Whisper words of wisdom ft @Lucas Allen

With you my friend, here comes the sun ; easy to see, so many days ; hurt yourself, it could get rough ; worn to the bones, here comes the sun ∆ Talisco, Sun

Ce n'était pas tant la vie à Brisbane qui était étouffante, mais surtout sa propre famille. Mabel se garda cependant de rectifier, pas très sûre de vouloir parler de ses relations compliquées avec ses parents, ne se sentant pas prête à l'évoquer à voix haute. C'était déjà un sujet tabou avec Maddy, qui avait vécu la même enfance qu'elle...

« Je suis contente de savoir que Rosie est bien entourée, et a la chance d'avoir des gens pour lui faire faire des choses que j'oserai pas faire » reprit-elle, doucement.

Presque un murmure, parce que l'idée d'avoir suffisamment d'amis assez proches pour que Rosalie ait quand même l'impression d'avoir une famille soutenante était à la fois surprenant et bouleversant pour Mabel. Elle ne s'était pas attendue à tout ça quand elle avait eu sa fille - mais en quelques mois, tout avait changé, et elle avait encore du mal à comprendre où elle en était.

Que Lucas revienne dans sa vie, aussi simplement, restait un soulagement. Ils avaient été très proches plus jeunes, mais ils avaient tant grandi et évolué qu'ils auraient pu avoir plus de mal à reprendre leur amitié. Sauf que c'était naturel, de se retrouver de nouveau, et il arrivait même à inclure Rosie alors que c'était la première fois qu'il la voyait.

« L'ananas sur la pizza, c'est une hérésie, et je devrais te virer de chez moi si c'est quelque chose que tu apprécies » lança-t-elle avant de commander à la pizzeria habituelle.

Elle n'était pas elle-même une grande fan de pizza, mais Aiden semblait en avoir fait sa commande de prédilection quand ils se voyaient, aussi avait-elle fini par s'y habituer. Elle avait même dû se retenir de commander l'habituelle pizza au fromage qui faisait le bonheur du jeune homme mais que Lucas aurait eu du mal à manger.

« Tu peux aller sur la terrasse » anonça-t-elle quand Lucas annonça vouloir une cigarette en attendant leur commande. « Je te laisse ta dose, ça a jamais été mon truc ! »

Elle lui sortit pourtant un cendrier d'un des meubles de la cuisine, avant de le rejoindre sur la terrasse. Elle avait pris garde à se positionner dans le bon sens du vent, histoire de pouvoir parler avec son ami sans subir l'odeur de tabac - si elle l'évitait parce qu'elle ne voulait pas abîmer sa voix, elle devait aussi avouer qu'elle n'avait jamais apprécié l'odeur, qui lui rappelait un peu trop les dîners professionnels de son père.

« Mon vice c'est surtout l'alcool » indiqua-t-elle. « Quoique la grossesse m'a fait tout stoppé, et c'est clairement une bonne chose ! »

Jeune adulte, toute seule à Londres, elle en avait abusé. C'était facile de se faire offrir un verre, puis deux, puis des bouteilles. Et dans le milieu de la mode, tout le monde se fichait de sa consommation, tant qu'elle était capable de marcher et de conserver sa silhouette. Sa grossesse avait changé beaucoup des certitudes que son métier lui avait imposé, même si perdre le contrôle de son poids avait été compliqué à gérer.

« Merci d'avoir évité de fumer devant Rosie. Je sais combien c'est difficile de résister quand on est habitué à en prendre régulièrement. »

Elle mesurait le sacrifice, et elle appréciait sincèrement qu'il le fasse pour Rosalie. Elle voulait éviter que sa fille soit témointe de ce genre de pratiques addictives, voulant protéger sa fille des tourments qu'elle avait pu elle-même traverser.

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Mabel regardait la cigarette de Lucas se consumer, tout en étant soulagée de ne jamais avoir été du genre à fumer - et pourtant, avec ses effets coupe-faim, de nombreuses de ses collègues mannequins ne juraient que par ça pour leurs régimes avant défilés. L'alcool avait déjà été suffisamment difficile à arrêter. Etait encore difficile à arrêter, puisqu'il était servi à chacune des soirées où elle allait et qu'il était socialement compliqué de refuser un verre de vin ou de champagne.

« Vu les risques pendant la grossesse, c'était effectivement une bonne motivation pour arrêter » avoua-t-elle. « Et depuis, j'arrive à me limiter à un ou deux verres. »

Le secret était surtout d'à peine tremper ses lèvres dedans, pour le faire durer, et éviter d'être resservie par les serveurs zélés qui veillaient au moindre détail.

Cette discussion sur les addictions semblait faire réfléchir Lucas pourtant, et pas juste parce qu'il était concerné par sa consommation de tabac ou ce que Mabel pouvait faire un verre à la main. Elle fronça les sourcils, attendant de savoir s'il allait en dire plus ou non. S'il allait parler de lui, ou s'il pensait à un membre de son entourage, peut-être un patient en intervention - les pompiers devaient être appelés sur ce genre de cas, un drogué faisant une overdose dans la rue ou elle ne savait où.

