Allongé dans ce lit, placé au milieu d'une pièce aseptisée et impersonnelle, mon regard est fixé sur le plafond et je remarque bien que ma vision n'est toujours pas totalement revenue car les néons sont flous et ne m'éblouissent pas comme d'habitude. A moins que ce ne soit mon cerveau qui est encore engourdit de la crise que j'ai eu la veille ? Ou alors je mets cela, comme toujours, sur le dos de la fatigue et de ma bien trop longue nuit ? Je n'en sais rien. Je suis absolument et totalement incapable de réfléchir correctement, d'autant plus que, plus j'y pense, plus je me rends compte qu'il n'y a pas que ma vision qui est altérée.
Le pire dans toute cette situation c'est que j'ai des sensations totalement différentes dans mes bras et mes jambes. Et pas des plus agréables. Même si j'essaie de me concentrer sur mes pieds et mes genoux, je suis incapable de les bouger correctement et lorsque j'y arrive je déclenche des crampes musculaires horrible que je n'arrive pas à stopper. Ça fait donc plus d'une heure que je suis réveillé et que je n'ose absolument pas bouger d'un pouce tant la peur de la douleur est inquiétante et présente. De plus, mon bras gauche est comme endormi. Il est, certes, accroché à mon corps et je sais qu'il a toujours été là, mais j'ai l'impression qu'il ne m'appartient pas tant on dirait un bout de viande posé là à mes côtés.
Depuis que Madison a quitté ma chambre, je me sens seul et démuni. Même si en sois ma copine ne peut rien faire et qu’elle a, elle aussi, besoin de se reposer après cette horrible nuit que nous avons passée, j’aurais, égoïstement, aimé qu’elle soit là encore pour quelques heures. Mais à quoi bon lui faire subir cette situation qu’elle ne peut pas changer ? Elle n’aurait été qu’un soutien moral, mais rien de plus.
Prenant une profonde inspiration, je fini par cligner des yeux et soupire en commençant à me redresser… au moment même où la porte ne s’ouvre à nouveau et que mon frère apparaisse dans mon champ de vision. « Abel … ?» soufflais-je en me laissant retomber sur l’oreiller, comme si le simple fait de bouger me demandait un effort surhumain. « Qu’est-ce que tu fais ici ? Comment … ? » je n’en dis pas plus, tant l’émotion m’enserre la gorge et que le simple fait que mon frère me voit dans ce lit décuple ma panique qui ne fait que grandir depuis plusieurs heures déjà.
Est-ce que j’étais essoufflé en rentrant précipitamment au St Vincent’s hospital ? oui. Mais il n’était pas question de running en réalité ; et quelque part, j’aurai préféré. J’étais en train de boire un café comme à mon habitude, en m’allumant une cigarette quand je reçu un message de la part d’Oliver. Mais l’expéditeur n’était pas mon petit frère mais… sa petite amie ? Il faudra qu’on aborde ce sujet quand même. Alors non, je n’allais pas soudainement mettre mon nez dans les affaires de mon cadet mais je voulais quand même savoir ce qui se passait un peu dans sa vie quand même ; c’était mon rôle après tout. Pourtant cette pensée s’effaça bien vite lorsque mes yeux continuaient de lire le message qui m’avait été envoyé. Ecrasant alors ma cigarette sans attendre, j’avalai mon café avant de me lever pour attraper un pull que j’enfilai pour me couvrir et que j’attrapai un bas de survêtement tout en tentant de mettre mes chaussures sans prendre le temps de vraiment les mettre correctement. Attrapant mon paquet de cigarettes, mon téléphone et mes clés, voilà que je filai en direction de ma voiture pour démarrer en trombe et partir vers Toowong. Pourquoi tant d’agitation ? Tout simplement parce que cette fameuse Madison venait de m’indiquer que mon frère était à l’hôpital. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne m’avait pas donné plus d’explication. Qui lâche une telle bombe sans plus d’explication ? Non mais qui fait ça ? J’essayai d’appeler pendant que j’étais en train de rouler mais aucune réponse. « Fais chier ! » maugréai-je alors que je tentais de nouveau alors que je tentais de ne pas m’envoyer dans le décor parce que ma conduite était devenue un peu trop sportive.
Je ne sais pas combien cela prenait pour faire Redcliff – Toowong mais je pense que j’avais sans doute battu un record. Tentant de prendre mon mal en patience alors que je m’engageai dans le parking de l’hôpital, je me garai de façon un peu abrupte avant de sortir du véhicule et me diriger vers la réception. Par chance, il n’y avait personne auprès de la personne qui se trouvait derrière l’imposant mobilier. « Bonjour, je cherche la chambre d’Oliver Oaks. Je suis son grand frère, Abel Greetham. » indiquai-je en fixant le jeune homme qui se trouvait là et qui me regardait d’une façon un peu sceptique. Alors cela devait être fréquent de voir des personnes débarquer à tout allure dans un hôpital mais cela devait quand même faire son effet, quoi qu’on en dise. D’ailleurs, il notait sans doute mon impatience parce que mes doigts s’étaient serrés autour de mes clés, tapotant sur le meuble de façon frénétique alors que je me mordais le bas de mes lèvres. Mon interlocuteur finit par me tendre une ardoise où je devais renseigner quelques informations que je gribouillai d’une façon peu lisible avant qu’il ne m’indique le numéro de la chambre et comment y accéder. Oui j’aurai pu très bien me retrouver dans la direction opposée.
