@evelyn pearson

Il était heureux de quitter la Suisse, ça oui, mais il n’était pas foncièrement heureux d’atterrir sur le sol britannique pour autant. Rhett a fait ce choix de lui-même (le deuxième, bien sûr, pas le premier) et pourtant il ne sait pas à quoi s’en tenir, à commencer par savoir s’il a le droit d’être heureux et impatient à la simple idée de retrouver Evelyn. Il l’est déjà, en réalité, qu’il en ait le droit ou non. Elle lui a manqué, sans doute aucun à ce sujet, et ce même alors qu’ils se sont quittés après une dispute difficile et nourrie par une infinité d’injustices. Maintenant que Heathrow commence à se rapprocher dangereusement de son avion, il se mord l’intérieur de la joue tel un adolescent qui aurait parcouru la moitié du globe pour enfin rencontrer son amour d’internet. En réalité, il n’y a rien de comparable avec la situation qui est la sienne. Il s’est rejoué la scène de leur dispute une infinité de fois, c’est ce qui a même occupé la majorité de son temps libre dans ces foutues montagnes qu’il déteste aujourd’hui plus que tout au monde. Même son frère ne fait pas le poids face à elles.

Quand il sort enfin de l’avion, il souffle une première fois. Et quand il aperçoit la fin du dédale de couloirs et de frontières à tout va, il souffle à nouveau. Au moins, il n’a pas eu à dire qu’il revenait d’une cure de désintoxication, parce qu’à en juger par son air de coupable, il aurait sans nul doute eu le droit à une fouille détaillée de son immense valise - et autant dire qu’il n’a pas le temps pour ça, pas alors qu’il sait pertinemment qu’Evelyn l’attend à quelques mètres de là. Il imagine déjà ses cheveux parfaitement coincés, son teint à peine maquillé, sa tenue simple et pourtant particulièrement élégante. Il l’imagine elle et il regrette d’autant plus de l’avoir traité injustement, il y a de ça un mois déjà. Dans son poing serré, il fait craquer chacun de ses doigts un à un, le regard vif parmi la foule pour retrouver celle qu’il a avoué aimer, sans que ce ne soit un sentiment à conjuguer au passé. Et lorsqu’il y arrive enfin, un sourire de soulagement fend son visage. Il ne doutait pas qu’elle viendrait, mais il doutait de tout le reste.

A l’écart du reste de la masse sortant de l’avion, il dépose son sac au sol avant de faire les derniers mètres le séparent d’Evelyn, ses bras enveloppant aussi lentement que tendrement les épaules de la jeune femme qu’il sert près de lui. En sentant son parfum pour la première fois depuis longtemps, il prend enfin le temps de s’octroyer une large inspiration, ses paupières fermées et son visage blotti près du sien. “T’es venue.” Il ne sait s’empêcher de souffler tout bas, ayant ce besoin de s’ancrer dans la réalité. S’il s’entend le dire, alors c’est que c’est réalité, et c’est qu’elle est bel et bien entre ses bras. “Tu m’as manqué.” Une vérité évidente après l’autre, il coche peu à peu sa liste. Désormais, son visage dévie simplement de sa course pour que son front se pose contre le sien. A défaut d’oser l’embrasser, incertain de l’état de leur relation, il se contente de profiter de la sensation de sa peau contre la sienne à nouveau. Ça, ils le peuvent encore. “Qu’est-ce que tu fais à Londres ?” Il ne dira pas que sa cure n’a en rien aidé son addiction, parce que ce ne sont pas des mots à avoir, mais il veut au moins lui faire comprendre que ces semaines lui ont laissé bien assez de temps pour se remettre en question et surtout tenter d’être une meilleure personne pour elle et ses proches. A défaut de l’être pour lui. Alors, il fait des erreurs, il s’interroge, il s’inquiète, il demande. Aussi simplement que cela, un pas à la fois.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Sa décision n’était pas prise, mais la perspective était engageante à caresser du doigt. Elle en avait parlé avec Lara, avec Maze et avec Chad sans chercher à rien faire d’autre qu’à prévenir au cas-où elle réussirait bientôt à statuer sur cette envie qui prenait forme en elle, ayant toujours envisagé son destin seule sans s’appuyer sur les avis de ceux qui l’entouraient, de près ou de loin. Elle était fatiguée, Evelyn. Le genre de fatigue qu’elle pouvait incomber aux derniers mois sans faire dans la finesse, assez en colère également pour ne plus vouloir minimiser l’effet qu’ils avaient eu sur elle. Londres, c’était la maison, un havre de paix qui lui avait permis de se construire pour de bon, et ce sur des fondations solides que Brisbane avait détruites en l’espace de cinq ans seulement ; elle voulait y retourner. Elle ne savait pas combien de temps, elle ne savait pas si c’était une fausse bonne idée, si elle ne faisait pas que fuir comme elle l’avait toujours fait, mais c’était la seule qui lui était venue lorsqu’elle avait fait le point sur ce qu’elle avait vécu, sur ce qu’elle vivrait encore puisque le procès de Dominic serait une épreuve supplémentaire à supporter. Et elle était fatiguée, en effet.
Neal l’avait accueilli sans poser de questions, lui confiant les clefs de son appartement à South Kensington, lui-même absent pour une durée de quelques jours. Ses habitudes avaient été faciles à retrouver ici, elle connaissait les lieux, et l’envie de retourner à Brisbane s’éloignait peu à peu. Elle avait songé à un plan pour faire rapatrier ses biens les plus chers à son coeur, et puis elle avait admis qu’elle devrait dire au revoir avant toute chose, qu’elle avait des affaires à régler aussi, et que l’agence qui était la sienne devrait fermer sans qu’elle ne ressente aucune intention de la réimplanter où que ce soit. C’était à ce moment-là qu’elle avait reçu le texto de Rhett à propos de sa cure, et elle s’en était voulu de ne même pas avoir pensé à lui.

Parce que si elle ne lui en voulait pas, elle ne pouvait pas dire qu’elle était dans de bonnes dispositions à son sujet. Pourtant, elle le défendait, et elle le ferait encore, sans même hésiter une seule seconde à le faire, du genre à tenir ses promesses et à camper sur les bons moments plutôt que sur les mauvais. Ils avaient été nombreux, que ce soit l’un où l’autre, et si le dernier en date lui restait en mémoire comme une mauvaise chanson, elle avait fait le choix de ne pas vouloir empiéter sur son espace le temps qu’il se remette la tête à l’endroit — et le je t’aime, tu sais qu’il lui avait adressé lorsqu’ils s’étaient déchirés la dernière fois, il avait assez tourné dans sa tête pour qu’elle se dise que, malgré tout, elle pouvait lui laisser le bénéfice du doute et répondre à la perche qu’il lui tendait sans craindre quoi que ce soit ; ou au contraire, elle n’en avait rien su à dire vrai, bien incapable désormais d’anticiper les intentions et les réactions du jeune homme depuis le mois de novembre dernier.
Elle avait accepté de le voir, elle faisait cet effort parce qu’il lui manquait et qu’elle ne voulait pas rester sur une dispute, quoi qu’il se passerait ensuite. De là à pouvoir jurer connaître la finalité du rendez-vous qu’ils s’étaient fixés, elle serait bien sotte de le faire. Mais elle était là, solide sur ses appuis, à attendre qu’il se montre, et peut-être qu’en croisant son regard, elle serait la plus à même d’être éclairée sur tout un tas de choses — ce ne fut pas le cas, quand bien même elle fût certaine que son coeur s’était remis à battre à une allure plus supportable, elle ne pouvait cependant pas prétendre que ses pensées s’étaient éclairées. Ça lui faisait du bien néanmoins, de sentir ses bras autour de ses épaules, de nicher son nez dans le creux de sa clavicule, et d’avoir la certitude que, malgré les épreuves que lui aussi avait vécues, il se portait bien "Je t’ai dit que je viendrai." lui répondit-elle, ses mains trouvant ses flancs et ses yeux se fermant un instant pour répondre au tu m’as manqué qu’il lui murmura. Elle n’y accorda pas ses propres mots, Evie, rouvrant seulement les yeux lorsqu’elle sentit le front de Rhett contre le sien, et la question qu’il lui posa la fit très légèrement se reculer pour lui répondre "J’avais besoin de prendre un peu de distance, le temps de prendre l’air. Ça vaut sans doute pas les montagnes Suisse, mais c’est un bon début." Inutile de déjà couper le petit bois pour alimenter un feu qui prenait à peine en lui disant qu’elle envisageait de rester à Londres sur la durée. Ses mains quittèrent les côtes de Rhett pour se poser sur son visage qu’elle tint entre ses paumes pour mieux l’observer ; d’un point à un autre, avec une attention qu’elle n’était sans doute pas la seule à lui porter, mais qui restait assez scrupuleuse pour qu’elle puisse se targuer d’être probablement celle dont la bienveillance prévalait — et l’envie de l’embrasser avait beau être là, elle ne le fit pas, lui demandant à la place, ses yeux faisant la focale sur les siens "T’es content de rentrer ?" Elle ne lui demanda pas s’il allait bien parce que ce serait la question que tout le monde lui poserait une fois qu’il serait de retour en Australie.

Il n’est pas du genre à suivre les principes d’une masculinité toxique, du moins il ne le pense pas, mais ce serait mentir que de dire qu’enlacer ses proches fait partie de ses habitudes. Même pour Jenna et Mabel en leur temps, ce genre de geste n’était pas journalier, bien que pas anormal non plus. Simplement, Rhett n’est pas du genre à partager ses émotions dès qu’elles sortent du spectre de la joie ou de la colère. Lui faire comprendre à quel point il a pensé à elle durant ces semaines écoulées, donc, ne fait pas partie de ses aptitudes naturelles. En cet instant, pourtant, l’étreinte n’est pas forcée et plutôt ô combien nécessaire. "Je t’ai dit que je viendrai." Et lui il lui a dit d’horribles choses qu’il voudrait être le premier à oublier, alors il se rend plus que jamais compte de l’aspect volatile des mots. Mais Evelyn a toujours été bien plus digne de confiance qu’il ne le sera jamais, et ça aussi c’est évident.

