout cas. Entre les lignes. Tu te fais sûrement des films mais c’est ton interprétation. Ton pré-jugé aussi peut être. Tu hoches simplement la tête pour confirmer que tu as bien entendu ses mots.
Vos commandes passés, tu sors deux secondes ton téléphone pour y jeter un coup d’oeil. « C’est peut-être tôt pour aborder le sujet mais…» Voilà qu’il t’intrigue, tu tournes la tête vers lui. Mais ?«… autant mettre les pieds dans le plat, je pense que tu ne veux pas en entendre parler pour l’instant ? Histoire que je ne fasse pas une boulette. » Tu fronces légèrement les sourcils. Confus. « Je sais pas de quoi tu veux parler mais si tu penses que je veux pas en entendre parler y’a des très grandes chances que tu vois juste. » Tu commences à être plutôt mal à l’aise. Peut être que la chance de trouver de la compagnie aussi rapidement est à double tranchant. « Du coup t’étais dans quel coin depuis tout ce temps ? » Que tu demandes en regardant le barman terminer de préparer ton verre. Tu as déjà sorti ta carte bancaire, prêt à payer quand il le faudra.
Spoiler:
Si y'a pas assez de relance, tu me dis, je modifierai
Aussi étrange cela puisse paraître, je gardais un très bon souvenir d’Asher. Alors certes, nous nous étions vus seulement deux fois, la première, c’était pour le travail. La deuxième pour un concert ici même. Nous n’avions pas pour autant garder contact plus que cela lorsque j’étais parti de Brisbane. Sans doute parce que cela restait professionnel d’une certaine façon. Nous n’avions rien vécu ensembles, guère partagé des souvenirs communs, de quoi se permettre de se remémorer des choses agréables. Alors certes, j’avais pu évoquer ma propre histoire, évoquer ma situation personnelle vis-à-vis de ma bisexualité – mon homosexualité clairement – et des rapports que j’avais avec ma famille avec cela. Mes frères n’étaient pas les principaux intéressés de la problématique, c’était plutôt mon père et quelque peu ma mère. Enfin cela ressemblait presque à s’y méprendre à quelque chose de presque inconnu, deux personnes qui se croisent parce que vos carrières, vos métiers sont liés et sans plus. Qu’est-ce qui m’avait fait pour autant ne pas reprendre contact avec lui plutôt ? Sans doute le fait que je n’étais que de passage ici. Je pensais rester plus longtemps mais cette opportunité de partir raisonnait bien plus chez moi pour le coup. Il faut dire que je venais d’essuyer aussi le refus de poursuite de contrats à l’Australian Ballet. Bon ce n’était pas plus mal vu mes rapports avec la nouvelle direction. Enfin aussi parce qu’il semblait bien ancrer dans sa vie et que je ne jugeai peut-être pas bon à l’époque de me montrer plus présent. Il faut dire que le chanteur de Hurtwave demeurait assez taciturne si je puis dire.
Pourtant cela ne m’avait pas empêché de poursuivre notre conversation d’une façon assez singulière. Je savais très bien de quoi je voulais parler, lui beaucoup moins. Mais ce qui était étonnant – voire étrange – c’est qu’il s’en remettait à mon propre jugement pour décider si je devais aborder le sujet. Aucune surprise ne s’était néanmoins dessinée sur mon visage, me laissant plutôt rieur alors que je tournai la tête vers le barman qui revenait avec nos consommations. Sortant ma carte, je la posai sur le comptoir à l’attention de l’employé. « Pour les deux. » dis-je assuré alors qu’il partait récupérer le tpe pour encaisser les consommations. « En guise de dédommagement de m’être montré trop familier avec toi. » indiquai-je avec un fin sourire à son attention alors que je venais récupérer ma carte ainsi que la petite note associée pour les fourrer tous les deux dans la poche de mon pantalon. Je ne l’avais pas mal pris en l’état, au contraire. Je préférai qu’on me dise là où j’avais fauté ou ce qui dérangeait plutôt que de me le faire comprendre en différer ou plutôt de façon presque passive. Et puis être familier ne plaisait pas pour autant à tout le monde, enfin dans une certaine mesure. Je ne crois pas que je me montrai familier avec n’importe qui.
« J’étais à New-York. Des danseurs retraités du New York City Ballet m’ont proposé de monter une compagnie néo-classique avec eux, j’ai accepté sans trop hésiter. J’étais plus à l’aise avec des créations plus dansées que théâtrales. Enfin, cela m’a permis d’acquérir pas mal d’expérience et je me sens plus apte à prendre ce tourment avec la Northlight. » finis-je par lui répondre alors que je levai mon verre dans sa direction. « Santé ? » certains usages sociaux ne changeaient pas, je crois bien.
