J’ouvris un œil lorsque j’entendis la sonnerie de mon téléphone. Etirant mon bras alors vers ma table de nuit cherchant alors à tâtons l’objet qui m’avait tiré de mon sommeil, je maugréai lorsque je me rendis compte qu’il n’était pas là. Plongeant alors ma main de nouveau sous l’oreiller, je déplaçais mon autre main la glisser à côté de moi trouvant le fameux appareil que je ramenai devant mon visage pour le déverrouiller. 09:00. Et merde ! Je repoussais alors les draps au-dessus de moi pour me lever avant de m’étirer tel un chat.
Pourquoi tant de précipitations soudainement ? Le message que j’avais reçu en était la raison. J’avais promis à Dani de passer à son vignoble pour lui donner un coup de main dans la maintenance de quelques machines. Les vendanges approchaient après tout. Quoi ? Parce que je suis danseur vous pensez que je suis incapable de me salir les mains ? Aha c’était bien tout le contraire. A dire vrai, j’avais accepté car c’était aussi l’occasion de voir la jolie brune, afin de passer un peu de temps ensemble car avec mes visites éclairs à Brisbane, c’était assez court. Après le fameux rituel de la douche, café et cigarette, je décidais de me vêtir assez légèrement. Même si l’été approchait de sa fin, les températures restaient forts agréables. J’avais donc opté pour un débardeur gris, d’un jean et d’une paire de baskets qui ne craignait pas de finir dans un sale état. J’embarquai mes lunettes de soleil et un chapeau que je posais sur ma tête. Un coup d’œil dans le miroir dans cette tenue un peu cow-boy et me voilà partis prendre ma voiture pour filer vers O’Reilly Vineyards. Ce n’était pas très loin de Brisbane mais cela faisait quand même une petite trotte ; j’avais prévu de m’y rendre vers 9h. Autant dire que j’y serai au moins vers 10h30 avec la circulation pour quitter Redcliff. Enfin, Dani m’avait envoyé ce qu’elle voulait que je bricole, m’informant aussi qu’elle avait des choses à faire donc on se retrouverait sans doute pour le déjeuner.
50 minutes plus tard, après avoir pesté un peu contre les automobilistes que j’avais pu croiser pour leur conduite douteuse, je m’engageai finalement dans la grande allée de la propriété. Il n’y avait pas à dire, cet endroit avait un côté quand même hors du temps et de l’agitation de la grande ville. Dani m’avait fait part maintes fois de son souhait, de ce rêve qu’elle avait ; voilà qu’il avait pris finalement bien réalité.
M’arrêtant alors sur le parking réservé aux visiteurs, je sortis de la voiture pour me diriger vers la réception. Une jeune femme vint à ma rencontre lorsque j’entrai dans la partie du château réservé à l’accueil. Je lui expliquai brièvement ma présence ici, lui montrant alors le message de Dani. Celle-ci acquiesça bien vite, m’indiquant qu’elle avait été prévenue et elle m’accompagna en direction de la partie de la propriété qui comprenait l’ensemble du matériel du vignoble. Regardant mon téléphone, je décidai de procéder par étape. Apparemment, il y avait un souci avec l’une des remorques, identifié avec un petit drapeau dessus. Au moins, c’était bien indiqué. Ni une, ni deux je décidais de passer sous la beine pour vérifier le câblage de celle-ci. Manifestement, rien à signaler, je me décidai alors d’emprunter un tracteur pour l’associer et voir ce qui pouvait justement poser souci.
Je n’avais pas prévu de me signaler plus que mesure. A dire vrai, c’était plus pour rendre service ; mais le bruit d’un tracteur qui démarre n’est décemment pas la façon la plus discrète d’opérer, n’est-ce pas ?
Noor et moi étions de retour à Brisbane depuis hier, des suites d'un road trip impromptu auquel elle avait accepté de m'accompagner à mon plus grand ravissement. Un profond désir, frisant l'indéniable besoin, de quitter la ville quelque temps m'avait tiraillé : je souhaitais ardemment mettre de la distance entre moi et les derniers événements que j'avais vécus à Brisbane, dont mon agression début décembre pour laquelle le procès avait été repoussé, report qui m'accablait plus que je n'osais l'avouer quand il me tardait de tourner la page sur ce cauchemar. Ce voyage audacieux avait constitué une optimiste occasion de changer d'air, me couper des poids dont incombaient mes récents souvenirs dans cette ville, avec l'espoir qu'ils soient moins pesants lorsque je reviendrais sur place.
A mon retour à l'appartement où je tenais compagnie à Dani qui avait accepté de m'accueillir en tant que son colocataire lorsque je lui avais annoncé mon emménagement à Brisbane en hiver dernier, la jeune femme m'avait confié les dernières péripéties survenues à son vignoble ainsi que la charge afférante au travail qui l'y attendait. Non seulement une remorque lui faisait défaut, mais quelques uns de ses employés ne pouvaient assurer leurs missions, ce qui lui générait une certaine inquiétude. Spontanément, j'acceptais de lui prêter main forte, comme je l'avais déjà effectué à de nombreuses reprises dans le passé. J'avais conscience à quel point son vignoble était essentiel pour Dani, son métier et son affaire étant réellement ses passions, un engouement pour lequel je l'admirais et je voulais l'épauler autant que possible. De plus, m'occuper les mains et l'esprit me permettraient de ne pas ressasser sans cesse mes propres tourments.
Je m'afférais au palissage et au liage des vignes lorsque je perçus le bruit d'un tracteur se mettant en route. Ravi, je déduisais que la remorque dont s'était plainte Dani était peut-être désormais opérationnelle. J'enfonçais un piquet dans la terre de plusieurs coups de massue puis je me rendais sur les lieux afin de confirmer mes conjectures, impatient d'annoncer cette potentielle bonne nouvelle à la coréenne qui lui retirerait assurément un poids sur la conscience. Néanmoins, lorsque je remarquais l'individu pilotant l'engin, je me figeais sur place. Non seulement la silhouette du jeune homme était des plus intimidantes, mais à mesure que son visage s'orientait vers moi, les souvenirs du passé me happèrent de plein fouet, munie d'une hardiesse inavouable. Abel Greetham.
Affirmer que je n'avais pas considérer faire volte-face, le visage horriblement pivoine, dans le cuisant but m'éloigner le plus possible du danseur, composerait un outrageux mensonge. En addition, il m'était désormais difficile d'envisager revenir sur mes pas lorsque le regard bleuté du garçon brûlait honteusement ma peau. "Tu l'as réparé ?" Je m'entendais prononcer en guise de salutations, malgré les années durant lesquelles nous ne nous étions pas fréquentés. Je déglutissais, me maudissant déjà intérieurement de paraître gauche et perdre odieusement mes moyens face à Abel. J'inspirais profondément, en quête de contenance.
Dernière édition par Kai Luz le Mar 15 Aoû 2023 - 0:32, édité 1 fois
Avez-vous déjà vu un ancien danseur étoile faire de la mécanique ? Non ? Maintenant oui. Il est vrai que cela faisait parti des quelques compétences qu’il était sans doute difficile de me prêter mais que j’avais développé en étant danseur justement. J’avais pensé une très grande partie de mon temps libre dans les coulisses de l’opéra, tentant de danser ou de répéter certaines chorégraphies quand les salles n’étaient pas disponibles. Par conséquent, je m’étais souvent retrouvé à tomber sur le personnel technique qui permettait de transformer la scène de bien des façons. Je laissais tomber parfois la danse pour parler mécanique, parler réparation. Je ne pouvais pas dire que j’étais un as dans le domaine, mais je me débrouillais un peu. Suffisamment je l’espérais pour m’en sortir avec cette remorque que j’avais décidé d’atteler afin de la mettre en marche pour voir ce qui n’allait pas.
Si je ne m’étais pas attendu à recevoir de la visite durant ce moment réparation, la surprise fut bien plus grande quand je distinguais une silhouette au loin. Continuant ma route avec l’engin agricole, me rapprochant manifestement de cette personne qui devait manifestement travailler ici, mes yeux se plissèrent davantage pour détailler de ce nouveau venu dont les traits ne m’étaient pas si inconnues en vérité. Si mon visage était suspicieux au début – du moins arborait une expression signifiant ma réflexion pour identifier cette personne, voilà que mon visage se fit alors surpris, un sourire naissant sur mes lèvres alors que je me retrouvais de plus en plus proche de Kai Luz. La surprise était de taille car jamais je n’aurai pensé revoir cet homme en dehors de Paris, même si après réflexion du joueur, cela était consistant quand on sait le lien qui lie le beau brun avec celle qui fut si proche de lui à l’époque.
Mon regard cobalt fixait ainsi Kai sans le lâcher une seconde, même lorsque j’arrivais à sa hauteur, je restais pourtant silencieux, seul mon sourire trahissait mon état d’esprit de le revoir alors que je coupais le moteur pour finalement descendre et aller à sa rencontre. « Non, pas encore. J’ai décidé de l’atteler et la sortir pour voir ce qui pouvait poser soucis. » répondis-je simplement au début, tout en m’approchant de lui. « Mais bonjour à toi aussi ! » ajoutais-je alors que je me retrouvais à sa hauteur, le fixant toujours aussi intensément sans que ce sourire qui avait gagné mes lèvres ne disparaissent un seul instant.