A l’étreinte s’ajoutent des mots, simples mais profonds. Ils ne trouvent pas d’écho dans la bouche d’Evelyn et, encore une fois, il ne lui en tient pas rigueur. Au lieu de laisser les secondes s’égrener artificiellement, il en profite plutôt pour lui demander la raison de sa présence à Londres. Il ne l’a lui reproche pas et au contraire, le trajet a été infiniment plus rapide pour la retrouver le plus vite possible, mais il s’interroge tout de même. Ils sont bien loin de leur ville, même si Londres résonne tout particulièrement dans leurs deux histoires. "J’avais besoin de prendre un peu de distance, le temps de prendre l’air. Ça vaut sans doute pas les montagnes Suisse, mais c’est un bon début." Il esquisse un sourire simple, ne cherchant même pas à rester statique alors qu’Evelyn est désormais en train de l’analyser sous tous les angles. « Je t’ai quand même ramené du chocolat. Du reste, tu rates rien. » L’air des montagnes Suisse, même en tant que métonymie évidente, n’a pas grand chose à envier à Londres. Ils sont comme chez eux, ici, et il n’a pas besoin de l’interroger outre mesure pour comprendre pourquoi elle voudrait prendre un peu de distance avec Brisbane. « Combien de temps tu restes ? » Combien de temps on reste est la vraie question, à peine sous-entendue. Elle a dit jusqu’à mercredi dans son message, mais peut-être que la donne a changé. Il l'espérerait presque, parce que Brisbane lui manque moins qu’elle pour le moment.

"T’es content de rentrer ?"
« Je suis content de te revoir, oui. »

Cela veut sans doute dire qu’il est content de rentrer. Par extension. Il voulait surtout la retrouver, elle, bien avant de revoir son meilleur ami et son frère, dont la simple évocation laisse sentir un arrière goût de trahison amer dans la gorge de Rhett. « L’hiver en Europe m’avait pas manqué. » Il en rigole, véritable australien qu’il est, bien plus habitué à toutes sortes de chaleur plutôt qu’à la neige. Foutues montagnes Suisse. « Ça a fonctionné, la distance pour prendre l’air ? » Parce que de son côté, l’échec est cuisant, mais il espère qu’elle mettra au moins quelques jours à s’en rendre compte, le temps pour lui de trouver le moyen de se procurer de l’Oxycodone une fois de retour au pays.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Et moi je t’ai rien ramené. Je suis vraiment une guide lamentable." Elle aurait pu en rire si elle n’avait pas tant l’impression que leurs retrouvailles se devaient d’être sérieuses. Elle se retint de faire davantage d’esprit à ce sujet, prenant son visage entre ses mains pour l’observer et se figurer par elle-même de comment il allait exactement parce qu’elle le connaissait assez pour savoir que, si elle lui posait la question maintenant, il lui mentirait sans doute. Ou du moins, il ferait en sorte d’être vague pour ne pas admettre ce qu’il ressentait vraiment et elle réussissait à le comprendre, Evie. Elle non plus, elle n’était pas du genre à partager ses émotions, n’importes lesquelles. Enfin ça valait pour autrefois, quand elle savait encore à peu près quoi faire et quoi dire pour que ça ne déborde pas, seulement Rhett l’avait rendue peu à peu incapable de ça. Et soudain sa mémoire se réactiva pour la faire revenir à l’instant même où sa paume s’était abattue contre sa joue d’une façon bien différente de maintenant, ses pouces marquant une cadence frénétique sur ses mâchoires anguleuses qu’elle tenait entre ses doigts, sa propre bouche pulsant sous l’envie qu’elle avait de la sceller à la sienne, et où elle avait compris que tout ce qui se passait entre eux comptait un peu trop pour qu’elle ne s’obstine à rester hermétique et à préserver ses sentiments lorsqu’il les heurtait avec autant de volonté.
En plus du reste, la gifle qu’elle lui avait donnée avait été difficile à avaler. Elle ne s’était pas excusée, et se serait mentir si elle se défendait maintenant que l’idée d’enfin le faire en face à face, comme elle le lui avait dit par message, elle était rappelée à son bon souvenir à cause de la question qu’il lui posa et à laquelle elle voulait échapper pour le moment. C’était un peu lâche, elle n’avait jamais prétendu ne pas l’être, aussi elle choisit ce moment exact pour répondre à la pulsion qu’elle ressentait au fond d’elle de faire ce qu’ils n’avaient pas fait depuis des lustres et qui représentait une bonne diversion. Evie  ne lâcha pas son visage, mais elle s’inclina sur lui pour enfin poser sa bouche contre la sienne et lui donner un baiser doux que ses mots, murmurés contre ses lèvres, vinrent agrémenter comme la pression qu’elle exerça sur sa nuque qu’elle retrouva en une caresse et sur laquelle elle avait posé sa main "Je suis désolée de t’avoir giflé." Je suis désolée pour tout un tas d’autres choses aurait-elle pu ajouter, sauf qu’elle ne le fit pas, et dans un second baiser qui fit naître un léger sourire sur ses lèvres alors que le haut de on nez se fronçait en même temps, elle ajouta sur le même ton doux "J’aurais peut-être dû te demander avant de faire ça." Avant de l’embrasser sans savoir si c’était une bonne chose, si c’était envisageable après tout ce qu’ils s’étaient dits ce soir-là, il y avait une éternité de ça.

Marquant un nouveau baiser contre sa bouche avant de se redresser, Evelyn se recula peu à peu, et chassa d’un coup d’épaule une longue mèche de ses cheveux pour mieux faire le point sur l’idée qu’elle ne pourrait pas éviter sa question plus longtemps. Si elle prit du temps pour lui répondre, laissant ses mains dévier de sa nuque pour glisser sur sa poitrine et enfin les récupérer, c’était pour le faire sans que ça ne paraisse alarmant ou critique "Je vais peut-être rester un peu plus longtemps. J’ai encore rien décidé — moi aussi je suis contente de te revoir." finit-elle par ajouter, un peu comme pour noyer le reste de sa phrase tandis qu’elle en entamait une autre "T’as envie de manger quelque chose, ou tu veux rentrer ? Tu dois être fatigué." Elle lui laissait le choix, comme elle lui laissait le choix de lui prendre la main ou pas pour cesser d’être le cliché du couple qui se retrouve à l’aéroport et enfin se ranimer. Là, elle se permit d’émettre un léger rire en réponse à la question qu’il lui posa "Pas tellement, c’est pour ça que je vais avoir besoin d’un délai." Elle ne voulait pas le brusquer, pour autant elle se devait de lui demander, ne serait-ce que parce qu’elle était elle et qu’elle s’était assez inquiétée pour lui pour vouloir maintenant s’assurer qu’il y avait du mieux "Comment c’était là-bas ?"

"Et moi je t’ai rien ramené. Je suis vraiment une guide lamentable." - “Je connais aussi la ville, alors c’est pas très grave.” Il l’atteste dans un sourire, ses doigts remplaçant l’éternelle même mèche d’Evelyn derrière son oreille. Lui en vouloir de ne pas lui avoir ramené un cadeau ou un autre ne risque pas de lui passer au travers l’esprit, surtout pas alors qu’il est le premier un peu trop occupé avec ses propres remords. Finalement, son sourire ne se ternit pas mais il prend une forme différente lorsqu’elle l’embrasse et qu’il ne pense même plus à la moindre blague pour détendre l’amosphère. Au contraire, il profite du moment qu’il naurait jamais eu l’audace d’anticiper, ses lèvres profitant des siennes le temps d’un baiser qu’il cherche à prolonger. "Je suis désolée de t’avoir giflé." Elle souffle, avant de déjà retrouver ses lèvres, ne laissant pas le temps à Rhett de répondre. Néanmoins, ses priorités ne se trouvent pas vraiment dans la parole. "J’aurais peut-être dû te demander avant de faire ça." - “J’aurais dit oui. Sans hésiter.” Comme le prouve le simple fait qu’il lui réponde dans le même élan, sans avoir à y réfléchir à deux fois, ni même une seule. Il crevait d’envie de l’embrasser, de toute évidence, mais à son tour il n’aurait pas risqué de faire le premier pas, bien trop conscient d’avoir franchi toutes les limites lors de leur dernière soirée ensemble. “T’excuse pas, pour la gifle. Je l’avais meritée.” Il aurait mérité bien pire, en réalité. “J’ai été un connard. Je sais. Et tu méritais pas que je te dise tout ça.” Il a été trop loin, à tous les niveaux, et s’il pouvait lui faire oublier cette soirée, il le ferait sans hésiter. “Je savais plus vraiment quoi dire quand on me demandait mon statut marital.” Il souffle, laissant la faute reposer sur lui seul. Il regrette d’avoir douté d’eux, mais il regrette surtout que ce soient ses propres mots qui l’aient laissé avoir de tels doutes. S’il n’avait pas joué à un tel jeu avec elle, jamais Evelyn n’aurait laissé le moindre doute planer quant à leur relation.

Après un baiser supplémentaire, qui laisserait quiconque comprendre aisément qu’ils ne se sont pas vus depuis un certain temps, Rhett se redresse enfin dans l’optique de ne pas les laisser faire de vieux os en l’endroit. Néanmoins, son bras trouve refuge sur les épaules de la brune et, une dernière fois - il le jure -, ses lèvres se posent contre sa tempe. "Je vais peut-être rester un peu plus longtemps. J’ai encore rien décidé — moi aussi je suis contente de te revoir." Il hoche la tête sans chercher à lui faire changer d’avis. Si elle pense se sentir mieux ici, alors qu’elle reste à Londres. Elle en a tous les droits, et personne ne devrait oser dire le contraire. “Avery t’accompagne ?” Il demande, ne serait-ce pour savoir s’il doit s’attendre à subir une inspection détaillée de sa part ou s’il attendra de rentrer à brisbane de cela. Il demande, aussi parce que la présence de l’homme a quelque chose de rassurante dans l’idée où Evelyn a sûrement déjà passé plusieurs jours (semaines ?) à Londres, possiblement seule. "T’as envie de manger quelque chose, ou tu veux rentrer ? Tu dois être fatigué." Il se dirige sur le côté, uniquement pour reprendre sa valise, réfléchissant dans le même temps à ce qu’il voudrait faire ou non. “J’ai même pas fait deux heures d’avion, tu sais.” Il n’est pas fatigué, en d’autres termes. Il était tout proche. “Ça te dirait de se trouver un bon restaurant pour ce soir ?” Ils ont sûrement beaucoup de choses à se dire, et Rhett ne sait pas dans quel genre d’endroit parler sérieusement, alors sûrement qu’un restaurant hors de prix est une bonne idée. Ils s’y prendraient au dernier moment, si jamais Evie répondait par la positive, mais il a encore des amis dans la ville capables de lui faire une simple faveur de la sorte - et si ce n’est lui, sûrement que le nom de Pearson aurait ses propres pouvoirs. Un restaurant pour soigner tous les maux, voilà ce qu’il propose. “Tu es à l’hôtel ?” Il veut rentrer avec elle, bien sûr, mais tout son séjour à Londres est un immense inconnu.