Tentant de ne pas courir, je me contentai de faire quelques grandes enjambées pour rejoindre la chambre. La porte était fermée quand j’arrivai devant, je décidai finalement de l’ouvrir sans attendre, sans prendre le temps de frapper. La vision d’Oliver dans ce lit me glaça le sang. M’approchant alors du lit, celui-ci vint à soudainement réaliser ma présence alors qu’il soufflait mon nom. Me retrouvant auprès de lui, je vins alors me pencher au-dessus de lui, posant mon front contre le sien tout en soupirant de le voir quand même conscient. « Madison m’a envoyé un message. » me contentai-je de dire. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Je tentai de freiner mon angoisse naissante, déglutissant difficilement. Maman, maintenant Oli ? Non, cela ne pouvait pas être possible.
évocation de sang + crise de panique + aiguille + soins médicaux
Madison a contacté mon frère. Comment ? Comment as-t-elle eu son numéro ? Peut-être l’a-t-elle contacté grâce à un des réseaux sociaux ? Malgré tout, je suis soulagé qu’Abel soit maintenant ici, auprès de moi, même si, clairement, son inquiétude est palpable et que ça n’arrange en rien la panique grandissant en moi « Je ne sais pas » soufflais-je en secouant la tête, déglutissant difficilement, lorsqu’il me demande ce qui s’est passé « Ce … j’ai passé une journée trop bizarre hier » je ferme un instant les yeux, essayant de garder une respiration calme et contrôlée « Je… c’est comme si… comme si mon corps ne me répondais plus. Comme si mes muscles viennent de dire un gros fuck à mon cerveau » je pince les lèvres, sentant comment le fait de mettre des mots sur ma situation rendait le tout plus réel encore et combien ça me paniquait davantage encore.
« ça fait une semaine que je ne me sens pas au top de ma forme. Au début c’était comme un début de grippe, genre j’étais persuadé que je couvais un truc de ce genre » je m’humecte les lèvres puis lèves un regard embué sur Abel « Et maintenant je suis là et je… » je ne peux en dire plus car au fur et à mesure que j’avance dans mes explications, ma respiration s’est accélérée. Ayant déjà fait plusieurs crises d’angoisses dans ma vie, je sais exactement comment celles-ci se mettent en place.
Doucement d’abord, elles accélèrent les battements de mon cœur puis les mouvements de mes poumons, comprimant en même temps ma cage thoracique et faisant monter ma tension. Tout cela peut se lire sur le monitor auquel je suis branché, les lumières d’alarmes se mettant à clignoter et les bips sonores se faisant brusquement entendre « Merde. Merde…» grognais-je en coréen entre mes dents serrer alors que me je me redresse brusquement, arrachant en même temps l’aiguille qui se trouvait dans mon bras. Posant ma main sur mon torse, j’arrache les câbles et les électrodes « Je ne peux pas rester ici » parvenais-je à articuler entre deux respirations laborieuse « Je … il … faut que je sorte » si mon cerveau avait été en route, je saurais que c’est impossible, que je serais toute bonnement incapable de seulement me lever, mais ma panique a pris le dessus sur mes pensées et ma réflexion, alors que je retire la couverture, ignorant le sang qui coule le long de mon bras de l’endroit où se trouvait la perfusion il y a encore quelques secondes.
Si l’envie de lui parler de Madison était présente, mes pensées étaient quand même orientées vers Oliver et son état. Je n’étais pas tant familier que cela aux hôpitaux – et quand je m’y retrouvai, c’était rarement pour une bonne nouvelle. D’ailleurs revoir ses murs me rappelait bien trop vite l’état de maman ; si elle avait pu rentrer à la maison, je savais bien qu’il ne lui en restait pas pour longtemps. C’est assez horrible de dire cela mais je restais pragmatique, les médecins avaient été formels sur son état de santé. Alors savoir que mon cadet était à l’hôpital n’augurait rien de bon, surtout que je n’avais encore pour l’instant aucune information sur la raison de ce qui l’avait amené ici, à être admis et branché de la sorte. Inquiétude au niveau maximum…
Fronçant les sourcils face à la description que venait de me faire Oliver, je penchais légèrement la tête alors que j’avais pris un tabouret pour m’assoir à côté de lui. « C-Comment ça ? Tu t’es retrouvé paralysé soudainement, c’est ça que tu veux dire ? » Alors là oui, rien de tel pour rassurer le grand frère que j’étais. C’était quoi cette affaire encore ? Ma nervosité pouvait se voir face aux mouvements frénétiques de ma jambe à cet instant, la bougeant de façon répétée alors que je restais concentré sur mon frère, alors que j’avais posé une main sur son bras. « Il y a quand même une différence entre un début de grippe et ça… » commentai-je alors en me pinçant mes lèvres, laissant mon regard glisser sur le corps étendu de mon cadet en soupirant légèrement. « Les médecins ont dit quelqu- » Je n’ai pas le temps de finir ma question que le moniteur semble s’emballer. Mon regard s’était posé dessus par réflexe pour finalement retomber sur mon cadet qui s’était mis à respirer de façon erratique. Il venait d’arracher les électrodes qui étaient posées sur son torse en tirant sur les câbles, retirer la perfusion. Son juron – car cela ne pouvait être que cela en coréen – m’indiquait d’ores et déjà ses intentions. Voyant qu’il était décidé à se lever pour sortir, confirmé par ses mots, je vins pourtant poser une main sur son torse alors que je glissai mon autre main derrière ses épaules pour le prendre contre moi. « Hep hep là doucement. Tu vas respirer un bon coup. Respire avec moi Ollie. Tu inspires… et tu expires… » Je le gardais contre moi, refusant tout bonnement de le lâcher. La panique se lisait dans son corps, dans ses yeux ; je l’étais tout autant intérieurement mais si on était deux à paniquer, cela n’amènerait à rien, si ce n’est pas à plus de panique. Je pouvais sentir mon corps battre violemment dans ma poitrine pourtant je tentais de respirer calmement pour lui indiquer un rythme sur lequel se caler.