Pourtant mon regard changea quelque peu, intrigué dans une expression presque sceptique. « Tu vas bien ? Tu as l’air un peu rouge ? » dis-je tout en levant ma main pour venir la poser sur le sommet de son crâne, la glissant dans ses cheveux. « Tu veux peut-être allé un peu à l’ombre, non ? » Oh que c’était beau quand même Abel de feindre tant d’inquiétude pour initier un contact avec lui. Bon c’était sincère de ma part, mais il est vrai que le revoir devant moi me remémorait bien… trop de choses pour être honnête.
Mitigé entre une endiablée fascination, un cuisant embarras et une honteuse horreur, mes prunelles demeuraient rivées sur la silhouette d’Abel, décrivant sans merci sa musculature tantôt à découvert, tantôt outrageusement moulée par ses vêtements légers. Je déglutissais, cillant pour me priver de cette admiration à laquelle je me vouais inavouablement, captant le regard azuré du garçon, dont les années de distance n’avaient de toute évidence su aucunement diminuer l’effet qu’il m’inoculait. J’inspirais profondément, frustré de la réaction physique qui s’engorgeait bien malgré moi dans mon organisme, et je m’entendais questionner assez stupidement le danseur sur la machine qu’il conduisait, faute de contenance. Je percevais péniblement la réponse du sportif, n’allouant sincèrement que très peu d’intérêt vis-à-vis de l’engin mécanique, la sémantique de ses mots ne percutant ainsi que très superficiellement mon esprit, ma concentration plutôt focalisée à ne pas obtempérer à mon intense désir de faire demi-tour ou de continuer de scruter le mécanicien improvisé.
« Mais bonjour à toi aussi ! » Je me raidissais, une partie de mon être incriminant Abel de m’inciter à bafouer les grandes lignes de la bienséance. « Salut, » je marmonnais néanmoins, me risquant à lui dédier un sourire mêlé d’excuse et de politesse. Mon cœur tambourinait avec une indésirable véhémence dans ma poitrine, son tempo croissant à chaque pas que mon interlocuteur produisait en ma direction. Je militais contre la tentation de ne pas produire de pas en arrière, appréhendant l’instant où je sentirais le parfum du trentenaire duquel je soupçonnais fortement me rappeler.
« Tu vas bien ? Tu as l’air un peu rouge ? » Il lève sa main pour la passer spontanément dans mes cheveux. Je me sens tressaillir, le contact physique n’étant pas bienvenue, autant parce qu’il vient d’Abel que parce qu’il s’approche des points de suture témoignant de mon récent traumatisme crânien. « Tu veux peut-être aller un peu à l’ombre, non ? » « Non, » j’articule en effectuant enfin un pas de recul, désignant du menton les vignes. « Ça doit être l’orientation du soleil, » j’accusais. « Puis ça fait un petit moment que je suis au palissage et au liage. » Comme si le brésilien pure souche que je composais pouvait attraper un coup de soleil en plein hiver australien, bien sûr. Je croise mes bras contre ma poitrine, j’emplis de nouveau profondément mes poumons, telle une incantation à la neutralité. « Tu vis ici ? » L’interrogation qui brûlait mes lèvres franchit maladroitement leur barrière sans préalable. « Dani ne m’a pas dit que tu étais ici, » j’ajoutais, comme si cela rendait plus banale ma question. Puis, je me rendais compte à quel point je pointais de la sorte le fait que la Hwang ne me parle pas de ses amis et ce que l’on pouvait en interpréter, ce à quoi je précisais : « Enfin, elle a dû me le dire et j’ai pas retenu. » A vouloir ne pas risquer de vexer qui que ce soit, voilà que je me sentais de plus en plus incorrect. Je me mordillais les lèvres nerveusement, miroir des regrets qui me pinçaient le cœur. Je m’aventurais dans une toute aussi gauche tentative de récupération : « T’as pas vraiment changé. » Malheureusement, ma raison me hurlait. Cela aurait été plus gérable qu’Abel souffre de calvitie précoce ou ait troqué sa masse musculaire pour de la graisse, par exemple.
Ce sourire qui vint étirer les lèvres pleines de Kai vint accentuer le mien. Un sourire franc qui barrait mon visage alors que mes yeux cobalts détaillaient les traits du brésilien qui se trouvait à présent face à moi. Enfin détailler était sans doute peu dire quand si on regardait la façon dont j’avais de le fixer, comme si je cherchais quelque chose de précis dans ce visage qui m’était si familier. Je ne vais pas dire que nous étions les plus proches amis mais je pense que je pouvais le considérer autrement qu’une simple connaissance. Il était le meilleur ami de Dani, et rien que pour cela, ma confiance lui était déjà acquise. Il est vrai que nous avions échangé plus d’une fois, ri ensemble aussi mais je ne m’étais jamais risqué à tenter d’aller plus loin. Comment ça plus loin ? Entre nous, il était difficile pour mon regard de ne pas s’attarder sur ses traits, sur les mouvements qui animaient son visage lorsqu’une émotion venait gagner celui-ci. Manifester de l’intérêt pour Kai, je l’avais fait… à ma façon. Me montrant sans doute plus tactile que de raison, mais je n’avais jamais franchi la ligne parce qu’il semblait que les garçons ne soient pas vraiment son truc. Et je respectais cela. Pourtant il y avait ce je ne sais quoi qui me faisait toujours quelque peu douter sur le fait que je le laissais complètement indifférent.
Ma main était restée en suspend dans les airs alors que j’avais gagné pendant quelques secondes ses boucles brunes. « Cela doit être cela. » dis-je alors, tout en laissant doucement mon bras retombé, sans pour autant cesser de le fixer. Mon sourire s’était fait moins marquer, se transformant en une sorte de rictus amusé. Est-ce que mon geste était si désagréable que cela ? Je pourrais presque croire qu’il se soit brûlé à mon approche. « Et bien je viens de revenir et maintenant… » Je n’eus pas le temps de répondre à sa question, coupé dans ma lancée parce qu’il avait rajouté que Dani ne l’avait pas tenu au courant de ma présence à Brisbane. Fronçant alors légèrement les sourcils, j’étais interrogateur pour le coup. Ce n’était pas un secret que j’étais de retour dans ma ville natale, bien au contraire. Cependant les mots de Kai venaient rendre la situation encore plus bizarre à mes yeux. Est-ce que quelque chose n’allait pas ? Ou bien est-ce la chaleur qui le rendait un peu confus ? je ne savais pas vraiment. Pourtant son commentaire vint à me tirer alors une nouvelle fois un sourire, même un rire léger. Je ne m’attendais pas à ce qu’il décide de s’orienter par là. Secouant légèrement la tête alors que mon regard s’en était retrouvé à regard par terre par logique, je relevais la tête alors que je faisais deux pas pour combler la distance qui nous séparait, me retrouvant devant lui, bien plus proche. Nous n’étions guère différents en termes de taille, pourtant je devais légèrement baisser mes yeux pour accrocher les siens. « J’espère que tu me trouves alors toujours aussi beau. » soufflais-je d’une voix étrangement basse, et plus grave qu’à l’accoutumée.
A quoi je jouais ? C’était une très bonne question. Pourtant, je me sentais comme poussé d’une envie de comprendre, de mettre un doigt sur cette relation que nous avions noué quand nous étions à Paris, tenter d’en savoir un peu plus, de retirer ce voile d’interrogations. Respecter les limites, hein ? Quelles limites ? Ah oui, pourtant j'avais toujours aimé à ce jeu-là aussi.
Mon coeur bat à tout rompre contre ma cage thoracique. Il tonne si fort que je redoute qu'Abel le perçoive lorsqu'il réduit la distance entre nos deux silhouette, qu'il palpe à quel point le malaise qui sévit en moi est impérial, tout comme l'effet qu'il produit sur ma personne appartient à l'indémodable. Je m'efforce d'inspirer profondément pour stabiliser ma contenance mais tout mon corps trésaille quand le Greetham se permet de passer une main dans mes cheveux ; un geste qui lui était coutumier, qu'il avait déjà effectué à mon attention dans le passé, mais qui aujourd'hui requérait tout ce qu'il me restait de self-control pour minimiser la mémoire de mon corps répondant au violent coup que j'avais reçu à la tête récemment. En réponse, la main d'Abel lévite et je ne lui offre qu'un regard sincèrement désolé, mes lèvres sévèrement scellées pour ne pas lui confier la nature honteuse de ma réaction péniblement retenue.
Je déglutis difficilement, m'entendant me confondre en excuses. Chaque parole que j'émets me paraît plus ridicule l'une que l'autre et je juge mon interlocuteur doté d'une indéniable bienveillance de ne pas creuser dans toutes les failles mensongères que je lui déblatère. Effectivement, il se veut conciliant d'un « cela doit être cela » suivi de « et bien je viens de revenir et maintenant… » et en ultime recours, je crains le vexer en indiquant que Dani m'avait caché sa présence en ville, me maudissant aussi spontanément qu'amèrement de mon indélicatesse, alors que je sais qu'une partie de moi-même œuvre pour faire fuir Abel. Si je méprisais l'effet que le mécanicien amateur imposait sur mon organisme, je n'étais pas pour autant furieux envers le trentenaire ni lui souhaitais du mal. S'il y avait bien quelqu'un que je détestais dans cette histoire, il s'agissait de moi.