« D’ailleurs, toujours avec ta moitié ? » demandai-je sans préambule. Le prendrait-il bien ou aurait-il envie de s’enfuir à toute jambes ? je n’en savais rien. Mais bon, je tentais. Après tout, le temps était passé alors sans doute serait-il plus à l’aise pour en discuter. Peut-être.
Spoiler:
Roh c'est chou mais comme tu peux le voir, nullement
Ta réponse le fait sourire. Une partie de toi espérait peut être qu’il le prenne mal et que vous en veniez aux mains. Vraiment Asher ? Tu veux te remettre dans ces travers ? Tu as le rugby à présent pour te dépenser de la sorte. Tu le vois sortir sa carte bleu, jusque là rien d’anormal, il doit payer sa consommation lui aussi. « Pour les deux. » Et voilà qu’il t’invite. « En guise de dédommagement de m’être montré trop familier avec toi. » C’est peut être là un moment où tu te relaxes un peu plus pendant quelques secondes. Tu n’avais pas remarqué être tendu avant de respirer un peu plus librement. Yep, ce type qui n’a pas peur d’être qui il est, est toujours très impressionnant à tes yeux. Tu as fait ton petit bout de chemin depuis deux ans, mais ce n’est pas encore ça nope. Surtout que d’autres tragédies se sont ajoutés sur ton assiette. Vraiment t’es pas aidé. Mais ton cerveau revient aussitôt à penser bien trop. Est-ce qu’il est en train de te draguer ? Non. Tu ne sais pas si c’est la réalité mais c’est la réalité que tu veux manifester en tout cas. « Faudra deux verres de plus. » Que tu répliques avec un sourire de petit con. Tu n’as pas de problème d’argent mais les verres gratuits sont toujours meilleurs que n’importe quel autre. Faut l’avouer aussi, ça fait plaisir d’être invité également. Même si c’est pour s’excuser.
La conversation reprend plutôt bon train. A ta grande surprise. Il en dit beaucoup sur lui. Contrairement à toi. « J’étais à New-York. Des danseurs retraités du New York City Ballet m’ont proposé de monter une compagnie néo-classique avec eux, j’ai accepté sans trop hésiter. J’étais plus à l’aise avec des créations plus dansées que théâtrales. Enfin, cela m’a permis d’acquérir pas mal d’expérience et je me sens plus apte à prendre ce tourment avec la Northlight. » Tu hoches la tête même si tu ne sais pas trop de quoi tout ça en retourne. Tu comprends qu’il a acquis de l’expérience pour ce qu’il fait maintenant, c’est bien là le plus important. Ne pas perdre son temps. « Santé ? » Tu prends ton verre pour le faire tinter avec le sien. Ca aurait été bien de lancer un petit ‘à la tienne’ ou ‘bon retour’, mais ça ne te vient pas naturellement alors tu préfères rester silencieux.
« D’ailleurs, toujours avec ta moitié ? » Hmm. Tu es un peu déstabilisé par cette question car il a l’air d’aller bien vite sur des sujets qui sont trop privés à ton sens. Est-ce que c’est ce que les gens normaux demandent vraiment lors de retrouvailles ? « Nope. » Que tu réponds simplement alors que tu bois une grande gorgée de ton verre. « J’ai pas envie d’en parler. » Que tu ajoutes au moins il ne va pas poser plus de question de cet ordre là. « Toujours célibataire ? » Tu demandes spontanément en faisant écho à ses mots. Sauf que ça donnerait l’air que tu es intéressé ça Asher, t’y a pensé à ça ? Shit Non, tu n’y as pas pensé. « J’en sais rien fait. Si faut tu l’étais pas du tout. Je me souviens pas. » Sûrement parce que vous en aviez pas parlé. Ou bien tu n’as juste pas de mémoire. Ca se peut aussi. Cet ajout pour montrer que tu n’as pas été très attaché à cette information.
« Allons pour deux de plus, même un troisième. » répondis-je alors en lui rendant ce sourire qu’il m’adressait. C’était qu’il était presque effronté quand il se montrait moins taciturne. Cette pensée me fit sourire un peu plus intérieurement. Finalement, c’était peut-être une question de temps, ou du moins il fallait qu’on se connaissait un peu plus que se croiser deux fois. Etais-je trop idéaliste d’une certaine façon ? Non, je ne pouvais pas dire que toutes mes relations amicales s’étaient faites en un jour, mais il est vrai que j’avais pu noter certaines affinités à certains moments. Est-ce qu’il y avait déjà eu de l’affinité avec le chanteur ? Plutôt quelques éléments en commun sur ce que je savais de lui. Est-ce que cela était suffisant pour envisager quelque chose dépassant le stade simple visage familier ? Je n’en étais peut-être pas certain mais après tout, c’était sur la durée que les choses apparaîtraient.