Alors on dit que dans la panique on pouvait décupler ses forces à tout haut point. Mais on peut dire que dans cette position, je savais que j’avais suffisamment de force pour le retenir, encore plus face à son état de santé actuel. Enfouissant mon visage dans ses cheveux, en fermant les yeux, je resserrai un peu plus mes bras autour de lui. « Je suis là Ollie. » soufflai-je alors que par la porte que j’avais laissé ouverte quelqu’un venait de faire son entrée.
« Paralysé » ce mot est aussi flippant que réel. Car c’est bel et bien ce qui m’arrive là, actuellement. Un corps qui ne répond plus aux ordres de mon cerveau est un corps paralysé. Depuis ce matin je n’ai jamais voulu pensé à ce mot tant il rendrait les choses plus réel. Et pourtant, c’est le cas. Et plus j’y pense, plus je me rends compte de toutes les conséquences que ça peut avoir. La danse, ce sera fini pour moi. C’est la première chose qui me traverse l’esprit et c’est ce qui finit de m’achever et de déclencher cette crise d’angoisse.
Dans la panique, je fais n’importe quoi. J’arrache la perfusion et les électrodes, dans le seul but de sortir le plus vite possible de la chambre pour prendre l’air et tout simplement quitter cet endroit qui est bien trop synonyme de mauvaises nouvelles. Mais c’était sans compter sur mon frère qui réagit très rapidement. Me retenant de faire une bêtise qui pourrait avoir de désastreuses conséquences, il m’attrape dans ses bras et me sers contre lui. Je ne sais pas si c’est sa propre respiration calme ou ses mots prononcés sur un ton posé ou simplement la chaleur de son corps contre le mien, mais je parviens assez facilement à m’ancrer à nouveau dans la réalité et à reprendre le contrôle sur mes poumons.
Incapable, cependant, de dire quoique ce soit, je me serre un peu plus contre mon frère, comme je m’accrocherais à une bouée dans une mer déchaînée. Car au, final, c’est ce qu’il a toujours été : un roc qui me permet de me reposer un peu lorsque tout semble aller trop vite. Là, dans les bras de ce protecteur, je ne me rends même pas compte que deux infirmières sont arrivées dans ma chambre, sans doute alertées par le bruit du moniteur qui continue de biper sans cesse. C’est, à contre cœur, que je fini par relâcher Abel et que je m’allonge à nouveau, laissant les professionnelles de santé gérer leur travail.
« un médecin va venir » explique l’une d’entre elles tandis qu’elle fixe la nouvelle perfusion dans ma main. « Je ne suis pas sûre qu’il ait déjà des explications, mais peut-être qu’il répondre à quelques-unes de vos questions » son regard est dirigé vers Abel avant qu’elle ne reporte son attention sur moi « En attendant, il faut vraiment que vous restiez calme » reprend-t-elle en me regardant « ça va aller, d’accord ? Vous êtes entre de bonnes mains » pinçant les lèvres, je hoche faiblement la tête « Je vais aller chercher des draps propres et je reviens » après avoir serré gentiment mon épaule, elle adresse un dernier sourire à mon frère et s’en va.
«La danse c’est fini » soufflais-je finalement, persuadé que je ne retrouverais plus jamais le chemin vers le studio et que mes pieds ne foulerons plus jamais le planché d’une scène.
Intérieurement, je n’étais pas bien, c’était une certitude. Voir Oliver sur un lit d’hôpital n’était pas bon, vraiment pas bon même. A dire vrai, je ne l’aurai jamais imaginé dans pareille situation ; c’est – je pense – profondément humain de se dire qu’on n’espère pas voir celles et ceux à qui nous tenons, allongés de la sorte et branchés à des moniteurs qui bipaient de façon régulière ou s’affolaient dès que des signes inhabituels étaient détectés. Pourtant, je contenais mon angoisse, je contenais mes inquiétudes pour faire face à celle bien plus visibles chez mon cadet qui s’était mis en tête de sortir d’ici. Je n’allais pas lui jeter la pierre ; à sa place, j’aurai sans doute du mal à rester allongé ainsi sans savoir pourquoi. Ou peut-être le savait-il et c’était finalement encore pire. Mais j’avais agi comme le grand frère que j’étais, lui barrant la route pour éviter qu’il ne s’enfuît à tout allure en lui offrant une étreinte solide et chaleureuse dont j’avais le secret. Ce n’était pas la première fois que j’étais témoin de pareilles crises chez Ollie. Et c’était le seul moyen que j’avais trouvé pour le calmer un peu. Sentant qu’il me rendait mon étreinte, j’assurai davantage ma prise sur lui, restant pour le coup silencieux, tentant de lui fournir une respiration calme et profonde afin qu’il puisse apaiser cette tourmente qui devait tourbillonner dans son esprit.
Ce ne fut que lorsque j’entendis une voix derrière moi que je relevai la tête pour fixer la – ou plutôt les personnes qui venaient de faire leur entrée. Lâchant alors mon frère avec un peu de mal, je me tournai finalement vers les deux infirmières dont l’une qui ne tarda pas à me fournir quelques explications. Pinçant mes lèvres, je regardai alors Oliver qui s’était finalement rallongé, laissant l’autre infirmière venir reposer les capteurs et la perfusion. « Merci. » me contentai-je de dire avec un petit signe de la tête alors que je décidai de me rassoir sur le tabouret duquel je m’étais précipitamment levé.