Je concluais en indiquant que le temps n'avait pas eu d'effet sur lui, générant un rire léger de sa part qui me décontracta quelque peu, un rictus fin apparaissant même à la commissure de mes propres lippes. Les saccades de mon palpitant reprirent toutefois de plus belle lorsqu'Abel optait pour se rapprocher de nouveau de ma personne et je me pétrifiais sur place, m'interdisant d'émettre le moindre mouvement de recul, soutenant son regard en feignant l'indifférence. « J’espère que tu me trouves alors toujours aussi beau. » Je pouffais en baissant les yeux, rompant notre contact visuel, admirant au passage son torse musclé. « Tu sais très bien que tu fais tourner les têtes, Bel, » je soufflais. La pulpe de mes doigts brûlait d'envie de parcourir sa peau hâlée et je me permettais de fixer son biceps orné de tatouages. « T'as des nouveaux tattoos. » Je me demandais questionner sur un ton qui se voulait plutôt affirmatif. J'avais assez reluqué Abel dans le passé pour connaître l'encre qu'il s'était apposée sur son corps. Je me rappelais que l'on avait fréquenté le même salon de tatouage, à Paris. « T'as pas envie d'une bière ? » Je proposais, le cerveau comme le corps en surchauffe. Puis, disposer d'un prétexte pour me distancer d'Abel et de son effet qui dardait sur ma personne serait plus raisonnable... n'est-ce pas ? « Je sais que c'est un peu un sacrilège d'avoir de la bière sur un vignoble mais j'en ai de la fraîche dans une glacière. Le dis juste pas à Dani, par contre. » J'ajoute, me voulant complice alors que j'ai plus l'impression de sonner comme un gamin qui a peur de se faire gronder. « Que ça reste notre petit secret. Entre nous. » Je plongeais un regard entendu dans ses perles bleutées. Inviter à une intimité qui serait nôtre relevait à débuter indécemment à jouer avec le feu à mes yeux, pourtant, je ne le regrettais même pas et ressentais une certaine fierté de cette audace déguisée, bien que ma raison fulminait déjà dans ma boîte crânienne.
Je m’étais toujours interrogé sur le positionnement de Kai vis-à-vis de moi. Si je l’avais rencontré, c’était bel et bien par l’intermédiaire de Dani. Nous avions passé bien du temps ensemble, des journées comme des journées. Bon, il est vrai qu’au début j’étais le petit-ami de la coréenne, enfin je ne crois pas que je pouvais caractériser cette relation comme une relation amoureuse. Nous nous étions énormément rapprochés certes au point de passer à une étape au-dessus mais cela n’avait jamais donné lieu à quelque chose de concret dans la mesure où ni elle, ni moi n’étions vraiment dans l’optique de nous poser dans ce sens. Nous avions besoin de réconfort durant cette période quelque peu délicate et compliquée pour nous deux. Et puis… mon intérêt se portait bien davantage sur les garçons en réalité. Intérêt qui s’était peu à peu manifesté envers le brésilien parce que je ressentais quelque chose émaner de sa part, que je n’avais pourtant jamais réussi à clairement identifier. De mon côté, j’avais donné le changé, tentant de ne pas laisser transparaître davantage d’envie à son égard car il ne s’était jamais manifesté comme quelqu’un attirer par les hommes. Alors certes, je ne m’étais pas privé de lui démontrer mon affection de façon physique, ébouriffant ses cheveux comme je venais de le faire quelques secondes auparavant mais sans franchir la ligne. Je savais à quel point cela pouvait être inconfortable de se retrouver dans pareille situation mais quelque chose me poussait à vouloir jouer avec lui, voir finalement ce qui pouvait se cacher derrière ses yeux noisette face auquel je me sentais quelque peu mis à nu, même quand je ne portais que très peu de vêtements.
D’ailleurs depuis que je venais de le retrouver sur les terres australiennes, depuis ces quelques minutes où nous nous faisions face, je ressentais de nouveau cette tension en moi. Mon regard cobalt épiait d’ailleurs chaque parcelle de ce corps qui me faisait face, tentant de capter la moindre réaction qui pouvait m’apporter davantage de réponse. Il est vrai qu’il était sans doute plus taciturne que moi, j’étais plus bavard, plus démonstratif aussi – plus que la plupart des personnes que je connaissais en vérité.
J’avais pourtant décidé de me lancer, tentant le grand saut pour voir comment il allait réagir. Il était difficile pour moi de discerner quelque chose de réellement significatif pour l’l’instant sans doute parce que je me retrouvais des années en arrière quand nous étions à Paris, qu’il n’était pas si différent comment je le connaissais. Son rire vint provoquer une légère contraction au fond de mon être, sans doute aussi parce qu’il venait de m’appeler par un surnom utilisé par un nombre très restreint de personnes, parce qu’il était vraiment intime à mes yeux et sincère. Le commentaire qu’avait fait Kai résonnait dans ma tête, j’avais une réponse à ses mots, une réponse que je formulais sans réfléchir davantage. « Alors je fais tourner la tienne ? » Mon visage conservait cette expression mutine, presque défiante ou même charmeuse alors que j’étais toujours face à lui. Sa réflexion vient à me faire détourner le regard, regardant alors mon biceps qui avait été en effet couvert de nouveau par l’encre depuis toutes ces années. « Je vois que rien ne t’échappe. » entamais-je alors en le regard légèrement sur le côté sans perdre mon sourire. Il l’avait vraiment remarqué. Bon, ce n’était pas un secret que nous aimions tous les deux cela, et nous avions souvent été l’accompagnant de l’autre dans nos salons préférés de la capitale française. D’ailleurs je levais mon bras, le contractant faisant naturellement ressentir les muscles de mon bras que je portais à la vue du brun. « Tu aimes ? » Je crois que je jouais réellement à un jeu dangereux si on peut dire. Mais cela avait été toujours ainsi dans mes souvenirs, ou peut-être que cela s’était accentué avec les années.
Pourtant sa question vint quand même à me tirer légèrement de mon état. Une question qui se voulait sans doute aléatoire, enfin cela sonnait ainsi dans mon esprit. Fixant de nouveau le brésilien, je hochais de la tête. « Je ne dis pas non. Et puis après le travail, je préfère quand même une bonne bière à du vin. » indiquais-je en pouffant presque pour le coup. Et en effet, il était sans doute préférable que Dani ne le sache pas ; la coréenne pouvait s’avérer être particulièrement têtue sur certains points. Pourtant les mots du brésilien me firent lever le sourcil, l’interrogeant alors du regard. Un petit secret. Entre nous. C’était brûlant comme réponse. Une réponse que je ne prenais pas de façon si anodine. Je vins à faire un premier pas alors pour me rapprocher, un autre pour me retrouver presque coller contre lui, un autre pour le pousser légèrement vers la remorque afin qu’il se retrouve coincé entre le métal légèrement frais et mon corps. Il pouvait aisément me repousser, là n’était pas le problème. Mon visage s’approcha davantage du sien, plongeant dans ces perles noisettes pour le fixer avec défiance. « Est-ce qu’il y a d’autres petits secrets que tu veux garder entre nous ? » Je crois qu’en termes d’audace, nous étions deux à prôner cela pour le coup.
Les pupilles déposées avec envie sur son torse musclé, tout en mon attitude se voulait détachée, négligente, alors que mes gestes me paraissaient abominablement gauches et que mon souffle n'était que saccades. Je pouffais ainsi en lui signifiant que sa beauté n'était plus à prouver, soupçonnant qu'il n'était ici qu'à la pêche aux compliments vis-à-vis de ma personne, ce qui se confirma dans mon esprit lorsque sa voix rauque articula : « Alors je fais tourner la tienne ? » Mes yeux dardèrent derechef ses iris d'un bleu royal, divulguant avec flagrance ma surprise et ma désapprobation, quand bien même mon minois demeurait de marbre. « T'aimerais bien ? » Je m'entendais questionner, arrogant, regrettant amèrement mes termes dès qu'ils eurent franchis la barrière de mes lèvres. Voilà l'effet que me faisait Abel : sa simple aura bousculait mon âme d'entre ses gonds, la définition de moi-même que je m'imposais obscurcit de l'ombre du colosse musclé. Le personnage que je me dressais vis-à-vis des Autres s'émiettait lamentablement et je déglutissais comme si je pouvais ainsi faire disparaître ma nervosité, déviant la conversation sur les tatouages ornant le corps de l'australien.
« Je vois que rien ne t’échappe. » « J'ai toujours eu un bon sens de l'observation, » je rétorquais spontanément, comme si je craignais qu'Abel insinue que je le scrute sans vergogne - même si je ne pouvais que plaider coupable à une telle accusation. La silhouette du Greetham, je l'admirais depuis des années. Lorsqu'il fréquentait Dani, je me plaisais à imaginer les courbes sous ses vêtements. Plus de dix ans plus tard, ma fantaisie demeurait, comme un vieux travers beaucoup trop agréable pour qu'on ne se le permette pas, au fin fond de notre intimité. Je lisais furtivement le rictus sur les lèvres d'Abel, m'y attardant quelque peu, avant que mon attention ne fut attirée sur le biceps qu'il contractait désormais. « Tu aimes ? » Un léger rire fila entre mes lèvres. « Oui, j'aime. C'est un beau boulot, » j'assurais, mes doigts me brûlant de dessiner la courbe de cette nouvelle acquisition. « J'en ai de nouveaux aussi, » j'annonçais, ajoutant à ma liste de regrets. « Mais ils ne sont pas visibles pour l'instant. » Un ajout aux connotations que je réalisais, avec horreur, une fois les mots irratrapables, tendancieuses. J'ignorais si j'étais désormais pivoine ou livide, redoutant les potentielles déductions de mon interlocuteur. « J'me suis pris des coups et je voudrais pas te choquer, » j'expliquais, minimisant la situation. Comme pour justifier ma sincérité, je relevais légèrement la manche de mon t-shirt, dévoilant la naissance d'un hématome.