"Pas tellement, c’est pour ça que je vais avoir besoin d’un délai."
“Ce délai nécessite que tu sois seule ?”

Parce que si la réponse se résume à un ‘non’, il est déjà évident que Rhett se propose pour lui tenir compagnie. Il dira à Ethel qu’il ne rentre que plus tard, et elle se chargera d’en informer Hassan autant que Ruben. "Comment c’était là-bas ?" - “Luxueux.” C’est au moins quelque chose qu’il peut donner à l’établissement. C’était luxueux, ce qui explique au moins le prix du séjour. “J’ai fait du golf.” n’est pas le genre de réponse qu’on attendrait pour qualifier un séjour en cure de désintoxication, pas vrai ? “J’ai rien touché depuis quatre semaines.” Parce qu’il n’avait pas de moyen de se fournir, et non parce qu’il est soudainement guéri de tous ses maux. Pour autant, il lui dit ce qu’elle veut entendre, parce que c’est la vérité. "C'était long, quatre semaines." Sans toi. "Sans toi." Il ose dire, ayant pourtant été le premier à lui faire comprendre que lui rendre visite en Suisse n'était pas une bonne idée. Il dit simplement que la cure a bien trop duré ; tout du moins, c'est ce qu'il tente de faire comprendre, avec toute la maladresse du monde.

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Qu’il réponde à ses baisers, ça soulagea quelque chose qu’elle ne soupçonnait pas peser autant sur tout son être. Evie n’aurait pas dû autant douter de l’affection de Rhett à son égard, après tout il lui avait dit qu’il l’aimait à son contraire, et pourtant c’était là, enfoui quelque part entre ses regrets et sa culpabilité. S’il y avait une infime possibilité qu’il la déteste, elle avait campé sur ça pendant quelques temps. Alors sentir sa bouche contre la sienne, c’était une médecine douce à laquelle elle était prête à adhérer sans redouter les effets secondaires "J’ai pas compris pourquoi tu me disais tout ça." lui avoua-t-elle, lui accordant un regard en même temps pour qu’il voit que dans ses yeux, il n’y avait que le reflet de l’incompréhension qu’elle avait ressenti à l’instant où il l’avait prise à partie pour une conversation qu’elle n’avait pas eu besoin d’avoir de son côté, pas dans l’immédiat du moins. Sûrement que lui si finalement, et ça l’avait fait remettre en question la manière dont elle se comportait avec lui, sa façon de considérer leur couple aussi, ayant eu tendance à se laisser porter plutôt qu’à anticiper quoi que ce soit les concernant. Une chose était certaine, ils n’avaient plus l’âge de se laisser porter.
Finalement, Evelyn avait compris que son seul moyen de contrôle, au jeune homme, c’était de semer des graines qu’il regardait germer pour mieux en faucher les fruits et les laisser pourrir dans un coin, de fait elle avait mis de côté sa propre introspection. Pour lui, ça avait été le seul pouvoir qu’il avait eu sur une situation qui lui avait échappée dès lors qu’elle avait crié pour de l’aide lors de la cérémonie d’hommage à son père, et bien que ce n’était pas simple lorsqu’on était au centre des volontés d’autrui de tout gâcher, elle parvenait à saisir pourquoi il avait tendu vers des extrêmes, partageant avec lui ce besoin  conscient de garder la mainmise.
Elle ne lui en voulait pas, elle ne lui en voulait plus en tout cas, mais restait qu’elle aurait besoin à un moment où un autre se savoir ce qui avait vraiment alimenté sa crainte d’une grossesse qui ne frôlait même pas son esprit, à la jeune femme "Quand tu voudras qu’on en rediscute, ce serait bien qu’on le fasse. Pas tout de suite, mais je veux que tu saches que ça a eu du mal à passer." Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’il lui avait brisé le coeur, mais ne dit-on pas que la première entaille est la plus profonde ? "Je t’en veux plus, je t’en ai voulu." ajouta-t-elle pour qu’il ne pense pas qu’il s’en sortait sans dommages, ses doigts caressant sans nuque avant de s’en détacher, un léger sourire fendant son expression comme elle lui répondait un peu moins sérieusement "T’aurais juste pu m’appeler tu sais, je t’aurais aidé à choisir quelque chose du genre c’est compliqué, mais on y travaille." Ça ne l’était pas autant que ça, ça ne l’avait pas tellement été pour elle en tout cas.

Le bras de Rhett sur son épaule, Evie leva la tête vers lui à la mention d’Avery "Je suis venue seule. Je risque rien ici." À part d’être confondue avec la Duchesse de Sussex à la rigueur, ce qui selon les avis la concernant pouvait être perçu comme un compliment "Je sais. J’en fais trop ?" lui demanda-t-elle lorsqu’il mentionna la durée-express de son trajet après qu’elle eut justifié son potentiel besoin de rentrer en se reposant sur sa fatigue supposée. Elle ne minimiserait pas l’inquiétude qu’elle ressentait à son égard, mais s’il se sentait étouffé par ce dernier, et bien elle prendrait sur elle. Pas au point d’éconduire le projet qu’il lui proposa juste après cependant "Ça pourrait se faire. Il est pas encore trop tard pour réserver quelque part." C’était l’avantage des expatriés, de pouvoir émettre de genre de certitudes sans rougir de savoir de quoi ils parlaient. Elle se rapprocha de lui, et son bras se tendit pour le passer sous le bord de la veste qu’il portait sur le dos, sa main se refermant sur ses côtes "Non, je suis chez mon ancien assistant, à Kensington. Il est en voyage d’affaires jusqu’à la fin de la semaine, je dois lui laisser les clefs si je décide de partir à la date prévue. T’es le bienvenue." Evidemment, elle ne l’avait pas fait venir pour lui faire prendre une chambre d’hôtel. Probablement que ce n’était pas opportun de le faire venir chez Neal, peut-être aussi qu’ancien assistant c'était trop vague comme statut à donner à son acolyte de toujours, mais chaque chose en son temps — celui-ci, elle ne le trouverait jamais pour lui dire qu'il avait sans doute été plus qu’un assistant à un moment donné.

Elle marqua un temps quand il lui demanda si son délai de réflexion nécessitait qu’elle soit seule ; et elle n’osa pas lui dire que oui, Evie, se souvenant trop bien de ce qu’elle avait ressenti lorsqu’il lui avait refusé une visite en Suisse. C’était sans doute un tort, de ne pas vouloir le blesser comme il l’avait fait plus souvent qu’à son tour ces derniers temps, mais elle ne voulait pas gâcher l’éventualité d’une vraie réconciliation, aussi elle lui répondit , magnanime "Non, si t’as envie de m’aider à réfléchir, on fera des listes de pour et de contre." Pour l’aider à faire le point, bien qu’elle n’avait pas encore avoué que quand elle disait qu’elle envisageait de rester, c’était pour une durée qui impliquait l’éternité.
Elle pinça les lèvres, fronçant les sourcils en même temps en se concentrant sur la réponse que Rhett lui accorda à propos de sa cure "Et t’es bon, ou t’as encore des progrès à faire ?" Elle parlait du golf bien sûr "C’est bien, comment tu te sens ?" À propos de sa sobriété recouvrée qu’elle n’osa pas célébrer avec expansion parce qu’encore une fois, selon les avis, il s’agissait ou non d’une bonne nouvelle. Evie se doutait que pour Rhett, ça devait prendre des allures de torture, et à son niveau, elle aurait aimé être capable de l’aider pour mieux s’astreindre à cette nouvelle façon d’avancer dans la bonne direction ; mais elle avait émis son hypothèse sur l’esprit de contradiction à Ruben qui ne l’avait pas démenti, alors le plus dur restait à venir, elle le craignait un peu. Doucement, elle tourna la tête vers lui, se retenant de lui faire remarquer qu’il n’avait pas voulu qu’elle vienne le voir, que les semaines sans elle auraient pu être moins longues s’il l’avait voulu, mais c’était les restes de rancoeur qu’elle avait à son égard qui résonnaient dans son esprit, et qu’elle étouffa sans gêne, préférant lui demander à la place, ses doigts se resserrant contre ses côtes, ses yeux cherchant les siens "Tu me raconteras quand tu seras prêt ? T’es pas obligé, mais oublie pas que je peux tout entendre." Tout ; comment son suivi était envisagé, comment il comptait continuer sur la voie sur laquelle il avait été placé de mauvais grés.