Pourtant les mots d’Ollive vinrent me faire froncer les sourcils, alors que je venais poser ma main sur son avant-bras. « Qu’est-ce que tu racontes ? Pourquoi la danse serait finie pour toi ? » Si mon frère venait soudainement à avoir des idées noires, cela n’allait décemment pas arrenger les choses.
Fort heureusement que mon frère est là. Ça fait une semaine que nous nous sommes retrouvés et pourtant, lorsqu'il me prend dans ses bras pour me calmer, c'est comme si nous ne nous étions jamais quittés Il est là, présent pour moi, peu importe la situation. Ses bras ont ce petit quelque chose de rassurant et j'ai tôt fait de me calmer, allant jusqu'à me recoucher et laisser les infirmières gérer le reste. Lorsqu'elles s'en vont, pourtant, mes pensées deviennent à nouveau noires et, sans que je ne sache pourquoi j'annonce que la danse, ce sera fini pour moi, choquant mon frère au passage.
Le ton sur lequel il s'adresse à moi après avoir entendu ma plainte, montre bien à quel point il désapprouve mes paroles. « J'en sais rien » soufflais-je en posant ma main droite sur mon front après avoir tenté de bouger la gauche qui ne me répond absolument pas. « Je n'ai pas envie que ce soit finie, mais… je ne sais pas ce qui m'arrive. Je ...» je pince les lèvres, déglutissant comme si je pouvais, ainsi, ravaler mes larmes « quand j'y pense, il y avait tellement de signes avant-coureurs auxquels je n'ai pas fait attention putain» je pince les lèvres pour éviter qu'elles ne tremblent et je secoue la tête « Quand j'ai dansé pour toi, au cours, j'étais loin d'être coordonné, j'ai fait de la merde. Et hier, je m'éclatais la gueule sur le sol en trébuchant sur mes propres pieds » malgré moi, les larmes commencent à couler « Et la fatigue... je suis crevé. Je pourrais dormir 15h par jour et quand même encore manquer d'énergie » je ferme les yeux et me passe les dos de la main sur les yeux pour essuyer les larmes « Je ne sais pas ce qui se passe et j'ai peur. »
Si ce n'est pas la première fois que j'ai des soucis physiques, je dois avouer que je n'ai jamais rien ressenti de tel. Entre la paralysie de mon côté gauche qui s'est brusquement installée et la vue qui n'est revenue qu'à mon arrivé à l'hôpital, je suis incapable de savoir ce que je pourrais avoir « J'ai 28 ans, putain, je ne peux pas avoir fait un AVC à cet âge-là, je ...» Je me fige brusquement, me rappelant soudainement avoir découvert au courant de la semaine passée, que mon père biologique est décédé d'une rupture d'anévrisme au début d'année. Ce pourrait-il que j'ai des prédispositions pour le coup ? « Mon père est mort » annonçais-je subitement, me rendant compte que je n'ai jamais dit à mon frère que j'ai été appelé chez le notaire il y a trois jours « J'ai une demi-sœur ...» Reprenais-je dans un souffle, ne pouvant toujours pas croire l’existence de Nephtys Sharp.
Bien que je n’aimerai pas que ce soit dans pareille situation, je devais bien avouer que le fait de tenir Oliver de la sorte contre moi me rappelait ô combien de fois, j’avais pu être un grand frère pas trop mauvais. Cela faisait tout au plus une semaine que nous nous étions retrouvés, qu’on s’était expliqué et pourtant, c’était comme si on ne s’était jamais quitté quand on était ensemble, enfin c’était l’impression que j’en avais personnellement. D’ailleurs, je crois que cette place m’avait manqué. Alors oui, j’avais peut-être bien construit ma vie, ma carrière, je faisais ce que j’aimais mais il n’en restait pas moins que mes frères tenaient chacun une place particulière dans mes pensées. Alors comprenez bien qu’en voir un à l’hôpital, ce n’était pas l’une des choses à laquelle je m’attendais.
Tout en écoutant Oliver se confier à moi, le laissant exprimer tout ce qu’il pouvait penser ou ressentir, je passais ma main sur son avant-bras comme une douce caresse pour tenter de l’apaiser même si je comprenais sans mal tout ce qui l’assaillait à cet instant précis ; enfin je ne le vivais pas mais j’imaginais sans mal dans quel état je pourrai être si je voyais que mon corps était en train de me lâcher peu à peu, que je n’avais plus aucun contrôle dessus, que je me retrouvais comme… prisonnier de celui-ci. Pourtant, je n’allais pas en rajouter davantage, je n’allais pas le faire angoisser encore un peu plus à lui partager mes hypothétiques ressentis. L’important, c’était de se concentrer sur lui et regarder vers l’avant. « Ecoute, c’est normal d’avoir peur. Je serais le premier flippé si cela m’arrivait. » Est-ce que j’avais dit que je ne voulais pas l’inquiéter pourtant ? Néanmoins, j’avais compris l’image qu’Oliver s’était fait de moi avec le temps, j’étais son héros comme il aimait me le dire si souvent. Alors quoi de mieux quand votre héros vous dit qu’il peut avoir les mêmes sentiments que soi ? Levant la main, je venais essuyer les larmes qui roulaient sur ses joues. « Attendons de voir ce que le médecin dira. » dis-je pour tenter d’apaiser les choses, enfin s’il arrivait assez vite.