Ne souhaitant pas lancer Abel sur le sujet de ma récente agression, même si cela serait bien fait pour moi s'il y mordait, je lui proposais une bière. « Je ne dis pas non. Et puis après le travail, je préfère quand même une bonne bière à du vin. » J'acquiesçais, un fin sourire aux lèvres. « Moi aussi. J'aime en avoir toujours quelques unes sous la main en guise de réconfort suite à des efforts. » Et voilà que je peux passer pour un alcoolique, en plus d'inviter, encore une fois plus arrogamment que je le souhaiterais, Abel à ce que cet écart reste entre nous, imaginant d'ici Dani froncer sévèrement des sourcils si elle nous trouvait à la bière dans son vignoble.
Abel était un danseur, un ensorceleur si vous vouliez mon avis car lorsqu'il produisait ses quelques pas agiles, je me fis prendre tel un bleu entre sa silhouette et le métal de la remorque. La distance entre nous était dérisoire, si mon coeur ne tonnait pas si férocement dans ma cage thoracique, peut-être aurais-je pu ouïr sous quel tambour le sien battait. « Est-ce qu’il y a d’autres petits secrets que tu veux garder entre nous ? » Un nouveau bref sourire sur mes lèvres. Mes yeux fuient son regard, honteux de ce qu'il pourrait y interpréter. Les secondes défilent, je me plais dans cette situation de pseudo prisonnier du jeune homme, comme si de par sa position, il me protégeait du jugement des autres et de leur malveillance. Cependant, l'appréhension demeure entière entre ces interdictions que je me somme et cette mémoire du corps meurtri récemment d'un passage à tabac. Alors, pour ultime réponse, je pose ma paume sur le torse dénudé d'Abel, sans pour autant le repousser, mais pour avoir une prise sur lui, un contact, et sentir son coeur pulser au creux de ma main. « T'es indécent, Bel, » je qualifiais. Face à son immobilisation, je m'autorisais à glisser ma main le long de son bras, suivant l'encre sur sa peau, lorgnant ponctuellement sur sa bouche, pensant à ce tatouage qu'il portait dans sa nuque que les doigts fins de Dani parcouraient parfois dans une sensualité qui me procuraient moi-même des frissons d'envie, avant que je ne jette mon regard à l'opposé de leur duo, inavoué. « Tu sais que je serai pas ta prochaine aventure, » je déclare, fruit de ma raison, quand tout mon être crevait d'envie de découvrir le brun et que cet imaginaire fourré au placard depuis la dernière fois que nos chemins s'étaient croisés était réanimé avec effervescence.
Si le sourire qui avait gagné mes lèvres était léger au début, garnissant l’expression quelque peu séductrice sur mes traits qui était bien loin d’être complètement feinte, celui-ci vint s’élargir davantage quand je vis dans les deux perles noisette la surprise légèrement couverte par une certaine forme de… sévérité. En dépit de cela, l’expression amusé quoi que tendancieuse ne vint que s’accentuer encore davantage face à sa question. Mon sourire glissa vers un rictus joueur alors que je penchais doucement la tête sur le côté. « Est-ce que tu as vraiment besoin de poser la question ? » demandais-je alors sans détour, ne lâchant pas une seule seconde le biologiste à la mâchoire ciselée, semblant le défier de me dire le contraire. A cet instant, je me disais que c’était comme si le chaud et le froid venaient de se rencontrer ; là où j’étais très expressif, Kai se révélait être plus neutre, du moins c’était ce que ce que je pouvais percevoir dans son attitude, mais est-ce qu’intérieurement, c’était le cas, voilà une tout autre question. Question que je m’étais bien souvent posé, et à laquelle j’avais bien décidé d’y répondre, venant flirter presque indécemment avec le brésilien dans un cadre qui ne s’y prêtait pourtant pas en premier lieu.
Cependant remarquez à quel point tous les sujets pouvaient être source de prétexte pour l’acculer davantage dans cette quête de savoir ce qu’il pouvait bien se cacher derrière ce visage qui m’était si familier – et si agréable à regarder. Allons bon, il était inutile de se leurrer et je ne me leurrais pas à son sujet ; lorsque je fréquentais Dani, il est vrai que mon regard s’attardait longuement sur la silhouette élancée du brun, silhouette dont je m’étais sans cesse imprégné à la moindre occasion. Si je m’étais montré quand même réservé, ne cherchant pas à lui rentrer dedans à la première occasion, j’avais opté pour une approche plus subtile. Enfin est-ce que mon attitude était vraiment subtile ? Je n’en étais pas certain. En tout cas, j’étais bien aux antipodes de ce qu’on pouvait considérer comme discret. « Tu parles bien du tatouage ? » demandais-je alors que je l’interrogeais indécemment du regard, ce rictus ayant décidé de se loger de façon pérenne au coin de mes lèvres. Il était question du tatouage mais peut-être que Kai appréciait le travail de la toile qui s’avérait parfaitement taillée à force de passer du temps sur le parquet ou à la salle de sport. « Pas visibles ? » L’interrogation était de mise, la tension également. Si cela pouvait être pris comme une phrase parfaitement banale, j’entendais par là comme une façon de me teaser dans le sens bien littéral du terme ; de quoi avoir envie de satisfaire encore davantage ma curiosité au sujet du corps brésilien qui était parfaitement tracé dans mes souvenirs. Quelle partie de son corps avait ainsi été marquée par l’encre d’un artiste habile ? Nouvelle question. Nouvelle quête. Pourtant mon visage changea face à ses mots, mes sourcils se froncèrent, l’interrogeant alors du regard, comme si je pouvais le forcer à m’en dire davantage, comprenant que ce n’était pas un simple accident. Est-ce plus grave ? Je vis apparaître alors une tâche légèrement violine lorsque Kai remonta sa manche. Mon expression s’était faite plus grave et sérieuse, tendant même de l’intimer à m’en dire davantage. Pourtant, il dévia bien vite sur un rafraichissement. Rafraichissement qui serait le bienvenu. Je préférais ne pas pousser le bouchon trop loin, comme si je craignais qu’il m’échappe tout bonnement, mais je gardais quand même cela dans un coin de ma tête. Tête qui s’était remise à penser à sa – ses – quête(s). J’avais comblé la distance, venant l’appuyer contre le métal frais de la remorque alors que je m’imposais devant lui. Ce sourire bref, ce regard fuyant, ne virent que me conforter dans mon envie d’en savoir davantage. Je m’en mordais légèrement le bas de mes lèvres. Mon être n’était pas de marbre face à cette proximité. Une proximité qui ne s’était jamais faite de cette façon. Oh alors certes, j’avais pu le serrer dans mes bras de nombreuses fois, le prendre par les épaules, me retrouver à danser avec lui mais là, c’était bien différent et je n’y étais pas indifférent.
Sa main qui se pose contre ma peau vint me tirer un frisson, qui se propagea de ce simple contact à tout mon corps. Un léger grognement s’était échappé de ma gorge par réflexe, de façon très primaire alors que mes yeux cobalts venaient rapidement se poser sur les traits du brésilien. Ma respiration s’était faite plus profonde, comme si je voulais contrebalancer l’envie de respirer plus fortement, mon propre cœur s’étant accéléré avec ce simple contact qui avait un goût de rêve qui prenait pied dans la réalité. Je ne pus réprimer le rire qui m’avait gagné, un rire rauque qui témoignait sans doute de mon propre état face à sa qualification. Je me contentais d’acquiescer légèrement, ne pouvant trouver autre chose à répondre. Pourtant, ce n’était pas l’envie qui m’en manquait. Quand son autre main vint gagner mon bras, glissant dessus, un nouveau rire vint s’échapper de mes lèvres entrouvertes. « Parce qu’à faire cela, tu ne l’es pas peut-être ? » soufflais-je alors sans pour autant bouger de ma position, n’esquissant aucun geste pour le laisser continuer sa course, appréciant le contact de sa main sur ma peau légèrement basanée. Les mots que prononça le brésilien n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd, je comprenais chaque mot, et le sens que ces derniers révélaient. Pourtant, je n’en avais cure. Le bras où se trouvait sa main vint à bouger, je le redressais légèrement de telle sorte à ce que ses doigts se retrouvent à s’accrocher à celui-ci, alors que je venais le lever pour finalement poser mon avant-bras au-dessus de sa tête, comme si je désirais le retenir, en faire un prisonnier qui pouvait pourtant se soustraire à moi sans grand mal. « Est-ce que je t’effraies tant que cela pour parler d’aventure et de tous ses dangers ? » Je n’en démords pas alors que je devrais peut-être. « Mais… Si tu es si déterminé à ne pas l’être, c’est ce que tu y as déjà pensé ? » Question piège. Je me rapprochais alors de ce visage, laissant mon regard m’attardait sur ses lèvres sur lesquelles je m’étais maintes fois demandé quel goût pouvaient-elles avoir. J’utilisais mon autre bras pour le glisser dans le creux de ses reins, le rapprochant alors de moi pour combler cette distance presque inexistante entre nous. « Je peux ? » demandais-je finalement, suspendu à quelques millimètres de sa bouche, sentant parfaitement la chaleur de son souffle que j’avais envie d’avaler dans un baiser.