Faisant tinter mon verre au sien, je prenais une première gorgée de ma boisson alors que j’enchainais sur quelque chose de soudainement moins professionnel. Ah ben oui, autant aller là où je connaissais. Ou peut-être davantage parler de musique ? D’une certaine façon, il m’avait indiqué que le groupe allait jouer ici dans quelques jours avant de s’envoler vers l’Europe. Devais-je demander autre chose à ce sujet ? Après tout, s’il était là, ce n’était pas forcément qu’il attendait quelqu’un – ou peut-être que si ? Il est vrai que je ne lui avais pas trop laissé le choix. Toutefois, il semblait que le sujet était vraiment à éviter. Bon et bien tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin cette part là de sa vie était décemment à éviter. Je ne voulais pas le mettre mal à l’aise mais il semblait que je choisissais tous les chemins pour y parvenir. Un don ? N’appelons pas cela un don, non vraiment.
Acquiesçant silencieusement – pour une fois, je reportais mon attention sur mon verre quand il me retourna la question. C’était légitime mais peut-être est-ce la première question personnelle qu’il me demandait au-delà de la conversation famille qu’on avait pu avoir à un moment du tournage. Pourtant sans avoir eu le temps de répondre, il venait mettre comme une sorte de distance, justifiant sa question. Cela me fit sourire alors que je secouais négativement de la tête. « Nous n’en avions pas parlé et je l’étais d’ailleurs. Je le suis toujours. » répondis-je alors avec sincérité. Oh j’aurai pu lui faire du charme, le regarder d’une façon plus intense avec un sourire mutin mais pour le coup, je n’avais jamais envisagé Asher comme quelque chose de possible. Oh je mentirais sûrement si je disais que le chanteur n’avait pas quelque chose qui m’attirait. C’était même l’inverse. D’une autre façon, je faisais bien la distinction entre l’attirance physique qui pouvait m’amener à entamer une relation tournée vers le sexe et ses joies, qu’un amour soudainement naissant. Je n’avais eu qu’une seule relation dans ma vie, aussi étonnant que cela puisse paraître. Je n’avais jamais trouvé quelqu’un qui avait réussi à faire battre mon cœur un peu plus vite qu’Alexandre. Est-ce que je m’étais suffisamment ouvert pour cela ? Je n’en savais rien.
« Ne te biles pas. Ce ne sont pas des détails qu’on retient forcément sur un plateau de tournage ou avant un concert. » ajoutai-je finalement avant de prendre une nouvelle gorgée de mon verre. « En parlant de concert, des artistes vont assurer vos premières parties ? » Oui restons dans un univers où le chanteur semblait plus à l’aise.
« Allons pour deux de plus, même un troisième. » Tu as l’impression que tu peux lui demander un chèque de dix mille dollars dans pas longtemps à ce rythme. Est-ce que tu vas essayer ? Non. Mais ça t’amuse intérieurement cette pensée. Il a vraiment l’air de s’en vouloir pour cette entrée en matière d’il y a quelques minutes.
Le tintement de vos verres annonce également le début d’une nouvelle tangente que tu n’aurais pas cru atteindre. Tu tentes de retourner la question pour qu’il soit également mal à l’aise mais ça c’est pas dit. Il est possible qu’il accueille la question avec aucun soucis, mais son langage corporel te dit que pour une fois, tu lui as un peu fait manger de son propre traitement. Peut être qu’il va s’arrêter d’aller si rapidement du côté très privé de ta vie. Il est totalement redevenu un étranger à tes yeux même si vous vous connaissez, la jauge des confessions éventuelles est au plus bas. Pas du tout au menu du jour en ce qui te concerne. « Nous n’en avions pas parlé et je l’étais d’ailleurs. Je le suis toujours. » Tu entends l’information mais tu n’en fais pas grand chose. Tu ne voulais pas réellement savoir, tu voulais juste le déstabiliser éventuellement. Pas sûr que ça ait marché en fin de compte. Tu bois une gorgée de ton verre « Ne te biles pas. Ce ne sont pas des détails qu’on retient forcément sur un plateau de tournage ou avant un concert. » Tu n’arrives pas à retenir ton léger rire, car tu ne te biles vraiment pas du tout. « I’m good. » T’es cute Asher.