« Tu… ? » demandais-je voyant qu’Oliver avait arrêté brusquement sa phrase. Les sourcils froncés, ceux-ci s’élevèrent lorsque je l’entendis évoquer la mort de son père biologique. C’est vrai que nous en avions jamais parlé à l’époque. Pourtant l’annonce du fait qu’il avait soudainement une demi-sœur me fit grogner étrangement. Je savais que cela avait été quand même dur pour mon cadet. Certes, nous n’avions pas parlé parce que nous n’étions pas forcément en âge de tout appréhender au début mais avec les années, les choses avaient quand même évolué et pas forcément dans le bon sens.
Est-ce que tout ceci n’avait pas rajouté un peu trop sur les épaules de mon petit brun ? « Tu veux m’en parler davantage ? » proposai-je.
Dernière édition par Abel Greetham le Sam 11 Mar 2023 - 1:03, édité 1 fois
Attendre. Voilà ce qu'il faut faire maintenant. Je n'ai, de toute manière, pas d'autre choix, car je sens que je risque d'être confiné dans ce lit pendant un long moment. Autant donc commencer par accepter et apprendre ce qui n'a jamais été et qui ne sera sans doute jamais mon fort : la patience. J'ai toujours détesté cela, j'ai l'impression de perdre mon temps dès que j'attends quelque chose et j'ai vraiment horreur que les choses ne viennent pas tout de suite. Je sens que les prochains jours vont être horribles et si cette situation s'éternise, je n'ose même pas imaginer quel sera l'état de ma santé mentale.
Fort heureusement, je sais que je pourrais au moins compter sur le soutien d'Abel et de Madison, et ça, c'est tout ce que je demande finalement. Même si je n'ai renoué avec mon frère qu'une semaine auparavant, c'est, au final, comme si nous ne nous étions jamais quittés. Il me l'a bien prouvé là, en calmant une crise d'angoisse avant que celle-ci ne se déclenche réellement. Et je dois avouer être un petit peu rassuré lorsqu'il me dit que lui aussi flipperait s'il était à ma place. Abel reste un humain et un humain est loin, très loin, d'être infaillible. Alors même si j'ai longtemps eu cette tendance à mettre le danseur sur un piédestal, je me rends réellement compte aujourd'hui que ses faiblesses sont là et bien réelle « Tu as raison » soufflais-je en hochant doucement la tête, résigné « On n'a pas le choix que d'attendre » je ferme un instant les yeux en déglutissant « Et, tu sais combien j'aime attendre ... » Soufflais-je en secouant la tête. Combien de fois est-ce qu'il incombait à Abel de me retenir lorsque je voulais aller trop vite ? Non seulement lors d'entraînement, mais aussi dans la vie de tous les jours. Est-il prêt à assumer cela à nouveau maintenant ? Secrètement, je l'espère.
Finissant toutefois par changer de sujet, j'annonce abruptement la mort de mon père biologique et la découverte, 28 ans plus tard, que j'avais une grande demi-sœur de 6 ans mon aînée. C'est, à la réaction d'Abel, que je me prends en pleine gueule le fait que nous n'avons jamais réellement parler de tout ce que j'avais vécu avant mon adoption non-officielle. En vrai, la question ne s'est jamais réellement posée, tant j'ai été accepté par les Greetham sans aucune hésitation. Et comme je n'ai jamais été quelqu'un de trop fixé dans le passé, nous l'avons, d'un commun accord, laissé là où il était pour nous concentrer sur le présent et le futur.
« Est-ce que j'ai envie d'en parler un peu plus en détail ? » Voilà la question que mon frère me pose. Et la réponse n'est pas forcément des plus évidentes. Oui, j'ai envie d'en parler, ne serait-ce que pour me soulager d'un poids. Mais est-ce que ça servirait réellement à quelque chose ? Est-ce que ça changerait quoi que ce soit ? Je prends une profonde inspiration. « J'ai eu un appel du notaire deux jours après qu'on se soit revu parce que l'héritage de mon géniteur a été ouvert et que mon nom y figure dessus » je pince les lèvres « première nouvelle étonnante : il n'a jamais voulu me reconnaître, alors pourquoi me faire hérité de la moitié de sa maison ? Alors qu'il a une épouse et une fille ? » je secoue doucement la tête « Nephtys a envie de vendre la maison et j'ai donc dû donner officiellement mon accord, alors que la réponse était, en vrai évidente, tant je n'ai absolument aucune attache » je soupire doucement « En plus de ça j'ai hérité d'une sacré sommes d'argent et… bref, c'est là que j'ai rencontré Nephtys et je n'ai absolument aucune idée quoi penser d'elle » je pince les lèvres « Elle ne m'a pas l'air méchante, elle était même très avenante, mais ... je ne sais pas si j'ai envie d'apprendre à la connaître » je baisse le regard sur la couverture « Et en même temps, j'ai toujours eu cette envie d'en savoir un peu plus sur le côté biologique de mon passé. Il ne m'a jamais reconnu, mais quelque part, j'ai envie de savoir comment il était. Je ... » je me passe la main sur le visage, me frottant les paupières « J'en sais rien » reprenais-je faiblement, la fatigue me gagnant brusquement.