Mon coeur battait à tout rompre dans ma poitrine tandis que mes pupilles éprouvaient une difficulté exponentielle à se détacher du corps impressionnant d'Abel. Que ce soit pour redessiner son portrait de manière à actualiser le souvenir que j'avais gardé précieusement de lui en ma mémoire ou pour arpenter les séduisantes courbes visibles de sa silhouette encrée ici et là de tatouages, mon esprit se délectait, profondément avide. Je me surprenais à me mordre discrètement l'intérieur de la joue pendant que les lippes d'Abel affichaient tantôt la séduction, tantôt l'amusement, tantôt le jeu. Soudainement, j'eus envie de le repousser, épris d'une jalousie cuisante que sa parade soit le même que celui qu'il eut servie à Dani, une décennie plus tôt. « Est-ce que tu as vraiment besoin de poser la question ? » « J'aimerais entendre la réponse. » Une pêche aux compliments avouée, que je tentais d'effacer tout aussi vite, le rouge me montant avec fulgurance aux joues, en portant le sujet de notre conversation sur les nouveaux tatouages que j'avais repérés sur l'épiderme du danseur.
Je levais les yeux au Ciel, faussement exaspéré, lorsqu'Abel se dédia à la requête de compliments. Je m'évertuais non sans peine à demeurer distant et conduisais nos attentions sur mes nouvelles encres desquelles je lui privais l'exposition. Je me maudissais intérieurement en constatant le changement d'ambiance entre nous, regrettant amèrement le jeu ardent qui se mettait en place pour cette nouvelle inquiétude franche que je suscitais en mon interlocuteur. Je ne voulais pas invoquer la pitié ni la compassion de la part du Greetham et même si je ne le confesserais jamais, présentement, mon intérêt reposait majoritairement sur mon désir de découvrir son corps dans son entièreté, quand bien même ma raison m'y interdisait, à m'en faire tourner en bourrique et à utiliser des arguments détestables, telle que mon agression.
Mon souffle se coupa net bien qu'un certain sentiment de soulagement m'envahissait quand Abel réduisit la distance entre nous malgré mes aveux de violence. La surface fraîche de la remorque dans mon dos, son souffle chaud cassé sur ma peau, son parfum boisé m'ensorcelant. Je posais ma main contre son torse, muni de l'objectif de conserver une maîtrise sur la distance qui nous séparait tout en assouvissant mon envie survoltée de créer un contact physique concret entre nous. Un fier rictus apparut subtilement sur mes lippes à l'écoute du râle qui s'échappait de la bouche d'Abel en conséquence à mon geste et je croisais son regard, aussi éloquent qu'arrogant. « T'es indécent, Bel, » je m'entendais le gronder alors que j'étais convaincu sentir son palpitant tonner contre ma paume et que j'adorais ça. Hypocrite, les scenarii que mon esprit dressait secrètement avec inventivité étaient eux-mêmes loin d'être orthodoxes : je brûlais de désir de faire frémir sa peau sous mes doigts qui couleraient suavement, sensuellement, le long de son échine avant de saisir solidement ses cuisses musclées. Je convoitais marquer de mon odeur les muscles de son torse pendant que ma bouche imposerait des sillons de sa mâchoire à son cou, de son épaule à sa clavicule. « Parce qu’à faire cela, tu ne l’es pas peut-être ? » Furtivement, je me demande si le garçon palpe la volupté de mes songes, si mon langage corporel me trahit. « Non, » je nie, narquois, et tel un châtiment, Abel annihile de nouveaux centimètres entre nous. Ma main se trouve prisonnière sous son bras, son visage n'est qu'à un geste rapide du mien, à portée de souffle, à portée de baiser. Pourtant, je réfute verbalement l'aventure. Je ne serais pas un trophée sur ce que je devine être une généreuse armoirie d'Abel. « Est-ce que je t’effraie tant que cela pour parler d’aventure et de tous ses dangers ? » « J'suis juste pas comme ça, » j'annonce alors que je me consume de découvrir si Abel a envie de moi, comme si le jeu qu'il mène depuis quelques minutes ne me suffisait pas. Toutefois, je sais que je n'assumerais pas si nous irions trop loin, et j'aurais beaucoup trop honte de me limiter à de simples caresses avec un homme que je me convaincs conquérant. « Mais… Si tu es si déterminé à ne pas l’être, c’est ce que tu y as déjà pensé ? » Il tire et vise dans le mille, je lui lance un regard quasiment outré d'être si juste. « Dani me pardonnerait pas. » Ce qui n'a aucun sens à mes yeux, ce qui est peut-être même pas vrai. Je n'explique même pas ce qui m'a poussé à prononcer une telle ânerie. Dani n'a d'yeux que pour Hugo. Certes, il n'en demeure qu'elle a très mal réagi lorsqu'elle a appris que Jiyeon avait couché avec ce premier à Paris, même si les faits remontent à plusieurs années et que les éléments sont chronologiquement inversés en ce qui me concernerait avec Abel. A croire que je me plais à utiliser les états d'âme et incohérences féminines à mon avantage.
Sauf que je ne sais plus m'arracher de la contemplation des lèvres d'Abel et que mon coeur produit des saltos infernaux à chacune de ses inspirations profondes. Quand l'australien glisse une main au creux de mes reins, j'ai le sentiment que ma cage thoracique vient de se briser en mille morceaux. « Je peux ? » Je ris nerveusement. Le danseur m'apparaît comme un vrai félin : il procède avec prudence, avec précaution, et plus le temps se faufile, plus il se rapproche de sa proie. Le pire, c'est qu'il reste respectueux, qu'il donne l'impression que je reste maître de ses avances. « T'es infernal, » je commente avant de glisser ma main libre dans mon dos de manière à saisir la sienne et l'extraire de cette position qui fait surgir de mauvais souvenirs que je ne veux absolument pas voir infiltrer ce moment. Mes doigts jouent avec les siens, les caressent distraitement, et j'avoue ne pas savoir trop quoi en faire, de cette main qui est capable du meilleur dans mes fabulations vaines. « Dani va piquer une crise. Le boulot qu'on est censé faire ici... » j'utilise de nouveau ma meilleure amie en glissant fermement mes doigts entre ceux d'Abel dans un geste que je n'assumerais pas tout en en étant immensément fier et comblé, un geste qui contredit mes paroles invitant à ce que nous nous distancions et reprenions nos tâches alors que je noue ses doigts aux miens. Je me mords avec envie la lèvre inférieure, je lève les yeux pour capter le regard aussi clair que le ciel de mon interlocuteur. Mon coeur bat si fort que les vibrations de sa mélodie résonnent jusque dans mes tympans. Je m'imagine des milliers de gestes que je pourrais faire, mes doigts se serrent davantage entre les siens à mesure de mes pensées fantasques. Je me répète la certitude de Jiyeon comme quoi embrasser ce n'est pas tromper, même si elle n'a aucun intérêt à mon histoire car je suis célibataire : je n'ai personne à tromper, si ce n'est que moi-même. « T'es vraiment chiant, » je poursuis en saisissant un ardillon de son pantalon de manière à en faire quelque peu mon prisonnier aussi, avec ses doigts toujours entre les miens. Je l'attire contre moi, de manière à ce que son bassin touche le mien. Un sourire entendu se dessine sur ma bouche. « Si tu m'embrasses, je te mords. T'es prévenu, » je lui glisse suavement, sur une intonation à la fois autoritaire sans être pour autant menaçante ni opposée à l'idée. Bien au contraire, goûter à sa bouche teinterait certaines de mes ambitions de réel.
L’attitude de Kai à mon égard ne m’avait jamais laissé indifférent. Alors certes au début, cela ne se manifestait sans doute pas concrètement, c’était discret, à la dérobée mais quelque chose en lui avait toujours suscité mon intérêt et mon attention, me demandant même si quelquefois, je ne m’étalais pas inconsciemment avec la jolie coréenne pour observer les réactions du brésilien. Mais cette fois-ci, nous étions que tous les deux, loin d’une quelconque possible agitation. Et j’étais bien décidé à ne pas le laisser partir comme d’habitude. Sa question me tira un nouveau sourire charmeur, mes lèvres s’entourant alors que ma langue glisse sur l’intérieurement de mes dents. Il voulait une réponse claire. Qui étais-je pour lui refuser alors que j’avais décidé de venir confronter cette flamme brûlante dans laquelle j’avais décidé de plonger ? « Bien sûr que j’aimerai te faire tourner la tête. » soufflai-je toujours plus près de lui, n’hésitant pas à jouer avec cette limite invisible qui séparait nos deux êtres. Cette exaspération feinte ne me tira que plus d’amusement et de satisfaction, je pouvais bien le confesser. Je ne laissais pas Kai indifféremment et j’adorai cela. Non pas parce qu’il était une chose que je voulais posséder, je ne le considérai pas ainsi mais bien parce que je nourrissais à son égard une profonde affection. J’étais bien plus franc jeu en temps normal mais cela faisait des années que nous jouions à ce jeu, jeu qui s’était insinué dans nos rapports.