"J’ai pas compris pourquoi tu me disais tout ça." Il lit son regard désolé, elle en observe un semblable en retour alors qu’il souffle tout aussi doucement. “Je sais. Je suis désolé.” Il est désolé, mais il n’a pas vraiment d’explication à donner, parce que lui-même n’arrive pas à prendre le recul nécessaire sur les choses. Il a été odieux, comme il sait si bien le faire avec ses proches, mais au-delà de ça il n’est toujours pas capable d’expliquer son propre mécanisme de défense, et encore moins de le prévenir ou l’enrayer. "Quand tu voudras qu’on en rediscute, ce serait bien qu’on le fasse. Pas tout de suite, mais je veux que tu saches que ça a eu du mal à passer." Il ne voudra jamais qu’ils en rediscutent, si ça ne tient qu’à lui. Il n’est pas fait pour les discussions, il les trouve artificielles et inconfortables. Il ne veut pas parler. Il s’énerve ou il aime ; il n’y a pas d’entre-deux, et il ne comprend pas pourquoi tente tout le temps de poser des mots sur des sentiments ou des réactions qui font office de réflexe. Néanmoins, il sera toujours là quand elle voudra en reparler, parce que c’est sa façon à lui de montrer qu’il fait aussi des efforts pour que les choses avancent à nouveau dans le bon sens. “Quand tu seras prête, alors.” Lui ne le sera jamais, alors autant qu’ils calquent leur rythme sur les sentiments d’Evie: ce sont ceux au moins ceux qui font le plus de sens dans leur mécanisme d’action. "Je t’en veux plus, je t’en ai voulu." - “Je m’en veux encore.” Il ne fait pas vibrer la corde du pathos intentionnellement, il se contente de parler avec le cœur. Ça, au moins, il sait faire. "T’aurais juste pu m’appeler tu sais, je t’aurais aidé à choisir quelque chose du genre c’est compliqué, mais on y travaille." Il hausse les épaules. C’est à peu près ce qu’il répondait. Il ne se voyait pas imposer cette discussion au téléphone, le tout pour satisfaire la curiosité de pseudo-psy à qui il a dû parler. Il voulait que ce soit la vérité, quand il disait qu’il est en couple et qu’ils traversent simplement une passe un peu difficile. Cela aurait été le cas de tous les couples dont l’un des deux part en cure de désintoxication à l’autre bout du monde ; pas besoin de préciser la dispute juste avant, donc.

"Je suis venue seule. Je risque rien ici." Et puisque ce n’est pas un terrain sur lequel il veut aller, certain qu’elle est bien assez grande pour savoir ce qui est bon ou non pour elle, il se contente une nouvelle fois d’acquiescer. En réalité, il est sans doute un peu soulagé de savoir qu’il n’aura pas à faire face à Avery et son regard réprobateur pour le moment. “Oh non, j’avais surtout peur pour moi avec Avery.” Il rétorque dans un sourire, ne mentant qu’à moitié. Bien sûr qu’il pensait à Evelyn avant toutes choses. "Ça pourrait se faire. Il est pas encore trop tard pour réserver quelque part." - “J’appellerai dans le taxi, alors.” Il appellera un ami ou un autre, peu importe. L’important reste qu’Evelyn ait accepté la proposition, du reste il se charge de trouver ledit ‘bon restaurant’, sans que ce ne soit une affaire bien compliquée à Londres, surtout en ayant quelques passe-droits. Rhett accueille avec soulagement le bras qu’Evie passe autour de son dos et il en fait de même à son tour, acceptant volontiers la proposition de rester avec elle dans cet appartement qu’on lui prête, sans se soucier de savoir si sa présence dérangerait son ancien assistant ou non. Très honnêtement, cela correspond au cadet de ses soucis. "Non, si t’as envie de m’aider à réfléchir, on fera des listes de pour et de contre." Il ne sait pas vraiment quelles sont ses compétences en la matière, mais pour les beaux yeux d’Evelyn, il se promet d’essayer et de faire des efforts.

Il préférait néanmoins quand “faire des efforts” se résumait à penser pour Evelyn et comme Evelyn, non à parler de sa propre personne, et surtout pas de son séjour qu’il cherche déjà à oublier. "Et t’es bon, ou t’as encore des progrès à faire ?" - “C’est un sport de riche con. Bien sûr que je suis bon.” Il répond avec ironie, sans que rien de ses mots ne soit faux: il est riche, il est con, et il est même doué dans ce foutu sport qu’est le golf. Sans la moindre blague là-dedans, il se renseignera sûrement pour savoir où en faire à Brisbane, puisque ce sport au moins rentre dans ses cordes de sportif vieillissant. "C’est bien, comment tu te sens ?" Il sourit, parce qu’ainsi au moins il a l’impression d’être plus crédible. “Mieux.” Pas bien ; mais mieux. Il ne ment pas là-dessus. Il va mieux, mais il ne pense pas pour autant que ce soit grâce à son exil forcé. Tout ce à quoi il pense, c’est à quel point elle a pu lui manquer et à quel point il est heureux de la retrouver, elle. "Tu me raconteras quand tu seras prêt ? T’es pas obligé, mais oublie pas que je peux tout entendre." Il n’y a pas grand chose dont il soit fier au point de vouloir lui en parler, mais il a au moins des anecdotes à la pelle. Elles combleront le vide. “Jenna est venue une après-midi, mais sinon j’ai pas parlé du séjour à personne. Tu auras mes confessions en avant première.” Il lui annonce la chose comme si elle devait se sentir particulière et mise sur un piédestal ; comme si sa vie s’était arrêtée pendant toutes les semaines qu’il a passé loin d’elle et qu’elle ne faisait que reprendre en cet instant.

Il se fait silencieux sur les derniers mètres les séparant du taxi, juste assez de temps pour reprendre à peine installés à l’intérieur. “T’as parlé à mon frère, dernièrement ? Y’a pas de bonne ou mauvaise réponse, je veux juste savoir à quoi m’en tenir.” Parce que lui, de toute évidence, n’a pas retourné le moindre sms, et certainement pas les appels. Alors il veut savoir ; puisqu’il se doute déjà que la réponse sera négative pour Hassan. Ruben a peut-être plus de chances, sans pour autant qu’il soit certain de pouvoir le qualifier de “chance”.

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Il s’en voulait encore, et dans une autre vie, sans doute qu’elle lui aurait conseillé avec bienveillance de se retirer tout ça de la tête pour mieux avancer. Pas là. Là, Evelyn se contenta d’observer son profil en opinant du chef sans lui donner autre chose qu’un léger sourire. Elle n’était pas du genre à avoir besoin de verbaliser des sentiments, seulement quand ça mettait à mal son intégrité, elle estimait avoir le droit de recueillir des explications. Elles viendraient un jour où l’autre, et bien sûr, elle les entendrait. Puisque Rhett était habile, elle finirait même par estimer que ce n’était pas grave finalement, et appliquerait le sceau de l’erreur à cette histoire sans plus jamais revenir dessus. Sauf que ça planerait au-dessus de leur tête, elle le savait d’autant plus qu’ils avaient l’âge des grands projets, et qu’à se faire questionner par untel et unetelle, ils devraient faire ce qu’elle, de son côté, elle avait fait durant de très nombreuses années : expliquer son choix de ne pas vouloir se marier — qui passait encore selon l’ouverture d’esprit de ceux à qui elle s’adressait —, mais aussi celui de ne pas vouloir d’enfants — et c’était là que ça se corsait étant donné que personne dans cette société ne semblait prêt à entendre que ce n’était pas un pré-requis pour vivre une vie heureuse, et que la liberté qui en découlait, Evie ne serait prête à la troquer pour rien au monde.
Elle eut un léger rire à l’entendre redouter le courroux d’Avery, mais le sérieux de la conversation reprit ses droits pour la faire rebondir sur le diagnostique de son niveau en golf. Si elle n’était pas d’accord sur les qualificatifs qu’il employa à son propre égard, elle n’émit aucune espèce de volonté à lui faire adhérer à la vision qu’elle, elle avait de lui en contrepartie, le sachant assez têtu pour ne pas vouloir s’y frotter. Elle lui dit seulement "Peut-être que tu pourras trouver un bon club à Brisbane. Tu devrais essayer de convaincre Hassan de t’accompagner." Ça, c’était une tentative détourner de savoir s’il avait changé son fusil d’épaule à propos de griefs qu’il avait contre son meilleur ami — contre son frère aussi, mais à son sujet la conversation viendrait plus tard. Elle n’insista pas cependant, attendant qu’il se décide ou pas à lui parler de ça, et lui demanda comment il se sentait. Sa réponse fût tiède, son sourire plus encore, et si elle ne se targuerait pas d’avoir des dons de voyance Evie, elle avait pourtant un instinct assez fin pour savoir dans le fond que ça n’annonçait pas grand-chose de bon. Mais elle avait tendance à être paranoïaque depuis quelques temps, alors qui savait, elle se trompait probablement.

Ce qu’elle ne vit pas venir, ce fût la suite des paroles du jeune homme "Donc t’as accepté de recevoir de la visite finalement ?" lui fit-elle en se sentant un peu mesquine de le souligner de cette façon. Si elle retira le bras de son dos, c’était parce qu’il commençait à être engourdi. C’est du moins l’excuse sur laquelle elle camperait pour l’expliquer quand elle sentait qu’il venait d’appuyer sur un nerf. Elle ne connaissait Jenna que par les descriptions qu’il en avait faites au travers de la plume de Greta, mais elle savait qui elle était, et loin d’elle l’idée d’alimenter une quelconque jalousie à son égard, elle trouvait ça franchement maladroit de sa part de lui lancer cette information avec autant de nonchalance. Ça lui laissait un goût étrange en arrière-gorge, le goût de la pilule qu’elle avait eu du mal à avaler lorsqu’il avait refusé de la voir se rappelant à son bon souvenir tandis qu’elle ajoutait, sans doute plus sarcastique qu’escompté "Décidément, je suis une vraie privilégiée." lorsqu’il la désigna comme telle à propos de ses confessions sur le bon déroulé de sa cure.
Elle aussi garda le silence jusqu’à ce qu’ils rejoignent le taxi qu’elle avait hélé en trouvant ça opportun de le faire simplement pour se laisser le temps de retrouver une bonne contenance. Evie grimpa à l’arrière avant Rhett et boucla sa ceinture à l’instant où il s’installa à ses côtés en l’interrogeant sur Ruben "Non, pas vraiment." On ne pouvait pas dire que, même s’il y avait eu accalmie suite à leur dernière discussion durant laquelle Ruben avait mentionné ses projets d’envoyer son aîné en cure, ils étaient proches et enthousiastes à l’idée de se parler régulièrement. Alors non, ils n’avaient pas communiqué "J’en conclus que t’as pas pris de ses nouvelles, ou que t’as refusé d’en avoir ? Tu sais s’il a essayé de te contacter quand t’étais là-bas ?" Peut-être qu’il avait filtré ses appels, elle n’en savait rien, et parce qu’elle était un peu agacée sur le moment, rapport à l’impression qu’elle avait d’être le réceptacle d’affronts lancés sans en avoir l'air dans sa direction par Rhett Hartfield, elle n’essaya pas d’en savoir davantage, et détourna la tête vers la vitre de son côté pour mieux regarder l’aéroport s’éloigner.