« En parlant de concert, des artistes vont assurer vos premières parties ? » Tu confirmes d’un hochement de tête. « En Australie ce sera Congrats et Ocean Grove. » Tu marques une pause. « En Angleterre Vokovi et As Everything Unfolds. » que tu réponds connaissant bien évidemment ton line up sur le bout des doigts. Tu as très hâte de ces shows et ces questions là sont totalement OK. « Ca te parle ? » Tu te dis qu’il connaitra pas forcément car tu juges souvent très vite dans ta tête. Les préjugés pleuvent même si tu ne le verbalises pas.
« Tu prépares un show du coup ? Plusieurs ? Tu bosses avec beaucoup de personnes différentes ? » Tu ne sais pas comment sa fonctionne son job. De plus, ça t’instruit et ça ne parle pas de ta vie privée. Bien évidemment c’est le point le plus important dans tout ça. Tout le monde aime être mis en lumière. Qu’il parle de lui c’est mieux que de parler de toi.
Aussi fascinant puis-je trouver Asher, je savais quand même quand il fallait ne pas dépasser certaines limites. Ce côté pragmatique qui l’emporte sur l’optimisme. En effet, deux ans s’étaient écoulés depuis mon départ de Brisbane pour New York City et je n’avais pas tenté de garder davantage contact avec le chanteur de Hurtwave ; d’un autre côté, c’était réciproque. Est-ce que je lui en voulais ? Si c’était le cas pour quelle raison ? aucune. Après tout nous avions chacun notre vie et si ce projet de collaboration musique – danse ne s’était pas concrétisé, nous nous serions jamais rencontrés. Rien que cette pensée me fit sourire intérieurement. En effet, il suffisait parfois d’un rien pour rencontrer des personnes qu’on n’aurait jamais pu croiser physiquement parlant et encore moins échangé.
Je lui adresse alors un mouvement de tête avec un sourire lorsqu’il m’indique que tout va bien. Il semble que je ne l’ai pas froissé en somme. C’est une bonne chose car le but n’était pas de le mettre mal à l’aise ; même si je m’étais presque débrouillé pour que chacune de mes questions ou de mes interactions soient cocasses. Enfin parler musique et plan professionnel seraient des terrains moins glissants et il semble que je ne me sois pas trompé face à sa réponse. Secouant négativement la tête tout en faisant tourner mon verre entre mes doigts, je me décide quand même à lui répondre. « Le seul qui me parle est As Everything Unfolds pour être honnête. » J’aurai très bien pu prétendre le contraire mais j’étais d’une part, un très mauvais menteur et de deux quelle était la plus-value de cela ? Aucune. En revanche, pour as Everything Unfolds, c’était une autre histoire. Pourquoi ? parce que quand on a vécu à Paris pendant presque dix ans, on se décide à sauter un peu le pas de passer la Manche afin de profiter d’une toute autre ambiance que celle qu’offrait la capitale française. C’était d’ailleurs là-bas que je m’étais plongé dans un univers musical bien différent de celui que je connaissais à l’Opéra. Je pense que la mixité de mes titres likés venait de là. « J’imagine que ça doit être quelque chose quand on est le groupe qui host. » Je ne connaissais pas trop bien le fonctionnement des concerts et des accords entre labels musicaux ou artistes. Mais je me figurais sans mal le fait que d’être le groupe qui ne fait pas la première partie mais la deuxième signifiait beaucoup. On était LA star qu’on attendait.
Prenant une nouvelle gorgée de mon verre, j’acquiesçais d’un signe de la tête face à sa question. « Pas directement. Lorsque j’ai été recruté, la Northlight préparait déjà une œuvre originale. Donc j’assiste pour l’instant en tant que répétiteur et professeur de danse. Cela me permet de prendre mes marques aussi et de mieux connaître tous les artistes. » Ce n’était pas une tâche aisée au vue de la mixité qui existait dans cette compagnie mais cela faisait du bien et me permettait d’éviter de trop penser à ses problèmes familiaux qui étaient la raison de mon retour à Brisbane. « Mais j’ai quelques projets que j’aimerai proposer, voir si cela plaira. Pour le côté danse, j’ai vingt-deux danseurs pour être exact. Et ce n’est pas évident d’avoir l’œil partout. » avouai-je avec un rire. C'est dans ce genre de moments où j'aimerai être capable de me dédoubler pour ne rien louper mais cela n'était pas vraiment une option réalisable.