Un nouveau frisson parcourut mon corps face à l’attente de mon surnom ou alors est-ce que sa main était toujours posé sur le haut de mon torse ? Allez savoir. Mon cœur s’était accéléré encore davantage, ayant raté un battement, son amorce avant de s’emballer de façon croissante. La défiance dont faisait preuve le brésilien avait de quoi mettre ma patience à rude épreuve, mais je pense que j’étais devenu complètement accroc à cette façon qu’il avait de me refuser d’aller plus loin. Cette expression narquoise sur son visage, j’ai envie de la faire disparaître pour la remplacer par quelque chose de ô combien plus indécent. Il n’était pas ainsi. Nouvel argument. Et je l’entendais parfaitement. Il est vrai que j’étais peut-être aux antipodes de cet état de fait. Cette envie d’entreprendre, de partir à l’aventure sans filet de sécurité, sans réserve. C’était une façon de vivre à mes yeux, non pas juste un cas de personnalité. Intérieurement la peur était toujours présente, freinant nombre de mes réactions, ne voulant pas être blessant ou me blesser, mais c’était grisant quoi qu’on puisse en dire. D’ailleurs c’était ce qui m’avait poussé professionnellement parlant alors pourquoi pas personnellement me direz-vous ? Néanmoins la référence face à Dani me fit froncer les sourcils dans une expression goguenarde. « Pourquoi diable penses-tu à Dani dans pareils moments ? » Hypocrise profonde quand tu nous tiens. A dire vrai, j’avais pensé maintes fois à mon amie et c’était sans aucun doute ce qui m’avait amené à ne jamais engager plus loin. Mais là ? Là je n’étais focalisé que sur une nouvelle chose. La nervosité dont faisait preuve Kai vint encore davantage faire gonfler mon envie de réduire définitivement l’espace qui nous séparait. Je l’avais acculé contre cette remorque, mais je lui laissais encore le choix, l’occasion de me mettre un stop concret et non alimenté par des mots qui étaient certes cohérents mais que je repoussais du revers de la main quand je plongeais mon regard dans le sien. Je le tenais doucement mais fermement à la fois, mon bras ayant glissé dans le creux de ses reins alors que je le dévorais du regard, laissant en suspend mes gestes, bien que mon envie fût parfaitement lisible sur mes traits.
Je sens alors cette main glisser sur mon bras, venant le retirer sa position. Un grognement rauque vint accueillir sa réaction alors que je sentais ses doigts venir se glisser entre les miens. C’était comme s’il avait l’intention de la retirer mais qu’au lieu de la dégager au loin, il s’attardait dessus. Mes dents vinrent faire pression sur ma lèvre inférieure face à cette caresse improvisée. L’évocation de Dani me tira encore un haussement de sourcil quand je sens que ses doigts se lient alors définitivement aux miens. Il soufflait le raisonnable, la sagesse et la maturité mais son corps soufflait le chaud. Il me disait vouloir mettre de la distance mais il m’invitait en même temps à rester. C’était contradictoire, paradoxal à la fois. Cela ne faisait qu’exalter mes propres sensations, me confortant dans cette envie que j’avais de goûter à ses lèvres en venant écraser les miennes dessus. Sa prise se renforce sur moi alors que je me sens tiré vers l’avant, mon bassin rencontrant le sien de façon peu équivoque. Baissant les yeux, je remarque que Kai à initier le mouvement. Il me repousse si ardemment dans ses mots mais encore une fois son geste vint défaire son argumentation et consume petit à petit ma patience et ma propre raison. Je me suis laissé aller, coller contre lui à présent. Je pense qu’il peut sentir ô combien je ne suis pas insensible à cette proximité. Mon bras toujours placé au-dessus de sa tête alors que l’autre se trouve sur le côté, scellé dans sa main dont la chaleur m’envahissait de plus en plus. Sa réflexion me tire un sourire charmeur, ravi d’entendre à quel point je pouvais le coincer de la sorte, le partageant entre ses pensées raisonnables et sa propre envie. Je me ne targuais pas de vouloir lire dans son esprit, mais j’avais maintenant une idée on peut plus claire de ce qui résidait dans ses pensées. J’étais resté immobile, ne réduisant pas la faible distance qui nous séparait mais ne mettant pas plus de distance non plus. Il pouvait aisément choisir, la façon de mon corps s’était mu face à son désir de me retrouver plus proche de lui en témoignait. Un mouvement de sa part, et je m’écartai sans le moindre problème. Pourtant… pourtant sa prévention me fit fermer un instant les yeux, un sourire envahissait de nouveau mes lèvres qui s’élargissaient face à ce que je prenais pour une invitation. Une invitation suave mais qui se faisait sous condition à laquelle il ne fléchirait manifestement pas. « Je vais prendre le risque alors. » soufflai-je tout aussi suavement, mes yeux cobalts plongés dans ceux noisettes du brésilien. D’un coup, sans prévenir, j’effaçais les quelques centimètres qui me séparaient de sa bouche. Une sensation grisante m’envahit encore davantage, venant plaquer davantage mon corps contre le sien, venant le forcer à se retrouver plaquer entièrement contre cette remorque. Un baiser qui était rempli d’envie, et qui se faisait plus aventureux encore alors que j’entrouvrais mes lèvres pour venir happer sa lèvre inférieure pour venir la mordiller doucement tout en reculant ma tête la lâchant finalement. Je n’avais pas fermé une seule fois les yeux, décidé à me nourrir de ses traits et de sa réaction face à pareille hardiesse de ma part. « Désolé, je ne t’avais pas prévenu. » soufflais-je alors faussement coupable. Mon bras qui était positionné au-dessus, qui m’offrait un appui vint à se retirer alors que sa main remontait de son flan pour m’emparer de son menton. « Tu me mords maintenant ? Ou je peux continuer et tu le fais en même temps ? » demandais-je avec défiance, pressé de goûter de nouveau à ses lèvres et à sa peau.
« Bien sûr que j’aimerai te faire tourner la tête. » J'expire discrètement, un sourire éphémère épouse mes lippes. Mes pupilles soutiennent quelques instants l'azur saillant dont est doté le regard inoubliable d'Abel avant qu'elles ne se jettent violemment au sol, comme si la vision de l'âme du garçon m'avait brûlé. En réalité, le réel feu se génère sur mes joues désormais empourprées. Je me mordille nerveusement les lèvres, en quête désespérée de contenance.
Les prochaines paroles d'Abel provoquent en moi une fausse exaspération que je ne masque absolument pas et me font lever les yeux au Ciel. Avide, mes doigts vinrent parcourir l'épiderme noircie par l'encre des tatouages du danseur, feignant l'unique intérêt de les découvrir, même si mon coeur pend à mes lèvres et que la fascination insuffle un éclat indéniable dans mon regard. Provoquant, j'accuse le trentenaire tout en le repoussant. Hypocrite, je suis atteint des mêmes torts que je lui reproche. Têtu, je lui rappelle sur un ton qui se veut détaché que je ne suis pas de ceux qui ont des aventures, étouffant ainsi ma peur de perdre le contrôle sur la situation et que les choses s'escaladent beaucoup trop rapidement entre nous. Effaré, j'use finalement de ma meilleure amie en bouclier, comme l'on penserait à sa grand-mère pour calmer ses ardeurs, faisant spontanément réagir Abel : « Pourquoi diable penses-tu à Dani dans pareils moments ? » « Ca t'arrivait de penser à moi quand t'étais avec elle ? » La phrase a franchit la barrière de mes lèvres avec un tel affront que je n'ai su mesurer les termes et surtout, les retenir. Je déglutis, figé, me forçant à toiser l'australien pour bluffer ma question comme une nouvelle pique plutôt qu'une interrogation aussi sincère que malsaine à laquelle je réfute toute réponse. A quoi bon ruiner la relation que ces deux ont entretenue ? A quoi bon m'immiscer dans leur histoire ? Greetham me fait prodigieusement tourner la tête, le pire en ressort de ma personne.
Et pourtant, le brun m'accule contre la surface métallique de la remorque et j'en suis soulagé qu'il n'ait pas décidé de mettre un terme à ce jeu improvisé dont les règles deviennent de plus en plus confuses. La distance se réduit périlleusement entre nous, son souffle chaud se coupe délicieusement contre ma peau, des myriades de frissons parcourent pernicieusement mon échine alors que son parfum m'envahit, mon sang ne fait qu'un tour dès que sa main audacieuse se pose dans le creux de mes reins. J'inspire doucement, tente d'apaiser les tensions qui menacent de régir mon organisme. Ma main vient cueillir la sienne dans mon dos. Mon cerveau s'élabore à écrire les possibles suites de ce rapprochement, ingénieux en danses lascives et rapports de force. Mes doigts se pressent entre les siens. Je me surprends à espérer sentir sa véhémence se briser sur ma personne, je me plais à imaginer la sensation de ses mains sous mon fessier pour m'imposer une position où il me surplomberait, je frisonne de lui faire perdre souverainement son contrôle et de marquer à jamais sa mémoire de mes gestes sensuels. J'entremêle sa main à la mienne, la capturant fermement de mon étreinte, mon regard perçant sa lèvre à l'image de ses dents, que je désire remplacer des miennes. Subtilement, je m'empare d'un ardillon et annihile les centimètres qui survivaient entre son bassin et le mien, en quête de confirmation physique, accompagnant mon geste par de nouveaux reproches que je lui adresse sévèrement, bien vite pourchassés par des menaces que je lui profane en sentant son corps réagir naturellement contre le mien - à mon plus grand ravissement.