« J'ai... Jamais été suivie. Par un professionnel » répondit-elle. « J'ai commencé avant d'être enceinte, au début de mon mariage. J'ai juste tout vidé ce que j'avais chez moi, et mon mari veillait à ce que je ne prenne rien quand on sortait. »

Ce qui avait donné lieu à de belles disputes à l'époque. Mais ils s'étaient tous les deux accrochés, et Mabel avait réussi à s'en sortir sans trop de dommage - même si elle avait plongé de plus belle dans ses troubles alimentaires en compensation. La grossesse n'avait pas vraiment aidé ce point-là, et maintenant qu'elle avait retrouvé un équilibre au niveau de son poids, elle était de nouveau un peu limite au niveau de l'alcool. Surtout quand elle se retrouvait face à sa famille, quand elle avait besoin de noyer le stress de les voir.

« Tu connais quelqu'un qui a un problème d'addiction ? » demanda-t-elle, fixant son regard sur Lucas.

Sans doute pas un simple problème de tabac, cette drogue étant assez banalisée pour qu'en parler soit facile. Il n'avait d'ailleurs pas hésité à lui dire qu'il en avait besoin, même s'il avait réussi à se tenir toute la journée devant Rosie. Non, il y avait un autre problème, et il le cachait derrière son attitude nonchalante et sa volonté de se concentrer sur la fille de Mabel. Qui pouvait comprendre qu'on se raccroche à l'innocence de l'enfance, parce que c'était ce qui l'aidait à ne pas perdre pied, elle aussi.

« Je suis contente de pouvoir te compter dans nos amis proches, et de savoir que tu seras là si jamais Rosie a un problème. C'est important de grandir entouré et en sécurité. »

Que ses amis se montrent présents là où sa famille ne l'était pas était un soulagement pour Mabel. Rosie n'aurait pas que sa mère sur qui compter en grandissant, elle aurait d'autres adultes sur qui prendre modèle, et qui pourraient la conseiller ou l'aider quand elle en aurait besoin. Ou juste pour lui donner une vision des choses différente de celle que pouvait donner Mabel.

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Le "c'est un ami", Mabel l'avait tellement utilisé dans des tas de conversations différentes qu'elle ne put qu'esquisser un sourire amusé en l'entendant. Même si la conversation était sérieuse. Parce que c'était impossible de rester neutre devant ce cliché terrible qu'étaient ces quelques mots. Elle savait qu'il parlerait de lui-même, elle n'était pas sûre d'à quel point il allait s'avouer qu'elle savait.

« Pourquoi cette addiction fait que c'est pire ? »

Une dépendance aux anti-douleurs ? Consécutive à son accident, et à sa jambe brisée, peut-être. Elle en revoyait presque les reportages regardés pendant ses insomnies de grossesse, et la folie des accros à la morphine à travers tous les Etats-Unis, les soignants dépassés et blasés tellement ils se sentaient impuissants, et les victimes dans toutes les sphères de la société. Elle espérait vraiment que ce n'était pas le problème de Lucas, ou la suite allait effectivement être compliquée.

« Est-ce que toi, tu sais comment l'aider ? »

Elle avait entendu dire que la seule personne qui pouvait décider de guérir, c'était le malade lui-même. Si Lucas n'avait pas l'intention de se battre, il mettrait en échec tout ce que son entourage ou ses médecins voudraient mettre en place. Mabel avait eu le déclic de sa grossesse, et du petit être innocent qui avait besoin de sa sobriété pour ne pas naître avec des problèmes médicaux, physiques et psychiques, importants.

Mais il ne fallut déjà que quelques mots pour lui montrer combien elle avait confiance en lui pour que Lucas ne lâche tout. Sous la culpabilité, sous la peur de faire du mal à Rosie si jamais elle voulait la lui confier ?

« T'as pas à t'excuser, Lucas » dit-elle, tendant sa main pour la poser sur celle de son ami. « Tu es malade, et c'est pas de ta faute. »

Que pouvait-elle faire de plus, alors que d'autres avaient visiblement échoué avant elle ? Elle n'était pas dans le soin, n'aurait jamais pu être infirmière ou médecin, et n'avait aucune idée de ce qu'elle pouvait dire à Lucas. Elle avait toujours fait en sorte de naviguer seule dans ses problèmes, mais son addiction avait été plutôt légère et l'aide et la surveillance de sa sage-femme avaient suffi. Lucas semblait plus enfoncé dans la dépendance, et il avait sans doute toujours sa douleur qui l'empêchait d'accepter de passer par un sevrage...

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Il ne fallut pas longtemps pour que Lucas ne craque et ne lui dise tout. Et une fois cette barrière passée, il ne semblait plus s'arrêter de parler, comme s'il s'était retenu trop longtemps et ne pouvait plus se retenir. Il devait vraiment souffrir de toute cette situation, pour se lâcher comme ça.