"Peut-être que tu pourras trouver un bon club à Brisbane. Tu devrais essayer de convaincre Hassan de t’accompagner." Elle essaye, elle fait au mieux. Ils ont leurs propres problèmes, mais elle occupe le temps à essayer de recoller les morceaux entre les deux hommes, sans qu’elle n’ait rien à y gagner. Il l’observe en silence, ne comprenant que mieux pourquoi il lui a dit ce qu’il lui a dit, lors de leur dernière soirée en Australie. La prise de ses empreintes contre les cotes de la jeune femme se referme un peu plus, sans qu’il ne s’accroche. A défaut de vouloir entamer ce genre de discussion, il dépose plutôt un baiser contre sa tempe, ce qui ne fait que traduire à quel point elle lui a manqué. Là n’était peut-être pas le sujet, mais tant pis. “On verra.” Il ne voulait pas laisser ses mots sans réponse, quand bien même il se contente de lui apporter la réponse la plus impersonnelle qui puisse exister.

Le prénom de Jenna arrive entre eux, idée que Rhett lui-même juge stupide. Simplement, il ne s’en rend compte que trop tard, comme à son habitude, et les mots d’Evie ne sont qu’un rappel de sa faute. "Donc t’as accepté de recevoir de la visite finalement ?" Il se mord la joue un instant, le temps pendant lequel il a pensé lui mentir. Ses pensées ne continuent pas en ce sens. “J’ai juste vu Jenna.” Ce qui est sans doute la pire explication qu’il aurait pu lui donner, mais il ne veut pas non plus qu’elle pense qu’il a reçu des visites du monde entier sauf elle. Jenna est une exception à bien des niveaux, elle l’est aujourd’hui encore même si Rhett peine souvent à se l’avouer. “Elle voulait vraiment me parler.” Il ne donne pas le sujet de leur discussion pour autant, pensant sans doute qu’il est redevable à Jenna de garder un certain secret quant à son nouveau statut de femme enceinte. “Je voulais pas que tu me vois là-bas. Ca rendait les choses un peu trop réelles.” Il explique enfin, conscient qu’elle ne comprend sûrement pas pourquoi Jenna a eu droit à un passe-droit et non elle. Ce n’en est pas un à ses yeux ; le contexte était simplement différent. "Décidément, je suis une vraie privilégiée." Ces mots-là, il les laisse couler, bien conscient de sa propre maladresse. Le bras d’Evelyn a quitté son dos mais le sien n’en fait pas de même.

A peine rentrés dans le taxi, ses mots l’interrogent sur de possibles discussions entre elle et son frère. Après tout, ce dernier l’a déjà trahi une fois, et il n’y aurait aucune surprise quant au fait qu’il le fasse une seconde. "Non, pas vraiment." Tant mieux. "J’en conclus que t’as pas pris de ses nouvelles, ou que t’as refusé d’en avoir ? Tu sais s’il a essayé de te contacter quand t’étais là-bas ?" Elle est toujours elle-même, mais il ne vit pas sans l’impression qu’une chose a été brisée entre eux, comme en témoigne le regard de la jeune femme qui se détourner en direction du paysage de béton. “Les deux. Et j’ai bloqué son numéro, alors j’en sais trop rien.” Mais il imagine aisément que son frère lui a envoyé des messages, et peut-être même essayé de l’appeler. Il imagine surtout qu’Ethel lui a dit que tout allait bien, parce que leur sœur est douée pour faire le tampon entre eux. “J’ai raté quelque chose, pendant tout ce temps ?” Il pose son crâne contre la vitre et vrille son torse pour lui faire face malgré l’inconfort certain de la voiture. La question, c’est autant parce qu’il s’y intéresse réellement que parce qu’il veut mettre le doigt sur ce qui semble être différent entre eux - au-delà des conséquences de leur dernière discussion-dispute en date, disons.

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Elle voulait vraiment me parler. Dans un autre contexte, Evie aurait eu le réflexe de sourire à cet argumentaire, de ce sourire charmant qui illuminait son visage et la rendait  accessible à tout un chacun, quarantenaire de bonne famille qui n’avait jamais oublié de rester ouverte et polie. Mais encore une fois, les choses semblaient différentes aujourd’hui sans qu’elle de son côté, elle ne sache pas pourquoi tout paraissait avoir pris une autre forme entre elle et le jeune homme qu’elle lâcha dans la foulée. Ses mots résonnèrent encore un instant à ses oreilles. Elle ne rebondit dessus qu’en pensée, consciente que lancer de nouvelles hostilités maintenant n’était sans doute pas ce qu’elle appellerait une démonstration de délicatesse dont elle seule avait le secret pourtant. Si Jenna voulait vraiment lui parler, alors ça expliquait tout ; quand elle de son côté, elle n’avait sans doute pas grand-chose à lui dire, c’était donc comme ça qu’il voyait les choses ? Elle secoua la tête tachant de se la remettre dans le bon sens pour ne pas laisser la vexation s’insinuer en elle quand elle savait au fond qu’elle méditerait sur cette défense pendant de longues minutes encore.
Après ces quelques minutes donc, elle lui dit avec la clémence qui était la sienne lorsqu’elle voulait croire qu’un affront n’était en fait qu’une maladresse. A dire vrai, ça commençait à en faire beaucoup, des maladresses, même pour elle qui se pensait être d’une patience infinie et capable d’essuyer toutes les attaques — à croire que sa dernière agression en date l’avait rendue moins apte à ce sujet "J’imagine que ça devait être important si elle a pris la peine de faire plusieurs milliers de kilomètres pour te les dire en face-à-face, oui." Une fois encore, elle secoua la tête juste pour la détourner vers l’aire où s’arrêtaient les taxis qui espéraient être choisis par les voyageurs qui se pressaient. Une main se levant au-dessus de sa tête pour signifie à l’un d’entre eux que c’était sur lui qu’elle jetait son dévolu, elle prit le temps de dire à Rhett qui arguait qu’il ne voulait pas la voir là-bas parce que ça aurait rendu les choses trop réelles "Je t’ai proposé qu’on se voit avant que tu partes, Rhett." lui rappela-t-elle seulement en n’étant pas fermée à son explication qu’elle comprenait par ailleurs. Mais l’un n’empêchait pas l’autre, et elle su à ce moment précis qu’elle regrettait de l’avoir fait venir en Angleterre.

Installée de son côté du taxi, elle détourna la tête pour accueillir la réponse de Rhett à propos de Ruben sans réelle surprise de l’entendre dire qu'il avait bloqué son numéro. Le contraire l’aurait étonnée, mais ce n’était pas comme si elle était encore capable d’anticiper les actions et les réactions du jeune homme qu’elle pensait connaître, alors se perdre dans la masse de choses qu’elle croyait savoir sur lui, ça non plus, ce n’était probablement pas une bonne idée. En fait, ça lui fit juste réaliser un peu plus à quel point, depuis que Ruben lui avait raconté son overdose et les raisons de cette dernière, sans compter toutes les choses qu’elle avait découvertes à travers les pages de son livre, elle avait en vérité la sensation d’avoir à faire à un parfait inconnu ; le genre de personnage d’un livre qui avait pour titre son numéro de maillot et qui lui paraissait si difficilement atteignable aujourd’hui qu’elle sentit sa gorge serrer en réagissant à l’idée que ça avait peut-être toujours été le cas en vérité, qu’elle n’avait juste pas voulu admettre qu’elle s’était trop impliqué dans quelque chose qu’elle n’avait pas venu venir et à laquelle elle avait fini par croire parce que ça lui avait fait du bien de ne rien chercher à contrôler pour une fois.
Sentant l’attention de Rhett portée sur elle, elle tourna la tête dans sa direction "Ça dépend de quoi tu parles. En général, ou en ce qui me concerne ?" lui demanda-t-elle en percevant sa voix différemment, étouffée par ce qu’elle sentait arriver gros comme une maison. Se recalant doucement dans le fond de son siège, replaçant sa ceinture de sécurité sur sa clavicule, elle prit une profonde inspiration et n’attendit pas vraiment de réponse à sa question, finissant par lui annoncer sur le ton de la conversation, son coeur se mettant à battre le tambour dans sa poitrine "Je vais fermer l’agence. J’en ai discuté avec ma collaboratrice. Les affaires marchent difficilement, je pense que mon nom fait peur aux clients." Il n’en aurait cure, seulement ça lui permettait d’entamer le reste de sa confession qu’elle lui fit en évitant d’affronter son regard, le déportant sur la route que prenait le chauffeur à qui elle avait glissé l’adresse de Neal entre deux mots échangés avec Rhett "Quand je t’ai dit que j’hésitais à rester, je parlais pour une durée indéterminée." Elle se sentit froncer les sourcils lorsqu’elle osa tourner la tête vers lui pour poursuivre "Je suis venue pour prendre l’air, c’est vrai. Mais je réalise que le retour à Brisbane, je m’y prépare avec la boule au ventre, alors je me dis que ce serait peut-être pas une si mauvaise chose si je rentrais pas finalement." Elle ne voulait pas se dire qu’elle le lui disait maintenant pour provoquer une réaction de sa part, ou  pour obtenir une sorte de compensation à la peine qui lui avait causée. Et pourtant, il y avait peut-être un soupçon de ça dans le regard qu’elle échangea avec lui à ce moment-là.