Je ne peux m’empêcher de retenir un rire marqué face à la réflexion de mon cadet. Un rire qui restait doux, loin d’être moqueur, bien au contraire. « Je n’ai pas besoin de te rappeler que tu prêches pour un convertir, moi et ma patience relative. » dis-je alors en penchant légèrement la tête alors que mes lèvres conservaient ce sourire en coin qui ne me quittait jamais trop longtemps. Il faut dire que je n’étais pas d’un tempérament patient ; alors je pouvais me contenir ou distordre suffisamment la notion du temps qui était mienne pour voir les choses d’une façon passionnée. J’avais appris au cours de ma carrière notamment que le temps n’était pas une chose immuable. Elle était une notion qu’on partageait tous et pourtant on le ressentait très différemment. Par exemple, je ne voyais pas le temps passer lors des spectacles, en revanche, face à une situation où je me retrouvais en position passive à attendre que quelque chose se finisse sans que j’en ai le contrôle, c’était une tout autre histoire. Enfin tout cela pour dire qu’au final, j’étais quelqu’un de peu patient.
Cependant mon côté enjoué vint à quitter mes traits alors que je me reprenais une expression plus sérieuse face à la situation. Oui, là il était plutôt question de parler de ce qui constituait quand même à mes yeux tout un morceau de la vie de mon frère, même s’il ne l’avait pas vraiment vécu. Cela faisait partie de lui, quoi qu’on puisse en dire et je n’allais pas lui demander de renier cela, au contraire, il fallait sans doute qu’il explore cela davantage, du moins s’il le voulait. Mais savoir d’où nous venons était quelque chose de primordiale à mes yeux afin de pouvoir se construire.
Hochant de la tête face à sa question, je l’écoutais quand même avec attention pour ne rater aucun détail. Cela me surprit également de savoir qu’il avait été contacté par le notaire qui s’occupait de la succession. « Peut-être un sentiment de culpabilité ? » tentais-je alors en haussant les épaules. Qui sait ce que peut bien penser quelqu’un qui arrive sur son lit de mort ? « D’un autre côté, tu restais son enfant… j’avoue que je ne suis pas la meilleure personne à consulter si c’est pour comprendre le droit des familles… » tentai-je quand même pour essayer d’apporter un peu d’humour et rendre cela moins pesant. Cependant, l’évocation de cette demi-sœur m’intriguait quand même. Ce n’est pas tous les jours qu’on apprenne qu’on a de la famille de sang.
Le voyant hésité, je restais pour l’instant silencieux, le laissant poursuivre. Je le voyais dans un profond dilemme : d’une part, il y avait son envie d’en savoir davantage sur celui qui aurait pu devenir son père comme papa l’avait fait pour lui et d’un autre, il n’avait pas forcément envie d’apprendre à connaître cette sœur qui avait pu profiter de cet homme qui lui était parfaitement inconnu. « Tu sais Ollie, tu n’es pas obligé de voir cela de façon aussi binaire. Tu peux très bien la voir ou même voir les affaires de ton père pour en apprendre davantage. Si tu veux mon avis, fais ce qui te semble faire le plus sens pour toi, ne te force pas trop, surtout en ce moment. »
Les paroles de mon frère me font comprendre qu'en vrai le manque de patience, c'est un truc de famille. La seule qui avait un minimum de patience, c'était ma mère adoptive. En même temps, avec quatre hommes autour d'elle, il fallait que ce soit le cas. Dans tous les cas, Abel, comme moi, a toujours détesté attendre, bien qu'il ait la maturité de l'âge où il ne se pose plus autant de questions que moi et où il ne se laisse pas aussi facilement stresser. « on verra bien» concluais-je finalement cette conversation,
Toutefois, nous n'en avons pas fini avec les confidences, car, de but en blanc, j'annonce à Abel que mon géniteur est décédé et que je figure sur son testament et donc son héritage. Si, en soit, je n'ai jamais craché sur l'argent, je viens à me poser un grand nombre de questions sur le pourquoi du comment je me retrouve dans cette situation alors que l'homme qui m'a engendré n'a jamais daigné me contacter, perdant très rapidement son droit parental. Apprendre, en plus que j'ai une demi-sœur est quelque chose qui me semblait jusqu'à présent inconcevable et pourtant Nephtys est bel et bien réelle. Abel tente maladroitement de trouver une raison pour tout cela, arguant avec le fait que l'homme aurait pu se sentir coupable d'une certaine manière et que, dans tous les cas, je restais son enfant.
Sans que je ne le veuille, je sens mes boyaux se tordre à cette phrase. Pendant 28 ans, je me suis fait à l'idée que mon père biologique ne voulait pas de moi, et pourtant, je me rends compte que je n'ai jamais réellement accepté cette idée. Et maintenant je ne pourrais plus jamais y remédier. Déglutissant difficilement, je me mordille l'intérieur de la joue et soupire en haussant les épaules «C'est possible » soufflais-je faiblement, tournant légèrement la tête vers Abel lorsqu'il reprend.
Il me dit, mature, que je ne suis pas obligé de le voir de façon aussi binaire et que je doive faire ce qui est le mieux pour moi. « Justement Abel, c'est là le problème : je ne sais PAS ce qui est le mieux pour moi maintenant » je secoue la tête « Si je n'étais pas ici, je pense que j'aurais pris le temps de lui parler, mais ça maintenant ça change tout » pourquoi ? En quoi être hospitalisé changeait tout ? Je n'en sais rien. Peut-être que j'imagine, inconsciemment, que je n'en sortirais pas indemne et que je n'aimerais pas être un boulet pour cette demi-sœur qui mériterait un frère en bonne santé ? Je sais que c'est totalement idiot comme raisonnement, mais je n'y peux pas grand chose.