Mabel était un peu soulagée qu'il se sente assez en confiance pour lui parler de tout ça, et pour entrer dans les détails, mais en même temps complètement noyée par le flot d'informations. Et si elle avait quelques notions sur les addictions, elle n'avait clairement pas assez de connaissances pour savoir quoi lui dire ou quoi lui conseiller.

« Je serai mal placée pour te juger » lui dit-elle, serrant un peu plus la main de Lucas dans la sienne.

C'était tout ce qu'elle pouvait vraiment lui offrir : une oreille attentive, et une acceptation totale. Parce qu'il vivait un moment difficile et qu'il avait besoin de soutien plus que de jugement.

Elle sentit les larmes monter quand il lui avoua qu'il n'allait jamais pouvoir retourner à la caserne. Il avait bien donné le change toute la journée, à parler de rééducation et de reprendre son travail dès que possible, au point qu'elle avait été persuadée que ce n'était qu'une question de mois. Finalement, il avait réussi à lui mentir sur toute la ligne, et elle n'avait pas su voir les signes.

« Est-ce que tu ne peux pas y travailler, mais sans aller sur le terrain ? » demanda-t-elle. « Un job de formateur, ou de relais téléphonique qui gère les envois de camions ? »

C'était sans doute beaucoup moins intéressant. Il n'aurait pas l'adrénaline d'une mission d'intervention. Mais il pourrait continuer d'aider à la caserne, tout en respectant les nouvelles limites de son corps. Mais peut-être que c'était trop compliqué de retourner travailler à la caserne, et elle imaginait le déchirement qu'il devait ressentir, après avoir passé plus de la moitié de sa vie à se préparer pour ça.

« J'imagine que ça doit être difficile à accepter... Et que tu ne sais pas forcément quoi faire, si tu ne peux plus être pompier. »

Elle comprenait la tristesse, la honte, la frustration de ne plus pouvoir faire ce métier qui comptait tant pour lui. Un métier que ses parents n'avaient sans doute pas accepté - il venait du même genre de famille que Mabel, pas de ceux qui mettaient la main à la pâte pour se mettre au service de leurs concitoyens.

« Est-ce que tu en as parlé à ton médecin ? »

De sa trop grande consommation d'anti-douleurs à son mal-être profond lié à la perte de son emploi, ça faisait beaucoup de problèmes pour lesquels il avait besoin d'être aidé. Même si c'était juste l'écouter parler et accueillir ses ressentis.

Mabel pouvait l'écouter, mais elle n'avait pas les outils pour le conseiller ou l'aider à se soigner. Elle n'était pas sûre d'être très objective, étant donné qu'il était l'un de ses plus anciens amis, qu'elle connaissait depuis toujours ou presque.

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Evidemment que Lucas ne se voyait pas faire de la formation. Il avait choisi ce métier pour l'action, pas pour monter rapidement dans la hiérarchie et se planquer dans les bureaux.

« T'es encore jeune, tu peux changer de voie, faire autre chose. T'as jamais rêve d'autre chose que des pompiers ? »

C'était un rêve d'enfant que peu atteignait, après tout. Surtout qu'il venait d'une famille qui avait dû vouloir le voir suivre des études, et pas une formation si physique et si dangereuse. Mais il était têtu, alors peut-être que malgré leur pression, il s'était entêté dans son idée et n'avait jamais réfléchi à un autre plan de carrière.

Quoi qu'il lui faudrait peut-être mieux tout mettre en pause le temps de s'occuper de son addiction. A moins qu'avoir un but pour après ne l'aide à tenir pendant la cure et le sevrage ? Elle n'en savait rien, pas vraiment calé en addictologie, à part pour son propre cas et ce qui fonctionnait pour elle - et c'était surtout ses propres essais, parce qu'elle n'était jamais allé consulter quelqu'un.

« Lucas... Tu mérites de prendre soin de toi. Et Jazz a besoin d'un humain en forme ! »

Mabel n'y connaissait pas grand chose en animaux de compagnie, mais elle savait que s'ils avaient des vertus thérapeutiques, ils avaient aussi besoin de jouer et de se balader, et donc de quelqu'un capable de les faire bouger.

Elle le regarda avec frustration faire celui qui ne savait rien et qui allait bien. Ça ne fonctionnait pas, juste après avoir avoué qu'il était accro aux anti-douleurs. (Elle ne voulait même pas essayer de savoir comment il se les procurait alors qu'il n'allait apparemment plus chez le médecin.)

« Je pense que t'auras la fin du dernier épisode que j'ai lancé pour Rosie » finit-elle par dire en s'asseyant à côté de lui - elle ne savait même plus quoi, et ça ne lui paraissait pas si important que ça d'essayer de s'en rappeler, après tout ce qui s'était passé pendant l'après-midi.