Même Rhett est conscient que parler de Jenna est maladroit, en sa qualité d’ex-petite-amie. C’est d’autant plus maladroit d’avouer qu’elle est la seule à lui avoir rendue visite à l’autre bout du monde, aussi, mais il ne voulait pas prendre le risque de faire de ce fait un secret. Il a beaucoup de défauts, mais il n’est pas un menteur. "J’imagine que ça devait être important si elle a pris la peine de faire plusieurs milliers de kilomètres pour te les dire en face-à-face, oui." Ça l’était, oui. Ça l’était, parce qu’apprendre autant que de dire qu’elle est enceinte n’est effectivement pas le genre de chose qu’elle fait tous les jours. Il serre les dents, pèse le pour et le contre de l’aveu de son ancienne compagne, et choisit de garder le silence. Il ne sait pas encore qui en est au courant et qui ne l’est pas, il ne veut pas commettre d’impaire même s’il sait qu’Evelyn saurait mieux que personne tenir sa langue. Le problème n’est pas là. “Ca l’était.” Il soutient donc, sans pour autant apporter de plus amples explications, son regard ne se dérobant pas de celui d’Evelyn. Rhett est souvent conciliant et il arrive parfois même à faire des concessions, mais personne n’a le droit de tenir le moindre reproche à Jenna, même de façon détournée. "Je t’ai proposé qu’on se voit avant que tu partes, Rhett." Et il a refusé, oui. Il était là, il a écrit les messages, il s’en souvient parfaitement. “Tu as bien vu comment s’est terminée notre dernière discussion.” Et elle peut constater en même temps que lui que leur discussion actuelle tourne peu à peu dans la même direction, malgré les semaines écoulées et les esprits normalement apaisés.

"Ça dépend de quoi tu parles. En général, ou en ce qui me concerne ?" S’il n’avait pas perçu le ton sifflant de sa voix, il aurait osé une blague, ou tout du moins il aurait osé dire qu’il ne se soucie que d’elle et que du reste, il lira les journaux (c’est à dire uniquement les titres de ces derniers) sur son téléphone. C’est auprès d’elle qu’il tente de rattraper le temps perdu, aussi maladroitement que cela semble humainement possible. “Pour toi.” Rhett souffle donc simplement, l’intérieur de la voiture du taxi ayant des allures soudainement étouffantes. Ironiquement, il s’attend presque à ce qu’elle lui dise à son tour être enceinte - allez savoir pourquoi. "Je vais fermer l’agence. J’en ai discuté avec ma collaboratrice. Les affaires marchent difficilement, je pense que mon nom fait peur aux clients." Elle a le regard fuyant, le ton de celle qui fait le point à ses équipes sur la réunion du jour. Quelque chose s’est brisé depuis le début de leur discussion, et il sait parfaitement en être la cause, raison pour laquelle il n’ose pas lui reprocher son attitude et se contente d’accepter les choses et les nouvelles telles qu’elles viennent. L’agence ferme, donc. C’est une bonne nouvelle, peut-être ? Elle ferra autre chose, elle ferra ce qu’elle aime. Mais elle aimait déjà son métier ; alors c’est une mauvaise nouvelle ? "Quand je t’ai dit que j’hésitais à rester, je parlais pour une durée indéterminée." Leurs sourcils se froncent en miroir maintenant qu’elle lui tient une annonce pour laquelle il se sent directement concerné et face à laquelle il ne peut rester de marbre. Est-ce qu’elle comptait seulement le lui dire ? "Je suis venue pour prendre l’air, c’est vrai. Mais je réalise que le retour à Brisbane, je m’y prépare avec la boule au ventre, alors je me dis que ce serait peut-être pas une si mauvaise chose si je rentrais pas finalement." Et s’il n’ose pas avoir un vocabulaire fleuri face à elle, il n’en pense pourtant pas moins, encaissant la nouvelle comme il le peut alors qu’il pose à son tour son regard sur la route plutôt que sur elle. Ses joues glissent entre ses dents, il tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire une connerie ou une autre. “Et si moi j’ai envie que tu rentres ?” La question est sincère. Il ne pose pas un ultimatum, il se contente de lui demander ce que seraient les choses s’il osait simplement lui demander de rentrer avec lui. Parce qu’il veut penser que ça changerait quelque chose qu’il lui demande, parce qu’il veut croire que les sentiments qu’il éprouve à son égard sont un tant soi peu partagés. Un peu, il n’en demande pas davantage. Pouce et index pincent un instant la base de son nez, comme pour lui remettre les idées en place. Cela lui donne au moins le courage de se tourner en direction de la brune. “Je veux travailler sur moi.” Il ne connaît pas les raisons exactes de sa boule au ventre, même s’il imagine aisément que le procès en devenir autant que toute sa famille sont une immense partie du problème, mais il sait aussi qu’il a sa part à jouer dans toute cette histoire. “Je veux que les choses rentrent dans l’ordre, entre toi et moi. Et je sais que je dois me remettre en question pour ça.” Il devrait aussi savoir qu’il doit arrêter l’Oxy mais c’est trop lui demander pour l’heure. Des efforts, oui, mais pas à ce point. “Je veux pas te perdre.” Je veux, je veux, je veux. Du Rhett tout craché.

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"C’était pas une discussion." Et de ça, il ferait la conclusion qu’il voudrait quand de son côté, elle songeait au fait que, pour que ce soit une discussion en effet, il aurait fallu que ce soit un échange de point de vue et pas une soumission à des je veux ou je ne veux pas. Mais la tension montait déjà, Evie le sentait irrémédiablement, et elle préférait garder ça dans le trésor maudit qu’étaient devenus tout ce qu’elle préférait entasser soigneusement au fond d’elle pour ne pas avoir à heurter l’obstination instinctive de Rhett.

Mais elle savait que ça ne durerait pas. Elle ne se sentait plus capable de se montrer conciliante depuis la dernière fois et ça pesait sur la perception qu’elle avait de la situation dans laquelle elle ne se sentait pas à l’aise. Si elle se sentait déjà coupable que leurs retrouvailles ne se passent pas bien, elle ne pouvait pourtant plus faire semblant et endosser le rôle de celle qui faisait tout son possible pour adoucir les reproches qui flottaient toujours dans l’espace qui les séparait et qu’elle n’avait pas oublié. Sans doute par esprit de vengeance mal placé, chose qu’elle ne croyait pas en avoir en elle au demeurant, elle passa aux aveux concernant son projet de ne pas quitter l’Angleterre.
Et effectivement, elle espérait que ça provoquerait quelque chose chez Rhett, qu’il prenne conscience de ce qu’il perdrait si elle mettait son projet à exécution pour se morfondre sur la vérité immuable qu’on lui donnerait quand il se rancarderait auprès de ses proches sur le rôle qu’elle avait joué durant son absence, alors qu’elle l’avait toujours soutenu, même après qu’il l’eut cru capable de le piéger avec une grossesse non-désirée. Oui, même après, elle s’était montré magnanime pour ne pas lui imputer trop sévèrement de mauvaises intentions quand elle le savait dans une période critique, elle avait même failli oublier à quel point elle-même souffrait aussi d’avoir vécu pas une, mais deux agressions physiques en moins d’un an qui étaient totalement passées à la trappe parce que le reste du monde avait été plus friand des déboires d’une ex-gloire du sport de haut niveau qui s’apprêtait à revenir au pays avec la satisfaction d’avoir pu donner sa vérité et qui serait accueilli en grandes pompes dès lors qu’on l’inviterait pour le féliciter du courage qu’il avait eu, recevant des éloges de champion, celles qui devaient tant lui manquer.
Elle devenait amère, et ça lui déplaisait assez pour qu’elle ne veuille plus le regarder à ce moment-là et encore moins répondre à ce qu’il lui dit à l’instant, mettant en exergue son envie de la voir rentrer tout de même. Elle resta silencieuse un temps, et puis sachant qu’elle ne pouvait pas lancer ce genre d’informations sans être obligée d’en essuyer les plâtres ensuite, elle lui dit doucement "Tu peux pas toujours avoir ce que tu veux, Rhett." Et c’était cruel, dit comme ça, mais c’était une leçon que quelqu’un aurait dû lui enseigner bien avant qu’il n’atteigne l’âge qu’il avait désormais ; je veux, je veux, je veux, c’est tout ce qu’elle entendit parce que c’était tout ce qu’il lui disait et pendant l’espace d’un instant, elle se demanda comment elle avait pu passer à côté de son égocentrisme au cours de l’année écoulée. Elle pouvait presque entendre Ruben lui dire je te l’avais bien dit, Evelyn, et c’est cette voix insupportable qui la fit sortir de sa torpeur et rétorquer à Rhett qu’elle regarda de nouveau cette fois "Parce que tu m’aimes, c’est ça ?" lui demanda-t-elle quand il lui dit ne pas vouloir la perdre, et si elle ne lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit, c’est parce qu’elle osa enfin lui dire, sans doute moins agacée qu’elle aurait dû l’être, ayant ce talent désarmant de ne pas sortir de ses gonds même quand elle sentait tout son intérieur trembler et son coeur battre des records de pulsations. En fait, la seule fois où elle avait perdu son sang-froid, c’était à cause des insinuations de Rhett qui, cette fois-là, elle ne quitta pas des yeux en parlant "Tu sais ce que je veux moi ? Je veux que tu me parles. Je veux que tu me dises quand tu vas mal, je veux que tu m’expliques pourquoi t’en es arrivé là. Je veux pas apprendre de la bouche de quelqu'un d’autre que t’as failli mourir et je veux pas lire que ça t’aurait peut-être pas déplu d’y passer parce que c’était tout ce que tu cherchais à faire en vérité." Ses yeux brillants de plusieurs choses à la fois passèrent alternativement d’un oeil à l’autre du jeune homme, sa gorge se rétractant sous son emportement qui était certes contenu, mais qui n’était pas moins difficile pour elle qui mettait toujours un point d’honneur à se montrer délicate, et pour lui qui n’accepterait sans doute pas d’être ainsi rappelé à son statut d’humain "Est-ce qu’on parle le même langage maintenant ? Ça fait assez de je veux pour que t’estimes enfin que j’ai mon mot à dire ? Que tout ce qui se passe entre nous, c’est pas seulement selon tes conditions ?" lui demanda-t-elle, insistant avec son regard pour qu’il lui donne une réponse quand elle ajouta dans la foulée, sa main finissant par se tendre vers lui pour ramener son visage à elle si jamais il était tenté de le détourner "Je t’aime aussi. Mais je suis fatiguée de me battre avec toi pour te faire enregistrer que je suis là quoi qu'il arrive et que je peux tout entendre quand ça vient de toi." Elle ne marqua pas de pause, concluant enfin "De toi, Rhett. J’en ai ma claque des intermédiaires."