Dans un soupir, je ferme les yeux et me masse le front avec mon pouce et mon index « J'espère qu'on aura des réponses rapidement parce que je sens que je ne vais pas supporter ce lit très longtemps » je grimace légèrement « et qu'ils trouvent une solution pour cette migraine qui ne me fou plus la paix depuis trois jours » et qui me rend nauséeux en plus, ajoutais-je pour moi-même au moment où la porte s'ouvre à nouveau sur un médecin flanqué de toute une équipe qui semble être tous les internes. J'avoue que ça ne me rassure pas des masses, car en général, ce sont les cas les plus intéressants médicalement parlant (et 'grave' pour le langage courant) que les médecins en chefs montrent aux étudiants, non ? En-tout-cas, exactement ce qui me traverse l'esprit lorsque je vois la tête de tous ces jeunes.
M’approchant alors de son lit, je posais l’un de mes bras dessus alors que l’autre venait servir d’appui pour ma joue que je posai dessus tout en fixant mon petit frère. « En quoi le fait d’être hospitalisé actuellement t’empêche de lui parler ? » demandai-je alors que je levais finalement l’une de mes mains pour dégager les cheveux qui tombaient sur son visage. « Même si nous avons été éloignés pendant six années, je pense pouvoir dire, sans me tromper, que tu m’aurais trouvé une autre excuse avant de te jeter à l’eau pour parler plus longuement à cette Nephtys. » dis-je alors en secouant la tête de haut en bas comme pour soutenir mes mots. « Rien ne t’empêche de lui parler et de voir ce qu’il se passe. Ce n’est pas comme si cela gravait à jamais dans le marbre quoi que ce soit. C’est une discussion, Ollie pas un engagement. » soulignai-je pour lui rappeler que discuter avec cette femme qui était sa demi-sœur ne promettait en rien quelque chose de concret et immuable dans le futur. J’essayai de le faire relativiser, de prendre un peu de recul sur la situation tant je le voyais perdu.
Acquiesçant de la tête, je ramenai mes bras contre moi, posant mes mains sur mes épaules alors que j’avais posé ma tête sur ces derniers. « Je l’espère aussi. » Histoire au moins de savoir où nous allions. Comment ça nous ? Bien sûr, je n’allais pas laisser Ollie vivre cela tout seul et même si cela ne faisait qu’assombrir quelque peu mes idées, cela me permettait de me concentrer sur autre chose sachant que les dés n’étaient pas jetés pour lui, contrairement à maman. Cette pensée m’arracha d’ailleurs une grimace alors que j’entendis la porte s’ouvrir. Tournant la tête, la surprise me gagna quand je constatais que le médecin qui devait venir n’était pas seul. J’aurai préféré. Vraiment préféré car cela n’était clairement pas bon signe. Me redressant, je finissais même par me lever pour regarder cet attroupement de professionnels de santé.
« C’est grave, docteur ? » demandai-je alors de but en blanc. Je ne voulais pas qu’on me ménage, je voulais la vérité. Ce serait plus facile à gérer. Enfin, je crois.
Je soupire doucement lorsque mon frère retire une mèche de cheveux qui me barre le front tout en me demandant ce que le fait d'être hospitalisé changeait à ma situation avec celle qui partage mon sang. « J'en sais rien » soufflais-je finalement en secouant la tête « C'est trop compliqué et trop confus dans ma tête. J'arrive pas à réfléchir correctement » de toute manière, je n'ai pas, clairement, pas l'esprit à la réflexion actuellement « Je pense que ça peut attendre encore un peu. Le temps que tout ça, ça s'arrange»
De toute manière, je ne peux rien faire ou dire de plus que la porte s'ouvre à nouveau, laissant entrer tout un groupe de blouse blanche. Un coup d’œil à mon frère me fait comprendre que lui non plus n'en mène pas large et que ça ne le rassure pas non plus d'être confronté à autant de personnes. Sans même attendre que le médecin en chef ne prenne la parole, mon frère demande directement si c'est grave. Les quelques secondes que l'homme met pour lire la feuille qu'il tient en main, me semblent être des heures et lorsqu'il prend la parole son ton est bien trop neutre pour que ce soit une bonne nouvelle.
« Nous n'en savons encore rien » répond-il finalement en relevant mon regard sur Abel « La prise de sang ne montre rien et les radios non plus. Donc on sait déjà que ce n'est pas une quelconque fracture qui cause cette paralysie et donc les chances qu'elle ne soit que passagère sont très grandes » je laisse échapper un petit soupire. C'est déjà une bonne chose, ça. « On aimerait quand même bien vous garder quelques jours, histoire de vous faire passer quelques tests en plus. » Reprend-il avant de se tourner vers la jeune interne à sa gauche « IRM cérébrale et du rachis, ponction lombaire, scintigraphie et échographie » qu'il énumère alors que j'échange un coup d'oeil paniqué avec mon frère « A... Attendez ! Vous avez dit IRM Cérébral ? » Demandais-je d'une petite voix « Vous ... Vous pensez que ... » « Ce n'est que pour mettre toutes les chances de notre côté et pouvoir vous donnez un diagnostique rapidement » me coupe-t-il la parole avant de lever le visage de son calepin « Votre vision est complètement revenue ?» me demande-t-il brusquement si bien que j'ai besoin de quelques instants avant de répondre « je ... Euh... Oui. Oui totalement » répondais-je «Enfin, vous êtes encore un petit peu flou, mais c'est mieux qu'hier » ajoutais-je pour plus de précisions « Hm, ok...Bon, vous allez rester chez nous pour quelques jours encore, le temps qu'on vous fasse tous les test et je reviendrais vers vous lorsque j'en saurais plus, ok ?» son regard passe de mon frère à moi tandis que je hoche doucement la tête « D'accord ...» Confirmais-je dans un souffle. Satisfait, le médecin nous adresse un sourire « jusque-là vous restez allongé et vous ne bougez pas. Allez, bonne journée !»