Les secondes semblent durer des millénaires, tambourinées par mon palpitant qui frappe ma cage thoracique à la rompre. Mon esprit se noie au sein de ce brouhaha existentiel. Ma concentration se dédie toutefois au corps et aux réactions d'Abel que je guette tel un félin fixe sa proie avec intransigeance pour la happer fatalement. Le sourire qui habite ses lèvres me brise, je résiste à la tentation de profiter qu'il ferme les yeux pour poser sur sa personne des gestes peu orthodoxes. « Je vais prendre le risque alors. » Le contact visuel demeure, tel un pari inviolable, pendant que ses paroles retentissent dans ma boîte crânienne. Mon coeur se serre quand la silhouette musclée d'Abel se presse davantage contre la mienne, un râle rauque s'extrait de mes lippes avant qu'il n'en prenne possession. L'envie qui émane de sa bouche a l'effet d'électricité qui survolte mon corps, je m'imagine déjà dérober ma main de son bras pour saisir férocement son cou et solidifier cette embrassade, glisser avec passion mes doigts dans ses cheveux à les mêler avec possessivité à mes phalanges. Les dents d'Abel s'agrippent à ma lèvre inférieure, la tirent jusqu'à ce que le baiser cesse et je me sens démuni lorsque la scène initiale reprend place, comme si rien ne s'était passé. « Désolé, je ne t’avais pas prévenu. » « Connard, » j'insulte gratuitement et il libère ma main qui trépigne de le faire râler comme de le maîtriser. Ses doigts soulèvent mon menton, je lui voue un regard arrogant et provocateur. « Tu me mords maintenant ? Ou je peux continuer et tu le fais en même temps ? » Un sourire en coin, d'une brièveté flirtant avec l'imperceptible, anime mes lèvres et je baisse les yeux vers mon index qui est toujours enroulé à son pantalon, sans équivoque. Ma main fraîchement libérée prend en grippe la chaîne pendant autour du cou du danseur munie d'une délicatesse jurant souverainement avec la ferveur qui gronde en moi. Je lorgne sa bouche, brûlant de les malmener des miennes. Je m'imagine déjà arpenter sa mâchoire de mes lèvres, glisser dans son cou, baiser sa clavicule, remonter à son oreille, y souffler des indécences... « Vas-y, » je lui réponds, abstrait, aux aguets du moindre millimètre qu'il viendra terrasser. Dès qu'Abel initie le mouvement de se rapprocher de nouveau, je réagis néanmoins au quart de tour, me ruant contre sa bouche, effervescent de désir. Je m'enivre de sa chaleur, de son goût, de la douceur de ses lèvres alors que mon doigt abandonne l'ardillon pour saisir directement le haut du pantalon du garçon, faufilant la pulpe de mes doigts entre l'étoffe de l'habit et sa peau brûlante. Sauvage, je glisse mes dents contre sa barbe avant de nicher mes baisers dans son cou, alliant tantôt ma langue, tantôt mes dents, à choyer l'épiderme que j'espère sournoisement marquer, quand bien même je m'efforce de provoquer que des sensations de bien-être chez mon interlocuteur. Finalement, le souffle court, je remonte jusqu'à son oreille, mordillant son lobe avant de glisser : « Je veux te sucer. »
Je ne possède pas de mots moins crus dans mon vocabulaire et je ne cherche pas non plus à faire dans la dentelle quand mon regard le darde de mon envie fulgurante qu'il obtempère à ma requête. La vérité est que je veux sentir Abel défaillir contre moi, je désire le propulser vers le septième ciel, j'aspire à lui provoquer une apothéose mémorable. Je ne pense plus qu'à ça, prodigieusement obnubilé, quand bien même je refuse impérialement qu'il me rende la pareille.
Les mots qui viennent franchir les lèvres de Kai viennent me surprendre. Cela se lit sans mal sur mon visage, au plus profond de mes yeux. A dire vrai, je ne m’attendais pas à une question en guise de réponse de sa part face à ma demande de pourquoi il avait décidé de parler de Dani en ce moment même. Si la surprise avait gagné mes traits en même temps que mon esprit, mes yeux azurés vinrent se plisser légèrement, fixant – pour ne pas dire dardant – davantage Kai comme si je désirais m’enfoncer au plus profond de son esprit pour en connaître toute la portée. Cette expression se mua peu à peu en quelque chose de plus mutin, faussement goguenard par ce sourcil soudainement levé, agrémenté de ce rictus qui en disait long finalement. « Et toi pensais-tu à moi quand tu me voyais avec elle ? » demandai-je alors tel un parangon d’insolence, comme si je voulais éluer une potentielle réponse de mon côté qui pourrait rendre les choses peut-être malsaines. Pourtant, cela avait eu le mérite de m’interroger. Est-ce que mes regards se faisaient plus insistants au fur et à mesure que je voyais le brésilien dans mon champ de vision à l’époque ? Est-ce que je me surprenais à détailler davantage ses traits, tentant de faire passer cela pour… un moment où j’étais dans mes pensées ? Oh c’était le cas, j’étais plongé dans ces dernières, les laissant divaguer au sujet des traits du brun et de mes envies qui n’étaient pas vraiment les plus religieuses qui soient à son égard. Je m’étais surpris plus d’une fois à laisser mes yeux chercher Kai même lorsque j’étreignais Dani contre moi. Est-ce que c’est bien sain tout cela ? Non certainement pas. La bienséance voudrait que cela ne le soit pas. Mais est-ce que j’étais quelqu’un de bienséant ? Oui, enfin je crois. Du moins, pareilles pensées n’avaient fait qu’affluer davantage lorsqu’on s’était mis d’accord avec la coréenne d’arrêter cette relation, préférant conserver une amitié intacte et solide plutôt que de vouloir combler le manque créer par notre vie sentimentale. Néanmoins, je n’allais pas en rester sur une simple question. Non, je préférais être plus franc jeu, être honnête car je l’étais. Acculant le corps fin du brésilien contre cette remoque, je n’en démordais pas pour le fixer, conservant sans cesse ce sourire mutin qui me caractérisait si bien, encore davantage dans pareilles situations. « Si je veux être honnête, cela m’est arrivé. » avais-je soufflé pour commencer. « Cela s’est même accentué lorsque je me suis séparé de Dani. » Il est vrai que j’avais quand même affaire avec l’insolence personnifiée sous les traits d’un séduisant brun qui m’avait fait tourner la tête. Et un côté de moi espérait quand même que cet aveu vienne encore davantage le décontenancer, lui faire perdre de sa superbe et voir si finalement toute cette tension qui était palpable entre nous, ne venait pas que de mon côté.
J’avais décidé de faire le premier pas, tel un félin décidait à voir comment sa proie allait réagir après toutes ces approches qui s’étaient multipliées en quelques secondes. Il faut dire que sa main glissée dans la mienne, ses doigts serrant fermement les miens m’avaient donné comme du courage pour réduire cet espace ô combien inexistant qui nous séparait pourtant. Ce râle rauque qui s’échappa de ses lèvres, je viens l’avaler sans vergogne alors que je posais mes lèvres contre les siennes. C’était chaud, électrisant. Un simple baiser que j’avais de si nombreuses fois désiré, envisagé, envié. Je prends pourtant sur moi pour ne pas en faire trop, pour ne pas me laisser emporter, tentant de me contrôler, de me régulier même pour ne pas le dévorer sur place. Je m’étais imaginé son goût de bien des façons, mais je crois que même dans mes fantasmes les plus troublants, aucun n’était comparable à ce que je ressentais à cet instant précis. La sensation de sa lèvre entre mes dents, s’étirant alors que je m’éloignais doucement. Il n’était pas réfractaire à cela. Cela ne faisait que renforcer mon envie d’en faire plus. Pourtant, je coupe à cet échange, revenant à ma place non sans que mon regard soit revenu le fixer si ardemment. Sa réplique ne se fait pas attendre. J’accuse le coup tout sourire, presque bien trop fier de savoir l’effet que cela avait eu chez lui. Pourtant je guette encore sa future réaction, attendant de savoir ce qu’il allait faire, s’il allait me donner le champ libre, s’il allait me repousser, s’il voulait que je m’arrête alors que je n’avais bien qu’une seule idée en tête et une multitude de manière de la satisfaire. Je me retrouve pourtant rapproché, ma chaine qui ornait mon cou servant d’accroche suffisant pour lui et cela me convient. Je le laisse m’attirer au plus près de lui. Sa réponse est timide, presque trop silencieuse mais cela me suffit. Je viens combler de nouveau l’espace que j’avais instauré pour gagner encore ses lèvres, les goûter encore une fois comme si c’était la dernière fois que je le pourrais. Pourtant je ne suis pas seule cette fois, je sens cette ardeur de son côté, je sens à quel point cela se faisait de façon frontale, le choc est inévitable, alors que je sens en même temps ses doigts glisser entre ma peau et mon pantalon. Cela me tire un sourire contre sa bouche, mon regard ne se faisait pas moins rieur alors que je le contemple et que je continue ce baiser devenu si intense et témoin de tout ce qu’on pouvait ressentir à cet instant précis.