Il exige, il demande, il parle et il ne sait pas comment dire qu’il tient à elle et qu’il est désolé, en réalité, alors il se débrouille pour enfoncer le couteau dans la plaie bien plus que pour chercher des solutions à leurs problèmes toujours plus évidents. "Tu peux pas toujours avoir ce que tu veux, Rhett." A quarante ans, enfin, il commence effectivement à le comprendre. Et autant dire que ce constat ne lui plaît pas vraiment. Il aurait dû être capable d’anticiper ces mots, parce qu’ils étaient évidents. "Parce que tu m’aimes, c’est ça ?" C’est ça, oui. Et à ses yeux, la raison devrait être suffisante pour qu’elle l’accepte, et surtout pour qu’elle revienne sur son idée de s’installer en Angleterre. En réalité, il ne comprend simplement pas pourquoi elle ne le ferait pas, alors qu’une personne qui l’aime sincèrement espère qu’elle rentrera chez elle, chez eux, à Brisbane. Quand elle retrouve enfin son regard, ce n’est que pour à son tour statuer sa liste d’exigences, qu’il encaisse uniquement parce qu’il n’en a pas le choix, en réalité. "Tu sais ce que je veux moi ? Je veux que tu me parles. Je veux que tu me dises quand tu vas mal, je veux que tu m’expliques pourquoi t’en es arrivé là. Je veux pas apprendre de la bouche de quelqu'un d’autre que t’as failli mourir et je veux pas lire que ça t’aurait peut-être pas déplu d’y passer parce que c’était tout ce que tu cherchais à faire en vérité." Le pire dans tout ça, c’est qu’il se retrouve à être touché qu’elle ait lu le livre, ce qui est la première chose qu’il retient de tout son monologue. Mais il sait qu’elle s’emporte pour tenter de les préserver, en réalité, parce qu’Evelyn ne s’emporte jamais. Ce qu’il comprend, aussi, c’est qu’elle a très probablement eu une discussion avec Ruben, qui a encore une fois eu l’audace d’en raconter un peu trop à propos de la vie privée de Rhett - plus si privée que ça désormais, certes. Tel un enfant vexé, il ferme les dents et assombrit son regard. Il voudrait que les choses soient aussi simples que cela, qu’il puisse se contenter de lui répondre par un “d’accord” sincère avant que leur couple ne retrouve le chemin normal duquel il n’aurait jamais dû s’égarer. En réalité, cela signifie surtout qu’il doit faire des efforts immenses, pour la première fois de sa vie, non plus pour lui-même mais bien pour son couple.

"Est-ce qu’on parle le même langage maintenant ? Ça fait assez de je veux pour que t’estimes enfin que j’ai mon mot à dire ? Que tout ce qui se passe entre nous, c’est pas seulement selon tes conditions ?" En réalité, une part de lui est heureuse qu’elle ose enfin lever le ton face à lui et son caractère à la con. Elle a toujours été sincère à son égard, mais elle l’a toujours aussi pris avec des pincettes, ce qui est le genre de comportement qu’il apprécie simplement parce que cela ne le pousse pas assez en face de ses problèmes. Maintenant, il semblerait qu’il ait usé de toute sa patience et que cette période soit derrière eux. Preuve en est, elle ramène en sa direction le visage du brun autant que son regard. "Je t’aime aussi. Mais je suis fatiguée de me battre avec toi pour te faire enregistrer que je suis là quoi qu'il arrive et que je peux tout entendre quand ça vient de toi." Il aurait aimé sourire, maintenant qu’elle lui dit pour la première fois qu’elle l’aime. En réalité, il peine à se réjouir du contexte. "De toi, Rhett. J’en ai ma claque des intermédiaires." A son tour, il pose sa main contre la nuque de la jeune femme, son pouce traçant des lignes invisibles contre sa peau. “Je veux pas… Ok, plus de je veux.” Quand bien même il souhaitait simplement dire qu’il ne veut pas la perdre, l’ancien sportif se reprend. Il veut faire des efforts, il le jure. Il n’en a simplement jamais vraiment fait en quarante ans et a besoin de tout apprendre. “J’ai peur de te perdre.” Il change donc la formulation. Plus de je veux, et un début d’explication à la place. C’est fébrile, mais c’est un début. S’expliquer lui coûte beaucoup, lui qui n’en a jamais eu l’habitude, mais pour Evelyn il jure qu’il fera tous les efforts possibles. “Je peux répondre aux questions. Je sais juste pas par où commencer, Evie.” Ni ce qu’elle veut savoir, en réalité, surtout maintenant que sa biographie est sortie et semble couvrir l’immense majorité des épreuves de sa vie. “C’était avant de te connaître, l’overdose. J’allais pas venir vers toi avec la bouche en cœur en te disant que je te trouvais très belle mais que je suis le genre de sportif qui n’est plus sur les terrains mais qui a un sacré penchant pour l’autodestruction.” Il se doutait bien qu’elle le saurait tôt ou tard, mais il comptait effectivement que ce soit bien plus “tard” que “tôt”, parce qu’il voulait donner une chance à leur couple d’exister et à de véritables sentiments de naître de part et d’autre. “C’était n’importe quoi, cette cure. Je vais pas mieux. Tu veux la vérité, la voilà.” Il l’avoue sans une once de fierté, comme en témoigne le regard sincèrement désolé qu’il partage désormais avec elle. “Et je suis soulagé de rester un peu à Londres avant de rentrer, parce que ça repousse le moment où je vais devoir faire face aux questions de mes proches autant que des journalistes.” Parce qu’il n’a pas peur que de la perdre, il a aussi peur de tout le reste, et dans la conception qu’il a d’un homme, ce ne sont pas des choses acceptables à dire. Mais il fait des efforts, il l’a dit, il le fait. Pas à pas.

i've been hearing silence on the other side
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Il se reprit, changeant son je veux en j’ai peur. Evie le fixa sans chercher à baisser son regard. Et la lutte entre le chaud et le froid de leurs iris, elle fit peser une tension étrange dans l’habitacle. Il l’avait mérité au fond, cette gifle qu’elle lui avait donnée, et il en mériterait bien une autre maintenant pour la forcer à faire ce qu’elle était en train de faire.
Quelque part, il la forçait non seulement à lui faire dire qu’elle l’aimait, ce qu’elle ne réalisa même pas sur le moment, décelant seulement la portée de cette entame de phrase dans le regard du jeune homme qu’elle affronta sans ciller, sûre sur ses appuis même si elle se sentit profondément déstabilisée par la façon si instinctive qu’elle eut de le lui dire, sans que ça ne lui demande plus d’effort de réflexion que ça, sortant tout rond comme une évidence qu’elle ne chercha même pas à contrer. Mais aussi, et surtout, à sortir de ce flegme qu’elle n’avait rien à envier à sa patrie d’adoption. Jamais Evelyn ne se mettrait dans cette position pour quelqu’un qui n’en valait pas la peine, et c’était bien là le plus compliqué dans cette situation : si elle savait qu’il en valait la peine, elle se demandait pourtant ce qu’elle avait à y gagner au fond puisque les siens d’efforts, ceux qu’elle faisait pour s’ouvrir un peu, pour se départir de cette pudeur et de cette peur réelle qui était la sienne quand il était question d’engagement, ils n’étaient récompensés que par des reproches et des limites violemment définies par la volonté de Rhett de se barricader derrière ses secrets.
Elle savait l’image que ça donnait d’elle, d’endosser le rôle de celle qui soulève des points alors qu’il venait à peine de rentrer d’une course effrénée contre son addiction, mais elle n’avait plus la force de faire comme si elle n’estimait pas mériter un peu de considération, elle aussi. S’il l’aimait vraiment, il ferait des efforts, c’était aussi simple que ça "Tu me perdras pas. Je suis pas parfaite, mais je suis pas du genre à m’engager pour dire de le faire ou pour en tirer des applaudissements, Rhett." Et la suite de ce qu’elle lui dit, elle savait également quelle image ça lui donnait, mais au point où elle en était, elle ne reculerait devant rien pour lui faire entendre que c’était quitte ou double cette fois "Par contre, tu me perdras si tu continues comme ça. C’est pas un ultimatum, j’essaye pas de te piéger en te disant que c’est moi ou le reste, mais ta considération, Rhett ? Je pense que je la mérite autant que celle que t’accordes à tes amis, est-ce que c’est clair ?" Si ça ne l’était pas, ça devrait l’être. Elle avait atteint sa limite dans l’action d’être placée à la dernière liste des priorités de quelqu’un, qu’elle, elle plaçait si ce n’était tout en haut, au moins dans le top trois de la sienne.