Et, sans plus attendre si nous avons une quelconque question, il se détourne et tout le groupe le suit, refermant la porte derrière eux. «Ce n'est pas bon » soufflais-je en secouant la tête « C'est vraiment pas bon putain » au lieu de me rassurer, cette visite médicale n'ouvre que plus de questions encore.
J’aurai aimé rajouter quelque chose, mais l’arrivée du médecin – et de ses suivants – vint nous interrompre. L’heure fatidique était tombée et je n’avais en rien ménagé mes propres interrogations pour le coup, demandant de but en blanc qu’en était-il de son état. Je n’aimais pas spécialiste avec le jargon médical spécialité bac +15 mais bon j’espérai que le médecin serait parfaitement en mesure de nous transmettre l’information ou du moins la raison pour laquelle mon cadet se trouvait soudainement alité dans cet hôpital. Cependant, ses premiers mots me firent grimacer. Rien qu’à ma tête, il était facile de comprendre qu’intérieurement je disais quelque chose comme ET MERDE !. Pourtant hors de question de pousser pareils jurons, préférant attendre la suite. Bon déjà rien de traumatique manifestement et rien dans la circulation systémique. Donc rien qui ne touchait le système cardio-vasculaire ou gastro-entérique. Quoi je n’étais pas familier avec la spécialité mais en tant que danseur et sportif, j’avais dû suivre quand même quelques cours de biologie. Cependant la suite n’était guère rassurante, fronçant les sourcils, Oliver me devança bien vite. Posant un regard sur lui, je vins poser ma main sur son avant-bras pour tenter de le rassurer. Bon jusqu’à là… d’accord. Pas de panique, cela ne sert à rien de paniquer Abel. Pourtant lorsqu’il fut question de sa vue, je tournai de nouveau mon visage vers mon frère, l’interrogeant alors quelque peu du regard. Comment ça sa vue ? Pinçant mes lèvres, je restais silencieux, attendant que les échanges se finissent entre le médecin et son patient. Pas besoin d’en rajouter une couche non plus et de perturber les communications qui semblaient d’ores et déjà compliquées à en juger de la façon dont le médecin venait de tourner les talons pour finalement partir sans demander si nous avions des questions. Bonjour l’égard…
Je retournais m’asseoir vers Ollie. « Des soucis de vue ? » lui demandais-je alors afin de comprendre finalement tout ce qui s’était passé hier et surtout histoire d’être au courant de tout ce qui s’était passé.
Poussant un profond soupire, je regardai alors par la fenêtre de la chambre avant de rapporter mon attention sur mon cadet. « Tant qu’on ne sait pas, pas besoin de se faire davantage de mouron. Tu ne crois pas ? Et puis au moins, tu vas en profiter pour prendre du repos. Manifestement c’est ce qu’il te faut et… là tu n’as pas le choix. » On pouvait entendre à ma voix que j’étais intransigeant sur la question. Je m’inquiétais pour lui mais il devait être encore plus paniqué alors tentons de se montrer comme le plus mature dans cette affaire même si intérieurement, je n’étais pas au mieux. « Ce serait peut-être l’occasion d’avoir une entrevue avec Nephtys ? Au moins, cela te permettrait de penser un peu à autre chose, non ? »
Le médecin est parti aussi rapidement qu'il n'est arrivé emportant avec lui toutes les questions que je me pose. Je sais qu'ils ont du travail et que les patients ce n'est pas ce qui manque ici, mais quand même ! Il aurait pu rester une ou deux minutes de plus le temps que je lui fasse part de mes interrogations, non ? En vrai, ça n'aurait rien changé, car au final, ils ne sont pas forcément plus avancés et n'ont pas d'avantage de réponses à nous donner. Je ne peux, toutefois, pas empêcher quelques injures de panique sortir de ma bouche lorsque la porte se referme, me confondant dans l'idée que tout cela n'est pas bon et que ça n'annonce rien qui vaille.
La première chose sur laquelle rebondie mon frère, c'est le fait que le médecin ait parlé de ma vision et je dévie rapidement le regard, pinçant les lèvres. « C'est arrivé hier dans l'ambulance, pendant quelques minutes tout est devenu noir et je ...» je déglutis, sentant la panique remonter à la simple idée de repensé à ce moment « enfin, c'est revenu donc ça ne doit pas être trop grave hein » on se rassure comme on peut, alors que dans le fond je suis de plus en plus persuadé que tous ces signes ne sont que le début d'une très longue errance médicale.
Mais Abel a raison : tant que nous ne sommes pas au clair sur le diagnostique, il ne sert à rien qu'on se fasse du mouron et la seule chose que je peux faire maintenant, c'est me reposer. Et en profiter pour reprendre contact avec Nephtys ? Je relève mon regard sur le danseur et essaie de voir s'il y a une quelconque ironie dans son regard ou ses traits, mais il semble absolument sérieux. « Donc tu ...tu crois vraiment que je devrais la contacter ...» Soufflais-je. Ce n'est pas une question, mais plus une affirmation : Abel semble être au clair avec sa pensée. « Tu le ferais, toi ? Je veux dire, si tu étais à ma place... ? » s'il me dit que oui, alors je pense que la balance penchera plus vers le contact que vers la fuite. S'il hésite ne serait-ce qu'une fraction de seconde, je pense que je choisirais la fuite. Plus j'y pense, plus je me rends compte à quel point c'est un déchirement à l’intérieur de moi et combien le fait de ruminer encore et encore ces questions ne font qu'accentuer mon mal de crâne.