Soudainement sa bouche m’échappe, je sens ses dents gagner ma joue pour terminer dans mon cou. Je sens ses lèvres glisser sur ma peau, ses dents venir marquer celles-ci. Une alternance qui me fait frissonner, qui contracte mon corps alors que pourtant je relève ma tête, lui offrant davantage l’accès à celui-ci. Chaque morsure, chaque baiser est accueilli par un râle marqué, un râle animal alors que mes mains ont gagné son dos, glissant le long de celui-ci pour attraper ses deux lobes de chair couverte encore de ce jean que j’estimais bien trop désagréable au toucher. Pourtant j’étais décidé à les malaxer, à les palper. Ma bouche avait gagné sa tempe, mon souffle se faisant plus erratique alors qu’il continuait ses assauts indécents. C’est alors que sa voix, au ton si bas mais aux mots si audibles retendit dans le creux de mon oreille. « C’est dangereux, tu le sais ? » avais-je dit alors, le rire dans la voix, que j’avais agrippé plus férocement son fessier, le plaquant davantage contre moi, lui démontrant sans grande difficulté que j’étais loin d’être insensible à toutes ses attentions, bien au contraire, cela pouvait d’ores et déjà se sentir. Prenant légèrement du recul, je lui adressais un regard soutenu, intense, animal alors que l’une de mes mains avait décidé de venir gagner de nouveau son visage, se glissant sous son menton légèrement barbu pour l’attraper entre mes doigts. « Mais j’aime quand tu es si déterminé. » lui dis-je pourtant avec un brin de défiance. Venant déposer un nouveau baiser sur ses lèvres, je remontais à mon tour le long de sa joue, gagnant son oreille pour mieux lui glisser. « Et je veux tout autant que tu me suces. »
« Et toi pensais-tu à moi quand tu me voyais avec elle ? » Je déglutis discrètement, je soutiens avec arrogance le regard azuré de mon interlocuteur, je le défie éhontément. Si mes lèvres s'évertuent à demeurer scellées, égo oblige, mon rythme cardiaque, pour sa part, s'accélère avec véhémence contre ma cage thoracique. Bien sûr que je pensais à Abel lorsque je le croisais avec Dani. Il serait mentir effrontément de clamer le contraire quand l'australien occupait durant de longs moments mes pensées comme mes songes, dans une mode entièrement inavouable. Le Greetham avait constitué une variable secrète, l'objet de convoitise et le goût de l'interdit. Au coeur d'une inventivité secrète, je m'imaginais Bel dans des situations où l'intimité, souveraine, nous relierait ; où nous serions vulnérables l'un pour l'autre, réduits en tenue d'Adam. Je me contais des scènes où mes mains parcouraient son corps, le malmenaient de frissons sous mes doigts, le guidais jusqu'au paroxysme du plaisir - où je le possédais non pas en m'unissant à lui mais en le redessinant sous mes caresses.
La surface métallique de la remorque me ramène durement au présent et je toise sans vergogne le danseur lorsqu'il m'avoue la réciprocité de mes pensées vagabondes, quand bien même nous avions tous deux opté à l'époque pour l'inertie. « Ca t'arrive encore ? » J'interroge, faisant fi du passage des années et de l'eau sous les ponts. Nous avions indubitablement évolué depuis Paris, nous avions suivi des chemins sans doute divergents. Cependant, voilà que le destin, distrait de ses jeux hors normes, nous réunissait de nouveau. Était-il doté du pouvoir de ressasser le passé pour en voltiger de ses couleurs dans le présent ? Ma paume se plaque, intransigeante, contre le torse d'Abel afin d'imposer une distance entre nous, de requérir une maîtrise sur cette étreinte, envahissante par sa silhouette, qu'il initie. De mon autre main, je saisis les doigts qu'il a glissé dans le creux de mes reins pour les emprisonner fermement entre mes phalanges.
L'insulte est fervente en réponse au baiser que me dédie le danseur. Mon palpitant tonne à tout rompre dans sa cage d'os, mon regard fusille le jeune homme d'une manière impitoyable pendant que je l'invite à réitérer son geste, comme je le convierais à jouer avec le feu. Néanmoins, lorsque l'australien vient éradiquer de nouveau les centimètres qui nous séparent, son torse se collant au mien, sa chaleur comme son parfum m'enveloppant dans une bulle à la fois confortable et omniprésente, je rétorque avec une hargne sauvage contre sa bouche. Je plante avidement mes dents dans la chaire de son cou, je trace du bout de ma langue la courbe de sa mâchoire. Mes doigts saisissent avec davantage d'intensité le haut de son pantalon et je l'attire pour une première fois contre moi, profanant une convocation au creux de son oreille avant que je ne mordille suavement son lobe, multipliant les râles rauques issus de la gorge de mon interlocuteur.
« C’est dangereux, tu le sais ? » Je pouffe contre sa peau, ma poigne se referme brutalement sur son collier pour l'attirer davantage contre moi. Abel se venge sur mon fessier et plaque son bassin, éloquent, contre le mien. Je grogne, rend la monnaie de ses caresses par des morsures et des succions par lesquels j'espère marquer mon passage. « Tu crois vraiment pouvoir me faire peur ? C'est toi qui devrais flipper. » Je nargue avec insolence avant que les doigts de l'artiste ne pincent mon menton et me forcent à le scruter. « Mais j’aime quand tu es si déterminé. » Je lève les yeux au Ciel, faussement exaspéré. Le brun reprend possession de mes lèvres, je mords l'une d'entre elle amèrement. « Et je veux tout autant que tu me suces. » Je le considère quelques instants, fixant mes dents dans ma propre lippe inférieure, puis j'envahis la chaleur de sa bouche de la mienne avec fougue. D'une manière inexplicable, le Greetham me procure la sensation d'un geôle : sa large musculature prend des airs de donjon au sein duquel je me recueille, armé de l'unique volonté de faire payer à son hôte les sensations qu'il inocule irrémédiablement en moi. Je me distance et sans rompre le contact visuel avec le garçon, j'entreprends de déboutonner son pantalon. Sans davantage de cérémonie, je tire sur l'étoffe pour qu'elle sombre à ses chevilles, puis me dérobe de son étreinte.
Une question amène fatalement une réponse. Ou bien une autre question. Pour le coup, elle était tout trouvée. Donnant-donnant comme on dit si bien ; d’ailleurs je ne peux m’empêcher de sourire davantage, mes lèvres s’étirant dans ce rictus mutin, un brin goguenard face à son attitude, face à ce regard soutenu, rempli de défiance alors qu’une certaine forme de silence avait pris place entre nous. Mon regard azuré fixait ses perles noisette sans les lâcher d’une seconde, comme si les battements d’un cil étaient proscrits alors que je continuais de le dévisager avec une certaine forme de… fierté ? Sans doute. Il y avait toujours un certain plaisir à coincer la proie qui pensait se défiler avec un pied de nez. Oh allons, qualifier de Kai comme une proie était peu dire. Le fait qu’il ne m’ait pas repoussé était une façon de me laisser m’approcher davantage, de voir si le champ était ouvert et libre. Je n’étais pas de ceux qui forçaient, qui prenaient des non pour des oui. Mais voilà sans doute assez de choses pour esquisser davantage dans mon esprit ce que je désirai réaliser chez le brésilien, imprimer sa peau de mes doigts, de mes dents alors qu’il en perdait sa superbe pour se laisser devenir esclave d’un plaisir en quête d’assouvissement. Je m’étais imaginé bien des fois avec lui, me trouvant dans le creux de ses reins, sentant son corps parfaitement ciselé se lover contre moi, épousant mes formes alors que je venais changer les traits de ce visage presque suffisant en des expressions pures et entières.
Je note la question sur mes aveux alors qu’il n’a pas dénié préciser davantage sa pensée vis-à-vis de la mienne. Cela m’arrache un rire léger, pourtant si grave alors que mes yeux se plissent légèrement comme pour l’accuser d’éluder les choses pour tenter de revenir à la charge. Pourtant le sourcil se lève davantage, mes lèvres se muent légèrement pour formuler une réponse. « Est-ce que cela te ferait frissoner davantage si je disais oui ? Ou est-ce que cela gonflerait ton cœur et ton âme entière de savoir que je suis encore sous ton charme ? » Est-ce un aveu supplémentaire de ma part ? une façon de me mettre encore davantage nu face au brésilien alors que mes vêtements ne me couvrent déjà que très partiellement ? Bien sûr. Je n’avais jamais eu honte de mes sentiments, de mes pensées. Gêné légèrement parce que cela pourrait être lourd de conséquences, parce que cela pourrait être embarrassant ? Bien sûr. Mais au-delà de cela, à quoi bon espérer d’avoir la miséricorde d’autrui ? Pour l’instant, il n’y avait pas de miséricorde, seulement une façon de se jauger, de voir ce que l’autre pouvait bien dire ou en l’occurrence faire.
Exaspéré ou exaspérant. A voir. Pourtant ce ton narquois ne fait que renforcer mon intention. « Flipper pour quoi ? » renchéris-je alors en haussant le sourcil avant que ma bouche se retrouve prise d’assaut par la sienne, sentant à quel point, il dévorait mes lèvres, venant les mordre sans aucune douceur, d’une façon presque sauvage. Cherchait-il à se persuader de quelque chose ? Pourtant il semble être réellement déterminé, se dérobant de mon étreinte alors que mon pantalon vient s’échouer à mes pieds et que je vois sa tête disparaître pour se retrouver plus bas.