"Par le début. En fait non, je te demande même pas d’être précis, je veux juste que t’arrêtes de minimiser des faits qui sont importants pour que je te comprenne, c’est aussi simple que ça." Elle n’avait pas besoin de tout savoir au fond, et jamais, ô grand jamais elle ne lui demanderait de rentrer dans les détails, cependant elle ne pouvait plus se permettre de jouer aux devinettes, surtout pas quand elle avait pris conscience qu’il s’en était joué de sa vie. Elle avait été sotte dans le passé, elle n’avait probablement pas voulu comprendre ce qu’il avait parfois laissé échapper : c’était terminé, elle ne se laisserait plus le choix que de chercher à comprendre désormais "T’en as eu l’occasion, de me dire ce qui était arrivé quand je t’ai questionné sur ta blessure, quand j’ai appris pour ton frère. Je te reproche pas d’avoir eu du mal à me parler de tout ça au tout début, je le comprends." Elle serait mal placée pour donner des conseils à quiconque sur la gestion d’un deuil, ou sur la notion de partager des histoires avec autrui ; elle n’était bonne dans ni l’un ni l’autre "Mais les choses sont différentes maintenant. On est ensemble, et la confiance que je te porte, j’aurais aimé qu’elle soit réciproque."
Peut-être qu’elle l’était, le prouva la manière qu’il eut de lui parler de sa cure et de lui donner une vérité qui n’était pas évidente à dire ni évidente à entendre. Ça lui fit se dégager de la main qu'il avait posé sur sa nuque juste pour qu’elle prenne un peu de recul sur le tableau que lui offrait le visage de Rhett qu’elle regarda pendant un certain temps, dos contre la vitre de son côté du taxi, simplement pour lui dire après quelques longues secondes d’observation scrupuleuse, ses yeux marquant plusieurs points sur son visage "T’attends d’être rentré pour en reprendre, pas vrai ?" lui demanda-t-elle sans détour, sans que son ton ne soit tranchant ou teinté de jugement hâtif en vérité. Elle faisait juste une conclusion qui lui paraissait logique dans le tableau qu’elle avait réussi à dresser de la personnalité de Rhett Hartfield au cours des derniers mois : son esprit de contradiction était si marqué que ça en devenait puéril parfois. Aussi, c’était aussi plus fort que lui quand ça concernait son addiction, elle en était douloureusement consciente ; si c'était aussi simple que ça, on n’enverrait personne en cure après tout, et de ça, si elle ne pouvait faire grand-chose pour lui interdire quoi que ce soit, elle pouvait au moins être là pour qu'il réussisse à se tenir à une ligne de conduite sur la durée.
Elle le fixa encore un instant pour essayer de rassembler assez de courage pour rester à ses côtés et ne pas estimer que c’était peine perdue — juste le temps de lui laisser apposer la conclusion à tout son discours qu’elle se repassa en avance rapide pour finalement se pencher sur lui et poser presque brusquement ses lèvres contre les siennes avec une détermination douce, sa main trouvant sa nuque pour le garder près d’elle après qu’elle eut rompu leur baiser. Le murmure qu’elle lui adressa, ce fût en le regardant droit dans les yeux "Si tu veux que je sois là, je peux t’aider au moins à gérer les questions des journalistes. Elles seront toutes les mêmes, tu peux les travailler ; on peut le faire ensemble pour que ce soit plus facile." Mais pour les questions de sa famille, là elle ne pourrait pas faire grand-chose, si ce n’était peut-être lui tenir la main s’il en avait besoin.

Les mots sont difficiles à lâcher pour un Rhett qui a quarante ans derrière lui, habitué à ne jamais exprimer le moindre de ses sentiments ou simplement poser des mots dessus. Il vous dirait simplement qu’il ressent des choses, oui, mais qu’il n’éprouve jamais le besoin de le partager, parce que cela ne lui semble pas naturel, et surtout parce que cela lui coûte. Pour Evie, il fait tous les efforts du monde, surtout conscient que se terrer une nouvelle fois dans le silence équivaudrait à l’implosion pure et simple de leur couple. "Tu me perdras pas. Je suis pas parfaite, mais je suis pas du genre à m’engager pour dire de le faire ou pour en tirer des applaudissements, Rhett." Le sourire qu’il esquisse est triste, il n’a rien de nouveau. Tout le monde jure être présent lorsqu’un obstacle fait son apparition ; mais tout le monde finit bien souvent par abandonner lorsqu’ils se rendent compte de la réelle difficulté qu’il représente. Il veut croire qu’Evelyn est différente et qu’elle a les épaules pour, ne serait-ce parce qu’elle a déjà vécu beaucoup de choses de son côté aussi. “Je sais.” Si elle voulait des applaudissements, ce n’est certainement pas de Rhett qu’elle aurait choisi de s’enticher - comme s’il s’agissait bel et bien d’un choix pour lequel elle avait pesé le pour et le contre, de toute façon. Il ne lui a pas apporté beaucoup de positif depuis qu’ils se connaissent et fréquentent. "Par contre, tu me perdras si tu continues comme ça. C’est pas un ultimatum, j’essaye pas de te piéger en te disant que c’est moi ou le reste, mais ta considération, Rhett ? Je pense que je la mérite autant que celle que t’accordes à tes amis, est-ce que c’est clair ?" Son regard détaille longuement la jeune femme - qui lui pose très certainement un ultimatum, bien qu’elle continue de prétendre le contraire - sans savoir quoi répondre, justement parce qu’il ne sait même pas par où commencer. “T’as bien plus de considération que n’importe qui, c’est pas ça le problème.” Et sans doute qu’il s’en veut de lui laisser le penser, tout comme elle pourrait de fait être amenée à penser qu’elle compte moins que certains de ses proches: de toute évidence, ce n’est pas le cas. Le problème, c’est justement de continuer comme ça: c’est la routine et l’habitude qu’il a toujours connu, s’en départir serait une tâche immense et il n’est pas certain d’être à la hauteur. Et quoi qu’il en dise, quoi qu’il veuille bien admettre, Rhett a du mal à faire des efforts pour autrui.

"Par le début. En fait non, je te demande même pas d’être précis, je veux juste que t’arrêtes de minimiser des faits qui sont importants pour que je te comprenne, c’est aussi simple que ça." Et ça aussi, par exemple, c’est une chose qui lui semble être impossible à faire. Dans le monde de Rhett Hartfield, rien n’est important sauf le sport. Dans le monde de Rhett Hartfield, tout peut toujours être minimisé parce qu’il agrémente ses mots d’un sourire Colgate et d’yeux rieurs, armes contre lesquelles personne ne tente généralement rien. Sauf Evelyn ; sauf Hassan et Ruben, un mois plus tôt. Les exceptions lui causent du tort. “La plupart a été dit dans le livre, maintenant.” Pour ce qui concerne son histoire, du moins. Il le souffle, pas vraiment fier d’avoir eu recours à la plume d’une autre pour assumer ses propres vérités, mais maintenant le mal est fait. "T’en as eu l’occasion, de me dire ce qui était arrivé quand je t’ai questionné sur ta blessure, quand j’ai appris pour ton frère. [...] Mais les choses sont différentes maintenant. On est ensemble, et la confiance que je te porte, j’aurais aimé qu’elle soit réciproque." - “C’est pas une question de confiance. Je garde pour moi, c’est tout. Couple ou pas.” Même sa famille est tenue à l’écart, et son meilleur ami ne s’en sort pas à meilleur compte, quand bien même il lui rappelle assez souvent à quel point il tient à lui, ce qui est encore une fois un fait rare pour Rhett. “Je te le dirai à partir de maintenant. Je sais que ça rattrape pas mes erreurs, mais ça prévient au moins celles à venir.” Le passé est écrit, le mal qu’il a infligé à Evelyn est déjà évident et bien réel. Il ne peut pas le changer, même s’il jure le vouloir. Ce qu’il peut faire, c’est lui promettre qu’elle n’aura pas à le revivre, parce qu’il jure que se prendre un mur permet au moins de remettre certaines idées en ordre. "T’attends d’être rentré pour en reprendre, pas vrai ?" Force est de constater, pourtant, qu’il se serait effectivement passé de lui préciser cette partie pour son retour à venir à Brisbane. Pour autant, le plan est déjà en marche dans son esprit, et il est la première raison pour laquelle il souhaite rentrer: il a besoin d’en reprendre. Rhett en ressent le besoin cruel. Sans chercher à lui mentir, et loin de s’en vanter, il répond néanmoins à Evie, les yeux dans les yeux. “Oui.” Il sait déjà où il ira et à qui il demandera. Personne d’autre que lui ne le sait, mais le plan est prêt et son argent prêt à être dépensé. La cure n’a pas fonctionné le moins du monde, il le lui a au moins dit. Pour le reste, cela ne semblait pas être difficile à deviner. Il est prévisible dans bien des aspects, le sportif déchu.

Evelyn, par contre, l’est de moins en moins alors qu’il apprend pourtant à la connaître. Par exemple, il n’aurait pas su anticiper qu’elle l’embrasse après une telle discussion, ce qu’elle fait pourtant sans sembler y penser à deux fois. Et bien sûr, parce qu’il l’aime et qu’il le lui a déjà dit, il répond à son tour à la pression de ses lèvres contre les siennes, faisant perdurer l’instant une maigre seconde de plus. "Si tu veux que je sois là, je peux t’aider au moins à gérer les questions des journalistes. Elles seront toutes les mêmes, tu peux les travailler ; on peut le faire ensemble pour que ce soit plus facile." Il hoche la tête, acceptant aussitôt sa proposition alors qu’il en profite pour détacher sa ceinture et se placer sur le fauteuil central. Son avant-bras barre le torse de la brune alors qu’il plonge son visage dans ses cheveux, sa main entourant son épaule. Elle tient son dos contre son torse, et il profite d’autant plus de l’avoir près de lui alors qu’il nourrit encore l’impression que cet instant n’est pas voué à s’éterniser. “Je devrais faire la tournée de promotion le mois prochain. Ca serait utile.” Parce qu’il a beau apprécier Greta, il ne l’imagine pas plus douée que lui sur les plateaux, alors ils n’ont pas le droit de refuser la moindre aide. “Je veux vraiment que ça fonctionne, toi et moi.” Il en profite pour le lui souffler, maintenant qu’il se contente de fermer les yeux et se laisser bercer par les ronrons du moteur. “Et être la bonne personne pour toi. Malgré tout le reste.” Parce qu’il pense qu’elle est la sienne, de bonne personne. Malgré tout. “Et c’est pas à sens unique, alors je sais pas... Si t’as besoin de rester ici plus longtemps, je peux te couvrir.” Il ne sait pas dans quelle mesure il le pourrait, certes, mais il veut tout de même essayer, parce qu’il pense qu’Evie mérite enfin que quelqu’un tienne à elle et s’occupe d’elle comme elle le fait pour autrui. “Jenna est enceinte. C’est ça qu’elle est venue me dire. J’ai trouvé ça assez ironique.” Les secrets, il ne les tient généralement que quelques minutes, et celui de son ex a apparemment dépassé le quota. Evelyn l’aurait su tôt ou tard, de toute façon.